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De la réinsertion à  la prévention de la récidive:quel processus de professionnalisation pour les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation

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par Yann COUZIGOU
Conservatoire national des arts et métiers - Master de recherche travail social, action sociale et société 2011
  

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CNAM

Conservatoire National des arts et métiers

Chaire de travail social

et Intervention Sociale

Master de recherche
Travail social, action sociale et société

De la réinsertion à la prévention de la récidive : quel

processus de professionnalisation pour les Conseillers

Pénitentiaires d'Insertion et de Probation ?

Année :

2011

Yann COUZIGOU

Remerciements

Je tiens à remercier chaleureusement Monsieur MALOCHET pour sa disponibilité, son attention exigeante et ses précieux conseils méthodologiques sans lesquels ce travail n'aurait pas vu le jour.

Je tiens à saluer mes collègues qui ont accepté de répondre à mes questions ainsi que les organisations rencontrées qui ont éclairé mon propos.

Je remercie particulièrement Jean-Claude pour son infinie patience, son soutien, sa compréhension et ses précieuses corrections.

Enfin je tiens à saluer mes amis qui m'ont soutenu et compris dans cette aventure humaine et intellectuelle malgré mon manque de disponibilité pendant deux ans.

Sigles et abréviations

AP Administration Pénitentiaire

ARSE Assignation à Résidence sous Surveillance Electronique

ARSEM Assignation à Résidence sous Surveillance Electronique Mobile

AFC Association Française de Criminologie

CFDT-Interco Confédération Française Démocratique du Travail-Interco

CIP Conseiller d'Insertion et de Probation

CPIP Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation

DAP Direction de l'Administration Pénitentiaire

ÉNAP École Nationale d'Administration Pénitentiaire

JAP Juge de l'Application des Peines

PPSMJ Personnes Placées Sous Main de Justice

PPR Programme de Prévention de la Récidive

PSE Placement sous Surveillance Electronique

PSEM Placement sous Surveillance Electronique Mobile

SEFIP Surveillance Electronique Fin de Peine

SNEPAP FSU Syndicat National de l'Ensemble des Personnels de l'Administration

Pénitentiaire- Fédération Syndicale Unitaire

SPIP Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation

UGSP-CGT Union Générale des Services Pénitentiaires- Confédérations Générale

du Travail

Sommaire

Remerciements 3

Sigles et abréviations 4

Sommaire 5

Introduction générale 7

Première partie : Les CPIP dans un contexte d'évolutions politiques, législatives et institutionnelles

constantes 24

Introduction de la première partie 26

Chapitre 1 : La création des SPIP dans un contexte de remise en cause du travail social 27

Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques pénales en profondes mutations 32

Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation 38

Chapitre 4 : Genèse d'un changement de nom 46

Conclusion de la première partie 53

Deuxième partie : Les traductions structurelles de ces évolutions 55

Introduction de la deuxième partie 57

Chapitre 5 : Une organisation des services profondément modifiée 58

Chapitre 6 : Un discours de légitimation de ces évolutions porté par l'Administration Pénitentiaire

65

Conclusion de la deuxième partie 75

Troisième partie : Des pratiques professionnelles en mutation 77

Introduction de la troisième partie 79

Chapitre 7 : Savoirs d'action et autonomie professionnelle 80

Chapitre 8 : Des professionnalités et des savoirs émergeants 87

Conclusion de la troisième partie 98

Quatrième Partie : Un groupe professionnel invisible ? 100

Introduction de la quatrième partie 102

Chapitre 9 : Une non adhésion au nom de CPIP 103

Chapitre10 : Une socialisation professionnelle problématique 110

Conclusion de la quatrième partie 125

Conclusion générale 128

Tables des matières 136

Bibliographie 139

Annexe 1 : L'échantillon 150

Annexe 2 : La grille d'entretien 154

Annexe 3 : Le mouvement de 2008 dans la presse écrite 160

Annexe 4 : Le statut des CPIP 165

Annexe 5 : Le Code de déontologie pénitentiaire 169

Annexe 6 : Les programmes de prévention de la récidive 178

Annexe 7 : Le projet de nouvelle organisation des SPIP 184

Introduction générale

La question de départ

Les Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (SPIP) prennent en charge l'ensemble des mesures de justice en milieu fermé, c'est-à-dire en détention, comme en milieu ouvert : les peines alternatives à l'incarcération, les aménagements de peine, les contrôles judiciaires et depuis peu, les mesures de süreté. Ces services, dépendant de l'Administration Pénitentiaire, ont été récemment médiatisés lors de l'affaire dite « de Pornic»1, en janvier 2011 : une jeune femme y a été sauvagement assassinée par une personne, placée sous main de justice et récemment sortie de détention sans suivi effectif par le SPIP à l'extérieur. Les médias nationaux ont largement relayé les difficultés rencontrées par ces services face à la surcharge de mesures engendrées par les différentes politiques pénales passées et présentes. La mise en cause publique par le Gouvernement de l'action des Juges d'Application des Peines de la juridiction nantaise et des Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (CPIP) a créé un mouvement2, unique à ce jour, de l'ensemble des personnels de justice, des magistrats aux agents administratifs, mouvement qui s'est poursuivi dans les SPIP une partie de l'année 2011. Ce fait divers a surtout, à notre sens, confirmé de manière criante le manque de visibilité de l'action des SPIP aux yeux du grand public, malgré leur rôle charnière au sein de la Justice Pénale, rôle réaffirmé par la loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009.

1

« Tony Meilhon, avait été condamné à 6 mois de prison ferme et à 18 mois de « sursis avec mise à l'épreuve » pour « outrage à magistrat » à l'audience. Ce multirécidiviste de 31 ans avait déjà accumulé 13 condamnations, dont une pour le viol d'un codétenu. Mais le SPIP de Nantes n'a pas affecté cette mesure de mise à l'épreuve non prioritaire pour ses services. Sorti de prison en février 2010, il n'avait jamais été convoqué. Le suivi médical, que lui avait imposé le juge, n'a donc jamais été mis en place non plus. Côté policier, l'homme, sans adresse fixe, n'avait pas répondu aux convocations pour son identification au fichier des délinquants sexuels, et il avait été simplement inscrit au fichier des personnes recherchées ». Source Le Figaro consultable http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/01/27/01016- 20110127ARTFIG00723-pornic-le-recidiviste-n-etait-plus-suivi-par-la-justice.php

2

« C'est de Nantes qu'est partie la révolte, après des propos de Nicolas Sarkozy, le 3 février à Orléans, promettant des sanctions à l'encontre des responsables de "dysfonctionnements graves" des services de police et de justice dans le suivi du meurtrier présumé de Laëtitia Perrais à Pornic (Loire-Atlantique). Les magistrats n'ont pas supporté cette mise en cause avant même que soient connus les résultats des inspections en cours et alors qu'ils tirent, depuis des années, la sonnette d'alarme quant au manque de moyens de la justice ». Source Le Point consultable au http://www.lepoint.fr/societe/lesmagistrats-battent-le-pave-10-02-2011-1293763 23.php

Cette Loi, intégrant en partie les recommandations édictées par les Règles Pénitentiaires Européennes3, consacre le principe du caractère exceptionnel de l'emprisonnement, le déploiement massif de la surveillance électronique, et des aménagements de peine et la généralisation des programmes de prévention de la récidive. Elle s'inscrit dans la continuité de réformes d'envergure comme la juridictionnalisation de l'Application des Peines en 2004, la mise en oeuvre des peines planchers en 2007 et la création de nouvelles mesures de süreté en 2008. Les missions d'accompagnement social des CPIP sont amenées à être confiées à d'autres professionnels et leurs missions recentrées sur la prévention de la récidive, sur la base d'un diagnostic à visée criminologique et de méthodologies d'interventions nouvelles : les programmes de prévention de la récidive. En 2008, un mouvement social4 avait cristallisé un malaise latent des CIP, face aux prémisses de ces évolutions majeures, et entraîné une revalorisation indiciaire accompagnée d'un changement de nom.

Depuis le 1er janvier 2011, les Conseillers d'Insertion et de Probation s'appellent désormais Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation.

De surcroît, les SPIP n'ont jamais été confrontés à un nombre aussi conséquent de personnes à suivre. Au 1er juillet 2011, la France comptait 73 320 personnes sous écrou, dont 64 726 détenus, contre 49 718 et 49 342 dix ans plus tôt (soit + 47,5 % et + 31,2 %). Au 1er juin 2011, il n'y a jamais eu autant de détenus dans les prisons françaises (64 971). Au total, les CPIP sont au contact, au 1er janvier 2011, de 239 997 personnes condamnées à des mesures de justice.

Les mesures, en milieu ouvert, sont en constante augmentation depuis 1999. Au 1er janvier 2011, 173 022 personnes étaient suivies en milieu ouvert contre 123 492 en 2005, soit une augmentation de 28,6%.5

3 « Adoptées pour la première fois en 1973, révisées en 1987, puis en 2006, les règles pénitentiaires européennes

visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des États membres du Conseil de l'Europe et à faire adopter des pratiques et des normes communes. Ces 108 règles portent à la fois sur les droits fondamentaux des personnes détenues, le régime de détention, la santé, l'ordre et la sécurité des établissements pénitentiaires, le personnel de l'administration pénitentiaire, l'inspection et le contrôle des prisons ». Source Site du Ministère de la Justice http://www.justice.gouv.fr/europe-etinternational-10045/les-regles-penitentiaires-europeennes-10283/

4 Voir Annexe 4 p 165

5 Chiffres clés de l'Administration Pénitentiaire, site du Ministère de la Justice -

http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/

Ce sont ces fonctionnaires du Ministère de la Justice que nous avons choisis d'étudier, du fait de notre accès privilégié aux SPIP en tant que Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation, en poste au Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation de la Seine-Saint Denis. Nous nous proposons, ici, de mettre en perspective les évolutions des missions des CPIP en regard avec les évolutions institutionnelles concernant les SPIP. Comment documenter les tensions et paradoxes traversant la filière Insertion et Probation de l'Administration Pénitentiaire ? Comment analyser ce passage, en une dizaine d'années, d'un travail social pénitentiaire datant de la création des Juges de l'Application des Peines en 1958, à un traitement pénal d'inspiration criminologique ? Qu'est-ce qu'être Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation aujourd'hui dans un contexte d'évolutions institutionnelles constantes depuis la création des SPIP en 1999 ?

Revue de littérature

L'Administration Pénitentiaire a principalement été étudiée par le prisme emblématique de la prison, sous l'angle de la place qu'elle occupe dans la société, mais aussi de l'influence sur les trajectoires des détenus qu'elle exerce, ou bien les stratégies développées par ceux-ci pour s'adapter à l'univers carcéral.

Les concepts fondamentaux d'institution totale, « un lieu de résidence et de travail oil un grand nombre d'individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées». [GOFFMAN, 1961] et de « gouvernementalité » [FOUCAULT, 1975] consistant, pour l'État, à « exercer par rapport aux habitants, aux richesses, aux comportements de tous et de chacun, une forme de surveillance, de contrôle tout aussi attentive que celle du père de famille sur la maison et sur les biens » [DIMIER, 2010] ont irrigué des générations de travaux sociologiques en France.

Ils concernent notamment des récits de « carrières » de délinquants incarcérés en maison d'arrêt [CHANTRAINE, 2004] ou bien les interactions entre la prison et l'extérieur, dans une perspective d'écologie sociale [MARCHETTI, COMBESSIE, 1996], [FAUGERON, CHAUVENET, COMBESSIE, 1996], [COMBESSIE, 2001].

La généralisation de la surveillance électronique est, toutefois, venue peu à peu brouiller les
frontières entre milieu ouvert et milieu fermé et élargir les études au champ de la probation.

Qu'elle soit fixe ou mobile, la surveillance électronique initie un mouvement de privatisation de l'espace public et de publicisation de l'espace privé qui interpelle les chercheurs. Cette délimitation plus floue entre le milieu ouvert et le milieu fermé, les a conduits à porter leur attention sur les personnels mettant en oeuvre ces mesures de surveillance électronique, de manière périphérique [FENECH, 2005] [CARDET, 2004] [RAZAC, 2010]. De même, lorsque des études abordent l'action des personnels pénitentiaires (Surveillants, Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation, administratifs, fonctions d'encadrements), elles concernent en premier lieu des thématiques transversales comme la santé [FERNANDEZ, 2010], le travail [MARCHETTI, 1997] ou bien les liens familiaux [RICORDEAU, 2005] entre autres nombreux travaux.

Il existait toutefois une littérature concernant les surveillants pénitentiaires en France antérieure à la surveillance électronique. L'activité des surveillants est ainsi analysée dans sa double situation de soumission vis-à-vis de la hiérarchie et de domination vis-à-vis de la population pénale [CASADAMONT, 1984].

Suite à des mouvements sociaux importants dans les années 1990, les contradictions multiples des missions des surveillants pénitentiaires entre sécurité interne, sécurité externe, obligation légale de moyen et obligation pratique de résultats, logique bureaucratique et logique du maintien de l'ordre, sont analysées [CHAUVENET, ORLIC, BENGUIGUI, 1994]. La construction d'une identité professionnelle spécifique [LHUILIER, AYMARD, 1997] et la constitution d'une conscience collective paradoxale [MONTANDON, CRETTAZ, 1981] sont traitées. L'étude de la socialisation professionnelle des surveillants, et notamment du décalage entre une politique institutionnelle qui érige leur professionnalisation en « objectif indiscuté » et une organisation dont le fonctionnement promeut un « professionnalisme déviant » [MALOCHET, 2007, p33] est abordée. Dans cette étude, la question de la formation initiale des surveillants à l'École Nationale d'Administration Pénitentiaire est centrale.

Il est abondamment décrit « l'ambiguïté de la « professionnalisation » revendiquée dans le discours institutionnel. Il ne s'agit pas tant de promouvoir les surveillants comme groupe professionnel autonome, mais plutôt de mobiliser les professionnels et de normaliser leur activité pour satisfaire à un impératif de sécurité. Dans ce cas, la « professionnalisation » ne doit donc pas s'analyser comme un processus menant à la constitution d'un monopole professionnel. Loin d'être le prélude à une autonomie accrue, le discours institutionnel sur la professionnalisation masque, au contraire, la volonté de renforcer le contrôle sur les professionnels » [MALOCHET, 2007 p108].

Les travaux concernant uniquement les Conseillers d'Insertion et de Probation sont nettement plus rares et tous issus de commandes institutionnelles. L'identité professionnelle des CIP est ainsi analysée en référence à une circulaire6 définissant les modalités d'un travail social pénitentiaire aujourd'hui caduques [LHUILLIER, 2006]. Dans cette étude, inscrite dans une approche théorique psychosociale, il apparaît que 60% des personnes ayant répondu au questionnaire dans le rapport, n'utilisent pas le terme de CIP mais majoritairement celui de travailleur social. Mais certains « souhaitent affirmer une identité spécifique de CIP, et prennent le temps d'expliquer, militant pour une visibilité du métier en externe ... certains vont expliquer inlassablement ce qu'est un CIP, ce qu'il fait ». [LHUILLIER, 2006, p81]. Une autre commande institutionnelle emprunte aux travaux sur la socialisation professionnelle des surveillants pour analyser celle de la douzième promotion des Conseillers d'Insertion et de Probation.

On observe, chez ces Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation en formation initiale, « une tendance à se replier vers le cadre juridique de leur intervention, l'exécution de la peine (58%). En supposant que ce constat résulte d'un recrutement massif d'élèves issus de la filière juridique, on peut également penser que c'est parce que la réinsertion est difficilement mesurable pour des élèves en attente de repères, qu'elle n'est pas, dans le cadre d'une initiation professionnelle, un pilier auquel ils peuvent se raccrocher pour asseoir leur construction identitaire » [GRAS, 2008, p39].

6 Voir infra p43

Problématique et hypothèse

Nous proposons, dans notre étude, de mettre en dialogue la volonté de professionnalisation des personnels affichée par l'Administration pénitentiaire, avec les évolutions institutionnelles et structurelles des SPIP, et les représentations des CPIP sur leurs pratiques. Dans quelle mesure les évolutions des missions des Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation depuis 1999 ont-elles fait émerger chez les CPIP de nouvelles professionnalités inscrites dans un processus de professionnalisation cohérent ?

En effet, les études suscitées, portant sur les personnels pénitentiaires, sont fréquemment construites autour des notions d'identité professionnelle et de socialisation professionnelle, notions connexes au concept de professionnalisation. La professionnalisation désigne ce mouvement par lequel un groupe professionnel exprime un désir de reconnaissance dont le sens est donné par le modèle professionnel en tant « qu'ensemble de représentations sociales des rôles et de l'organisation des professions (~) qui justifient le monopole des professions établies sur une sphère d'activité comme condition de la compétence technique et du respect de règles morales dans l'exercice des activités présentées comme au service de l'intérêt général » [CHAPOULIE, 1973, p86-114]. Dans cette quête de reconnaissance sociale, les travailleurs vont donc construire progressivement une argumentation tendant à démontrer que la production du service, à laquelle ils contribuent, requiert la mobilisation de véritables professionnels.

Les notions de profession et de professionnalisation s'inscrivent difficilement dans la réalité socio-politique française alors qu'elles renvoient à une réalité historique apparue au XVIIème siècle dans les pays de tradition protestante et à un type particulier de stratification sociale qui situe les professions, et plus largement les activités intellectuelles, au sommet de la hiérarchie sociale. En effet, il existe en France une polysémie du terme profession qui peut être une « déclaration comme vocation professionnelle, une fonction et une position professionnelles, un métier et une spécialisation professionnelle et un emploi au sein d'une classification professionnelle » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p6].

Deux principaux courants se sont longtemps opposés dans le champ théorique de la sociologie des professions.

Ainsi, le courant fonctionnaliste [PARSONS, 1939] [PARSONS, 1955] [GOODE, 1957] [WILENSKY, 1964], qui prend ses sources aux États-Unis dans les années 40-50, « a longtemps entretenu cette mystique des professions nourrissant l'idée d'une autorité et d'une légitimité données d'avance, indépendamment de leur mise à l'épreuve dans des situations de travail concrètes.» [DEMAZIERE, GADEA, 2009, p21]. En effet, selon ce courant, il existe des caractéristiques propres aux professions, que d'autres activités rémunérées ou non, réunies sous le vocable « occupations », ne possèdent pas.

Avec quelques nuances, selon les auteurs, la référence à « un savoir spécialisé et appliqué, acquis au terme d'une longue formation supérieure » [LE BIANIC, 2005, p57] est le coeur de cette sociologie des professions américaines. Ainsi, les professions sont naturalisées, essentialisées et leurs activités prennent un certain nombre de traits spécifiques.

Cette approche naturaliste des professions, qui les fige dans une fonction sociale déterminée, va être, très vite, remise en question et critiquée par la sociologie interactionniste des professions qui démontre le caractère construit et constamment négocié des savoirs mobilisés par les groupes professionnels. Pour les auteurs interactionnistes, [HUGHES, 1952] [ABBOT, 1988] [BUCHER, STRAUSS, 1992] « les groupes professionnels ne sont pas des professions séparées, unifiées, établies et objectives, ce sont des processus historiques, de segmentation incessante, de compétition entre segments, de professionnalisation de certains segments et de déprofessionnalisation d'autres segments, de restructuration périodiques sous l'effet des mouvements du capital, des politiques des états ou bien des actions collectives de ses membres» [DUBAR, 2003, p 58].

Ainsi, « tout collectif exerçant une activité, un métier, un emploi est conduit à stabiliser son domaine, son territoire, sa définition, en obtenant des partenaires une autorisation spécifique. Lorsqu'un groupe y parvient, il devient, au moins pour un temps, une profession » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p101].

Analyser un processus de professionnalisation en France, c'est donc surmonter cette opposition initiale en empruntant à la fois à la sociologie du travail, à la sociologie des professions et à la sociologie des organisations [FREIDSON, 2001] [EVETTS, 2003] [CHAMPY, 2011].

Hughes, dès 1952, en réponse aux émules fonctionnalistes de Parsons, avait ainsi critiqué radicalement l'approche fonctionnaliste. Selon son point de vue, analyser toutes les activités de travail selon le double point de vue de l'interaction et de la biographie implique que cellesci ont toutes une égale dignité et un égal intérêt sociologique: on parle alors de «groupes professionnels» et non de professions. Nous emploierons donc ce terme dans l'ensemble de notre étude.

Nous émettons l'hypothèse qu'il existe des professionnalités propres au CPIP entre savoirs d'actions bureaucratisés et savoirs experts pouvant leur permettre de co-construire le contenu de leurs missions avec l'Administration Pénitentiaire en tant que groupe professionnel homogène. L'exploration dynamique d'un éventuel processus de professionnalisation des CPIP en cours s'appuiera sur la description des évolutions institutionnelles impactant le groupe professionnel des CPIP, les traductions structurelles des ces évolutions dans la pratique professionnelle des CPIP au sens large, la place dans la division de travail des CPIP entre exécution et expertise et enfin la capacité de ce groupe professionnel à argumenter sur leur savoir-faire avec leur Administration.

L'enquête

Pour tenter de saisir les nouvelles dynamiques au sein du groupe professionnel des CPIP, il nous a fallu lever différents obstacles méthodologiques. Ce groupe professionnel est caractérisé par une grande diversité de lieux de pratique - milieu ouvert et milieu fermé - avec des modalités d'intervention très spécifiques selon la taille des services et les régions d'exercice (disparités entre la Province et la région parisienne sur le nombre de dossiers affectés notamment) et ce, dans le cadre du milieu fermé : Établissements pour Peine ou bien Maison d'Arrêt, Centres pour Peines Aménagées, Centre de Semi Liberté, quartiers de Semi Liberté, Centre National d'Observation de Fresnes. De plus, certains services sont organisés en pôles dédiés à des types de mesures : pôle aménagement de peine, pôle TIG, pôle PPR, pôles suivi renforcés, pôles suivi espacés, pôle Palais pour les permanences d'orientation pénales avant la condamnation des personnes.

Pour des raisons de moyens, il ne nous a pas été possible d'analyser chacune de ces organisations spécifiques pour chacune des mesures suivies par le SPIP.

La démarche ethnographique d'immersion dans un contexte spécifique de travail et l'observation systématique des interactions entre acteurs de l'exécution des peines - JAP, Parquet, greffiers, agents administratifs, surveillants PSE ou en détention et personnes placées sous main de justice -, n'a donc pas été utilisée dans notre recherche.

De nombreuses mesures restant quasiment inchangées dans les textes depuis 1999, comme le travail d'intérêt général ou bien le sursis avec mise à l'épreuve, nous les avons exclues de notre propos.

Si des changements dans les pratiques les concernant sont certains, ils nécessitent une analyse systématique beaucoup plus fine que l'approche adoptée. Ils constituent de fait un sujet de recherche en soit pouvant mobiliser d'autres corpus théoriques.

Nous avons ainsi décidé d'observer plus particulièrement les mesures mises en avant par l'Administration Centrale et pouvant concerner à la fois le milieu ouvert, et à la fois le milieu fermé, afin de saisir au mieux la dynamique interne au sein du groupe professionnel des CPIP. Le placement sous surveillance électronique est au coeur de l'action des SPIP depuis 2005, avec des évolutions législatives importantes et notables, entre 2005 et 2010, tant dans le champ post-sentenciel que dans le cadre de l'exécution d'une fin de peine, ou bien encore comme peine complémentaire, comme nous le verrons ultérieurement. Les Programmes de Prévention de la Récidive sont mis en avant depuis 2008 avec une mise en place très récente dans les services.

Ce sont ces deux mesures qui sont au coeur du mandat décerné par le législateur aux CPIP avec la loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ce sont donc ces deux types de mesures qui seront ici analysées, car cristallisant au mieux les évolutions des missions des CPIP depuis 1999. Cette approche nous a conduits à interroger, sur la base d'entretiens semi-directifs, les agents du SPIP 93 impliqués dans la pratique de ces mesures. Il nous a semblé, en complément, nécessaire d'interroger des personnes ayant connu des socialisations professionnelles différentes, pour percevoir ce qui a changé dans leurs pratiques et leurs représentations du métier par rapport à la mise en oeuvre de nouvelles mesures souhaitées par l'Administration Pénitentiaire et le législateur.

La confrontation avec de jeunes professionnels et celle avec des personnes ayant connu les Comités de Probation et d'Assistance aux Libérés, permettra de repérer les différences et les concordances en terme de pratiques professionnelles et de représentations sur celles-ci. Qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qui demeure en termes de pratiques et de représentations du métier, dans les évolutions des missions des CPIP ?

L'échantillon7 constitué

Nous avons interrogé, sur la base d'entretiens semi-directifs, 15 agents du SPIP 93 impliqués dans la pratique des PSE et du PPR, avec des anciennetés dans l'Administration Pénitentiaire très diverses. Deux entretiens de contrôle ont été réalisés en dehors du SPIP 93 afin de vérifier que les convergences et divergences de points de vue ne relèvent pas d'organisations de services propres au SPIP 93.

Ces entretiens ont été réalisés au SPIP de Paris et au SPIP des Hauts de Seine, suite à une sollicitation par mail à l'ensemble des CPIP de l'Île-de-France, sollicitation qui n'a abouti qu'à ces deux réponses.

Trois des entretiens ont dû être interrompus pour des contingences professionnelles et ont donc eu lieu en deux parties. Ils ont été partiellement retranscrits en raison de diversions sur l'organisation interne du SPIP 93 principalement. Ce biais méthodologique a eu un impact sur les entretiens effectués sur le pôle aménagement de peine où nous exerçons actuellement. En effet, nous pratiquons le placement sous surveillance électronique nous-mêmes. Dans certains entretiens, les questions pratiques, concernant cette mesure, ont parfois été remplacées par des diversions sur l'organisation du service appauvrissant notre recueil de données. Notre position de collègue a donc influé sur la passation des entretiens sur ces questions d'organisation de service exclusivement. Les questions posées sont restées les mêmes concernant les PPR et le PSE à l'exception des entretiens abordant la criminologie, de nature plus exploratoire autour d'un méme sujet, l'apparition de la criminologie dans les missions des CPIP. Le thème principal d'investigation était alors l'apparition de la criminologie dans les missions des CPIP.

7 Voir Annexe 1 p 150

Nous avons tenté d'identifier les représentations, sur les évolutions des missions d'une part et les modifications dans l'exercice quotidien du métier d'autre part : quelles pratiques professionnelles sont stabilisées, quelles figures émergent et quelles pratiques disparaissent ?

La confrontation avec les représentations des acteurs sur les mesures de PSE et de PPR nous permettra d'évaluer les tensions, consensus et facteurs structurants du groupe professionnel étudié dans la pratique de ces mesures récentes.

Les questions posées sont restées les mémes, incluses dans un guide d'entretien8 afin de lisser les réponses et de repérer les éléments redondants dans les discours et les éléments singuliers illustrant de manière plus forte les mouvements internes à ce groupe professionnel. Tous ont été retranscrits de manière ciblée sur des thèmes sélectionnés.

Pour appréhender les modes de relais avec l'Administration Centrale, nous avons interrogé en parallèle les représentants syndicaux des deux organisations les plus représentatives du groupe professionnel des CPIP : le SNEPAP -FSU 9 et l'UGSP-CGT10, et un ancien Président de l'Association Française de Criminologie11.

8 Voir Annexe 2 p 154

9 Le SNEPAP-FSU (Syndicat de L'Ensemble des personnels de l'Administration Pénitentiaire)

revendique une spécificité pénitentiaire de ces missions et la distinction d'avec les travailleurs sociaux Parmi les CIP, le SNEPAP représente 36,6% des suffrages. Parmi les personnels de direction, le SNEPAP recueille 62,5 % des suffrages. Ces chiffres sont extraits du bilan social 2009 de l'Administration Pénitentiaire consultable au http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.php?rubrique=2084&ssrubrique=7696

10 L' UGSP-CGT (Union Générale des Services Pénitentiaires) défend le caractère social des missions des

CIP et un rapprochement avec les travailleurs sociaux diplômés d'Etat. Chez les CIP la CGT a recueilli lors du scrutin du 27 mars 2007 46,7 % des suffrages. Parmi les personnels de direction, la CGT représente 13,1%. Ces chiffres sont extraits du bilan social 2009 de l'Administration Pénitentiaire consultable au : http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.phprubrique=2084&ssrubrique=7696

11 « L'Association Française de Criminologie a pour objectif de rapprocher les chercheurs et enseignants

de toutes disciplines, les praticiens de toutes professions - mais aussi les personnes morales - dont les activités ont à voir, de près ou de loin, avec le « phénomène criminel », la manière dont il est défini et contrôlé. Elle a été créée le 9 octobre 1965. Se rattachant à la tradition des sociétés savantes, l'association cherche à innover en intégrant dans ses rangs des étudiants, des professionnels de tous âges, mais aussi des citoyens qui veulent participer au débat démocratique sur ces questions. Association indépendante, l'AFC vit principalement des cotisations de ses adhérents. » Source : Site de l'Association consultable au http://www.afc-

assoc.org/?q=node/9

Malgré nos multiples sollicitations, nous n'avons pas pu interroger de responsable de la CFDT-Interco, troisième organisation syndicale siégeant en Comité Technique Paritaire Central.

Ces entretiens des représentants syndicaux ont permis, en parallèle, de repérer ce qui fait consensus et ce qui diverge dans l'analyse des différentes évolutions des missions des CPIP.

Ils ont été réalisés au siège de la centrale syndicale pour l'UGSP-CGT à Montreuil sous bois, au SPIP 75 pour le SNEPAP-FSU et au domicile de l'interviewé concernant l'AFC.

Ainsi la dimension dialectique et rhétorique du processus de professionnalisation sera également abordée dans notre étude.

Ces entretiens ont été réalisés entre janvier 2009 et juillet 2010 et ont duré entre 35 minutes et 1 heure et 33 minutes concernant les CPIP, et entre 1 heure et 1 heure et 21 minutes pour les organisations syndicales. Ils ont eu lieu, pour les 15 CPIP du SPIP93, dans les locaux du SPIP, soit dans notre bureau, soit dans celui de la personne interrogée, soit en salle de réunion. Ils ont été enregistrés systématiquement avec l'accord des personnes.

Nous avons complété ces entretiens par l'analyse de données secondaires « grises », issues de différents documents internes à l'Administration Pénitentiaire et des principaux textes juridiques : Lois Pénitentiaires, Décrets statutaires, Circulaires, Rapports de la Cour des Comptes, encadrant l'activité des SPIP. La confrontation de ces textes avec les représentations des acteurs nous permettra de nous situer dans une perspective historique.

L'échantillon ainsi constitué se présente comme suit :

Lieu

Sexe - Statut - Age

Date de l'entretien

Ancienneté dans
l'AP

Durée de l'entretien

SPIP93

H CPIP 55 ans

12/01/2009,

27 ans

35 min

SPIP93

F CPIP 29 ans

01/02/2009

2 ans

45 min

Domicile personnel

H 57 ans Ancien
Président AFC

29/04/2009

 

1h

CGT3

H CPIP Secrétaire National 31 ans

12/04/2010

4 ans

1h

 
 
 
 
 

SPIP93

F CPIP 52 ans

16/04/2010

19 ans comme As 10
ans comme CPIP

35 min

SPIP93

F 29 ans CPIP

19/04/2010

3 ans

45 min

SPIP 93

H 27 ans CPIP

27/04/2010

2 ans

35 min

SNEPAP SPIP75

F CPIP 34ans
Secrétaire Nationale

29/04/2010

8 ans

1h19 min

SPIP93

H 35 ans CPIP

30/04/2010

3 ans

45 min

SPIP93

F 32 ans AS

05/05/2010

5 ans

57 min

SPIP93

F 40 ans CPIP

07/05/2010

9 ans

1h

SPIP93

F 29 ans CPIP

18/05/2010

3 ans

51 min

SPIP93

F 39 ans

18/05/2010

12 ans

1h18 min

SPIP93

F 54 ans CPIP

26/05/2010

20 ans comme AS 12
ans comme CPIP

1h13 min

SPIP93

H 30 ans CPIP

28/05/2010

3 ans

1h17 min

SPIP93

F 33 ans CPIP

29/05/2010

3 ans

36 min

SPIP93

F 46 ans AS

07/06/2010

22 ans

1h21 min

SPIP93

F 42 ans CPIP

11/06/2010

2 ans

57 min

SPIP75

F 49 ans

01/07/2010

28 ans

1h04 min

SPIP92

H 51 ans

01/07/2010

25 ans

1h11 min

Le plan

Notre propos s'articulera en quatre parties et 10 chapitres. La Loi pénitentiaire du 25 novembre 2009 consacre les aménagements de peine et les programmes de prévention de la récidive comme principaux outils de la lutte contre la récidive sur fond de critique générale du travail social et de changement latent de logique pénale. Ce sont les CPIP, un groupe professionnel majoritairement féminin et diplômé en Droit, qui mettent en oeuvre ces orientations de l'Administration Pénitentiaire. Ce groupe professionnel a changé de nom et de grille indiciaire suite à un mouvement social inédit en 2008 (Première Partie).

Ces évolutions ont des traductions structurelles à l'échelle des SPIP entre 1999 et 2011. Le discours institutionnel, tenu par l'Administration Pénitentiaire, s'appuie sur les notions d'expertise, d'autonomie fonctionnelle des services et sur une revalorisation indiciaire.

Nombre de propos indiquent pourtant que le métier de CPIP s'est considérablement bureaucratisé alors qu'un premier clivage générationnel sur la pérennité de la hiérarchie et l'utilisation de l'informatique s'est créé (Deuxième partie).

Il existe un mouvement concomitant entre l'acquisition de nouvelles connaissances théoriques avec la pratique des programmes de prévention de la récidive et une systématisation du PSE. Le monopole de l'instruction des placements sous surveillance électronique et les savoirs d'actions y afférant sont, de surcroît, partagés avec les surveillants pénitentiaires.

Une analyse collégiale des situations entre pairs est induite par la pratique des programmes de prévention de la récidive confortant leur monopole dans cette pratique, malgré des savoirs théoriques non spécifiques (Troisième Partie).

Nous monterons enfin que, du fait de leurs modes de socialisation professionnelle très divers et de leurs motivations différentes à entrer dans le groupe professionnel, les CPIP ne sont pas un groupe professionnel homogène. Un clivage générationnel s'est créé venant interférer et amplifier d'autres antagonismes sur la conception du métier. Des professionnalités stabilisées depuis plus de 50 ans, à savoir, l'aide à la décision judiciaire et le suivi de mesures de justice, ne sont pas pour autant relayés par les organisations syndicales. (Quatrième Partie)

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politiques, législatives et institutionnelles constantes

Introduction de la première partie

Dans cette partie, nous décrirons dans quel contexte ont été créés les SPIP en 1999 afin de situer l'action singulière des Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation dans leur environnement politique et institutionnel. Nous exposerons également les caractéristiques sociodémographiques de ce groupe professionnel.

Les Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation ont ainsi été créés en 1999 alors qu'était initiée une forte critique du travail social depuis les années 70 (Chapitre 1).

En parallèle, la dangerosité est devenue progressivement un objet de débat public dans les pays occidentalisés au cours des années 90. De nombreuses lois ont été votées en France depuis 2002 pour lutter contre la récidive des infractions à caractère sexuel tandis que s'opérait, avec la nouvelle pénologie, un changement profond de rationalité pénale dans les pays anglo-saxons depuis les années 80 (Chapitre 2).

Les Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation de l'Administration Pénitentiaire sont les acteurs de ces évolutions au quotidien et ont vu leur coeur de métier profondément modifié depuis 1999. Ainsi, la Loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 consacre l'utilisation massive du placement sous surveillance électronique, le développement des programmes de prévention de la récidive et la création de nouvelles méthodes de travail. (Chapitre3).

C'est une circulaire de mars 2008 qui a posé les bases de ces évolutions, contestées partiellement lors d'un mouvement social inédit où les syndicats se sont réunis pour défendre une revalorisation indiciaire. En découleront un changement de nom associé à une nouvelle grille indiciaire et une nouvelle définition des missions des SPIP (Chapitre4).

Chapitre 1 : La création des SPIP dans un contexte de remise en cause du travail social

Depuis une trentaine d'année, le travail social est remis en question sous la double contrainte du new public management et des politiques de décentralisation (1-1). C'est dans ce contexte de remise en cause du travail social qu'ont été créés les SPIP en 1999 (1-2).

1-1 Un travail social contesté

1-1-1 Le new public management

Né dans les années 80 dans les pays anglo-saxons, le new public management concerne un certain nombre de logiques gestionnaires issues du secteur privé. Les anciennes formes de gestion des administrations sont considérées comme obsolètes. Dans une société post industrielle caractérisée par la globalisation et une économie des savoirs, il existe un décalage trop important entre la bureaucratie, ses règles et ses procédures, et la société actuelle [OSBORNE, GAEBLER, 1993]. Cette doctrine du new public management décompose le secteur public en unités stratégiques organisées par produit « manageable » [HOOD, 1995]. Une compétition est introduite « entre organisations publiques mais aussi entre organisations publiques et privées » [GANGLOFF, 2009].

La crise de l'État Providence, dans un grand nombre de pays, légitime ces nouvelles perspectives managériales, malgré des tensions fortes : « l'opposition entre l'utilitarisme de la stratégie et du marketing et un certain égalitarisme démocratique apparaît alors flagrante » [GILBERT, 2004]. Ce bouleversement idéologique s'est appliqué au cours des années 90 à l'hôpital puis à l'ensemble du secteur sanitaire et social en France.

1-1-2 Un morcellement du secteur social initié par la culture du contrat

En trois décennies, les travailleurs sociaux sont passés d'une pratique et d'une culture communes à un morcellement des acteurs du social dû à rationalisation des pratiques dans une logique gestionnaire qui contribue à les transformer en « intervenants du singulier » [ION, 2006], face à un public fragilisé par la pauvreté de masse.

On observe un glissement terminologique avec l'émergence de termes comme « intervention sociale " ou « intervenants sociaux », la notion d'intervenant marquant une indétermination, une forme de fin du processus de professionnalisation car ce terme englobe les professionnels et les bénévoles ou bien des professions en contacts de publics spécifiques qui ont grandement évolués avec le chômage de masse.

Le processus de reconnaissance du travail social est apparu dans le contexte des « trente glorieuses " où des modalités de rapports entre l'usager et le travailleur social se sont mises en place, ont été transmises par les IRTS et ont permis une professionnalisation des pratiques adaptées à des publics ciblés (toxicomanes, sans domiciles fixes par exemple). Ce lien entre usagers et travail social est grandement complexifié : aujourd'hui, architectes, urbanistes, économistes, géographes, sociologues apportent d'autres références et d'autres rapports au temps et au politique que les travailleurs sociaux « traditionnels ".

Ainsi les formateurs du GRETA, ou bien de l'AFPA ou bien les agents du Pôle Emploi, mais également tous les acteurs de la Politique de la Ville et des politiques transversales de lutte contre l'exclusion, peuvent développer des aptitudes traditionnellement utilisées par les travailleurs sociaux. Le développement de la pauvreté de masse a, de surcroît, remis au goût du jour le bénévolat avec les militants des restos du coeur ou d'autres organisations caritatives, ou bien les semi-professionnels des fondations, par exemple. Il existe, ainsi, une mise en cause des Travailleurs Sociaux qui vient, dans un premier temps, de leur mise en concurrence avec les bénévoles ou les semi-professionnels mais, également, de la nécessité pour tous les métiers de contact, dans les zones difficiles notamment, d'utiliser des techniques d'entretien dans le face à face avec l'usager.

Le pilotage des nouveaux dispositifs qui ont accompagné les lois de décentralisation a nécessité le recrutement de cadres qui viennent des sciences de l'administration et de la gestion.

Une première scission s'est opérée entre les personnes en contact avec le public : « le front " et les personnes assurant la gestion des équipes de travailleurs sociaux : « l'arrière " [ION, 2006] et ceux pilotant les dispositifs des politiques transversales. Il y a eu division du travail des travailleurs sociaux et apparition de nouveaux objectifs avec une nécessité de rendu compte et d'un suivi financier de chacune des actions collectives engagées par les services.

Le public a subi, lui aussi, des évolutions dues à la dégradation de la situation économique et les travailleurs pauvres constituent, par exemple, un public pour lequel les dispositifs classiques ne trouvent plus de réponses prédéterminées. C'est cette nouvelle singularité des publics qui a permis le développement en parallèle et la résurgence du bénévolat dans l'action sociale et du parcellement des professions d'aides à la personne et d'aide sociale dans les structures associatives, par exemple à visée caritatives [ION, 2006].

Ces éléments contribuent à l'émiettement des métiers du social et à une perte de reconnaissance des travailleurs sociaux, notamment dans leur formation initiale.

1-1-3 Le modèle libéral et la figure du manager et du médiateur : les emblèmes du travail social professionnalisé depuis 30 ans

Le courant néo-libéral se défini comme l'apparition dans les politiques publiques locales, du développement d'une économie marchande des services jusqu'au sein du secteur social et médico-social. La loi du 2 janvier 2002, avec notamment la démarche qualité et les différents référentiels et labellisations y afférant, constitue les prémisses d'une nouvelle idéologie gestionnaire, une « gouvernance, extraordinaire maquillage à l'anglo-saxonne des nouveaux rapports de pouvoirs ». |CHAUVIERE, 2004, p130]. Un basculement s'est opéré des valeurs éthiques, non marchandes et républicaines, vers les valeurs marchandes telles que l'individualisation de la consommation de service, la concurrence, la flexibilité, la solvabilité. Le social est ainsi rattrapé par l'économique et devient, à son tour, marchandise et « les capacités analytiques et défensives du secteur social lui-même sont en recul ». [CHAUVIERE, 2004, p135].

On passe de l'idéal de la solidarité nationale à l'idéal du social rentable (accès aux services à la personne, au bien-être). Le modèle entrepreneurial s'impose avec l'État comme partenaire, parmi d'autres, rendant « floues les limites entre l'Action Sociale et l'économie de service » [CHAUVIERE, 2004, p208]. C'est la fin du «champ unifié de l'Action Sociale » [CHAUVIERE, 2004, p212].

La culture du contrat imprègne les services sociaux : management par objectif, contrats de plans, contrats de villes ou de pays, et pénètre les pratiques sociales de type « clinique ».

Cette logique ne « fonctionne pas avec les enfants, le fou, le malade ou le détenu notamment, tout comme les personnes tenues à l'écart de la société contractuelle » [CHAUVIERE, 2004, p212]. Ces populations tendant à etre gérées par la puissance publique plus qu'à etre « travaillées par le social » pour retrouver une place dans la société.

Selon l'auteur, Il s'agit plutôt de préserver la gestion de la paix civile par tous les moyens classiques d'un côté et, de l'autre, de promouvoir une économie des services sociaux sans s'obliger nécessairement au bonheur de tous, c'est-à-dire « en renonçant à la conception de l'intér~t général et de l'intégration » [CHAUVIERE, 2004, p.237].

Cette position est nuancée par d'autres auteurs pour lesquels c'est au dispositif de formation initial et continue des travailleurs sociaux de s'adapter à cette nouvelle donne. Il se dessine ainsi « une mutation dans les pratiques de formation : il ne s'agit plus de seulement traiter la formation des travailleurs sociaux du point de vue des pratiques pédagogiques4 mais de repenser le mandat qui est confié aux professionnels de la formation » [JAEGER, 2007, p3].

1-2 La création des SPIP en 1999

Les SPIP ont été créés par le décret n°99-276 du 3 avril 1999. Leurs missions sont définies aux articles D.573 à D.575 du code de procédure pénale. Elles s'articulent autour de trois axes : l'insertion des personnes placées sous main de justice, l'aide à la décision judiciaire dans un souci d'individualisation de la peine, et le suivi, le contrôle des obligations des mesures alternatives à l'incarcération (sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intéret général, travail non rémunéré) et des aménagements de peine (libération conditionnelle, placement à l'extérieur, semi-liberté). Chaque département compte un Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation, ce qui représente 103 structures sur le Territoire National. Il existe parfois plusieurs antennes dans chaque département. Une antenne peut être mixte, c'est-à-dire dédiée à la fois au milieu ouvert et à la fois au milieu fermé. Il en existe 139 en France. Elles peuvent aussi être consacrées uniquement au milieu ouvert dans le ressort de juridiction où il n'y a pas de prisons soit 46 antennes. Il existe enfin 21 départements qui, à l'inverse, ont plusieurs établissements pénitentiaires sur leur juridiction de ressort.

La taille des SPIP est très disparate : 10 ont moins de 10 agents, la moitié ont entre 10 et 30 agents, et 5 ont plus de 90 agents (SPIP de Paris, du Pas de Calais, de l'Essonne, des Bouches-du-Rhône et du Nord).

Les SPIP occupent 8% des crédits consommés par le programme 107 « Administration Pénitentiaire» soit 190 M E sur 2,4 Mds E [COUR DES COMPTES, 2010, p106].

Les SPIP sont issus de la fusion des deux services pénitentiaires qui étaient alors en charge de l'insertion. Il s'agit des comités de probation et d'aide aux libérés (CPAL) prenant en charge les condamnés libres, et des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires s'occupant, eux, des détenus.

Cette réforme prend appui sur un rapport de l'Inspection Générale de 1983 qui soulignait l'aggravation de la situation économique et sociale des personnes concernées, l'augmentation de la population carcérale, l'augmentation et la diversification des mesures judiciaires. L'objectif était la « clarification des responsabilités administratives et judiciaires dans l'organisation et le fonctionnement des services » [ÉNAP, 2005, p1].

La publication d'un rapport sur le fonctionnement du milieu ouvert en janvier 1981 (rapport de la commission sur la méthodologie de prise en charge des condamnés en milieu ouvert, DAP 1981) avait débouché sur un décret du 14 mars 1986 réformant les comités de probation et d'assistance aux libérés. Une note du 29 octobre 1992 demandait une évaluation du fonctionnement des CPAL à l'inspection des services judiciaires. Le rapport demandé sera rendu un an plus tard, le 9 novembre 1993. Plusieurs constats étaient posés, notamment sur la diversification des mesures en milieu ouvert et notamment « la création du TIG et celle des modes de saisine par les différents magistrats » [POUPONNOT, 2006, p23] et l'augmentation importante des interventions des CPAL (+460% depuis 1970) [POUPONNOT, 2006, idem].

Ce rapport montrait la nécessité de créer un interlocuteur unique vis-à-vis des partenaires dans le champ de l'insertion afin de mieux articuler la mission de réinsertion, alors dévolue aux SPIP avec les politiques publiques en matière d'action sociale et d'assurer ainsi une meilleure lisibilité de l'action de l'Administration Pénitentiaire auprès des partenaires institutionnels et associatifs.

Ainsi, les SPIP ont vocation à s'inscrire dans la départementalisation de l'Action Sociale et de l'Action Publique. Ils répondent à une demande institutionnelle de clarification des missions des CPAL et des services éducatifs en détention. L'évaluation de l'activité des SPIP est un enjeu central pour l'Administration Pénitentiaire au moment de leur création.

Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques pénales en profondes mutations

Alors que la départementalisation des SPIP est actée, des évolutions législatives majeures les affectent. Ces évolutions sont fondées sur la notion de dangerosité pénale, réactivée par des faits divers médiatiques (2-1). Conjointement, les droits des personnes placées sous main de justice sont renforcés par la juridictionnalisation de l'Application des Peines et le renforcement des aménagements de peine, comme le placement sous surveillance électronique (2-2).

2-1 La construction politique de l'objet « dangerosité »

2-1-1 Un changement de finalité des politiques pénales dans les pays anglo-saxons

Au sein de l'OCDE, on assiste à un essoufflement des finalités sociales de la justice pénale. Dans les années 70, les politiques répressives néo-libérale du « law and order » dans les pays anglo-saxons ont engendré un recours massif à l'incarcération aux États-Unis avec une augmentation de 320% du nombre de détenus entre ces années 70 et les années 2000. En proportion, on incarcère 20 fois plus aux États-Unis que dans les autres pays de l'OCDE12. La traditionnelle recherche des causes sociales de la délinquance et le traitement correctif des délinquants sont concurrencés par de nouvelles finalités comme la régulation du risque de délinquance et la protection de la société par le contrôle des personnes dangereuses.

12 Organisation de coopération et de développement économiques

Apparaît ici une notion de « gouvernance du crime » [CHANTRAINE, CAUCHIE, 2006, p 13] où le but n'est pas de répondre à des déviances individuelles ou à des problèmes sociaux mais de réguler les niveaux de déviance et de rendre le crime tolérable par une gestion systémique et une efficacité procédurale et organisationnelle de la prévention et de la répression. La prison est destinée à contrôler les délinquants les plus dangereux sans objectif particulier de réinsertion.

L'intervention des professionnels consiste à déterminer si la personne, placée sous main de justice, a un degré de risque lui permettant de bénéficier par exemple d'un aménagement de peine.

Cette nouvelle pénologie [FEELEY, SIMON, 1992] désigne ainsi le « passage d'une pénologie axée sur l'individu, sa punition ou bien son traitement à une pénologie axée sur la gestion de groupes à risques, leur surveillance et leur contrôle afin de réguler les niveaux d'une délinquance considérée comme normale » [DELANNOY-BRABANT L., 2008].

On passe d'un modèle réhabilitatif à une gestion stratégique et administrative de populations à risques : les discours et pratiques sont « outillés par le calcul du risque » et traduisent « l'avènement progressif d'une rationalité pénale, non plus orientée vers les individus et leur transformation, mais vers la gestion efficace de populations collectives » [CHANTRAINE, CAUCHIE, 2006, p13].

2-1-2 En France, une succession de textes destinés à sanctionner plus sévèrement la récidive

Suite à des faits divers fortement médiatisés en France, le pouvoir politique s'est saisi de la question de la récidive des infracteurs et a inscrit, à l'agenda parlementaire, le vote de lois à un rythme accru depuis 2005. Ainsi, avec la Loi du 12 décembre 2005 sur la récidive des infractions pénales, le législateur a introduit de façon explicite la notion de réitération d'infractions pénales « lorsqu'une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale.

Les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamnation précédente.»13.

13 Article 132- 16-7 du Code Pénal

Ainsi, la commission de nouvelles infractions pèse plus lourdement dans le prononcé de la peine pour une personne déjà condamnée. La loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance réforme l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante en alourdissant la justice des mineurs. L'article 8 de cette loi encourage le partage des informations entre les professionnels de l'action sociale et les maires et présidents de Conseils généraux La loi créé un «stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants». Il s'agit là d'une mesure alternative aux poursuites.

Elle oblige les personnes inscrites au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et punies de crimes ou de délits pour lesquels au moins 10 ans d'emprisonnement ont été requis, de se présenter, non plus tous les six mois, mais tous les mois auprès de leur commissariat afin de justifier de leur domicile14. La loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs du 10 août 2007, crée des peines minimales en cas de récidive, dites peines-planchers ; l'exclusion possible de l'excuse de minorité pour les récidivistes de plus de 16 ans ; et l'injonction de soins notamment pour les auteurs d'agressions sexuelles. Les peines-planchers concernent toutes les personnes répondant d'une infraction passible de trois ans ou plus de réclusion de détention ou d'emprisonnement 15. Les juges ont la possibilité de déroger à ces seuils, mais dans des cas limités, sur la base d'une enquête de personnalité.

14 Art 42 et 760-53-5 du CPP

15 Il s'agit de : cinq ans pour un crime punissable de quinze ans de réclusion ou de détention, sept ans pour un crime

punissable de vingt ans de réclusion ou de détention, dix ans pour un crime punissable de trente ans de réclusion ou de détention, quinze ans pour un crime punissable de réclusion ou de détention à perpétuité. Pour les délits, les peines-planchers sont d'un an pour un délit punissable de trois ans d'emprisonnement, deux ans pour un délit punissable de cinq ans d'emprisonnement et trois ans pour un délit punissable de sept ans d'emprisonnement, et quatre ans pour un délit punissable de dix ans d'emprisonnement.

En parallèle, de nombreux rapports parlementaires16 soulignent les difficultés d'application de ces lois sur le terrain par les Juges d'Application des Peines, les SPIP et les établissements pénitentiaires et la difficulté rencontrée dans la prise en charge médicale et socio-judiciaire de personnes condamnées souffrant de pathologies graves pouvant entraîner des passages à l'acte violents.

Ces rapports n'ont pas été suivis d'effet et le Conseil Supérieur de la Magistrature remarque que « la lutte efficace contre la récidive nécessite une stabilité législative » et que « l'appropriation des réformes par les juridictions et leur partenaires suppose qu'elles s'inscrivent dans la longue durée, ce qui n'est plus le cas, avec la succession trop rapide de textes ».17

2-2 La juridictionnalisation de l'application des peines et le développement massif des aménagements de peine.

2-2-1 La juridictionnalisation de l'application des peines

Avec la loi sur la présomption d'innocence du 15 juin 2000, la détention provisoire a été réformée et la libération conditionnelle et l'application des peines ont été modifiées en profondeur.

16 - 2003 Groupe de travail mandaté par les mêmes ministères sur la « santé mentale des personnes détenues : comment améliorer et articuler les dispositifs de prise en charge sanitaire et pénitentiaire ? »,

- 2004 Mission d'information n°1718 de l'Assemblée Nationale sur le traitement de la récidive des infractions pénales »

- 2005 Commission Santé Justice présidée par Jean François Burgelin, Procureur général près la Cour de Cassation

- 2006 Mission sur la dangerosité et la prise en charge des individus dangereux confiés à Jean Paul Garraud député

- 2006 Mission d'information sur les délinquants dangereux atteints de troubles mentaux conduite par Philippe Goujon, député

- 2007 Commission d'analyse et de suivi de la récidive

- 2008 Rapport de M LAMANDA remis au Président de la République le 30 mai 2008 « Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux ».

- 2010 rapport d'information n°1811 de l'Assemblée Nationale de M Étienne Blanc et M Jean-Luc
Warsmann « Juger et soigner : lutter contre les pathologies et addictions à l'origine de la récidive »

- 2011 Rapport n° 3177 de l'Assemblée Nationale de M Étienne Blanc et M Jean-Luc Warsmann sur les carences de l'exécution des peines et l'évaluation du logiciel Cassiopée.

17

Avis de la commission plénière du Conseil Supérieure de la Magistrature remis le 21/03/2011 au Président de la

République

Cette loi a fait des différentes modalités d'application des peines, qui n'étaient jusque-là que des mesures d'administration judiciaire non susceptibles d'appel, des véritables décisions juridictionnelles prises après un débat contradictoire, au cours duquel le détenu peut se faire assister d'un avocat, et susceptibles d'appel devant la Chambre des appels correctionnels.

S'agissant plus particulièrement de la libération conditionnelle, le législateur a étendu la compétence du juge de l'application des peines qui peut désormais accorder cette mesure aux personnes condamnées à dix ans d'emprisonnement ou ayant une peine restant à subir inférieure à trois ans. Les demandes des autres détenus sont, elles, examinées par une juridiction régionale de la libération conditionnelle, présidée par un Président de Chambre ou un Conseiller de Cour d'appel et composée de deux juges de l'application des peines. L'intervention du Garde des Sceaux, compétent jusque-là à l'égard des détenus condamnés à plus de cinq ans d'emprisonnement, est supprimée. Les critères d'octroi de la libération conditionnelle ont été élargis.

Le décret du 30 décembre 2000, relatif à l'application des peines, a précisé les modalités d'application de ces dispositions, créant notamment la tenue des débats contradictoires au sein des établissements pénitentiaires.

La Loi Perben II du 9 mars 2004 portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité poursuit cette juridictionnalisation en introduisant dans le Code de procédure pénale un livre cinquième, intitulé « des procédures d'exécution », relatif à l'exécution des peines.

L'article 712-13 du nouveau code de procédure pénale précise que l'appel des jugements concernant l'Application des Peines est porté devant la Chambre de l'application des peines de la Cour d'appel, composée d'un président, de deux conseillers assesseurs, d'un responsable d'une association de réinsertion des condamnés et d'un responsable d'une association d'aide aux victimes. Au niveau de chaque Cour d'Appel, est ainsi créée une Chambre spécialisée dans le domaine de l'Application des Peines.

Cette loi a créé l'article 131-5-1 du Code de procédure pénale qui définit la mesure de stage de citoyenneté comme peine alternative à la prison : «Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l'emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir un stage de citoyenneté, dont les modalités, la durée et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'état et qui a pour objet de lui rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société. La juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué aux frais du condamné».

2-2-2 Le placement sous surveillance électronique, mesure phare des aménagements de peine depuis 2002

Les aménagements de peine les plus anciens sont la libération conditionnelle, créée en 1885 et la semi-liberté. L'article 65 de la Loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009 consacre les aménagements de peine comme clé de voute de la politique pénale d'exécution des peines.

Un rapport, remis le 23 avril 2003 au Ministère de la Justice par le Député Jean-Luc Warsmann, préconisait de redonner de la crédibilité et de l'effectivité aux sanctions non privatives de liberté considérant « qu'il est incontestable que les magistrats se détournent de ces mesures, n'ayant plus confiance dans leur application et préfèrent ainsi, en correctionnelle, recourir à la prison ferme plutôt qu'à un travail d'intér~t général ou un sursis avec mise à l'épreuve, dont l'application est défaillante»18.

Depuis le 1er janvier 2002, les aménagements de peine ont progressé de 94,2%. Le nombre de placements sous surveillance électronique a quintuplé en 8 ans.

L'aménagement de peine actuellement le plus utilisé est donc le placement sous surveillance électronique.

18 Rapport « Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la

préparation des détenus à la sortie de prison : rapport de la mission parlementaire » auprès de Dominique Perben, Garde des sceaux, Ministre de la justice, confiée à Jean-Luc Warsmann, Député des Ardennes qui part du constat selon lequel les décisions de justice, au vu du fonctionnement de la chaîne pénale, ne sont généralement pas exécutées en temps réel. Ces délais d'exécution s'expliquent notamment par le manque d'informatisation du système judiciaire et rendent souvent l'application des peines inefficace, voire impossible. Pour remédier à cette situation, l'auteur présente 87 propositions regroupées autour de trois priorités d'action. Il s'agit tout d'abord de redonner de la crédibilité et de l'effectivité aux sanctions non privatives de liberté. Les courtes peines de prison doivent, quant à elles, être exécutées de manière juste et adaptée. Enfin, la troisième priorité est de réduire le nombre de sorties sèches de prison pour lutter contre la récidive.

Il s'agit d'une modalité d'aménagement de peine qui s'effectue au domicile de la personne placée, avec interdiction pour elle de s'en absenter pendant des plages horaires précisées par une ordonnance du Juge de l'application des peines ou bien du Juge d'instruction. Un bracelet est posé, généralement à la cheville de la personne condamnée, au sein de l'Établissement Pénitentiaire du ressort de la juridiction : il vaut pour écrou.

Un boîtier est installé au domicile de la personne qui envoie des informations au bracelet afin de le détecter à des horaires fixés par le Juge. La personne est ainsi tenue de rester à son domicile à des horaires précis. Toute violation de ces horaires peut entraîner une révocation de la mesure et une exécution de la peine en la forme ordinaire, c'est-à-dire en détention classique.

Depuis 2006, le nombre de placements sous surveillance électronique a doublé, passant de 5562 en 2006 à 11 259 en 2008.19 Le PSE représente 40% des aménagements de peine actuellement.

Ce sont donc les SPIP qui absorbent et appliquent ces évolutions majeures que sont la pression médiatique et institutionnelle concernant les faits de récidive criminels, d'une part, et l'instruction et le suivi de nouvelles mesures concernant la surveillance électronique, d'autre part.

Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation

Après avoir dessiné les grandes lignes des évolutions législatives impactant les SPIP et le changement de rationalité pénale les fondant, nous décrirons le groupe professionnel des CPIP en le situant dans la filière insertion et probation de l'Administration Pénitentiaire (3-1).

Nous décrirons plus en détails la formation initiale des CPIP (3-2) et les caractéristiques sociodémographiques de ce groupe professionnel (3-3), dont le coeur de métier a évolué profondément (3-4).

19Chiffres clés de l'Administration Pénitentiaire consultables au http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion10036/les-chiffres-clefs-10041/

3-1 Une filière insertion et probation en constante augmentation entre 2004 et 2010

Les personnels d'insertion et de probation sont au nombre de 3828 en 2009 [COUR DES COMPTES, 2010 p154]. Ils représentent 11,6% des personnels de l'Administration Pénitentiaire. Parmi eux, on compte 2639 Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation, 287 assistantes de service social, 166 Chefs de services d'insertion et de probation et 207 Directeurs d'Insertion et de Probation. L'ensemble de ces personnels est fonctionnaire et formé à l'ÉNAP20. Les personnels d'insertion et de probation sont passés de 901 à 2514 entre 1990 et 2007, soit une augmentation de +179%.

Depuis la 7ème promotion, la courbe relative aux effectifs d'élèves recrutés indique une très nette croissance avec pour la 12ème promotion, un effectif quasiment triplé. «Cette massification du recrutement peut s'expliquer en premier lieu par l'importance donnée à la mission de réinsertion et à l'intér1t porté aux mesures d'aménagement de peine » [Direction de l'Administration Pénitentiaire, Bureau RH3, mars 2007, p6.]

3-2 La formation initiale des Conseillers Pénitentiaire d'Insertion et de Probation

L'entrée en formation de la première promotion de CIP date de 1995. Le concours de CIP est ouvert aux titulaires d'un BAC+2, aux mères possédant au moins 3 enfants et aux fonctionnaires justifiant d'au moins 4 ans d'ancienneté. Ils sont formés à l'ÉNAP située à Agen comme tous les autres corps de métiers de l'Administration Pénitentiaire.

La durée de la formation initiale, préalable à la titularisation dans le corps des Conseillers
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation de l'Administration Pénitentiaire est fixée à deux ans.

Elle comprend une première année passée en qualité d'élève Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation et une seconde année en qualité de stagiaire.

Toutefois, les candidats reçus au concours, titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé ou d'assistant du service social, nommés directement conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation de 2e classe stagiaires, reçoivent une formation adaptée à leur profil professionnel au cours de leur année de stage.

20 École Nationale d'Administration Pénitentiaire

Les conditions de titularisation et d'obtention du Certificat d'aptitude aux fonctions de Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation sont identiques pour tous les Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation stagiaires.

Depuis la parution en novembre 2006 de l'arrêté instituant la pré-affectation, la deuxième année de stage se déroule sur le lieu futur de la titularisation. Les CPIP stagiaires sont déjà affectés sur leur poste en milieu ouvert ou en milieu fermé. Cette réforme, contestée sera reconduite pour la seizième promotion en 2011.

3-3 Les CPIP, un groupe professionnel majoritairement féminin, fortement diplômé, principalement en droit.

3-3-1 Une proportion de femme importante et une moyenne d'ge constante

Avant 1995, année d'entrée en formation de la première promotion de CIP, les hommes éducateurs étaient aussi nombreux, et même parfois plus, que les femmes.

On constate un retournement très net de cette tendance avec une proportion de femmes en moyenne deux fois plus importante que celle des hommes, avec une accentuation de cet écart dans la 12ème promotion où elles sont 3 fois plus nombreuses et représentent 77% de l'effectif.21

3-3-2 Un niveau de qualification élevéLe recrutement s'opère largement au dessus du niveau requis. Les données recensées depuis

la première promotion indiquent en effet que la catégorie des BAC+2 est loin d'être la plus représentative, les CIP recrutés possédant le plus souvent au moins un BAC+4. De plus, cet écart entre le niveau requis et le niveau réel tend à s'accentuer pour les dernières promotions.

La douzième promotion voit, par exemple, 95% des effectifs ayant un niveau d'étude supérieur ou égal à BAC+3 et 33% avec un BAC+5. Parmi ces élèves, 61% ont suivi des études de droit et 91% ont déjà eu une expérience professionnelle.

21 Informations consultables sur au http://www.enap.justice.fr/eleves/index.php

Pour la CIP 13, 70% des élèves ont un BAC+3 et 30% ont un BAC+5, 84%des élèves ont déjà travaillé, 63% ont suivi des études de droit, 14% des sciences sociales et 9% de l'économie et de la gestion. 73% ont déclaré avoir passé d'autres concours. Par rapport à la promotion précédente, on constate que la proportion d'internes à doublé (18% contre 8%).

Concernant la quatorzième promotion, quasiment 40% des élèves sont titulaires d'un diplôme de niveau BAC+5. Ils n'étaient que 30% dans la 13ème promotion, proportion déjà considérable pour un concours ouvert aux titulaires d'un BAC+2.

Les femmes sont toujours plus diplômées que les hommes. Elles sont 42% à avoir un BAC+5 contre 32% des hommes. La très grande majorité des élèves est diplômée dans les domaines du droit et des sciences politiques (66%) et des sciences humaines (17%). Les 6% d'élèves bacheliers ont été recrutés par concours interne. La plupart d'entre eux étaient surveillants.

La proportion d'élèves recrutés par concours interne augmente significativement. Ils sont 32% à avoir intégré la formation selon ce mode de sélection.

3-3-3 Une majorité de juristes

Depuis la 8ème promotion de CIP, deux-tiers des élèves recrutés ont suivi des études de droit. Pour la CIP 12, 61% ont suivi des études de droit et 91% ont déjà eu une expérience professionnelle. S'agissant de la CIP 13, 63% ont suivi des études de droit, 14% des sciences sociales et 9% de l'économie et de la gestion. 73% ont déclaré avoir passé d'autres concours. Cette tendance se poursuit avec la CIP 14 où la très grande majorité des élèves est diplômée dans les domaines du droit et des sciences politiques (66%) et des sciences humaines (17%). La tendance s'infléchit légèrement avec la CIP 15 avec 50% relevant du domaine du droit et de la science politique et 20%, des sciences humaines et sociales.

On compte également, dans des proportions très inférieures, des élèves issus des filières « commerce, gestion » (8%), « sciences, mathématiques, informatique » (4%), « secrétariat » (4%) ou encore « enseignement » (3%) dans cette promotion plus hétéroclite.

3-3-4 Une forte volatilité des promotions à 10 ans

Entre 1995 et 2006, on constate 103 radiations des cadres dont 23% vers l'Éducation Nationale, 22% vers la Protection Judiciaire de la Jeunesse, 20% vers la Fonction Publique Territoriale ou un autre Ministère en qualité de rédacteur, secrétaire ou attaché, 8% vers les IRA, 6% vers l'ENM ou l'École des Greffes, 8% vers la Police ou les Douanes.

Les CPIP sont donc rarement radiés pour exercer leur métier de personnel socio-éducatif au sein d'une autre fonction publique ou une association.

Parmi les mouvements de mobilité professionnelle des personnels des promotions entre 1995 et 1999 et ce jusqu'au 1er janvier 2006, on constate que 14% des personnels sont partis dont 1/3 pour passer des concours de Directeurs de Service, 19% sont à temps partiels et 7,5% sont partis provisoirement. Depuis la promotion 2001, la proportion des départs avant trois ans oscille entre 4% et 10%.

Si ce rythme se maintient, on pourrait atteindre au bout de 10 ans un taux de départ de 20% alors que les générations de 1990-1994 avaient un taux de 5% en moyenne et de 12% pour les promotions 1995-2000 [Direction de l'Administration Pénitentiaire, Bureau RH3, 2007, p6]. Parmi les 172 départs volontaires observés entre 1995 et 2007, on dénombre 56 démissions et 116 radiations des cadres d'emploi des personnels d'insertion et de probation. Sur les fonctions exercées, connues pour 97 personnes, près d'un quart occupent les fonctions d'attachés d'administration, 17% sont devenus Directeurs au sein de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, 18% occupent des fonctions de professeurs ou de Conseillers principaux d'Éducation. Seuls 7% occupent des fonctions de travailleurs sociaux.

3-4 De nouvelles méthodologies de travail

3-4-1 Un changement de coeur de métier

C'est par un décret du 21 septembre 1993 qu'est créée l'appellation Conseiller d'Insertion et de Probation. La loi pénitentiaire n°87-432, relative au service public pénitentiaire de 1987 dispose à l'Art 1er : «Le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire. Il est organisé de manière à assurer l'individualisation des peines»

Dans une décision du 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel a précisé que l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, « non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ».

Dans cette perspective, il était écrit, dans cette circulaire du 11 novembre 2000 22 «Le travail social à l'administration penitentiaire presente une specificite qui se caracterise essentiellement par : - le cadre legal dans lequel interviennent les travailleurs sociaux : l'execution des decisions judiciaires penales restrictives ou privatives de liberte ; - une action particulière à mettre en oeuvre : celle d'aider les personnes à surmonter les difficultés auxquelles elles sont confrontees, de favoriser leur insertion ou leur reinsertion sans recidive dans la vie sociale, en prenant en compte leur realite sociale, economique ainsi que leurs difficultes personnelles, familiales.»

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 modifie clairement le métier de CIP en disposant art 713 : « Le service public pénitentiaire participe à la préparation et à l'exécution des decisions privatives de liberte et de certaines decisions restrictives de liberte. Il contribue à la reinsertion des personnes placees sous main de justice, à la prevention de la recidive et à la securite publique». L'item prévention de la récidive fait ici son apparition au même niveau que la réinsertion et la mission de garde et de contrôle.

Cette notion de prévention de la récidive, qui vient se substituer à l'aide à la réinsertion sociale des personnes placées sous main de justice, a fait son apparition dès la création d'une hiérarchie par le décret n° 2005-445 du 6 mai 2005 relatif au statut particulier du personnel d'insertion et de probation de l'Administration Pénitentiaire, disposant que les personnels d'insertion et de probation « concourent, compte tenu de leurs connaissances en criminologie et de leurs compétences en matière d'exécution des peines, à la préparation des décisions de justice à caractère penal et en assurent le suivi et le contrôle ».

Une priorité est de surcroît donnée aux aménagements de peine fortement développés depuis 2004, en détachant progressivement ceux-ci de leur finalité d'insertion pour les Personnes Placées Sous Main de Justice. « Dans le cadre de leur mission de prevention de la recidive, les personnels d'insertion et de probation jouent, par leur savoir-faire en matière de prise en charge des PPSMJ et d'évaluation des problématiques individuelles, un rôle essentiel en matière d'aide à la décision judiciaire.

22

Circulaire relative aux méthodes d'intervention des travailleurs sociaux des Services Pénitentiaires

d'Insertion et de Probation AP 2000-07 PMJ2/21-11-2000 NOR/: JUSE0040086C

Ils réalisent des enquêtes relatives à la situation matérielle, familiale et sociale des PPSMJ afin d'individualiser les mesures et les peines chaque fois que cela est possible.

Les personnels d'insertion et de probation doivent ainsi étudier, avec les PPSMJ, les modalités de déroulement de leur peine afin de proposer aux autorités judiciaires les aménagements appropriés au regard de leur situation pénale et sociale. »

3-4-2 Les programmes de prévention de la récidive

Le Ministère de la Justice a décidé, en mars 2008, de redéfinir les missions des SPIP en les centrant sur la prévention de la récidive.

La circulaire de mars 200823 accentue ainsi le recentrage des missions des CIP vers la prévention de la récidive en instituant les Programmes de Prévention de la Récidive comme nouvelle modalité de prise en charge des personnes placées sous main de justice :

« Concernant l'aspect criminologique, la prise en charge doit ~tre fortement orientée sur le passage à l'acte, le repérage et le traitement des facteurs de risque de récidive et les intérits de la victime ».

Elle vise à définir la prévention de la récidive comme principale finalité de l'action des SPIP. Elle précise que cette finalité nécessite la mise en oeuvre de méthodes d'intervention centrées sur la personne placée sous main de justice. Elle indique que la prise en charge des PPSMJ repose dorénavant sur une prise en charge aussi bien collective qu'individuelle.

Ainsi, la prise en charge doit etre fortement orientée vers le passage à l'acte, le repérage et le traitement des facteurs de risque de récidive et les intérests de la victime.

Les personnels d'insertion et de probation construisent, développent et animent des programmes sous forme de groupes de paroles qui s'inscrivent dans le parcours d'exécution des peines, tant en milieu fermé qu'en milieu ouvert.

23 Circulaire de la DAP n° 113/PMJ1 du 19 mars 2008 relative aux missions et aux méthodes

d'intervention des services pénitentiaires d'insertion et de probation NOR JUSK0840001C

L'Administration Pénitentiaire suit ainsi textuellement la préconisation REC(2000) 22 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe concernant l'amélioration de la mise en oeuvre des règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté et qui préconise l'instauration de « programmes d'intervention qui consistent à apprendre aux délinquants à réfléchir aux conséquences de leur conduite criminelle, à les amener à mieux se connaître et à mieux se contrôler, à reconnaître et à éviter les situations qui précèdent le passage à l'acte et à leur donner la possibilité de mettre en pratique des comportements pro sociaux. »

Ces programmes ont été expérimentés à partir de juillet 2007. Ils consistent à réunir, pendant plusieurs séances, un groupe de condamnés présentant une problématique commune, liée au type de délit commis, pour les faire réfléchir sur les conséquences de leur conduite, les amener à mieux se connaître et leur donner ainsi les moyens d'éviter la réitération des faits. Les thématiques portent sur les infractions de nature sexuelle, les violences conjugales et familiales, la délinquance routière et le passage à l'acte lié à une addiction. Ces PPR sont inspirés des programmes mis en place au Canada dans les années 1990. Ils ont été expérimentés en juillet 2007 et en 2008, et 50 projets ont été lancés [COUR DES COMPTES 2010 p112]. Des sessions de formation continue sont proposées à l'ÉNAP depuis janvier 2009.

3-4-3 Le diagnostic à visée criminologique

Le diagnostic à visée criminologique devient le coeur de métier des CPIP. Il est « rédigé exclusivement par les personnels d'insertion et de probation et correspond à la définition la plus exacte possible de la situation et de la personnalité de l'intéressé à un moment donné.

Le diagnostic se met en oeuvre dès le premier entretien (accueil arrivant, début de prise en charge) et il est actualisé durant le parcours d'exécution de peine ou de mesure. » [Mémo SPIP n°14, 18 mai 2010].

Le métier de CPIP, fondé sur la prévention de récidive, doit désormais s'exercer dans le champ pénal et criminologique, permettant une évaluation criminologique des PPSMJ dans l'objectif d'une meilleure individualisation de la prise en charge des profils.

La DAP a initié, à partir de 2010, dans un chantier devant aboutir à la mise en place d'une méthodologie commune et homogène, le « diagnostic à visée criminologique (DAVC) ».

Cet outil, module de l'application APPI24, permettra d'établir un diagnostic répondant à des items précis appréhendant le parcours et la situation des PPSMJ sous tous les angles, démarche au cours de laquelle il s'en déduira la nature de sa prise en charge.

Ce vaste chantier est en phase d'expérimentation dans onze sites pilotes depuis avril 2010 avec l'objectif d'assurer une meilleure continuité de suivi, notamment s'agissant de personnes condamnées à des peines mixtes. Le suivi individuel des personnes placées sous main de justice devra s'appuyer dorénavant sur l'analyse du profil criminologique des personnes concernées et sur des pratiques professionnelles tenant compte des personnalités rencontrées. Une nouvelle organisation des SPIP25, fondée sur la mise en place d'équipes pluridisciplinaires et sur une adaptation des modalités de prise en charge, selon une typologie précise, est souhaitée par l'Administration Centrale.

A ce jour, ces évolutions ne sont pas encore à l'oeuvre sur l'ensemble des SPIP mais évaluées dans des sites pilotes.

Ainsi, le groupe professionnel des CPIP, majoritairement féminin et diplômé en droit est appelé à exercer de nouvelles missions qui l'éloignent du travail social pénitentiaire, tel que défini à la création des SPIP en 1999.

Chapitre 4 : Genèse d'un changement de nom

Le groupe professionnel des Conseiller d'Insertion et de Probation a changé de nom fin décembre 2010 pour devenir Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation. Cette évolution a fait suite à un mouvement social d'envergure26, survenu en 2008 à la suite de la publication du volet indemnitaire et statutaire d'une circulaire de mars 2008 (4-1).

Un rapport de force s'est établi entre les personnels et la Direction de l'Administration Pénitentiaire (4-2).

24 Le logiciel APPI (Application des Peines Probation Insertion) est un outil informatique commun au service de

l'application des peines et au service pénitentiaire d'insertion et de probation, qui permet la gestion des mesures dont ils ont la charge. Son utilisation donne accès à une information sur la mise à exécution des sanctions prononcées. Circulaire relative aux aménagements de peine et aux alternatives a l'incarcération CRIM 2006-09 E3/27-04-2006 NOR : JUSD0630051C Alternative à l'incarcération Aménagement de peine Application des peines Exécution des peines Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 Décret n° 2004-1364 du 13 décembre 2004.

25 Voir en Annexe 3 p 160

26 Voir en Annexe 4 p 165

L'intersyndicale s'est fissurée et une phase de négociation s'en est ensuivie (4-3) aboutissant à une nouvelle grille indiciaire et à cette nouvelle dénomination de CPIP (4-4).

4-1 Une circulaire décriée

La circulaire de mars 2008 indique que le corps d'encadrement verra sa grille indiciaire valorisée pour la troisième fois en cinq ans alors que le statut des CIP n'a pas été revisité depuis le classement sur la grille indiciaire intermédiaire dite CII27 depuis 1977.

La formation initiale est portée à un an, contre deux ans auparavant, et une prime, modulable en fonction de la façon de servir de l'agent, vient remplacer les primes identiques pour tous les personnels quelques soient leurs notations individuelles. Le 29 avril 2008, à l'appel de deux organisations syndicales (UGSP-CGT et SNEPAP-FSU), des assemblées générales se tiennent dans les SPIP de l'ensemble du territoire.

Les Assemblées générales ont pour objet de permettre aux personnels des SPIP de se positionner concernant le projet de réforme statutaire que leur propose l'Administration Pénitentiaire. Dans la majorité des AG, les personnels se prononcent contre la réforme proposée.

Les Conseillers d'Insertion et de Probation, privés du droit de grève28, et les Assistant(e)s de Service Social, décident d'entamer une mobilisation pour exprimer le rejet de cette réforme, et revendiquer l'accès à la catégorie A et une revalorisation indiciaire immédiate.

27 Les décrets du 25 janvier 1994 mettent en oeuvre la réforme de la catégorie B, prévue par le protocole

du 9 février 1990, pour les personnels infirmiers, de rééducation ou médico-techniques de la fonction publique hospitalière. La circulaire du 4 mai 1994 met en oeuvre cette réforme dite "Classement indiciaire intermédiaire", ainsi que la reprise d'ancienneté prévue par le décret du 10 mars 1993. Les CIP font partie de cette catégorie indiciaire depuis 1993.

28

Décret n°66-874 du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut

spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire Les personnels de direction, de surveillance, d'administration et d'intendance, éducatif et de probation, technique et de formation professionnelle des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire constituent des corps régis par le statut particulier de ces personnels. L'article 80 Modifié par Loi n°92-125 du 6 février 1992 - art. 3 (V) JORF 8 février 1992 : dispose «Les fonctionnaires des services extérieurs de l'administration pénitentiaire doivent s'abstenir en public qu'ils soient ou non en service, de tout acte ou propos de nature à déconsidérer le corps auquel ils appartiennent ou à troubler l'ordre public.»

Les personnels des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation optent pour des modalités d'actions diverses, qui s'apparentent à une grève du zèle (boycott du logiciel dédié, des interventions, des déplacements). Un communiqué intersyndical SNEPAP-FSU / UGSPCGT, en date du 19 mai 2008, fait état de l'extension du mouvement. Plus de la moitié des SPIP se sont alors déclarés en mouvement. L'intersyndicale appelle à des manifestations régionales le 26 mai et à une manifestation nationale le 5 juin. Les organisations syndicales demandent aussi une audience auprès du Directeur de l'Administration Pénitentiaire, ainsi que la levée des sanctions qui ont frappé quelques agents.

Le 26 mai 2008, alors que la mobilisation concerne plus de 80% des services, des rassemblements se tiennent à Paris, Marseille, Nantes, Lyon et Strasbourg.

Le 28 mai, le Directeur de l'Administration Pénitentiaire reçoit les délégués du SNEPAP-FSU et de l'UGSP-CGT. Le communiqué intersyndical précise que : « Le Directeur de l'Administration pénitentiaire a dans le mrme temps indiqué vouloir reprendre la discussion sur l'ensemble des thématiques relatives au SPIP»

C'est dans ce cadre que Madame Trabut a été nommée par le Garde des Sceaux pour conduire « une mission d'écoute et de proposition » qui devra porter sur les missions, l'encadrement et les questions statutaires et indemnitaires. Les organisations syndicales indiquent que la réponse de l'Administration Pénitentiaire ne convient pas aux personnels en mouvement.

Ils appellent les assemblées générales locales à se prononcer sur les suites à donner au mouvement, qui entre alors dans son deuxième mois d'existence. Le 5 juin, plus de 1000 travailleurs sociaux répondent à l'appel de l'intersyndicale SNEPAP-FSU et UGSP-CGT, rejoints par la CFDT-Interco, pour une manifestation nationale à Paris.

Une large couverture médiatique (dépêche AFP, articles dans le Figaro, Le Monde et Libération) fait état de cette mobilisation d'une ampleur conséquente. Les organisations syndicales appellent à poursuivre le mouvement et à mettre en oeuvre de nouvelles modalités d'actions. Le même jour, M. Lamanda, premier Président de la Cour de Cassation, remet un rapport concernant la lutte contre la récidive au Président de la République.

Il indique, dans une de ses 23 propositions, qu'il serait souhaitable « d'augmenter les effectifs des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation » (proposition 17).

4-2 Les premières réponses de l'Administration Pénitentiaire : un abandon de toutes références au caractère social des missions des CIP

Le 26 mai 2008, le Directeur de l'Administration Pénitentiaire reconnaît que la réponse que l'administration pénitentiaire a apporté aux services pénitentiaires d'insertion et de probation « n`a pas été jugée pertinente » [Point d'information SPIP du 28/05/2008].

Il missionne Mme TRABUT, Inspectrice des services judiciaires le 26 mai pour « entendre les personnels et prendre connaissance des modalités de fonctionnements des services. » [Point d'information SPIP du 28/05/2008].

Des lettres d'informations régulières sont envoyées aux DSPIP à compter du 28/05/2008, date de la dernière rencontre bilatérale avec les syndicats majoritaires UGSP-CGT et SNEPAPFSU, afin de rendre compte de l'avancée de la mission de Mme Trabut. Une réunion aura lieu le 17 juin 2008 avec les deux principaux syndicats où quatre thèmes seront abordés : l'amélioration concrète du fonctionnement des services, une réflexion sur les perspectives-métiers devant conduire à un ajustement des projets statutaires et indemnitaires, l'adaptation de la formation initiale et continue, et des propositions d'adaptation et de management des services.

Un comité de pilotage est lancé le 30 juin avec pour objectif la mise en oeuvre effective de ces propositions en décembre 2008-janvier 2009. Le diagnostic de Mme TRABUT arrive à son terme le 3 juillet 2008. Elle prend la tête du comité de pilotage des 5 groupes chargés de formuler des propositions sur les thèmes suscités. Un cinquième thème est ajouté : l'accompagnement de la mise en oeuvre de la Loi Pénitentiaire.

Madame Isabelle GORCE, consjller référendaire à la Cour de Cassation, est chargée du groupe « perspective métiers ». Elle était anciennement sous directrice des Personnes placées sous main de justice à la DAP, lors de la création des SPIP. En août 2008, Mme TRABUT publie le rapport de la mission d'expertise et de proposition sur les SPIP, à la suite de la visite de 11 SPIP du 29/05/2008 au 28/06/2008, complétée en juillet par des entretiens avec des chefs d'établissements et des responsables de département Insertion et Probation dans les Directions Interrégionales des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation.

Elle relève dans ce rapport des « maladresses de management et de communication dans le projet de réforme statutaire non expliqué et des déceptions suite à l'annonce de l'année des SPIP en 2007 » [TRABUT p5]. Du côté de la hiérarchie, elle note «une crise de reconnaissance des SPIP » dûe aux « changements profonds qui touchent le travail et à l'empilement des réformes sans priorisation ni méthode » [TRABUT, Idem]. Les magistrats insistent dans ce rapport sur « la nécessité de reconnaître le travail des SPIP mieux qu'il ne l'est aujourd'hui. » [TRABUT, p5].

Mme TRABUT situe sa réflexion sur la nécessité de trancher entre la filière sécurité et la filière sociale afin de « tirer les arguments en faveur d'une amélioration statutaire, juste et nécessaire compte tenu des choix de politique publique » [TRABUT p6].

Le Directeur de l'Administration Pénitentiaire indique que « les fonctions d'insertion et de probation ne peuvent ~tre mises en oeuvre (~) qu'avec le concours de partenaires extérieurs ». Ainsi, l'objectif d'insertion à l'origine des SPIP est potentiellement confié « aux personnes de droit public et privé sans lesquelles l'insertion des personnes placées sous main de justice ne pourrait s'effectuer » [Note DAP du 9 septembre 2008].

4-3 Une phase de négociation bilatérales entre le SNEPAP-FSU et l'Administration Pénitentiaire

Le 21 octobre 2008, suite aux résultats des travaux des 5 groupes, Monsieur D'HARCOURT indique que « la formation des CIP sera revue pour prendre en compte ces évolutions. Elle visera à former des professionnels développant une expertise criminologique, c'est-à-dire avec des capacités d'évaluation permettant de construire et d'animer des parcours, en vue de prévenir la récidive » [Mémo SPIP du 21 octobre 2008].

Le 2 mars 2009, la DAP propose aux syndicats, pour l'évolution statutaire des CIP, un coeur de métier spécifique basé sur la prévention de la récidive, une action sur le passage à l'acte et l'aménagement des peines où « l'action des SPIP est clairement positionnée au sein de la filière pénitentiaire et clairement sur le champ pénal et criminologique» [Mémo SPIP n° 9 2 mars 2009]. Le protocole validant ce choix est signé le 9 juillet 2009 par le SNEPAP-FSU, syndicat minoritaire. L'UGSP-CGT et la CFDT-Interco refusent de signer ce protocole.

Le texte confirme que le métier de CIP, fondé sur la prévention de la récidive, s'exercera désormais dans le champ pénal et criminologique.

Les 300 assistant(e)s de service sociaux de la filière insertion et probation pourront alors choisir d'intégrer le corps des CIP ou de rester dans le champ du travail social. Suivront 8 réunions bilatérales SNEPAP/DAP pour discuter de l'évolution de la grille indiciaire des CIP et la durée de la carrière. Le principe d'une surindiciarisation équivalente à celle des lieutenants et capitaines pénitentiaires est acté.

4-4 Deux décrets statutaires et indiciaires29 créent les Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation.

Les deux corps créés sont ceux des « Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (CPIP) » et des « Directeurs Pénitentiaires d'Insertion et de Probation » (DPIP). Le statut d'emploi mis en place est celui des « Directeurs Fonctionnels des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation » (DFSPIP).

L'écriture de l'article 1 du nouveau statut des CPIP a connu plusieurs modifications sous l'influence de l'UGSP-CGT, entre autre. En effet, le projet initial de réécriture des missions évacuait toute référence à la réinsertion.

Alors que des «connaissances en criminologie» et une «expertise en exécution de peine» étaient privilégiées, la rédaction initiale du décret a été modifiée, pour laisser place à une formulation de compromis :

«Art. 1er - (...) Les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation exercent les attributions qui leur sont conférées par les lois et règlements pour l'application des régimes d'exécution des décisions de justice et sentences pénales. Ils interviennent dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites pénales, restrictives ou privatives de liberté.

29 Le corps de CPIP comporte deux grades : un grade de CPIP classe normale qui comporte douze échelons, et un

grade de CPIP hors classe qui comporte huit échelons (plus l'échelon d'élève). La grille définitive du corps de CPIP consacre une revalorisation indiciaire conséquente par rapport à la grille des CIP actuelle. L'amélioration n'est cependant pas linéaire. En fonction des périodes de la carrière, elle peut aller de 2 à 74 points d'indice. Elle est notamment intéressante en tout début et en toute fin de carrière. En dehors de ces périodes, la durée de carrière est rallongée de 3 années par rapport à l'actuelle (de 23 à 26 ans à partir de la titularisation). Il sera donc plus long d'atteindre l'indice sommital. Cette durée de carrière est largement supérieure à celle des lieutenants/ capitaines (17 ans), mais inférieure à la durée de carrière prévue pour les futurs CII (34 ans). Au 1er janvier 2011, l'ensemble des CIP, ainsi que les agents en détachement dans le corps des CIP, basculent sur la première grille transitoire du corps de CPIP. En fonction des échelons, ils gardent le bénéfice de tout ou partie de l'ancienneté acquise. Chaque 1er janvier des quatre années suivantes, l'ensemble du corps bascule sur une nouvelle grille, où chaque échelon est réévalué de quelques points.

Sur saisine des autorites judiciaires, ils concourent à la preparation des decisions de justice à caractère pénal. Ils assurent le suivi de l'exécution des peines et veillent au respect des obligations judiciaires dans un objectif de prevention de la recidive et de reinsertion.

Compte tenu de leur expertise en matière d'exécution de peine et d'accompagnement socioeducatif, de leurs connaissances en criminologie et selon les besoins particuliers des personnes confiees, ils concourent à la preparation et à la mise en oeuvre des mesures d'insertion et des dispositifs de prevention de la recidive prevus par les lois et règlements.

Ils participent à la politique d'individualisation des peines par le developpement des alternatives à l'incarcération et des aménagements de peine dans les conditions prevues par le code de procedure penale. Ils oeuvrent plus particulièrement au travail sur le sens de la peine, afin de concourir au maintien ou à la restauration de l'autonomie et à la responsabilisation des personnes suivies ».

Ainsi, le groupe professionnel des CPIP a changé de nom et une revalorisation indiciaire a fait suite à un mouvement social important en 2008. De nouvelles méthodes de travail sont initiées comme les programmes de prévention de la récidive et le diagnostic à visée criminologique. Les tensions exprimées lors du mouvement social de 2008 indiquent que des courants antagonistes traversent le groupe professionnel des CPIP concernant les missions de ce groupe et leurs finalités. Les problématiques indiciaires et statutaires ne peuvent suffire à les éclairer et à les comprendre en notre sens.

Conclusion de la première partie

Entre 1999 et 2010, une succession de lois ont modifié en profondeur l'action des SPIP et le droit de l'exécution des peines. Le placement sous surveillance électronique s'est imposé comme la mesure la plus reconnue de l'Administration Pénitentiaire, avec l'incarcération classique, malgré un développement des mesures suivies en milieu ouvert. Cette mesure est massivement utilisée depuis 2005. Les programmes de prévention de la récidive sont mis en oeuvre depuis 2007 et la Loi pénitentiaire du 25 novembre 2009 consacre le diagnostic à visée criminologique comme coeur de métier pour les CPIP, sous fond de critique générale du travail social et de changement latent de logique pénale. Ces évolutions constantes ont modifié en profondeur l'organisation des SPIP et la définition de leurs missions. Les CPIP sont les acteurs de ces changements institutionnels.

Majoritairement féminin et diplômé en droit, ce groupe professionnel a connu des recrutements croissants entre 2004 et 2010. Un mouvement social important est venu traduire les tensions le traversant en 2008 sur des problématiques statutaires, seules susceptibles de fédérer les syndicats. On retrouve le même phénomène chez les surveillants pénitentiaires : « On peut en outre noter que cette conception de la professionnalisation se révèle assez réductrice. De la part des organisations de surveillants, elle conduit bien souvent à « la fermeture et [au] "protectionnisme" des acquis » [GIACOPELLI, 1993, p. 303] les syndicats jouant un rôle "exclusif" réducteur. Divisées, les organisations syndicales de surveillants peuvent être promptes à se rassembler sur les problèmes catégoriels tournant autour de quelques axes faciles à identifier : statut = droits, carrières, rémunérations ; conditions de travail = effectifs, durée du travail. » [GIACOPELLI, 1993, p. 308)]. Ce mouvement n'est-il pas également l'expression d'antagonismes et de paradoxes au sein du groupe professionnel des CPIP, au-delà de ces sujets de revendication spécifiques ?

Nous nous proposons ici d'aborder la professionnalisation des CPIP d'une manière moins étroite, en analysant la dynamique interne du groupe professionnel des CPIP depuis 1999, au coeur de ces évolutions profondes. Qu'est ce qu'être Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation dans ce contexte d'évolutions institutionnelles ?

Deuxième partie : Les traductions structurelles de ces

évolutions

Introduction de la deuxième partie

Notre propos ici sera d'essayer de cerner ce qui concerne l'ensemble des CPIP et les caractères concourant à leur unité en tant que groupe professionnel. Ainsi, selon la tradition fonctionnaliste de la sociologie des professions, le passage d'une occupation à une profession suit des étapes successives30. Ces étapes seraient irréductibles ce qui accorderait pleinement le statut de professions aux médecins, aux juristes, aux ingénieurs et au professorat universitaire [PARSONS, 1939].

Cette approche a été abandonnée dans les années 60 aux États-Unis et n'a jamais connu d'écho en France en raison du contexte particulier explicité en introduction générale. Elle nous semble toutefois susceptible d'ordonner et de rendre intelligibles dans un premier temps les évolutions des SPIP avec toutes les nuances et amendements qui s'imposent aux regards des connaissances actuelles.

Nous analyserons ainsi quelles sont les expressions concrètes pour les CPIP à l'échelle des services des évolutions institutionnelles depuis 1999 (Chapitre 5).

Nous tenterons, avec cette première grille de lecture, de confronter les représentations des CPIP sur ces évolutions et de les articuler avec les souhaits de l'Administration Pénitentiaire et leurs dimensions dialectique et rhétorique. L'autonomie du groupe professionnel et son expertise seront ainsi analysées (Chapitre 6).

30 Il s'agit de l'exercice de l'activité à plein temps, de la mise en place d'un cursus de formation universitaire de haut

niveau, d'une association professionnelle au niveau national, d'une délégation du «sale boulot» à des subordonnés, de l'existence d'un conflit intergénérationnel au sein de la profession, entre les plus âgés déjà installés, et les jeunes qui cherchent à améliorer le statut collectif de l'occupation, de l'établissement d'une concurrence entre la nouvelle profession et des occupations voisines, et enfin de la recherche d'une protection légale et de la mise en place d'un code de déontologie.

Chapitre 5 : Une organisation des services profondément modifiée

La création des SPIP a provoqué une modification profonde de l'organisation des CPAL et des services éducatifs en détention. Ainsi, la création d'une hiérarchie (5-1) a instauré une distance avec les magistrats et les acteurs de la prévention de la récidive sur le département (5-2) et favorisé le développement de l'écrit (5-3).

5-1 La création d'une hiérarchie dans les SPIP

Les SPIP étaient placés sous l'autorité hiérarchique d'un Directeur de SPIP, nommé DSPIP, et agissant sous l'autorité hiérarchique du Directeur Interrégional des Services Pénitentiaires avant la création des DFSPIP. Le décret du 12 septembre 1972 avait créé les Chefs de Service de Probation, leurs rôles consistant à « coordonner et contrôler l'action des agents et adjoints de probation et, s'il y a lieu, celle des délégués bénévoles » [POUPONNOT, 2006, p11].

Une réforme statutaire d'envergure est portée par le décret n°2005-448 du 6 mai 2005 relatif au statut d'emploi de Directeur des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation. Il crée le corps des Directeurs d'Insertion et de Probation, modifié par les décrets n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 et n°2007-653 du 30 avril 2007, portant statut particulier des Directeurs des Services d'Insertion et de Probation. Ils sont placés sous l'autorité des Directeurs de SPIP. Les Directeurs d'insertion et de probation (DIP) assurent l'encadrement des SPIP. Ils peuvent se voir confier des missions d'études, de coordination, de contrôle et de conception à l'Administration Centrale, dans les Directions Interrégionales des Services Pénitentiaires(DISP) et à l'École Nationale d'Administration Pénitentiaire. Ils peuvent exercer des fonctions de direction dans les centres pour peines aménagées et les centres de semiliberté.

Ils peuvent être adjoints des directeurs de SPIP. A la suite de la réforme statutaire de 2005 qui a créé le corps des Directeurs d'Insertion et de Probation, la fonction d'encadrement des SPIP s'est renforcée. En mai 2008, on comptait 84 DSPIP, 109 DIP et 136 Chefs d'insertion et de probation pour 3500 agents, soit un taux d'encadrement de 9,4 agents par personnel de direction. [COUR DES COMPTES, 2010, p105]

Ce double niveau de hiérarchie depuis 2005 et la partition des missions entre Directeurs et Chefs de service sont mal compris par les CPIP dans leur grande majorité, quelque soit leur ancienneté dans la fonction :

Pour certains, la méthode de recrutement différencie les CSIP des DIP alors que pour d'autres, l'absence de clarification des missions vient de la création récente de la fonction de DIP :

F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté : « Je vois pas à quoi ça sert, j'ai vraiment pas bien compris, je comprends pas ; moi je trouve que c'était pas mal d'avoir un directeur, une directrice et des chefs de service ; moi je comprends pas la différence entre un DIP et un chef de service, voilà ; sauf, que maintenant, il y a un examen, enfin, c'est un concours un peu plus, voilà ; moi, qu'ils me clarifient les missions des DIP ; moi, quand il y a un DIP et un chef de service, je vois pas bien la différence ».

F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Je trouve que c'est un peu flou, la différence entre les chefs de service et les DIP, enfin, on a pas vraiment encore de recul ; j'ai l'impression que ça commence à se mettre en place, j'ai l'impression que, personne ne connaît ; j'ai l'impression que c'est pas encore clairement défini et que personne ne fait clairement la différence entre

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Aucune personne interrogée à ce sujet n'a relevé connaître des différences marquées de missions entre CSIP et DPIP. L'Administration, lors de la réforme statutaire, a acté cette absence de clarification des missions en portant à extinction le corps des CSIP. Ceux-ci n'ont pas pour autant disparu suite à cette réforme et seront amenés à intégrer le corps des DIP de manière progressive entre 2011 et 201531. Le corps des CSIP étant donc amené à disparaître en 2015, cela clarifiera probablement l'organisation des services.

5-2 Une perte de reconnaissance sur le terrain comme acteurs de la prévention de la récidive

La création d'une hiérarchie avec deux niveaux de responsabilité au sein des SPIP, couplée avec le déménagement hors des TGI, a introduit une contrainte là où les rapports étaient autrefois directs avec les acteurs de la Politique de la Ville, les Juges de l'Application des Peines et les partenaires du SPIP en milieu ouvert :

31 Décrets statutaires et indiciaires publiés au Journal Officiel du 28 décembre 2010

H, 53 ans, CPIP, 27 ans d'ancienneté : « Il y avait des injonctions paradoxales ; on me disait : « il faut trouver des postes de travail d'intér~t général parce qu'on en manque, mais vous n'avez pas le droit de discuter directement avec des Adjoints au Maire des chefs de ceci cela », parce que là, ce sont que des chefs qui rencontrent des chefs ; il y avait pas une pratique libérale de cette administration mais, au contraire, une pratique, comment dirais-je, administrative, bureaucratique. »

De fait, la volonté initiale de rapprocher le service des partenaires par une sectorisation
géographique a été contrariée par cette hiérarchisation, selon les CPIP ayant connu les CPAL :

H, 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté : « Je l'ai vécu comme un appauvrissement du métier, parce qu'avant, on faisait sans ; par exemple les JAP, s'ils avaient une réunion où ils ne pouvaient pas aller, ils nous disaient d'y aller, on était délégués du JAP, on se retrouvait avec des élus et tout ça, et c'était très intéressant. Aujourd'hui, c'est tout un aspect du travail qu'on ne fait plus, que la hiérarchie s'est approprié, pour nous, c'est un appauvrissement des tâches, et la hiérarchie ne souhaite pas non plus qu'on rencontre les élus ; si tu travailles sur une ville, le DIP, il va rencontrer le maire : tu vas pas avec lui, donc, c'est un vrai appauvrissement, même les comités locaux de prévention de la délinquance, on sait même pas ce qui s'y est dit. Parfois, on a un compte rendu, mais pratiquement, on est privé de dessert. Donc, on est écartés de toutes ces tâches qui étaient très intéressantes et faisaient de nous des acteurs de la vie des Communes très impliqués ; donc du coup, on est plus en retrait, on est moins impliqués dans la vie d'une Commune ».

Cette coupure d'avec le terrain est plus vivement ressentie par les personnels ayant connu un mode d'organisation précédent l'arrivée de cette hiérarchie. Les arguments invoqués couvrent autant l'organisation pratique et quotidienne du service qu'un problème de reconnaissance d'ordre social :

F, 46 ans, Assistante sociale, 22 ans d'ancienneté : « J'ai trouvé dommage qu'on soit obligé de quitter le tribunal ; je pensais qu'on aurait maintenu les contacts avec les magistrats, parce que ça facilitait vraiment le travail d'être sur place, j'en parle avec nostalgie ; mais on a beaucoup perdu, c'était vraiment autre chose ; pour moi, on travaillait dans de meilleures conditions, c'est plus facile d'être sur place pour aller chercher un jugement sur intérêt civil ; c'est quand même avant la juridictionnalisation, on allait voir les juges, c'est sûr, ils révoquaient moins, pour certains pas du tout ; on faisait pas les rapports tout le temps,

On parlait des situations avec les gars, je me souviens d'avoir accompagné des gars qui avait des problèmes avec les droits de visite et d'hébergement avec leurs gamins qu'ils ne voyaient pas au tribunal des affaires familiales, on connaissait les parquetiers, on connaissait les greffiers, on était connus et identifiés alors effectivement, à une époque, on était aussi taillable et corvéables à merci ».

La reconnaissance sociale des CPIP, en tant qu'acteurs de la lutte contre la délinquance au niveau départemental, est ainsi obérée. C'est le SPIP en tant que service qui est représenté par l'intermédiaire de l'échelon hiérarchique sans que le contenu précis des missions des agents au quotidien soit forcément connu par les partenaires. Cela est potentiellement vecteur de tensions entre agents ayant connus les CPAL et les CSIP ou les DPIP :

H, 53 ans, CPIP, 27 ans d'ancienneté : « Ça faisait plutôt penser à une organisation, une odeur de type soviétique, sans connotation personnelle sur ; mais ce qu'on a reproché aux systèmes centralisés, c'est-à-dire tout passe par la hiérarchie mais, c'est tellement lourd, rien ne fonctionne, ça manque de souplesse et tout ; et en mrme temps qu'on fait du management, on fait le contraire du management, parce que le management c'est quand mrme, avoir, mettre les subalternes sous son aile, en disant : « on fait partie du même bateau » ; on donne l'illusion que, et pour faire illusion, il faut bien donner quelques petits bouts d'os à ronger et donc on leur donne des miettes de pouvoirs, des illusions d'autonomie et de maîtrise. Pour nous, c'est un management centralisé, c'est-à-dire le contraire du management parce que le management c'est quand mrme horizontal »

Ainsi, la hiérarchie est perçue comme un outil de contrôle de l'activité des SPIP et non pas comme un appui technique auprès des partenaires.

C'est l'Administration Pénitentiaire qui viendrait étendre son action au-delà des établissements pénitentiaires jusqu'aux CPAL, autrefois sous l'autorité des Juges d'Application des Peines :

F, 49 ans, Assistante sociale, 28 ans d'ancienneté : « C'est que le fonctionnement du service s'est hiérarchisé, organisé ; c'est la prise en main par l'Administration pénitentiaire des comités de probation, puisque comme, je te le disais à l'instant, l'Administration pénitentiaire était éloignée de mon lieu de travail ; nous on travaillait dans un environnement judiciaire, on se voyait très peu avec le milieu fermé ; historiquement, il y avait la prison et le tribunal, 1999, c'était renforcer l'identité administrative des services d'ailleurs ;

On a vu l'AP remettre la main sur ses personnels, en nous demandant de quitter les tribunaux, ce qui a été un grand choc, d'ailleurs, les magistrats s'y étaient opposés et on y a probablement beaucoup perdu, parce que donc, on a vu se figer au fil des années une hiérarchie, autant de corps qui nous ont éloigné des tribunaux, qui nous ont privé du contact avec les magistrats, et donc, évidemment on y a beaucoup perdu, parce qu'on a vite compris que ces corps voulaient nous priver des contacts avec les magistrats. »

La place de la hiérarchie dans les SPIP n'a donc pas été complètement intégrée par les CPIP. Cette difficulté de reconnaissance est déjà ancienne « Enfin, il faut relever la faiblesse de la fonction d'encadrement au sein des SPIP : Au-delà du problème des effectifs, la difficulté tient à l'absence de perspective réelle d'évolution pour ceux des travailleurs sociaux qui ont accepté de devenir directeur départemental ou adjoint. La faible attractivité du statut des chefs de services d'insertion et de probation (CSIP) au regard des responsabilités qui leur incombent a été à l'origine d'importantes difficultés de recrutement » [COUR DES COMPTES, 2006, p 96].

Des difficulté similaires sont rencontrées au sein de la Protection Judiciaire de la Jeunesse pour des raisons différentes : « nous soulignerons que ce sont la rationalisation de l'Action Publique et la montée des politiques de répression de la délinquance qui font de la fonction de direction le point de cristallisation des tensions internes à la PJJ [DUGUÉ, MALOCHET in LE BIANIC, VION, 2008, p51].

Le caractère récent de la création des DPIP ne permet pas encore d'effectuer un lien certain entre les difficultés rencontrées par les DPIP et celles rencontrées par les Directeurs PJJ et mériteraient d'être analysées en propre dans une étude ultérieure concernant les fonctions d'encadrement dans les services du Ministère de la Justice.

5-3 Le déménagement hors des SPIP et le développement de l'écrit

A partir de 2001, les SPIP ont quitté les Tribunaux de Grande Instance pour intégrer leurs locaux propres. Les relations autrefois hiérarchiques entre les agents et les JAP sont, de fait, médiatisées par les DIP ou les CSIP, qui valident les rapports des CPIP, et par l'utilisation du logiciel APPI32.

Le travail au quotidien des CPIP se trouve profondément modifié par un développement constant de l'écrit professionnel aux dépends de relations personnalisées avec les magistrats.

F, 54 ans, CPIP, 14 ans d'ancienneté : « On fait plus d'écrits qu'avant ; on allait voir les JAP et ça se réglait sans rapports et maintenant, quand on leur téléphone, et c'est difficile de leur parler, ils nous prennent parfois pour des larbins ».

L'éloignement géographique d'avec les Juges d'Application des Peines et l'utilisation d'APPI rend nécessaire l'utilisation de l'écrit pour transmettre les informations concernant les personnes placées sous main de justice :

F, 49 ans, Assistante sociale, 28 ans d'ancienneté : (( C'est clair que la hiérarchie des SPIP ne souhaite pas qu'il y ait des relations privilégiées entre les CIP et les magistrat ; comme on les voit plus, comme on échange plus de vive voix, il faut écrire, compenser, ils veulent légitimement savoir ce qu'il se passe et il faut nourrir la machine de rapports semestriels ».

Cette évolution conduit les CIP à écrire pour des demandes autrefois gérées oralement avec les juges d'Application des Peines.

Ce rapport permanent avec l'écrit semble peser plus fortement sur les personnes ayant connu les CPAL que sur les promotions de CPIP ayant suivi la réforme des SPIP en 1999.

32 Le logiciel APPI (Application des Peines-Probations-Insertion) est un outil informatique commun au service de

l'application des peines et au service pénitentiaire d'insertion et de probation, qui permet la gestion des mesures dont ils ont la charge. Son utilisation donne accès à une information sur la mise à exécution des sanctions prononcées. Circulaire relative aux aménagements de peine et aux alternatives à l'incarcération CRIM 2006-09 E3/27-04-2006 NOR : JUSD0630051C Alternative à l'incarcération Aménagement de peine Application des peines Exécution des peines Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 Décret n° 2004-1364 du 13 décembre 2004.

F, 49 ans, Assistante de service social, 28 ans d'ancienneté : « Je pense que l'écrit effectivement ça s'est développé parce qu'on s'est éloigné des magistrats, et là où on pouvait communiquer finalement simplement en étant dans le même couloir en passant la porte des magistrats qui étaient très accessibles l'éloignement nous à obligé à écrire, à communiquer, moi, je pense que c'est ça qui a changé la donne, on avait un seul dossier, et le juge pouvait aller à tout moment le consulter, aujourd'hui il y a deux dossiers et il faut alimenter celui des juges par des écrits ».

F 46 ans, Assistante de service social, 22 ans d'expérience : « Dans la pratique, ça a mis le rendu compte, le fait de devoir rendre des comptes, partout : écrire l'éloignement des tribunaux, les différentes instances, les débats contradictoires, les remises de peines supplémentaires, les commission d'application des peines ; on est arrivé à un travail beaucoup plus administratif ; ça nous a obligé, oui, ça a modifié la pratique, ça l'a rendue beaucoup plus administrative, en fait. »

F, 49 ans, Assistante de service social, 28 ans d'ancienneté : « Il n'y avait pas de rapports semestriels, le juge demandait un rapport s'il était conformé que la personne passait à l'audience ; on avait besoin d'étayer si on avait besoin de demander une autorisation de déplacement, si on devait dire que la personne ne s'inquiète pas du tout de son obligation de dédommager et on trouvait qu'elle y mettait toute la mauvaise volonté du monde ; il fallait faire un rapport, on donnait les justificatifs au juge et on parlait de la situation. »

La dimension cognitive de ce passage de la culture de l'oral à l'écrit est très renseignée dans d'autres études sur les évolutions de l'action sociale. [CHAUVIERE, 2004] [ION, 2006]. Il existe de fait une dimension de contrôle de l'activité de l'agent dans l'émission de ces rapports mais également une acculturation progressive à l'usage de l'outil informatique, acculturation effectuée chez les CPIP arrivés après 2004 et la juridictionnalisation de l'Application des Peines.

H 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté : « Il y a un aspect positif, pratique, il y a une transmission rapide d'information mais la machine est gourmande, il faut l'alimenter ; tout ça, ça prend beaucoup de temps. On est aussi affichés, potentiellement mis au pilori, c'est le côté un peu pervers d'APPI ; le problème majeur, c'est la lourdeur des écrits, effectivement si on répond de manière très rigoureuse à la commande institutionnelle, si on rédige les rapports semestriels, les rapports de ci, de ça,

on est transformé en opérateur de saisie et on voit des collègues qui, finalement, essaient de répondre à cette commande pour ne pas être en défaut et qui oublient finalement de rencontrer les personnes ; certes les cases sont remplies mais les informations que l'on y trouve sont superficielles ».

Ainsi, la réponse aux attentes institutionnelles semble isoler le CPIP dans une logique de justification de son activité par l'écrit, sans reconnaissance extérieure de son action.

La multiplication des rapports et des comptes rendus peut devenir toutefois tellement importante qu'elle justifie en elle-même l'activité des CPIP au quotidien.

H, 31 ans, UGSP-CGT, 4 ans d'ancienneté : « Il faut améliorer la lisibilité, la transparence de notre activité ; il faut pouvoir justifier notre activité, et ces arguments à consonance positives servent à justifier un travail de plus en plus contraignant, oft on a de moins en moins d'autonomie, oft on est submergé par la paperasserie et oft justifier de ton activité professionnelle prend une part de ton travail non négligeable. »

Cela tendrait à infléchir leur intervention vers « un travail de plus en plus formaté par le développement d'outils informatiques Ils (les agents) doivent respecter, sous peine d'rtre sanctionnés, les encodages prévus par la base de données qu'ils sont censés alimenter » [SLINGENEYER, 2007, p 15].

Ainsi, la création d'une hiérarchie semble éloigner les CPIP des contacts institutionnels sur le département et substitue, au contact direct avec les magistrats, la rédaction de rapports écrits de plus en plus nombreux. Le double échelon hiérarchique CSIP/DIP, appelé à disparaître en 2015, n'a jamais été reconnu par les CPIP comme pertinent surtout par les personnels ayant le plus d'ancienneté au sein de l'Administration Pénitentiaire.

Chapitre 6 : Un discours de légitimation de ces évolutions porté par l'Administration Pénitentiaire

Une évolution aussi rapide des finalités des missions des CPIP a nécessairement due être explicitée, présentée aux acteurs, et mérite d'être mise en regard avec le discours institutionnel accompagnant ces changements profonds.

Nous monterons ici que l'Administration Pénitentiaire a ainsi développé une argumentation reposant sur les notions d'autonomie fonctionnelle (6-1) et d'expertise (6-2), actée par une revalorisation indiciaire survenue fin 2010 (6-3).

6-1 L'autonomie

Les Comités de Probation et d'Assistance aux Libérés (CPAL) étaient, avant 2001, installés au sein des Tribunaux de Grande Instance de chaque juridiction. Les déménagements des SPIP dans leurs locaux propres ont marqué l'apparition d'une hiérarchie autrefois constituée par les JAP en milieu ouvert et par les chefs d'établissement en milieu fermé.

Le rapprochement territorial d'avec les acteurs du droit commun en matière d'insertion est alors souhaité :

F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans d'ancienneté : « L'idée, c'est de dire que le travail des SPIP se situe en total lien avec les politiques publiques de droit commun et donc sur un ancrage territorial, le département qui correspond à une identité administrative, donc l'existence et la création d'un partenariat avec les différents acteurs. L'idée, c'est que le service est le même dedans dehors ; enfin, l'idée qui a été portée à ce moment là, parce que c'est pas exactement la cas ; mais l'idée c'est que les missions des SPIP, pour le SNEPAP ne sont pas fondamentalement différentes, qu'on soit en milieu ouvert ou en milieu fermé ; l'idée, c'est d'assurer une continuité d'action parce que le boulot du SPIP est quand même principalement orienté vers l'extérieur; le travail que se passe à l'intérieur n'est pas un boulot de gestion de la détention, le SPIP doit être totalement tourné vers l'extérieur et notamment que le partenariat développé en milieu ouvert doit être le même que celui développé en milieu fermé ; les problématiques sont les mêmes et l'objectif est bien de préparer la sortie des personnes, donc d'être dans une logique un peu similaire et un peu identique ».

F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « Après, c'est pas une création ex nihilo, puisque existaient les CPAL depuis 1958, les comités d'assistance et d'aide aux libérés, la création en 1999 est dans la continuité de ces comités, même s'il y a des différences de taille, puisque le SPIP est sorti du giron, pas du Ministère de la Justice mais en tout cas de l'autorité judiciaire ; je pense que c'est une extrêmement bonne chose qu'un service pénitentiaire soit créé et qu'il ne soit plus sous l'autorité des magistrats parce que ça permet de pas avoir un seul commanditaire, pas un seul juge et parti ; voilà, comme dans un jugement dans un tribunal, et qu'on se retrouve avec, il y un magistrat instructeur qui est en charge, par exemple d'un

amenagement de peine, et c'est pas lui qui va être decideur du debut jusqu'à la fin de la proposition, à l'acceptation de la direction dans laquelle aller. Le SPIP, de ce fait là; est autonome, autant que faire se peut, en tout cas le fait de le creer et qu'il ne soit plus sous l'hegemonie du pouvoir judiciaire ; je trouve que, voilà, ça offre un contre pouvoir et une proposition et une richesse qui me semble importantes».

Il semble donc que l'autonomie des SPIP vis-à-vis des magistrats et des chefs d'établissement soit reconnue par les CPIP ayant une expérience plus récente. Cette notion d'autonomie, comme indice de professionnalisation, reste cependant à relativiser.

En effet, selon Catherine PARADEISE, «l'autonomie n'est ni nécessaire, ni specifique aux professions etablies : il faut toujours une loi, un jugement pour construire la delegation de puissance publique qui fonde l'autonomie professionnelle» [LE BIANIC, VION, 2008, p289]. Ainsi FREIDSON, analysant plus particulièrement les relations entre l'État et les professions, sur la base de ses propres recherches sur les médecins, conçoit que cette autonomie ne va pas de soi : elle est en quelque sorte « concédée » par l'État qui délègue à une profession le monopole de la définition légitime d'un secteur de la vie sociale.

Le professionnalisme ne peut donc exister que s'il est adossé à un système sociopolitique plus large qui lui permet de s'épanouir. Une profession, bien qu'autonome sur le plan de ses actes techniques, ne l'est pas dans la définition de ses orientations socio-économiques : «Alors que les professions, contrairement à d'autres activités, contrôlent leur propre travail et peuvent donc être considerees autonomes dans la division du travail et dans leurs marches, du travail, elles dépendent du pouvoir coercitif de l'État qui soutient cette autonomie. Elles sont autonomes dans leur propre domaine economique mais pas dans la societe dans son ensemble car elles dépendent de l'État qui leur délègue du pouvoir » [FREIDSON, 2001, p133].

De fait, les SPIP dépendent des politiques pénales et des décisions des magistrats pour mettre en oeuvre les mesures de justice et gérer les flux de mesures prises en charge. Cette rhétorique de l'autonomie fonctionnelle trouve là une limite importante, même si elle trouve un écho chez une majorité de « jeunes » CPIP interrogés :

F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté : « J'ai eu une courte expérience des SPIP au TGI, quand j'étais élève et stagiaire dans le Val d'Oise et mon premier poste, c'était à Meaux ; c'est pareil, on est resté un certain temps, les locaux étaient exigus et puis, on est parti, et c'était très bien comme ça, c'était beaucoup mieux ; parce qu'avoir le juge en permanence, là, au bout du couloir, alors, il y avait une proximité : c'est vrai, on pouvait le voir si on avait un souci, tout ça mais c'est vrai que c'était pas gérable, on comprenait rien : la salle d'attente c'était la même pour le juge que pour le SPIP, c'était le même couloir, on avait les bureaux à côté, le secrétariat du SPIP et le secrétariat du JAP se partageaient le même, c'est vrai que c'était vraiment beaucoup plus rapide, mais bon, moi, je préfère qu'il y ait une séparation physique parce que j'ai l'impression que les juges n'avaient pas lâché l'affaire, quelque part, le truc d'être nos supérieurs hiérarchiques, et ça, j'aimais pas du tout ».

F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans d'ancienneté : « L'idée, c'est que le service est une entité autonome, bien évidemment en lien avec les autres et notamment en lien avec le judiciaire ; ça, c'est complètement évident, mais il doit définir sa façon de faire de manière propre, sa compétence de manière propre, son identité de manière propre et non pas sur autorisation ou sur instruction, ou sur directive d'une instance autre qui est le magistrat. »

Il s'agit, là, d'un deuxième clivage générationnel entre les CPIP qui perçoivent la création des SPIP comme garants de l'indépendance des CPIP vis-à-vis des magistrats, et ceux percevant la hiérarchie comme une entrave à leur autonomie dans les contacts avec les partenaires, notamment.

6-2 L'expertise

Comme nous l'avons vu précédemment, selon les auteurs fonctionnalistes, la référence à « un savoir spécialisé et appliqué, acquis au terme d'une longue formation supérieure » [LE BIANIC, 2005, p57] est le coeur de tout processus de professionnalisation. Ce savoir semble être appuyé sur un corpus théorique, la criminologie, selon l'Administration Pénitentiaire.

Mais la criminologie fait débat en France au-delà de l'Administration Pénitentiaire.

H, 55 ans, AFC : « C'est une façon de dire, pour moi, que cette question de la criminologie n'est pas une question purement d'actualité ; vous avez un fond de débat, de discussion, de conflits de toutes sortes de choses autour de cet objet criminologique en France, sachant que ça ne se passe pas du tout du tout de la même manière pour toutes sortes de raison ailleurs passé les frontières, c'est plus du tout le meme problème ».

Ce qui constitue une forme de nouveauté, c'est l'apparition, dans l'actualité, de la notion de dangerosité, exploitée médiatiquement depuis 2002 :

H, 55 ans, AFC : « L'introduction dans les débats, dans la question pénale de la dangerosité ; alors qui dit dangerosité dit nécessité effectivement de la diagnostiquer, de la définir, d'essayer d'imaginer des traitements pour s'en protéger etc. etc., et là, apparaît cette figure qui n'existe pas en France, du criminologue, hein ; le criminologue va etre l'homme de la situation, c'est à dire le spécialiste de la dangerosité : c'est comme ça que, quasiment, vous

prenez le rapport du premier président de la cour de cassation,

Monsieur Lamanda. Assez rapidement, vous vous rendez compte que pour lui, criminologie, quasiment, d'abord, ça se réduit à la psycho criminologie ; en gros, Lamanda, si je caricature un peu, c'est cette équation : criminologie=psycho, criminologie=question de la dangerosité ».

La résistance principale à l'émergence de la criminologie provient de la difficulté rencontrée par la communauté scientifique française à dépasser les clivages entre disciplines scientifiques, pour analyser des phénomènes complexes comme le phénomène criminel.

Les principales critiques insistent sur le caractère artificiel de la pluridisciplinarité, affichée dans les exemples belges ou canadiens d'écoles de criminologie : « Ce n'est pas parce qu'ils sont des chercheurs en criminologie qu'ils peuvent former des « criminologues » mais le contraire : c'est parce qu'ils doivent former des personnes qui auront le titre professionnel de

« criminologues » qu'ils sont amenés à cohabiter vaille que vaille sous le label de la

« criminologie », malgré leurs irréductibles oppositions paradigmatiques. Sitôt l'enjeu de la formation professionnelle disparu, la plupart des « criminologues » québécois redeviennent des psychologues, des sociologues, des juristes, des historiens, etc. » [MUCCHIELLI, 2010].

De fait, cette notion de pluridisciplinarité est au coeur de l'approche criminologique défendue par l'Administration Pénitentiaire :

H, 55 ans, AFC : « La criminologie, c'est souvent, on définit ça comme ça, comme une sorte de lieu de confluence d'un certain nombre de disciplines qui, par elles memes, sont constituées, bon alors, pour simplifier les choses, on peut considérer, j'avais donné l'image du tétraèdre, c'est-à-dire que la criminologie se définit avant tout comme un champ ; c'est-à-dire que la criminologie va etre l'ensemble, peut etre définie comme l'ensemble des démarches scientifiques permettant d'étudier le phénomène criminel ».

Pour autant, la référence au caractère « scientifique » de l'approche criminologique peut-être un vecteur de professionnalisation, selon certains acteurs, comme rempart contre l'arbitraire des décisions politiques :

F, 29 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « Donc, je pense vraiment à l'inverse que la crim inologie, la discipline, sérieuse et universitaire, avec des vrais gens, des chercheurs qui sont payés à ça,... qui ont les compétences pour faire ça, c'est le seul moyen de se protéger en disant : mais votre truc, là, votre idée de créer encore une infraction pour les bandes de jeunes, ça va se retourner contre vous, ça va avoir exactement l'effet inverse, vous faîtes des conneries. Vous faîtes des conneries parce qu'un criminologue, euh, moi je pense c'est la seule qui puisse tenir, quoi, et qui puisse, étant donné qu'elle est censé etre objective, dire à n'importe quel gouvernement : Ce que vous faîtes, là, c'est de la merde, là, précisément, ce que vous vous voulez sortir comme loi, c'est de la merde, ça va se retourner, à l'inverse de ce que vous voulez ; ça n'a pas de sens, voire ça devient dangereux ».

La formation en criminologie doit venir appuyer, en formation continue, une pratique de terrain.

H, 55 ans, AFC : « En formation initiale, ce qui me paraît tellement important, c'est d'avoir une base solide dans une discipline de référence et puis d'apprendre un métier, les premiers éléments d'un métier, bon, alors que la criminologie, effectivement, comme a priori elle doit s'appuyer sur plusieurs disciplines et une pratique, elle s'adresse plus à quelqu'un qui est déjà intégré à un terrain, etc. ; donc, pour moi, c'est l'approche de trois coeurs de discipline avec des spécialistes de chacune de ces disciplines qui sont ouverts aux autres et combiné avec, à la fois, une approche de type universitaire qui s'appuie aussi sur des enseignements

qui sont donnés par des praticiens, par des CIP, par des juges de l'application des peines expérimentés, par des magistrats, etc... Pour moi une formation à la criminologie, c'est ça ».

L'expertise souhaitée par l'Administration est initiée, en formation continue, après une formation initiale assurée par l'ENAP. Or, l'enseignement en criminologie, en formation initiale, est assuré seulement depuis 2004 et la huitième promotion de CIP :

« Cette nouvelle définition des missions implique que les conseillers doivent s'appuyer sur « leurs connaissances en criminologie ». Or, en 2008, la plupart d'entre eux découvrent qu'ils possèdent de telles compétences. En 2003 encore, la formation initiale de la 8e promotion de conseillers d'insertion et de probation à l'École nationale d'administration pénitentiaire (ÉNAP) ne prévoit pas de cours de criminologie » .Il faut attendre le décret du 6 mai 2005 pour que la prévention de la récidive apparaisse dans les finalités de la formation de la 12e promotion (2007-2009). Cela signifie que lorsque ce décret évoque les « connaissances en criminologie » des conseillers, une telle formation n'existe pas encore.

Il convient donc de se demander de quelles connaissances et de quelles compétences criminologiques il est aujourd'hui question dans les métiers de la probation. » [RAZAC, 2011].

Cette école inclut en formation initiale des enseignements concernant les PPR seulement depuis 2009. Cela peut expliquer la forte défiance de tous les CPIP interrogés, par rapport à cette approche criminologique en termes d'identité professionnelle qui sera analysée infra. La criminologie est perçue par une seule personne interrogée comme une protection contre l'abandon des missions sociales des CIP et, à terme, l'externalisation totale des missions d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire.

F, 29 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « Moi, je suis convaincue que la criminologie est un de seuls moyens qu'on aura de sauver notre métier, c'est-à-dire que c'est à travers, enfin la criminologie, ça a l'avantage d'être une discipline, c'est-à-dire, en soit, elle est neutre ».

Le caractère objectif de ce nouveau champ de compétence est envisagé comme une garantie contre l'arbitraire émanant du politique notamment, et de l'utilisation à des fins idéologiques de l'outil criminologique : de même, la criminologie n'est pas perçue comme dangereuse, c'est seulement le politique qui peut en faire une utilisation pernicieuse ou dévoyée :

F, 29 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « La criminologie, ça permet donc de rendre neutre certains constats, certaines études, au mieux d'objectiver des données pour qu'elles soient détachées de la question du politique et qu'on puisse prendre des décisions qui soient, non pas dans un sens ou dans un autre politiquement, mais qui soient dans le bon sens pour améliorer les choses et les questions qu'on se pose.

Et je pense que s'il y avait des criminologues et des experts criminologues sans lesquels on pourrait pas faire passer nos projets de lois, y aurait tout un tas de trucs qui ne seraient jamais passés. Je pense que la criminologie sera une des solutions pour protéger notre métier et faire que ça ne penche pas trop du mauvais côté et qu'on soit pas, et qu'on devienne pas des espèces de pseudos flics surveillants ».

Le caractère récent de cette référence institutionnelle à la criminologie (mention d'expertise en criminologie dans le décret du 6 mai 2005, développement des PPR en formation initiale depuis 2009) sur fond de volonté politique de développer l'enseignement en criminologie33, (création d'une chaire de criminologie au CNAM 34), n'a pas de relais constitués dans la communauté scientifique qui puisse permettre aux SPIP de développer à ce jour un discours expert inscrit dans un savoir en lien avec l'Université.35

La dimension rhétorique du discours de l'Administration Pénitentiaire trouve là une forte limite pour les agents interrogés dans notre enquête qui n'ont pas intégré ses arguments, à l'exception d'une seule personne.

33 Proposition 23 du Rapport LAMANDA consultable au

http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000332/0000.pdf

34 La création d'une chaire de Criminologie au CNAM attribuée à Alain Bauer en janvier 2009,

consultant en sécurité, entres autres titres, suscite inquiétude et critiques dans le milieu de la recherche et au CNAM même. Une pétition contre cette nomination circule sur internet consultable au http://sauvonslarecherche.fr/spip.php?article2317

35 «

Développer la « criminologie » à l'université ?*] Quant à l'idée de développer dans les Universités une nouvelle

discipline qui s'appellerait « criminologie », qu'en penser ? La criminologie s'est développée comme discipline universitaire dans un certain nombre de pays mais selon des modalités très différentes. Aux Etats-Unis, il s'agit de départements de sciences sociales. Comme le disait un célèbre sociologue du crime, la sociologie est ma discipline et la criminologie mon champ d'étude. En Europe, au contraire, il s'agit généralement de sections de facultés de droit. Encore faut-il distinguer les pays de Common Law où les écoles de droit ont une conception du droit assez faiblement normative pour accueillir des secteurs de recherche empirique et les pays romano-germaniques où la tradition de droit légiféré durcit la conception normative du droit et rend toujours difficile la coexistence avec des recherches empiriques. Il faudrait encore distinguer les pays (comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne) où le pénal constitue un secteur important et autonome du droit public de ceux comme la France où il est réduit à une portion congrue du droit privé. En France, le développement de l'enseignement universitaire de la criminologie s'est borné pour l'essentiel à des instituts de criminologie des facultés de droit, dispensant le plus souvent un enseignement marginal par rapport aux diplômes réguliers. » Extrait de la pétition consultable au http://www.mouvements.info/Pas-de-nouvelle-criminologie-au.html

Ce constat n'a aucune prétention statistique et est propre à notre terrain d'enquête. Il mériterait d'être confirmé ou infirmé à une échelle beaucoup plus large.

6-3 La revalorisation indiciaire, une stratégie de distinction avec les assistant(e)s de service social?

La circulaire de mai 2008 confirme que le métier de CIP, fondé sur la prévention de la récidive, s'exercera désormais dans le champ pénal et criminologique. Les 300 assistant(e)s de service social de la filière insertion et probation pourront alors choisir d'intégrer le corps des CIP ou de rester dans le champ du travail social. L'abandon du terme - travailleur social - dans les missions des CPIP et des références à l'insertion des personnes placées sous main de justice, a été l'enjeu principal de cette revalorisation indiciaire comme vu précédemment.

Les actuels assistant(e)s de service social (ASS), présents dans les SPIP, occupent les mêmes fonctions que les CIP. Pour autant, leur statut particulier et leur rémunération diffèrent. Ainsi, ne sont-ils pas soumis au statut spécial. De même, leur régime indemnitaire spécifique entraîne, à échelon égal, une rémunération supérieure à celle d'un CIP.

A l'inverse, ces montants indemnitaires ne sont pas intégrés dans le calcul des droits à la retraite, contrairement à l'indemnité de sujétion spéciale pour les CIP. « En ce qui concerne plus particulièrement les assistants sociaux qui, aujourd'hui, exercent les mrmes missions que les CIP, deux options leur seront offertes :

- soit ils préfèrent rester dans le champ du travail social et, dans ce cas, les agents restent sur leur statut d'assistant de service social. Les ASS détachés dans le corps des CIP, choisissant cette option, devront mettre fin à leur détachement, au plus tard le jour précédant l'entrée en vigueur du statut du nouveau corps

- soit ils souhaitent s'orienter vers le travail d'insertion orienté sur le champ du pénal et de la criminologie et dans ce cas, ils optent pour l'intégration dans le nouveau corps.

Cette intégration nécessite, au préalable, un détachement dans le corps des CIP, qui s'éteindra à l'issue de l'intégration des personnels dans le nouveau corps, soit le 31.12.2013. » 36.

36

Protocole du 9 juillet 2009 -- p. 4) La situation des conseillers techniques de service social (CTSS) fera l'objet d'un

traitement spécifique. » (Mémo SPIP n°13)

Ces orientations de l'Administration Centrale inquiétaient déjà les travailleurs sociaux de l'Administration Pénitentiaire en 2004/2005 : « L'insécurité tient encore à la confrontation à l'énigmatique projet institutionnel : l'incohérence perçue des réformes, des décisions (exemple : favoriser l'absorption du corps des assistantes sociales dans celui ces CIP et, parallèlement, recruter un nombre important d'assistantes sociales, modifier le profil des reçus aux concours - essentiellement des « juristes » - sans que ce changement soit présenté comme le fruit d'une décision et soit expliqué par une redéfinition des missions» [LHUILIER, 2006, p77]. Cette séparation d'avec les assistants de service social est confirmée par les projets de l'Administration Pénitentiaire concernant la pluridisciplinarité au sein des SPIP. 37

Cette stratégie de distinction, de différenciation des CPIP d'avec les assistantes de services sociales, marque possiblement la fin de l'idéal réhabilitatif des missions des CPIP, anciennement travailleurs sociaux dans la circulaire de 2000. Une analogie existe, selon nous, avec la volonté qu'ont eu les infirmières aux États-Unis de déléguer certaines tâches jugées peu gratifiantes aux aide soignantes [HUGHES, 1952]. Lorsqu'une profession était amenée à déléguer des tches, c'était souvent des tches que celle-ci jugeait accessoires.

Par « dirty work », Hughes entend les tches qui se situent en bas de l'échelle des valeurs sociales parmi toutes les tâches à accomplir dans un métier donné, qui sont jugées serviles, fastidieuses voire dégradantes et ne procurent aucun prestige social, exposant ceux qui les réalisent au mépris des autres. Aussi se pose la question de la volonté de l'Administration de délégation du sale boulot (ou « dirty work ») d'aide à l'insertion sociale des personnes placées sous main de justice aux assistantes de service social dans cette terminologie spécifique.

Ainsi, la notion d'autonomie fonctionnelle des SPIP rencontre une adhésion chez les CPIP ayant intégré l'Administration Pénitentiaire il y a moins de dix ans. Cependant, le rapport au statut d'expert en criminologie reste entièrement à construire et ne repose actuellement que sur des bases rhétoriques et argumentatives, ne rencontrant pas ou peu d'adhésion dans notre échantillon. La scission et la distinction entre Assistant(e)s de Service Social et CPIP au sein des SPIP est souhaitée par l'Administration Pénitentiaire et une partie des personnes interrogées dans une volonté de « clarification » des missions des CPIP.

37 Voir Annexe 7 p 184

Conclusion de la deuxième partie

Ainsi, l'écrit s'est fortement développé depuis 1999 avec l'utilisation du logiciel APPI. Nombre de propos indiquent que le métier de CPIP s'est considérablement bureaucratisé du fait d'une perte de reconnaissance comme acteur de la prévention de la récidive, en lien avec les partenaires sur un secteur d'une part, et de l'éloignement d'avec les Juges d'Application des Peines, d'autre part. Ces professionnalités auraient été « captées » par une hiérarchie encore en quête de légitimité. Dans le même temps, le discours institutionnel, tenu par l'Administration Pénitentiaire s'appuie sur les notions d'expertise, d'autonomie fonctionnelle des services et sur une revalorisation indiciaire. On observe un premier clivage générationnel sur la pérennité de la hiérarchie et l'utilisation de l'informatique, notamment.

Il nous semble, à présent, nécessaire de compléter cette première approche qui nous renseigne plus sur une volonté de professionnalisation des CPIP par l'Administration que sur l'effectivité de celle-ci dans les pratiques des CPIP au quotidien. Quels sont les actes posés et les savoirs utilisés au quotidien par ce groupe professionnel qui les distingueraient des activités « occupationnelles » d'autres groupes professionnels ? En quoi le fait de conserver une clinique, issue du social, remettrait en question un savoir spécialisé, spécifique propre au CPIP ? Quels sont les processus à l'oeuvre sur le terrain dans l'exercice des mesures plébiscitées par l'Administration Pénitentiaire et quels types de savoirs sont mobilisés par les CPIP pour les mettre en oeuvre ?

Troisième partie : Des pratiques professionnelles en mutation

Introduction de la troisième partie

Une approche monographique de la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique et des programmes de prévention de la récidive par les CPIP viendra ici appuyer et compléter l'analyse précédente des évolutions structurelles des SPIP et leurs conséquences sur l'activité quotidienne des CPIP.

En effet, le constat, décrit précédemment, d'une bureaucratisation de la pratique des CPIP ne renseigne pas sur la nature des savoirs mobilisés et les actes professionnels posés par ceux-ci au quotidien. Nous concentrerons en conséquence notre propos sur la pratique professionnelle des CPIP, notamment sur l'articulation entre savoirs mobilisés et monopole des CPIP sur ses pratiques.

En réaction à l'approche fonctionnaliste, la sociologie interactionniste des professions avait ainsi montré le caractère construit et constamment négocié des savoirs mobilisés par les groupes professionnels. Un apport majeur de ce courant a été d'ouvrir la voie à une étude des professions «plus respectueuse de la diversité des pratiques» [DEMAZIERE, GADEA, 2009, p153]. Les auteurs néo wéberiens de la sociologie interactionniste des professions se montrent ainsi essentiellement intéressés par la mise en évidence d'un « idéal-type » des professions dont les deux éléments-clés seraient la maîtrise d'un savoir ésotérique acquis au terme d'une longue formation et l'autonomie, c'est-à-dire la capacité du groupe à définir lui-même les conditions d'exercice et de contrôle de son travail.

Nous inscrirons notre propos dans cette approche en tentant d'identifier les savoirs et pratiques mis en oeuvre dans l'exercice de ces mesures pouvant s'intégrer dans un processus de professionnalisation. Nous montrerons que l'autonomie de décision des CPIP est partiellement préservée, tant dans la pratique des PPR que dans celle du placement sous surveillance électronique avec des situations de monopole d'exercice de ces mesures différentes (Chapitre 7). Une clinique particulière émerge malgré la disparition de certaines professionnalités (Chapitre 8).

Chapitre 7 : Savoirs d'action et autonomie professionnelle

L'instruction du placement sous surveillance électronique n'est pas spécifiquement enseignée en formation initiale. Aussi les CPIP se sont constitués une pratique par l'expérience (7-1). Cette méthode d'apprentissage a également été importante dans la mise en oeuvre des programmes de prévention de la récidive avec le soutien de professionnels extérieurs (7-2).

7-1 Des savoirs d'action pour le PSE

Il existe, depuis 2005, une réelle expérience des CPIP par rapport aux conditions d'exécution de cette mesure issue de savoirs de nature empiriques pour la plupart. En effet, il n'existe pas de formation spécifique à la pratique du placement sous surveillance électronique en formation initiale pour les CPIP :

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Je fais appel à l'expérience au niveau de la vie de la personne ; je vois déjà s'il y a quand même une certaine routine sachant qu'au delà de 6 mois, ça devient quand même extrêmement compliqué, je regarde si la peine est longue ».

F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté : « Je sais pas, j'ai pas été formée aux aménagements de peine, en tout cas, à l'ENAP, rien ; je fais appel un peu à des connaissances juridiques, voilà, je regarde, j'essaie d'avoir une maîtrise sur la situation de la personne, je sais pas comment t'expliquer, quelque part te dire, celui ci, pas sentir parce que c'est pas euh, il tiendra le coup ; c'est quand je fais le point, je fais l'entretien et puis je me dit : tiens celui ci, il a le profil pour un PSE, pourquoi pas, je sais pas, à quelles connaissances, les connaissances juridiques ; ça, c'est certain, je fais appel à des connaissance juridiques, après, est-ce qu'on fait appel à des connaissances, ce qu'on appelle sociologiques, je sais pas, je sais pas comment t'expliquer, on a aussi, on se dit, cette personnalité, voilà ! Peut être le PSE, ça semble plus adapté, c'est mieux, peut-être des connaissances psychologiques. Et puis il y a de l'ordre du ressenti et puis y en a qui sont clairs dans leurs discours, hein, voilà, c'est des peines qui datent de longtemps : ils ont un travail, une famille, ils font leur PSE tranquillement et on n'entend plus parler d'eux et généralement, on n'entends plus parler d'eux quoi ».

Cette connaissance objective des conditions à remplir pour que la mesure se déroule correctement s'appuie plus sur l'expérience de chaque CPIP que sur des enseignements spécifiques. La pratique du placement sous surveillance électronique nécessite une analyse spécifique de la situation de la personne condamnée.

C'est partiellement au CPIP de le proposer ou non au Juge de l'Application des peines, sans qu'il existe de réelle homogénéisation dans les pratiques :

F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « C'est-à-dire qu'on voit de plus en plus les magistrats prescrire de plus en plus les PSE directement ; en aucun cas, je considère qu'ils ont à prescrire quoi que ce soit, même s'ils le font, je le traite comme un 723-15 classique mais je sens la pression, je me donne complètement le choix de le prescrire ou de ne pas le prescrire, je sens la pression du service de l'application de peines ».

Cette fonction de proposition au Juge, exercée exclusivement par les CPIP, peut ainsi être un marqueur de leur professionnalisme :

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « J'essaie de savoir si c'est quelqu'un qui a une certaine maturité, quelqu'un qui n'est pas influencé, si c'est quelqu'un de très fragile qui va se laisser embarquer par les amis, si c'est quelqu'un qui a une vie de famille et dont la famille est très en attente, s'il y a un peu de rancoeur vis à vis de l'incarcération, si c'est une sortie de détention en PSE et que la famille est en très en attente et compte beaucoup sur cette personne et espère qu'il va pouvoir aller chercher les enfants à l'école, qu'il va pouvoir faire les courses, qu'il va pouvoir reprendre toute la vie qu'il avait auparavant ; j'essaie de calmer quand même les choses parce qu'on sait que les horaires ne permettent pas cela malheureusement ».

Il existe donc un savoir empirique, non formalisé, un savoir d'action dont les CPIP sont détenteurs qui marque une forme d'autonomie professionnelle qui « s'impose lorsque les prestations ne peuvent pas être standardisées » [LE BIANIC, VION, 2008, idem]. Ces savoirs spécifiques se retrouvent dans d'autres corps, au sein de la fonction publique, comme les policiers ou bien les enseignants étudiés et « relèvent pour les intéressés de la compétence accumulée au fil d'événements qui constituent autant de précédents dont l'évaluation permet l'élaboration progressive d'un savoir opératoire efficace » [MONJARDET,1996, p49] ou « résultante de l'acquisition de savoirs et d'aptitude pratiquement requises par les situations professionnelles » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p160].

La non formalisation de ces savoirs est une constante chez les CPIP qui travaillent majoritairement de manière individuelle, sans espace d'échange sur les pratiques concernant le placement sous surveillance électronique. Il n'est pas possible, toutefois, de généraliser ce constat à l'ensemble des SPIP, notre étude portant sur une seul SPIP.

F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « Je pense, pour le coup, c'est là oil ça peut paraître curieux, mais il n'y a pas de règles, enfin, y a pas de règles du tout, c'est moi qui ait décidé de mes critères et qui, lors de l'instruction d'un PSE, décide ou non de mettre un avis favorable ou pas : c'est mes critères et mon expertise. Par exemple, pour moi, un des critères pour le PSE, il y a le travail. Pour moi, c'est une mesure qui est adaptée à quelqu'un qui a des horaires, il me semble, qui sont dus à son travail auquel on peut ajouter, selon sa situation familiale, un certains nombre d'heures pour s'occuper de sa famille ; pour moi, un des critères déterminants, c'est ça, mais je m'aperçois que chez d'autres collègues, c'est pas un critère déterminant, et pour les magistrats, ça ne l'est plus du tout ».

De fait, le placement sous surveillance électronique nécessite des connaissances spécifiques, apprises sur les lieux de stage plutôt que lors de la formation initiale, qui sont d'ordre techniques, mais appliquées à des situations individuelles. Il s'agit de connaître le dispositif technique afin de poser les questions nécessaires au placé éventuel mais aussi d'analyser la situation personnelle de la personne placée sous main de justice, analyse de nature principalement expérentielle :

H, 27ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « Il faut savoir comment ça fonctionne techniquement, savoir les contres indications, même s'il y en a de moins en moins, sans rentrer dans les détails, mais déjà, voilà, sur un plan technique, il faut avoir quand même une connaissance un peu du dispositif ; après sur la personne, il peut y avoir effectivement aussi des contres indications familiales, professionnelles, selon la nature du délit, selon le contexte conjugal, c'est vrai que c'est pas toujours approprié et selon la situation professionnelle, c'est pas toujours approprié ».

La pratique du placement sous surveillance électronique nécessite donc un savoir spécialisé « incorporé et impossible à décrire complètement parce qu'il a une composante élevée de structures inconscientes nécessaires pour gérer la complexité de l'action » [LE BOTERF, 2003].

Ce savoir est détenu par les seuls CPIP qui ont le monopole de l'exercice de cette mesure. Selon Magali SARFATI LARSON, la professionnalisation suppose une fermeture sociale du marché, c'est-à-dire « un monopole légal de certaines personnes sur certaines activités couplé à un savoir légitime acquis, sans lequel l'exercice professionnel serait impossible et qui implique une fermeture culturelle de certains groupes professionnels à ceux qui ne peuvent faire le preuve de la possession de ce savoir » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p122].

Ainsi, les principaux représentants du courant néo-weberien insistent sur « le lien entre un savoir expert et l'établissement par un groupe social de « chasses gardées » (exclusionary shelters) sur un marché » [LE BIANIC, 2005, p47] et concentrent leur propos sur l'établissement ou non d'un monopole sur une activité donnée, dans un marché donné.

Dans cette acception, les CPIP étant les seuls à exercer une activité non formalisable -- la proposition d'un placement sous surveillance électronique au juge de l'application des peines d'une manière légitime (le mandat judiciaire) -, il est concevable de voir, dans le placement sous surveillance électronique, comme un facteur de professionnalisation des CPIP.

7-2 Une autonomie dans la mise en oeuvre des programmes de prévention de la récidive

La mise en oeuvre des PPR s'est effectuée progressivement, service par service, en laissant une grande autonomie d'action locale afin de mettre en oeuvre les directives de l'Administration Centrale.38 Parmi les neuf personnes interrogées, on note une proportion d'assistantes de service social, ou d'anciennes assistantes sociales devenues CPIP, nettement plus importante que dans le groupe professionnel des CPIP dans leur ensemble (44% contre 9%). Nous ne pouvons savoir si ce fait notable se vérifie à l'échelle de tous les SPIP.

38 Voir Annexe 6 p178

Le principe de ces groupes de paroles est de s'appuyer sur la dynamique de groupe pour aborder des thématiques parfois laissées de côté en entretien individuel :

F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans d'ancienneté : « On leur demande de raconter leur vie sur une espèce de frise chronologique, on leur demande de nous parler de 5 ou 6 événements marquants de leur vie, positifs et négatifs, et de nous dire s'il y avait des choses exceptionnelles au niveau de leur famille ou dans leur vie pour leur montrer que certains événements de leur vie ont permis le passage à l'acte et de fait c'est vrai.

On pensait faire une séance là-dessus, voire une séance et demi ; et on a fait avec 8 personnes et on va faire une troisième séance tellement ils ont des choses à dire ; donc, les séances, on les construit et on les adapte selon le groupe, son rythme propre ».

Il existe ainsi une autonomie dans la conception des séances, leur enchaînement et leur organisation. Les groupes de paroles, analysés dans notre étude, concernent les hommes violents et les agresseurs sexuels, des thématiques nécessitant le soutien et l'appui technique de psychologues. Cette autonomie d'action dans la conception des séances nécessite donc des apports extérieurs, ce qui nuance fortement leur indépendance vis-à-vis d'autres professionnels.

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Déjà, on a recruté un superviseur, puisqu'il faut un superviseur extérieur à l'administration pénitentiaire, on a recruté une psychologue qui a une grande expérience de l'AP puisqu'elle a travaillé en SMPR39 : elle a fait elle même des groupes de paroles en maison d'arrêt, donc elle connaissait vraiment les directives de la DAP ; elle savait ce qu'on attendait en fait d'elle ; donc, on a commencé à travailler avec elle sur ma mise en place des groupes, sur les thèmes des séances, ensuite une fois qu'on a eu ces journées de travail avec elle, on a arrêté des dates de début et de fin de groupe ; donc on s'est beaucoup appuyé sur ce qui a été fait avant, sachant qu'on allait faire un groupe de 8 séances espacées de trois semaines, ces séances auraient lieu le jeudi de 14h à 15h30 ; on a vraiment défini les modalités du groupe de parole, le nombre de participants : donc, là, on s'est fixé sur 10 à 12 personnes et on fixé le début du recrutement des participants ».

39 Le Service Médico-Psychologique Régional ou secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire est un

service en charge de. la prévention de La crise suicidaire, des conduites de dépendance avec ou sans produit incLuant La prescription de traitements de substitution et des soins aux auteurs de vioLences sexueLLes en détention.

Le choix de cet apport extérieur s'est fait de surcroît en collaboration avec les CPIP et la hiérarchie sur recommandation de l'Administration Centrale :

F, 32 ans, Assistante sociale, 5 ans d'ancienneté : « Au début oui, au départ, ce qu'on a travaillé avec la psychologue, selon quels critères on va intégrer les probationnaires dans le groupe, le contenu des séances et les horaires ; sauf, qu'au moment oft on est passé à la phase de présentation aux collègues, la direction a déjà pris la décision par rapport à ça, qui n'est pas forcément la décision qu'on avait travaillé, donc on nous a laissé l'illusion qu'on pouvait prendre nos décisions, ce qui est assez frustrant dans le travail de ce projet ».

Ce concept d'autonomie est au centre de l'analyse de Freidson, qui interroge plus particulièrement les relations entre l'État et les professions. Selon lui, « une sociologie des professions doit se construire loin des fonctionnalités multiples et ambivalentes, telles que le support ou la résistance à la pression du capital ou de l'Etat » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p130]. Il distingue deux niveaux d'autonomie professionnelle.

Il reconnaît tout d'abord, sur la base de ses propres recherches sur les médecins, que les professions sont autonomes dans l'organisation technique de leur travail et dans la construction de leurs marchés du travail. Mais le professionnalisme ne peut exister que s'il est adossé à un système socio-politique plus large qui lui permet de s'épanouir. Une profession, bien qu'autonome sur le plan de ses actes techniques, ne l'est pas dans la définition de ses orientations socio-économiques : « Alors que les professions, contrairement à d'autres activités, contrôlent leur propre travail et peuvent donc être considérées autonomes dans la division du travail et dans leurs marchés du travail, elles dépendent du pouvoir coercitif de l'État qui soutient cette autonomie. Elles sont autonomes dans leur propre domaine économique mais pas dans la société dans son ensemble car elles dépendent de l'État qui leur délègue du pouvoir » [FREIDSON, 2001, p133]. De fait, l'autonomie dans la définition du contenu des séances et dans le choix des modalités de supervision de celles-ci répond à une commande explicite de l'administration.

La pratique des programmes de prévention de la récidive nécessite de surcroît l'acquisition de nouvelles connaissances acquises par la formation continue. En effet, cette modalité de suivi a été généralisée à la suite d'expérimentations à partir de 2007 et n'apparaît en formation continue à l'ÉNAP que depuis janvier 2009.

H, 30 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « La formation à l'ENAP est sur une semaine, les participants sont exclusivement des CIP et il y avait un chef de service ; c'est de la psychologie sociale et de la psychologie cognitive et comportementaliste, des apports théoriques sur la dynamique de groupe, des techniques, des mises en situation, ils mixent tout.

Voilà comment ça se passe dans un groupe, des mises en situation avec des observateurs et à

la fin, le prof donne sa valeur ajoutée. Le groupe était composé de CIP qui faisaient déjà sur

.

Une pratique aussi récente ne peut donc etre un élément central de l'identité professionnelle des CPIP en notre sens. Cependant, il faut noter que ces programmes de prévention de la récidive ont été pratiqués depuis une quinzaine d'année, notamment au SPIP d'Angouleme. La mise en place concrète de ces programmes de prévention de la récidive s'est depuis réalisée service par service sur l'ensemble des SPIP depuis 2009.

Cependant, il est possible d'écrire que l'application au niveau local de ces programmes s'est appuyée sur l'expérience de SPIP l'ayant pratiqué auparavant et sur celle des IRTS40 ou des psychologues cliniciens qui pratiquent depuis des années la technique des groupes de parole. II est donc impossible, à ce niveau de notre réflexion, de prétendre à une généralisation, dans les propos recueillis dans le contexte particulier de notre lieu d'enquete. Nous nous concentrerons donc sur l'articulation entre savoirs nouveaux et savoirs anciens dans la mise en pratique des programmes de prévention de la récidive.

Les CPIP développent donc une expérience importante dans la pratique des PSE et s'appuient sur l'expérience d'autres services et d'autres corps professionnels dans la mise en oeuvre des programmes de prévention de la récidive. Cela crée un corpus de connaissances, non formalisées, qui seraient susceptibles d'être enseignées en formation initiale ou bien partagées dans l'ensemble des SPIP. C'est donc principalement dans l'adaptation des textes sur le terrain que réside leur autonomie d'action dans un cadre législatif très contraint.

40 Instituts Régionaux du Travail Social

Chapitre 8 : Des professionnalités et des savoirs émergeants

L'autonomie, dans la proposition auprès des JAP et la mise en oeuvre des placements sous surveillance électronique, est à nuancer car son usage devient de plus en plus courant avec une forte pression institutionnelle pour développer cette mesure (8-1). L'analyse collégiale des situations, induites par les programmes de prévention de récidive, est une avancée vers un contrôle entre pairs et un échange sur les pratiques (8-2). En parallèle, les visites à domicile dans le cadre de l'instruction des PSE sont devenues plus rares (8-3). Alors que le suivi des mesures de PSE se fait avec l'appui des surveillants pénitentiaires (8-4).

8-1 Une systématisation de la surveillance électronique depuis 2009

Le placement sous surveillance électronique est fortement développé par l'Administration Pénitentiaire depuis 2002 comme explicité supra. Avec la loi pénitentiaire de 2009, il s'est étendu aux fins de peine, pour les détenus auxquels il reste moins de quatre mois de détention à effectuer, comme modalité d'exécution de peine avec la SEFIP41 et comme alternative à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire avec l'ARSE42.

41 L'article 84 de la loi pénitentiaire prévoit la généralisation du placement sous surveillance électronique en «fin de

peine» pour toutes les personnes incarcérées ne remplissant pas les conditions pour bénéficier d'un aménagement de peine classique. Ce sont des personnes dont le reliquat de peine est inférieur à 4 mois et initialement condamnées à une peine inférieure ou égale à 5 ans. Sauf impossibilité matérielle, refus du détenu, risque de récidive, incompatibilité entre la personnalité de la personne condamnée et la nature même de la mesure, cette mesure de PSE deviendra ainsi une modalité d'exécution de la peine comme une autre. Une expérimentation de ce PSE fin de peine a eu lieu entre octobre 2008 et janvier 2009. Il apparaît que sur 1347 dossiers répondant aux conditions juridiques d'éligibilité, 15,3% ont finalement abouti à une mesure de PSE. Pour la première fois, il s'agit de dire que l'exécution de la fin d'une peine d'emprisonnement se fait sous une autre modalité que celle de l'enfermement en établissement pénitentiaire classique. Autrement dit, la sortie sous PSE n'est pas conçue comme un aménagement de peine venant valider la présentation d'un projet voire venant récompenser un comportement positif. Il s'agit bien d'une modalité classique d'exécution dans un objectif de progressivité de la peine, rebaptisée pour l'occasion Surveillance Électronique de Fin de Peine (SEFIP).

42 Conformément aux dispositions de l'article 142-8, qui renvoie aux articles 139, 140, 141-2 et 141-3 sur le contrôle

judiciaire, les obligations de l'ARSE peuvent être modifiées et la mainlevée de la mesure peut être ordonnée à tout moment par le juge d'instruction ; en cas de violation de ses obligations, la personne sous ARSE peut faire l'objet d'un mandat d'arrêt ou d'amener et être placée en détention provisoire ; en cas de révocation de la mesure, la durée cumulée de la détention peut excéder de quatre mois celle prévue par les articles 145-1 et 145-2. D'une manière générale, l'article 142-12 prévoit que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent prononcer, comme mesure alternative à la détention provisoire, une assignation à résidence avec surveillance électronique dans les cas où elles peuvent prononcer un contrôle judiciaire (notamment dans le cas prévu par l'article 397-3 en matière de comparution immédiate) et que l'ARSE peut être levée, maintenue, modifiée ou révoquée par les juridictions d'instruction et de jugement selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire. L'article 93 de la loi pénitentiaire a par ailleurs complété les différentes dispositions du code de procédure pénale prévoyant la possibilité de placement sous contrôle judiciaire afin qu'elles visent également le placement sous ARSE.

L'ARSE peut être renouvelée pour une même durée de six mois à trois reprises, la durée totale de la mesure ne pouvant dépasser deux ans. Chaque renouvellement exige la tenue d'un débat contradictoire. Il est par ailleurs prévu par l'article 142- 9 qu'avec l'accord préalable du juge d'instruction, les horaires de présence au domicile ou dans les lieux d'assignation peuvent, lorsqu'il s'agit de modifications favorables à la personne mise en examen ne touchant pas à l'équilibre de la mesure de contrôle, être modifiés par le Chef d'établissement pénitentiaire ou le Directeur du Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation qui en informe le juge d'instruction.

L'ARSE consiste à imposer à la personne mise en examen l'obligation de demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, et de ne s'en absenter qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat. Afin de contrôler à distance le respect de cette obligation, celle-ci est exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique prévu par l'article 723-8 du code de procédure pénale.

La personne peut, en outre, être astreinte aux obligations et interdictions du contrôle judiciaire prévues par l'article 138 du Code de Procédure Pénale.

Cela a des conséquences sur la mise en oeuvre pratique des PSE pour les CPIP. En effet, cette pratique, en se simplifiant, a aussi accentué la rapidité de la réponse attendue et la quantité d'écrits professionnels (demande de changements d'horaires, demandes d'aménagement de peine, permissions de sortie) :

F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans d'ancienneté : « Compte tenu des différentes réformes, moi, j'ai le sentiment qu'on fait de la gestion de stock, de la gestion de flux et qu'on s'attache moins, qu'on a moins de temps pour faire de l'individualisation de la peine, voilà ; la question du contrôle, enfin l'idée du contrôle et de l'accompagnement socio-éducatif, c'est ce qu'on fait encore un peu, mais le fondement, ça reste toujours du contrôle social, même si c'est du contrôle à travers une mesure de justice ».

F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « Car pour eux, c'est la mesure phare, c'est la mesure qui coûte moins d'argent qu'une incarcération, moins d'argent qu'une semi-liberté et que les parquets semblent extrêmement ravis de cette mesure, ce critère qui pour moi, me semblait important, il vole complètement en éclat ; et comme y a pas de discussion, il n'y a pas eu établissement d'un corpus de critères d'évaluation, et c'est le propre de toute de l'administration pénitentiaire je pense ; moi je suis bien d'accord que la grande mode, c'est le déclenchement de la LOLF, et puis dans tous les secteurs de la recherche, ça se fait, c'est évaluer ; à chaque fois que c'est de l'argent public qui est mis sur un projet, il doit être évalué».

La proposition d'une SEFIP est systématisée car seul le parquet peut refuser le bracelet aux détenus. Le CPIP instruit mais ne propose plus. Il est, de fait, placé dans une situation d'exécutant, du fait de la distinction minime entre aménagement de peine et exécution de peine introduite par la Loi Pénitentiaire.

Aussi, le placement sous surveillance électronique devient une modalité d'exécution de peine, dissociée de toute notion de projet le justifiant en termes de réinsertion sociale :

F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté : « On est dans des reponses immediates, ça va trop vite ; let , je suis en milieu ferme, je dois repondre essentiellement et des permissions de sorties, et des amenagements de peine ; y a pas vraiment de suivi social entre guillemets ; tu fais le quartier arrivants, effectivement, tu joins les familles et après, il n'y a plus rien, et après, tu te focalises sur la sortie, quoi, tout ce qui est la preparation de la sortie, donc t'as pas vraiment le temps ; let, tu reçois des personnes, on doit mettre en place des mesures, ça va trop vite ».

F, 54 ans, Assistante sociale, 20 ans comme assistante sociale, 14 ans comme CPIP : « Il y a une proposition endemique du PSE mais ça demande de la preparation en amont, faut que la famille soit prête ; toute la famille vit la condamnation, donc, ça doit être prepare, sinon, ça marche pas ».

Il apparaît que la frontière entre rôle de proposition et fonction d'exécution soit ainsi rendue poreuse du fait de l'utilisation massive du placement sous surveillance électronique pour des fins différentes. Ce caractère mal défini des missions semble également affecter d'autres groupes professionnels. S'agissant des Conseillers Principaux d'Éducation de catégorie A, il est constaté « des activités multiples allant de l'exécution à la conception, des contours flous de l'activité... ne permettant pas que s'organise une forme de marché professionnel interne sur le modèle enseignant~ et rendant à nouveau possible une captation pour des tiches administratives » [DEMAZIERE, GADEA, 2009, p156]. Un mouvement similaire semble advenir dans le cas des CPIP, la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique étant normalisée et accélérée :

H, 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté : « J'ai l'impression qu'on va vers une simplification des tâches ; on a le sentiment qu'on va vers la mise en place de fiches, qu'on aura plus qu'et mettre des croix dans les cases : je vois ça au niveau de la maison d'arrêt. Quand on fait les arrivants, il y a recours et des questionnaires oil les questions ont ete pensees pour nous.

Ça ne me paraît pas très complique de le faire, pas besoin d'être CIP, suffit de savoir lire et ecrire. Je pense que la matière grise sera reservee et la hierarchie pour concevoir ».

H, 27ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Ben, ça s'est beaucoup simplifié, vu le changement de matériel Là, ça devient très basique, il y a deux ou trois questions techniques à poser, après bien stir le diagnostic de la situation ; mais si, au terme de l'entretien, j'arrive à la conclusion que c'est le plus approprié, et bien il y a quelques questions techniques à se poser, j'évalue si nécessaire de se rendre au domicile ; donc, c'est y aller pour des cas très particuliers ; quand même, il y a une situation familiale un peu compliquée, mais bon, c'est de plus en plus rare et sinon, j'essaie de voir sur un plan médical si c'est adapté ; après, c'est la transmission, la finition du rapport au chef de service qui transmet au service de l'application des peines ».

Ce rabattement progressif vers des fonctions d'exécution concernant la mise en oeuvre des placements sous surveillance électronique est donc un obstacle au processus de professionnalisation des CPIP et les inscrit dans une pratique de type actuariel. Nous entendons par actuariat l'ensemble des techniques qui « permettent aux décideurs pénaux de rendre compte de leur action facilement, sans mettre en danger le système pénal ». Ces techniques « sont simples puisqu'elles ne nécessitent pas de clinicien qualifié, mais se réduisent à l'application directe d'une équation aux données » [SLINGENEYER, 2007, p17]. Dans le cas des CPIP, il s'agit de s'assurer que techniquement, la pose du bracelet électronique est possible, indépendamment de la situation sociale et pénale de la personne. Ainsi, c'est seulement dans la proposition du placement sous surveillance électronique aux Juges de l'Application des Peines que les CPIP gardent leur spécificité et leur magistère sur l'évaluation de la situation sociale et pénale de leur public.

8-2 Un espace de réflexion collective en construction

Les CPIP, du fait du développement de l'écrit, sont accoutumés à travailler seuls face à leurs publics, du fait également de l'importance du rendu compte de leur activité au quotidien comme décrit plus haut. La pratique des programmes de prévention de la récidive marque une rupture avec cette évolution. Cet échange sur les situations entre CPIP rompt leur isolement et peut apporter un étayage dans leurs pratiques personnelles :

H, 30 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Les formations qu'on a suivies, ça nous remettait vraiment en question, parce que c'était une formation oft on était en groupe, on a pas du tout l'habitude, on doit tenir compte des autres. Moi, j'avais une pratique plutôt très individualiste de mon métier. Donc, ça a vraiment modifié mes prises en charge, et puis tout ce qu'on a appris sur autrui, ses capacités de défense par exemple.

Tous les processus psychiques qui se mettent en place pour éviter de se confronter à ce qui était trop douloureux, je le voyais avant mais j'étais pas capable de l'analyser avec autant de lucidité ; le fait aussi qu'il faille prendre un peu de temps, c'est pas du gaspillage ».

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Ça nous pose beaucoup de questionnements sur nous, déjà, notre propre aptitude à travailler en groupe, parce qu'on a travaillé très longtemps avec d'autres collègue ; donc, déjà ça, on a pas l'habitude, on est quand même souvent dans nos bureaux, avec nos suivis.

Même si on échange avec nos collègues de bureau, on travaille quand même tout seul sur nos dossiers ; là, il a quand même fallu admettre qu'on pouvait travailler en groupe, admettre qu'on avait des failles, des points faibles, des points forts, et voilà qu'il fallait admettre tout ça».

La pratique des Programmes de Prévention de la Récidive réintroduit le débat entre pairs et le travail collectif d'échange sur les situations qui n'avaient plus lieux depuis des années. Il est possible de parler de pratiques de nature prudentielle en construction.

Ces pratiques prudentielles concernent « le fait de traiter de problèmes singuliers et complexes et, partant, de devoir faire face à une irréductible incertitude quant au déroulement du travail sur ces problèmes ou ces situations, le fait de devoir se livrer à des conjectures sur les cas traités et à des délibérations sur les fins de l'activité, pour pouvoir mener à bien le travail dans ces situations d'incertitudes, le fait enfin que les savoirs et les savoirs-faire mis en oeuvre ne soient pas formalisables » [CHAMPY, 2011, p149].

Cet échange entre pairs, depuis 2007 et la généralisation des PPR, s'appuie sur des connaissances théoriques nouvelles enseignées en formation continue et qui viennent compléter ou appuyer des savoirs de nature empiriques. Ces savoirs sont issus du contact répété avec une population particulière que ne rencontrent pas d'autres professionnels du social :

F, 46 ans, Assistante de service social , 22 ans d'ancienneté : « On a quand même une réflexion plus élaborée qu'une assistante sociale de secteur, qu'un éducateur qui travaille avec des personnes handicapées, sur le passage à l'acte, les raisons du passage à l'acte ; même si on a pas eu de formation, on a quand même des apports théoriques, même intuitifs.

A force de travailler avec les gens, on sait quelles sont les carences et les manques qui peuvent conduire au passage à l'acte et quelqu'un qui n'est pas professionnel du secteur aurait plus de mal à l'appréhender. On apprend dans ce métier à ne pas juger, à amener les gens à travailler sur leur passage à l'acte, à les interroger là dessus, déni ou pas déni, à travailler leur sentiment de culpabilité s'il y en a un, mais on doit quand même essayer de ne pas être dans le jugement ; et ça, ça s'apprend de manière empirique mais aussi par la formation continue et initiale ».

H, 30 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Alors, c'est présenté comme un groupe de parole, comme un espace dirigé, préparé, où un certain nombre de thèmes sont abordés dans le but de ne pas recommencer, de faire autrement, de comprendre ce qui s'est passé ; c'est pas présenté comme un programme de prévention de la récidive, donc on s'est pas mis des bâtons dans les roues, donc, on part sur l'adhésion de la personne puisqu'il y a des choses qui vont être dîtes ; ça demande de l'honnêteté, on donne de soi, donc présenté comme ça, en insistant bien sur le côté éducatif, non thérapeutique, on est pas des psychologues vulgairement, c'est le groupe qui fera tout, il n'y aura pas de « valeur ajoutée » par les animateurs, pour parler vulgairement ».

De nouvelles professionnalités émergent, complémentaires de celles de travailleur social ou de contrôleur judiciaire, qui déplacent les perceptions des CPIP sur leur travail et leur relation avec les personnes placées sous main de justice vers une autre clinique, de nouvelles méthodes de travail :

F, 52 ans, CPIP, 19 ans d'expérience comme AS, 10 ans dans l'Administration Pénitentiaire : « Je pense que ça nous ramène vers l'éducatif, car je pense de plus en plus on est amené à faire du contrôle ; les mesures que l'on a, c'est de plus en plus des mesures de contrôle ; au CSL43, on arrête pas de contrôler ce qu'il travaille, et ce qu'il suit : ses soins et le côté social, bon, il y est de moins en moins ; bien sûr, on a des entretiens éducatifs par moment ; par moment, on parle des faits, mais il y arrive quand même quelquefois qu'on en parle, mais pas trop. Là, dans les PPR, on est en plein dans nos missions plus éducatives ; je trouve plus que ça les amène à comprendre ce qu'ils on fait, ça les amène à réfléchir, je pense que ça les fait bouger, certaines ; enfin, on en est à la quatrième séance mais c'est ce qu'ils nous disent, c'est ce qu'ils nous renvoient, et on en fait une toute les trois semaines ».

43 Centre de Semi -Liberté

F, 39 ans, CPIP, 12 ans d'ancienneté : « On a eu plusieurs reunions, comment gerer les conflits, faire attention à bien faire circuler la parole, pleins de choses concrètes, c'etait très professionnel ; et puis on a eu des seances avec Sylvie Brochet qui nous a fait des seances d'animation de groupes de parole, mais de manière différente, plutôt portées vers le domaine du comportementalisme ; alors que l'IRTS, c'etait anime par une formatrice qui avait plutôt tendance, qui etait portee sur la psychanalyse, le psychisme, l'inconscient ;

on a eu deux façons differentes de proceder ; moi, ça m'a beaucoup ouvert de perspectives, j'ai une plus-value au niveau de mon travail individuel dans es entretiens, je ne travaille plus de la même manière, je suis beaucoup plus receptive à ce que me dit autrui, ça a beaucoup change ».

F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans d'ancienneté : « Il faut avoir des connaissances plus ou moins importantes, des savoirs sur les donnees psychologiques cliniques et psychiatriques concernant les delinquants sexuels, notamment pour eviter les pervers dans le choix qu'on peut faire pour constituer des groupes de paroles, les manipulateurs, c'est pas du tout compatible avec un groupe de parole à visee criminologique comme le nôtre ».

A une connaissance particulière d'un public spécifique, viennent s'ajouter de nouvelles connaissances empruntant à la psychologie clinique et aux techniques d'entretiens de groupe enseignées par les Instituts Régionaux du Travail Social. La professionnalisation se nourrit ainsi « du croisement de savoirs nouveaux et permet en consequence de revendiquer une plus grande opposabilité à l'égard de l'action publique, mais sans jamais atteindre l'autorité des professions liberales » [CHAUVIERE, 2004, p114]. Les professions constituent « une espèce particulière, dans la mesure où le savoir sur lequel elles s'appuient est de nature essentiellement theorique et ne peut être routinise » [LE BIANIC, 2005, p36]. Dans cette acception, la pratique exclusive d'un groupe de parole, portant soit sur les auteurs de violence conjugale, soit sur les agresseurs sexuels, nécessite de véritables professionnels. Cependant, l'appui sur des praticiens extérieurs et la faible durée de la formation interne à la pratique des programmes de prévention de la récidive nuancent fortement ce propos.

8-3 Des visites à domicile plus rares

Depuis 1999, un certain nombre de mesures ou d'actes professionnels ont progressivement été confiés au secteur associatif (contrôle judiciaire et permanences d'orientation pénale).

Les visites au domicile des futurs placés sous surveillance électronique, de systématiques, sont devenues marginales, tout comme les accompagnements de personnes placées sous main de justice dans leurs démarches de réinsertion. Ces actes professionnels sont au coeur de l'identité professionnelle historique des assistant(e)s de service social qui ont construit leur identité autour de la visite sociale.

C'est autour de cette pratique que se sont créés, en 1923, les bureaux d'hygiène sociale et l'utilisation par des pionnières des ressources sociales et financières des différents réseaux de notables, confessionnels ou militants.

Les assistant(e)s de service social ont donc été historiquement « en position favorable pour peser assez directement dans la définition pratique, autant que théorique des objets de leur intervention, et partant, de leur métier » [CHAUVIERE, 2004, p91]. Nous avons ici concentré notre analyse sur les propos de CPIP pratiquant le PSE.

De systématiques, les visites à domicile sont devenues marginales, avec la simplification des conditions techniques, éloignant encore plus les CPIP de pratiques relevant du social historique appuyé sur la visite à domicile :

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Il y a un gros travail avec la famille qui passe par une enquête à domicile, pour respecter aussi ces particularités-là, pour s'assurer que la personne qui héberge est au courant de la demande, sait dans quelle condition elle accueille la personne, notamment si c'est une jeune mère de famillek ».

H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans d'ancienneté : « Il faut reconnaître qu'il y a un certain nombre de pratiques qui ont aussi disparu, il faut citer le cas des contrôles judiciaires, des permanences d'orientation pénales qui sont beaucoup plus du ressort du privé que du SPIP ; et les visites à domicile par exemple, comme la permission de sortie accompagnée qui elles aussi, ont disparu ; et depuis 1999, il y a eu quand même je dirai, et à la fois, du fait de l'évolution des politiques pénales et du fait de la juridictionnalisation de l'application des peines, et à la fois quand même du fait de la volonté assez affirmée de l'administration pénitentiaire de bureaucratiser notre métier ».

H, 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté : « Il y avait un peu plus de visites à domicile, un peu plus oui, d'accompagnement dans les structures pour des personnes qui se déplacent difficilement, ou il y a des crises de panique ; il y avait plus de démarches éducatives et sociales ».

Le recentrage vers le champ judiciaire des missions des CPIP est rendu nécessaire par la complexité des évolutions juridiques concernant l'application des peines depuis 1999, selon l'Administration Pénitentiaire. La succession de textes juridiques et de réformes semble, en effet, nécessiter l'appui de personnels ayant une bonne culture juridique.

H, 30 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Le CIP doit en (champ judiciaire) avoir une compréhension efficace, comme on est une force de proposition, il faut en comprendre les rouages, les différentes personnes compétentes, parce que du coup, on se fait conseiller juridique pour les mesures qu'on couvre ».

Cependant, cette technicité juridique ne peut être dissociée d'une connaissance de la personne et de son inscription dans des politiques de droit commun :

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Pour moi, c'est le côté bonne connaissance de l'articulation avec le droit commun, c'est travailler le lien social sous ses différents aspects, puisque notre mission, c'est prévenir la récidive, et je trouve que ça prend de moins en moins de place, et c'est dommage, compte tenu de notre organisation ; il y a un moment où tu as la personne et des situations beaucoup trop compliquées et je veux dire, il manque du temps et plusieurs regards pour vraiment travailler le lien social ».

C'est cette collégialité dans l'analyse des pratiques qui constituerait une amorce de contrôle entre pairs, indice de professionnalisation que nous n'avons partiellement observé sur notre terrain.

8-4 Un monopole partagé avec les surveillants pénitentiaires dans le suivi des PSE

Depuis début 2010, environ 35 agents du personnel de surveillance, en charge du PSE, ne sont plus rattachés à une maison d'arrêt mais à un SPIP. Ce transfert géographique vise à réunir la gestion socio-éducative et la gestion technique du PSE en un même endroit. Cette expérimentation (« surveillant chargé du PSE en SPIP ») est partie intégrante d'une expérimentation plus large, celle de la segmentation.

Dans les 11 sites concernés, le modèle du cabinet croissance44 prévoit une réorganisation du SPIP en 5 « segments », et un transfert d'une partie des suivis vers le personnel de surveillance.

44 Voir Annexe 7 p184

Ghaque Direction Interégionale, ainsi que la Mission Outre-mer, fonctionne à présent avec un pôle centralisateur 24h/24. Seize postes ont été créés à cette fin à la DAP qui estime qu'un pôle centralisateur peut fonctionner avec 8 agents.

De plus, 46 postes PSE ont été ouverts dans les SPIP en 2010. En plus des 55 SPIP qui seront donc concernés cette année, le reste des services devrait être pourvu en 2011.

La DAP annonce que chacun de ces postes fera l'objet d'une compensation pour les établissements. Les agents déjà en charge du PSE seront prioritaires pour ces postes. Gette cohabitation récente des CPIP et des surveillants PSE en milieu ouvert dans la mise en oeuvre d'une méme mesure, le placement sous surveillance électronique, tend à rapprocher progressivement les SPIP des établissements pénitentiaires :

Ainsi, progressivement, les SPIP tendent à devenir des établissements pénitentiaires, même si l'installation de greffes au sein des SPIP n'est pas actée actuellement. Gela confirme que les métiers de CPIP et de surveillants sont destinés à se compléter et à s'articuler de manière plus formalisée :

F, 49 ans, Assistante de service social, 28 ans d'ancienneté : « Globalement, l'AP a mis la main sur ses agents, on peut le dire, et puis la culture pénitentiaire, celle qu'on trouvait dans les prisons, s'impose dans le milieu ouvert, avec, par exemple, la question de la sécurité qui était évidement présente en prison ; c'est éminemment culturel, en milieu ouvert ça n'existait pas, je persiste à dire qu'il y a peu de problèmes, les problèmes de sécurité sont extrêmement rares ; au fil des années, à partir de fait divers, on a construit l'objet insécurité dans les services »

F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans d'ancienneté : « Moi, je parlerai de pression, moi, je sens plus la pression pénitentiaire ; moi, ce qui me parait le plus proche de moi, c'est le champs pénitentiaire, même si je ne travaille pas en milieu fermé, parce que du fait de la réforme de la départementalisation, il y a quand même une administration pénitentiaire qu'on sent plus proche, et la direction régionale, les modifications, enfin, les réformes ; ensuite, le champs judiciaire me semble s'être éloigné de moi, puisque c'est vrai que pendant longtemps, j'ai travaillé au tribunal, c'est vrai que par exemple, à une époque, je connaissais tous les magistrats, les greffiers, donc, pour moi le champs judiciaire s'est un peu éloigné pour que se rapproche le champs pénitentiaire ; le champ social s'est éloigné aussi, autant il y avait une forme avant, autant aujourd'hui, j'ai l'impression que les formes du champs social sont en train de devenir de plus en plus floues, parce qu'en fait, on a pas le temps de faire vraiment un travail social correct ».

Cette nouvelle complémentarité/compétition entre surveillants et CPIP mériterait une étude spécifique, avec un peu plus de recul sur la mise en oeuvre de cette réforme dans la perspective de « l'écologie des professions », initiée par Abbott. Cet auteur accorde aux conflits de juridiction, survenant entre professions sur un même lieu de travail, une place centrale. Toute profession est en lutte pour « la maîtrise de territoires ou de domaines réservés (juridictions) au sein de la division du travail » [ABBOT, 1988]. Il nous semble que les interactions entre surveillants, affectés dans les SPIP et CPIP, sont de nature à se compléter mais aussi à se concurrencer sur des dimensions comme le rendu compte des incidents ou le suivi administratif des mesures à déléguer à l'un ou à l'autre de ces groupes professionnels.

Cette congruence des missions entre CPIP et surveillants dans les fonctions administratives de surveillance est partiellement actée par le nouveau projet d'organisation de service des SPIP qui suggère un suivi administratif des personnes placées sous main de justice ne présentant pas de dangerosité et ne nécessitant pas d'intervention du SPIP en matière d'orientation vers des partenaires extérieurs par les surveillants pénitentiaires. Ainsi, de la proposition d'un placement sous surveillance électronique aux Juges d'Application des Peines à l'instruction et au suivi de cette mesure, les CPIP mobilisent des savoirs d'action non formalisés. Une systématisation de la surveillance électronique tend cependant à réduire leur autonomie d'analyse de la situation des personnes placées sous main de justice. En parallèle, les CPIP redécouvrent l'analyse collégiale des situations prises en charge par les services avec la pratique très récente à l'échelle de tous les services des programmes de prévention de la récidive. Leur formation initiale n'intégrant cette mesure que depuis 2009, elle ne peut constituer en l'état une pratique centrale fondant l'identité de ce groupe professionnel. Les visites à domicile se raréfiant, de nouvelles professionnalités émergent entre surveillance, technicité juridique et connaissances spécifiques sur les infractions commises par les publics.

Conclusion de la troisième partie

Nous avons montré ici que les CPIP étaient en situation de monopole dans l'instruction et le suivi du placement sous surveillance électronique jusqu'à l'entrée des surveillants dans les SPIP. Cette position de monopole des CPIP est, de fait, un indice de professionnalisation non négligeable. Par ailleurs, les savoirs utilisés pour l'instruction des programmes de prévention de la récidive ne sont pas spécifiques mais facilitent l'analyse commune des situations par les CPIP et une forme de contrôle entre pairs, autre indice de professionnalisation à prendre en compte.

Cependant, l'opposabilité de ces savoirs n'est pas acquise et des conflits de juridictions peuvent subvenir avec les surveillants, installés dans les SPIP depuis avril 2010, du fait de la systématisation de la surveillance électronique dans certains cas spécifiques. Cette systématisation est une forme de « routinisation » de l'instruction de cette mesure vient faire obstacle au parcours vers une professionnalisation entrevue précédemment. Il existe donc un mouvement concomitant entre l'acquisition de nouvelles connaissances théoriques avec la pratique des programmes de prévention de la récidive et une systématisation du PSE renvoyant les CPIP vers une place d'exécutant dans la division du travail au sein des SPIP, associé à une perte d'autonomie. Cette situation contrastée semble infirmer l'hypothèse de l'existence d'un corpus stabilisé de connaissances pouvant permettre au groupe professionnel des CPIP de formaliser ces connaissances, de les transmettre et, partant, de les faire reconnaître.

En effet, la professionnalisation peut également être envisagée comme le « résultat d'un travail de construction de la compétence [s'appuyant sur] une activité d'argumentation auprès de divers publics ~ communauté culturelle, praticiens, publics scientifiques, usagers, État » [PARADEISE, 1985, p18 In MALOCHET, 2007, p62].

Aussi, quel discours les CPIP tiennent-ils sur ses mutations dans leurs pratiques ? Sont-ils réellement en mesure de définir le contenu de leurs missions, en s'appuyant sur les savoirs décrits précédemment en tant que groupe professionnel construit et organisé ? Comment s'effectue cette articulation entre savoirs et discours au sein du groupe professionnel des CPIP?

Quatrième Partie : Un groupe professionnel invisible ?

Introduction de la quatrième partie

Un groupe professionnel est en mesure de défendre son monopole sur son activité et son autonomie s'il développe une argumentation auprès des pouvoirs publics et de son public, tendant à les convaincre de son expertise. Il existe ainsi une dimension dialectique et rhétorique essentielle dans tout processus de professionnalisation.

Les notions d'expertise et de savoirs mobilisés des CPIP, décrites précédemment, doivent ainsi être intégrées à « un ensemble de disposition et de stratégies visant à faire qu'une activité nouvelle parvienne à la symbolique qui lui permet de prendre place dans la division du travail » [DEMAZIERE, GADEA, 2009, p244] pour s'insérer dans un processus de professionnalisation abouti. Nous montrerons dans cette partie que cette dimension symbolique n'a pas émergé concernant le groupe professionnel des CPIP.

En effet, l'adhésion au nom de CIP puis de CPIP ne s'est jamais vraiment opérée, en raison d'une forte segmentation professionnelle mais également d'un manque de reconnaissance du groupe professionnel (Chapitre 9). Cela est partiellement la conséquence d'une socialisation professionnelle problématique car différente selon les générations, et d'une mise progressive en compétition avec les surveillants pénitentiaires sur l'instruction des placements sous surveillances électroniques associée à une partition d'avec les assistants de service social (Chapitre 10).

Chapitre 9 : Une non adhésion au nom de CPIP

Nous monterons, ici, que faire connaître l'action des SPIP et leur métier est délicat pour le groupe professionnel des CPIP. Méconnus par le grand public, nous verrons que les CPIP n'adhèrent pas dans leur majorité à leur nouveau nom (9-1). L'ancienne dénomination, Conseiller d'Insertion et de Probation, était déjà auparavant, utilisée ou non selon les interlocuteurs (9-2), contribuant à rendre moins lisible leur métier auprès des partenaires et des médias (9-3).

9-1 Une polysémie dans la désignation des CPIP déjà ancienne

La nouvelle dénomination de CPIP, apportée par l'Administration Pénitentiaire au groupe professionnel des CIP à la fin de l'année 2010, ne rencontre pas d'adhésion pour une grande majorité des CPIP interrogés. Ce constat pourrait se justifier par le caractère récent de cette évolution, mais cette difficulté de reconnaissance et de projection, dans un nom désignant l'ensemble du groupe professionnel, est beaucoup plus ancienne.

En effet, si le rôle dans la chaîne pénale des CPIP est resté stable, la dénomination utilisée pour qualifier le groupe professionnel est fortement polysémique, et ce depuis l'origine de la création du Juge de l'Application des Peines :

H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans d'ancienneté : « Ça a évolué, puisqu'il y a beaucoup de gens qui sont rentrés en tant qu'éducateurs, soit en tant que délégué à la probation, soit en tant qu'agent de probation, soit en tant que conseiller d'insertion et de probation, soit en tant qu'assistante sociale ; il fut un temps oil il y avait en milieu ouvert 5 corps et dénominations qui cohabitaient, ce qui est assez incroyable et remarquable ».

F, 52 ans, CPIP, 19 ans d'expérience comme AS, 10 ans d'ancienneté : « C'est pareil, il y en a qui disait éducateur, délégué à la probation, assistante sociale, agent de probation : il y avait tout ça qui cohabitait. Ça faisait qu'il y avait beaucoup moins d'unité dans les pratiques, parce que chaque juge avait ses travailleurs sociaux, chaque travailleur social avait l'habitude de son juge, donc, l'idée des secteurs géographiques ; on devait être ou 5 ou 6 délégués à la probation sur 18 avec un chef de service pour animer un peu l'équipe qui avait un petit peu pour objectif d'unifier les pratiques, mais à l'époque, on travaillait beaucoup, moins que maintenant, c'est incontestable ».

Le fait de regrouper ces différentes appellations en une seule aurait pu être une étape dans le processus de professionnalisation de ce groupe professionnel et lui donner une forme d'uniformité.

Cependant, alors que la première promotion de CIP a été titularisée en 2001, il apparaissait déjà, que 60% des personnes n'utilisaient pas le terme de CIP mais majoritairement celui de travailleur social (précisant ou non qu'ils relèvent de l'Administration Pénitentiaire), lors d'une étude réalisée en 2004/2005 [LHUILLIER, 2006, p 81]. « Si je dis CIP, personne ne sait ce que c'est », « L'image des CIP c'est le néant, comment faire valoir notre identité à l'extérieur ? », « C'est injuste, ma famille ne comprend pas ce que je fais ici ; à la télé, la réinsertion, c'est les JAP ou les surveillants ».

Alors s'identifier à d'autres, plus visibles, est une des stratégies utilisées : « Moi je dis éduc à l'administration pénitentiaire», «Je dis éduc ou TS si je ne veux pas qu'ils sachent que je suis pénitentiaire car travailleur social, ça veut tout dire et rien dire». Rester dans le flou est une autre stratégie pour les CIP comme « Je dis que je suis fonctionnaire de justice » voire « fonctionnaire» [LHUILLIER, 2006, idem].

Il semble donc que cette distance, au nom d'une majorité de CPIP, soit un phénomène ancré depuis la création des SPIP sans évolution notable en termes d'adhésion depuis 1999, meme pour les personnels titularisés après 2006. Le changement de nom, survenu fin 2010, vient ainsi accentuer ce manque d'adhésion initial :

H, 27 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « Je vois pas l'intérêt, vu qu'on est déjà conseiller d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire, de rajouter pénitentiaire dans le sigle d'origine, je vois pas l'intérêt ; simplement, le fait de changer de nom, ça va juste faire encore baisser notre visibilité, la visibilité de nos fonctions et de notre travail et il va falloir encore expliquer, réexpliquer et je pense que ça va plus créer une confusion qu'autre chose ».

Il semble, qu'indépendamment du nom, c'est surtout l'activité des SPIP et des CPIP qui est totalement méconnue.

Pour certains, la connaissance de l'activité par le grand public entraînerait par la suite une adhésion au nom :

H, 35 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Ouais pff, de toute façon, on est pas connu du tout, donc, j'ai envie de dire, on peut prendre tous les noms qu'on veut, ça changerait pas grand chose, alors pour moi, l'important, au delà du nom, c'est surtout de médiatiser un petit plus notre travail, de montrer que les personnes ne sont pas dehors comme ça, sans contrôle social, sans qu'il se passe rien que l'État met aussi des moyens, pas forcément assez pour ce public-là ; et surtout faire en sorte qu'il y ait une vraie trajectoire. Après sur le terme, le fait qu'il y ait pénitentiaire, c'est assez normal, vu qu'on y travaille, quand même, après, c'est peut être le mot conseiller qui me paraît bizarre, effectivement, même si je vois pas trop ce qu'on pourrait y mettre d'autre, alors conseiller d'insertion, pourquoi pas, mais c'est un métier qui existe déjà, mais conseiller de probation c'est un peu toujours bizarre ».

Le vocable « pénitentiaire » marque pour d'autres la porosité plus grande entre le milieu ouvert et le milieu fermé, acté par l'instruction des aménagements de peine en milieu ouvert ou bien l'arrivée de surveillants pénitentiaires dans les SPIP depuis 2010 :

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Je vois pas trop l'intérêt de ce changement de nom, si, ça rajoute au cadre, mais ça enlève encore au travailleur social le fait qu'il y ait pénitentiaire dans notre dénomination mais concrètement, moi ça change rien à ma façon de travailler au quotidien ».

F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « J'en pense rien, je vois pas très bien ce que ça apporte, ce que ça change, de toute façon, les gens ne nous connaissent pas, alors, que ce soit l'un ou l'autre, ça complexifie les choses mais ça nous remet dans un cadre pénitentiaire, ça replace notre profession dans un cadre pénitentiaire ».

Aucune étude antérieure à celle de 2008 ne vient chiffrer et détailler dans quelle mesure le nom de CIP n'a jamais été intégré par le groupe professionnel. Le constat, fait dans notre étude, n'est pas étayé à une échelle statistique pouvant permettre de généraliser notre propos.

Le groupe professionnel semble toutefois pâtir de cette forte polysémie dans la description de leurs missions et de leur place au sein de l'Administration Pénitentiaire.

La référence à une identité, à un nom, a pourtant une importance non négligeable dans la construction de la légitimité professionnelle d'un groupe professionnel et d'une symbolique susceptible de s'imposer dans le débat public.

En effet, la principale ressource des professions dans le processus de professionnalisation « réside dans la rhétorique, le travail de construction sociale qu'elles sont capables d'opérer, et non dans l'efficacité réelle des savoirs qu'elles mobilisent Un voile d'idéologie s'interpose entre les professions et leur public » [LE BIANIC, 2003, p53].

Cette polysémie est donc, à notre sens, un obstacle à la professionnalisation du groupe professionnel des CPIP : « la marque minimale d'existence de groupes professionnels réside dans leur nom, qui est l'indice d'un certain degré de spécialisation et de division du travail » [DEMAZIERE, GADEA, 2009, p 440].

9-2 Une utilisation alternative de la dénomination officielle selon les interlocuteurs par les CPIP

Dans une étude, en date de 2008 et concernant la socialisation professionnelle des CPIP, la tendance observée supra se confirme mais la référence au nom de travailleur social a fortement diminué. Cette promotion ayant intégré l'ÉNAP en 2008, nous constatons qu'en 4 ans, entre 206 et 2010, aucune évolution significative n'est à noter : « Se présenter comme conseiller d'insertion et de probation devient moins fréquent avec le temps, lorsqu'il s'agit pour les élèves de se présenter professionnellement hors du milieu dans lequel ils exercent leurs fonctions Après un an de formation à l'ÉNAP, une baisse conséquente de 15 points puis de 3 points après les stages, confirme cette évolution, même si les élèves répondent toujours majoritairement « conseiller d'insertion et de probation» [GRAS, 2008, p12].

Cette utilisation stratégique du nom de CPIP ou de CIP est une constante, les appellations alternatives dépendant de l'interlocuteur et de l'objectif de la communication :

F, 39 ans, CPIP, 12 ans d'ancienneté : « Des fois, je dis que je suis du service pénitentiaire, sans aller dans les détails quand il faut aller vite, voilel, quand je dis pas CIP, je dis mon nom et que je suis du service pénitentiaire de Saint Denis ».

L'utilisation de telle ou telle dénomination varie selon l'information demandée et l'interlocuteur institutionnel :

F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « Tout dépend de l'interlocuteur que j'ai, tout dépend ce que je veux avoir ; je pense que si je cherche à avoir un poids auprès de mon interlocuteur, je ne vais pas me présenter comme travailleur social, du fait de l'image des travailleurs sociaux en France, je vais me présenter comme conseillère d'insertion et de probation au sein d'un service pénitentiaire ; si je suis dans une relation plus partenariale avec des gens qui sont eux même des travailleurs sociaux, je vais me présenter comme travailleur social ; voilà, je fais un distinguo selon l'interlocuteur que j'ai ».

F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Sincèrement ça dépend, j'essaie vraiment d'adapter selon les personnes : je dis que je m'occupe de personnes qui sont en détention ou qui sortent de détention, dans le cadre de libération conditionnelle ; en général, je prends l'exemple de la libération conditionnelle parce que ça parle plus aux gens, ou donc, j'explique aussi que je suis des personnes dans le cadre de bracelet électronique parce que pareil, j'ai l'impression que ça leur parle plus que d'autres mesure : la semi-liberté ou d'autres mesures ».

Cette manière de se présenter varie de manière plus prononcée lorsque la culture professionnelle d'origine de la personne est issue des professions du social « canoniques », comme les assistantes de services social ou les éducateurs spécialisés. Dans ces situations, l'appui, sur un nom identifié, reconnu par le grand public et porteur d'une symbolique forte, reste très utilisé :

F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans d'ancienneté : « Au téléphone, en fonction de ce que j'ai à demander ou de ce que je souhaite savoir, je suis AS ou bien CIP ; bon, j'ai intégré le corps des CIP mais pour les partenaires, je reste AS : par exemple, si j'appelle un service que je connais et que je sais qu'il peut être méfiant par rapport à un service judiciaire, par rapport à la fonction que je représente, et s'il y a des AS, je dis que je suis AS. ça les mets en confiance, ça leur parle plus ; en fait, c'est pas de l'ironie, ça les met plus en confiance pour me donner des informations sur la personne éventuellement, pour avoir un échange de confiance plus facilement que si je dis que je suis CIP ; peut être que c'est parce que quand j'ai commencé, je disais AS, déléguée à la probation ; j'ai toujours dit AS déléguée à la probation, donc, ça m'est resté, est-ce pour autant que mes collègues CIP n'arrivent pas à nouer des relations de confiance avec les AS, je ne sais, connaissant certaines AS dans certains milieux, je sais qu'elles sont méfiantes vis à vis du milieu judiciaire, donc, je dis que je suis AS ».

Meme si le degré d'adhésion des assistant(e)s de service social à une identité professionnelle commune reste à caractériser et à démontrer, il apparaît ici que la référence à un cadre éthique commun facilite la communication et l'échange d'informations sur certaines situations complexes avec des partenaires extérieurs au service.

Il est possible d'écrire que les assistant(e)s de services social, par la publication de monographies et par le développement d'écrits universitaires, ont élaboré des références communes et un cadre éthique d'action bien plus conséquent que le groupe professionnel des CPIP. La thématique de la professionnalisation est, à titre indicatif, très peu abordée par les travaux d'élèves en formation initiale à l'ÉNAP, travaux non publiés par ailleurs et seulement consultables en interne à la médiathèque de l'ÉNAP à Agen.

9-3 Un déficit de représentation et d'image

La professionnalisation est envisagée par certains auteurs comme un mécanisme général de mise en mouvement de nombreux corps professionnels, dans une visée de reconnaissance sociale. Dans cette optique, on utilise le terme de professionnalisation toutes les fois où la reconnaissance institutionnelle d'une « occupation » est visée. De ce point de vue, professionnaliser revient à permettre à des individus « d'avoir prise sur leur environnement en les dotant d'une compétence complexe faite à la fois de connaissances théoriques, d'un équipement cognitif et d'un équipement socio-affectif ». [GADREY, 1997]. L'utilisation d'un nom, investi et reconnu socialement, est un élément majeur de cet équipement socio-affectif.

Cette utilisation alternative du nom de CIP semble avoir contribué à les rendre invisibles dans l'espace public, paradoxalement en partie du fait de la non utilisation du nom « Conseiller d'Insertion de et de Probation ».

Les auteurs interactionnistes de la sociologie des professions placent, au coeur de leur analyse, les questions des savoirs et des pratiques de l'expertise et de sa légitimité symbolique, autant et parfois plus que celle du pouvoir, du monopole économique ou du conflit social.

Cette construction sociale s'opère à deux niveaux « au fil de la trajectoire biographique de l'individu, amené à intérioriser progressivement les normes d'un groupe de pairs et dans la situation d'interaction entre le professionnel et son « client ». [LE BIANIC, 2005, p42].

La non identification des CPIP par les partenaires institutionnels est peut être aussi une conséquence de cette polysémie entretenue par les acteurs eux-mêmes :

F, 39 ans, CPIP, 12 ans d'ancienneté : « Moi, je connais personne qui connaissent les CIP, je sais pas si on est vraiment connus, je ne sais pas quelle image on a, on est pas une profession sur laquelle il y a un focus, sur lequel il y a des debats ou des emissions ; pour moi, c'est dû au caractère hybride de la profession : on est, d'un côte dans le domaine penitentiaire, fonctionnaire, avec une image de contrôle, de preparation à la decision des magistrats, et d'un autre côte, c'est aussi à la fois pour certains être travailleurs social à fond, être assistante sociale ; pour moi, ça m'arrive de travailler plus sur ce qui ne va pas chez les gens, leur ressenti, leur comportement ».

F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « C'est une profession qui est toute petite, même si les effectifs ont ete doubles, neanmoins, on manque cruellement d'identite ; j'en avais trouve une en travaillant en milieu ferme, les gens comprennent ce que c'est, c'est plus complique en milieu ouvert ; moi, je pense que l'image, elle decoule de ça ou elle est absente, il y a une meconnaissance fondamentale de notre profession : un, parce qu'on est peu nombreux, et deux parce qu'on manque d'identite collective ; je pense que la mise en place de pratiques communes, c'est la première base et l'établissement d'une hiérarchie, ce sont des éléments qui peuvent nous permettre une identite et du coup, d'avoir une reelle image, car personne ne sait ce qu'on fait ».

Pour la sociologie française du travail, la professionnalisation désigne le mouvement par lequel un groupe professionnel exprime un désir de reconnaissance, dont le sens est donné par le modèle professionnel en tant « qu'ensemble de representations sociales des rôles et de l'organisation des professions (k) qui justifient le monopole des professions établies sur une sphère d'activite comme condition de la competence technique et du respect de règles morales dans l'exercice des activites presentees comme au service de l'interêt general » [CHAPOULIE, 1973, p86-114].

Dans cette quête de reconnaissance sociale, les travailleurs vont donc construire progressivement une argumentation tendant à démontrer que la production du service à laquelle ils contribuent requiert la mobilisation de véritables professionnels.

Il apparaît de manière assez constante que ce travail de construction argumentative n'a pas été opéré par le groupe professionnel des CPIP.

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « On n'a pas beaucoup d'image, je trouve, pour le citoyen lambda, on n'existe pas : il y a les juges, les visiteurs de prison, les aumôniers en prison, et les CIP, ils n'existent pas et pourtant, on a un rôle primordial ».

La non-utilisation du nom des CIP, et à fortiori des CPIP, est, en notre sens, un obstacle important à la non reconnaissance sociale de l'activité des SPIP qui est un fait majeur exprimé dans la totalité des entretiens. Par analogie avec les professions du social en quête de professionnalisation, il semblerait que les CPIP n'aient pas atteint le premier stade des débats qui ont traversé le monde des professionnels du social, à savoir le débat identariste, c'est-àdire « un débat sur les implicites du métier, initié par une vive critique externe, minoritairement relayé en interne, mais qui serait assez vite intériorisée par les professionnels concernés » [CHAUVIERE, 2004].

Ainsi, les CPIP sont autant acteurs de leur manque de visibilité auprès du grand public que victimes de celle-ci, selon nous. La manière individuelle et circonstanciée qu'ils ont de se présenter les affaiblit dans leur pouvoir d'interpellation du grand public et de l'Administration Pénitentiaire, marquant des divisions déjà anciennes entre affiliation, soit aux services pénitentiaires, soit aux professions du social. Il serait toutefois utile de comprendre pourquoi l'accent est si peu souvent porté sur l'action des SPIP dans les médias, en comparaison avec les surveillants pénitentiaires ou bien les Juges d'Application des Peines, à l'exception notable de la période de l'Affaire Pornic, de janvier-février 2011. Nous ne sommes pas en mesure de savoir si le récent changement de nom a accentué le constat effectué ici, ou non. Chacun de ces aspects peut faire l'objet d'une étude spécifique en propre, qui ne rentrerait pas pleinement dans le propos développé ici.

Chapitre10 : Une socialisation professionnelle problématique

Nous verrons, ici, qu'au clivage générationnel, décrit précédemment et concernant le rapport à la hiérarchie, vient s'ajouter un déclin du modèle vocationnel à l'entrée dans le métier (10-1). De promotion en promotion, les conditions de stage et de titularisation varient, ce qui ne contribue pas à l'unité du groupe professionnel (10-2). Cependant, la segmentation de ce groupe professionnel est plus ancienne et porte sur le contenu même des missions (10-3).

Ces différentes strates et tensions sont accentuées par des relais syndicaux qui défendent auprès de l'Administration Pénitentiaire des conceptions du métier ne relayant pas totalement les professionnalités les plus stabilisées depuis la création des SPIP (10-4).

10-1 Un abandon progressif du modèle vocationnel

Il apparaît également nettement que les missions de réinsertion étaient au coeur de la pratique professionnelle et étaient à l'origine des vocations pour le métier d'éducateur de l'Administration Pénitentiaire ou de délégué à la probation :

H, 53 ans, CPIP, 27 ans d'ancienneté : « Notre travail, c'était essayer de donner quelques atouts aux personnes qui nous étaient confiées pour essayer de faire en sorte qu'elles ne se noient pas dans une situation sociale qui, dans un premier temps, les faisaient réagir de manière frontale, comme ça, dans l'opposition avec la police, avec la récidive, ou de manière déjà un peu auto destructrice, en prenant de la drogue ou tout autre produit. Enfin, qui était une manière réactionnelle de fonctionner, liée entre autre à l'age et essayer de leur donner, de les aider à trouver quelques atouts pour ne pas se noyer complètement ».

H, 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté : « Ce métier, il y a celui tel que je me le représentais en entrant, et puis il y a le métier qu'on a fait en 20 ans, mais disons que pour moi, ce métier, c'est une incarnation de l'État Providence pour permettre aux gens qui sont en difficulté d'insertion de raccrocher les wagons parce qu'on est en contact avec les personnes, la partie

de la population française qui est dans la plus grande difficulté, on travaille avec de gens

pauvres et évidemment des gens qui sont, non seulement, pauvres économiquement mais qui ont souffert de mille et une difficultés ; ce n'est pas une caricature de le dire, donc, je me vis comme une sorte de sauveteur, c'est le SAMU social, dans la chaîne pénale ; c'est le rôle que j'ai envie de jouer, on est dans ce circuit là les premiers à manifester de l'attention et de l'humanité aux gens qui sont pris dans ce type de procédure et pour moi c'est important ».

Comme nous l'avons vu précédemment, cette représentation du métier comme essentiellement un métier d'aide qui se rapprocherait du travail social n'est plus portée par l'Administration Pénitentiaire depuis la circulaire de mars 2008, circulaire qui ne fait plus mention explicite aux missions relevant du travail social inscrits dans la circulaire de 2000. Il apparaît aussi que, sur nos 17 entretiens, neuf personnes ont passé d'autres concours, trois personnes seulement n'ont passé que le concours de CIP soit une proportion très faible (17,64%).

Les assistantes de service social ont, elles, passé un concours spécifique pour intégrer l'Administration Pénitentiaire, ce qui conforte l'hypothèse d'une vocation pour intégrer cette administration. Il semble donc que les motivations pour entrer dans l'Administration Pénitentiaire ne relèvent pas de la vocation mais d'autres choix rationnels pour beaucoup de CPIP :

F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans d'ancienneté : « Je pense qu'aujourd'hui, il y a pas mal de gens qui passe pas mal de concours en espérant en avoir un, et en soit, ça se comprend, mais du coup, pas en se disant moi, je veux être ça, et donc je vais passer le concours ; c'est un peu une autre logique, maintenant j'ai tel niveau d'étude, maintenant, j'ai envie de travailler, je vais passer tel ou tel concours qui sont un peu sur la même forme, en espérant en avoir un ; on peut pas dire qu'ils aient la vocation, ils arrivent dans la pénitentiaire comme ils seraient arrivé dans les douanes ; après, il y a en un certain nombre qui le passent avec une vocation quasi-militante, qui se sont intéressés à la question de la prison, surtout, parce que souvent de l'extérieur, on connaît plus la prison et ceux qui arrivent dans une disposition un peu militante, parfois un peu utopique : je vais sauver le monde, je vais être du bon côté. Donc, il n'y a pas d'homogénéité ».

Quand la vocation est présente pour intégrer l'Administration Pénitentiaire, c'est toujours en lien avec la notion d'insertion des publics, qu'elle soit couplée à la probation ou non :

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « J'ai eu du mal à intégrer le nom de conseiller d'insertion et de probation, je me le suis approprié, puisque moi je suis arrivée sur une période où le contrôle et la probation étaient clairement instaurés ; enfin bon, j'étais déjà l'un des volets de la profession puisqu'avant, on appelait ça éducateurs ; moi, je vois bien, avec mes collègues plus anciens, que la probation n'était qu'une petite partie, finalement, du boulot alors que pour moi, c'est vraiment deux aspects. Moi, c'est pour ça que j'ai fait ce travail là, pour l'insertion et pour la probation, et je vois pas ce que pénitentiaire vient faire là puisque, quand je présente mes missions, je rappelle bien pour quelle administration je travaille, je pense qu'il n'y a pas de doutes vis à vis des personnes qu'on a en face, si on arrive à se situer».

Nous avons pu observer que, parmi les 8 personnes ayant plus de 10 ans d'expérience au sein de l'Administration Pénitentiaire de notre échantillon, 5 étaient des assistantes sociales ce qui laisse penser qu'avec le temps, une forme de fracture générationnelle se forme entre les personnes restées par vocation dans une éthique proche du service social et une génération pour qui l'entrée dans l'Administration Pénitentiaire s'intègre dans une stratégie professionnelle différente. Cela mériterait une étude plus poussée sur la base de données statistiques plus larges et étayées.

Une autre fracture se crée entre les personnes qui sont surdiplômées par rapport au niveau requis pour passer le concours et les autres :

F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Je trouve qu'on sent de grosses disparités entre les personnes qui ont dix ans d'expérience et, on va dire, celles qui sont arrivées récemment sur le terrain ; je trouve que les personnes qui sont là depuis pas mal d'années ont une fibre sociale beaucoup plus développée que celles qui sont arrivées récemment sur le terrain ; je dis pas qu'on a pas de fibre sociale, mais je veux dire quand même, voilà : je pense que la plupart des gens qui sont recrutés sont bac+4, je pense déjà que ça joue, je pense que beaucoup de gens qui sont là depuis quelques années, ils ont passé ce concours par hasard, j'ai pas l'impression qu'ils ont passé le concours par vocation, donc, effectivement, je trouve qu'il y a des disparités quoi dans la façon de voir les choses et puis peut être aussi des disparités générationnelles tout simplement ».

A titre indicatif, deux personnes seulement sur les sept dans notre échantillon, ayant plus de dix ans d'expérience, sont titulaires d'un diplôme de niveau bac +4, ce qui semble indiquer une évaporation importante des profils les plus diplômés, chiffre à confirmer à une échelle plus étendue toutefois.

10-2 Quatre modes de socialisation professionnelle depuis 2001

La formation initiale des CPIP se déroule à l'ÉNAP45 à Agen depuis 2000. Auparavant, la formation se déroulait à Fleury-Mérogis pour les éducateurs de l'Administration pénitentiaire et les délégués à la probation.

45 « D'abord nommée EFPAP (École de Formation des Personnels de l'Administration Pénitentiaire), installée dans

des Villages Vacances Famille en Alsace (à Albé, puis à Obernai), l'école devient ensuite l'EAP (École d'Administration Pénitentiaire) en occupant à partir de 1965 des locaux d'un ancien centre de jeunes détenus construit sur le site de Plessis-leComte, à Fleury-Mérogis, dans l'Essonne. Elle est enfin rebaptisée ENAP (École Nationale d'Administration Pénitentiaire) suite à un arrêté du 20 juillet 1977 régissant l'organisation et le fonctionnement de l'établissement. Le 20 septembre 1994, le comité interministériel pour l'aménagement du territoire (CIAT) décide la délocalisation de l'école à Agen. Cette mutation géographique, qui s'inscrit dans un contexte général de modernisation du service public pénitentiaire, s'accompagne d'une

Les promotions de CIP ont connu quatre modes de socialisation professionnelle depuis 2001. En effet, le principe de l'alternance, entre un ou plusieurs lieux de stages et l'ÉNAP, a été abandonné à partir de la douzième promotion de CIP. Auparavant, un CIP stagiaire était affecté sur plusieurs lieux de stages différents (milieu ouvert et milieu fermé), en alternance avec des cycles de trois semaines à l'ÉNAP (CIP1 à CIP 8). Un lieu de stage unique a été proposé sur les deux ans de formation pour de la huitième promotion de CIP à la dixième.

Nous entendons socialisation professionnelle comme « la manière dont les groupes professionnels se transforment suite à l'arrivée de nouvelles recrues et, réciproquement, sur la façon dont ces dernières s'engagent dans un processus subjectif d'adaptation à leur nouvel univers de travail » [MALOCHET, 2005, p23] ou comme « le processus par lequel on devient membre d'un métier et plus généralement d'un groupe professionnel » [BENGUIGUI, GUILBAUD, MALOCHET, 2008, p7].

Les CIP de la onzième et douzième promotion ont été affectés sur un lieu unique de stage pendant les deux années de formation. Sur la base des notes obtenues lors de la validation des contrôles continus et des notes de stages, un classement final était constitué, permettant la titularisation des CIP sur le lieu de leur choix, selon leur classement.

A compter de la CIP 12 et jusqu'à la quinzième promotion de CIP, le principe de la préaffectation a été mis en place. Il s'agit d'affecter en stage de deuxième année un CIP sur le lieu de sa future titularisation, avec une alternance de cours, très réduite à 15 jours par an, à l'ÉNAP. Cette modalité de socialisation professionnelle a été fortement critiquée et serait abandonnée pour la seizième promotion sans que nous ayons confirmation de cette information.

réorganisation structurelle et pédagogique de l'ENAP mise en oeuvre en 1999. L'arreté du 22 janvier 1998 modifiant l'organisation et le fonctionnement de l'école définis en 1977 dessine les prémices de cette réorganisation. L'ENAP est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un directeur qui est nommé par décret sur proposition du garde des Sceaux, ministre de la justice, pour une durée de trois ans renouvelable. Le décret.du 26 décembre 2000, relatif à l'École nationale d'administration pénitent ai re, érige l'ENAP en établissement public de l'Etat à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Il est placé sous la tutelle du Garde des Sceaux, Ministre de la justice.

Conformément à l'article 2 de ce même décret, l'ENAP a pour mission la formation initiale et continue des fonctionnaires et agents publics occupant un emploi dans l'administration pénitentiaire la réalisation de travaux de recherches et d'études et leur diffusion la mise en oeuvre d'actions de partenariats avec des institutions d'enseignement et de recherche françaises et étrangères ».

Source : site intranet ENAP consultable au http://www.enap.justice.fr/ecole/index.php

H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans d'ancienneté : « C'est surtout ça qui est important, la transmission, qui est aujourd'hui beaucoup plus difficile et abâtardie puisque, de fait, la première année, c'est quasiment que de la théorie et la deuxième année, le stagiaire se trouve en position de titulaire, quasi immédiatement, beaucoup moins en position d'apprentissage finalement ; et la finalité, c'est plus apprendre, mais prendre vite des dossiers et puis si possible, le plus rapidement possible, on est dans des attentes productivistes vachement plus importantes qu'auparavant où on était dans un système d'apprentissage qui devait nous amener à pouvoir ensuite prendre des dossiers ».

F, 39 ans, CPIP, 12 ans d'ancienneté : « Quand j'étais à l'ÉNAP, ben moi, j'ai bien aimé, je dois bien être la seule ; mais la première année à l'ÉNAP, on avait beaucoup de cours théoriques et puis beaucoup de stages à l'extérieur : 7 ou 8 stages en extérieur, par exemple au Conseil Général, assez intense, puis après, plusieurs stages dans plein de lieux différents ; et en deuxième année, un lieu d'affectation, où on était mi-milieu fermé mi-milieu ouvert, on avait un mémoire et un projet d'action collective à mettre en place, on m'a jamais parlé des PPR. Il y avait de la sociologie, de la psychiatrie, de la psychologie. Moi, je comprends pas cette histoire de pré-titularisation ».

Ainsi, une personne issue de la troisième promotion des CIP, aura effectué deux ans en alternance sur trois types d'établissements pénitentiaires différents. Un CIP de la dixième promotion aura connu un seul lieu de stage en deux ans de formation, avec une mixité, milieu ouvert - milieu fermée, assurée.

Un CIP issu de la onzième promotion n'aura connu que deux lieux de stages, sur deux ans en alternance :

F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « La version que j'avais de la formation, c'était deux années de formation en alternance entre les cours à l'ÉNAP et les lieux de stage ; donc, moi, la formation que j'ai eue n'est plus similaire à celle qu'il y a aujourd'hui, donc, pour ce système de deux ans en réelle alternance : en général trois semaines à l'ÉNAP et un mois et demi en stage, je trouvais ça très positif, même si c'était long et l'ÉNAP, loin, de pouvoir voir comment ça se passe sur le terrain et de pouvoir échanger avec les autres stagiaires, de pouvoir parler des difficultés qu'on pouvait rencontrer ».

Enfin, un CIP, issu de la douzième promotion, ne connaîtra qu'un seul lieu de stage sans alternance, milieu fermé - milieu ouvert, et avec une quinzaine de jours de retour de pratiques entre pairs. Ces espaces d'échanges pendant la formation ont donc été fortement réduits entre 2006 et 2011, et la culture de la mixité, milieu ouvert - milieu fermé, s'est aussi érodée. Cela n'est pas sans conséquence sur la transmission des valeurs propres au groupe professionnel des CPIP et crée des différences générationnelles au sein de personnes d'ages similaires mais ayant connu un mode de socialisation professionnelle différent :

H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans d'ancienneté : « Ça a abouti à des choses bizarres, parce que l'intérêt qui était reconnu d'un système de formation comme auparavant, c'était l'acquisition d'une culture professionnelle qui s'acquérait justement avec ce mécanisme d'acquisition théoriques d'enseignement sur le site de l'ÉNAP : deux stages en établissements en service pénitentiaire d'insertion et de probation en fonction des années ; parfois c'était sur plusieurs sites différents. Il fut un temps où il y avait un stage en maison centrale, un stage en établissement pour peine et un stage en maison d'arrêt et un stage en milieu ouvert, donc, ça, ça s'est perdu~et permettre ainsi d'avoir un retour, un apprentissage d'une culture professionnelle, parce que c'est pas simplement une accumulation de gestes professionnels, de savoirs théoriques, de données techniques sur les aménagements de peine et leurs délais, c'est aussi, à un moment donné, partager une identité professionnelle commune, partager une manière de travailler mais aussi une façon d'envisager le métier, une certaine conception de notre place, de nôtre rôle et de notre positionnement par rapport à la personne ».

Le contenu méme de la formation privilégie les cours de droit de l'exécution des peines, les règles pénitentiaires européennes, l'histoire de l'Administration Pénitentiaire et laisse à des intervenants extérieurs les cours relatifs aux techniques d'entretiens et au partenariat institutionnel avec les structures du social, cela sous la forme d'introductions générales :

F, 39 ans, CPIP, 12 ans d'ancienneté : '' Mais les cours que j'ai eus à l'ÉNAP, concrètement, ne m'ont pas apporté grand chose, pas de formation dans le champ social, très peu de formation en psychologie, en psychopathologie ni même en criminologie ; on a eu de toutes petites introductions qui étaient très intéressantes mais qui auraient pu être développées, donc, la formation théorique à l'ÉNAP, il y aurait beaucoup de choses à améliorer ».

H, 35 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Depuis que je suis titulaire et que je vois les autres personnes en stage, je me rends compte que c'est exactement pareil, voir pire. Je sais pas, c'est comme s'il y avait une volonté de réduire notre métier ; quand même, j'ai l'impression, c'est ce que je disais tout et l'heure, que la formation m'avait permis certaines choses parce qu'on avait tout un tas de cours connexes : ça nous permettait, au fur et et mesure de la pratique, de les relier, de les remettre tous ensemble et d'améliorer notre pratique professionnelle, et tous ces fameux cours connexes, let, ont tendance et disparaître, la formation a tendance et se réduire, autour des lois, des articles du code pénal, tout ce qui est juridique ».

Il ressortait déjà, en 2006, que le mode de recrutement des CIP favorisait les profils de juristes au détriment des profils issus des sciences sociales :

« Depuis la création du corps des CIP, le mode de recrutement a favorisé le nombre de candidats de formation juridique, d'une part au travers d'une culture universitaire favorisant le recours et l'accès aux concours de la fonction publique, d'autre part du fait que les deux administrations - le Ministère de la Justice et l'Administration pénitentiaire - attirent les juristes de formation.

- Un temps de formation juridique très important à l'ENAP venant renforcer la culture universitaire des juristes (notamment sur l'exécution des peines) et, en corollaire, la moindre formation en « travail social » tel que défini par les IRTS.

- Les nombreuses réformes de ces dernières années, en particulier celles ayant pour conséquences une augmentation très sensible du nombre d'alternatives à l'incarcération et le suivi des personnes concernées, renforçant ainsi les activités de contrôle et de probation ». [LHUILLIER, 2006, p91].

Un processus similaire existe chez les surveillants, « la fusion des deux pôles - sciences humaines et droit -, intervenue fin 2002, s'est soldée par la disparition presque totale des enseignements de sciences humaines et un maintien du volume horaire total par le gonflement des cours consacrés à l'« insertion » De tout cela, se dégage le constat que la dimension sécuritaire a progressivement fait pièce aux orientations initiales en matière de formation ». [MALOCHET, 2007, p105].

Aucun des axes majeurs de la Loi pénitentiaire de 2009, à savoir les aménagements de peine et les programmes de prévention de la récidive, ne fait l'objet d'enseignements spécifiques et les premières sessions de formation sur l'animation de groupe de parole n'apparaissent qu'en janvier 2009.

Il est déjà reproché, en 2004/2005, à la formation initiale des CIP, des manques concernant surtout « les droits sociaux, les actions partenariales, les techniques d'entretien, la criminologie, la psychopathologie » [LHUILLIER, 2006, p25].

Cette appréhension, plutôt négative, de la formation initiale est une constante chez les personnes interrogées mais ne constitue pas un obstacle à l'acquisition ultérieure d'un véritable professionnalisme par la pratique en tant que jeune titulaire, étayage qui s'effectue couramment.

F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « C

choses, mais on apprend pas l'essentiel quoi finalement : par exemple, on a pas de cours sur
les aménagements de peine, sur les mesures concrètes, non, c'est pas assez concret ; j'ai

appris sur le terrain, mais avec le recul, j'ai l'impression de ne pas avoir appris quoique ce

soit, je suis peut être un peu dure, mais, j'ai l'imp ression de pas en avoir appris grand chose.

Et puis j'ai trouvé que c'est un peu long, c'était deux ans à l'époque où je l'ai fait, ça
nécessitait pas deux ans, moi je trouve ».

C'est, selon nous, la transmission de valeurs professionnelles et de perceptions partagées du rôle d'un CPIP qui se trouve altérée par ces modes différents de socialisation professionnelle.

La construction de l'identité professionnelle semble s'effectuer de manière individuelle et non collective :

F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans d'ancienneté : « C'est qu'on est pas confronté, en

arrivant à l'école, à une professionnalisation qui est que, c'est pas ce qu'on pensait mais on devient ! Pour moi, la question des missions des CIP n'est pas très claire ; déjà, c'est difficile de savoir comment former les gens si on connaît pas leur boulot, j'exagère un peu mais je pense que l'idée de préciser quelles sont les missions du CIP, et à l'intérieur du SPIP, quelles sont les missions des CIP, ça permet de déterminer davantage, sur quel statut professionnel il est,

de quelles compétences il a besoin, donc d'organiser une formation en fonction de ça et quelque part on arrive avec une idée de ce que peut être le métier et on endosse un costume, on devient CIP, on n'est pas CIP : on le devient, alors qu'actuellement on se le crée individuellement, ce costume ».

F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté : « Je trouve que la formation est telle que l'on repart chacun avec des bribes de choses, et qu'on construit chacun dans son coin, en s'appuyant sur ses référents de stage, sur des lectures et sur quelques cours ; et chacun, et c'est pour ça qu'il n'y a pas d'homogénéité du tout, à mon sens, chacun construit son métier et son identité alors qu'on a une formation commune dans une même école : y en pas trois écoles, alors qu'il serait assez aisé que le temps de la formation puisse permettre de construire ce fond commun sur lequel on appuie nos pratiques ».

Sur le chemin de la professionnalisation, l'enjeu culturel de transmissions de « formes historiques d'accomplissement de soi, des cadres d'identification subjective et d'expression de valeurs d'ordre éthique ayant des significations culturelles » [PAGANINI, 2009] est très partiellement rempli.

Il existe, de surcroît, une multiplicité de cadres d'exercices entre le milieu ouvert et le milieu fermé, les grandes équipes structurées en pôle spécialisés, mesure par mesure, et les petits services sur le territoire français de moins de 10 CIP. Cela ne contribue pas à l'unité du groupe professionnel, au-delà de la socialisation professionnelle initiale, vécue de manière individuelle dans la transmission des savoirs.

10-3 Une forte segmentation professionnelle

Le corps des CIP a été fondé sur l'idée implicite qu'un seul métier permet de répondre à l'ensemble des missions réglementaires des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Deux rapports préconisent une redéfinition des missions des CIP : celui de la Cour des Comptes « Garde et réinsertion, la gestion des prisons », rendu public en janvier 2006 et celui de l'Inspection Générale des Services Judiciaires, du mois d'aoft 2006 : « Le fonctionnement des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation ».

Les CIP « doivent être tout à la fois un agent de probation chargé du contrôle du respect des obligations, un assistant social en charge de la réinsertion, un psychologue capable de faire réfléchir un délinquant sur les raisons de son passage à l'acte, un criminologue capable d'évaluer les risques de récidive de celui-ci, un éducateur à même de lui inculquer les valeurs

qui lui font défaut et un animateur chargé de la gestion d'un réseau de partenaires » [IGS, 2006, p53].

En 2004/2005, les orientations de l'Administration Centrale inquiétaient les « travailleurs sociaux de l'Administration Pénitentiaire », selon la terminologie du rapport : « L'insécurité tient encore à la confrontation à l'énigmatique projet institutionnel : l'incohérence perçue des réformes, des décisions - exemple : favoriser l'absorption du corps des assistantes sociales dans celui ces CIP et, parallèlement, recruter un nombre important d'assistantes sociales - , modifier le profil des reçus aux concours - essentiellement des « juristes » - sans que ce changement soit présenté comme le fruit d'une décision et soit expliqué par une redéfinition des missions » [LHUILIER, 2006, p 77].

Il existe, de fait, une tension et un clivage net au sein des CIP entre ceux qui considèrent que la mesure de justice n'est qu'un moyen pour entrer en relation avec la personne suivie et l'accompagner sur les voies d'un changement personnel et social, et ceux qui considèrent que l'exécution de la mesure de justice est première, qu'elle fait sens en soi, qu'elle oblige d'abord au travail sur le passage à l'acte et, accessoirement ou de façon complémentaire, au règlement des questions sociales.

F, 49 ans, Assistante de service social, 28 ans d'ancienneté : « J'ai envie de dire qu'il y a plusieurs lignes de fractures. autrefois, il y avait une ligne de fracture entre AS et éduc pénitentiaire, mais je pense plus du tout que ce soit d'actualité ; depuis le mouvement social, il y a une grosse ligne de fracture entre ceux qui se déclarent travailleurs sociaux et les autres, qui souhaitent en sortir ».

F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté : « Et puis cet amalgame, assistante sociale, CIP, travailleur social, ces termes qui ne donnent véritablement pas de repères ; pour moi, c'est un terme trop généraliste : l'éducateur de rue, c'est un travailleur social, enfin, je veux dire que chacun a sa spécificité, moi, j'ai envie de montrer cette spécificité justement et travailleur social, c'est pas une spécificité, je suis désolé, pas dans ce type de métier ».

Cette opposition s'exprime au sein des CPIP eux-mêmes, et entre CPIP et Assistantes de Service Social au sein des services. Il existe en effet une stratégie de distinction d'avec les CPIP qui s'opère lors de certains contacts professionnels chez les titulaires d'un diplôme d'État :

F, 46 ans, Assistante de service social , 22 ans d'ancienneté : « Moi, je sais pertinemment, par expérience, ça m'est arrivée de dire au téléphone que j'étais déléguée à la probation face à une AS et de sentir qu'elle se refermait, et de rajouter, d'expliquer mon rôle en le présentant un peu comme une avocate auprès des personnes placées sous main de justice et puis je disais qu'il faut quand même que je vous dise que je suis AS de formation et que ce que vous pouvez me dire, je le dirai pas forcément au magistrat ; mais je le tournerai peut être d'une autre façon, ou on se met d'accord sur la manière dont je le dis au magistrat parce que ça peut être intéressant et important pour la personne que vous connaissez sous un autre angle et que moi je connais malheureusement sous cet angle là~ en expliquant tout ça en tant qu'AS à une autre AS, il y avait un échange, parce que les AS sont très jalouses de leur secret professionnel, de leurs prérogatives ; il faut savoir que j'ai été formée en tant qu'AS, il y avait un code de déontologie des AS, et les AS formées comme moi étaient très jalouses, et vigilantes de ce secret professionnel, de respecter ça ».

Ces différents groupes constituent « des coalitions se développant et prospérant en s'opposant à d'autres Nous désignerons segments pour désigner ces groupements qui émergent à l'intérieur des professions » [BUCHER, STRAUSS, 1992, p68].

Une nouvelle fois, l'existence de ces segments ne contribue pas à l'unité du groupe professionnel : «La segmentation soulignée repose essentiellement sur le rappel de l'existence de deux corps, les CIP et les assistants de service social, développant des stratégies de différenciation, de deux lieux d'exercice, le milieu ouvert et le milieu fermé, de deux cadres institutionnels, la Justice et l'administration pénitentiaire. D'où une hétérogénéité, voire des contradictions entre les demandes et les stratégies des différents partenaires de l'activité des travailleurs sociaux» [LHUILLIER, 2006, p 90]. Il est ainsi possible d'écrire que cette segmentation s'est accentuée et cristallisée depuis 2004/2005.

10-4 Des pratiques en manque de relais

Il apparaît que, bien que fortement segmenté, le groupe professionnel des CPIP pratiquent, quelque soient les mesures pries en charge, deux types d'actions.

Ainsi, l'aide à la décision judiciaire par l'évaluation d'une situation globale dans le cadre de la prévention de la récidive et le suivi des mesures de justices décidées par les magistrats mandants qui constituent autant de professionnalités.

En France, la notion de professionnalité est utilisée, au milieu des années quatre-vingts, dans un contexte socio-économique et organisationnel en mutation.

La professionnalité se définit comme « la capacité à mettre en oeuvre une expertise complexe encadrée par un système de références normatives sinon axiologique » [ABALLEA, BRAEMS, 2002]. Elle est « porteuse des interrogations sur la qualification, sur les transformations des modèles d'organisation productive et de relations professionnelles et sur les professions ». [PAGNANI, 2009]. Cette professionnalité s'appuie sur des connaissances situées, d'une part et théoriques, d'autre part :

F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté : « Faut quand même que tu saches un minimum écrire,
que tu saches un minimum réfléchir, que tu aies un minimum de connaissances, au niveau
juridique, au niveau sociologique et au niveau psychologique ; voilà, en gros pour moi, c'est

sur les écrits, parce que c'est important, parce que les magistrats se plaignent des écrits, ils

attendent que les écrits soient clairs, professionnels, pas subjectifs, pas dans les truc, psychologiques, un truc précis clair, une aide à la décision judiciaire, vraiment, et je pense qu'on peut pas acquérir ces compétences comme ça ».

Dans le processus de professionnalisation, les travailleurs jouent un rôle essentiel dans la construction de leur activité et de la reconnaissance sociale de leur métier, au travers des organisations dont ils se dotent. Ainsi, l'émergence de représentants institutionnels d'un corps de professionnels, comme interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics, représente un indicateur de professionnalisation du secteur considéré. En effet, « la force de l'identité collective se repère, pour un métier, à la puissance corporative » [ZARCA, 1988, p247].

Les principaux syndicats, l'UGSP-CGT Pénitentiaire et le SNEPAP-FSU, relaient, de manière très différente, l'aide à la décision judiciaire et le suivi des mesures de justice, professionnalité stabilisée, depuis 1958, avec la création des juges de l'Application des Peines.

L'accent est porté sur l'identité professionnelle de travailleurs sociaux par l'UGSP-CGT, avec une volonté de création d'un diplôme d'État et d'une reconnaissance des CPIP comme travailleur social. Cette logique de la qualification valorise les titres, les connaissances formelles (codifiées et transmissibles), la revendication d'autonomie et les distinctions statutaires.

H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans d'ancienneté : « Quelque chose qui semblait encore fédérateur et qui est battu en brèche par l'administration pénitentiaire, c'est l'identité de travailleur social, qui pouvait faire sens autour d'une acception large mais porteuse de sens de nos missions et de notre identité professionnelle ; le problème, c'est que l'administration pénitentiaire n'a pas cultivé cette identité-là ; bien au contraire, elle a été à rebours de cette identité, elle n'a laissé aucune place, hors champs syndical, aux professionnels pour construire, pour trouver des espaces, pour réfléchir sur leurs identités ; et c'est ça qui est compliqué, c'est-à-dire que l'administration pénitentiaire, l'évolution réglementaire, l'évolution des textes qui concernent notre existence a, elle, clairement marqué un évolution par rapport à nos missions ; au départ effectivement, les éducateurs, on sait bien à quoi ça correspond, éducateur de prison, c'est quelque chose qui est plus facilement identifiable en terme d'identité, en tout cas on peut le supposer et puis on va basculer vers CPIP qui n'a pas de référence ».

F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans d'ancienneté : « Les CIP dans l'institution pénitentiaire, les CIP, c'est un peu faire le tampon, c'est un peu la même chose, c'est un peu faire le tampon entre le tribunal, entre la norme que représente le tribunal, ça permet de formaliser et d'expliquer, de formaliser et de défendre la situation des gens pour leur permettre que la sanction judiciaire soit la mieux vécue possible, la moins dure possible, toujours dans une idée de régulation sociale, mais c'est aussi, donc, finalement aussi, évidemment, et bien on est là pour faire du contrôle de mesures judiciaires, et on est là pour de l'accompagnement socio-éducatif ».

La notion de responsabilité face à la personne, de travail sur le passage à l'acte chez les délinquants, et de déontologie professionnelle, est mise en avant par le SNEPAP-FSU. Cette logique de la compétence valorise, elle, l'expérience, l'apprentissage « sur le tas » et une reconnaissance interne et externe par des connaissances en criminologie :

F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans d'ancienneté : « C'est l'idée, bien évidemment, de dire qu'il n'y a pas de travail éducatif avec la personne sans rentrer en contact avec elle, donc, avoir une certaine déontologie, une certaine capacité d'écoute, une certaine façon d'envisager les entretiens en rapport avec le non jugement, même une capacité compassionnelle, vraiment une capacité de se mettre à la place de l'autre pour être vraiment en capacité de rentrer en contact avec lui ; et vraiment d'essayer d'envisager avec elle les possibilités de changer ces comportements par rapport à cette norme qui est la loi ».

H, 35 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté : « Il faut penser qu'on va mettre un avis qui va, si le juge l'accepte, potentiellement assigner la personne à résidence ; donc, ce qu'on est tenu de savoir faire, c'est est-ce que le climat au domicile est compatible avec cette assignation ? C'est la base de la base du début, c'est le coeur essentiel de la mesure ».

Ces deux logiques segmentent en profondeur tous les corps intermédiaires de la fonction publique où se côtoient ceux pour qui « le titre initial constitue la référence identitaire principale » et ceux pour qui « les expériences et apprentissages en cours de carrière constituent les ressources identitaires essentielles » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p161].

Au-delà du contenu propre de la formation initiale des CPIP, qui ne sera pas analysé en propre ici, il semble donc que la transmission d'un éthos professionnel commun soit altérée par la diversité des expériences de formation et par la diversité des motivations initiales à exercer le métier. Cette première ligne de tension est construite elle-même sur une autre ligne d'opposition plus ancienne, entre les agents se réclamant du travail social et ceux se définissant autrement. Le corporatisme des CIP ne peut se construire sans une segmentation

très forte, plus portée sur la dimension symbolique de l'exercice du métier et sur l'identitéprofessionnelle, que sur la défense de professionnalités stabilisées et reconnues par tous

comme l'aide à la décision judiciaire, pleinement inscrite dans le mandat de ce groupe professionnel.

Ainsi, « Parler de la professionnalité, c'est d'une certaine façon, mettre en évidence ce processus de déprofessionnalisation des professions établies et de professionnalisation d'un certain nombre d'activités salariées ou encore d'atteinte au statut et à l'autonomie des quasi-professions » [JOBERT, 1987]. Ces mouvements entre Assistant(e)s de Service Social, surveillants et CPIP, au sein des SPIP, mériteraient une étude approfondie.

Conclusion de la quatrième partie

Nous avons montré ici que les CPIP, du fait de leurs modes de socialisation professionnelle très divers et de leurs motivations différentes à entrer dans le groupe professionnel, n'étaient pas un groupe professionnel homogène. Un clivage générationnel s'est créé et des professionnalités stabilisées depuis plus de 50 ans, à savoir, l'aide à la décision judiciaire et le suivi de mesures de justice, ne sont pas relayées par les organisations syndicales. Celles-ci défendent des logiques de professionnalisation différentes, l'une articulée sur la qualification et la reconnaissance d'un statut de travailleur social à part entière et l'autre appuyée sur une reconnaissance d'une déontologie et de pratiques spécifiques à l'Administration Pénitentiaire. Cette dernière demande est partiellement acceptée par l'Administration puisque l'ensemble des personnels pénitentiaires est soumis à un code de déontologie46 depuis l'entrée en vigueur de la Loi Pénitentiaire du 24/11/2009.

Cependant, le caractère non spécifique au groupe professionnel des CPIP de ce code, qui s'applique à l'ensemble des personnels de l'Administration- administratifs comme de surveillance- ne peut constituer un indice de professionnalisation pertinent. En effet, la notion de contrôle entre pairs et de régulation propre au groupe professionnel des CPIP, n'est pas couplée avec ce code de déontologie.

46

« Le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions pénales. Il contribue à l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à assurer l'individualisation et l'aménagement des peines des personnes condamnées. L'administration pénitentiaire concourt, par sa participation à la garde et à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à la garantie des libertés et à la défense des institutions de la République, au maintien de l'ordre public et de la sécurité intérieure et à la protection des personnes et des biens. L'administration pénitentiaire s'acquitte de ses missions dans le respect de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et des lois et règlements. Les valeurs de l'administration pénitentiaire et de ses membres résident dans la juste et loyale exécution des décisions de justice et du mandat judiciaire confié et dans le respect des personnes et de la règle de droit. Le présent code de déontologie s'applique : 1° Dans les conditions déterminées au titre II, aux personnels, fonctionnaires et agents non titulaires, de l'administration pénitentiaire tels que définis à l'article 11 de la loi susvisée du 24 novembre 2009, dans le respect des règles les régissant ; 2° Dans les mêmes conditions, à l'exclusion des articles 8, 14, 26 et 29, aux membres de la réserve civile pénitentiaire instituée par l'article 17 de la loi précitée du 24 novembre 2009, qui sont assimilés aux personnels pénitentiaires pour ce qui est des règles pénitentiaires auxquels ils sont soumis ; 3° Dans les conditions déterminées au titre III, aux personnes physiques et aux agents des personnes morales de droit public ou privé, concourant au service public pénitentiaire en vertu d'une habilitation ou d'un agrément. Le présent code de déontologie est remis individuellement à chacun de ses destinataires par l'administration pénitentiaire, et affiché dans les établissements et services pénitentiaires. Cet affichage est réalisé de telle façon que le code de déontologie soit également porté à la connaissance des personnes placées sous main de justice. Tout manquement aux devoirs définis par le présent code expose son auteur à une sanction disciplinaire ou au retrait, dans les conditions fixées par le code de procédure pénale, du titre en vertu duquel il intervient au sein des services de l'administration pénitentiaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. » Décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire Voir également Annexe 5 p169.

Il est, selon nous, difficile d'arguer de ce code dans le cadre du processus de professionnalisation des CPIP. Il est ainsi possible d'écrire que l'édiction de ce code est un élément supplémentaire dans la rhétorique de la professionnalisation employée par l'Administration Pénitentiaire vis-à-vis des SPIP décrite précédemment.

Conclusion générale

Les principaux résultats

Dans notre étude, nous avons tenté d'analyser le lien entre les représentations des CPIP sur leurs pratiques, et les évolutions des SPIP depuis 1999. Le niveau d'analyse choisi est médian entre la sociologie des professions, pour rendre compte de l'évolution des missions des CPIP sur 10 ans dans une perspective socio-historique, et la sociologie du travail, pour évaluer ce qui est fait concrètement par les CIP dans une approche monographique. Notre étude, du fait de la diversité des lieux d'exercice et de la disparité entre la Région parisienne et les autres régions, ne peut prétendre à une quelconque valeur statistique. Il s'agit, ici, d'une description ordonnée de la dynamique interne du groupe professionnel des CPIP en un lieu déterminé, le SPIP 93. Cette analyse concerne les deux mesures actuellement mises en avant par l'Administration Pénitentiaire, à savoir le placement sous surveillance électronique et les programmes de prévention de la récidive.

Tout emploi (occupation) entraîne une revendication, de la part de chacun, d'être autorisé (license) à exercer certaines activités que d'autres ne pourront pas exercer, à s'assurer d'une certaine sécurité d'emploi en limitant la concurrence [HUGHES, 1952]. Une fois cette autorisation acquise, chacun cherche à revendiquer une mission (mandate), de manière à

« fixer ce que doit ~tre la conduite spécifique des autres à l'égard des domaines concernés par son travail » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p98]. Dans cette terminologie, nous avons ainsi constaté, qu'entre 2008 et 2011, le mandat des CPIP a évolué de la réinsertion des personnes placées sous main de justice à la prévention de la récidive.

Être CPIP aujourd'hui, dans ce contexte d'évolution, c'est être une jeune femme diplômée en Droit, au moins jusqu'au Master1, ayant passé ce concours avec d'autres, dans une stratégie professionnelle axée prioritairement sur la sécurité de l'emploi. C'est encore appartenir à un groupe professionnel parcouru par différentes tensions concomitantes et cumulatives, selon la date d'entrée dans l'Administration Pénitentiaire. Tout d'abord, une fracture générationnelle existe entre ceux qui ont connu un exercice professionnel, construit sur le rapport direct et oral avec les Juges d'Application des peines sans la médiation d'une hiérarchie, et les autres.

Existe également une fracture vocationnelle entre ceux qui sont rentrés dans l'Administration par vocation, et notamment les Assistant(e)s de Service Social, entré(e)s sur concours spécifiques au Ministère de la Justice et les personnes, juristes pour la plupart, ayant passé d'autres concours. Enfin, nous constatons une fracture éthique entre ceux qui se considèrent comme travailleur social et ceux affirmant une identité autre, avec une minorité se considérant comme des « criminologues ». De surcroît, les modes de socialisation professionnelle et les modalités de la formation initiale ont été modifiés quatre fois depuis 2001, ajoutant encore à l'éclatement de ce groupe professionnel profondément divisé.

Nous avons mis en évidence un processus de professionnalisation contrasté. Ainsi, il existe un indice de professionnalisation en termes de monopole d'instruction de la mesure de placement sous surveillance électronique, de la proposition au magistrat au suivi de la mesure par les CPIP. Ces derniers s'appuient sur des savoirs d'actions non formalisés pour analyser la situation de la personne placée sous main de justice dans son contexte social et juridique, savoirs qu'ils sont encore les seuls à détenir. Parallèlement, des conflits de juridictions sont possibles entre surveillants pénitentiaires et CPIP dans l'exercice du placement sous surveillance électronique. En effet, à terme, ce sont les surveillants qui rédigeront certains rapports aux magistrats tandis que les CPIP ont perdu leur force de proposition auprès des magistrats avec la systématisation de la surveillance électronique actée par la Loi Pénitentiaire du 25 novembre 2009. Leur autonomie dans l'instruction de cette mesure est donc à nuancer, méme si des marges de manoeuvres conséquentes existent dans l'exécution des instructions dans toute administration.

L'instruction des programmes de prévention de la récidive crée une forme de contrôle entre pairs, et d'analyse collégiale des situations des personnes placées sous main de justice, autre indice de professionnalisation. Cependant, les savoirs mobilisés ne sont pas spécifiques à l'Administration Pénitentiaire et s'appuient sur un corpus théorique issu de la psychologie cognitivo-comportementale et des techniques d'animation de groupe apprises au sein des Instituts Régionaux du Travail Social. Ces techniques ne sont enseignées en formation initiale que depuis janvier 2009 et sont pratiquées par d'autres groupes professionnels qui en ont la maîtrise depuis des années. Elles constituent cependant le « coeur de métier » souhaité par l'Administration pénitentiaire depuis 2008.

Enfin, nous avons mis en évidence un groupe professionnel sans visibilité pour le grand public et sans réelle reconnaissance sociale. En effet, aucune publication ou monographie ne vient éclairer des professionnalités datant pourtant de 1958 et la création des Juges de l'Application des Peines, autre que les commandes institutionnelles de la DAP et les travaux des élèves CPIP en formation initiale à l'ÉNAP.

Il n'existe pas d'accès à une dimension symbolique identifiable susceptible de permettre une
défense des intérêts du groupe professionnel des CPIP. En effet, nous n'avons pas rencontréde concordance entre la rhétorique de la professionnalisation portée par l'Administration,

articulée sur l'autonomie fonctionnelle des services et une expertise souhaitée en criminologie, et les représentations des acteurs sur le terrain. Ce constat reste à vérifier à une échelle statistique beaucoup plus large.

Il n'existe pas plus de relais entre les représentations des CPIP sur leurs pratiques professionnelles et les syndicats majoritaires qui défendent des logiques de professionnalisation différentes : une logique de qualification pour la CGT pénitentiaire et une logique de compétence pour le SNEPAP-FSU. L'aide à la décision judicaire et le monopole du contact avec un public particulier ne sont pas relayés par des publications universitaires ou bien par une communication adaptée au grand public, et cela depuis la création des SPIP.

Nous avons identifié une volonté de différenciation/partition des CPIP d'avec les Assistant(e)s de Service Social, parfois même par ceux précisément qui se réclament du travail social. Ces mêmes assistant(e)s, recruté(e)s massivement en 2005 suite à la volonté de développer les aménagements de peine, sont, à présent, sommé(e)s de choisir leur corps d'appartenance, CPIP ou ASS. Le caractère « éducatif » des nouvelles missions des CPIP est ainsi mis en avant pour séparer l'insertion de la prévention de la récidive. Sous le vocable « multidisciplinarité », on rencontre une volonté institutionnelle de séparer nettement les CPIP des Assistant(e)s de Service Social, autrefois intégré(e)s au corps des CPIP. Et de favoriser un rapprochement entre surveillants pénitentiaires et CPIP dans l'instruction du placement sous surveillance électronique en particulier.

Perspectives intellectuelles

Il existe donc en germe un véritable travail de construction théorique, appuyé sur la promotion de la criminologie, et rhétorique, construit sur la notion de pluridisciplinarité, pour créer un nouveau « coeur de métier » pour les CPIP et proposer, en moins de deux ans, une identité professionnelle nouvelle pour un groupe professionnel qui a 53 ans d'histoire.

Ce travail de construction, au sein de l'Administration Pénitentiaire, accompagne, en notre sens, des évolutions latentes du travail social où « la logique du devoir remplace la logique de la dette. L'assistance n'est plus le geste de la société, incarnée par l'État, vers le « citoyen malheureux »,a selon la belle expression de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, désormais « l'individu », « l'usager », doivent apporter la preuve de leur désir et de leur volonté de s'insérer dans la société » [AUTES, 2004, p289]. Pour les CPIP, cela se traduit par la « subordination de la notion d'insertion qui reposait sur une responsabilité collective à la notion de récidive qui repose sur une responsabilité individuelle » [RAZAC, 2011].

La notion de traitement pénal, induite par les programmes de prévention de la récidive, « flirte de plus en plus avec des prises en charge de type sanitaire ou thérapeutique, d'un autre clité le développement social, nom contemporain de l'action collective, se rapproche de plus en plus du traitement sécuritaire de la question sociale » [AUTES, 2004, p291].

Pour les CPIP, cela se traduit par « une individualisation basée sur les risques portés par les individus dans une perspective de traitement plutlit que sur leur demande dans une perspective d'accès aux droits (en particulier aux protections collectives) » [RAZAC, 2011].

Le secteur sanitaire et social voit son mandat modifié et « réduit au strict minimum. Conséquence de la procéduralisation du droit et des mesures, le travail social se résume à du traitement de dossiers et à la gestion de dispositifs Une logique de construction de l'offre domine sur une logique de réponse à la demande » [AUTES, 2004, p292].

Peut-on dire que la référence à la criminologie participe d'une telle « construction de l'offre » pour l'Administration pénitentiaire ? Comment interpréter ces déplacements des sphères d'intervention des CPIP, des assistant(e)s sociales et des surveillants pénitentiaires autour de la notion de dangerosité ?

De quelle manière renseignent-ils sur la relation entre Travail social et Administration pénitentiaire ? Comment la notion de dangerosité a-t-elle créé ces nouvelles catégories de pensées chez les acteurs de l'exécution des peines ?

Ces questions ouvrent des perspectives intellectuelles qui compléteraient opportunément les constats décrits dans notre étude. Il s'agirait d'inscrire notre propos dans les champs théoriques de la communication institutionnelle et de la sociologie de l'Action Publique afin de prolonger notre travail dans une visée explicative complémentaire, et ce, en explorant de quelle manière s'est opéré le processus de construction rhétorique autour de la promotion, en interne, de la criminologie. Comment s'est déroulée l'abandon de la terminologie « travailleurs sociaux de l'Administration pénitentiaire » entre la première mention d'expertise en criminologie, dans le décret du 6 mai 2005 créant les DIP, et la circulaire de mars 2008 ? Dans quelle mesure peut-on dire que l'invisibilité du groupe professionnel des CPIP est un facteur essentiel qui est partie prenante de cette évolution très rapide du mandat des CPIP ?

Autant de questions qui permettent d'ouvrir ce travail de recherche à de nouveaux champs de réflexion, suivant, par là, les transformations d'un métier en lien direct avec l'évolution du Système Pénitentiaire en particulier .mais peut être aussi avec certaines rationalités traversant le secteur sanitaire et social dans son ensemble.

Tables des matières

Remerciements 3

Sigles et abréviations 4

Sommaire 5

Introduction générale 7

La question de départ 9

Revue de littérature 11

Problématique et hypothèse 14

L'enquête 16

L'échantillon constitué 18

Le plan 21

Première partie : Les CPIP dans un contexte d'évolutions politiques, législatives et institutionnelles constantes 24

Introduction de la première partie 26

Chapitre 1 : La création des SPIP dans un contexte de remise en cause du travail social 27

1-1 Un travail social contesté 27

1-2 La création des SPIP en 1999 30

Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques pénales en profondes mutations 32

2-1 La construction politique de l'objet « dangerosité » 32

2-2 La juridictionnalisation de l'application des peines et le développement massif des aménagements de peine. 35

Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation 38

3-1 Une filière insertion et probation en constante augmentation entre 2004 et 2010 39

3-2 La formation initiale des Conseillers Pénitentiaire d'Insertion et de Probation 39

3-3 Les CPIP, un groupe professionnel majoritairement féminin, fortement diplômé, principalement en droit. 40

3-4 De nouvelles méthodologies de travail 42

Chapitre 4 : Genèse d'un changement de nom 46

4-1 Une circulaire décriée 47

4-2 Les premières réponses de l'Administration Pénitentiaire : un abandon de toutes références au
caractère social des missions des CIP 49

4-3 Une phase de négociation bilatérales entre le SNEPAP-FSU et l'Administration Pénitentiaire

50

4-4 Deux décrets statutaires et indiciaires créent les Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation. 51

Conclusion de la première partie 53

Deuxième partie : Les traductions structurelles de ces évolutions 55

Introduction de la deuxième partie 57

Chapitre 5 : Une organisation des services profondément modifiée 58

5-1 La création d'une hiérarchie dans les SPIP 58

5-2 Une perte de reconnaissance sur le terrain comme acteurs de la prévention de la récidive 59

5-3 Le déménagement hors des SPIP et le développement de l'écrit 63

Chapitre 6 : Un discours de légitimation de ces évolutions porté par l'Administration Pénitentiaire

65

6-1 L'autonomie 66

6-2 L'expertise 68

6-3 La revalorisation indiciaire, une stratégie de distinction avec les assistant(e)s de service social? 73

Conclusion de la deuxième partie 75

Troisième partie : Des pratiques professionnelles en mutation 77

Introduction de la troisième partie 79

Chapitre 7 : Savoirs d'action et autonomie professionnelle 80

7-1 Des savoirs d'action pour le PSE 80

7-2 Une autonomie dans la mise en oeuvre des programmes de prévention de la récidive 83

Chapitre 8 : Des professionnalités et des savoirs émergeants 87

8-1 Une systématisation de la surveillance électronique depuis 2009 87

8-2 Un espace de réflexion collective en construction 90

8-3 Des visites à domicile plus rares 93

8-4 Un monopole partagé avec les surveillants pénitentiaires dans le suivi des PSE 95

Conclusion de la troisième partie 98

Quatrième Partie : Un groupe professionnel invisible ? 100

Introduction de la quatrième partie 102

Chapitre 9 : Une non adhésion au nom de CPIP 103

9-1 Une polysémie dans la désignation des CPIP déjà ancienne 103

9-2 Une utilisation alternative de la dénomination officielle selon les interlocuteurs par les CPIP

106

9-3 Un déficit de représentation et d'image 108

Chapitre10 : Une socialisation professionnelle problématique 110

10-1 Un abandon progressif du modèle vocationnel 111

10-2 Quatre modes de socialisation professionnelle depuis 2001 113

10-3 Une forte segmentation professionnelle 119

10-4 Des pratiques en manque de relais 121

Conclusion de la quatrième partie 125

Conclusion générale 128

Les principaux résultats 130

Perspectives intellectuelles 133

Tables des matières 136

Bibliographie 139

Annexe 1 : L'échantillon 150

Annexe 2 : La grille d'entretien 154

Annexe 3 : Le mouvement de 2008 dans la presse écrite 160

Annexe 4 : Le statut des CPIP 165

Annexe 5 : Le Code de déontologie pénitentiaire 169

Annexe 6 : Les programmes de prévention de la récidive 178

Annexe 7 : Le projet de nouvelle organisation des SPIP 184

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Annexe 1 : L'échantillon

Entretiens au sein du SPIP93 : n =15

Entretien

Sexe âge

Ancienneté

Expérience
professionnelle

Diplôme

Concours
passés

Date et
durée

E1

H, 53ans

27 ans

 

Licence
d'histoire

 

12/01/2009,
35 minutes

E2

F 29 ans

2 ans

 

Maîtrise de
droit

ENM

01/02/2009,
45 minutes

E3

F 52 ans,

10 ans

19 ans
d'expérience
comme AS,

Assistante
sociale,

concours spécifique assistante sociale

16/04/2010,
35 minutes

E4

F 29 ans

3 ans

Aide ménagère
pour des
personnes âgées,

DEUG de droit

 

19/04/2010,
45 minutes

E5

H 27ans

2 ans

Expérience
comme
éducateur,

Licence
d'Histoire

 

27/04/2010, 35 minutes

E6

H 35ans

3 ans

Commerce
ambulant et
banque

DEUG de
droit et BTS
commerce

Secrétaire administratif, concours CIP raté une fois

30/04/2010,
45minutes

E7

F 32 ans

5 ans

Deux ans
d'expérience
comme
Assistante
sociale

Assistante
sociale

Concours spécifique assistante sociale

05/05/2010,
57 minutes

E8

F 40 ans

9 ans

 

Maîtrise de
géographie,

Deux concours de secrétaires administratifs

07/05/2010,

1h00

E9

F 29 ans

3 ans

 

Maîtrise de
Droit

ENM, greffe,
greffier en chef,
Conseiller
d'Education
Principal,

18/05/2010,
51 minutes

E10

F 39 ans,

12 ans
d'expérience,

Enseignante

Licence
d'Histoire

 

18/05/2010,

1h18
minutes

E11

F 54 ans,

14 ans

20 ans comme
Assistante
sociale

Assistante
sociale

Concours

spécifique
assistante
sociale

26/05/2010,

1h13
minutes

E12

H ,30 ans,

3 ans

 

Masters2 droit
des
collectivités

Attaché
d'administration
scolaire et
universitaire,
Educateur
spécialisé

28/05/2010 ?
1H17 minutes

E13

F 33 ans,

trois ans

 

Maîtrise de
droit,

Concours de
greffier en chef
et de greffe

29/05/2010,
36 minutes

E14

F 46 ans,

22 ans
d'expérience

 

Assistante de
service social

Concours spécifique assistante sociale

07/06/2010,

1h21
minutes

E15

F 42 ans,
deux ans
d'expérience

2 ans

Journaliste

Masters2
d'histoire,
contemporaine

Concours
directrice PJJ

11/06/2010,
57 minutes

Entretien hors du SPIP93 n=2

Entretien

Sexe âge

Ancienneté

Expérience
professionnelle

Diplôme

Concours
passés

Date et
durée

E16

H 51 ans,

25 ans

 

Deug
d'Histoire

 

01/07/2010,1h11

E17

F, 49 ans,

28 ans

 

Diplôme
d'Assistance
de service
social

Concours spécifique assistante sociale

01/07/2010,1h04

Entretiens Organisations syndicales et Associations n= 3

Entretien

Sexe âge

Ancienneté

Date et
durée

CGT

H, 31 ans

4

12/04/2010, 1h

SNEPAP

F, 34 ans

8

29/04/2010/,1h19

AFC

H, 55ans

 

29/04/2009 ,1h

Annexe 2 : La grille d'entretien

Le rapport au métier

Etes-vous

Quel est votre âge : ~~.

Si dans une conversation, on vous demande votre métier, que répondez vous ?

Auprès de vos partenaires, comment vous présentez vous ?

Quelle est le fondement et l'utilité sociale de votre métier selon vous ?

Son principal objectif ?

Parmi l'ensemble de vos tâches, quelles sont celles que vous appréciez le plus ?

Parmi l'ensemble de vos tâches, quelles sont celles que vous appréciez le moins ?

Les évolutions des missions

Selon vous comment a évolué vos missions depuis votre entrée à l'AP ?

Indiquez le type d'impact, négatif ou positif ou inexistant, que chacune des réformes suivantes ont pu avoir sur vos pratiques professionnelles

en 1999

Création des SPIP

Déménagement des SPIP hors des TGI ?

Juridictionnalisation de l'application des peines ?

Loi d'Orientation pour les Lois de Finances ?

Création du corps des DIP ?

Votre métier s'est il complexifié depuis votre arrivée dans l'AP ?

De quelle manière ?

Le métier de TSAP se situe au confluent de plusieurs champs.

Indique quel est ton sentiment d'appaienance à chacun de ces champs. -le champ judiciaire

- le champ pénitentiaire

- le champ du travail social

- le champ criminologique

Le rapport à la nouvelle mesure et les compétences développées

Quand avez-vous entendu parler pour la première fois du PSE/PSEM /PPR?

Quand vous a-t-on confié cette mesure pour la première fois ?

Qu'en avez-vous pensé ?

Dans votre service, y a t-il eu des réunions pour préparer cette mesure ?

Quelles sont les partenaires impliqués dans cette mesure ?

Qu'est t'on tenu de savoir pour effectuer cette mission ?

Quelles compétences nécessite elle ?

Comment présentez vous la mesure aux personnes concernées ?

Comment la mettez -vous en oeuvre concrètement ?

Combien d'entretiens ?

Quels types d'écrits ?

Des réunions avec les partenaires ?

Avez vous appris quelque-chose de nouveau dans cette pratique ?

Où avez-vous appris cela ?

Comment les avez-vous acquises ?

Des évolutions depuis la création de cette mesure ?

Quelle est selon vous la spécificité de cette mesure par rapport à d'autres ? Pensez-vous avoir une certaine liberté pour mettre en oeuvre cette mesure ? Pensez-vous que les CIP sont les seuls à pouvoir la mettre en oeuvre ?

La socialisation professionnelle

En dehors de l'administration pénitentiaire, des expériences professionnelles?

- Vous avez intégré l'Administration Pénitentiaire depuis quand ?

- Simultanément au concours de travailleur social à l'Administration Pénitentiaire, en avezvous passé d'autres ?

- Si oui, combien ?

Lesquels ?

- De quel diplôme êtes-vous titulaire (diplôme le plus élevé) ?

- Depuis combien d'années êtes-vous travailleur social à l'Administration Pénitentiaire (temps de formation ENAP compris) ?

- Depuis combien d'années êtes-vous dans le poste que vous occupez actuellement ?

- Quel est le nombre total de vos années d'expérience comme travailleur social ?

Que pensez-vous que l'image des travailleurs sociaux de l'AP ?

Auprès du grand public ?

Auprès des JAP ?

Auprès des partenaires du SPIP ?

Que pensez-vous du changement récent de nom pour les CIP ?

Du code de déontologie prévu dans la loi pénitentiaire ?

De la formation initiale des CIP ?

La formation que vous avez suivi à l'ENAP est-elle en adéquation avec les pratiques rencontrées sur le terrain ?

Peut on dire que les CIP forment un corps homogène ? Pourquoi oui ? Pourquoi non ?

Dans 10 ans vous voyez-vous toujours à l'AP ?

Que pensez vous des perspectives d'évolutions au sen de l'AP ?

Annexe 3 : Le mouvement de 2008 dans la presse écrite

Annexe 4 : Le statut des CPIP

Annexe 5 : Le Code de déontologie pénitentiaire

Annexe 6 : Les programmes de prévention de la récidive

Annexe 7 : Le projet de nouvelle organisation des SPIP

CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers). . Chaire de travail social

COUZIGOU

Yann

2011

Master de recherche « Travail social, action sociale et société »

De la réinsertion à la prévention de la récidive : quel processus de professionnalisation pour les

Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation ?

RESUME :

Entre 1999 et 2011, une succession de textes ont modifié en profondeur l'action des Services

Pénitentiaires d'Insertion et de Probation et le droit de l'exécution des peines. Les Conseillers

Pénitentiaires d'Insertion et de Probation sont les acteurs de ces changements institutionnels.

Notre travail consiste en une description ordonnée de la dynamique interne de ce groupe

professionnel à travers la pratique du placement sous surveillance électronique et des programmes

de prévention de la récidive. Il s'appuie sur une quinzaine d'entretiens sur le SPIP 93, un entretien

au SPIP 92 et un entretien au SPIP 75 complétés par une analyse de la littérature « grise »de

l'Administration Pénitentiaire et trois entretiens avec les principales instances représentatives.

Qu'est ce qu'être CPIP dans ce contexte d'évolutions institutionnelles constantes ? Nombre de

propos indiquent que le métier de CPIP s'est considérablement bureaucratisé. Des professionnalités

auraient été « captées » par une hiérarchie encore en quête de légitimité.

Pourtant, des professionnalités stabilisées depuis plus de 50 ans, a savoir, l'aide a la décision

judiciaire et le suivi de mesures de justice, ne sont pas relayées par les organisations syndicales.

Celles-ci défendent des logiques de professionnalisation différentes, l'une articulée sur la

qualification et la reconnaissance d'un statut de travailleur social a part entière et l'autre appuyée

sur une reconnaissance d'une déontologie et de pratiques spécifiques a l'Administration

Pénitentiaire. Dans le même temps, le discours institutionnel tenu par l'Administration Pénitentiaire

s'appuie sur les notions d'expertise, d'autonomie fonctionnelle des services et sur une

revalorisation indiciaire. Nous mettons ainsi en évidence un processus de professionnalisation

fortement contrasté et un groupe professionnel profondément divisé, en partie en raison de

modalités de socialisation professionnelles différentes

MOTS CLES : Professionnalisation, Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation,

Administration Pénitentiaire, Placement sous Surveillance Electronique, Programmes de

Prévention de la Récidive, expertise, savoirs d'action

192 pages






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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery