Création graphique d'une animation sur le tabagisme

II. Les enjeux marketing et économiques au Cameroun et dans le monde

La culture du tabac est présente au Cameroun depuis 1907 dans plusieurs départements du territoire (le Mungo, à l'Est et la Menoua), sur une superficie de 3400

¹³ Ingebrethsen, B.J., "Aerosol studies of cigarette smoke", Rec Advan Tob Sci (1986) 12, pp. 54-142

hectares, représentant 0,04 % des terres agricoles cultivables¹⁴. En 2000, le Cameroun a produit 2000 tonnes de feuilles de tabac dont 90 sont destinées à l'exportation¹⁵.

La première firme de production de tabac à s'installer au Cameroun fut la SITABAC (1983). Dès 1985, elle lance la production de cigarettes sous la marque Delta dans sa nouvelle usine de Bassa au Pk 14. Construite sur 15 000 m2 dont près de 7 000 m2 couverts. Elle a une chaîne de production à la pointe de la technologie d'une capacité de production de 2,5 milliards de cigarettes par an.

La manufacture du tabac dans le monde est dominée par la Chine, les États-Unis, les pays de l'ex-URSS et le Japon. La cigarette représente l'essentiel de la production, estimée à plus de 5 000 milliards d'unités en 1993. Le premier producteur mondial de tabac est le monopole chinois (China State Tobacco Company).

Pendant son implantation au Cameroun en 2007, la Mc Croft Tobacco Cameroon se propose d'investir quelque 5 milliards Fcfa au Cameroun et de créer environ 150 emplois directs au bout de cinq ans. Ceci, pour une production qui évoluera de 300 millions de cigarettes au cours de la première année à un milliard de cigarettes au terme des cinq premières années de son fonctionnement. Et une masse salariale qui, au cours de la même période, passera de plus de 651 millions Fcfa à près d'un milliard Fcfa.

La Sitabac, une entreprise camerounaise, qui vient de relancer ses activités après plusieurs années de passage à vide, a déjà investi, de façon cumulée entre 1984 et 2006, près de 26 milliards Fcfa, selon ses responsables, et créé quelque 500 emplois¹⁶.

1. Impact socio-économique

La prévalence du tabagisme est un marqueur social : elle décroit à mesure que l'on s'élève dans les catégories favorisées. Fumer agit comme une soupape face aux difficultés de la vie mais aussi appauvrit les consommateurs réguliers.

¹⁴ Daniel Sibétcheu, www.afriqueenligne.com

¹⁵ Shafey, O., Dolwick, S., Guidon, G.E. Tobacco control country profiles, second edition 2003. The 12^th world. conference on Tobacco or health. www.who.org

¹⁶ Brice R. Mbodiam, Relance de la firme tabac au Cameroun in Mutations, publié le 18 AVRIL 2007 sur http://www.cameroon-info.net

Dans certains cas, des fumeurs consacrent 9 fois plus d'argent au tabagisme qu'à l'éducation, ce qui pousse Georges Vigarello¹⁷ à affirmer : « les menaces individuelles pesant sur la santé sont prises avec d'autant plus de sérieux qu'elles sont chiffrées ».

Le principal effet pervers de la cigarette c'est la dépendance. En effet, la nicotine est la drogue contenue dans le tabac qui est responsable d'une dépendance puissante. Les spécialistes classent la nicotine avant l'alcool, la cocaïne et l'héroïne en ce qui concerne la gravité de la dépendance créée par son usage. Ils sont d'accord sur les critères de la dépendance tabagique. Ces critères sont ceux de l'échelle DSM - IV¹⁸ et se manifestent de la manière suivante :

· Tolérance : manifestée par le besoin d'accroître les doses consommées pour obtenir une intoxication ou un effet désiré ou une diminution des effets à dose consommée constante ;

· Symptômes de sevrages à la suite d'une période d'abstinence ;

· Fumer plus ou plus longtemps que prévu ;

· Un désir persistant de fumer et des efforts infructueux de diminution ou de contrôle de la consommation ; Beaucoup de temps passé à fumer ou à se procurer du tabac ;

· Abandonner ou réduire ses activités sociales, professionnelles ou de loisir à cause du tabac ;

· Continuer de fumer malgré la connaissance des risques pour la santé.

· La plupart des fumeurs expriment leur désir de renoncer au tabac, mais souvent cela paraît très difficile. Et cette difficulté est d'autant plus grande que l'âge de début est le plus précoce.

· L'explication des phénomènes de dépendance passe par la compréhension du mécanisme de récompense dopaminergique (comme pour toutes les autres substances psychoactives).

17 Georges VIGARELLO, Histoire des pratiques de santé. Le sain et le malsain depuis le Moyen Âge, Paris, Le Seuil, 1993, p. 300.

¹⁸ Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Par American Psychiatric Association, Julien-Daniel Guelfi

Au cours d'un atelier sur la lutte contre tabagisme tenu à Yaoundé le 10 février 2009 sous les auspices du MINSANTE, Daniel Sibétcheu, le directeur de la Promotion de la santé a révélé que l'industrie du tabac contribue à la dégradation des sols car 200.000 hectares de forêt sont détruite chaque année pour le bois de séchage des feuilles de tabac. Il a précisé que le tabac expose ses adeptes aux cancers, aux maladies cardio-vasculaires, aux avortements et à la stérilité.

2. La position des Industries

Pour l'industrie du tabac, le tabagisme passif est un enjeu économique majeur : elle considère que la mise en lumière des risques liés au tabagisme passif constitue un danger important pour sa survie. L'industrie du tabac a dépensé des millions de dollars pour influencer les résultats d'une étude importante du Centre international de recherche sur le cancer concernant la relation entre tabagisme passif et cancer du poumon (source : OMS, «Initiative pour un monde sans tabac»). De même, l'industrie du tabac tente de dévier l'attention du public en proposant des solutions insatisfaisantes pour la santé telles que la ventilation des locaux.

Pour atteindre leurs objectifs, les industries de tabac ont développé des stratégies machiavéliques mises à nue par Karine Gallopel (Maître de conférences Université de Rennes 1 - IGR - IAE) et résumées en sept points suivant la façon de penser des poids lourds des firmes à tabac notamment:

1. Le choix des cibles économiquement intéressantes ;

2. Le repérage des cibles psychologiquement fragiles ;

3. La réflexion sur des produits plus attractifs (Les cigarettes lights et aromatisées) ;

4. La cache des informations gênantes ;

5. L'influence des leaders d'opinion ;

6. Le privilège des actions hors médias ;

7. La dotation une bonne image.

D'après les documents internes de l'industrie, on sait que certains cigarettiers ont payé des acteurs pour fumer dans les films où ils jouaient¹⁹. Par exemple, Sylvester Stallone a accepté d'être payé par Brown et Williamson pour fumer dans des films comme Rambo et Rocky IV. Dans une lettre du 28 avril 1983 signée de sa main, on peut lire : « Comme convenu, je garantis que j'utiliserai les produits du tabac de Brown et Williamson dans au moins 5 de mes films. J'ai bien compris que Brown et Williamson me versera un droit de 500 000 dollars. » On sait également que certains cigarettiers ont mis en oeuvre des stratégies pour saper l'action de l'Organisation mondiale de la santé : paiement d'experts, organisation de campagnes de communication pour semer le doute dans la communauté scientifique, modification de résultats d'études, etc. Enfin, dans certains pays (Allemagne, États-Unis, etc.), des partis politiques sont financés par l'industrie du tabac, pratique qui influe directement ou indirectement sur les stratégies nationales et internationales de prévention du tabagisme.

L'industrie du tabac mène des campagnes de prévention du tabagisme en direction des jeunes dans certains pays : programme « Think. Don't smoke » (« Réfléchissez, ne fumez pas ») orchestré par Altria ex- Philippe Morris, campagne « Be cool, be yourself » (« Sois cool, sois toi-même ») lancée par British American Tobacco et Japan Tobacco International. Des études ont démontré que ce type de messages n'avait aucun impact ou pouvait même être contreproductif, en renforçant l'attrait du tabac pour les jeunes. D'autre part, des documents internes de certains cigarettiers montrent que les véritables objectifs de ces campagnes sont moins louables : il s'agit en fait d'un exercice de relations publiques visant à améliorer l'image d'une industrie qui a beaucoup à se faire pardonner.

3. La position des pouvoirs publics

La réaction des pouvoirs publics a été très timide, pendant très longtemps devant le fléau. En 2004 par exemple, les vendeurs de cigarette pouvaient se réjouir de l'augmentation de leur chiffre d'affaire du fait du nombre sans cesse croissent de fumeurs, dû pour la plupart aux publicités mensongères.

La défunte société Juan Bastos, pionnière de l'industrie du tabac au Cameroun, avait lancé le slogan "Bastos toujours jeune". Le message eut un tel impact sur les

¹⁹ Informations recueillies sur http://www.toxic-corp.fr/ le 20/12/2009

consommateurs que bastos est passé dans le langage populaire pour qualifier quelqu'un qui ne vieillit pas. Bien plus, il est devenu, du fait de son implantation à cet endroit de Yaoundé, le nom du quartier où résident la grande partie de l'élite bourgeoise et des représentants diplomatiques.

La Société industrielle de tabac (SITABAC) avait elle aussi essayé, mais sans succès, de faire fumer les jeunes. Au début des années 90, elle avait lancé une marque de cigarettes baptisée "Tara Tossss" ce qui dans le jargon des jeunes fumeurs est une manière de quémander une cigarette. Pour la promotion, elle avait même fait appel à Lapiro de Mbanga, un musicien alors très populaire auprès des jeunes et des laissés pour compte dont il se réclamait le porte-parole.

Bien que conscient du fléau dangereux que constitue le tabagisme pour la société, le gouvernement camerounais ne manque pas de donner un coup de main à la relance de la filière tabac sous prétexte de la revalorisation de celui-ci sur le marché mondial où il a été très prisé.

Le 21 janvier 2007 après l'annonce du départ de BAT du Cameroun, les producteurs de tabac dans les provinces de l'Est et du Centre ont bénéficié d'une subvention d'environ 2 milliards Fcfa financée sur les fonds PPTE du Ministère de l'Agriculture et du Développement rural (MINADER), à hauteur de 1,6 milliard Fcfa et par le concours de la fédération des producteurs de tabac du Cameroun (FPTC), qui a contribué à hauteur de 400 millions Fcfa.²⁰.

Selon son Directeur Général Alastair Jamieson²¹, BAT Cameroun a versé au Trésor camerounais au cours de l'année 2006, une somme de 9, 470 milliards Fcfa au titre de divers impôts et taxes liées à la fabrication et à la distribution des cigarettes que sont L&B, Benson & Hedges, Pall Mall et Diplomat²².

Au moment où nous rédigeons ce travail, la Mastermind, Groupe d'hommes d'affaires rwandais, conduit par Tribert Rujugiro, est en pourparler avec les autorités et

²⁰ Hélène BIKAGA (cameroun Link), Journal le libéral, N°329 du Mardi 25 septembre 2007 ( www.leliberal.org, le 10/09/2009.)

²¹ Officieusement, c'est à cause de la charge fiscale très élevée et aussi que le gouvernement veut promouvoir un concurrent local, James Onobiono, à la tête de la SITABAC ; Officiellement, c'est pour un redéploiement. Les cigarettes de BAT continueront à circuler au pays mais en provenance des usines d'Afrique du SUD.

²² Information publiée sur le site http://www.camerfeeling.net le 10/09/2007

20 pourrait relancer la culture du tabac au Cameroun, tout comme le font les nationaux cités plus haut. Il souhaite revenir investir Cameroun pour développer la culture du tabac en donnant la priorité au paysan, car selon le PDG,

"Dans le contexte économique mondial actuel où chaque emploi créé compte, où chaque investissement obtenu permet de maintenir nos faibles économies en équilibre, affirme-t-on au sein du groupe la page des années sombres est tournée ; et nous lorgnons désormais sur des lendemains qui chantent "23