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Pouvoir d'investigation et de contrôle parlementaire. Le développement des commissions d'enquête et des missions d'information à  l'Assemblée Nationale sous la Ve République

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par Sophie Léron
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 mention études politiques sous la direction de Pierre Rosanvallon 2005
  

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2) L'expression de la minorité parlementaire

En ce qui concerne les thèmes traités, la pratique parlementaire récente a amené, par la création de missions d'information en substitution à celles de commissions d'enquête80, à ce que les demandes des groupes minoritaires ne soient pas systématiquement balayées.

Si le partage des postes de Président et rapporteur des commissions d'enquête
permet un travail commun des groupes de la majorité et de l'opposition, il n'efface
naturellement pas les divergences d'opinion sur les thèmes traités. De manière quasi-

79 Résolution n°106 adoptée le 26 mars 2003. Cette règle s'applique « sauf si ce groupe fait connaître au Président de l'Assemblée sa décision de ne revendiquer aucune de ces fonctions ».

80 Voir I Chapitre 2.

systématique, le poste de rapporteur -c'est-à-dire de celui qui est en charge de la rédaction du rapport- est conservé par un membre de la majorité. Car, si les travaux sont menés en commun, au moment de la rédaction et du vote du rapport, le fait majoritaire s'impose. Ainsi, le rapport de la Commission d'enquête « sur l'évolution de la fiscalité locale>> présidée en 2005 par M. Augustin Bonrepaux, socialiste, mais rédigé par M. Hervé Mariton, député UMP membre de la majorité parlementaire, fait-il apparaître un réel désaccord sur les conclusions de l'enquête, amenant le groupe socialiste à « marquer son désaccord total avec les positions exprimées dans le rapport à charge rédigé par Hervé Mariton81 >>, à considérer que « ce rapport s'éloigne de l'objectivité indispensable au travail d'une commission d'enquête >> et que son rapporteur « n'a pas su ou pas voulu s'extraire de la polémique stérile et des raccourcis idéologiques >> et à commenter en plus de trente pages sa position. D'une manière générale, au sein même du rapport une place est quasiment systématiquement réservée aux contributions des groupes82 y compris lorsque les conclusions du rapport se révèlent consensuelles. Les commentaires peuvent alors prendre la forme d'explications du vote émis sur le rapport ou de contribution complémentaire au fond. Ainsi, le rapport de la commission d'enquête « sur la situation dans les prisons françaises83 >>, dont le Président et le Rapporteur étaient

81 Explications de vote du groupe socialiste, rapport n°2436 du 5 juillet 2005.

82 Certains rapports publient même des contributions individuelles comme celui sur l'affaire dite d'Outreau qui comprend une contribution de Mme Elisabeth Guigou, de M. Léonce Deprez, M. Jean-Paul Garraud, M. Michel Hunault et M.Alain Marsaud, rapport n°3125 du 6 juin 2006.

83 Rapport n°2521 du 28 juin 2000.

tous deux issus du groupe socialiste, adopté le 27 juin 2000 à l'unanimité des membres de la commission comprend par exemple les explications de vote et commentaires des groupes PS, RPR, UDF, DL et PC. Ces textes permettent aux groupes minoritaires notamment d'expliquer leur vote en faveur d'un rapport que la majorité parlementaire a rédigé et auquel ils s'associent avec plus ou moins de nuances84, ou plus généralement, d'exprimer les raisons pour lesquelles ils s'abstiennent ou ne participent pas au vote du rapport85 mais aussi parfois d'affirmer les raisons de leur total désaccord avec les conclusions du rapport et de leur vote contre86.

La pratique parlementaire vise ainsi à assurer en son sein une meilleure représentation des groupes composant la représentation nationale notamment en ce qui concerne des travaux dont la vocation réflexive et prospective se prête plus facilement à des débats moins partisans. Pour Jean-Louis Debré, « l'Assemblée nationale a vocation à être une enceinte de dialogue, de confrontation des idées,

84 C'est le cas sous la XIe législature pour 7 commissions d'enquête votées à l'unanimité sur 15 plus celle sur << la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France >> en ce qui concerne les groupes RPR et UDF (seul le groupe DL s'étant abstenu).

85 Ce cas de figure concerne 5 commissions d'enquête sur 15 sous la XIe législature et notamment celle << sur le fonctionnement des forces de sécurité en Corse >> pour laquelle << les parlementaires RPR, UDF et DL ont demandé, avant l'examen des propositions du rapport, l'audition de M.Lionel Jospin, Premier ministre >>. Celleci ayant été refusée, ils ont dès lors << décidé de ne plus participer aux travaux de la commission >>, explication de vote des commissaires RPR, UDF, DL, rapport n°1918 du 10 novembre 1999.

86 Ce cas de figure concerne 2 commissions d'enquête sur 15 sous la XIe législature : la Commission d'enquête << sur l'activité et le fonctionnement des tribunaux de commerce >> et celle sur << certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers et leurs conséquences sur l'emploi >> pour laquelle les groupes parlementaires de l'opposition considèrent que cette commission, << mise en place à l'initiative des députés communistes (...) procède sans conteste d'une démarche idéologique qui tend à diaboliser l'entreprise en général et les grands groupes en particulier >>, rapport n°1667 du 2 juin 1999.

d'affrontement des idées. Ce dialogue, cette confrontation, cette réflexion ne doivent pas avoir de frontières politiques. La vérité des uns ne peut systématiquement écarter la vérité des autres. Les certitudes d'un groupe, fut-il majoritaire, ne l'emportent pas automatiquement sur celles des groupes minoritaires87 ». Sans régler le débat ouvert et moins consensuel sur les modalités de création d'un éventuel statut de l'opposition, les modifications successives du règlement établissent, par petites touches, des droits nouveaux aux groupes minoritaires.

En ce qui concerne les organes de contrôle, et au-delà de cette volonté d'assurer une meilleure représentation au sein de l'Assemblée nationale, ces modifications de fonctionnement peuvent également s'expliquer par le contexte politique que connaît la France depuis 1981. En effet, les alternances qui se succèdent amènent à ce que la minorité parlementaire d'un jour s'envisage en permanence comme majorité parlementaire et gouvernementale potentielle du lendemain. Parallèlement, les travaux d'enquête ou d'évaluation sur certains sujets visent de plus en plus régulièrement à travailler sur des responsabilités bien souvent partagées. Ainsi, la Commission d'enquête sur l'affaire « dite d'Outreau » a été amenée à réfléchir sur l'abondante législation consacrée à la justice qui a connu une succession de

87 Voeux à la presse de Jean-Louis Debré, 17 janvier 2006. Il est néanmoins ici utile de noter que si cette pratique s'applique aux modes de contrôle particuliers que sont les commissions d'enquête et mission d'information, la séance de questions au Gouvernement, par exemple, continue d'assurer une place prépondérante à la majorité (le nombre de questions étant réparties à la proportionnelle des groupes parlementaires) ou les présidences des commissions permanentes restent encore entièrement dévolues à des parlementaires issus de la majorité.

modifications par des gouvernements de gauche comme de droite qui se sont surajoutées au fil des dernières années.

La majorité parlementaire a ainsi été amenée à reconnaître et à donner au fil du temps une place à une «opposition structurée88 » qui, de son côté, profite de ces travaux pour engager une réflexion dont elle pense pouvoir tirer profit lorsqu'elle reviendra aux responsabilités.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci