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Koutougou,un terroir Temberma enclavé dans la Kéran

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par Tchoou Adong NOYOULEWA
Université de Lomé - Maà®trise de géographie rurale 2005
  

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3.4- DE LA NECESSITE DE DESENCLAVER KOUTOUGOU

Tout processus de désenclavement part du fait que la région regorge d'une certaine richesse à tirer et qui profite à toute la région, mieux au pays entier.

3.4.1- Les tatas, véritable richesse touristique

L'habitat est par définition l'ensemble et l'arrangement des habitations dans un espace donné. Comme tel, il englobe tout ce qui est construit quelle qu'en soit la finalité. On y regroupe donc les maisons d'habitation, les enclos pour animaux, les magasins de stockage de produits agricoles... Cependant, on en distingue deux types en rapport avec le milieu qui les abrite. Il s'agit de l'habitat urbain et de l'habitat rural. L'habitat urbain est celui qui est en ville alors que l'habitat rural s'édifie en campagne. Dans les deux cas, l'habitat reste l'expression vivante des choix économiques, sociaux et religieux de la société qui le construit. C'est pourquoi l'habitat a été de tous les temps considéré comme une des marques majeures de l'appropriation de l'espace et de la formation du territoire.

Ainsi défini, l'habitat est propre à chaque peuple et permet de distinguer des espaces occupés par des populations ayant une histoire et des richesses culturelles différentes. L'habitat rural, plus que celui urbain, est le plus expressif du fait qu'il est l'émanation pure d'une société rurale souvent éloignée des tendances modernes de construction. Il reste donc dénudé de tout apport étranger pouvant lui faire perdre son authenticité.

Il paraît donc clair que la dynamique de l'habitat rural traduit nécessairement toute une mutation dans les façons de gérer l'espace, de le maîtriser et même dans celle de penser de toute la société dans laquelle elle se produit. La dynamique de l'habitat rural est alors un baromètre pour mesurer les transformations qui ont lieu dans un peuple et dont la géographie rurale doit chercher à en évaluer les mobiles, les manifestations réelles dans le paysage agraire ainsi que les conséquences sur la vie et partant sur les activités des ruraux. Il s'agit essentiellement dans notre cas de voir comment la préservation des tatas peut être perçue comme une raison pour justifier un processus de désenclavement de KOUTOUGOU.

A KOUTOUGOU, terroir Temberma dans la préfecture de la Kéran, même si les plus vieux portent encore la pierre en forme de corne fixée dans la lèvre inférieure, les bracelets de cauris, symbole de leur initiation, et la coiffure à double corne de gazelle (FRANCOIS Y. 1995) elle est bien révolue l'époque des tatas. Car les tatas disparaissent progressivement

laissant la place à un habitat de type Soukhala. Comment se présente la maison rurale dans ce milieu et pourquoi faut-il sauver les tatas ?

L'habitat y est plutôt semblable aux soukhalas des pays Lamba et Nawdéba. On y rencontre des concessions regroupant plusieurs cases, les unes de forme ronde, les autres quadrangulaires coiffées de pailles et parfois de tôles ondulées. L'ensemble constitué par les maisons d'habitation, les magasins, les greniers et les enclos confère à la concession une forme ronde donnant sur une cour fermée à laquelle on accède par un vestibule (Waniboli), abri des statuettes, des crânes d'animaux (Eloyo) et autres objets du culte des fétiches (Digboo) caractéristiques de la croyance des Temberma.

Cet habitat traditionnel constitue une richesse inestimable justifiant d'ailleurs le fait que la préservation du patrimoine Temberma soit au nombre des priorités du Ministère togolais du Tourisme et l'inscription du site de Nadoba au patrimoine culturel mondial de l'humanité par l'UNESCO depuis juillet 2004.

Mais lorsque vous arrivez à Koutougou, en plein pays Temberma, votre première surprise surtout si vous avez fait un tour par Nadoba dans le même pays, c'est que vous ne voyez presque pas de tatas. Les rares existants encore sont soit en voie de délabrement avancée comme c'est le cas sur la photo 5, soit situés à proximité des nouveaux types d'habitat (voir Photo 6). En effet, seuls 2,7% de nos enquêtés affirment vivre encore dans les tatas. Les 97,3% restants logent actuellement dans des concessions rondes ou quadrangulaires dispersées à travers le terroir comme photographié sur la photo 7.

Photo 5 : Tata en voie de délabrement avancé à Koutougou

Source : Cliché de l'auteur, 2005.

Photo 6 : Cohabitation Tata-nouveaux types d'habitats, une réalité de plus en plus

visible à KOUTOUGOU

Source : Cliché de l'auteur, 2005.

Photo 7 : Cases rondes ou quadrangulaires dispersées à travers le terroir

Source : Cliché de l'auteur, 2005.

Ce nouveau type d'habitation hérité du brassage avec les Lamba et les Nawdéba selon 87,1% des enquêtés est constitué de cases rondes construites les unes à côté des autres et enfermant ainsi une cour ronde elle aussi. On y entre par un vestibule alors que des murs rattachent tous les éléments du cercle comme le décrit si bien SAUVAGET C. (1971). La

soukhala est aussi répandue dans notre zone d'étude qu'à si méprendre, on se croirait en plein pays Kabyè. Seulement, à côté de celle-ci, subsistent encore quelques tatas.

Ce sont des constructions ayant tout l'air de forteresses. D'ailleurs, certains auteurs n'hésitent pas à les désigner sous le vocable de châteaux-forts (TEIGA M. B., 2005) eu égard aux raisons qui militaient en faveur de leur édification. Il s'agissait en effet de se mettre à l'abri des fauves et surtout à partir des perforations prévues en hauteur, suivre les mouvements d'un éventuel ennemi en temps de guerre. C'est pourquoi le rez-de-chaussée de cette habitation à un étage est réservé au bétail, les hommes eux dormant en hauteur. C'est aussi en hauteur que se trouvent les greniers renfermant les provisions de la famille et la douche familiale.

Devant le vestibule par lequel on y entre, se trouve un canari perché sur un bois en fourche de trois branches qui constitue la boîte pharmaceutique familiale. Ici, on retrouve des produits contre presque tous les maux dont peut souffrir un être humain de même que des remèdes contre les morsures de serpents.

C'est aussi à côté de ce vestibule principal que se localisent les mottes de terre de diverses tailles représentant les fauves abattus par un membre de la famille et qui deviennent des fétiches pour la famille entière. En fait, dans la société Temberma de KOUTOUGOU, un homme n'est pas capable d'abattre un tel animal, c'est ce dernier qui se livre ou s'offre à une famille par l'entremise d'un individu pour en devenir son protecteur.

Au demeurant, la « cohabitation » entre tatas et soukhalas dans le terroir de Koutougou a des raisons diverses. Certains (41,8% de nos enquêtés) disent avoir changé d'habitat à cause des difficultés liées à la construction des tatas alors que d'autres (15,5%) ont adopté la soukhala pour des raisons de commodité ou encore pour montrer leur ascension sociale (39,7%). Quant aux 3% restants, ils évoquent plutôt la disparition de la nécessité de se défendre. En tout état de cause, les Temberma de notre zone d'investigation apprécient à 94,8% leur nouveau type de logis et ne pensent pas recommencer la vie dans les tatas car comme disent les plus jeunes, il n'y pas de place dans une tata pour le vélo ou la moto.

Tout ceci explique pourquoi les tatas disparaissent rapidement du terroir pour faire place à des concessions rondes alors que leur préservation aurait été sans doute une raison de valorisation de la localité et ainsi une raison de plus pour justifier un quelconque projet de désenclavement.

En effet, si le canton de Nadoba aux multiples atouts socioculturels connaît ce développement que nous avons caractérisé, c'est sans doute à cause de ses tatas qui font l'objet d'une attraction touristique. De plus, l'inscription du patrimoine Temberma sur la liste

du patrimoine mondial de l'humanité devait prendre en compte tout le pays, mieux tout l'espace sur lequel vivent les Temberma. Malheureusement, les tatas disparaissant et l'enclavement aidant, le canton de Koutougou a été délaissé dans la délimitation du site touristique et ne profite d'aucune attention concernant son développement. C'est pourquoi nous pensons que la préservation des quelques rares tatas restantes pourrait être une motivation supplémentaire pour le désenclavement de cette zone. Mais il n'y a pas que les tatas pour justifier un tel processus. Les nombreuses quantités de denrées alimentaires déversées par ces populations sur les marchés béninois alors qu'ils sont produits à partir des intrants achetés et subventionnés par le gouvernement togolais sont une raison bien plus sérieuse.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle