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Le Bien chez Saint- Thomas d'Aquin

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par Vivien Hoch
Institut catholique de Paris - Licence 2008
  

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IV) L'ETRE OBJET D'AMOUR26(*)

A ce stade de notre étude, l'Univers apparaît comme un ensemble d'individualités animées par la convoitise de son propre bien. L'appétit individuel classifie et discerne les réalités qui se présentent et à partir de cela, l'intellect retient, sous le nom de bien, ce qui formera le sujet au bonheur. Cet ego-agathon peut sembler être une réduction de l'homme à un être renfermé sur lui-même, sur son propre bonheur. C'est oublier que l'homme est également définit comme un animal social27(*), et la notion qui marque cette ouverture décisive est, à notre sens, l'amour.

L'amour (amo, dilectio, caritas) est la cause de tous les mouvements internes ou externes de l'être humain. Il comprend en lui, toute forme d'appétit, qu'il soit sensible ou rationnel, mais ne se réduit pas à eux. Quelle est la corrélation entre l'amour et le bien ? Ce sont tous deux des notions analogiques, des transcendantaux, et Dieu les possède en absolue plénitude : ce qui veut dire que la béatitude, en tant que connaissance de Dieu, est le Bien suprême de l'homme, mais que l'amour de Dieu est partie constituante de la béatitude, car c'est le propre de l'homme que d'aimer ce qu'il juge comme bien, et plus encore lorsque ce bien le dépasse infiniment. L'amour est aussi le principe premier de tout mouvement de la volonté ou d'une faculté appétitive quelconque vers le Bien : "l'amour a rapport au bien en général, qu'il soit possédé ou non. C'est donc l'amour qui est par nature l'acte premier de la volonté ou de l'appétit". (Somme théologique, I pars, Qu. 20, art. 1, concl.). L'amour n'est donc pas seulement une passion, mais en tant que l'objet de la connaissance est l'être, et lorsque cet être est objet d'un sujet sous la modalité de l'agir, il l'est en vertu de l'amour. L'amour, en sa dimension de principe des actes humains, est alors le fondement de toute morale. Il n'y a rien qui se fasse sans amour, et il n'y a pas de bien s'il n'est aimé auparavant. L'amour est donc principe de l'agir en général. Nous ne pourrons ici nous étendre sur l'amour en ses cas particuliers, car il y a en fait autant de qualités d'amour que de qualités de bien : l'amour porte vers le bien, mais reçois sa dignité du bien vers lequel il porte ; par exemple l'amour qu'un être porte à une femme est plus estimable, pour saint Thomas, que l'amour que ce même être porte à la choucroute.

De plus, la notion d'amour introduit de l'altérité et de l'éthique (éthicorum) dans les comportements moraux, et qu'elle se substitue28(*) en quelque sorte la perfection vertueuse et nécessaire au bonheur qu'est l'amitié, notion développé par Aristote dans les livres VIII et IX de l'Ethique à Nicomaque, car elle ne suppose plus l'amitié, mais l'inclue, à la manière dont le supérieur (le tout) inclus l'inférieur (la partie). La notion d'amitié se retrouve donc prise dans un tout plus vaste qu'elle-même : l'amour. En effet, aimer quelque chose dans l'ordre du bien honnête, c'est lui vouloir du bien : "l'amour consiste principalement en ce que l'ami veut du bien à celui qui aime." (Somme contre les gentils, III, XC). L'amour ouvre donc le bien humain à une nouvelle dimension : celle de l'autre, car une des signification philosophique du verbe est aimer, c'est le partage de ses perfections individuelles et de ses vertus à un autre. En tant que principe formel des affections et des appétits, l'amour permet à l'homme de nouer des liens entre lui et l'ensemble des réalités - l'autre compris, qui l'entoure : il devient ainsi un élément fondateur de la civilisation et de la culture. Nous avons développé jusqu'ici une conception ego-centrique du bien en tant que bien pour le sujet humain, la notion d'amour, en tant que principe extatique (dans ses formes supérieures), ouvre l'être humain et son bien propre à l'autre et son bien à lui.

L'amour volontaire n'est pas spécifié et formellement déterminé par le bien individuel, mais par le Bien. Sa supériorité, c'est précisément d'atteindre ses objets en leur raison de bien (sub-ratione boni), parce qu'elle est éclairée par une connaissance qui atteint l'être sous sa raison d'être (sub ratione entis) : l'amour est donc dans un lien de dépendance avec la connaissance. C'est l'amour rationnel, ou volontaire (il se nomme alors dilectio). Il devient un pouvoir psychologique autonome par rapport à l'appétit sensible : ce dernier n'étant qu'un bien en vertu de l'ordre ontologique du sujet, c'est à dire ce qui lui convient en propre alors que la dilectio est une réalité psychologique autonome car reposent sur l'intellect et le libre-arbitre29(*). Il en résulte que cet amour est amour de soi mais essentiellement « amour objectif » ; il surpasse l'appétit, le désir ou la convoitise, tout en les incluants, et il est « hommage » au bien comme bien, il est «présence au bien». Il émane du sujet aimant, mais il se termine au bien lui-même. Dans cette perspective, un amour désintéressé ne fait aucune difficulté ; et un amour désintéressé prend son objet dans sa qualité de bien honnête.

L'amour pousse donc au bien, en sa qualité de puissance motrice, il permet une constance dans la recherche vertueuse du bien, en sa qualité de puissance appétitive rationnelle ou plutot rationalisée, et il permet d'ouvrir la sphère purement individuelle de la recherche et de la jouissance du bien à une sphère élargie à l'autre, individu ou communauté, en tant qu'aimé. De surcroît, le bien particulier est inférieur au bien politique ou communautaire, et plus encore, il y tend : "Le bien particulier tend au bien commun comme à sa fin (...) de là, le bien de la communauté est plus divin que celui de l'individu" (Somme contre les gentils, III, XVII). Ainsi, selon notre interprétation, le bien se diffuse à travers toutes les réalités qui entourent l'être humain sous la modalité de l'amour  (c'est tout le sens du bonum diffusium de saint Thomas), et prend par là même le rôle de principe fondateur de toute sociabilité et de toute vie communautaire : la vie de famille, la vie sociale, la vie politique et même tout rapport singulier d'un individu à l'autre qui ont une visée constructive et bonne reposent sur l'amour en tant qu'il est partage de bien, de toutes les formes par lesquelles on peut entendre le mot bien (bien matériel, utile, agréable, intellectuel, intéressé, vertueux, jouissif, etc...).

* 26 Cette brève partie repose surtout sur une interprétation personnelle de Saint Thomas d'Aquin et est par conséquent discutable tant sur le fond que dans la forme. Ce n'est donc pas une explication "canonisée" ou "sécularisée" de Saint Thomas qui sera exposée ci-dessous.

* 27 Saint Thomas le retient d'Aristote dans son commentaire du premier livre de la Politique d'Aristote.

* 28 substitution, mais surtout sursumation à une supériorité indéniable : l'amour a cette puissance et cette surnaturalité qui en fait un principe premier de tous les actes, contrairement à l'amitié, purement humaine.

* 29 intellect et libre-arbitre sont les deux caractéristiques propres à l'homme e tqui vont donc demeurer avec l'âme après la mort corporelle. Ces deux caractéristiques sont les conditions de l'amour.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote