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Pastoralisme et organisation de l'espace au Niger oriental: cas de la communauté Toubou Téda de la commune de Tesker

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par Kabirou SOULEY
Université Abdou Moumouni de Niamey - Diplôme d'études approfondies en géographie 2005
  

Disponible en mode multipage

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    REPUBLIQUE DU NIGER
    M.E.S.S.R./T.
    UNIVERSITE ABDOU MOUMOUNI DE NIAMEY
    FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
    DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE

    D.E.A. GEOGRAPHIE

    Milieux et Sociétés des Espaces Arides et Semi-arides :
    Aménagement-Développement

    Option : Aménagement des Espaces Ruraux

    Avec l'appui du Projet de
    Sécurisation des Systèmes
    Pastoraux /N'gourti-Termit

    Pastoralisme et organisation de l'espace au Niger oriental : cas de la
    communaut6 Toubou T6da de la commune de Tesker

    Année académique : 2004-2005
    Présenté et soutenu par :

    SOULEY Kabirou

    Membres du jury :

    Président du Jury :

    Pr. GUMUCHIAN Hervé

    IGA Université Joseph Fourier, Grenoble1 Directeur :

    Pr. GUMUCHIAN Hervé

    IGA Université Joseph Fourier, Grenoble1 Co - Directeur :

    WAZIRI MATO Maman

    Maître Assistant, UAM Niamey

    Assesseurs :

    BOUZOU MOUSSA Ibrahim

    Maître de Conférences, UAM Niamey

    CORNU Florent

    Assistant Technique au Projet de Sécurisation des Systèmes Pastoraux /N'Gourti-Termit

    Je dédie ce travail à :

    Ma défunte Grand mère Hadjia Digé

    Ma mère Nana Fatchima Saley

    Remerciements

    Au terme de ce travail de recherche nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à toutes les personnes qui ont permis sa réalisation.

    Nos remerciements vont d'abord au Professeur Hervé GUMUCHIAN de l'Institut de Géographie Alpine, Université Joseph Fourier de Grenoble et Monsieur WAZIRI MATO Maman, Enseignant Chercheur à l'université Abdou Moumouni, qui ont bien voulu accepter de diriger ce travail de mémoire. Une mention spéciale va à l'endroit du Professeur GUMUCHIAN pour avoir parrainé ce DEA (le premier à l'Université de Niamey) et de présider le jury de soutenance. Toute ma gratitude, à Monsieur WAZIRI MATO Maman qui en dépits de ses lourdes tâches administratives a su efficacement et avec patience suivre l'évolution de notre travail de terrain.

    A Monsieur BOUZOU MOUSSA Ibrahim Maître de conférences à l'Université Abdou Moumouni de Niamey, responsable de ce DEA, qui a bien voulu accepter le rôle combien difficile d'assesseur.

    A notre maître de stage Monsieur CORNU Florent Assistant Technique au PSSP/ N'gourti/Termit, pour la patience dont il a fait preuve et sa constante disponibilité tout au long de notre stage, ses encouragements, son ouverture d'esprit, les remarques pertinentes. Sa rigueur et son intransigeance pour le travail bien fait nous ont permis d'améliorer sans cesse la qualité de ce document.

    Notre reconnaissance va à l'endroit de tout le staff du PSSP/ N'gourti/Termit à savoir Monsieur Apollinaire le coordinateur, Sanoussi, Siddo, Adama Saley (la comptable), Seyedina, Hamza, Gagéré et Kondo (tous les deux chauffeurs au PSSP).

    A notre Binôme KOLLROS Julie pour l'échange d'informations sur le terrain.

    Nos remerciements vont également à Monsieur AGADA MARAFA Mahamadou de la division carte scolaire du Ministère de l'enseignement de base et de l'alphabétisation, pour les travaux de cartographie et la mise en forme du document.

    Notre gratitude va également à l'endroit des Toubou Teda de Sidinga à savoir Monsieur MALICK Ahmet notre traducteur, Elhadji BARKAMA notre tuteur, Monsieur TCHAGAM le chef de tribu et de toute la population de Sidinga et de l'ensemble de notre zone d'étude.

    Table des matières

    Dédicace

    Remerciements

    Introduction 3

    I. Première partie : Mise en contexte et problématique de l'étude 5

    I.1. Le projet PSSP N'Gourti-Termit au Niger oriental 5

    I.1.1. Contexte actuel 5

    I.1.1.1. Les politiques nationales 5

    I.1.1.2. La gestion du foncier, un sujet d'actualité 6

    I.1.2. L'objectif du projet VSF- CICDA- Niger 7

    I.1.2.1. La zone d'action du PSSP 9

    I.1.2.2. La demande du projet 11

    I.2. Problématique et hypothèses 13

    I.3. Méthodologie et démarche 15

    I.3.1. Méthodologie 15

    I.3.2. Démarche : Une approche par l'espace 17

    I.3.2.1. Les limites de l'étude 19

    II. Deuxième partie : L'espace Toubou Teda 21

    II.1. Caractéristiques générales de la zone d'étude 21

    II.1.1. Le Niger oriental 21

    II.1.2. La commune de Tesker 23

    II.1.3. Communauté Toubou Téda 27

    II.1.3.1. Campement de base : Sidinga 27

    II.2. Les Toubou Teda au Niger oriental 33

    II.2.1. L'histoire de peuplement Teda au Niger oriental 33

    II.2.2. Historique de la chefferie Toubou Teda 35

    II.2.2.1. Le groupement Toubou Teda 38

    II.2.2.2. Le chef des tribus 38

    II.2.3. Les marques sur les dromadaires 39

    II.2.3.1. L'emprunt des marques 40

    II.2.3.2. Les 33 clans Toubou Teda et leurs marques 42

    II.3. La mobilité 47

    II.3.1. La conduite des animaux 49

    II.3.1.1. La mobilité en saison des pluies 51

    II.3.1.2. La mobilité en saison sèche et froide 53

    II.3.1.3. Le pâturage au niveau du puits de saison sèche et chaude 55

    II.3.2. Appréciation du pâturage 57

    II.3.3. Réflexion sur les « concepts » pastoraux 59

    II.3.4. Les échanges 63

    II.3.4.1. Les échanges économiques 63

    II.3.4.2. L'échange d'information 64

    II.4. Les rapports sociaux 65

    II.4.1. Les alliances entre les Toubou Teda et les autres communautés 65

    II.4.2. Les conflits 68

    II.4.2.1. Typologie des conflits 68

    II.4.2.2. Règlement des conflits 70

    II.5. Organisation sociale des ménages et du campement 73

    II.5.1. Organisation des ménages 73

    II.5.2. Disposition des tentes au sein du campement 74

    II.5.3. Evolution du campement 76

    III. Troisième partie : Réflexions autour de la décentralisation et la gestion des ressources 78

    III.1. Eléments de la décentralisation et appréciations 78

    III.1.1. La nouvelle commune de Tesker 79

    III.1.1.1. Le rôle du maire et des conseillers 79

    III.1.1.2. Rôle du chef de poste 80

    III.1.1.3. Financement de la commune 80

    III.1.1.4. Piste d'amélioration 82

    III.2. La gestion du foncier dans le cadre de la décentralisation au Niger 84

    III.2.1. La Commission Foncière communale(COFOCOM) 86

    III.2.2. Les difficultés foncières 87

    Conclusion 88

    Projet de thèse 90

    Bibliographie 93

    Table des cartes :

    Carte N°1 : Zone d'intervention du PSSP/N'gourti-Termit 10

    Carte N°2 : Le Niger Oriental 22

    Carte N°3 : Répartition des communautés 26

    Carte N°4 : Localisation du campement de base 28

    Carte N°5 : Zone d'influence des marques de dromadaires 47

    Carte N°6 : La transhumance des Toubou Teda 50

    Table des Tableaux :

    Tableau N°1 : Les 33 marques Toubou Teda 43

    Tableau N°2 : Calendrier pastoral 56

    Tableau N°3 : Appétence des espèces fourragères 57

    Tableau N°4 : Echelle d'influence des évènements 66

    Tableau N°5 : Règlement coutumier 74

    Table des Figures :

    Figure N°1 : Cadre institutionnel du PSSP/N'gourti-Termit 8

    Figure N°2 : Evolution des précipitations 23

    Figure N°3 : Réaction de la population pastorale 49

    Figure N°4 : Le puits d'attache 62

    Figure N°5 : Les conditions d'accès au puits 63

    Table des Photos :

    Photo N°1 : Paysage de Sidinga en début Juin 24

    Photo N°2 : Le puits de Sidinga en saison sèche et chaude 32

    Photo N°3 : Le puits de Sidinga en saison des pluies 33

    Photo N°4 : Exemple de la marque Teda 41

    Photo N°5 : Tente familiale Toubou Teda 77

    Annexe :

    Guide d'entretien

    Introduction

    Le Niger oriental est un vaste espace composé en partie de la région de Zinder notamment le département de Gouré et de l'ensemble de la région de Diffa. L'activité est essentiellement agro-pastorale pour devenir majoritairement pastorale dans la partie nord. Ces activités connaissent des contraintes liées tant au climat qu'à la gestion des ressources par les différentes communautés présentes dans cet espace sahélien. Les sécheresses cycliques, entraînent, en effet, la raréfaction des pâturages, le déplacement temporaire ou permanent de certaines communautés, la sédentarisation des pasteurs, dans les villes notamment et parfois le changement d'activité de certain groupe. C'est le cas de certains peuls Bororo qui se sont transformés en vendeur du thé dans les centres urbains après la sécheresse de 1984.

    Les règles d'accès aux ressources connaissent des modifications fréquentes et sont de ce fait d'une grande complexité. L'accès aux ressources est régit par les relations existantes entre les communautés. En effet, un conflit peut faire apparaître une limite idéelle temporairement infranchissable entre deux communautés en désaccord. De même de bons rapports entre deux communautés peuvent entraîner une préférence dans le choix des déplacements saisonniers. Au Niger oriental, vit une multitude de communautés essentiellement pastorales. La diversité de ces communautés entraîne une diversité de forme d'appropriation de l'espace. Ces espaces s'imbriquent entre eux, se lient et se délient en fonction des rapports sociaux. L'étude de l'organisation des espaces pastoraux est de ce fait nécessaire pour une meilleure compréhension du fonctionnement de l'activité pastorale.

    La communauté Toubou Teda localisée dans la partie la plus septentrionale des régions de Zinder et Diffa au Niger, se compose en un espace mouvant, ouvert et solidaire. Les déplacements saisonniers « Nord- Sud » se font aux grés des pâturages et des relations. La réciprocité est le fondement indispensable à la survie de leur activité. L'organisation et la structuration sociale des Teda, leur répartition spatiale, à cheval sur Trois Etats (Lybie, Tchad, Niger), fait également de cette communauté une communauté complexe et difficile à appréhender.

    Nous abordons dans une première partie, le contexte dans lequel nos recherches ont été menées et présenterons notre zone d'étude.

    Dans une seconde partie nous traitons de l'organisation de l'espace Toubou Teda, par le biais de l'Histoire, des conflits et de la mobilité. Cette partie s'accompagnera de réflexions sur la validité dans notre zone d'étude des « concepts pastoraux » couramment utilisés par les projets de développement et la législation nigérienne.

    Pour finir, nous proposons une réflexion sur la décentralisation naissante au Niger et son impact possible en zone pastorale et en ce qui concerne la gestion du foncier pastorale.

    I. Première partie : Mise en contexte et

    problématique de l'étude

    Dans cette première partie nous présentons le contexte dans lequel s'insère le projet PSSP N'Gourti-Termit, nous définissons notre problématique et nous présentons la démarche adoptée. Nous finissons par la présentation de notre zone d'étude.

    I.1. Le projet PSSP N'Gourti-Termit au Niger oriental

    Le Projet de Sécurisation des Systèmes Pastoraux N' Gourti-Termit (PSSP), a débuté en avril 2004. Sa durée globale est de 3 ans. Face à l'évolution du paysage institutionnel Nigérien, aux controverses autour de la réglementation des ressources naturelles et aux différentes difficultés rencontrées par les pasteurs au Niger, VSF- CICDA a définit ses objectifs selon 2 orientations : la sécurisation des systèmes d'élevage pastoraux (une meilleure gestion des risques et des ressources naturelles) et l'appui à l'émergence de la société civile dans les instances de prises de décisions.

    I.1.1. Contexte actuel

    I.1.1.1. Les politiques nationales

    Depuis les années 1985, le Niger s'est engagé dans une politique de stabilisation et d'ajustement structurel qui conduit à une libéralisation progressive de l'économie et du secteur agricole en particulier. Parallèlement à cette orientation, les politiques nationales s'articulent autour d'une Stratégie de Réduction de la Pauvreté (SRP) dont l'ambition est de parvenir à diminuer l'incidence de la pauvreté de 63% à moins de 50% à l'horizon de 2015. Dans cette perspective, les politiques nationales assignent ainsi au secteur rural une place centrale. En effet, la production du secteur agricole représente 41% du PIB et fournissent 44% des recettes d'exportation. Les productions animales contribuent à elles seules pour 70% des recettes d'exportation agricoles.

    Une Stratégie de Développement Rural (SDR) a été adoptée par le gouvernement en octobre 2003. Dans le domaine de l'élevage la SDR s'est basée sur le « Document cadre pour la relance du secteur d'élevage au Niger » préparé et produit par le Ministère des Ressources Animales (MRA) en novembre 2001. Ce document insiste sur la promotion et le renforcement des organisations d'éleveurs. Il identifie l'amélioration des ressources naturelles et la valorisation des zones et espaces

    pastoraux, l'amélioration de la santé animale, la promotion des marchés intérieurs et extérieurs et l'amélioration de la compétitivité comme axes prioritaires d'intervention du MRA et des partenaires au développement du Niger dans ce secteur. La SDR précise en outre que « l'initiative privée » doit constituer le socle de la relance de l'économie rurale tout en préservant l'équité nécessaire à la cohésion sociale.

    I.1.1.2. La gestion du foncier, un sujet d'actualité

    « Nous, les nomades, gens de la brousse, nous ne connaissons aucune clôture. Tout ce

    qui est herbe, nous le mangeons. La terre et tout ce qui pousse dessus appartiennent au bon dieu qui nous a tous créées et qui a mis toute la terre à notre disposition » (La chèvre et la gazelle - IN : Conte Haoussa- Kanouri de l'Est du Niger, Sur les rives du fleuve Niger, 2000, p106).

    Le Niger est un pays où les ressources naturelles sont valorisées par l'élevage sur la plus grande part de son territoire. Une grande partie de sa superficie est composée de savane à graminées annuelles, dans lesquelles l'agriculture est impossible, en raison de pluviométries faibles et irrégulières, et de la légèreté des sols. En dehors des cultures irriguées qui sont pratiquées jusque dans les régions sahariennes sur des espaces très localisés (les dallols, le fleuve Niger, le lac Tchad, les oasis sahariennes...), l'agriculture est concentrée sur une bande qui longe la frontière avec le Nigeria, le Bénin et le Burkina Faso. Pourtant, d'une manière générale, l'occupation agricole de l'espace progresse au détriment des aires de pâturage. Une forte pression démographique couplée aux sécheresses sont incontestablement des facteurs déterminants de cette extension des surfaces cultivées. Le front agricole a ainsi fait reculer les pasteurs de 50 Km vers le nord depuis les années 1970. Cette situation entraîne de nombreux litiges et conflits fonciers entre utilisateurs pastoraux et agricoles des ressources naturelles.

    Pour palier à ces problèmes, un comité national du code rural est mis en place en 1989, suivit de l'adoption des ordonnances n° 93-014 et n°93-014 le 2 mars 1993 portant respectivement sur le régime de l'eau et le principe d'orientation du code rural. Ceci a constitué un tournant important en matière de politique foncière au Niger. Ces deux lois définissent le cadre juridique des activités agricoles, pastorales, sylvicoles et les conditions d'utilisation des différentes ressources. Cependant la mise en application de ces dispositions n'a été effective qu'à partir de 1997. Le code rural

    en ses articles 120 et 121 consacre la création de commissions foncières qui traiteront de toutes les questions foncières dans le monde rural. Un décret (N° 97- 007 /PRN/MAG/E )sur les « terroirs d'attache » a été élaboré le 10 janvier 1997. Ce décret a fait l'objet de nombreuses critiques de la part des chercheurs et des associations d'éleveurs. La réflexion actuelle sur l'élaboration d'un code pastoral s'inscrit dans une perspective de prise en compte de ces insuffisances. Les enjeux sont d'autant plus importants que la politique de décentralisation menée par l'Etat se confirme notamment au travers les élections communales qui ont eu lieu en Juillet 2004. Dans ce nouveau contexte on peut s'interroger sur le rôle que les pasteurs peuvent jouer dans les nouvelles instances de prise de décision et sur les recompositions1 que ce processus va entraîner. La définition et la délimitation du territoire des communes rurales ainsi que le transfert de compétences à ces nouvelles collectivités sont porteurs d'enjeux fonciers majeurs pour la sécurisation des droits des éleveurs.

    I.1.2. L'objectif du projet VSF- CICDA- Niger

    L'objectif de développement du Projet « Sécurisation des Systèmes Pastoraux N'Gourti-Termit » est de contribuer à l'amélioration de la sécurité alimentaire des éleveurs des communes rurales de Tesker et N'gourti, respectivement dans les départements de N'Guigmi et de Gouré. Le cadre institutionnel du PSSP (Fig N°1) regroupe plusieurs partenaires (les bailleurs de fond, les partenaires techniques et institutionnels). Le projet s'insère ainsi parfaitement dans la politique nationale par l'appui à l'émergence de la société civile dans les instances de prise de décision et par la relance du secteur élevage du Ministère des Ressources Animales, notamment dans ses composantes :

    - amélioration de la gestion des ressources naturelles et valorisation des zones à vocation pastorales ;

    - soutien à l'organisation et à la professionnalisation des acteurs ;

    - Appui à la mise en place d'un dispositif de santé animale.

    Pour une plus grande efficacité, le PSSP, se divise en 4 volets : Gestion des Ressources Naturelles (GRN), Santé Animale, Structuration (appui à l'initiative locale) et un volet transversal.

    1 Tant sur le plan politique et social que sur le plan de l'organisation spatiale.

    Figure N°1 : Cadre institutionnel du Projet SSP

    -Maître d'oeuvre

    VSF-CICDA responsable de la mise en oeuvre

    Karkara, partenaire associé

    Prestataires

    -Stagiaires

    -ONG partenaires

    -Association d'éleveurs -Experts

    Maître d'ouvrage

    Le projet est financé sur la base d'un contrat de subvention signé entre VSF-CICDA et la Commission Européenne

     

    Partenaires institutionnels Ministère des ressources animales

    Ministère du développement Agricole

    Ministère de l'hydraulique et de l'environnement

     

    Partenaires techniques - CAP EN

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Bénéficiaires indirects
    Communes rurales de Tesker et N'Gourti

    Bénéficiaires directs

    Les populations bénéficiaires des actions du PSSP sont les pasteurs de la zone nord de la commune rurale de N'Gourti et ceux du massif de Termit de la partie nord de la commune de Tasker. Les appuis du projet sont destinés plus particulièrement aux organisations d'éleveurs.

    I.1.2.1. La zone d'action du PSSP

    La zone d'intervention du PSSP couvre une partie des communes rurales de N'Gourti et de Tesker, respectivement dans les départements de N'guigmi et de Gouré. Cette zone est située au Nord de la région de Zinder et au nord de la région de Diffa à l'extrême est du territoire de la République du Niger (carte N°2).

    Le critère principal de choix de la zone d'intervention est d'ordre socio-spatial. Elle recouvre en effet un espace géographique « saharien » homogène du point de vue des caractéristiques géographiques (ressources naturelles), du point de vue des systèmes de production animale pastoraux, et du point de vue des populations Toubous et Arabes.

    Les contraintes qu'affrontent aujourd'hui les pasteurs de la zone sont de divers ordres, tels, la diminution des ressources pastorales et l'ensablement ; le manque de puits pastoraux modernes, une situation zootechnique ne permettant pas la valorisation des performances animales, une insuffisance de valorisation des produits d'élevage, un mauvais accès aux produits et aux services de santé animale, et une situation critique pour la santé humaine et l'éducation.

    Carte N°1 : zone d'intervention du PSSP/Zinder

    LEGENDE

    Autres communes du Niger

    zone d'intervention du PSSP

    0

    Kilomètres

    250 500

    Tesker

    Ngourti

    I.1.2.2. La demande du projet

    Dans le cadre de son diagnostic, le volet GRN du PSSP, a sollicité une série d'étude dans la commune rurale de Tesker, Deux thèmes de stage, ont ainsi été proposés :

    - « Foncier et régulation sociale des points d'eau au Niger oriental »

    - « Pastoralisme et organisation de l'espace pastoral au Niger Oriental », thème dans lequel s'intègre notre étude.

    Nous avons abordé le sujet en deux volets développés ci-dessous.

    v' Premier volet

    Premièrement cette étude doit permettre une compréhension de l'organisation spatiale d'un groupe transhumant au Niger oriental à savoir la communauté Toubou Teda présent dans la zone de Tesker jusqu'à Agadem. Pour cela il est nécessaire de déterminer les grands axes de transhumance et de comprendre les stratégies de gestion des ressources pastorales (eau, pâturage) entre les communautés de la zone.

    Notre zone d'étude abrite un ensemble de communautés pastorales qui cohabitent et se déplacent sur un espace complexe, aux multiples contraintes, parmi lesquelles, la diminution des ressources pastorale, le manque et la dégradation de puits pastoraux modernes. L'objectif est d'aboutir à une représentation schématique à deux dimensions (spatiale et temporelles) de ces zones d'enjeux, voire de conflits, pour ces différents usagers.

    Cette étude participera donc à la détermination des actions à entreprendre pour répondre le plus justement possible aux attentes des communautés pastorales de la zone.

    La demande de PSSP- Niger s'oriente également vers une réflexion sur la pertinence des concepts2 liés à « l'organisation de l'espace pastoral » couramment utilisés par rapport aux types d'organisations rencontrées. En effet, de nombreux termes sont employés pour caractériser les systèmes pastoraux et leurs dynamiques spatiales, cependant, l'utilisation qui en est faite est parfois trop générale et globalisatrice au risque de perdre la spécificité de chaque système. Ainsi, est-on sûr que ces derniers

    2 Nous utiliserons dans cette étude le terme « concept », sans toutefois valider entièrement sa pertinence. En effet, il nous semble plus approprié ici, de parler de dénomination, le terme concept étant définit comme une idée abstraite et générale. C'est un vocabulaire utilisé par les projets et la législation du Niger

    correspondent toujours à la réalité des systèmes pastoraux existants? Chaque acteur possède-t-il la même définition de ces différents termes? Et même, en a-t-il toujours connaissance ? Depuis quelques décennies de nouveaux aspects sont apparus en milieu pastoral modifiant les stratégies et redessinant la carte de l'occupation de l'espace des différentes communautés pastorales. Ces nouveaux aspects sont l'apparition du phénomène des puits privés par les éleveurs commerçants, les puits boutiques et le processus de la décentralisation. Afin de pouvoir comprendre cette organisation et s'investir pour son amélioration, le PSSP, doit ainsi s'assurer de posséder le « même langage » que les acteurs concernés par le projet. «Lorsque l'analyse scientifique est parvenue à distinguer les caractères particuliers des rapports des hommes entre eux et avec la nature qui font la spécificité d'une société, la question se pose de savoir de quelles informations sur les propriétés de ces rapports disposent -par leur représentations, leurs idéologies, leur culture- les individus et les groupes qui composent cette société. » (Maurice Godelier, l'idéel et le matériel, 1984 cité par N'DAO Ibou, 2003).

    Nous tenterons ici de définir chaque concept déterminant, au travers, la perception de notre communauté d'étude.

    Cette étude permettra, en plus, de l'assurance de posséder un « langage commun » entre les différents acteurs du projet, de mener une réflexion sur les enjeux du foncier dans le cadre actuel de la décentralisation récente au Niger.

    1' Second volet

    « Je ne sortirai que lorsque je serai rassasiée ; et puis rien ne me prouve que ce potager t'appartient,... » (La chèvre et la gazelle, Conte Haoussa- Kanouri de l'Est du Niger, Sur les rives du fleuve Niger, 2000, p108).

    Le Niger faisant ses premiers pas vers la décentralisation, il nous a semblé pertinent de mener une réflexion sur la mise en place de cette dernière, notamment, dans le cadre de la commune de Tesker. Cette réflexion débouchera sur la gestion du foncier en zone pastorale. Celle-ci interpelle en effet les questions d'appropriation qui inclue celle des Ressources naturelles et détermine leurs statuts, dans la mesure où elle a des conséquences sur les politiques d'appui à la décentralisation, sur la gestion des ressources naturelles (en superposant plusieurs droits, reconnus ou non par les éleveurs) et sur les transhumances.

    I.2. Problématique et hypothèses

    A l'inverse de l'agriculture où l'occupation du sol est très individualisée, l'activité pastorale fait appel à un vaste éventail de ressources en eau et en pâturages dont l'exploitation est généralement ouverte à un ensemble d'individus et de communautés d'une part et d'autre part sur un réseau d'information sur la localisation précise de ces ressources.

    En effet, l'incertitude de la disponibilité et la mauvaise répartition des ressources font partie intégrante des conditions d'élevage au Sahel. La mobilité des troupeaux est la seule façon d'adapter les charges animales aux variations du couvert végétal. Sur de vastes aires pastorales où les ressources annuelles en pâturage sont hétérogènes et incertaines, la mobilité des troupeaux semble vitale et la flexibilité des mouvements doit être préservée. D'après B. Thébaud 1988, l'exploitation des ressources au Sahel relève donc d'une logique très particulière : celle de l'économie de partage. L'économie de partage suppose la réciprocité, sans laquelle la mobilité des troupeaux et la fluidité des mouvements pastoraux seraient compromises. Pourtant à cause de leur valeur stratégique, certaines ressources peuvent faire toutefois l'objet de droit d'accès plus restreints, bien définis et mieux maîtrisés. Ainsi, au Niger oriental, la cuvette pastorale et le point d'eau représentent un point d'ancrage dans l'espace, un « terroir d'attache » que l'on peut quitter, mais où l'on finit par revenir (Marty A, 2000)

    L'occupation de l'espace procède ainsi d'une dualité nécessaire entre de vastes territoires de parcours et des points d'attache ou l'empreinte foncière est déterminante, puisqu'il s'agit de lieux d'appartenance, de repli et de sécurité. Il va de soit, que la sécurité fourragère exclusive que pourrait représenter les terroirs d'attache est relative dans ce contexte de liens sociaux multiples vis-à-vis de l'accès aux puits. Les règles de réciprocité annihilent toute possibilité réelle de préservation des stocks fourragers pour un groupe au détriment des autres. Par contre, c'est bien la réciprocité et la capacité de mobilité qui représente une sécurité à long terme.

    Pour reprendre de nouveau une citation de B. Thébaud, 2002 « dans ce contexte, l'appartenance territoriale s'accommode avantageusement de contours délibérément flous ». En effet, « cette absence de limites territoriales rigides n'est pas l'héritage d'une période ancienne ou les densités démographiques auraient été plus faibles, mais procède d'une nécessité absolue, celle de maintenir l'imprécision sur la

    définition physique et sociale des parcours pour permettre une fluidité maximale dans l'utilisation pastorale qui en est faite » (Behnke 1994, p.8 cité par BOUARD S et TIERS S, 2004). Le pastoralisme repose ainsi sur un faisceau de droits s'exerçant sur des ressources généralement dispersées, hétérogènes et aléatoires.

    L'imprécision et les ambiguïtés qui entourent avantageusement les limites des territoires de parcours exploitées par différentes communautés n'excluent en aucun cas l'existence d'un sentiment d'appartenance à une région plutôt qu'à une autre.

    Pourtant, ce mode d'organisation et de gestion du milieu faisant appel à un vaste éventail de ressources dont l'exploitation est souvent partagée, connaît de réelles difficultés, telles, les sécheresses, les conflits liés au foncier (gestion des pâturages et points d'eau), la croissance démographique, etc. Les enjeux posés sont d'une importance capitale, puisqu'à bien des égards c'est du droit d'utiliser en commun des ressources que le pastoralisme sahélien tire son originalité et surtout sa légitimité.

    Les pasteurs de la zone, n'échappent pas à la « règle » et affrontent de réelles contraintes au niveau notamment de la gestion des ressources naturelles. En effet, la diminution des ressources pastorales se traduisant par la disparition des espèces appétées et l'ensablement posent des problèmes réels pour la régénération des ressources fourragères ; les contraintes en termes d'hydraulique pastorale (manque de puits pastoraux modernes) limitent l'accès à l'eau dans certains « terroir d'attache » du fait de puits traditionnels ayant une mise en eau faible ou de puits modernes mal entretenus, entraînant l'insalubrité autour du puits. Ce manque de puits limite, de même, l'accès à des pâturages sahariens au Nord-Est du massif Termit.

    La diversité ethnique de la zone, fonctionnant sur le principe de « l'économie de partage » couplée aux contraintes que connaissent les pasteurs autour des ressources naturelles, nous pousse à nous questionner sur les stratégies d'organisation de l'espace des communautés pastorales dans la zone. Comment est organisé l'espace pastoral ? Comment les sociétés pastorales gèrent-elles leur espace ? S'approprient t-elles leur espace ? Comment s'approprient- elles leur espace ? Quels sont les rapports sociaux qui lient les individus ? Dans quelles mesures constate-t-on une augmentation de la pression sur les ressources naturelles ? Y- a-t-il une augmentation des conflits ?

    Cette notion d'espace est ici d'une importance capitale notamment dans le contexte actuel de décentralisation.

    Dans un tel contexte de juxtaposition de structures spatiales, il semble intéressant de s'interroger sur la validité et la pertinence des « concepts » d'organisation de l'espace utilisés pour caractériser et analyser les systèmes pastoraux de l'Est du Niger afin de comprendre réellement les enjeux actuels du pastoralisme. Quels sont les « concepts » mieux adaptés pour la zone d'étude ? Les concepts couramment utilisés ont-ils une représentativité au sein de la communauté d'étude ? Quelles représentations ont-ils de leur espace ?

    Afin d'aborder notre étude sur l'organisation de l'espace pastorale au Niger Oriental, nous avons élaboré quelques hypothèses :

    ? L'espace d'une communauté pastorale est un espace ouvert aux autres

    communautés, régit par le principe de réciprocité et de droit d'usage prioritaire

    ? L'espace d'une communauté pastorale se définit au travers d'un ensemble

    d'espaces qui se confondent et se transforment au cours des saisons et au cours de l'histoire

    ? L'espace d'une communauté pastorale est un ensemble de points fixes (lieux

    ressources) liés entre eux par le parcours, le tout formant un ensemble mouvant.

    ? L'espace pastoral est un espace défini et viabilisé par des règles d'accès et un

    réseau d'informations dense et continu

    Enfin, dans l'optique de répondre à ces différentes interrogations notre analyse portera principalement sur une communauté pastorale spécifique de la commune rurale de Tesker : la communauté Toubou Téda.

    I.3. Méthodologie et démarche

    I.3.1. Méthodologie

    Avant de partir sur le terrain, nous avons effectué un travail préparatoire ; discussions avec des personnes-ressources et synthèse bibliographique au sujet du contexte et des concepts méthodologiques. Cette réflexion préalable nous a permis de cerner les attentes du PSSP, de formuler précisément la problématique et de délimiter la zone d'étude.

    Ainsi, nous avons choisi de mener notre étude sur la communauté Toubou Teda localisée dans la zone d'intervention du projet. L'objectif étant de comprendre son organisation socio- spatiale pour une meilleure efficacité opérationnelle au profit de la population.

    > Choix du terrain d'étude

    Notre campement de base a été déterminé selon trois critères :

    - de part sa localisation, à la limite sud de l'espace Teda de la commune de Tesker. Sidinga est une zone de transit et de pâturage pour les transhumants Teda venus du nord pendant la saison des pluies et pour les transhumants Peuls et Azza durant la saison sèche et froide. C'est également une zone de transit des caravaniers marchands en direction de la Libye pour la vente des dromadaires.

    - de part son potentiel en ressource pastorale : puits semi- cimenté à bon débit,

    richesse du pâturage pendant la saison des pluies et la saison sèche.

    - de part la présence de personnes ressources (politiquement influents)

    reconnues au sein de la communauté Teda.

    Considérant notre sujet d'étude, nous avons préféré travaillé à l'échelle locale, c'est-àdire au niveau de la commune, du campement et de la communauté (clan, lignage).

    > La période d'immersion :

    Suite à ce premier travail préparatoire, nous sommes parti une quinzaine de jours dans notre campement de base afin de prendre un premier contact avec le milieu, les hommes et leurs activités. A ce stade nous sommes partis sans questionnaires réels. C'est la période d'immersion.

    > La phase de collectes des données :

    Suite a cette première période nous avons travaillé notre problématique en fonction des réalités du terrain. Après la rédaction d'un questionnaire adapté, nous sommes retournés dans le campement pour 37 jours d'étude sur le terrain.

    La première période s'est composée de multiples entretiens au niveau du campement et dans les campements voisins (Arabe ouled Souleymane, Toubou Teda). Ces enquêtes portaient sur une analyse historique de la communauté Toubou Teda, son mode de conduite des animaux, les rapports sociaux qu'elles entretiennent avec les communautés voisines, sur la gestion des conflits, les échanges, le réseau

    d'information. Cette partie avait ainsi comme objectif de rendre compte du territoire Toubou Teda et de nous permettre de déduire les grandes lignes des règles d'accès et d'usage des ressources pastorales. Nos entretiens étaient des entretiens semi direct mais très souvent, considérant la coutume locale, se rapprochaient plus de discussion « ouverte » autour du thé. Ces discussions « sur la natte » se sont révélées d'une très grande richesse.

    Pour cette étape, nous avons privilégié les enquêtes auprès des anciens (hommes et femmes) tout en pratiquant des va et vient entre les différents interlocuteurs (principe de triangulation). Les entretiens non-directifs ont été menés individuellement et collectivement, puisque les enquêtes en groupe permettent aux individus de se compléter et de se corriger.

    Dans l'optique de vérifier les informations recueillies et de compléter notre champ de connaissance des différentes communautés composant la zone, nous avons entrepris un voyage de 250 Km à dos de dromadaire à la rencontre d'autres communautés localisées au niveau des zones de transhumance (tant au Nord qu'au Sud) de Sidinga telles la communauté Toubou Azza, la communauté Peule, ou encore la communauté arabe présente en cette période pour le pâturage des zones de replies.

    > Phase de la restitution :

    Après la rédaction de notre premier document, nous nous sommes rendus sur le terrain afin d'exposer nos résultats de recherche à la population. Les objectifs visés sont d'une part la validation de ces résultats et d'autres part de compléter les informations. Au retour du terrain nous avons également fait une restitution au projet.

    I.3.2. Démarche : Une approche par l'espace

    Afin d'appréhender les différentes stratégies d'organisation de l'espace, nous avons privilégié une approche que nous intitulons : l'approche par l'espace.

    Une lecture de l'espace nous permet d'appréhender à travers différentes entrées, les stratégies d'occupation, d'organisation et de gestion de l'espace des communautés pastorales dans la commune de Tesker. Nous avons déterminé pour cela trois entrées principales : l'historique du peuplement, la mobilité pastorale et les conflits.

    Dans le but d'identifier les groupes stratégiques en présence, leurs logiques par rapport à l'exploitation et la gestion des ressources et afin de cerner a priori les enjeux, cette approche nous semble la plus pertinente. L'espace pastoral est en effet composé de divers territoires ouverts (il n'y a un refus formel de partage des

    ressources) sur lesquels vivent diverses communautés. L'espace et le territoire ne sont pas des termes équivalents et leur utilisation non- différenciée introduit souvent des confusions.

    Pour Raffestin (1980, cité par PEREZ CENTRO MJ, 2001), l'espace est en position d'antériorité par rapport au territoire. Le territoire est généré ou construit à partir de l'espace. Pour lui, l'espace est en quelque sorte « donné » en tant que matière première préexistante à toute action. Il y a dans le territoire une appropriation de l'espace, qu'elle soit matérielle ou qu'elle soit idéelle sous forme de représentation, « l'espace est le point d'application d'un milieu social et des pratiques historiquement imposées par ce milieu social. Le résultat de ce processus n'est pas un espace mais un territoire ». Or dans le processus de production territoriale, chaque société, chaque système productif construit et entretient une combinaison entre la maille, les noeuds et les réseaux dans le sens donné par Raffestin (1980).

    Notre démarche repose sur le constat que la structuration d'un espace et sa distribution foncière entre les membres d'une communauté résulte de l'organisation de la société et de son histoire. Il existe alors au sein de chaque communauté, une réalité sociale et historique qui définit les règles d'usage et d'accès aux ressources.

    Cette réalité peut ainsi être perçue à travers la lecture des conflits. L'étude des litiges récents et passés permet de comprendre l'effectivité et l'évolution des règles d'usage et d'accès aux ressources. Ils sont souvent des indicateurs privilégiés du fonctionnement des sociétés. Ils permettent de dépasser la façade consensuelle que les acteurs proposent aux enquêteurs. Analyser un conflit est une autre façon de dessiner le réel et d'appréhender les différents jeux d'alliance comme clivage qui régissent la société. En plus des conflits, les compromis sont primordiaux car ils entraînent souvent de grandes évolutions dans la gestion des ressources.

    Cette approche va nous permettre de mettre en évidence les relations concrètes entre les acteurs autour de la gestion des ressources, c'est-à-dire comprendre qui gère réellement l'accès et l'utilisation des ressources.

    L'histoire locale (l'histoire de peuplement et de l'occupation de l'espace) va nous
    permettre quant à elle de reconstituer les trames territoriales. « L'histoire est un enjeu

    stratégique, car elle légitime les revendications, par le biais de l'antériorité » (Lavigne-Delville et al, 2001). Reconstituer l'histoire permet d'identifier les détenteurs de maîtrise territoriale, les liens et les dépendances ou autonomie avec les communautés voisines.

    La mobilité pastorale permet de rendre compte des logiques parfois complexes prises par les pasteurs pour déterminer leurs stratégies d'occupation de l'espace au cours des saisons. Cette logique dépend, notamment de la recherche d'équilibre entre l'homme- l'animal et l'environnement indispensable à la viabilité de tout système pastoral.

    En effet, l'un des traits les plus frappants de la vie pastorale réside, dans la multitude de décisions à prendre au cours d'une journée qui directement ou indirectement, engagent la survie du troupeau donc celle du groupe humain qui en vit. Ce processus dépendant, indéniablement, de la disponibilité et de l'accessibilité aux ressources naturelles. Au bout du compte, le processus de prise de décisions quel qu'il soit, s'appuie sur un ensemble de considérations écologiques (les espèces appétées), mais aussi économiques, sociales, voire politique. L'efficacité pastorale repose, ainsi, sur un ensemble de stratégies de base dont le pastoralisme tire toute son originalité. Nous tenterons ainsi de traiter de l'ensemble de ces considérations.

    I.3.2.1. Les limites de l'étude

    Les contraintes rencontrées lors de notre étude sont surtout de l'ordre de la mobilité du à l'isolement de notre zone nous obligeant à effectuer nos déplacements à dos de dromadaire. Ce moyen de locomotion plus qu'original demande de nombreuses heures de transport par jour pour joindre deux campements « voisins ». Ce type de déplacement nous a permis de nous confondre plus facilement à la population et à gagner plus leur confiance.

    Les conflits existants dans la zone, notamment le conflit qui oppose les touaregs Malouma au Toubou Teda, nous ont de même contraint à limiter notre terrain de recherche. En effet, la présence de nos traducteurs et de nos chameaux identifiables à travers leurs marques, ne nous permettaient pas de dépasser cette limite imaginaire mais bien présente qui existe entre ces deux communautés. Nous sommes de ce fait contraint à limiter nos questionnaires aux touaregs de passage au chef lieu du poste

    administratif. A cela, s'est ajouté le problème de la langue qui parfois, nous a poussé à revenir sans cesse sur certaines questions.

    Pour finir, notre zone d'étude n'étant que peu touché par des programmes de développement ou des actions de l'Etat, nous ne disposions que de peu d'informations documentaires sur la zone, notamment en terme de représentation cartographique. Les Toubous sont, de plus, par apport à l'engouement que connaissent les Touaregs et les Peuls pour ne citer qu'eux, une communauté restant aujourd'hui encore méconnue au Niger.

    II. Deuxième partie : L'espace Toubou Teda

    Le territoire Teda est composé de « sous espaces » imbriqués les uns dans les autres formant un tout, compris lui-même dans un ensemble plus vaste composé d'autres territoires notamment ceux des autres communautés avec lesquelles ils partagent l'espace communal de Tesker.

    Dans cette partie, nous abordons l'ensemble des éléments qui participent à la création de ces différents espaces, à travers l'historique du peuplement, les conflits et la mobilité.

    II.1. Caractéristiques générales de la zone d'étude

    II.1.1. Le Niger oriental

    Ce que nous appelons le Niger oriental correspond à la réunion d'une partie de la région de Zinder (département de Gouré, voire carte N°2) et de l'ensemble de celui de Diffa. Il appartient à la bande Sahélienne de 400 à 600 Km de largeur qui s'étend d'Est en Ouest au sud du Sahara sur une distance d'environ 6000 Km et où la pluviométrie annuelle varie de 100 mm au Nord jusqu'à 600 mm au Sud (Le Houérou 1993, p.191).

    Carte N°2 : Le Niger Oriental

    LEGENDE

    orouo Gorouol

    Autres Communes

    Niger Oriental

    r Téra Imanan

    essaDessa

    Inates

    aroDargol

    Tillaberi Ouallam

    Torodi

    onwn
    Tondikwindi

    Karma

    Tamou

    ameFalmey

    Say

    Dingazi Banda

    Bani Bangou

    Parc W

    ooKollo

    ancanou Diantchandou

    Fabidji

    Ngonga

    amera Sambera

    Tanda

    arreFarrey

    ooMokko

    Tessa

    Loga

    Tounouga

    Abala

    Kourfey centre

    Soucoucoutane

    Doumega

    anamSanam

    Tibiri

    aanar Matankari

    ece Kieche

    Tebaram

    Bagaroua

    aTillia

    amee Bambeye

    Tchin Tabaradene

    CU Tahoua

    Affala

    azaaBazaga

    Illela

    Malbaza

    assaraTassara

    0 250 500

    Kao

    arana Garhanga

    amaTama

    oamane Ibohamane

    naInGall

    aa Abalak

    anuBangui

    Chadakori

    Ourno Kornaka

    Korahane

    Tamaya

    Bermo

    zaorAzagor

    rTibiri

    Gabi

    Dannet

    Dan Issa

    r Arlit

    Kilomètres

    arsTagris

    crozerne Tchirozerine

    El Al Maireyrey

    ueAguie

    ssawane
    Issawane

    Tessaoua

    aezAgadez

    Tarka

    erssna Aderbissinat

    oromKorgom

    Dan Barto

    ouaram Gougaram

    anou Tanout

    Gangara

    Tirmini

    enaTenhya

    roumDroum

    Magaria

    Bandé

    Albarkaram

    Wamé Moa

    aa GaffatiourGouré

    acaWacha

    erouane Iferouane

    maTimia

    Taabelot

    aossAlakoss

    Malawa

    uur Guidiguir

    oun Bouné

    Kellé

    Goure

    Maine Soroa

    ououmara Goudoumaria

    MINI=

    Fachi

    Ngourti

    a Diffa

    Kabalewa

    maBilma

    Diffa

    NGUIGMI

    Dirkou

    aoDjado

    II.1.2. La commune de Tesker

    La commune de Tesker (poste administratif) est située dans le département de Gouré, inclus dans la région de Zinder. Cette commune couvre une superficie de 71.152 Km2 soit 5,61% du territoire national, elle est limitée au nord par les arrondissements de Tchirozérine et Bilma, au sud par la commune de Kellé, à l'ouest par le département de Tanout et à l'est par celui de N'guimi. Tesker appartient au grand ensemble climatique tropical sec de type saharien. Le cumul de précipitation annuelle varie de 100 à 200 mm et ne dépasse guère 250 mm (cf figure N°2 sur l'évolution des précipitations de 1980 à 2004). La hauteur annuelle des pluies ne permet pas le développement d'une activité agricole intensive cependant une part non négligeable des pasteurs (notamment les Toubou Azza) pratiquent une agriculture pluviale par nécessité alimentaire. La zone est ainsi principalement pastorale.

    Figure n°2 : Evolution pluviométrique de 1980-2004 à la station pluviométrique de
    Tesker

    Predipitations (mm)

    250

    200

    150

    100

    50

    0

    Pluviométrie à la station de tesker

    Source des données : Direction de la météorologie nationale du Niger

    Le paysage ( Cf photo N°1)est constitué de dunes mobiles et fixes orientées du nordouest au sud-est et entrecoupé de vastes dépressions (cuvettes). Dans sa partie orientale, il s'aplanit progressivement pour se transformer en steppe ondulante à mesure qu'on avance au sud-ouest du massif Termit. D'une manière générale le climat de la zone est caractérisé par deux saisons : une saison sèche qui dure neuf à dix mois et une saison des pluies très courte de deux à trois mois. La saison sèche est

    subdivisée en une période froide et sèche qui dure six mois (d'octobre à mars) et une saison chaude et sèche qui dure trois mois (d'avril à juin). La saison des pluies intervient de juillet à septembre. La végétation est composées des espèces arborées et herbacées de type saharienne au nord et sahélienne au sud. Au nord les pâturages sahariens sont constitués de Cornulaca monocantha et de Rhynchosia minima qui sont des herbacées très appétées par les dromadaires. Plus au sud, les principales espèces herbacées sont : Cyperus conglomeratus, Panicum turgidum, tribulus terrestris, Brachiaria distichophylla et Cenchrus biflorus. La végétation ligneuses ou pâturage aérien plus rare y est représenté par Acacia laeta, Acacia radiana, Maerua crassifolia, Leptadenia pyrotechnica, Balanites aegyptiaca, Comiphora africana et Salvadora persica.

    Photo N°1 : Paysage de Sidinga en début juin

    Ce paysage comporte une série de dunes sableuses et une large cuvette au centre. A cette période, le pâturage est constitué des touffes de Cypérus conglomératus (N'gorché) et Panicum Turgidum (Gouchi) couplées aux quelques rares ligneux.

    Les ressources en eau sont surtout souterraines (exception faite des mares temporaires durant la saison des pluies). La profondeur des eaux de la nappe phréatique dépend de la topographie. Les eaux souterraines sont captées par le moyen des puits traditionnels en bois coffrés, puits modernes cimentés, puits coloniaux et les forages.

    Ces points d'eau se trouvent sans exception au fond des cuvettes où la nappe est accessible entre 10 à 40 m.

    La population est estimée lors du dernier recensement de 2001 à 26. 539 habitants avec une densité de 0,37 hab/Km2. Elle est composée de six communautés pastorales, les Toubou (66,56%) (Toubou Teda, les Toubou Dazza, les Toubou Azza); les Peul (4,8%) ; les Touaregs (37,60%) et les Arabes (1,04%). Ces communautés se repartissent dans l'espace communal de la manière suivante (voire carte N°3) : le nord autour du massif de Termit est occupé par les Toubou Teda, les Toubou Dazza et Azza à l'ouest les Arabes au Sud est, les Touareg à l'ouest et les peuls se retrouvent dispersés dans toutes les communautés sauf dans la région du massif de Termit. Ils vivent essentiellement de l'élevage camelin, bovin, ovin, et caprin. Ces populations dites « nomades » sont administrées par des chefs de groupements, dont les attributions concernent uniquement les populations administrées, et n'ont aucun droit formel sur la terre (à l'inverse du chef de canton). Chaque communauté possède son chef de groupement et son chef lieu de groupement. Les Toubou Teda ont leur chef lieu de groupement à Bornay, les Toubou Dazza à Drouanga, les Toubou Azza à Djougoumé, les Arabes à Kaltouma, les Touareg à Tidjira et les Peul à Karagou.

    Le groupe ethnique Toubou est en effet composé de deux sous groupes : les Teda et les Dazza. Les Teda, habitants du Nord, sont des éleveurs de dromadaires possédant de gros troupeaux. Les Dazza présents au Sud se composent de pasteurs purs et d'une minorité d'agropasteurs. Ils possèdent des troupeaux de dromadaires et des petits ruminants mais dans une moindre mesure que les Teda. Les Azza constituent quant à eux, la caste d'artisans présente dans les deux sous groupes ethniques Dazza et Teda. Ces artisans habitent actuellement au Sud dans des campements composés entièrement des membres de leur groupe. Ils pratiquent l'artisanat (confection de nattes, scelles,...) l'élevage et des activités agricoles. Les Azza et Dazza et plus rarement les Teda sont liés par un rapport d'allégeance : chaque Azza a un « maître » Dazza dont il est le vassal, mais « le lien de vassalité n'est pas personnel, il lie une fraction à une autre fraction » (Le Coeur 1970 cité part BAROIN C, 1972). Pendant longtemps, la détention d'esclaves a constitué, un trait marquant de la société Toubou au Niger oriental. Ces ex-captifs sont appelés Agra. Les membres de ce groupe sont de diverses origines. A l'heure actuelle, les anciens captifs constituent une population de petits artisans et commerçants. Ils font du petit élevage et cultivent un peu de mil.

    Carte N°3: Répartition des communautés de

     
     
     

    BORNO

    KALTOUMA

    DOURWANGA

    YOUGOUM

    0 35 70

    *

    A g a d e z

    Tahoua

    T i l l a b e r i M a r4iin d-

    D o s s o

    D i f f a

     

    TIDJIRA

    KARAGOU

    TASKER

     

    LEGENDE

    Chef Lieu P. A._Tesker Chef lieu de Groupement Peul

    Toubou Teda

    Touaregs

    Azza et Dazza

    Arabes

     

    Kilomètres

    Limite Commune de Tesker

    Massif de Termit

     
     

    Source : enquête terrain 2005

    II.1.3. Communauté Toubou Téda

    Les Toubou Teda occupent le nord de la commune de Tesker et les alentours du massif de Termit. La limite sud de l'espace Teda est une ligne joignant Bornaye, Sidinga, Djanema, et Termit Dolé. Le choix de cet espace est notamment du au fait que les Toubou Teda sont les derniers à arriver dans la zone. Il est cependant dit que les Toubou Teda ont toujours préféré garder une distance avec les autres communautés, ce qui pourrait de même expliquer leur localisation. C'est un espace homogène du point de vue de caractéristiques géo - physiques notamment du point de vue des ressources naturelles. Les Teda sont organisés en tribus sous la coupe d'un chef de groupement qui réside à Bornaye.

    II.1.3.1. Campement de base : Sidinga

    Sidinga est le campement qui nous a servi de base lors de nos recherches. Le campement est situé à environ 30 Km au nord ouest de Tesker (pour la localisation voire carte N°4). Il est peuplé essentiellement des Toubou Teda ainsi que de deux familles Toubou Azza qui s'occupent des travaux de forge.

    Carte N°4 : Localisation du campement de Base

    LEGENDE

    Tahoua ZinderTASKER Tillaberi

    Dosso Maradi

    ? Campement de base

    Tesker_chef_lieu

    Commune Rurale de Teske

    Agadez

    Diffa

    TIDJIRA

    ANICHATCHOUWOU

    DAOUBELLY

    WORROU

    ABORAK (FORAGE)

    BOULOUM KARAGOU

    FORAMI

    0 50

    DAOUNGA

    KIT KIT

    SIDINGA

    TASKER

    Kilomètres

    KASSATCHIA

    ?

    DIBIDE

    KALTOUMA

    KANKEDI

    OLOW

    RIDJIA DJOUGNOU

    BORNO

    KANKEDI EHMERGAN

    TORORONGA

    TERMIT MAI RIDJIA

    BOULAKAW

    TERMIT YALLANGA

    100

    DOUGOULE

    YOUGOUM

    EYIDINGA

    FINI-FINI

    KATCHATCHA

    TERMIT DOLE

    N'GUELDJABO

    OROMI

    (

    De part les entretiens que nous avons eu avec la population, les Touaregs furent les premiers occupant de l'actuel site du campement vers les années 1938. Ils élevaient des bovins, ovins et caprins. A cette époque, le pâturage était en quantité et de qualité. L'abreuvement se faisait sans peine au niveau des mares naturelles permanentes du fait d'une importante pluviométrie annuelle. Ces Touareg dans leur mobilité (nomadisme) ont, de fait, quitté ce lieu pour se diriger vers le Damergou (Tanout actuel). Les peuls, vinrent ainsi occuper ce lieu un peu plus tard. Le nom du puits trouve son origine à travers le premier peul ayant réhabilité le puits, nommé Sidi. Les Toubou Azza, les Toubous Dazza ont par la suite succédés aux peuls. Ces Toubou ont été contraints de quitter le lieu avec l'arrivée des Toubou Teda du clan Oboudoya vers 1950. A cette époque toutes ces communautés Toubou vivaient de l'élevage des bovins, ovins et caprins et des dromadaires en petit nombre. Suite aux sécheresses des années 1970 et 1980, la majorité du cheptel bovin a été décimée. Depuis lors l'élevage du dromadaire a été privilégié compte tenu de son adaptation à un climat aride.

    En 2005 le campement de Sidinga compte une soixantaine de ménages composés chacun d'environ quatre personnes. Cela donne un effectif approximatif de 244 habitants. Ce chiffre reste très approximatif. Sidinga n'a jamais fait l'objet d'un recensement. Chaque chef de famille possède en moyenne trente têtes de dromadaires, ce qui donne un effectif estimatif de 1.830 mis à part les ovins, les caprins, les asins et les équins. La pression sur le puits est grande, ce qui entraîne la reprise du puits tous les six mois (puits traditionnel).

    Le puits constitue le coeur du campement. Avant la réhabilitation du puits en 2001 par le PGRN (Projet de Gestion des Ressources Naturelles), le campement comptait trente ménages. Il sert à la fois à l'abreuvement des animaux, ainsi qu'à la consommation domestique. Il appartient au chef du village mais la gestion reste communautaire. Pendant la saison chaude et sèche, plus de mille cinq cent têtes de bétail toutes espèces confondues sont abreuvées par jour. Le puits est profond d'environ 17 m et équipé de trois fourches en bois utilisées pour maintenir les poulies. Autour du puits sont répartis six abreuvoirs en ciment. La contenance en eau du puits reste relativement bonne. La photo N° 2 illustre bien la pression sur le puits pendant la saison sèche et chaude.

    Photo N°2 : le puits de Sidinga en saison sèche et chaude

    Cette photo illustre bien la pression sur le puits pendant la saison sèche et chaude. C'est l'intense activité d'exhaure qui entraîne la formation de flaques d'eau aux alentours du puits.

    Pendant la saison sèche et chaude le puits révèle son rôle capital. En effet, à cette période tous les troupeaux sont présents sur le campement, plus de mille têtes d'animaux sont abreuvés par jour. L'abreuvement est une opération très pénible, les femmes et enfants participent eux même à cette lourde tâche. Lors de l'abreuvement les éleveurs respectent un ordre bien précis, ainsi, les dromadaires passent les premiers en privilégiant les chamelles laitières, s'en suivent les petits ruminants puis les ânes. Au niveau des éleveurs, l'exhaure respecte l'ordre d'arriver au puits. Il arrive que les bergers veillent autour du puits pour gagner le premier tour.

    Pendant la saison des pluies l'abreuvement est moins lourd sinon inexistant (présence de mares naturelles temporaires, herbes fraîches). Durant cette période, le gros bétail part en transhumance, et ne restent au campement que les laitières et les petits ruminants qui s'abreuvent le plus souvent au niveau des mares naturelles qui se forment dans les dépressions inter - dunaires. La photo N°3 témoigne de cet état de fait.

    Photo N°3 : le puits de Sidinga en saison des pluies

    Cette photo montre l'absence de pression sur le puits pendant la saison des pluies se traduisant par l'absence des animaux autour du puits et l'assèchement progressif des alentours du puits du à la baisse de l'exhaure .

    II.2. Les Toubou Teda au Niger oriental

    II.2.1. L'histoire de peuplement Teda au Niger oriental

    Selon l'entretien que nous a accordé le chef de tribu de Sidinga, avant la colonisation, le Niger oriental notamment l'actuel commune de Tesker et la partie nord de la commune de N'gourti, était occupé par les Dagra (Kanouri) venus du nord-est. Les Dagra s'étaient fixés plus précisément au Kawar dans l'importante ville de Birini Guissilim et ses alentours. Au Kawar existait un gros marché, Rekassongo, lieu d'échange important entre ces Kanouri et la communauté Touarègue. Cet espace était, en effet, partagé avec les Touaregs qui occupaient à cette époque, principalement la partie comprise entre la frontière nigero-malienne (Menaka) jusqu'au Djado (espace faisant frontière avec le Tchad et la Libye).

    Sur le plan administratif, cet espace correspond actuellement au nord des régions de Tillaberi, Tahoua et la région d'Agadez.

    Plus au Sud dans la zone de Tesker (puits de Tas), vivaient déjà les communautés Toubou Dazza et Azza venues du sud du Tchad en passant par le Manga.

    Les peuls, quant à eux, étaient venus de l'ouest ( région de Sokoto au Nigeria) à la recherche de pâturage Ils occupaient un espace compris entre le Termit sud et le nord de Tesker (actuel espace des Toubou Teda). Au Niger oriental les Dazza étaient les maîtres des lieux. Ils vivaient du petit élevage alors que les Azza se contentaient de la chasse.

    Vers les années 1850, les Toubou Teda étaient présents aux alentours du massif du Termit Nord. Les Teda sont ainsi progressivement descendus du Tibesti en passant par le Djado. Dans leur migration au courant du XVéme siècle, la découverte des palmerais du Kawar qui étaient alors peuplées uniquement de Kanouri Dagra , y attirèrent un certain nombre de Toubou Teda d'origines diverses. Les uns épousèrent des femmes Kanouri dont ils adoptèrent les moeurs. Ces Toubou métissés prenaient alors le nom de Guézébida. D'autres Toubou venus plus tardivement, conservaient leur « pureté ethnique » et gardaient des liens avec leurs clans. Actuellement de nombreux Teda sont propriétaires de dattiers au Kawar, à Bilma, à Fachi et dans le massif du Djado.

    Avec les sécheresses des années 1970 (Gouando en Tedaga) et 1980 (Bredji en Tedaga), les peuls vivant de l'élevage bovin, ont du quitter leur zone (actuel espace Toubou Teda) pour les zones sud, plus propices au pâturage. Les Teda éleveurs de bovins et élevant quelques chameaux à cette époque, migrèrent au sud. Ils occupèrent ainsi les espaces abandonnés (pâturage et puits) par les peuls. Certains Teda descendus plus au sud (Sidinga, Gnélé, Forami...), dans la zone de Tesker, cohabitèrent en toute quiétude avec la communauté peule.

    Les sècheresses de 1970 et de 1980, ont entériné le départ définitif des peuls de la zone nord de Tesker vers le sud de la ville de Tesker (Karagou, Indouna). Selon les peuls enquêtés, cette sécheresse a eu des conséquences dramatiques sur le cheptel bovin. Certains éleveurs ont même dû se réfugier au Nigeria.

    Selon nos enquêtes auprès des Arabes, les Ouled Sliman, groupement arabe de
    Tripolitaine se sont réfugiés en 1848 au Nord du lac Tchad après avoir été chassés de

    leur pays par les Turcs. Il convient de citer les Arabes Hassaouma clients des Ouled Silman, plus connus sous le nom de Choa appellation péjorative que leur donnent les Kanouri. Paisibles pasteurs, activité, où ils excellaient, ils n'ont jamais participé aux actions des Sliman.

    Une seconde vague de migration des Silman a eu lieu suite au coup d'état libyen amenant Kadafi au pouvoir dans les années 1970, les Ouled Sliman, appartenant au même clan que le président déchu, prirent la route du Niger oriental pour y trouver refuge. Certains continuèrent même vers la région de Maradi et au Tchad.

    Les Arabes, « Chinéguétta » (les Maures), venus en petit nombre de Mauritanie dans les années 1975 à la recherche du pâturage, se sont installés dans la zone sans réelle opposition des communautés locales.

    Conclusion :

    L'histoire du peuplement explique en partie la répartition spatiale actuelle de ces communautés dans la commune rurale de Tesker. En considérant les Toubou (Teda, Dazza et Azza) d'une manière générale, les Teda étant les derniers à arriver occupent le nord de la commune parcontre les Dazza et les Azza qui étaient les premiers arrivants occupent le sud. Les communautés se superposent selon l'ordre d'arrivée. Certaines alliances (bon voisinage, réciprocité) trouvent leur fondement à travers cette histoire du peuplement, se traduisant par le partage des ressources pastorales. C'est le cas des communautés Teda de Sidinga et les Arabes de Kassatchia.

    II.2.2. Historique de la chefferie Toubou Teda

    L'origine Toubou est controversée, certaines sources les rattachent au Yémen, d'autres à la corne de L'Afrique (Ethiopie, Somalie, Kenya...) du fait des traits physiques et culturels similaires. Selon Jean Chapelle (1982, p16) « Il serait dangereux pour un profane de s'engager d'avantage sur un terrain aussi mouvant. Il suffira de retenir que les Toubou appartiennent à une race homogène provenant d'un lointain métissage de noirs et de blancs et établie depuis longtemps dans son habitat actuel »

    Tous les Teda se reconnaissent, une origine commune Tchadienne, plus précisément, au Tibesti avec comme ville principale, la ville de Zouar. Le terme Toubou signifie ainsi en Kanouri, habitant du Tou, le Tou étant par excellence le massif du Tibesti.

    Le Tibesti a joué un rôle très important dans l'histoire de cette communauté. Il a été pour eux à la fois un pôle d'attraction et de dispersion du premier millénaire à nos jours.

    Au XV éme siècle, à l'origine de l'histoire de la chefferie (sultanat) Teda, il y avait deux frères qui ont quitté la région du Damagaram (actuel Zinder) pour un voyage en direction du nord-est. Arrivés à Agadem, ils décidèrent de se séparer. Ainsi, l'un d'entre eux prit la direction du Kanem (région du lac Tchad) et l'autre continua son chemin jusqu'au Tibesti précisément à Zouar. Une fois arrivé, il s'installa à la périphérie où vivait déjà le clan Teda Touzba. Le jeune voyageur fut bien accueilli par ces derniers. Dans les causeries, le chef de famille Touzba lui demanda d'où il venait alors il répondit du Damagaram et le Teda répliqua de « Tomogra » d'où l'origine de l'appellation « Tomogra ». Ses qualités physiques (bien en forme) et son courage lui ont permis d'obtenir une jeune Teda Touzba en mariage. De ce mariage naquit 4 garçons, respectivement Tarsey, Gonna, Boulali et Tomogra fils. Jusqu'à cette période, Les Teda n'avaient pas une chefferie, ils vivaient de manière isolée selon l'appartenance clanique. Après le mariage de Tomogra et de la jeune Touzba, le père Touzba entreprit une vaste campagne d'information auprès des autres Teda ( Zouar, Bardaï, Zoumouri...) qu'il a reçu un jeune étranger et qu'il le leur proposait qu'il soit chef des Teda vu ses qualités physiques, son courage et son intelligence. Alors ils acceptèrent de le nommer chef des Teda. A la mort du premier chef, ces 4 fils furent proposés pour assurer la succession. L'aîné Tarsey désista à la faveur des ses petits frères et parti s'installer au massif de Tarso pour fonder le clan Teda du même nom. Les trois autres frères n'arrivant pas à se départager, ils décidèrent d'aller au sultanat de Bilma, réputé pour l'ancienneté de leur chefferie, pour se faire départager. Ainsi, Gonna, Boulali et Tomogra fils entreprirent le voyage vers le Kaouar. En cours de route, Boulali fut impressionné par le paysage de Tiguey (région du Kaouar) qui s'apprêtait bien à l'élevage et décida de rester en renonçant à la chefferie. Il fonda le clan Teda Boulali. Les deux autres frères (Gonna et Tomogra fils) continuèrent leur chemin. A l'entrée de la capitale de Kaouar (Bilma), ils campèrent pour y passer la nuit et permettre aux montures (dromadaires) de pâturer. Le lendemain matin le jeune Tomogra initié à la ruse du pouvoir par Tomogra père, simula une maladie. Gonna partit chercher les montures pour accéder au sultanat. En son absence Tomogra fils s'habilla en « chef » (grand boubou, turban et chaussures). Durant ce temps, le Sultan, informé de leur arrivée était venu les accueillir. Le sultan demanda aux deux frères le

    motif de leur visite et Gonna lui expliqua. Le sultan rétorqua en ce terme en indexant Tomogra fils « c'est lui le chef, il est habillé en chef ». A ces mots, Gonna se vexa et tenta d'assassiner son frère. Celui-ci, pour calmer ces ardeurs, lui proposa d'être son adjoint dans la chefferie Teda et chef des Teda en dehors du sultanat. Gonna accepta et les deux frères reprirent leur route pour le Tibesti. Le clan Touzba, quant à lui, a depuis lors la fonction d'introniser (la mise du turban)3 le nouveau sultan.

    Nous pouvons cependant émettre l'hypothèse d'un éventuel conflit qui eu lieu entre les Toumagara et les Gonna, qui expliquerait alors l'absence de Gonna au Tibesti. Les Gonna se repartissent au Niger oriental et en libye.

    Pour matérialiser cet accord ancestral, dans la coutume Teda il est imposé que lorsqu'un animal est égorgé, le coeur doit être donné à un membre du clan Tomogra (le plus âgé) et les reins à un Teda Gonna (le plus âgé). Cette coutume est actuellement respectée dans tous les campements Teda.

    Actuellement à Zouar (l'unique chef lieu du sultanat Teda) trois clans se succèdent au trône du sultanat. Il s'agit de Tomogra (actuellement au trône), Layi et Gatéma. Ces clans royaux sont tous descendants de Tomogra fils. (Source : entretien avec Elhadji Sidi de Sidinga, 2005)

    Conclusion

    L'histoire de la chefferie Teda est importante dans la compréhension de l'organisation sociale de cette communauté. Elle renseigne sur l'espace symbolique (Tibesti) de l'ensemble de la communauté et la répartition spatiale des différents clans à cheval entre le Niger, le Tchad, la Libye et le soudan. C'est également à partir de l'histoire de la chefferie que certains clans Teda (Tarso, Boulali, Tomogra, Gonna) ont été fondés.

    3 Premier acte de l'intronisation du sultan. Il consiste a enrouler un turban royal sur la tête du nouveau sultan. Cette fonction revient aux Touzba car tous les descendants de la chefferie ont une origine Touzba de part la mère.

    II.2.2.1. Le groupement Toubou Teda

    Le groupement est un terme administratif qui désigne un ensemble de tribus représenté par un seul chef au sein d'une même communauté pastorale. Ses attributions concernent les populations administrées, il collecte les impôts et n'a aucun droit formel sur la terre. Il peut par contre autoriser ou refuser le fonçage d'un puits, en fonction des intérêts de ses administrés si ceux-ci ont en propriété un ouvrage proche du site en question. Selon la coutume Toubou Teda le groupement doit être dirigé par un membre du clan Gonna (référence à l'histoire de la chefferie Teda).

    A Tesker, le groupement Teda est dirigé par un Aréna (un autre clan Teda) contrairement à la logique coutumière. En effet, l'actuel chef de groupement a été nommé par le régime militaire en 1981. Cela a entraîné, évidemment, le mécontentement des ayants droits (les Gonna), et plusieurs tentatives avortées de créer leur propre groupement indépendant. Actuellement, il y a six tribus Gonna qui se proclament indépendantes (tribus volantes). Cette situation a également entraîné une diminution du pouvoir du chef de groupement. Beaucoup de tribus relevant de son groupement ont tendance à verser leurs impôts directement au poste administratif.

    II.2.2.2. Le chef des tribus

    Sur le plan administratif, le chef de tribu, ou Maïgari, équivaut au chef du village dans les zones agricoles. Le chef de tribu dans une zone pastorale est, soit le propriétaire du puits (le premier à financer le puits) ou alors une personne possédant un gros troupeau. Il est généralement les deux à la fois. Le chef de tribu n'est généralement pas nommé par le chef de groupement, il le devient par logique et par accords implicite des membres du campement qui le reconnaît comme tel.

    Le campement est ainsi dirigé par le chef de tribu et un comité de sage. Le comité se compose, de personnes politiquement influentes, de personnes relevant du premier clan à l'origine du campement, de personnes possédant un important troupeau, ou encore de personnes détenant les textes de loi traditionnelle (Diya) sur les règlements des conflits. Le Maïgari et le comité de sage ont un pouvoir décisionnel fort dans le campement. C'est avec leur accord qu'un nouvel habitant peut s'installer ou non au niveau du campement. Ils peuvent ainsi décider de faire partir une famille de « leur

    puits » si elle ne se conforme pas à leurs principes. Ils tiennent régulièrement des réunions pour traiter des questions qui concernent le devenir du campement et la gestion du puits. Dans la vie des pasteurs Teda, les dromadaires occupent une place de choix, tout s'organise autour de cet animal. Cela s'illustre bien avec le port des marques.

    II.2.3. Les marques sur les dromadaires

    Les marques portées par les dromadaires au niveau du cou et de la tête (Cf photo N°4) représentent la signature du propriétaire. Elles permettent d'identifier la provenance (géographique) de l'animal. Au-delà de cette fonction d'identification, les marques renseignent sur l'appartenance clanique du propriétaire au sein de la communauté Toubou Teda. Ainsi, il existe Trente trois clans qui composent la communauté Teda du Tchad au Niger en passant par la Libye. Les animaux marqués sont essentiellement des dromadaires, il arrive aussi que les petits ruminants soient marqués à l'oreille gauche, en particulier les « meneurs » du troupeau. A l'âge d'un an, les dromadaires sont marqués au niveau du cou et de la tête. A l'origine, il existait 36 marques, trois d'entre elles, ont ainsi disparu avec le manque de descendants masculins. Dans la société Teda les femmes héritent la marque de leurs parents mais ne la transmettent pas. Les trois clans « sans marque » sont : Edimédé, Ezedéa, Zoya. Le jeune Teda maintient comme marque principale celle de son père accompagné d'une partie de la marque maternelle. Au cas où il existe plusieurs frères au sein d'une famille, la marque est différenciée par des signes propres à chacun le « Toumori ».

    Lors de la vente d'un dromadaire marqué, il est délivré un certificat de vente qui atteste que l'animal n'appartient plus au propriétaire de la marque. Ce dernier a l'obligation d'informer l'ensemble de sa communauté de cette transaction, en donnant le détail sur l'animal vendu. Cette communication doit être, de même, faite en cas de don, confiage, Zakat4, troc d'animaux. Ces marques Teda font également l'objet d'emprunt par les communautés Azza et peul.

    4Prélèvement annuel proportionnel à la richesse selon la loi islamique. La Zakat a lieu la veille de la fête de Ramadan.

    Photo N°4 : Exemple d'une marque Teda

    Le propriétaire de ce dromadaire sur la photo est issu d'un mariage entre une femme du clan Eniguidi représenté par les deux traits en partant de la tête et d'un homme du clan Odouboya symbolisé par les trois traits.

    II.2.3.1. L'emprunt des marques

    L'emprunt des marques chez les Azza répond à plusieurs modalités. L'emprunt peut, en effet, dater des années où les anciens vassaux Azza reprenaient les marques de leur « maître » Teda. Dans d'autres cas, cet emprunt peut être significatif d'une paix retrouvée entre les Azza et Teda. Suite à l'assassinat d'un Azza par un Teda, il arrive fréquemment que la famille Azza demande à porter la marque du clan Teda après réconciliation. Dans certains cas l'emprunt fait suite à une amitié sincère entre deux familles. Dans tous les cas il n'y a pas de rémunération.

    L'emprunt des marques Teda par les peuls se fait généralement sous forme de contrat rémunéré annuellement contre une chamelle de deux ans. Cependant, dans de nombreux cas, cet emprunt peut se faire sans rémunération. Cet emprunt est signe de lien étroit (amitié) entre les deux communautés. Cette relation privilégiée, permet aux

    Teda, lors de cérémonies (Tabaski, baptême, circoncision,...), d'obtenir des petits ruminants. En contrepartie, les peuls peuvent recevoir des dromadaires pour la monture, le lait ou encore la Zakat.

    L'emprunt de marque prend toute son importance en cas de vol de dromadaire. Le propriétaire de la marque (Teda) part à la poursuite du voleur dans l'optique de ramener l'animal. Le voleur est soumis au jugement coutumier Teda portant sur le vol de dromadaire. Les dédommagements sont reversés au propriétaire de la marque. Quant à l'emprunteur de la marque, il obtient un dédommagement symbolique pour la souffrance qu'a enduré son animal lors du vol et pour rembourser son déplacement.

    L'emprunt de la marque permet d'une part, de sécuriser les animaux contre le vol et de renforcer les liens entres les communautés concernées, d'autre part, cet emprunt permet aux Teda d'étendre leur zone d'influence, « pour les Toubou les marques ont surtout pour fonction de quadriller l'espace et d'en délimiter les contours » (Clanet 1994, p.423 cité par BAROIN C., 1972). L'influence des marques s'étend des régions de Zinder, Diffa, Agadez jusqu'au Tchad, la Libye et le Soudan.

    11.2.3.2. Les 33 clans Toubou Teda et leurs marques

    Remarque : L'ordre de présentation des marques Teda est relevé de façon aléatoire

    Tableau N°1 : Les 33 marques Teda

    Nom des clans

    la marque

    1- Boulalia

     

    2- Gatéma*

     

    3- Tarsia

     

    4- Goubada

     

    5- Kessa

     

    6- Touzouba

     

    7- Taouya

     

    8- Layi*

     

    9- Kosda

     

    10- Tomogra*

     

    11- Eniguidi

     

    12- Hoktia

     

    13- Gonna

     

    14- Youssouwindi

     

    15- Trindra

     

    16- Ehidé

     
     

    17- Aréna

     

    18- Fourtouna

     

    19- Odouboya

     

    20- Mada

     

    21- Cressa

     

    22- Tezari

     

    23- Traën

     

    24- Ozéa

     

    25- Tega

     

    26- Mazouna

     

    27- Sirdegaya

     

    28- Dirsiney

     

    29- Kalawourda

     

    30- Kohartedey

     

    31- Tedémaya

     

    32- Tchouaïdé

     

    33- Gaïdemi

     
     

    * Ces trois clans se succèdent au sultanat de Zouar au Tibesti (Tchad) Source : Enquête terrain 2005

    Commentaire sur les marques Teda (enquête terrain 2005) :

    Les Mouzouri : Il existe dix clans qui portent le signe Mouzouri (de 1 à 10 dans le tableau). Mouzouri signifie en Tedaga une arme de guerre en forme d'un W renversé. Dans ce cas précis le nom de la marque de ces dix clans s'accompagne du terme Mouzouri, comme par exemple : Mouzouri Boulalia, Mouzouri Gatéma, Mouzouri Taouya...jusqu'à Mouzouri Tomagara. Les noms de ces clans dérivent d'un ancêtre commun à l'exception de Tarsia qui dérive, de plus, d'un village troglodyte (Tarso). Ce village a été créé par le fils aîné du premier sultan des Teda (cf. historique de la chefferie Teda). Il se situe près de Zouar (Tchad).

    Eniguidi : Marque Teda, elle prend son origine au Kanem. Elle est aussi portée par certains Dazza. Cela s'explique par le fait que les deux communautés ont par le passé cohabité dans un même espace.

    Gourtidagna Hoktia : « Gouti » veut dire en Tedaga, nuque. Ceci s'explique par l'emplacement de la marque sur le dromadaire qui se place derrière l'oreille. « Hoktia » est le nom du premier ancêtre commun. Les Hoktia sont les plus nombreux de tous les clans Teda.

    Agara Gonna : « Agara » veut dire en Tedaga, en dessous de l'oreille, ce qui correspond à l'emplacement de la marque. « Gonna » c'est le nom du quatrième fils du premier sultan. Le clan Youssouwindi est descendant des Gonna.

    Né Hoktia : C'est un clan qui dérive des Hoktia, Né veut dire arme de guerre, la marque se place au niveau de la joue du dromadaire. Ils sont apparentés au clan Mazouna (originaire de Yibibou près de Kouffra) et Gourtidagna Hoktia.

    Yogoye Trindra : « Yogoye » est un instrument en forme de flèche qui sert à arracher les gousses de Gao. La marque a la forme de cet outil, elle se place au niveau du cou. Trindra c'est le nom du clan. Il y a une similitude avec le clan Yogoye Ehidé .

    Arétourkoune Aréna : « Arétourkoune » signifie, empreinte du sabot de l'âne, la marque ressemble ainsi au dessin d'un sabot de l'âne. Il y a au total cinq clans Teda qui portent ce type de marque avec une nuance. Il s'agit Aréna (signifie champ à cultiver en Dazaga,), Sirdagaya,( originaire de la ville de Bardey, quartier de Sourdogo au Tibesti), Kohartedey, Dirsiney et Ozéa (originaire de Ozo, bande d'Aouzou au Tchad). Tous les Arétourkoune se placent à gauche, au niveau du cou du dromadaire sauf le Sirdegaya qui se place à droite.

    Douldoulou Fourtouna : « Douldoulou » veut dire, tordu en Tedaga, la marque rime bien avec le nom puisqu'elle prend la forme d'une ligne brisée. « Fourtouna » est le nom du premier ancêtre commun. C'est un clan apparenté au clan Tazari originaire de Tazar un quartier de Kouffra (Tibesti).

    Dourmallayi Traën : C'est des Dazza naturalisés Teda à travers le lien de mariage. La marque se porte sur le ventre du dromadaire.

    Wossaï Odouboya : « Wossaï » veut dire empreinte des pattes de corbeau. La marque se rapporte à cette empreinte. Ils sont parents aux clans Tega et Kalawourda .Ils sont tous ressortissants du Soudan et Bourkou (Tchad). Tega et Odouboya placent la marque au niveau du cou à l'inverse de kalawourda qui la place au niveau de la joue du dromadaire.

    Tourfofi Cressa : Ce clan est originaire de Libye plus précisément de la région de Kouffra en Cresse. La marque se place à l'extrémité du cou. A la rencontre au Niger des deux frères Cressa, Sorbo et Loméa la marque a été modifiée pour les différencier. Les autres cressa sont Odoya et Gaïdemi.

    Conclusion sur les marques :

    Les marques Teda désignent dans l'ensemble, soit un espace habité par les premiers ancêtres et/ou soit le nom de l'ancêtre fondateur du clan. Dans tous les cas, les descendants de ces clans se réclament propriétaire de leur espace d'origine, mieux, ils s'identifient à travers ce dernier. Les marques font soit référence à un espace (montagne, oasis), soit aux outils de guerre utilisés (Mouzouri, Yogoye,...), à l'empreinte des animaux vivant dans l'espace d'origine (Wossaï, Aretourkoune,...).

    Les dattiers plantés par les anciens dans ces espaces appartiennent par conséquent tous aux descendants du clan.

    Les marques Teda étendent leur espace d'influence depuis leurs espaces d'origine jusqu'à l'emplacement actuel de la communauté Teda et aux communautés voisines (Cf. : Carte N°5 : Espace d'influence des marques Teda). C'est à travers les conflits et leur règlement que les différents traits constituant une marque révèlent leur importance.

    Carte N°5 : Espace d'influence des marques

    Remarque : Plus on s'éloigne du centre des cercles plus l'influence diminue. La couleur rouge indique l'espace actuel des Toubou Teda.

    Source : Enquête terrain 2005

    II.3. La mobilité

    Dans la région, l'élevage est axé sur la mobilité des hommes et des animaux. Cette

    mobilité a deux formes essentielles : la transhumance et le nomadisme.

    La terminologie concernant les groupes d'éleveurs « nomades », « transhumants » varie d'un auteur à un autre. Le nomadisme est caractérisé par « une mobilité des éleveurs, sans point d'attache fixe et suivant un itinéraire régulier ou variable d'une année à l'autre » (Cherrou, 2002). D'après Maiga (1997), le nomadisme est à la fois un système économique pratiqué pour tirer profit d'un milieu défavorable et aussi un genre de vie adapté à ce milieu.

    Quant à la transhumance, Gild (1963) la définit comme « un mouvement pendulaire accompagnant le déplacement du front pluvieux et amenant les groupes d'éleveurs dans le nord et dans le sud». Ainsi, la transhumance correspond à la mobilité saisonnière des familles pastorales et de leur cheptel. Elle est induite par l'alternance des saisons déterminant la variation des ressources naturelles dans des zones devenant complémentaires.

    D'après Winter (1998) : « Moins les ressources sont abondantes ou plus elles sont susceptibles de fluctuer pour des raisons extérieures plus leur usage devra faire appel à la « mobilité » (et plus les « territoires » où elles sont exploitées devront être étendus). La mobilité est donc une stratégie permettant de tirer le maximum de profit de la rareté de ces ressources ou du fait qu'elles sont incertaines dans l'espace d'une année ou d'une année sur l'autre. Le besoin de mobilité s'accroît donc en parallèle avec la rareté ou l'incertitude, tandis que l'immobilité risque d'engendrer la catastrophe. »

    Dans le cadre de ce travail, nous préférerons le terme de « transhumance » à celui de « nomadisme » car les mouvements s'effectuent selon un calendrier fort semblable d'année en année : descente au sud en saison des pluies, une remonté vers les nord pendant la saison sèche et froide. D'après Mangeot et Marty (1992), les nomades ont « des terrains de parcours bien délimités en saison humide aussi bien qu'en saison sèche, et chaque année les ramènent, presque à époque fixe au même endroit. » Les pasteurs ont un « terroir d'attache » qui peut être défini selon toujours Mangeot et Marty (1992), comme « Un terroir aux fonctions essentiellement pastorales dont se

    réclament une ou plusieurs communautés pastorales et qui est composé de ressources clés pour la conduite des troupeaux (pâturages aériens ou herbacés, terres salées, mares...) » Les terroirs d'attache permettent une relative sécurité fourragère et un accès à l'eau en saison sèche (Hammel, 2000). La notion « d'attache » fait moins référence à la propriété, qu'à des droits d'usages prioritaires. Le terroir d'attache chez les pasteurs Toubou Teda signifie le puits de saison sèche et l'aire de pâturage qui est circonscrite au puits. Les animaux restent très attachés à ce lieu surtout pendant la saison sèche et chaude. C'est aussi un espace sentimental pour tous les pasteurs propriétaires du puits.

    Cependant, l'aire de production ne se limite pas à ce territoire, la mobilité reste indispensable. Les modalités des transhumances traditionnelles pratiquées par les éleveurs répondent à deux impératifs majeurs et indissociables : la recherche du pâturage et de l'eau. Notre objectif n'est pas de décrire les systèmes d'élevage mais de comprendre l'organisation traditionnelle de l'espace pastoral. Le schéma ci dessous illustre la réaction de la population pastorale en fonction de la disponibilité des ressources

    Figure N°2 : Réactions des populations pastorales en fonction des disponibilités des ressources

    Sédentarisation

    Exode

    Disparition des ressources (décapitalisation)

    Déclin

    Insuffisance temporaire des ressources

    Transhumance Emigration temporaire

    Ressources
    Suffisantes
    Eau- pâturages

    Populations
    pastorales

    Source : enquête terrain 2005

    II.3.1. La conduite des animaux

    Considéré comme une trilogie l'homme, l'animal et le milieu, le pastoralisme s'inscrit sur plusieurs registres de l'activité sociale. En effet, l'appréciation permanente de la végétation du pâturage par les pasteurs Toubou Teda, le rapport de l'homme à l'animal, les rapports sociaux sous-jacents à l'utilisation du parcours, constituent des facettes diverses, mais interdépendantes du même phénomène, en l'occurrence, le pastoralisme. La carte N° 6 explique la conduite des animaux pour le pâturage.

    Carte N°6 : Transhumance Toubou Teda

    Tahoua ZinderTASKER Tillaberi

    Dosso Maradi

    0 50 100

    TIDJIRA

    Agadez

    Diffa

    Kilomètres

    WORROU KALTOUMA

    KIT KIT

    DAOUBELLY

    ANICHATCHOUWOU

    ABORAK (FORAGE)

    KARAGOU

    LEGENDE

    RIDJIA SIDDI

    BOULOUM

    FORAMI

    4 Campement de base

    KASSATCHIA

    TASKER

    kENDELBOUZOU

    Kolo Kolo

    BAÏKOUBOUTEDA

    Tougounoussa

    KOLOKOLO

    Ecét

    TOUGOUNOUSSA

    Téhi

    ECHETCHOULOUM

    Tigma Sofo

    TEHI

    TIGUIMAIsh SOFO

    DJOCKO ISHMA

    DIBIDE

    Transhumance saison sèche et froide

    Transhumance saison de pluie

    Autres Campements

    chef lieu de Tesker

    Limite de Tesker

    DAOUNGA

    KANKEDI

    OLOW

    RIDJIA DJOUGNOU

    BORNO

    KANKEDI EHMERGAN

    TORORONGA

    BOULAKAW

    FINI-FINI

    TERMIT MAI RIDJIA

    TERMIT YALLANGA

    DOUGOULE

    N'GUELDJABO

    YOUGOUM

    EYIDINGA

    KATCHATCHA

    TERMIT DOLE

    OROMI

    II.3.1.1. La mobiité en saison des pluies

    Pendant la saison des pluies, dès que les premières pluies tombent plus au sud (environ 40 km), les dromadaires ont tendance à déserter le puits de saison sèche. En effet, les dromadaires sont attirés par l'odeur d'herbes vertes qui commencent à germer qu'ils sentent ainsi de très loin. Cette période est une période très difficile pour les pasteurs partant à la recherche permanente de leurs animaux.

    Ce moment particulier se nomme « Garigaré ». C'est, en effet, une période intermédiaire entre le départ en transhumance et la tombée des pluies aux puits de saison sèche, c'est la période ou la vigilance des éleveurs est à son point le plus fort. « Garigaré » annonce le départ en transhumance ou « Wanna Gnélé ». Avant le départ proprement dit, les pasteurs Toubou Teda cherchent des informations sur les zones qui possèdent plus de pâturage. Ils se renseignent le plus souvent auprès des voyageurs ou dépêchent spécialement des éclaireurs pour vérifier l'état du pâturage.

    Le sens de l'observation des moindres détails et perturbations du milieu permet aux éleveurs Teda d'être à l'affût de tout changement au niveau du milieu naturel. Les évolutions de végétation, en terme de phénologie des espèces, de leur qualité, de la composition floristique ou de l'apport en masse fourragère, des écoulements des points d'eau, de l'existence des mares ; ceci est d'autant plus important que l'irrégularité est une constante dans notre zone d'étude. Mais, l'intérêt de cette attention particulière que portent les Toubou Teda à l'espace pastoral s'exprime grandement dans l'observation permanente du comportement des plantes. Ce point est abordé plus en détail dans la partie suivante « Appréciation du pâturage ».

    Une fois en possession de ces informations et l'approvisionnement en vivre des bergers fait, le départ vers les zones de pâturages du sud commence. Seule une partie de la famille fait le déplacement : les vieux, les femmes, les enfants de moins de sept ans, les petits ruminants et une partie des chamelles laitières sont laissés au niveau du campement.

    A l'inverse, de nombreuses communautés se déplacent en groupe. Ici, chaque propriétaire choisit sa date de départ et son itinéraire. Il n'y a pas d'itinéraire précis pour l'ensemble des éleveurs, l'essentiel est de rejoindre la localité où le pâturage est le meilleur tout en s'assurant que le pâturage du trajet et l'accessibilité à l'eau est tout autant propice et suffisant pour l'alimentation du troupeau. Cette évaluation est propre à chaque éleveur qui connaît son troupeau et ses besoins. La distance à parcourir varie en fonction de la zone pourvue en herbes, elle est en moyenne de 40 km. Les lieux fréquentés par les Toubous Teda de la zone sont : Kité-Kité, Dahoubelli, Karagou, Indouna, Tilitilo, Tilotiloyi Rouanga, Rouangayi, Bouloum, Worrou, Worrey, Ranamoutte (cf carte N°6). Cet espace d'accueil ou zone de repli est peuplé par différentes communautés notamment les Peuls et les Toubou Azza. Ces zones de pâturage sont partagés avec deux communautés autochtones, les Arabes et plus rarement les Touarègues. L'accès au pâturage est libre mais l'abreuvement des animaux nécessite en amont l'accord de la communauté « propriétaire du puits ». L'abreuvement n'est généralement pas refusé sauf dans le cas des puits privés, comme le cas de Maï Kolli, Rigia Djoga et N'wallalo (puits ciments). L'accès à ces puits par les transhumants se fait sous la surveillance du propriétaire, moyennant une certaine somme d'argent (100 FCFA par tête de gros bétail) ou un jeune animal. Il est intéressant de remarquer que le puits de N'wallalo est notamment « un puits boutique » (équipé de commerce appartenant au propriétaire du puits). Ainsi dans le cas d'achat au niveau de ces commerces, les éleveurs obtiennent une réduction du prix de l'eau par tête.

    L'abreuvement peut aussi se faire au niveau des mares naturelles telles Togoyinga (Bouloum) et Felfel (Karagou) et beaucoup d'autres mares formées dans les dépressions inter-dunaires argileuses. Les espèces herbacées appétées sont (appellation Toubou Teda) : Nougou (Cenchrus biflorus), Tagour (Alysicarpus SPP), Nicé (Stigagrostic plumosa), Ondoulé (Sporobolus spicatus), Diguère (Cenchrus prieurii), Kanguedou(Citrullus colocynthis), Markou (Indigofera coluta)...

    La pratique du pâturage autour de ces puits de replis dépend de plusieurs paramètres. En effet, les dromadaires peuvent pâturer toute la nuit si l'espace n'abrite uniquement que des Toubou Teda. Cela suppose que la sécurité est garantie. Par contre si plusieurs communautés cohabitent, les animaux sont conduits, à la tombée du jour, sur les dunes pour y passer la nuit sous la surveillance des bergers. Cette stratégie peut être appliquée, notamment, dans le cas ou du fait de l'humidité excessive des vallées, celles-ci sont investies de mouches piquantes, poussant alors les bergers à éloigner le troupeau de ces endroits insalubres la nuit. Les transhumants exploitent les herbacées jusqu'à leur maturité complète. Cette période coïncide avec l'excès des mouches piquantes qui devient de plus en plus insupportables pour les dromadaires. Ils ont, de ce fait, tendance à abandonner la zone et à remonter progressivement vers le nord où l'herbe demeure encore jeune. C'est dans ce mouvement progressif que les transhumants atteignent le puits de saison sèche. La durée de cette transhumance varie selon l'année, allant de deux à trois mois dans le cas où la saison des pluies s'est bien installée. Au puits de saison sèche, « Damour », les éleveurs restent pendant un mois ou plus, le temps de se préparer pour le départ en transhumance de saison sèche et froide en direction du nord. Ce départ est notamment motivé par l'assèchement de l'herbe verte (paille) autour du campement.

    II.3.1.2. La mobiité en saison sèche et froide

    La transhumance de saison sèche et froide ou « Wana Dosso » conduit les bergers et les animaux plus au nord. Cet espace de pâturage est habité essentiellement de Teda. Il est constitué par les campements suivants : Kendelbouzou, Baïkoubouteda, Kolokolo, Tougounoussa Termit nord, Tiguima, Echétchouloum, Tehi, Sofo, Ishma et Djocko. La distance varie de 100 à 150 km selon l'emplacement du puits de saison sèche. Ces lieux de pâturage sont généralement inhabités pendant la saison sèche et chaude mais sont pris d'assaut à l'arrivée du froid.

    Pendant la saison sèche et froide, cet espace de pâture reste vert et les herbacées présentes sont très appétées par les dromadaires du fait de la qualité de leur apport nutritionnel. Il s'agit de : Yizzi (Moltkiospis ciliata), Ziri (Cornulaca monocantha), N'gorché (Cyperus conglomeratus), Mallé (Sesamum alatum), Dirguena (Tribulus terrestris), Gonogono (Blepharis linarifolia), Santchoua (Aristida longiflora), Mallé Nicé (Stigagrostic plumosa). Ce lieu de pâturage est partagé en toute quiétude avec toutes les communautés peuplant la commune de Tesker exception faite des Toubou Dazza qui restent un peu plus au sud. Des vols de bétail ont souvent lieu pendant cette transhumance, dans ce cas précis, les communautés Teda, Azza, peuls Ouda (spécialistes de l'élevage des ovins) et Arabes se constituent en une sorte de comité pour la poursuite du voleur en vue de ramener l'animal volé. Généralement les Touaregs et les Dazza sont indexés par les Teda pour leur réputation dans le vol des dromadaires. Cette vision négative du Touareg entraîne son isolement sur les lieux de pâturage par les quatre autres communautés.

    Durant cette période, les dromadaires ne ressentent pas la nécessité de s'abreuver, les ovins par contre ont besoin de s'abreuver une fois par semaine au niveau des puits de la zone. L'accès à l'eau des petits ruminants se fait sans contrainte du fait de la faible pression au niveau du puits en cette saison.

    Dans le cas de cette transhumance, certains bergers se déplacent avec leur famille si celleci est de petite taille. Le séjour au nord s'étale sur environ cinq mois (d'octobre à mars). Dans les deux types de transhumance les propriétaires du bétail et/ou les bergers effectuent des vas et viens entre le lieu de pâturage et le puits de saison sèche. Le premier s'assure du bon entretien de son troupeau et dans certains cas ravitaille le berger en vivres. Le second revient au campement de saison sèche pour le ravitaillement ou pour rendre compte de la situation.

    II.3.1.3. Le pâturage au niveau du puits de saison sèche et chaude

    Au début du mois de mars période de retour du nord, tous les troupeaux se trouvent fixés au niveau du campement. Cette période sèche et chaude s'appelle « Borro » en Tedaga. Les animaux pâturent les environs du campement sur un rayon d'environ 10km à partir du puits, avec un retour pour l'abreuvement. Les dromadaires s'abreuvent une fois tous les quatre jours à l'exception des chamelles allaitantes qui elles s'abreuvent tous les deux jours. Les petits ruminants sont abreuvés tous les deux jours. L'alimentation des animaux est constituée de l'herbe sèche. Sa consommation est rendue possible grâce au complément en sels minéraux (le natron). Durant cette période, le pâturage aérien est valorisé. Il s'agit de : Tehi (Acacia Tortilis ), Yi ( Salvadora Persica), Arken ( Maerua Crassifolia), Ollowou (Balanites aegyptiaca), Kozono (Leptadenia Pyrotechnica). Généralement l'abreuvement et l'entretien des animaux se font par un berger contractuel qui relève d'une autre communauté, principalement, les Bouzou (anciens esclaves Touareg) et les peuls.

    Tableau N°2 : Calendrier pastoral

     

    Juin Juillet Août Sept

    Oct

    Nov Déc Janv

    Fev

    Mars Avril Mai

    Saisons

    Saison des pluies

    Saison sèche et Froide

    Saison sèche et chaude

    Nom en Tedaga

    Garigaré

    Gnélé

    Bouroundaga

    Dosso

    Ebéré

    Borro

    Localisation

    Alentour du puits de saison sèche

    Lieu où il a plu, du bon pâturage et des bons rapport avec la communauté d'accueil

    Majoritairement au Nord (Ténéré) où il y a du pâturage adapté

     

    Puits de saison sèche

    Localisation durant

    l'année 2005

    Sidinga

    Puits : Kité-Kité, Dahoubelli, Karagou, Indouna, Tilotilo, Tilotiloyi, Rouanga, Rouangayi, Bouloum, Worrou, Worrey, Ranamoutte, Anchatchou

    Mares naturelles : Togoyinga (Bouloum) et Felfel(Karagou)

    Kendelbouzou, Baïkoubouteda, Kolokolo, Tougounoussa, Termit nord, Tiguima, Echétchouloum, Tehi, Sofo, Ishma et Djocko.

     

    Sidinga

    Pâturages Herbacées

    Cyperus conglomeratus et Panicum

    Turgidum

    Cenchrus biflorus, Alysicarpus SPP, Stipgrotis vulnerans, Tribulus terrestris, Sesanum alatum, Nolletia

    chryssocomoïdes, Sporobolus
    spicatus, Panicum turgidum...

    Moltkiopsis ciliata, Cornulaca monocantha, Blepharis linarifolia, Aristida palida, Indigofera coluta, Stigagrostis plumosa, Citrullus colocynthis, Panicum turgidum, Cordia Sinensis...

    Cyperus conglomeratus et Panicum Turgidum

    Pâturages Ligneux

    Leptadenia pyrotechnica, Balanites aegyptiaca, Maerua

    crassifolia, Salvora persica, Acacia senegal...

    En présence de l'herbe fraîche les animaux ne consomment pas les ligneux

    Pas d'arbres sur l'ensemble de la zone

    Leptadenia pyrotechnica, Balanites aegyptiaca, Maerua crassifolia, Salvora persica, Acacia senegal...

    Source : enquête terrain 2005.

    Remarque : La mobilité varie chaque année, il est ainsi difficile de rendre compte des localisations de façon précise. Pour cela nous ne pouvons que préciser les localisations fréquentées lors de notre étude, soit durant l'année 2005.

    II.3.2. Appréciation du pâturage

    Dans les systèmes pastoraux Africain on assiste à « un poids important des facteurs humains (ethnie, organisation sociale, relations entre groupes sociaux, etc.) et des caractéristiques du territoire pastoral qui est souvent géré collectivement. » (LHOSTE, Ibid. cité par KAMIL H .1999).

    Tableau N°3: Appétence des espèces fourragères selon les périodes de l'année

    Espèces (nom vernaculaire à la
    société Teda)

    Saison sèche et
    chaude

    Saison sèche et
    froide

    Saison des pluies

    Nom Scientifique (1)

    Utilisation
    (2)

    Ligneux

    Kozono

    ***

     
     

    Leptadenia Pyrotechnica

    Fruits utilisés pour faciliter la mise- bas

    Olowou

    ***

     
     

    Balamites aegyptiaca (3)

    Construction de selle et puits, consommation humaine

    Arken

    ***

     
     

    Maerua Crassifolia (4)

    Soin des dents

    Tehi

    ***

     
     

    Acacia Tortilis (1)

    Construction de puits, tentes, poulies, selles et cordes

    Yi

    ***

     
     

    Salvadora Persica

    Brosse à dents, consommation humaine

    Kossowou

    ***

     
     

    Capparis Decidua

    Fruits consommés par les petits ruminants

    Kourou

    ***

     
     

    Ziziphus Spinachristi

    Encens pour parfum féminin

    Digui

    ***

     
     

    Acacia Sénégal (5)

    Puits, pillons

    Herbacées

    Yizi

     

    ***

    *

    Moltkiopsis Ciliata (1)

    Alimentation animale, provoque chaleur et améliore la production de lait et donne de l'énergie

    Ziri

     

    ***

    *

    Cornulaca Monocantha (2)

    Alimentation animale, donne de l'énergie

    Malé

     

    *

    **

    Sesamum Alatum (6)

    Alimentation animale, donne de l'énergie

    Gouchi

     
     
     

    Panicum Turgidum (7)

    Alimentation animale

    Tawour

     
     

    ***

    Alysicarpus SPP (4)

    Alimentation animale, construction de tentes

    Nogou

     
     

    ***

    Cenchrus Biflorus ( 3)

    Alimentation animale, donne l'énergie

    Gonogono

     

    ****

     

    Blepharis Linarifolia (4)

    Alimentation à l'état jeune

    N'Gorché

     

    ***

    ***

    Cyperus Conglomeratus (3)

    Alimentation animale, contre diarrhée chamelon, filtre puits

    Swantchouwan

     

    ***

     

    Aristida Longiflora (5)

    Alimentation

    Mali Margou

     

    ***

     

    Aristida Palida

    Alimentation animale, donne de l'énergie

    Mayagou

     

    *

    *

    Stipagrotis Vulnerans

    Construction de tente

    Ondul

    *

     

    *

    Sporobolus Spicatus

    Alimentation

    Kazomitchawo

     
     

    *

    Nolletia Chrysocomoïdes

    Alimentation animale

    Kankedou

     

    **

     

    Panicum Turgidum

    Alimentation animale

    Markou

     
     

    ***

    Indigofera Colutea

    Alimentation animale

    Mali

     

    *

    ***

    Eragrotis Tremula

    Alimentation animale et humaine

    Dirguno

     
     

    **

    Tribulus Terrestris (5)

    Alimentation animale

    (1) Appréciation des espèces par ordre croissant : 1, 2, 3, 4,...Source : Enquête terrain 2005

    *** Très consommées

     

    ** Moyennement consommées

     

    * Peu consommées

    Les Teda, pratiquent un diagnostic dynamique qui s'étend sur plusieurs saisons. Celui de la végétation se fait sur plusieurs échelles de temps : passé récent, dynamique saisonnière. Il fait partie des savoirs des éleveurs, base de toute décision concernant le mode d'exploitation d'un pâturage (déplacement, soustraction au pâturage, augmentation de la charge). L'hétérogénéité de la végétation du parcours, selon les paramètres de composition floristique : vigueur, phénologie...est expliquée, discutée entre utilisateur pour être maîtrisée, apprise et transmise dans un cadre permettant la pérennité de l'apprentissage et la communication du savoir local, en plus de la transmission des pratiques et des savoirs-faire. Ainsi différents points liés au pâturage semblent indispensables, telle la diversité floristique, tant au niveau de la densité que de la composition. En effet, lors du gardiennage du troupeau le berger explore le parcours pour avoir des peuplements homogènes en terme de dispersion des espèces végétales, c'est-à-dire une végétation répartie de façon uniforme en terme de densité. Avoir une distribution régulière des animaux lors de leurs déplacements est une garantie de réussite de leur alimentation sur les parcours.

    Un deuxième facteur crucial dans l'alimentation des animaux sur les parcours est la combinaison d'unités végétales remplissant des fonctions diverses. Il s'agit pour le berger d'établir un itinéraire qui traversera des unités répondant aux besoins des animaux, eux-mêmes jaugés et définis par le berger. La fréquentation des unités végétales ainsi que les arrêts du berger visent à permettre au troupeau d'opérer des prélèvements selon ses besoins : sel, énergie, ration de comblement, fourrages d'appoint, etc. Le parcours doit répondre à ces déterminations. Le Yizi (Moltkiopsis ciliata) par exemple demande d'être consommé avec trois autres espèces pour assurer une sécurité alimentaire au bétail durant la période difficile qu'est la saison sèche et froide : Malé (Sesamun Alatum), Gonogono (Blepharis Linarifolia), Swantchouwan (Aristida longiflora). Il en est de même, pour le N'Gorché (Cyperus Conglomeratus), qui nécessite en complément du fourrage aérien : Kozono (Leptadenia Pirotechnica), Yi (Salvadora Persica), Gouchi (Panicum turgidum) et le Dirgueno (Tribulus Terrestris) qui est pâturé avec le Nogou (Cenchrus Biflorus) et Tawour (Alysicarpus SPP).

    Les plantes remplissent plusieurs fonctions en tant que plantes fourragères, mais aussi
    jouent des rôles très importants dans la vie quotidienne des Teda. La multiplicité des
    plantes : plantes fourragères (Moltkiopsis Ciliata , Cornulaca Monocantha , Tribulus

    Terrestris , Alysicarpus SPP , Cenchrus biflorus, etc.), alimentaire (Maerua Crassifolia , Ziziphus spina-christi, etc.), plantes médicinales (Maerua Crassifolia , Leptadenia Pyrotechnica , etc.), bois de chauffe et de construction (Balamites aegyptiaca , Acacia Tortilis ,Capparis decidua, etc.), entre de même dans les décisions stratégiques qu'effectuent les pasteurs dans le choix de leur mobilité et installation.

    II.3.3. Réflexion sur les « concepts » pastoraux

    Le terme « concept », recoupant un processus scientifique ayant un mode d'application universel (ex : territoire, territorialité,...), nous semble peu approprié à nos termes de réflexion. Nous préférons dans le cas présent parler de dénomination pastorale. La dénomination est spécifique à un lieu donné, voir à une communauté bien déterminée. La conception du terroir d'attache d'une communauté pastorale vivant dans une zone agro-pastorale n'est pas la même que celle d'une communauté pastorale située dans une zone strictement pastorale.

    v' Espace pastoral :

    « L'espace pastoral désigne l'entité spatiale utilisée pour mener à bien l'activité pastorale » (Gerard Ciparisse, 1999, p50). Chez les pasteurs Toubou Teda l'espace pastoral désigne, le puits de saison sèche, les lieux de pâturages de saison des pluies et de la période froide et aussi les points d'eau partagés des zones de repli au sud et des zones de transhumance de saison froide au nord. Le puits de saison sèche et ces aires de pâturages sont reliés par le terrain de parcours. Le terrain de parcours est défini comme étant l'itinéraire qu'emprunte le berger pour se rendre à un lieu de pâturage donné. La particularité de cet itinéraire est qu'il assure le besoin alimentaire des bêtes durant le trajet.

    Le recueil des textes du code rural (2004) définit le terroir d'attache comme étant « l'unité territoriale déterminée et reconnue par les coutumes et/ou les textes en vigueur à l'intérieur de laquelle vivent habituellement pendant la majeure partie de l'année des pasteurs, unité territoriale à laquelle ils restent attachés lorsqu'ils se déplacent que ce soit à l'occasion de la transhumance, du nomadisme ou des migrations ».

    Le terme « terroir » semble ici peu adapté au contexte de la zone. En effet, le terroir
    est défini par un espace caractérisé par des conditions agro métriques spécifiques, il

    correspond ainsi plus à une portion d'espace agricole qu'à un espace à caractère pastoral. Un terroir est avant tout une étendue de terre considérée du point de vue de ses aptitudes agricoles qui lui viennent de ses qualités originelles ou acquises par des aménagements humains (Larousse agricole, 1981).

    Pour notre zone d'étude, nous privilégions la dénomination puits d'attache parce que correspondant mieux à la réalité du milieu. L'accès au puits répond à l'usage prioritaire mais le pâturage est d'accès libre pour toutes les communautés qui ont une alliance (ou une autorisation) avec la communauté autochtone. Le contrôle de l'accès au puits prend toute son importance pendant la saison sèche et chaude.

    1' Puits d'attache ou « Damour » :

    C'est le lieu où est fixé le campement de base (permanent) et le puits de saison sèche (puits d'attache). C'est un espace qui est circonscrit autour du puits d'abreuvement sur un rayon d'environ 10km. Les animaux pâturent dans cet espace en toute sécurité (protection contre le vol) avec un aller-retour au puits pour l'abreuvement. Les dromadaires passent en première position en privilégiant les laitières et en suite les petits ruminants Le puits d'attache comprend en plus des habitations et du puits l'aire de pâturage qui le circonscrit. Cet espace est un espace sentimental pour la population qui l'habite et qui plus a un lien de parenté avec le clan dit « propriétaire ». Ce puits de saison sèche prend toute son importance pendant la saison chaude et sèche. Quelque soit la distance qui sépare l'animal de son puits, quand il a soif c'est là qu'il vient pour s'abreuver « durant la saison chaude, l'animal est toujours le médiateur de l'éleveurs dixit Hassan Kamil( entretien 2005), un chameau appartenant à un habitant de Sidinga fut vendu à un Teda habitant Bilma, arrivé à la palmerais, le chameau déjouant l'attention de son nouveau maître reparti pour son puits de saison sèche (El Barkama Abdoulaye, entretien 2005). C'est ainsi que le chameau fut retrouvé au puits de Sidinga ». L'animal reste attaché à son puits de saison sèche. Le schéma ci-dessous illustre le puits d'attache.

    Figure N°4 : Le puits d'attache

    Va et vient des animaux pour l'abreuvement

    Puits de saison sèche

    Aire de pâturage circonscrite au puits de saison sèche

    Les tentes (habitations)

    v' L'aire de pâturage de saison des pluies ou « Dogo Gnélé » ou zone de repli : C'est le lieu où les animaux pâturent pendant l'hivernage durant une période allant de 2 à 3 mois. Il est constitué du pâturage de parcours et du pâturage au niveau des zones de replie. Cette aire de pâturage ne connaît pas de limites. Par ailleurs, elle est susceptible d'être changée d'une année à l'autre, au gré de la répartition des pluies, qui commande la disponibilité et la qualité des ressources fourragères. Ce parcours dépend notamment du choix que fait le berger par rapport à la composition du troupeau (en type et en nombre). Ces aires de pâturage sont localisées plus au sud de notre zone d'étude. Ce Choix du sud s'explique par la précocité des pluies du au balancement du Front Intertropical (FIT). Cette zone est soumise notamment à des alliances existantes entre la communauté mobile et la communauté d'accueil.

    v' L'aire de pâturage de saison sèche et froide ou « Dogo Dosso » :

    C'est le lieu de pâturage en saison sèche et froide. Il se situe au nord (Termit nord ). Le choix est lié aux présences des herbacées très appétées (Moltkiopsis Ciliata, Cornulaca Monocantha, Sesamum Alatum,...) par les dromadaires (octobre à février), qui leur permet une alimentation suffisante et un besoin en eau limité. Les bergers restent cinq à six mois dans cette aire.

    1' Usage prioritaire

    L'usage prioritaire n'existe pas en Tedaga (langue des Teda).

    Les espaces aménagés par les pouvoirs (aires de pâturage, fourrage, puits cimentés) dans une zone pastorale sont entretenus par la communauté bénéficiaire. Ceci leur donne un droit d'usage prioritaire, sans pour dire autant un droit d'appropriation au sens strict. Ces ressources sont en effet, en théorie, susceptibles d'être utilisées par tous les autres pasteurs.

    Dans les zones strictement pastorales les aires de pâturage sont d'accès théoriquement libre. Un conflit entre deux communautés peut entraîner la non cohabitation (privatisation) temporaire sur une même aire de pâturage. Les points d'eau appropriés, c'est-à-dire les puits financés par une communauté, sont à usage strictement prioritaire. L'abreuvement au puits de Sidinga par une autre communauté (les caravaniers, les peuls, les arabes et les Azza) nécessite une autorisation préalable prise auprès des propriétaires (chefs de campement et comité de sages). L'autorisation se traduit sous forme d'alliance (bon voisinage, réciprocité, affinité,...), tout en respectant le principe d'usage prioritaire pour l'abreuvement qu'a la communauté autochtone (Cf Figure N°5 conditions d'accès au puits).

    Figure N°5 : Les conditions d'accès au puits

    Bon voisinage

    Réciprocité

    Affinité

    Parenté

    Puits

    Propriétaire

    II.3.4. Les échanges

    Pour comprendre et expliquer l'organisation de l'espace, il est important de faire ressortir les différents types d'échanges inter ou extra communautaires. Ces échanges sont de trois ordres : économiques, les rapports sociaux et l'échange d'informations.

    II.3.4.1. Les échanges économiques

    Ces échanges constituent l'ensemble des transactions ayant lieu au niveau des marchés et des campements. Par le passé l'argent était absent du système économique Teda. Leur insertion dans l'économie de marché a été faite avec la colonisation, notamment, à travers la mise en place de l'imposition par le payement de l'impôt. Ils se procuraient des vivres soit sous forme de troc et de tribut de la part des communautés sous leur protection soit en razziant les cultivateurs.

    De nos jours, l'argent est au coeur des échanges économiques, même si le troc est toujours monnaie courante. Au sud, les Teda fréquentent par ordre de préférence les marchés de Kazoé, Boultoum, Biti et Soubdou. Boultoum est le marché le plus proche du campement Toubou Teda de Sidinga (environ trois jours de dromadaire). Pour s'approvisionner en vivres (mil, riz, sucre, thé...), les Teda vendent des dromadaires et des petits ruminants. Les marchés comme ceux du Damergou, Raffa, Guidiguir, Damagaram Takaya situés en zone agro-pastorale, sont aussi fréquentés pour échanger les dattes en provenance de Bilma ou de Fachi, avec le mil après la récolte. Au Nord les localités de Bilma et Fachi sont fréquentées pour vendre des dromadaires et ou acheter ou récolter des dattes. Il est important de préciser que beaucoup de Teda sont propriétaires de palmiers dattiers à Bilma et Fachi mais aussi dans les oasis du Kaouar et au Djado. Les non propriétaires font également le déplacement et peuvent se constituer en main d'oeuvre pour la récolte des dattes et/ou profiter soit de la Zakat soit du « Sosso » (mot Teda qui signifie les dattiers « non récoltés » volontairement ou non).

    Les Teda se constituent souvent en caravane pour amener des chameaux en Libye ils sont vendus à bon prix. Au retour ils font une escale à Fachi pour s'approvisionner
    en farine de blé et dattes. Il arrive également que des riches commerçants libyens et

    nigérians viennent acheter des dromadaires jusqu'aux puits de saison sèche Teda donc un double mouvement commercial.

    Le campement de Sidinga est un lieu stratégique pour les campements alentours qui peuvent se fournir en alimentation de base (thé, sucre, tomates sèches, piment, huiles, riz, tabac, henné et chaussures) à la boutique du chef de tribu. Celui-ci assure l'approvisionnement de sa boutique par des allers-retours entre Zinder, Gouré et Sindinga avec son propre véhicule. Il n'en reste pas moins que les prix proposés sont très élevés. Dans certains cas, suivant les besoins, les petits ruminants peuvent être vendus ou échangés contre thé et sucre entre les habitants d'un même campement. Cette boutique renforce le pouvoir du chef de tribu en lui donnant d'avantage une assise politique. .

    II.3.4.2. L'échange d'information

    Dans le pastoralisme, l'échange d'information est déterminant notamment, sur la localisation des ressources pastorales, ou encore, sur les prix de vente des différents marchés. Mieux, l'information est l'un des piliers du pastoralisme. L'information circule de bouche à oreille à travers les voyageurs du fait de la grande mobilité des pasteurs. Les sources d'information peuvent être les lieux d'échange économiques (les marchés) et de pâturage, l'arrivée d'un étranger au campement ou simplement des éclaireurs détachés des campements pour aller s'enquérir de l'état du pâturage. Dans la pratique toutes les communautés s'échangent les informations. Dans la communauté Teda, l'information est un devoir pour tout individu . Cela se traduit à travers les salutations d'usage « Inda Labbar » « quelles sont les nouvelles ? ». Plus qu'un devoir, le flux d'informations est une nécessité. En effet, un éleveur exclu de ce réseau ne peut plus assurer la survie de ses bêtes. Le réseau d'information est vital au bon fonctionnement du système pastoral. Il assure, de plus, la cohésion sociale à travers le partage d'information sur les ressources fourragères indispensables au maintien des animaux. Lorsqu'un événement important se produit (conflit, décision venant du sultanat de Zouar, sécheresse...), toute la communauté peut en être informée, réagir rapidement et en accord.

    Actuellement, des moyens de communication moderne (Turaya) on fait leur
    apparition dans la zone. L'objectif étant de se renseigner sur la fluctuation des prix de

    vente du bétail sur les marchés. Il est aussi important de préciser la prolifération des postes radios pour écouter les nouvelles internationales.

    Tableau N°4 : Echelle d'influence des événements Toubou Teda

    Echelle

    Supra (Sultanat) Micro (campement)

    Décision émanant du Sultanat

    Toute la communauté Teda

    Information mariage et divorce

     
     

    Familles concernées et voisinage

    Information décès

     
     

    Familles concernées et voisinage

    Etat du pâturage

     
     

    Campement

    Rébellion

    Toute la communauté Teda

    Conflits intracommunautaires

    Toute la communauté Teda du Niger

    Conflits extracommunautaires

    Toute la communauté Teda du Niger

    Information sur le marché (prix, disponibilité,...)

     
     

    Campement

    Marques dromadaires

    Toute la communauté Teda et les communautés voisines

    Vente ou don de dromadaires marqués

    Toute la communauté Teda du Niger

    Mobilité Saison sèche

     
     

    Famille Teda au sein du campement

    Mobilité saison froide

     
     

    Famille Teda au sein du campement

    Mobilité en saison des pluies

     
     

    Famille Teda au sein du campement

    Fonçage d'un puit

     
     

    Campements concernés, chef de groupement et autorité administrative

    Source : enquête terrain 2005

    II.4. Les rapports sociaux

    Il s'agit ici de mettre en évidence les liens sociaux d'une part entre la communauté Teda et les autres communautés, notamment les Arabes, les Peuls, les Touaregs, les Dazza et les Azza et d'autre part la typologie des conflits intra et inter-communautaire ainsi que leurs modes de règlement.

    II.4.1. Les alliances entre les Toubou Teda et les autres communautés

    Les Arabes et les Teda entretiennent de bons rapports de voisinage. Les deux espaces Arabes et Teda sont ouverts. Il existe un lien de mariage entre les deux communautés, principalement, avec les Arabes Chouwa. Les Teda et les Arabes partagent les mêmes lieux de pâturage et cohabitent ensemble lors de toutes les mobilités liées au pâturage. Les deux communautés entretiennent un rapport de réciprocité lié au point d'eau (puits). Ils se rendent visite et participent à toutes les cérémonies (baptêmes, mariage,

    décès). En cas de perte d'un animal, sa sécurité est assurée dans les deux espaces par le lien de confiance qui unit les deux communautés, l'animal est ainsi rendu à son propriétaire.

    Il n'existe pas de lien de mariage entre les Peul et les Teda mais une amitié séculaire et une confiance réciproque unissent les deux communautés. A titre illustratif la majorité des puits Teda leur ont été donnés par des peuls présents dans la zone dans le passé, comme c'est le cas pour les puits de Sidinga, Baouranga, Dawanga, Rigia Djougounou, Dibidé, kenkedi, Rigia Dourtchouwa ... Lors de la transhumance, les Peuls et les Teda partagent la même aire de pâturage. Pendant la saison des pluies, les puits peuls constituent les zones de repli des transhumants Teda, comme par exemple les puits de Karragou, Indouna ... Les peuls procèdent aussi à l'emprunt de la marque des dromadaires Teda, ceci constitue une sorte de contrat de sécurité et aussi une marque de fraternité et de soutien. Il n'y a pas de vol de bétail entre les deux communautés. Connaisseurs de la nature, les peuls sont aussi sollicités par les Teda pour le fonçage des puits. L'alliance entre les peuls et les Teda date de longtemps. De toutes les alliances qu'entretiennent les Toubou Teda avec les autres communautés, celle d'avec les peuls est privilégiée.

    Les Azza sont considérés comme étant « la sous classe » au sein des Toubou en général. Ils sont les vassaux des Teda et plus particulièrement des Dazza. Les Teda entretiennent des bons rapports avec eux liés au partage des ressources pastorales. Les puits Azza situés au sud constituent les zones d'accueil des transhumants Teda pour le pâturage de saison des pluies. Il s'agit de Dahoubelli, Kitékité, Tilotilo, Bouloum, Rouanga, Worrou, Worrey, Tchapti, Anchatchou... Lors de la transhumance les Teda abreuvent souvent leurs animaux au niveau de ces puits. Certains Azza empruntent les marques des dromadaires Teda. Ce qui implique une relation privilégiée avec le propriétaire de la marque. Les Teda font appel aux Azza pour les travaux de fonçage de puits, de la forge et de l'artisanat. Les Azza sont les plus instruits de l'ensemble de la communauté Toubou. Pour cette raison les marabouts sont couramment consultés par les Teda pour résoudre différents problèmes. Ils approvisionnent régulièrement les Teda en natron (complément en sels minéraux du bétail).

    Les Dazza et les Teda entretiennent des relations de méfiance de part les nombreux vols de dromadaires et conflits qui émaillent leur histoire. Cette situation entraîne la méfiance des Teda qui ne veulent en aucun cas partager les mêmes aires de pâturage, cependant, ceci n'empêche aucunement toute réciprocité entre eux. Le mariage est possible entre ces deux communautés.

    Actuellement il n'y a pas de relation d'échange entre les Teda et les Touareg du clan Malouma, avec lesquels ils ont été en conflits armés de 1981 jusqu'en 2002. Aujourd'hui ce conflit n'est toujours pas réglé. Ces Touareg se localisent à l'ouest des Teda dans l'arrondissement de Tanout. L'espace Teda se trouve ainsi borné à la frontière de cette communauté. Avec les autres clans Touareg la relation est similaire à celle qu'entretiennent les Teda avec les Dazza (relation de méfiance due au vol de bétail).

    Les Toubous Teda sont constitués en trente trois clans identifiables à travers les marques que portent les dromadaires. La société Teda est très complexe. Au contraire de ce qui s'observe dans toutes les autres sociétés pastorales voisines, qu'il s'agisse des Touareg, des Peul ou des diverses tribus arabes, le mariage chez les Toubou est rigoureusement interdit entre proches parents. Il est ainsi interdit lorsqu'il y a 4 à 6 aïeuls en commun. La parenté par les femmes compte autant que la parenté par les hommes. La conséquence immédiate de cette règle est qu'il est nécessaire de contracter chaque nouvelle alliance en dehors du cercle des proches parents. Ceci contribue fortement au brassage de la population qui caractérise le monde Toubou Teda. Les parents de chacun est disséminés dans tous les campements, souvent très éloignés les uns des autres. Cette règle de mariage fait que les Teda sont une société unie et très solidaire. Ils sont très mobiles dans leurs espaces tantôt pour des visites d'amitié ou de fraternité, tantôt pour participer à des cérémonies.

    Conclusion :

    Les rapports sociaux (les alliances) sont très importants dans la conduite de l'activité pastorale. Le choix du lieu de pâturage se fait non seulement en fonction de la disponibilité des ressources fourragères mais aussi des alliances qui existent entre les transhumants et la population d'accueil. La transhumance des Teda pendant la saison des pluies est orientée vers les puits Peuls et Azza avec lesquels il entretiennent de bon rapport de réciprocité. Ces derniers à leur tour vont vers les puits Teda pour le

    pâturage de la saison sèche et froide. Les alliances commandent en grande partie la mobilité pastorale dans notre zone d'étude. Parcontre le conflit constitue un frein à la mobilité des hommes et des animaux entre deux espaces de deux communautés en conflit.

    II.4.2. Les conflits

    Il existe une diversité de conflits dans notre zone d'étude. Chaque communauté possède son propre espace dont le puits constitue la marque territoriale et tous ces espaces sont imbriqués les uns dans les autres. L'accès aux ressources fourragères est libre d'une communauté à une autre, mais l'utilisation d'un point d'eau nécessite toujours l'accord de la communauté propriétaire. Cet accord n'est généralement pas refusé. L'espace pastoral est ainsi ouvert. Pourtant, le conflit constitue une barrière entre deux espaces de deux communautés en désaccord. C'est sous cet angle que le conflit sera traité. Nous avons distingué trois types de conflit selon leurs causes.

    .T.4 .2 .1 . Typologie des conflits

    Nous avons distingué trois types de conflit selon leurs causes.

    ü les conflits sociaux

    Ce type de conflit est très fréquent dans la communauté Toubou Teda. Il intervient suite à une incompréhension à partir le plus souvent d'une histoire banale suite à des causeries. L'incompréhension commence entre deux personnes et progressivement, peut concerner deux ou plusieurs familles au sein de la communauté. Si cette situation n'est pas résolue à temps, elle peut dégénérer jusqu'à des blessures à l'arme blanche et parfois même jusqu'à mort d'homme. La conséquence de ce conflit peut être à la base du départ d'une famille d'un campement et/ou d'une vengeance future. La rapidité d'évolution de ce type de conflit, explique en partie la dispersion des habitats dans les campements Teda.

    ü Le conflit autour des points d'eau (puits de saison sèche)

    Pendant la saison sèche la pression sur les puits est grande. Les hommes et les animaux sont constamment autour du puits pour l'abreuvement. Le puits et ses équipements (poulies, abreuvoirs) sont le plus souvent en inadéquation avec le nombre de têtes de bétail à abreuver. Chaque berger a tendance à vouloir servir ses

    bêtes en premier. Cette situation entraîne souvent le « désordre » et l'énervement des bergers, propice à tout début de conflit. Les disputes peuvent être particulièrement violentes. Dans certains campements (comme à Sidinga), pour faire face à ces débordements plus que fréquents, le chef du campement et le comité des sages ont menacé d'interdire l'accès au puits à tous fauteurs des troubles. En effet un tel conflit représente une menace pour la cohésion sociale indispensable au bon fonctionnement du campement.

    v' Le conflit lié au vol de bétail

    Ce type de conflit est le plus fréquent dans notre zone d'étude. Il concerne d'un part les vols inter- communautaires et d'autre part les vols extra- communautaires.

    Le vol de bétail au sein de la communauté Teda est essentiellement l'oeuvre des jeunes âgés de 17 à 30 ans. Cependant ces vols restent les moins fréquents puisqu'ils sont punis par une loi traditionnelle sévère (Cf. Règlement).

    Les Teda, les Dazza et les Touareg se volent mutuellement entre eux. Les communautés Dazza et Touareg sont indexés par les Teda comme étant les principaux voleurs de leur bétail. Le vol d'un dromadaire s'accompagne toujours d'une poursuite pour récupérer l'animal. Cela entraîne souvent un rude combat qui peut se solder par mort d'hommes. La mort d'un homme suite à un vol est toujours suivit d'un « cri de vengeance » de la famille ayant perdu un membre. De vengeance en vengeance le conflit peut prendre la forme d'un conflit inter communautaire.

    D'après nos enquêtes, dans les années 1974, les vols continuels des dromadaires Teda menés par les Dazza, entraînèrent mécontentement et agacement. Cette situation, amena le chef des tribus Teda, Ordi, à se rendre chez le chef des tribus Dazza pour trouver un terrain d'entente. Constatant la passivité du chef Dazza, les Teda entreprirent de régler cette histoire par eux-mêmes. Ils dénoncèrent certains voleurs Dazza à l'Etat et dans certains cas les poursuivirent, les battirent et récupérer les animaux volés. Les Dazza ont ainsi vu leur espace se limiter là où commence le « monde» Teda. Actuellement les Dazza limitent leur déplacement aux zones sud de Tesker et ne peuvent plus se rendre au nord pour la transhumance de saison froide.

    Ce type de conflit le plus récent est celui qui a opposé les Teda aux Touareg Bouzou
    du clan Malouma en 1981. Tout a commencé avec le meurtre de Trois Teda venus du

    marché de Kazoé par des Bouzous. Les Teda répliquèrent en 1983, en tuant à leur tour, trois Bouzous au lieu de pâturage de saison froide. En 1984, l'Etat, dans l'optique de résoudre ce conflit est intervenu auprès des deux communautés, pour favoriser un accord de paix. De 1984 à 1999 le calme semble ainsi revenu. Cependant, en 2000, un Teda parti à la recherche de ses chameaux perdus, fut tué et brûlé par des Bouzous. En 2001, les Teda choqués, vengèrent la mort de ce dernier en tuant à leur tour, un Bouzou. En 2003, Deux Teda constatant ce conflit renaissant, allèrent rechercher leurs animaux en confiage auprès de la communauté Bouzou. Au retour, ils furent tués par les Malouma, qui emportèrent les 70 dromadaires. Le conflit s'est ainsi généralisé et les autorités communales (Tesker) et régionales (Zinder), sont intervenues pour réconcilier les deux communautés, mais encore une fois sans succès. En effet, les parents des victimes jurèrent vengeance. L'un des pères de la victime mena une attaque qui se solda par la mort de sept Malouma. Pour freiner le désire de vengeance du père de la seconde victime, l'Etat intervient en créant un forum en 2004 qui se suit actuellement par une mission au Tchad pour faire revenir le père de la victime afin de signer un accord définitif de paix le 15 août 2005.

    Cette situation de méfiance entre les Teda et les Touareg a eu pour conséquence de limiter les deux espaces, les Teda disent ainsi : « si un dromadaire Teda va à l'ouest (emplacement des Touareg par apport à leur localisation), alors il est perdu à jamais ». Selon les Teda leur espace se limite à l'ouest, là où commence celui des Touareg Malouma et au sud là où commence l'espace Dazza (méfiance à cause des vols). Par contre dans les autres directions l'espace Teda reste ouvert de part l'alliance qui les unis avec les communautés Arabes, Azza et Peul.

    17.4.2.2. Reglement des conflits

    Les conflits entre deux communautés se règlent majoritairement, entre les comités de sage des deux communautés, en la présence des chefs de groupement (niveau coutumier). Ce comité est composé généralement des chefs de tribus, des sages, des imams5 . Dans le cas où le conflit ne peut être réglé à ce niveau, il est porté au niveau de l'autorité administrative locale (le chef de poste et la gendarmerie). L'adultère, le vol et le crime sont les causes de conflits les plus traitées à ce niveau. En cas d'accord

    5 Chefs religieux musulmans

    le chef de poste dresse un procès verbal de réconciliation où toutes les parties prenantes apposent leurs signatures. Ce procès verbal s'inspire des lois traditionnelles des règlements respectifs de chaque communauté.

    La gendarmerie veille à l'application effective de cet accord. Si un consensus n'est pas trouvé l'affaire est portée devant la justice.

    Le conflit intra communautaire (au sein des Toubou Teda) se règle suivant la gravité de la faute selon un règlement traditionnel qui régit tous les Teda. Ce règlement date du premier sultan Teda (Tomogra). Ce dernier constatant le désordre qui régnait suite à des bagarres avec mort d'hommes, rassembla tous les sages ou « Yari » des différents clans Teda pour créer ces lois. L'objectif de ce règlement est de garantir une paix durable condition sine qua non pour préserver la cohésion sociale de cette communauté. Actuellement, ces lois sont passées en revue dès que le besoin se fait sentir par un comité sous la direction du sultan résidant à Zouar (Tchad). Ce règlement se compose ainsi:

    - Les insultes ou « Kaouli » : si une personne est traitée de « forgeron ou de

    bâtard » (« Fachique ») celle-ci reçoit un dromadaire d'un an. Si quelqu'un commet un adultère, il doit donner une chamelle de quatre ou cinq ans. En cas de diffamation, il est versé la somme de cinq mille francs.

    - Les femmes : Si un Teda commet un rapt d'une fille déjà fiancée ou « Nourou

    adibé agno » il est tenu de donner cinq dromadaires respectivement de un, deux, trois, quatre, cinq ans au fiancé. En cas de viol d'une jeune fille, il est donné aux parents une chamelle de quatre ans. Si elle tombe enceinte, il y a en plus obligation de mariage mais l'enfant appartient au parent de la fille. En cas de refus du violeur de prendre la fille en mariage celui-ci donne une chamelle de quatre ans. Dans le cas où la femme demande le divorce, le mari garde sa dote en dromadaires. Dans le cas contraire, la femme quitte avec sa dote. Si le doigt majeur de la main gauche d'une femme est imputé, la première articulation correspond à un dromadaire de cinq ans et la deuxième un autre de quatre ans. Si c'est la main droite cela équivaut au même traitement que chez les hommes.

    La main gauche de la femme est très importante chez les Teda. C'est avec cette main qu'elle fait ses toilettes intimes pour mieux plaire à son mari.

    - Loi sur les dromadaires : Si un Teda emprunte un dromadaire de monture ou

    voyage sans la permission du propriétaire quelque soit la distance, il doit donner un dromadaire de deux ans ou une somme de trente cinq mille francs. Cela s'appelle en tédaga « Koussour Goni ». En cas de vol de dromadaire (« Koumouraï ») dans un troupeau et vendu, il est remboursé contre deux dromadaires du même âge que celuici. S'il est volé sanglé un dromadaire de deux est donné en plus des deux autres. Pour la marque du propriétaire, chaque trait correspond à une chèvre (ayant perdu deux dents) d'un an. Cela constitue le prix à payer pour le respect de la marque. Exemple le clan Teda Oboudoya la marque correspond à : l l l V) , il y a six traits donc six chèvres. Le clan reçoit un nombre proportionnel de chèvre au nombre de traits qui composent sa marque.

    - Le prix du sang ou « Diya » : Une blessure sanglante ou « Gagaraou »

    correspond à un dromadaire de deux ans et un délai de d'un an d'observation jusqu'à guérison complète. Si la personne est devenue par la suite handicapée, elle reçoit un nombre de dromadaires qui varie de quinze, vingt cinq ou cinquante. Un assassinat d'un Teda par un Teda correspond selon le sexe à : pour un homme un total de 100 dromadaires est donné à la famille du défunt dont 50 dromadaires tous sexes confondus et l'équivalent de 50 autres dromadaires en espèces ou en nature ; pour l'assassinat d'une femme, il est donné 50 dromadaires dont 25 de sexes confondus et un équivalent de 25 dromadaires en espèces ou en nature. Dans les deux cas un dromadaire de cinq ans est donné à celui qui frappe le tam-tam pour annoncer que la personne s'est acquittée de la Diya. Le meurtrier est contraint de s'exiler hors du territoire et ne revient quand sa famille s'est acquittée de la Diya. Sinon toute participation à toutes les cérémonies au sein de la communauté augmente le nombre de dromadaires à donner. L'acceptation de la Diya par la famille du défunt nécessite des va et vient auprès de tous les parentés influentes de la victime avec somme symbolique de 100.000 Fcfa à chacun pour les amener à accepter cette résolution.

    Pour les autres membres :

    Tableau N°5 : Règlement coutumier

    Membres

    Nombre de dromadaires

    Une oreille

    50

    Le nez

    50

    La langue

    50

    Les lèvres

    50

    Un oeil

    50

    Une main ou un bras

    50

    Une jambe ou un pied

    50

    Le pénis

    100

    Un testicule

    50

    Un doigt ou un orteil

    1 /articulation

    Pour les dents ou « Toummo »: Une incisive perdue correspond à deux dromadaires de cinq ans, une canine deux dromadaires d'un an et pour les autres dents chacune équivaut à un dromadaire d'un an.

    Conclusion

    Dans l'ensemble du règlement coutumier Teda, la sanction repose sur un nombre bien précis de têtes de bétail (dromadaires, caprins) à donner. Cela dénote la place importante qu'occupent les animaux en particulier les dromadaires dans la société Toubou Teda. Ce règlement est valable dans l'ensemble de l'espace Teda. Il a pour objectif de garantir une cohésion sociale au sein de cette communauté.

    II.5. Organisation sociale des ménages et du campement

    II.5.1. Organisation des ménages

    La famille de type nucléaire constitue la cellule économique de base, celle qui gère de façon autonome son troupeau. Elle est composée du chef de famille, de sa femme et des enfants. Les filles dès leur bas âge aident la mère aux travaux domestiques quotidiens tels que l'approvisionnement en eau du puits, la traite des chamelles, l'abreuvement des petits ruminants et des chamelons, la cuisine... A partir de sept ans

    les garçons peuvent conduire les animaux aux pâturages aux alentours des campements et souvent accompagnent leurs parents lors des grands déplacements.

    Pendant la saison sèche et chaude, tous les membres de la famille participent à l'abreuvement du bétail à l'exception des vieillards. Après le départ en transhumance des dromadaires, la femme restant au campement et les enfants s'occupent de la conduite en pâturage et de l'abreuvement des chamelles laitières et/ou gestantes et des petits ruminants. L'ensemble du troupeau familial est sous la responsabilité du chef de ménage. Ce troupeau est composé des animaux du chef de famille et de sa femme.

    Le ménage s'agrandit si l'un des fils se marie. L'acquisition du troupeau de ce dernier est obtenue à la suite du mariage. En effet, le jeune célibataire ne possède pas d'animaux. Certes, à sa naissance ou pour sa circoncision divers parents lui font un cadeau de quelques têtes de bétail mais ceux-ci restent la propriété de son père et ce dernier en dispose à sa guise. L'essentiel du premier troupeau du jeune marié provient du cadeau de mariage. Il demande quelques animaux à son père mais pour le reste, il part en tournée pour solliciter ses parents et parentes, maternels et paternels qui sont disséminés dans divers campements parfois très distants.

    D'une manière générale, il existe une sorte de division du travail dans l'entretien des animaux au sein de la famille Teda. Chaque membre selon la période de l'année assure une fonction bien précise.

    II.5.2. Disposition des tentes au sein du campement

    Il existe deux types de tentes chez les Teda : la tente familiale et la tente des étrangers et/ou des grands enfants. La tente familiale (Cf photo N°5 )est construite en natte (achetée auprès des Azza) et généralement des racines d'Acacia Radiana. Sa dimension varie avec les saisons. Elle peut atteindre 6m pendant la saison sèche et chaude pour une meilleure aération et peut être réduite à 3m pendant la saison des pluies et la période froide pour protéger certaines nattes de la pluie. Elle se présente comme une barque renversée orientée sud - nord. Dans tous les cas la porte d'entrée est orientée vers le nord, sens contraire à la direction du vent. A l'entrée il y a la cuisine, à l'extrémité sud on retrouve le magasin et l'espace compris entre la cuisine et le magasin constitue l'espace à coucher.

    La tente pour les étrangers ou les grands enfants de la famille, est construite sommairement avec de la paille. Sa construction nécessite beaucoup de pailles et des branches d'arbres. Son rôle est d'abriter, les adolescents et les visiteurs.

    Ces deux types de tentes sont distants d'environ 15 à 20m. Chaque tente en natte signifie soit un ménage, soit le logis des personnes âgées.

    Dans les campements Teda, les tentes sont disposées sur un rayon de 5 à 3km (deux à une cuvette6 et demi) autour du puits et distantes entre deux chefs de famille de 1 à 2km. A la question pourquoi cette disposition de ménages ? Les pasteurs répondent que le fait de s'éloigner du puits est une stratégie de pâturage. Les alentours du puits sont dépourvus en pâturage du fait de la pression des animaux qui viennent s'abreuver. Ceci entraîne l'éloignement des animaux du campement pour le pâturage. Le fait de rester loin du puits est une stratégie d'être plus proche du lieu de pâturage habituel des animaux. L'emplacement des tentes répond également à un souci de mieux surveiller les animaux.

    Pourtant une autre raison est sous entendue, la distance entre les ménages (entre les chefs de familles) permet de renforcer la cohésion sociale en évitant toute sorte de conflits sociaux. En effet, selon KAMIL H., 2005 : « pour rapprocher les coeurs, il faut éloigner les tentes ». Cette distance permet de plus d'éviter les combats des dromadaires mâles en ruth.

    D'une manière générale, c'est une conjonction de facteurs qui explique cette distance entre les tentes dont le plus important est la gestion et la préservation de pâturage. .

    Cette disposition des habitats n'est pas définitive. Elle change en fonction non seulement du pâturage, mais aussi des saisons. En effet, pendant la saison sèche et chaude les tentes sont installées au sommet des dunes, pour se retrouver dans les cuvettes pendant la saison sèche et froide. Dans certains cas le changement d'emplacement peut aussi intervenir si l'endroit devient sale.

    6 Chez les Toubou Teda, la distance se mesure en terme de cuvette. Elle équivaut environ à 3km.

    Photo N°5 : Tente familiale Teda

    II.5.3. Evolution du campement

    La création d'un campement s'organise autour d'un puits. L'importance du campement dépend du débit du puits. Un puits cimenté, généralement construit par l'Etat, entraîne la création d'un gros campement (Sidinga, Termit Dolé...). Les puits traditionnels quant à eux s'accompagnent d'un petit nombre de tentes (petits campements) comme par exemple Baboulwa, Forami, Dibidé... Les puits de types traditionnels possèdent un débit réduit et doivent être reconstruits tous les sept mois ainsi que désensablés et consolidés une fois toutes les deux semaines. Ce type de campement est composé généralement d'une même famille. En effet, à la base ce sont des frères qui foncent leur puits pour un souci d'indépendance en eau d'abreuvement. Tous les campements évoluent durant l'année. Cette évolution dépend de plusieurs paramètres. Lorsqu'un campement connaît un problème d'eau, il arrive que certains habitants quittent définitivement l'endroit pour s'installer dans un autre campement pourvu d'un puits à bon débit. Le manque de pâturage saisonnier ou non entraîne une migration temporaire ou définitive des pasteurs vers des zones plus riches en pâturage. Les déplacements définitifs se font toujours au sein de la communauté Teda, d'un puits Teda à un autre puits Teda.

    L'admission d'une famille au sein d'un campement se fait sur accord du chef de campement (Maïgari) et du comité des sages. Généralement ces derniers acceptent l'installation sans trop de difficultés. Cependant, il existe un droit d'exclusion du campement en cas de fautes graves. Les autres communautés lors d'une installation temporaire, se présentent au chef du campement. Ce dernier avant de donner son accord fait vérifier l'état de santé du troupeau par un membre du campement d'accueil. Dans le cas où les bêtes sont porteuses d'une pathologie, le pasteur peut se voir refuser la permission de séjourner. Cependant, le plus souvent, un accord est établi permettant au berger d'abreuver et de faire paître ses animaux de façon isoler. Pour éviter le risque de transmission par l'eau, les abreuvoirs utilisés par ces bergers étrangers sont désinfectés avec du savon.

    Pour le cas de Sidinga, le campement a évolué passant de dix familles à plus de soixante familles, de 2000 à nos jours. Cette évolution est notamment due à la réfection du puits traditionnel en un puits cimenté, effectuée grâce au Projet de Gestion des Ressources Naturelles (PGRN), en 2001. Cette année, durant le mois de juin 2005 plus de 25 familles sont venues du nord (Dibidé, Kenkedi, Daounga...) pour des raisons de pâturage. Cela montre que Sidinga est devenu cette année une zone de repli pour les populations du Nord. La cohabitation s'est faite sans aucun problème.

    Conclusion :

    Un campement selon sa position géographique peut connaître un accroissement de son effectif suite à la venue d'autres pasteurs pour des raisons de pâturage. C'est surtout pendant la saison des pluies que ce phénomène s'observe. La présence d'un puits à bon débit peut également expliquer ce phénomène pendant la saison sèche et chaude. La mobilité des ménages autour du puits répond d'une part à une stratégie des pâturages et de gestion d'espace et d'autre part pour éviter toute forme de conflit social entre les ménages.

    .

    III. Troisième partie : Réflexions autour de la

    décentralisation et la gestion des ressources

    « L'objectif n'est pas de construire des murs, mais de tenter de construire des ponts » - Jacques Chabert, entretien, juin 2005

    III.1. Eléments de la décentralisation et appréciations

    La relance du processus de reforme dont celle de la décentralisation au Niger date de la conférence nationale (29 juillet -03 novembre 1991). Mais c'est véritablement sous la troisième République (1993-1996) que ce processus de la décentralisation va s'exprimer. C'est ainsi que seront crées un Ministère chargé de la réforme administrative (1993), une commission spéciale chargée de réfléchir du découpage administratif (Arrêté n°10/ MRA/D du 16 mai 19947) et un haut commissariat à la réforme administrative et à la décentralisation (Décret n°95-132 du 15 août 1995). Les accords de paix avec les fronts de la rébellion (1995) et la pression des bailleurs de fonds ont été des facteurs importants et accélérateurs dans ce processus.

    Le premier schéma de 1998(loi 98-29, 98-30, 98-31 du 14 septembre 1998) a crée 73 communes (42 urbaines dont 21 déjà existantes et 31 rurales), 36 départements (anciens arrondissements) et 7 régions (anciens départements). Les anciens chefs lieux d'arrondissements sont érigés en communes urbaines et les postes administratifs en communes rurales.

    Après une transition militaire de neuf mois (1999) qui a consacré l'avènement de la 5ème république (2000), le schéma de 1998 est retenu et en plus il a été adopté le principe de la communalisation des cantons et de certains groupements. Deux importantes lois ont été votées pour encadrer la mise en oeuvre de la décentralisation et le transfert des compétences aux nouvelles collectivités. Il s'agit des lois 2002/012 du 11juin 2002 et 2002/013 du 11 juin2002.

    Les Etats, les organisations et les individus transforment les espaces et « produisent »
    des territoires. Historiquement, l'Etat est sans cesse en train d'organiser le territoire
    national, à travers de nouveaux découpages, de nouvelles liaisons et de nouvelles

    7 Celle-ci en 19986 avait proposé 14 régions, 55 départements, 155 arrondissements, 774 communes dont 156 urbaines et 618 rurales.

    frontières. La décentralisation au Niger est ainsi un processus définissant de nouveaux espaces. La délimitation territoriale informe d'une part sur le pouvoir qui l'a mise en place et d'autre part sur les intentions de ce même pouvoir. La création des limites administratives notamment dans le cadre de la décentralisation crée ou détruit souvent des cadres de vie sans qu'une intention consciente ait présidé à ces créations. « La frontière conditionne les systèmes de relations et par conséquent les territorialités humaines » (Raffestin, 1992 : 163). L'Etat garde le privilège de déterminer la taille et les limites territoriales des nouvelles collectivités locales décentralisées, ce qui s'avère particulièrement difficile dans des contextes pastoraux où l'occupation de l'espace par les communautés est fluctuante et où les aires de parcours se chevauchent. On peut ainsi s'interroger sur l'orientation que va prendre la décentralisation au Niger face aux communautés pastorales. Nos réflexions portent plus particulièrement sur la nouvelle commune rurale de Tesker.

    III.1.1. La nouvelle commune de Tesker

    Le Niger s'est engagé depuis plus d'une décennie dans un processus de décentralisation politique et économique et de régionalisation. Cette politique mise en oeuvre par l'Etat vise à donner aux collectivités territoriales de base, une certaine autonomie leur permettant de définir les normes de leurs actions et de choisir les modalités de leurs interventions. Ces collectivités comprennent les régions, les départements, les communes urbaines et rurales. Chaque échelon est une collectivité à part entière disposant d'une instance de décision élue chargée de la gestion des affaires locales. Au niveau de la commune rurale, l'instance de décision est le conseil communal (ou conseil municipal). Ce dernier est composé par les conseillés élus compris dans la sphère du territoire communal appartenant aux différents partis politiques. Tesker compte onze conseillers issus des élections locales de 2004.

    III.1.1.1. Le rôle du maire et des conseillers

    Dans la commune de Tesker, la gestion de cet espace implique des niveaux différents, à savoir d'une part les territoires des différentes communautés et, d'autre part, leur ensemble qui compose désormais un espace commun. La mission du conseil communal (le maire et dix conseillers) revient alors à harmoniser le développement au niveau de la commune en articulant d'une manière cohérente les pratiques et logique d'action de l'ensemble des communautés pour asseoir une gestion commune de

    l'espace pour un développement économique et social acceptable. Le maire jouit d'une double légitimité, il est reconnu par l'Etat et en même tant le représentant de la population. Il est responsable du développement de son entité administrative. Il doit être impartial dans le choix des actions à mener dans les différentes zones de sa commune. Le maire se présente comme un nouvel acteur sur la scène communale, pour une meilleure efficacité d'action il doit être en collaboration avec les structures traditionnelles préexistantes (chef des groupements, chef des tribus, les conseils des sages, les leaders d'opinion...) mieux, il part à leur rencontre en initiant des visites auprès des campements pour recueillir leurs avis.

    III.1.1.2. Rôle du chef de poste

    Le chef de poste est le représentant de l'Etat. Son principal rôle est de garantir la quiétude au sein de la commune. Il veille à l'ordre public. En effet, le chef de poste intervient dans la gestion des conflits. Ces confits traitent le plus souvent de problèmes d'héritage, des divorces (ce sont les femmes qui demandent généralement le divorce), les bagarres, les adultères, les meurtres et les vols (très fréquents). Quand un conflit éclate, s'il n'est pas réglé au niveau familial ou des campements, le chef de poste, réunit les familles concernées en passant par leurs chefs de tribus, leurs chefs de groupement respectifs et l'Iman pour le régler. Au bout de ce règlement, un procès verbal de conciliation tenant compte de règlement coutumier, est établi. Dans le cas où il n'y a pas eu d'entente, ce qui est peu fréquent, l'affaire est portée devant l'autorité judiciaire via la gendarmerie.

    Les forces publiques demeurent sous la responsabilité du chef de poste. Il a aussi à sa charge l'encadrement du maire sur le fonctionnement de la décentralisation. Le chef de poste doit veiller à ce que les actions rentrent dans la logique de l'Etat de droit8.

    III.1.1.3. Financement de la commune

    La commune de Tesker est composée d'une population typiquement pastorale et majoritairement analphabète. Leur conception et « vision » de l'Etat se résument à l'impôt et la force militaire. En effet, l'Etat semble peu présent dans l'ensemble de la zone. Cette absence se remarque à travers le seul et unique centre de soin basé à Tesker situé à plusieurs heures, voire à plusieurs jours de dromadaire des différentes localités.

    8 Tel qu'il est écrit dans les textes de lois du Niger

    Dans les zones septentrionales, il n'a été créé qu'une seule école datant des années 1980 à Bornaye et récemment en 2002, deux nouvelles créations à Sidinga et Kassatchia. La zone parait « oubliée ». L'effectif de la population n'est jusqu'à présent pas connu puisque la zone n'a jamais fait l'objet d'un recensement. Cette population ne semble pas comprendre (voir averti) la décentralisation. Lors de nos entretiens en juin 2005, les pasteurs assimilent la décentralisation à la taxe annuelle imposée par la mairie pour chaque puits. Cette taxe est appelée « argent du maire ». Certains pasteurs menacent de ne pas la payer car ils ne comprennent pas son fondement et son utilité. Cette méconnaissance du processus de la décentralisation suscite déjà un probable conflit entre le maire et les communautés.

    Les élus locaux doivent entreprendre une vaste campagne de sensibilisation pour expliquer à la population le fonctionnement de la décentralisation.

    Les réalisations communales nécessitent des moyens financiers. Lors de notre entretien avec le nouveau maire, il nous a évoqué quelques projets qu'il entend réaliser durant son mandat afin de « remplir » les caisses actuellement peu fournies. Ainsi sur les points d'eau, une taxe annuelle est établie par typologie des puits. C'est ainsi que tous les puits traditionnels au nombre de 200 sont taxés à 35.000Fcfa/an/puits, les 100 puits cimentés 50.000Fcfa et les 5 forages (Tesker, Aborak, Tidjira, Téheram et Zabétan) 500.000Fcfa. La taxe communale a été revue à la baisse passant de 800F cfa par personne imposable à 700F cfa. Cette réduction est du au fait qu'à Tesker la taxe du fonds régional de l'eau de 100F n'est pas perçue.

    En 2004, il y a 9871 personnes imposables dans la commune de Tesker. Cet effectif ne reflète pas la réalité, puisque la liste est entachée de beaucoup d'irrégularité. Pour faciliter l'échange, il sera créé un marché à Aborak, le premier marché de la commune.

    Dans le cadre du Fonds PPTE (pays pauvres très endettés) à travers le programme spécial du Président, la commune va bénéficier de dix puits cimentés qui seront repartis dans l'ensemble de la zone. En 2004, l'Etat nigérien a signé un accord de 10 ans de chasse pour les biches et outardes avec les Emirats Arabe et la Libye, concernant la zone de Tesker. Le maire essaye de créer un partenariat pour que la population profite de cet accord. Il entreprend de plus, un projet de jumelage de sa commune avec des communes au Niger et en Europe. L'intercommunalité avec les communes voisines pourrait jouer un rôle d'information et de régulation concertée et

    négociée concernant les grands mouvements de transhumance, notamment les mauvaises années. Elle pourrait également exercer un rôle de partage équitable des ressources fiscales autour des grands marchés à bétail (marché de la commune de Kazoé).

    III.1.1.4. Piste d'amélioration

    A travers notre connaissance de la zone nous allons essayer de faire des recommandations qui peuvent à notre avis, contribuer à une décentralisation « réussie ».

    Les réalisations à faire doivent prendre en compte les besoins réels des communautés pour qu'elles puissent en retour jouer pleinement leurs rôles dans ce nouveau système. Ces besoins sont en rapport avec les différentes contraintes liées à leur activité principale qu'est l'élevage. Dans l'ensemble, la zone souffre d'une inégale répartition des points d'eau d'abreuvement (puits cimentés et forages). Les forages sont concentrés au sud ouest de la commune au détriment du nord qui concentre le plus grand nombre d'animaux et où l'on trouve le plus grand nombre de puits traditionnels. Pendant la saison sèche et chaude l'abreuvement devient pénible pour les communautés vivant dans cette partie de la commune. Pour atténuer le problème, la création de trois forages à Boulakaw, Dougoulé et Kenkedi serait importante et équipés les campements stratégiques des puits cimentés. La construction de ces différents points d'eau devra être incontestablement accompagnée financièrement par la population bénéficiaire afin de s'assurer d'une bonne gestion de ces points d'eau. Les animaux de la zone souffrent des maladies, telles la fièvre aphteuse, le charbon symptomatique, les vers intestinaux, la pasteurellose, la gale, etc. qui peuvent parfois entraîner la mort d'animaux. Les autorités communales doivent ainsi penser à trouver une solution à ce problème de santé animale, par notamment l'établissement de centres vétérinaires stratégiquement localisés afin d'assurer à la population demandeuse un accès aux soins et produits. La mise en place de ces centres peut être accompagnée de formation afin de vulgariser dans un grand nombre de campements les techniques de soin rapides et la reconnaissance précoce de maladies.

    La mobilité pastorale est imposée par le caractère variable et aléatoire des conditions
    naturelles face auquel le pasteur doit s'adapter en permanence. Elle est la condition de
    survie et de développement de l'élevage extensif au Sahel et en particulier dans la

    commune de Tesker. Toutes les formes d'organisation politiques et administratives, anciennes ou modernes, préétatiques ou étatiques ont été bon gré malgré d'en tenir compte. La décentralisation à son tour ne peut pas échapper à cette constante. Bien plus, se définissant elle même comme une administration de proximité, la logique voudrait qu'elle soit encore plus attentive et ouvertes que les précédentes de façon à ce que les déplacements et les transhumances se déroulent dans les meilleures conditions. Et comme beaucoup de mouvements des pasteurs de Tesker sont transcommunaux surtout en année de déficit fourrager, c'est dans un cadre largement intercommunal que ces problèmes devront être posés et solutionnés. La commune de Tesker doit adapter son dispositif à la mobilité pastorale. Il serait préjudiciable de tenter de taxer les transhumants, le pacage des troupeaux étrangers, les caravaniers au risque du mécontentement de la population.

    Un des autres problèmes fréquents dans la zone reste le vol de bétail qui débouche le plus souvent sur des conflits meurtriers qui mettent en mal la cohésion sociale. Il semble alors pertinent de placer ce point dans les priorités à gérer, la cohésion sociale étant l'une des bases indispensables à une bonne décentralisation. Ce problème majeur peut être jugulé par la création d'une force communale composée de membres appartenant à toutes les communautés présentes dans la commune. La maîtrise du terrain, la connaissance des règlements particuliers à chaque communauté et la confiance des différents membres par leur communauté respective peut ainsi permettre une efficacité d'action.

    Certaines zones, comme nous l'avons soulignée précédemment, sont localisés très loin des zones d'échanges commerciaux. L'ensemble de la zone doit être équipée des marchés de proximité, par exemple, il parait stratégique de créer un marché à Sidinga, à Boulakaw, Dougoulé qui sont localisés à égale distance de zones très isolées. Ces marchés (hebdomadaires) doivent jouer le double rôle, de lieu de vente de bétail (très enrichissant pour la commune : taxe sur bétail vendu) et de lieu de vente de produit de base.

    Dans le but, d'une meilleure diffusion des difficultés rencontrées par les éleveurs,
    ainsi que la diffusion de nouvelle technique d'élevage ou autres points essentiels pour
    le bon développement de cette activité dans la zone, il parait intéressant d'encourager

    les éleveurs à intégrer des associations d'éleveurs (AREN, FNEN DADDO,...) déjà présentes.

    Le développement d'une filière lait par la création de coopératives peut être une solution au développement économique de la zone. L'excèdent de lait ne fait pas l'objet de vente dans l'ensemble de la zone.

    Afin de s'assurer d'une meilleure conservation de l'écosystème fragile de la zone, la commune doit inciter la population à pratiquer la reforestation. Le développement de cultures potagères peut permettre d'introduire parallèlement cette activité. Le triple avantage de ce système, est de permettre à la population d'avoir une alimentation plus variée, de bénéficier d'un revenu complémentaire (vente fruits et légumes) et de s'assurer un apport en bois suffisant.

    Toutes ces recommandations permettront à la nouvelle commune d'une part de mobiliser stratégiquement et équitablement des ressources financières indispensables à son fonctionnement et d'autre part de réduire les contraintes de la population.

    III.2. La gestion du foncier dans le cadre de la décentralisation

    au Niger

    Dans le contexte de la décentralisation, le Niger est en train de clarifier sa législation foncière et celle des droits d'accès aux ressources. En 1993, le Niger a adopté le Code Rural qui traite de façon explicite de l'attribution des terres dans le cadre de la notion de « terroir d'attache » ainsi que l'identification et la délimitation des pistes du bétail. Ces textes apportent aussi une plus grande reconnaissance des institutions foncières coutumières et des pratiques locales d'utilisation des terres, ainsi que la contribution importante du secteur élevage aux économies nationales et locales « Comme le foncier agricole repose sur le fond (la parcelle), le foncier pastoral repose sur les règles d'accès, le tout c'est de ne pas tout mélanger ! » (Jacques Chabert, entretien juillet 2005). La mobilité est clairement reconnue, tout comme la nécessité pour les éleveurs de jouir d'une sécurité foncière dans leur puits d'attache, il y a par ailleurs, une reconnaissance partielle des principes d'accès de tierces parties. Néanmoins, le degré avec lequel les pasteurs et agro-pasteurs sont informés des opportunités et des risques qu'offrent ces processus, est moins évident. A Tesker, les communautés n'ont pas connaissance de l'existence d'un Secrétariat Permanent du

    code rural à plus forte raison les textes existants. Le défi auquel font face actuellement les groupes pastoraux et agro-pastoraux est de dialoguer avec l'Etat pour faire en sorte que les lois existantes ou proposées soient adaptées à leur besoins, transcrites en langue nationale et de s'assurer qu'ils jouent un rôle central dans ce processus. Pour ce faire, on n'insistera jamais assez sur la nécessité de disposer d'une société civile pastorale et agro-pastorale, solide, active et représentative. Il est essentiel que les pasteurs eux-mêmes aient le pouvoir légal de jouer un rôle déterminant dans l'identification et la mise en oeuvre des politiques. Cette reconnaissance faite par le monde pastoral permet en effet de légitimer les lois et de les rendre applicables.

    La question de savoir qui devrait se charger de la gestion des parcours pastoraux a été la préoccupation des politiques d'aménagement des terres arides en Afrique, depuis que les pouvoirs coloniaux et les gouvernements post-coloniaux ont privé les groupes pastoraux du droit de gérer leurs ressources naturelles. Le Niger tente ainsi de clarifier des droits de jouissance et d'accès aux ressources naturelles dans le cadre plus large des politiques de décentralisation. Ce processus tente ainsi d'être élargi dans le but de clarifier les droits de jouissance et d'accès aux ressources pastorales en particulier à travers l'élaboration futur d'un code pastoral. De tel travaux mettent en évidence que le foncier pastoral concerne un espace particulier qui peut être défini comme une « étendue socialisée » (Pourtier, 1986) ou encore comme un espace fluide, « la fluidité définit la modalité des espaces à faible charge humaine : mouvants, instables, sans points fixes durablement ancrés dans la matière des lieux. Cela rend particulièrement difficile la saisie du « foncier ». Ces espaces fluides n'excluent cependant pas une cohérence des pratiques foncières ; au contraire, elles en résultent, ainsi qu'en témoigne l'analyse des relations que les hommes établissent avec l'étendue qui les environne et dont l'appropriation à la fois matérielle et mentale lui confère le statut d'espace » (Ibid. :11, cité par BOURD S., TIERS S., 2004).

    Il est ainsi nécessaire d'aborder le foncier pastoral en fonction de deux exigences fondamentales. La première consiste à considérer les droits fonciers pastoraux dans une perspective de pluralisme juridique. Ils supposent une pluralité de droits (ou maîtrise foncière) sur une pluralité d'espaces qui peuvent être des lieux ou des zonages déterminés par des itinéraires ou des parcours traditionnels ou reconnus coutumièrement « c'est l'enchaînement de ces droits sur des ressources au moins

    autant que sur les espaces qui assure la sécurité foncière du producteur » (André Bourgeot, 1999). Dan notre zone d'étude la règle d'accès au puits de saison sèche se résume à la réciprocité, le bon voisinage et le lien de parenté. L'accès au pâturage est libre mais en saison sèche et chaude, l'accès au puits conditionne celui du pâturage.

    La seconde consiste à reconnaître que c'est l'opportunité qui conduit l'activité pastorale, donc que toutes les solutions doivent s'inscrire dans un système ouvert, fluide et dynamique. De ce fait, le droit foncier pastoral doit se limiter à énoncer quelques principes généraux valorisant les exigences de précaution et de durabilité, doublés d'un cadre juridique définissant les forums de règlement des conflits, les règles de procédures et les conditions d'exécution des décisions. Toutes ces recommandations ont été approfondies dans l'ouvrage sur la sécurisation foncière en Afrique (Le Roy et al, 1996). Au niveau de notre commune d'étude toutes les décisions doivent tenir compte des pratiques coutumières existantes.

    III.2.1. La Commission Foncière communale(COFOCOM)

    Au Niger, la COFO (Commission Foncière), démembrement du code rural s'est vu attribuer le rôle de sécuriser le foncier et prévenir les conflits civils ruraux. La COFO représentera le code rural dans le cadre de la décentralisation. Elle sera représentée dans toutes les entités administratives de la région au village, coiffées par le Secrétariat Permanent sur le plan national.

    La COFO se constitue au niveau communal d'un président représenté par le maire, d'un service technique, un secrétaire permanent, de représentants de la population. Le service technique ainsi que le secrétaire permanent permettent ainsi d'assurer des orientations sur la gestion du foncier en accord avec la loi et loin d'éventuels partis pris. La COFOCOM (Commission Foncière Communale) se compose ainsi du droit moderne à travers le maire, secrétaire permanent et service technique, du droit coutumier et islamique à travers la chefferie traditionnelle (chef de groupement) et leader d'opinion présents au sein de la société civil.

    Son rôle est ainsi aider la commune à mettre en place un schéma d'aménagement communal approprié au contexte de la zone et de véhiculer « l'esprit de la loi ». Son rôle se limite à un rôle d'arbitrage (pas de jugement). Elle peut être cependant prise en partie par le juge pour donner son avis. Avant toute utilisation d'une cuvette pour la

    construction d'un puits par une communauté, celle-ci doit ainsi demander l'aval de la COFO, lors d'une réunion regroupant les chefs de regroupement concernés, les chefs de tribus et les demandeurs. Cet accord respectera le droit coutumier, le droit Islamique et le droit moderne.

    III.2.2. Les difficultés foncières

    La commune de Tesker doit ainsi faire face à de nombreux problèmes récurrents dans les zones pastorales, tels les champs pièges9, les puits privés, limitant les espaces de pâturage et la circulation libre des troupeaux avec risques d'appropriation d'espaces pastoraux. En effet, il est constaté dans la zone de repli, une augmentation des parcelles cultivées dans les fonts de cuvettes fertiles, tant par les pasteurs eux-mêmes que par la montée d'agriculteurs (agro- pasteurs). La présence de puits privés entraînant avec elle la privatisation des pâturages environnant, est de même un problème d'une importance majeure auquel va devoir se confronter la future COFOM de Tesker. Il semble inévitable aujourd'hui de trouver une solution à ces évolutions afin d'éviter de graves conflits pouvant se révéler dramatique.

    9 C'est un champ qui bloque ou limite l'accès par les animaux aux ressources pastorales (eau et ou pâturage).

    Conclusion

    Le pastoralisme est ainsi basé sur les ressources, l'accès aux ressources et l'information.

    L'étude que nous avons menée sur le pastoralisme et l'organisation spatiale au Niger oriental, nous a permis de mettre en évidence plusieurs espaces imbriqués les uns dans les autres dont la fluidité dépend soit des alliances (réciprocité, bon voisinage, liens sociaux, mariages...), soit des conditions climatiques (bon pâturage). L'espace d'une communauté peut être fermé à une autre si celles-ci sont en conflit. Mais aussitôt que la paix est retrouvée ces espaces deviennent des espaces ouverts. L'accès aux ressources est régit par le droit de priorité d'usage, mais sans refus de partage avec les autres. Pour reprendre le propos d'un sage Teda « Nous sommes des pasteurs, nous avons la même activité et de plus nous sommes musulmans, il nous est recommandé de partager tout ce que l'on a avec les autres, pourvu qu'il soit musulman ! ».

    A travers l'historique du peuplement, nous avons pu comprendre l'origine de la disposition actuelle des communautés présentes dans la zone. L'historique de la chefferie nous a permis de mettre en évidence l'organisation politique des Toubou Teda faisant apparaître un espace symbolique fort avec des haut-lieux.

    Les marques imposées sur les troupeaux renseignent sur l'organisation clanique et audelà, de leur « espace d'influence » au Niger et pays voisins. L'emprunt des marques traduit le poids du pouvoir politique des Teda au sein de toutes les communautés.

    Les conflits informent sur les limites « temporaires » que connaît l'espace Teda et sur une partie de leur « espace social » à travers le règlement coutumier. La compréhension de la mobilité marque un espace saisonnier mouvant et variable suivant les alliances et composition du pâturage. Elle s'accompagne d'échanges économiques, du renforcement des liens sociaux et d'échange d'information. L'information se révèle une base indispensable au maintien de leurs activités.

    Cette superposition d'espace révèle toute sa complexité notamment au travers la mise en place de la décentralisation. En effet, cet espace aux frontières floues et changeantes, doit désormais s'insérer dans un nouvel espace administratif. Le foncier pastoral, sujet à de grandes controverses, est de même un point important à résoudre pour assurer une décentralisation « réussie».

    Dans l'ensemble de l'étude nous arrivons à la conclusion selon laquelle l'animal est le médiateur de l'homme. Tout se décide et s'exécute autour de l'animal. L'animal est ainsi l'un des fondements majeurs de l'espace pastoral.

    Projet de thèse

    Dans le cadre de nos travaux de thèse, nous nous proposons d'approfondir nos analyses sur le thème suivant : pastoralisme et organisation de l'espace dans la zone pastorale de la région de Zinder (les communes de Tesker et de Tanout).

    1) Le contexte de la recherche

    Le Niger est situé dans la zone sahélienne d'Afrique, il couvre une superficie de

    1.267 000 Km2 occupée par 10 790 352 habitants (RGP/H, 2001). Son économie repose essentiellement sur l'agriculture et l'élevage pratiqués principalement en milieu rural. Toutefois, ces activités sont fortement tributaires du climat Sahélien qui se caractérise par une irrégularité et une inégale répartition des pluies dans le temps et l'espace. Dans ce contexte de conditions climatiques très aléatoires, les pasteurs nigériens ont adopté la mobilité comme un moyen de pérennisation et de développement de l'élevage. Ainsi, malgré les contraintes naturelles l'élevage a eu un essor remarquable. En effet, sa contribution au PIB du Niger est passée de 67,71 milliards de FCFA en 1992 à 108,437 milliards de FCFA en 1998 (Document de relance sur le secteur de l'élevage MRA, 2001). Le secteur de l'élevage représente environ 35% du PIB agricole, toutefois, les produits de l'élevage constituent 70% des exportations soit près du double des produits agricoles. Ainsi, les produits de l'élevage occupent aujourd'hui le second rang des principaux produits nationaux exportés juste après l'uranium.

    Le secteur de l'élevage était essentiellement géré par des structures traditionnelles de pasteurs. Mais, depuis Juillet 2004, une nouvelle organisation du milieu rural a été mise en place avec la création de nouvelles instances de prise de décision par la politique de décentralisation. Dans ce nouveau contexte de juxtaposition des structures deux grandes questions auxquelles nous tenterons d'apporter des réponses restent posées : (i) quel rôle joueront les pasteurs dans les nouvelles instances de prise de décisions, et sur la recomposition de l'unité territoriale tant sur le plan politique et social que sur le plan de l'organisation spatiale ? (ii) quelles sont la validité et la pertinence des concepts géographiques utilisés par les projets de développement et les autorités nigériennes pour caractériser les systèmes pastoraux autour notamment de la rénovation du code rural et de l'élaboration du code pastoral dans le processus de la décentralisation ?

    Nous proposons donc au cours de ce travail de thèse de nous intéresser plus particulièrement aux communautés pastorales de la région de Zinder. En effet, la zone de Zinder abritait d'importantes structures traditionnelles pastorales avec une grande diversité de communautés pastorales allant des Touarègues, des Peuls, des Arabes aux Toubous Dazza en passant par les Toubou Teda éleveurs des dromadaires. Par ailleurs, Zinder est une des régions du Niger qui abrite une très grande partie de la population et où cohabitent des pasteurs et des agriculteurs.

    2) Présentation de la zone d'étude

    Notre zone d'étude est la région de Zinder en particulier les communes situées dans la zone pastorale du Niger comme définie par la loi n°61/005 du 26 mai 1961. Cette loi a fixé la limite nord de culture au 15ème parallèle. Il s'agit des communes rurales de Tanout et de Tesker. La particularité de cette zone est qu'elle est enclavée, et se caractérise par la raréfaction des ressources naturelles avec une saison des pluies très courte (deux mois) et des précipitations moyennes n'atteignent jamais 250 mm/an. Ce-ci rend très difficile l'élevage qui constitue la principale activité de la population. Cette zone abrite au total six communautés pastorales : les Toubou Teda, Les Toubous Dazza, les Toubou Azza, les Peuls, les Touarègues et les Arabes. Toutes ces communautés vivent essentiellement de l'élevage des bovins, des dromadaires, des ovins et des caprins.

    3) Les objectifs Ce projet de thèse a pour objectif :

    > de faire une typologie des différentes organisations socio-spatiales (traditionnelles et administratives) rencontrées dans la région de Zinder, les confronter et les analyser.

    > de définir les concepts géographiques liés au pastoralisme et validés par les pasteurs de notre zone d'étude.

    > de proposer une lecture socio-spatiale en mettant en évidence les différences entre les sociétés pastorales et les relations qu'elles entretiennent entre elles et avec les autres sociétés notamment agropastorales et agricoles

    > de faire ressortir les différentes stratégies d'occupation de l'espace et leur dynamique actuelle

    > de mettre en évidence les nouveaux enjeux du foncier pastoral dus à la décentralisation (les problèmes et les contraintes).

    4) Les hypothèses de travail

    Pour mieux aborder notre étude nous avons élaboré quelques hypothèses :

    ? L'espace pastoral est l'ensemble des lieux ressources reliés par le terrain de parcours où s'exprime le droit foncier du pasteur

    ? L'espace pastoral est un espace défini et viabilisé par des règles d'accès et un réseau d'informations dense et continu

    ? Le territoire d'une communauté pastorale se définit au travers un ensemble de sous territoires qui se transforment au cours de l'année et de l'histoire

    ? Le territoire d'une communauté pastorale est ouvert aux autres communautés pastorales régit par le principe d'alliance

    ? Les unités pastorales émergentes peuvent être un cadre viable pour le développement intégré des sociétés et l'épanouissement de l'économie pastorale

    ? Le processus de la décentralisation va accélérer la restriction de l'espace pastoral à travers la limitation de la mobilité pastorale d'une part et de l'autre avec l'émergence d'une nouvelle classe des éleveurs commerçants

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    Guide d'entretien

    Comment est organisé l'espace chez les pasteurs au sein du puits de saison sèche ? Quelle est la marque territoriale chez les pasteurs ?

    Transhumance

    Quels sont les différents types de transhumance.

    Quels sont les paramètres de la transhumance ?

    Quelles sont les dates de départ et de retour de la transhumance et pourquoi ?

    Quelle sont les pratiques pendant la transhumance (au niveau de l'abreuvement et du pâturage) ?

    Quelle est la relation avec le site d'attache (approvisionnement) ?

    Lors de la transhumance qui reste au campement (hommes et animaux) et comment s'organisent-ils (au niveau du pâturage et de l'abreuvement) ?

    Quels sont les noms des centres d'accueil ? Pourquoi ceux là et pas d'autres ? Existe t-il des conflits lors de la transhumance ? Quels en sont les motifs ?

    Quelles sont les communautés présentent sur les zones d'accueil des transhumants ? Quels types de relation entretiennent-ils entre eux ? Quels sont les paramètres qui entraînent le changement d'un centre d'accueil ?

    Le parcours de la transhumance est-il adapté ?

    Quelles sont les espèces appétées par les animaux au centre d'accueil et au campement ? Y-a-t-il eu des années sans mobilité et comment les pasteurs l'ont vécu ?

    Point d'eau

    A qui appartient le point d'eau ? Comment est-il géré ? Quelle est l'importance du puits ? Comment se fait le partage du puits avec les autres communautés allochtones ?

    Campement

    Qui dirige le campement ? Qui détient la réalité du pouvoir ? Quelle est l'évolution du campement ? Qui vient et qui quitte et pourquoi ? Pourquoi les ménages sont disposés en une sorte de cercle autour du puits ? Une tente est-elle un ménage ? Il y a combien de ménages à Sidinga ? Cette disposition est -elle définitive ? Pourquoi ?

    Echanges

    Quels sont les marchés fréquentés et pourquoi ? Quels sont les différents types de transactions hors marché et comment se font elles ? Quels sont les autres lieux fréquentés et pourquoi ?

    Relations sociales

    Quels sont les différents types d'alliance ? Avec quelle communauté l'entretient-elle ? Avec quelles communautés ont les Teda les rapports de réciprocité ? Existe-t-il des conflits ? Quels sont les motifs ? Comment sont-ils réglés ?

    Echange d'information

    Comment circule l'information. A quoi sert l'information. Quelle sont les sources d'information (marchés, familles, voyage, éclaireurs ou autres)






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo