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Koutougou,un terroir Temberma enclavé dans la Kéran

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par Tchoou Adong NOYOULEWA
Université de Lomé - Maà®trise de géographie rurale 2005
  

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INTRODUCTION GENERALE

La vie de tout peuple est relatée par rapport à son milieu de vie. Celui-ci est constitué du cadre physique, des liens qui le lient à son environnement ainsi que des aménagements qu'il apporte en vue de satisfaire à des besoins d'ordre économique, culturel ou naturel. Ce faisant, lorsqu'un peuple s'approprie un territoire qu'il modèle à son goût, il en fait une unité distincte des autres, qui, associée à sa spécificité physique devient son terroir.

Ainsi, l'histoire des Incas1 est liée à Cuzco dans l'actuel Pérou et celle des Pygmées à la forêt équatoriale d'Afrique centrale. La vie des Temberma elle, l'est avec les versants de la chaîne de l'Atakora aux confins nord-est de la préfecture de Kéran, dans un des coins les plus enclavés de la région et même du pays.

Au pied de la chaîne Défalé donc, vivent les Temberma, peuple de paysans et de bâtisseurs dont le nom vient de betammaribe c'est-à-dire « les bons maçons » par référence au type d'habitat dans lequel ce peuple a toujours vécu. De nos jours, personne ne peut parler de ce peuple sans en faire allusion. C'est pourquoi les Temberma et leurs forteresses, ou mieux leurs fermes fortifiées selon les mots de FRANCOIS Y. (1995) font l'objet d'une attention particulière de la part des architectes, des touristes et des historiens, bref du monde scientifique. C'est d'ailleurs ce qui explique l'inscription de ce site au patrimoine mondial de l'UNESCO comme un site culturel depuis juillet 2004.

C'est à ce peuple de bâtisseurs qu'appartiennent les 2 647 habitants du canton de Koutougou, qui s'étend sur 112 km2 avec une densité de 19 hbts/km2. Il est enserré entre la chaîne de l'Atakora à l'ouest et au nord, le Bénin à l'est et la rivière Kéran au sud. Mais pour éviter la confusion que peut laisser apparaître l'utilisation de Koutougou comme terroir d'étude et comme un village de ce terroir, nous userons du même nom écrit de deux façons différentes : Koutougou pour signifier le village et KOUTOUGOU pour désigner le terroir.

Le terroir de KOUTOUGOU qui correspond à notre zone d'étude, comptait 1885 habitants en 1970 puis 1923 au recensement général de la population de 1981. En 2005, sa population est estimée à 2007 individus repartis dans les quatre villages couvrant notre zone d'investigation. Celle-ci est située au sud-est du canton du même nom et est limitée par les villages de Koutchatougou, Koutapa, Kouya-kougou au nord-ouest et le Bénin à l'est. C'est sur cette limite nord-ouest que se dresse la chaîne de l'Atakora alors que plus au sud se trouve le cours d'eau Kéran.

1 « Fils du Soleil », nom des souverains du peuple quechua, au Pérou (vallée de Cuzco), qui ont établi un empire sur la cordillère des Andes qui va être défait au milieu du XVIe siècle lors de la conquête espagnole. Le terme désigne à la fois le souverain de l'Empire lui-même, mais également la tribu qui est à l'origine de son édification qui s'est enrichie de l'ensemble des peuples amérindiens qui lui sont soumis.

Notre travail consistera dans un premier temps à en faire une étude exhaustive. Il s'agira pour nous de passer en revue l'historique même de l'installation de cette frange du peuple Temberma au sud du mont alors que la plupart vit encore du côté nord de la formation géomorphologique dans le canton de Nadoba. Nous nous intéresserons par ailleurs à l'aspect physique - climat, sol, végétation, exposition, hydrographie, relief -, et son incidence sur la vie des habitants, à l'aspect humain en prenant en compte la population et ses mouvements internes et externes. Dans cette partie, nous porterons un intérêt particulier au paysage agraire de notre terroir de même qu'aux modes de gestion de la terre. Nous pourrions du coup définir les structures agraires qui sont pratiquées par les Temberma de KOUTOUGOU et analyser en outre les réalités économiques de notre terroir. Il sera aussi question de passer au peigne fin les formes d'utilisation des sols (le système agricole) et les résultats de cette utilisation auxquels nous ajouterons ceux des activités parallèles comme la chasse, la pêche et l'artisanat.

Au terme de cette analyse, nous apprécierons le développement de notre site d'étude en rapport avec les infrastructures de transport y existant et leur niveau de fréquentation. C'est la prise en compte de cet aspect économique qui nous mènera vers l'étude des relations et des échanges entre les habitants de KOUTOUGOU et leurs voisins considérant qu'aucun développement n'est possible pour un milieu s'il vit en autarcie (YATOMBO T., 1994). Nous déboucherons ainsi sur l'étude de l'enclavement qui caractérise notre site et qui limite son intégration au réseau commercial national.

Mais en prélude à cette étude, nous exposerons le cadre conceptuel et méthodologique afin de montrer outre nos motivations sur le choix de ce sujet, la problématique qu'il soulève, les interrogations qui s'y attachent de même que la revue de la littérature et les objectifs assignés à cette étude. Par ailleurs, il sera aussi question de présenter les hypothèses de travail ainsi que la méthodologie utilisée pour les vérifier avant de faire état des difficultés rencontrées sur le terrain.

Lorsqu'un peuple choisit son site d'existence, il le fait par rapport aux conditions physiques du milieu qui dans la plupart des cas sont compatibles avec son activité principale.

Les Temberma de KOUTOUGOU l'ont très bien appliqué quand ils s'y installèrent. Ainsi, Climat, sols, végétation sont favorables à la pratique de l'agriculture. Chaque année donc, plusieurs tonnes de produits vivriers et de coton y sont récoltées. Mais la nécessité d'une production massive est souvent couplée de celle des marchés d'écoulement qui permettent aux paysans de vendre leurs récoltes et d'acheter en retour des biens manufacturés.

C'est justement à partir de là que les choses se compliquent pour les habitants de l'univers étudié dont la caractéristique principale est l'insuffisance ou mieux l'absence des

voies de communication. A cela s'ajoute la question de la praticabilité saisonnière des rares
infrastructures de transport qui y existent. C'est ce que nous appelons l'enclavement de

KOUTOUGOU.

Mais qu'est-ce qui peut faire de cet enclavement de KOUTOUGOU un thème d'étude en Maîtrise de Géographie rurale ?

En 1995, le Togo comptait 12 040 km de routes dont 2 926 km de route nationale (1 650 km bitumées, 1 036 km non revêtues et 282 km non aménagées en terre) et 9 110 km de routes et pistes rurales (dont 4 950 km de pistes aménagées). De nos jours, loin d'avoir progressés, ces chiffres ont connu une baisse significative puisque les pistes aménagées n'ont pas connu un entretien conséquent. Il en ressort une diminution du trafic vers certains points du pays surtout vers les milieux ruraux.

Dans la préfecture de la Kéran par exemple, la situation actuelle des infrastructures routières se présente comme l'indique la figure 1 et montre une disparité entre l'extrême sudouest qui a un réseau routier dense et l'est qui en a un très lâche s'il n'est pas entièrement inexistant. Dans cette partie, il se résume à une piste automobile saisonnière dont la praticabilité est rendue complexe par l'état du pont sur la Kéran, et des pistes secondaires en très mauvais état surtout en saison des pluies.

1°00'

1°20'

0°40'

0°50'

1°10'

0°40'

0°50'

1°00'

1°10'

1°20'

FIG 1 : Infrastructures routières dans la Préfecture de la Kéran

PREFECTURE DE L'0TI

KOPELE

OTINAFOKIO

SONGOULAOU

#

#

MBORATCHIKA

#

#

N

#Y

#

OSSAKRE

#

HOULIO

#

NADOUDJA

#

HELOTA

#

NABO

#Y #

#

NABOULGOU

#

SINITE

WARDE

#

#

ANIMA

#

TERITE

LEOTA

#

ANDESSI

#

KOKOU TAMBERMA

#Y #

TCHASTE

#

WARTE

#

#Y #

ATALOTE

#

KOFI

#

SIOUTE

NATIBONI

#

#Y #

KPESSIDE

NADJANGOU

#

KOKOTE

#

KOUTOUGOU

#

TATANWATA

#

PIYANGA

#

AGNINKATA

#

AWANDE

#

#

% #Y #

ATETOU

#

PIMINI

KANTE

KOUKOTCHIENGOU

#

NADOBA

#Y #

DEOUTE

#

#

GOULBI

#

WARTEMA

#

KOUTAGOU

#

#Y
KOUTAPA

#

WARENGO

þ# Village étudié

% Chef lieu de Préfecture

#Y Chef lieu de Canton

#

Route bitumée Route secondaire

Autres localités

Kouya - Kougou

#

Koutougou Sola

Koutantagou

#

Lipouli 2

þ# #

#

Koutapa

2 0 2 4 6 8 10 Kilometers

Source : NOYOULEWA A. (205), d'après les

données recueillies dans Cartographie Censitaire, D.S.I.D., 1996.

#

LEGENDE

þ# #

þ# #


·

Lipouli 1

UTOUGOU

Koutamagou

Limites de Préfecture

Limite d'Etat

Cours d'eau permanent Cours d'eau saisonnier Réserve de la Kéran

Zone d'étude

Tapounté

#

9°50' 10°00' 10°10'

10°10'

10°00'

9°50'

Certaines zones par ailleurs n'ont jamais connu un quelconque aménagement de leurs pistes et connaissent depuis toujours un enclavement très préjudiciable à leur développement. C'est le cas du canton de Koutougou.

En effet, pour y accéder, il n'y a rien de facile. Durant la saison sèche, l'accès au site d'investigation reste difficile en dépit de l'aménagement des rues par la SOTOCO en vue du transport du coton graine. En fait, quoique séparés de Kantè, le chef-lieu de la préfecture à laquelle ils appartiennent de dix kilomètres à vol d'oiseau, aucune piste même cyclable ne relie les habitants de KOUTOUGOU à cette ville. La situation se complique davantage en saison pluvieuse puisque dès les premières pluies (autour de 400 mm), le radier sur la rivière Kéran est submergé par les flots et aucun passage n'est possible. C'est cette situation que présente les photos 1 & 2 sur lesquelles on se rend compte que le niveau de l'eau est légèrement en dessous du pont. Cette décrue est le fait d'une accalmie pluviométrique d'une semaine à la fin du mois d'août 2005. Autrement, il en résulte un isolement du terroir par rapport au reste du pays.

Photo 1 : Vue oblique du pont sur la Kéran

Source : Cliché de l'auteur, 2005.

7
Photo 2 : Etat du pont sur la Kéran

Source : Cliché de l'auteur, 2005.

De l'avis de RABALLAND G. & ZINS M-J. (2003), l'enclavement est une question essentielle aujourd'hui. Paradoxalement, cette question ne semble pas encore préoccuper les acteurs du développement au Togo.

Pourtant, ce ne sont pas les références sur l'importance des voies de communication dans un processus de développement qui manquent. Dans une allocution de M. Alassane Dramane OUATTARA, alors Directeur Général Adjoint du FMI prononcée le 12 mai 1999 à Port-Louis (Maurice) à l'occasion d'un séminaire de haut niveau sur l'ajustement structurel en Afrique subsaharienne, il n'a pas manqué de prouver que les nombreux investissements vers l'Afrique auraient été plus rentables si au tout début, une priorité avait été donnée à la mise en place d'une infrastructure de communication viable et de longue durée, car ajoute-t-il, cela aurait été source d'un développement économique de base sérieux et le moteur d'une intégration plus sûre au sein des entités politico-économiques sous-régionales sur ce continent.

Quant à Cécile SPORTIS, porte-parole du Programme Alimentaire Mondial (PAM), elle déclarait le 26 octobre 2005 lors de la conférence des donateurs à Genève quand elle parlait de la situation des victimes du séisme du 16 octobre au Pakistan, que le simple fait du manque des voies de communication multipliait les besoins par trois car il fallait dès lors utiliser les hélicoptères. Ceci est une preuve supplémentaire sur l'importance des routes dans

tout processus ayant trait au bien-être des hommes. KOUTOUGOU peut-il faire exception à cette règle ?

L'isolement de l'environnement étudié par rapport au reste de la préfecture qui le porte et du pays, entraîne de facto le développement des échanges transfrontaliers en défaveur du Togo. C'est cette situation particulière qui a motivé le choix de notre thème sur un terroir Temberma, celui de KOUTOUGOU qui constitue l'unité agronomique sur lequel plus de deux milliers d'hommes et de femmes se battent pour tirer de la terre les produits de leur survie et les ressources nécessaires pour promouvoir le développement de leur contrée. C'est d'ailleurs pourquoi nous l'avons intitulé : KOUTOUGOU, UN TERROIR TEMBERMA ENCLAVE DANS LA KERAN.

Il s'agit d'un terroir que l'on classe en général parmi les terroirs de warengo, terroirs propres aux Temberma, peuple issu du groupe linguistique des Para-gourma (GAYIBOR N. L. dir.1997). Ces terroirs sont reconnus pour être propres aux zones de reliefs contrastés, avec un habitat semi dispersé et des densités de population faibles à l'échelle du pays (19 hbts/km2).

Quant à leur mise en valeur, elle est semi extensive avec la possibilité d'une longue jachère et une organisation des exploitations en banquettes sur les versants de montagne rappelant les cultures en terrasses des Kabyè comme décrites par POKO Y. (1999). En ce qui concerne le parcellaire, il est relativement plus grand que chez les Kabyè avec des champs assez éloignés des concessions (500 mètres environ) dégageant un espace de pâturage autour des cases. On note également une déforestation poussée surtout ces dernières années en dépit d'une faible occupation du sol (19 hbts/km2). La reproductibilité de cette situation de notre zone d'investigation est analogue à celle de Dimori, village de plaine du Katcha, un terroir N'caam dans la préfecture de Bassar décrite par ALI S. (1996) où la densité est de 7,3 hbts/km2. Mais elle contraste nettement avec celle de Mandela, terroir Kabyè où la densité de 127,9 hbts/km2 est aussi source de déforestation avancée d'après DJIMINGRA M. (1983).

KOUTOUGOU est situé sur le versant sud de la chaîne de Défalé qui y atteint des altitudes de 400 à 500 mètres et a pour limite sud la rivière Kéran au travers de laquelle le radier supposé relier notre zone d'étude au reste des villages voisins n'a qu'une hauteur de moins d'un mètre et demi au-dessus du lit mineur. Ainsi, déjà au cours du mois de juillet, lorsque la pluviométrie atteint 400 mm, la rivière est en crue.

Quant au Mont, son ascension et sa traversée n'étant pas faciles, les populations de Koutougou passent alors plusieurs mois coupés de leurs voisins et du reste du Togo. C'est ce qui fait de ce terroir un terroir enclavé, tant son réseau de voies de communication interne se

résume aux sentiers qui relient champs et maisons et villages voisins. Isolés même du chef-lieu de la préfecture de la Kéran à laquelle ils appartiennent, les Temberma se contentent une bonne partie de l'année d'échanger uniquement avec leurs frères vivant dans le Bénin voisin.

Il se dégage alors de l'analyse des réalités humaines, de la position géographique et des réalités physiques naturelles de la zone d'investigation un aspect qui retient particulièrement notre attention : c'est l'enclavement. Des interrogations se dégagent alors en vue d'aider à mieux comprendre ce phénomène.

Qu'est-ce qui a amené cette frange du peuple Temberma à franchir le Mont pour s'installer dans cette cloison isolée du monde et de leur site primaire ? Comment est organisée la vie des Temberma de KOUTOUGOU ? Comment gèrent-ils le patrimoine foncier sur lequel ils vivent et se déroulent leurs activités ? Qu'est-ce qui est à la base des nombreuses mutations qui se remarquent aujourd'hui dans l'habitat rural de ce peuple de bâtisseurs ? Comment se font les échanges culturels et commerciaux avec leurs frères voisins du Bénin, ceux de Nadoba au nord de KOUTOUGOU ainsi qu'avec les villages environnants ? Quelles sont les infrastructures socio collectives dont ils disposent ? Quels sont les effets de l'enclavement sur les activités économiques du milieu ? Comment les habitants de KOUTOUGOU perçoivent-ils leur isolement ?

Autant de questions qui justifient le choix de notre sujet, même s'il faut y ajouter notre passion pour le monde rural qui nous a vu naître et grandir. Nous y avons ainsi côtoyé en grandissant et à travers les régions des Plateaux Sud, Plateaux Est, et celle de la Kara, de braves paysans toujours confrontés à l'épineux problème de la proximité ou de l'accessibilité des centres d'écoulement de leurs produits agricoles. Depuis les villages d'Ogou sur la rive Est de la rivière Ogou dans la préfecture de l'Est-Mono à ceux de la préfecture de Dankpen dans l'ouest de la région de la Kara, nous avons expérimenté la vie dans une contrée où les automobiles ne viennent qu'en saison sèche et seulement les jours de marchés hebdomadaires si ceux-ci existent. Autrement, c'est lors de la campagne d'achat et d'évacuation du coton graine par exemple que les gros véhicules attirent des foules de badauds curieux de voir très souvent pour une première fois le « titan ».

Ainsi donc, au moment d'entreprendre des recherches en vue de l'obtention d'une Maîtrise, quoi de plus normal que de se tourner vers ce monde pour nous appesantir sur une des situations les plus désagréables de la vie d'un paysan : l'éloignement et la difficulté d'accès au marché. DUMONT R. (1991) ne disait-il pas que si en Afrique on veut que les paysans produisent en masse, il faut d'abord leur donner les moyens et la chance de pouvoir écouler leurs produits sans difficultés ? Nous ne pouvons parler des motivations qui nous ont

conduit à ce sujet sans parler de l'attachement que nous avons eu du monde Temberma depuis la première fois que nous nous y sommes rendu. Il s'agit donc pour nous d'assouvir un désir longtemps manifesté et en même temps de contribuer à la connaissance de ce peuple hautement riche sur le plan culturel mais sur lequel paradoxalement, il existe très peu d'écrits puisque les rares existants sont du domaine architectural, touristique ou historique très souvent signés par des expatriés. Néanmoins, aucune étude ne pouvant aboutir sans recherche documentaire préalable, nous avons, à défaut d'ouvrages portant sur le pays Temberma, eu accès aux documents allant de l'étude d'autres terroirs à ceux relatifs aux problèmes du monde rural en général et de l'enclavement en particulier.

La place qu'occupe l'agriculture dans les pays en développement est une préoccupation plus que jamais d'actualité. Depuis leurs indépendances en effet, les pays moins nantis en ressources minières et énergétiques ont mis un accent particulier sur la promotion du secteur agricole. Mais il faut noter que cette primauté de l'agriculture dans ces pays ne date pas de l'époque des indépendances. Depuis les temps coloniaux en effet, avec le pacte colonial, nos pays ont hérité d'un rôle qui les maintient dans un situation d'éternels fournisseurs de matières premières aux pays du Nord.

Plus tard, même avec la division internationale du travail puis la mondialisation, ce rôle est loin de changer. Bien au contraire, la tendance se renforce encore avec la mondialisation sous sa forme actuelle en dépit des nombreuses mutations institutionnelles et des réformes entreprises souvent en accord avec les grandes institutions internationales et laissant derrière elles des retombées fâcheuses pour les populations.

C'est ce que dénonce ELA J-M. (1982) dans L'Afrique des villages lorsqu'il parle de la mise en place des politiques de développement rural entreprises par les gouvernements africains à coût de milliards déboursés par les institutions internationales et qui ont abouti dans la plupart des cas à des échecs et pire encore à l'éclosion de relations conflictuelles entre les masses. C'est ainsi que s'opposent vieux et jeunes, agriculteurs et éleveurs, citadins et ruraux. Cette situation selon l'auteur conduit à l'éclatement des groupes sociaux ayant des intérêts divergents mais appelés à vivre sur un même territoire national. Il conclut donc en précisant que tant que la mise en place des projets ne prendra pas en compte les réalités des bénéficiaires et sera plutôt basée sur des relations de domination et d'assujettissement, ils n'auront pas d'autres issues que l'échec. Il ajoute que l'exploitation et la négligence des masses rurales que l'on écarte injustement de la confection et de la réalisation des projets en leur faveur au nom d'un hypothétique illettrisme est un frein pour le développement.

Il poursuit dans Quand l'Etat pénètre en brousse... : les ripostes paysannes à la crise (1990), en stigmatisant les partis uniques imposés par les dirigeants politiques depuis les années soixante pour étouffer toute tentative de démocratisation ou de révolte tout en utilisant le travail et les efforts des paysans pour assouvir les caprices des gouvernants. Aussi, ajoute-til que les cultures commerciales ont fragilisé un tissu économique et social certes précaire, mais qui était fondé sur des pratiques ancestrales et empiriques ayant fait leurs preuves. Il garde toutefois espoir dans le dynamisme du paysan africain en prévenant que l'épanouissement réel de ce dernier passe par une liberté pouvant ouvrir la voie à l'expression de sa créativité, à l'organisation des associations et groupements villageois qui doivent constituer les bases de canalisation des forces et qui deviennent du coup les acteurs des changements dans les milieux ruraux.

C'est dans cette logique qu'aborde HARRISON P. (1991) dans Une Afrique verte, un document écrit au terme d'une enquête réalisée au profit de l'institut international de l'environnement et de l'USAID qui a financé le projet. L'auteur, chargé de cours à l'université d'Ifè au Nigeria a visité seize projets, quatre grands centres internationaux dans six pays différents. Il en ressort donc que les « projets réussis » (14%) sont le fait des gouvernants ayant pris la mesure de l'association des paysans à toute initiative comme au Zimbabwe avec ce qu'il appelle « le miracle du maïs zimbabwéen » alors que ceux qui ne le sont pas (86%) résultent de ce qu'on peut appeler les « copier coller » d'un milieu à un autre. Il dénonce en outre le «piège de l'aide » qui a maintenu beaucoup de coordonnateurs de projets dans une situation mesquine qui consiste à arrêter toute initiative dès que les financements extérieurs n'arrivent plus.

S'il est quasi certain au regard de ce qui précède que la promotion du secteur agricole passe nécessairement par l'association des paysans aux nombreux et coûteux projets de développement, il n'est pas moins évident que cela passe aussi par la prise en compte des réalités physiques de chaque milieu surtout quand il est question d'opérer des choix de cultures, des types d'habitat et d'aménagement.

Dans leur article Agriculture de colline et de petite montagne : Evolution récente des systèmes de production dans une zone de montagne du Nord Vietnam, district de Cho Dông, province de Bac Kan, in Agriculture et développement, (1997), BAL P. et al écrivent que la diversité des systèmes de production est en rapport avec le relief caractéristique du milieu. Ainsi, dans le district sud où on trouve des collines en forme de demi oranges, avec des vallées étroites, des sols en général profonds et acides, c'est la pratique de la culture du riz de

submersion qui prévaut au sein des Tay2 qui y habitent. Par contre, dans le nord, où prédominent des longues et fortes pentes, des sols alcalins, un substrat calcaire et des reliefs karstiques, c'est la crise agricole qui est marquée par une agriculture semi itinérante sur brûlis pratiquée par les Dao3, du groupe Mao Yao. Ils concluent en disant que la variabilité des zones agro-écologiques du district de Cho Dông peut représenter pour les agents d'appui et de développement une situation complexe. Mais ils ajoutent que « dans ce contexte, les méthodes de vulgarisation comme les approches des projets de développement doivent rechercher, en partenariat avec les paysans, des solutions qui ne peuvent plus se limiter au

transfert des innovations techniques en provenance des plaines. »

Les conditions physiques sont autant un moteur qu'un frein dans le développement de toute activité et celui de l'agriculture en particulier. C'est ce que soutient BETEMA B. (1992) dans son mémoire de Maîtrise intitulé Nima, un terroir Kotokoli (centre du Togo),. Dans cet ouvrage, l'auteur relève la compatibilité entre les conditions physiques et climatiques (milieu de plaine sous climat tropical soudano-guinnéen) et la pratique de l'activité agricole sur le terroir de Nima avant de montrer que parfois, cette même activité peut être soumise à des aléas climatiques qui entraînent des résultats désastreux pour les paysans qui n'ont que le fruit de la terre pour assurer leur survie. Il continue en ouvrant une brèche sur les difficultés relatives à l'écoulement des produits agricoles dues soit à la saturation des marchés, soit à l'impossibilité de rallier des marchés plus grands du fait de l'absence ou de la praticabilité saisonnière des voies de communication.

Il en résulte une nouvelle dimension qui vient s'ajouter au problème de développement des zones rurales. C'est la dialectique du développement en milieu rural en rapport avec l'enclavement qui a été abordée par certains auteurs également. Parmi eux, nous parlerons autant de ceux qui ont juste fait allusion à ce problème dans un ouvrage que de ceux-là qui ont consacré toute une étude, article ou ouvrage pour donner un point de vue ou mieux une approche de solution à ce que tous conviennent de classer parmi les raisons qui freinent l'évolution du monde rural.

C'est par exemple MERLIN P. (1991) qui, dans son Espoir pour l'Afrique Noire trouve que le retard de l'Afrique subsaharienne sur les autres continents dans tous les domaines peut s'expliquer par l'isolement qui caractérise ses villes et ses campagnes. Dans ce

2 Du groupe des Thaï, les Tày sont après les Kinh le groupe le plus important et le plus influant au nord du Vietnam.

3 Ils représentaient 11% de la population du district en 1994. Leur présence dans la zone n'est pas datée avec exactitude mais elle paraît relativement récente.

cadre précis, ajoute-t-il, l'activité agricole ne peut en rien se développer si les produits récoltés ne peuvent être écoulés sur d'autres marchés pour rapporter des devises aux paysans.

Pour GOUROU P. (1982) dans Terre de Bonne Espérance, l'Afrique Tropicale, les échanges d'hommes et de marchandises ont toujours joué un rôle planétaire dans le développement des techniques de production. Ce fut, dit-il, le cas de l'Europe et de l'Asie, chacun des deux continents profitant tour à tour des découvertes et des inventions qui se produisaient dans l'autre alors qu'à l'inverse, la barrière constituée par le Sahara et des côtes difficiles d'accès a empêché ou freiné les échanges entre ce monde eurasiatique très actif et l'Afrique subsaharienne à la traîne. Il conclut que l'Afrique gagnerait à promouvoir les échanges avec les autres continents et que cela passe nécessairement par le développement des voies de communication à l'échelle internationale.

C'est aussi le point de vu de DUMONT R. (1991) dans Démocratie pour l'Afrique quand il démontre qu'il ne peut y avoir de démocratie sans un développement et que la mise en place d'une meilleure infrastructure de transport, d'un réseau de pistes desservant tous les villages constitue un préalable au progrès rapide. Alors, si les paysans doivent produire plus, il faut leur concéder des prix qui puissent leur permettre d'acquérir des moyens de transport, des outils de travail du sol et de récolte plus appropriés. C'est donc de cette façon que les peuples y compris ceux des milieux ruraux parviendront au développement et aussi à la démocratie. A défaut, lorsque dans un pays, le réseau routier est effondré, les paysans s'en viennent au découragement comme ce fut le cas au Cameroun, en Tanzanie, au Sénégal et ailleurs en Afrique. C'est en tout cas l'explication qu'il trouve mais cette fois avec MOTTIN M-F.(1980), à la situation statique, immobile de ce continent dans leur ouvrage L'Afrique étranglée.

YATOMBO T. (1994) lui, croit trouver le bâton magique pour sortir nos milieux de cet immobilisme dans son mémoire de Maîtrise titré Désenclavement et dynamique de l'espace rural dans la région des savanes : cas du sous/secteur de Lotogou lorsqu'il démontre que le désenclavement réalisé dans ce milieu a introduit une nouvelle dynamique de développement faisant croître les surfaces cultivées de plus de 60% entre 1988 et 1992 alors que le nombre de planteurs est passé de 911 à 1713 soit 88% de croissance dans la même période. En outre, écrit-il, le taux de scolarisation par le seul fait du désenclavement a évolué de 26% en 1984 à 53,8% en 1991 et le nombre de marchés d'animation hebdomadaire de 03 à 07. Il en résulte donc une intensification de la vie économique du milieu après un processus de désenclavement. Néanmoins, l'auteur évoque et prévient du risque de l'apparition de nouvelles formes de préoccupations comme la destruction de l'environnement, l'oisiveté, ...

SEGBOR P. (1990) va plus loin dans son article Transport et développement au Togo, in Annales de l'Université du Bénin, série Lettres Tome XI, 1983 - 1991, car il affirme que le niveau de développement d'un milieu peut s'apprécier à partir de son réseau routier.

Ainsi, dit-il, celui-ci est à l'image de l'animation économique et sociale qui y prévaut, elle-même tributaire de la facilité des populations de rallier les autres villages proches des centres économiques. Il finit en mentionnant comme en exemple le fait que les villages proches des centres de distribution économique connaissent un essor plus important que ceux qui en sont éloignés.

Au total, il ressort que le développement est lié à l'amélioration du réseau de chemin et surtout à sa praticabilité en toute saison. En plus, la prise en compte des réalités physiques, et culturelles des peuples et du milieu est un impératif de même que l'association des bénéficiaires à tout processus de développement.

Mais en tant que terroir, quelles sont les réalités de Koutougou en rapport avec d'autres terroirs ayant déjà fait l'objet d'une étude ?

Si les habitants de KOUTOUGOU reconnaissent que les tatas sont le type de construction qui jusqu'à un passé récent les individualisait des autres peuples de la région, les Nawdéba eux, comme le montre KOUDEMA A. (1983) dans son mémoire de maîtrise titré : La vie rurale dans le canton de Siou. Exemple du quartier de Birigou, ont pour cadre de vie la case ronde ou mieux la concession ronde en forme de Soukhala très bien décrite par DJIMINGAR M. (1983) dans son Terroir Kabyè : MANDELA Nord-Togo. C'est d'ailleurs ce type d'habitat qu'adoptent de nos jours les Temberma.

Quant aux systèmes d'exploitation dans le monde rural en Afrique et au Togo, ils peuvent varier d'une région à une autre selon les réalités physiques et humaines. ANTHEAUME B. (1978) puis SAUVAGET C. (1981) dans leurs livres respectifs : Agbétiko, terroir de la basse vallée du Mono, Sud-Togo et BOUA, village de Koudè, un terroir Kabyè, Togo septentrional décrivent la pratique de la culture intensive qui résulte de la pression démographique et qui contraste bien avec celle que les habitants de KOUTOUGOU pratiquent. En effet, la densité de population y étant de 19 hbts/km2, les Temberma de notre zone d'étude pratiquent plutôt une agriculture extensive sur brûlis et ce, à cause de la disponibilité des terres. La seule nuance à apporter est que dans le cas d'Agbétiko, le Mono et ses dépôts de limon sont un avantage certain dans la richesse des sols et qu'à Boua, il existe une forme de fertilisation des sols basée sur les fosses compostières alors qu'à KOUTOUGOU, les paysans pratiquent encore une jachère qui va au-delà de cinq ans et plus.

Ainsi, l'environnement étudié ne peut faire exception à la règle et une étude sur ce terroir doit pouvoir définir des objectifs pour mieux répondre aux nombreux défis, attentes et interrogations autour desquels, il est possible d'envisager son développement. Quels sont les facteurs qui permettent de cerner au mieux les réalités du terroir de Koutougou en pays Temberma ? Des objectifs clairs et précis doivent donc être définis pour mener à bien cette étude qui est censée rechercher et organiser les données en vue du développement et de l'épanouissement des populations de notre zone d'étude et de leur site.

Les objectifs que nous assignons à cette étude sont de deux ordres. Il s'agit d'un objectif général duquel découlent des objectifs spécifiques. L'objectif général est de montrer en quoi l'enclavement de notre zone constitue un frein à l'épanouissement socio culturel et économique pour ses habitants. De là, apparaît un autre beaucoup plus historique et culturel mais non moins important car permettant de rentabiliser notre travail par les concepteurs du projet de sauvegarde et de viabilisation du patrimoine Temberma en vigueur dans la préfecture de la Kéran. En fait, à la veille de la communalisation de nos campagnes, chacune d'elles doit pouvoir créer des ressources propres pour assurer son fonctionnement et au-delà, son développement économique et social. Pour y parvenir, à KOUTOUGOU comme ailleurs, les développeurs doivent disposer d'études partageant les réalités de la vie des peuples afin de les prendre en considération. Comme intérêt pratique donc, nous voudrions montrer les effets induits de l'abandon des tatas sur l'activité touristique afin d'apporter au terme d'analyses et de comparaisons avec les réalités du pays Nadoba, des approches de solutions pour arriver à définir un programme de développement authentique et durable au profit du terroir et partant du canton de Koutougou, car en dernier ressort, tous les programmes de désenclavement, misent sur les richesses disponibles dans la localité. Quant aux objectifs spécifiques, ils se présentent comme suit :

- Analyser les réalités physiques du terroir ainsi que leurs implications sur les

activités des habitants.

- Etudier les modes de vie et de gestion des terres à KOUTOUGOU.

- Etudier les mouvements de la population de même que le niveau de vie de

celle-ci.

- Montrer pourquoi ce groupe de Temberma a dû quitter ses frères pour

s'installer de ce côté de la montagne.

- Evaluer les effets de l'enclavement de KOUTOUGOU sur les échanges

transfrontaliers qui se développent entre ce milieu et le Bénin.

- Etudier les relations qu'ils entretiennent avec leurs voisins Temberma de

Nadoba et Nawdéba puis Lamba de la préfecture de Doufelgou.

- Faire découvrir les cultures des Temberma de KOUTOUGOU et leur façon de

concevoir leur isolement.

Pour atteindre ces objectifs et trouver des réponses aux nombreuses questions soulevées plus haut, nous allons nous servir de nos observations sur le terrain, de nos expériences vécues et lues pour poser des hypothèses. A cet effet, nous dégagerons des hypothèses subsidiaires autour d'une hypothèse centrale. Celle-ci est la suivante : l'isolement de KOUTOUGOU par rapport au reste du Togo est un obstacle au développement du milieu et à l'épanouissement des habitants. Les hypothèses subsidiaires elles, s'articulent selon la configuration ci-après :

- Les mutations intervenues dans l'habitat des Temberma de Koutougou est le

résultat d'un brassage avec les populations Lamba, Kabyè et Nawdéba des préfectures de la Kéran et de Doufelgou.

- La dynamique de l'habitat a été renforcée par la disparition de la nécessité de

se défendre ou de faire la guerre puisqu'une des raisons qui justifiaient l'édification des tatas était d'ordre sécuritaire.

- La situation du territoire sur un versant est favorable à l'implantation des

concessions de forme ronde comme en pays Kabyè.

- C'est la recherche de terres plus riches et plus giboyeux qui a conduit cette

frange du peuple Temberma à essaimer vers le sud de la chaîne de montagne.

- Les conditions physiques du milieu se prêtent fort bien à la pratique de

l'agriculture et de l'élevage ainsi qu'aux systèmes d'exploitation en vigueur sur le terroir.

- L'isolement de KOUTOUGOU est le facteur premier dans la précarité qui y règne et qui caractérise la vie de ses populations car il explique non seulement un coût de production élevé mais aussi des prix de vente très bas.

- L'enclavement, l'unité monétaire et linguistique sont les facteurs qui militent

en faveur du développement des échanges commerciaux avec le Bénin.

Comment procéder pour répondre favorablement aux attentes et collecter les données nécessaires afin de pouvoir intégrer dans notre analyse les nombreuses préoccupations inhérentes à l'enclavement de l'univers d'investigation. Il se dégage à travers les hypothèses précédées des objectifs assignés à notre étude, la nécessité de définir une

approche méthodologique qui puisse nous permettre de collecter les données nécessaires en vue de répondre aux interrogations et vérifier les hypothèses.

Nous avons mené notre étude sur une base méthodologique à trois niveaux : la documentation préexistante, l'enquête de terrain et l'observation participante.

La documentation préexistante est l'ensemble des sources de renseignement dont nous avons eu besoin pour mieux circonscrire notre sujet dans l'espace, dans le temps et dans le débat scientifique actuel. Outre les cartes, les rapports d'activités de la Société Togolaise du Coton (SOTOCO) et les documents généraux ayant trait à notre sujet, nous nous sommes rendu dans de nombreux services et centres de documentation.

· A la Direction des Statistiques Agricoles, de l'informatique et de la Documentation (D.S.I.D.), nous avons eu accès aux données du recensement agricole de 1996 dans un document édité en avril 1998 en deux séries : SP - Population agricole et série AA - Population Active.

· A la bibliothèque du centre de documentation technique du Ministère du Plan, nous avons disposé outre du schéma directeur de la région de la Kara, d'un atlas du développement régional au Togo.

· A la Direction Générale des Statistiques et de la Comptabilité Nationale, nous avons eu accès au dépouillement des fiches complètes du recensement général de 1981.

· A la Direction Régionale de la SOTOCO à Kara et à la Coordination BinahDoufelgou à Niamtougou, plusieurs informations relatives au niveau de production de coton et à l'acheminement des intrants nous ont été fournies.

· Dans les bibliothèques universitaires notamment celle du département de Géographie, celle de la FLESH et à la bibliothèque centrale, nous avons trouvé outre les mémoires de nos devanciers, certains articles et autres publications des enseignants de l'université.

· Au Centre Culturel Français, nous avons bénéficié de certains documents de géographie récents introuvables à l'Université.

Nombre de nos informations proviennent également des recherches sur des sites d'universités étrangères par le biais de l'Internet.

Toutefois la non prise en compte dans nos recherches documentaires des photographies aériennes de l'environnement étudié est due essentiellement au fait que les photos disponibles mis à part leur échelle trop petite et donc couvrant une zone trop grande,

sont vieilles de plus de trente ans et ne traduisent pas nécessairement les réalités actuelles surtout en ce qui concerne l'occupation des sols. Néanmoins, les quelques interprétations faites nous ont édifié sur les réalités physiques.

Par ailleurs, les entretiens que nous avons eus avec certaines personnes ressources notamment l'ATC de la SOTOCO, le magasinier du groupement agricole villageois, le chef canton et son secrétaire ont été des sources indiscutables de données chiffrées ou historiques. Nous rappelons que ces contacts ont été pris lors de notre séjour d'une dizaine de jours à KOUTOUGOU entre le 14 et le 22 octobre 2004, visite que nous avons aussi consacrée à l'observation passive des faits physiques et humains puis lors de nos travaux de terrains effectués du 19 août au 02 septembre 2005.

Cette enquête de terrain qui a duré deux semaines a consisté à administrer un questionnaire à 116 chefs de ménage soit 40% des chefs de ménage que compte la zone d'étude. Cet effectif est réparti sur tout le terroir sur la base indicative des données du tableau n°1 et selon l'importance de la population des quatre villages pris en compte dans cette étude. Ainsi, à Koutamagou habité par 792 habitants (39,7% de la population totale) et donc 115 chefs de ménages, nous avons retenu 46 enquêtés soit 39,7% des enquêtés. Les autres villages ont eu respectivement 38 (Koutougou), 20 (Lipouli 1) et 13 (Lipouli 2) enquêtés. Parmi eux, nous avons ciblé dans chaque village une proportion de 20,7% de femmes.

Cette proportion de femmes est guidée par les données sociologiques caractéristiques du terroir d'étude. D'abord le fait d'avoir pensé intégrer des femmes dans notre échantillon qui devrait se constituer que de chefs de ménage est dû à notre volonté de ne pas négliger cette couche qui pourtant est majoritaire dans la population de l'environnement d'étude. Mais pourquoi seulement 20% ? Nous nous sommes contenté de cette proportion à cause de la place qui est celle de la femme dans la société Temberma à KOUTOUGOU. Réduite à l'exécution des décisions du mari par qui tout peut arriver, elle ne maîtrise presque pas les données relatives à la vie de sa société. Ce faisant, celles que nous avons pu interroger ont un âge compris entre 35 et 55 ans car les plus jeunes, restent encore sous la protection et la surveillance de leurs époux.

Quant aux hommes, nous avons retenu la tranche d'âge 18 à 55 ans puisque dans cette société, le critère d'autonomie est jugé par le départ du toit parental ou mieux la construction de sa propre maison même si cela se réalise à la périphérie de la concession familiale. Toutefois, on peut se demander comment sommes-nous arrivé à cet échantillon

alors que notre zone d'étude compte selon les projections que nous avons faites à partir des données démographiques existantes environ 2007 habitants en 2005 ?

Voici présentée la fiche technique d'échantillonnage.

Estimation de la population actuelle à Koutougou :

P2005 = P1981 (0 1 1) ~

Ø : Croissance moyenne nationale: 2,6 %

P1981: Population en 1981

P2005 : Population en 2005

n : Nombre d'années = 24

Calcul du nombre de ménages :
Moyenne de la taille des ménages dans la Kéran : 6,9
Nombre de ménages = Pop. Totale / 6,9
Déduction du nombre d'enquêtés par village :
Echantillon estimé à 40 %
Nombre d'enquêtés = (Pop. Totale x 40) / 100

Tableau n°1 : Récapitulatif de l'évolution de la population, du nombre de ménages et du
nombre d'enquêtés par village :

Villages

Effectifs

Nombre de
ménages

Nombres
d'enquêtés

1970

1981

2005
(estimation)

Koutamagou

744

759

792

115

46

Koutougou

612

624

652

94

38

Lipouli 1

315

322

335

49

20

Lipouli 2

214

218

228

33

12

KOUTOUGOU

1885

1923

2007

291

116

Sources : D'après nos calculs à partir des données recueillies dans Schéma Directeur régional, édition révisée de 1986, D.R.I.P.

L'échantillon de 116 chefs de ménages a constitué la population cible à laquelle notre questionnaire a été administré. Le questionnaire en lui-même comporte six parties.

La première est purement consacrée à l'identification de l'enquêté: âge, sexe, personnes à charge, autochtonie, situation matrimoniale, profession, ....

La deuxième partie devrait contribuer à une meilleure connaissance des pratiques foncières en cours dans le terroir notamment les limites du domaine foncier villageois, les modes d'accès à la terre ainsi que ceux de gestion de ces terres.

Quant à la troisième partie, elle devait combler les attentes relatives aux pratiques agricoles. Il s'agit là de mieux apprécier les usages faits des sols à KOUTOUGOU, les différentes cultures agricoles, la façon et les moyens techniques et humains mis en oeuvre pour les produire.

Dans une quatrième partie réservée aux données socio-économiques, nous nous sommes intéressé à la finalité des produits agricoles et surtout au type de culture à laquelle les paysans accordent plus d'importance.

L'historique du terroir et la dynamique de son habitat ont constitué le cinquième volet de notre questionnaire. Il s'est agit de mieux appréhender les raisons qui ont conduit à l'essaimage de ce peuple puis aux transformations qui se remarquent dans son habitat.

Enfin nous avons consacré la dernière partie de notre questionnaire à la perception des enquêtés sur la notion de l'enclavement de même que la manière dont ils le vivent. Il s'agit entre autres de comprendre la mentalité des habitants de KOUTOUGOU sur le phénomène qu'ils vivent et qui les individualisent des autres peuples de la région, puis les pistes de résolution qu'ils préconisent pour en sortir. Quant à l'analyse des effets induits par l'enclavement, elle a été rendue possible par l'utilisation d'un guide d'entretien censé compléter les travaux de l'enquête proprement dite.

Il faut toutefois ajouter que dans la conception du questionnaire sus- présenté, nous avons eu recours à un certain nombre de variables. Ce sont des caractéristiques auxquelles on assigne des valeurs. Nous en avons adopté dans le cadre de notre étude deux types :

D'une part les variables indépendantes. Ce sont : l'âge, le sexe, l'ethnie, le niveau d'instruction et l'état civil.

Concernant l'âge, nous sommes partis des données des services des statistiques qui considèrent comme personnes actives dans le domaine agricole les personnes ayant un âge compris entre dix-huit et cinquante-cinq ans. Cependant selon les réalités de la zone d'investigation et surtout compte tenu du statut social des jeunes qui doivent avoir leur propre

logis avant de bénéficier de leur autonomie d'action, de même que celui des personnes âgées qui à défaut de support pratiquent les activités agricoles jusqu'à un âge très avancé, nous avons retenus la tranche d'âge 15 à 60 ans. Cette catégorie de personnes est celle dont l'activité est déterminante dans la vie sociale et économique de notre terroir d'étude. C'est à cet âge qu'on devient responsable et indépendant au point de prendre des décisions concernant la gestion du foyer et des parcelles cultivées.

Le sexe quant à lui est dans nos sociétés traditionnelles un facteur de différenciation important. Il nous a semblé utile de l'inscrire au nombre des variables indépendantes. En effet, à Koutougou comme ailleurs en Afrique, les travaux qui requièrent l'usage de la force et les prises de décisions incombent aux hommes alors que les femmes se contentent de petits travaux champêtres. Elles s'adonnent aux attributions spécifiques à une épouse.

L'ethnie est aussi une variable indépendante, parce que la plupart de nos contrées regorgent de populations allochtones. A KOUTOUGOU, cette réalité est moins apparente puisqu'on y compte que 3,5% de foyers allochtones. Quoique vivant dans un milieu autre que le leur, les ménages allochtones conservent certains procédés et certaines techniques de leur milieu d'origine. Il en résulte une dimension sociologique qui s'exprime à travers une différenciation qui s'observe au niveau des moyens de production, des techniques culturales, de la façon de concevoir la réalité de l'enclavement et surtout d'appréhender celle de la dynamique de l'habitat. C'est ce qui justifie l'inscription de cette donnée au nombre des variables indépendantes.

La prise en compte du niveau d'instruction est le résultat du fait que dans le monde paysan, il détermine sans aucun doute les choix culturaux et surtout la facilité ou la réticence avec laquelle les producteurs acceptent les innovations.

D'autre part nous y avons inscrit les variables dépendantes. Elles sont celles dont l'option est liée avec d'autres. Il s'agit entre autres des activités rurales, des techniques culturales et de l'état du ménage.

Concernant les activités rurales, nous préciserons seulement que le labeur est souvent relatif à l'âge du paysan. La tranche d'âge 15-60 ans est la plus active économiquement alors que les personnes âgées sont très peu rentables à l'instar des moins de 15 ans. Néanmoins, si l'agriculture reste la principale activité, elle est toujours associée de l'avis de 89% de nos enquêtés, à une autre comme l'élevage.

Tout comme la variable ethnique, les techniques culturales varient mais s'interpénètrent. Certaines disparaissent au profit d'autres et ce, compte tenu des réalités physiques du milieu qui les abrite. On parlera entre autres des Kabyè qui y ont abandonné la culture en terrasse pour adopter la culture sur brûlis qui se pratique dans le milieu d'investigation. Le faible taux de rotation de cultures (3,4%) est enregistré auprès des populations allochtones.

L'état des ménages est un indicateur important surtout que nous nous fixons pour finalité de montrer l'impact de la production agricole sur le niveau de vie des populations de même que l'effet qu'a l'isolement sur cette dernière. Ainsi, le nombre des membres d'une famille est déterminant dans les choix de l'habitat et de la taille de l'exploitation effectués par le chef de ménage.

Ce questionnaire ainsi décrit a été administré comme nous l'avions dit plus haut à un échantillon représentatif de 40% des chefs de ménage tirés par hasard à partir des chiffres de la population du recensement général de 1981 que nous avons actualisés soit à 116 chefs de ménages dont 24 femmes. L'administration du questionnaire s'est faite avec l'aide d'un étudiant en quatrième année de Géographie avec qui nous avons formé équipe en vue des travaux de terrain.

Pour gagner du temps, nous avons fait faire un dépouillement assisté à l'ordinateur après naturellement avoir fait codé le questionnaire. Le logiciel utilisé est le SPSS 10.0 avec un nombre de lignes dans le fichier de travail évalué à cent seize et celui des valeurs autorisées à 18 724.

Qu'en est-il alors de la troisième phase de notre méthodologie ?

L'observation participante dont il est question s'est faite essentiellement au cours de nos visites et séjours dans la localité puisque durant nos travaux nous avons vécu soit chez un habitant soit comme dans le cas du dernier séjour chez le chef canton. Elle a permis entre autres de bien comprendre l'organisation de la cellule familiale et la hiérarchie sociale chez les Temberma et les principes qui régissent la célébration de certains cultes ainsi que de certaines fêtes traditionnelles.

En tout état de cause, des difficultés n'ont pas manqué de surgir à un moment ou à un autre de notre travail. Certes elles sont sérieuses mais elles n'ont en rien ébranlé notre détermination. Bien au contraire, elles constituent pour nous le péril grâce auquel notre triomphe sera glorieux.

En premier lieu, la difficulté majeure reste celle de la communication et est relative aux contradictions qui peuvent se rencontrer lors de l'utilisation des sources orales. En effet certains de nos interlocuteurs nous ont fourni des informations dont le contenu a varié d'un jour à l'autre ou mieux d'une visite à l'autre.

Par ailleurs, nous avons souffert de la disponibilité des paysans à répondre à nos questions. La raison est que nos travaux ont été effectués soit en période des pluies et donc en pleine activité des champs, soit au cours des périodes consacrées aux cérémonies traditionnelles et au cours desquelles, les jeunes sont interdits de frotter avec « le monde ambiant ».

L'autre aspect des difficultés reste l'éloignement de l'environnement étudié par rapport à notre lieu de résidence. Cette situation ne nous a pas aidé dans la collecte de certaines informations. Notre souhait de pouvoir apprécier le niveau d'eau dans la Kéran pendant la période d'étiage en a souffert.

Au demeurant, il en résulte un travail qui sera présenté en trois parties outre l'introduction générale qui intègre le cadre conceptuel et méthodologique et la conclusion générale qui résume les résultats auxquels nous sommes parvenus.

D'abord le cadre physique et humain qui, outre l'aperçu géographique et le milieu naturel, traite du couvert végétal et des données humaines. Cette partie présente notamment les réalités physiques de notre zone d'étude de même que les aspects relatifs au peuplement, son histoire, son évolution et son organisation actuelle. Nous déboucherons ainsi sur la caractérisation physique et humaine du terroir étudié.

Il sera ensuite question de l'espace agraire dans le terroir de Koutougou. C'est ici que nous présenterons entre autre la problématique foncière, la dynamique agricole, les types de cultures ainsi que les différentes activités économiques qui se déroulent dans le milieu. Notre étude ayant privilégié le concept de terroir, nous préciserons ici les différents traits qui l'individualisent par rapport aux autres contrées Temberma ou Lamba de la région.

Nous étudierons enfin l'enclavement dans toutes ses dimensions avec tous ses effets induits sur la vie des habitants de KOUTOUGOU. Ainsi, après avoir fait état de la faiblesse des infrastructures de transport, nous évoquerons les contraintes d'ordre moral, social, culturel et surtout économique liées au fait de l'isolement. Il sera aussi question de décrire les manifestations concrètes de ce phénomène sur les activités économiques et sociales en rapport avec les autres contrées de la zone d'étude. Une évaluation des prix des intrants, un inventaire

des outils de travail et les opportunités de main d'oeuvre vont constituer des indicateurs d'analyse du coût de production élevé qui caractérise l'univers géographique étudié.

Il sera question de montrer :

- la nécessité de désenclaver ce milieu de laboureurs qui travaillent beaucoup plus pour

ravitailler le Bénin voisin alors qu'ils bénéficient entièrement d'un approvisionnement en intrants de la part des services d'encadrement paysan du Togo.

- qu'un tel processus sera d'un grand intérêt non seulement pour les populations de

KOUTOUGOU qui pourront voir leur coût de production baisser et les prix de vente de leurs produits s'élever mais aussi pour le reste du territoire togolais qui profitera ainsi d'un grenier céréalier supplémentaire puis d'un site touristique.

- que l'existence de potentialités physiques (vallée exploitable et pistes à aménagées...)

et humaines (population prête à participer aux efforts de désenclavement) est une évidence dans un milieu où l'enclavement est plutôt perçu comme une réelle volonté pure des pouvoirs publics d'isoler tout un peuple.

Tous les atouts du milieu couplés des possibilités existantes constituent des raisons valables qui justifient la nécessité d'enclencher un processus de désenclavement au profit de notre terroir d'étude.

Comment se présente le cadre physique dans lequel se déroule la vie des Temberma de KOUTOUGOU et se pratiquent leurs activités ? Quelles sont les réalités humaines de ce site et comment sa population y perçoit les mutations qui s'y opèrent dans le temps et dans l'espace ? Bref comment pouvons-nous percevoir dans la zone d'investigation l'interface homme-milieu ?

Ce sont entre autres, les préoccupations auxquelles le premier chapitre intitulé cadre physique et humain tentera de répondre.

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