TRAVAIL PRATIQUE D'HISTOIRE DE LA LANGUE
FRANÇAISE
Dans le présent travail, nous dégageons les
caractéristiques morphologiques du français contemporain. Les
lignes qui suivent sont le résultat de nos recherches en
bibliothèque.
Par morphologie, nous entendons
l'étude de la forme des mots. Cela dit, nous ne traitons nullement ici
du sens des mots, mais plutôt de leur forme.
Grâce à l'avènement d'Hugues Capet et
à l'extension progressive du domaine royal, ce fut le dialecte de
l'Ile-de-France, le francien, puis le français, qui
peu à peu détrôna les autres. Le 15 août 1539,
l'ordonnance de Villers-Cotterêts, de François Ier, impose le
français comme langue administrative officielle. A la
même période, la Pléiade, avec Ronsard et Du Bellay,
donnait au français la consécration d'une langue
littéraire.
Le vocabulaire français se compose de quelques dizaines
de milliers de mots sans que l'on puisse déterminer ce nombre avec
précision à cause d'une foule de termes techniques ou autres, de
néologismes, d'archaïsmes dont on ne peut toujours dire avec
certitude qu'ils ont ou non droit de cité dans la langue
française.
D'ailleurs le nombre des mots de la langue varie d'un moment
à l'autre selon que certains naissent et d'autres meurent, selon que des
nouveaux mots apparaissent et des vieux mots tombent en
désuétude. Des mots naissent, vivent et meurent, il en est
même qui ressuscitent. Les uns sont très résistants et
dureront vraisemblablement autant que la langue ; certains n'ont qu'une
vie éphémère ; d'autres, au cours de leur vie, ont
changé de forme, et non seulement dans la langue parlée, mais
même dans la langue écrite. Et il n'y a pas que leur corps (forme)
qui se modifie, leur âme (sens) aussi varie.
LES CARACTERISTIQUES MORPHOLOGIQUES DU FRANÇAIS
CONTEMPORAIN
La langue française contemporaine comprend 10 parties
du discours dont 5 sont variables (noms, adjectifs, déterminants,
pronoms et verbes) et 5 invariables (adverbe, préposition, conjonction,
interjection et les introducteurs).
Les formations françaises sont des innovations dues aux
locuteurs français eux-mêmes, ordinairement à partir des
mots préexistants, ceux-ci pouvant soit appartenir au fonds primitif,
soit être des emprunts, soit encore être eux-mêmes des
formations françaises obtenues soit par dérivation, soit par
composition, soit par siglaison, soit par troncation, soit par changement de
catégorie, soit par suppression de la désinence verbale, soit par
transformation de la base en participe présent, soit par transformation
de la base en participe passé, soit enfin par création ex
nihilo.
I. LE FONDS PRIMITIF
Ce fonds est constitué par des mots de triple
origine : latine, celtique, germanique.
Le vocabulaire français fut formé
originairement : de mots du latin populaire (comme fonds principal),
importés en Gaule par les soldats, les marchands et les magistrats
romains ; de mots celtiques (ou gaulois), assez rares, restes de la langue
indigène ; de mots étrangers (surtout germaniques) dus aux
invasions des Francs, des Normands, etc.
a) Mots d'origine latine : ces mots
appartenant soit au latin classique, soit au latin populaire sont
extrêmement nombreux. Ils constituent le squelette, l'armature même
du français. Ce sont des noms (âme, corps, père,
arbre, ciel...) ; des adjectifs qualificatifs (bon, beau, fort,
jeune...) ; des adjectifs numéraux, démonstratifs,
possessifs ; des verbes (être, avoir, lire, dire...) ;
des pronoms personnels, démonstratifs, relatifs, interrogatifs ;
et tous les mots invariables.
b) Mots d'origine celtique (gaulois) :
mots peu nombreux, moins de cent, (alose, alouette, arpent, bec, braie,
char, charrue...). On peut aussi y ajouter les mots repris par les
érudits modernes : barde, druide, sylphe, etc.
c) Mots d'origine germanique (ancien
allemand) : mots assez nombreux, deux cent quatre-vingts environ,
dus à l'invasion franque en Gaule et à l'établissement des
dynasties mérovingienne et carolingienne. Ils ont trait surtout
à : la guerre ou la chasse (balafre, baudrier, guerre,
sénéchal, maréchal, dard, hache, heaume...) ; la
navigation ou la pêche (nord, sud, ouest, falaise,
havre...) ; la vie rustique (aune, botte, coiffe, cotte, cruche,
houe, houseau...) ; la vie officielle (beffroi, échanson,
échevin, fief...)
A. L'EMPRUNT LINGUISTIQUE
Au fonds primitif, relativement restreint, se sont alors
ajoutés, au cours des siècles, des apports successifs
d'éléments nouveaux dus à des causes multiples :
politiques et sociales, économiques, littéraires ou
scientifiques...
1) Mots empruntés au latin
Formation populaire et formation savante - Doublets
Le vocabulaire français emprunté au latin a une double
formation :
1° Une formation lente, irréfléchie,
anonyme, due à la langue parlée par le peuple, et dite
formation populaire :
2° Une formation scientifique, réfléchie,
consciente, tirée par les érudits des XIVè, XVè et
XVIè siècles des textes écrits, et dite formation
savante.
Certains mots d'origine populaire s'éloignant parfois
beaucoup du mot étymologique latin, les érudits, surtout à
l'époque de la Renaissance, ont tiré de ce mot latin un autre
terme. De là, des mots d'apparence différente, mais de même
étymologie et de sens voisin, quoique distinct, l'un de formation
populaire, l'autre de formation savante : on les appelle des
doublets.
Ex : Le latin a donné en forme populaire :
en forme savante :
Fragilem frêle fragile
Augustum août auguste
Claviculam cheville clavicule
Cumulare combler cumuler
Examen essaim examen
Hospitale hôtel hôpital
Ministerium métier ministère
Mobilem meuble mobile
Navigare nager naviguer etc.
Officinam usine officine
Porticum porche portique
Sacramentum serment sacrement
N.B. : Pour l'oeil, dans
l'écriture, le mot savant semble très rapproché
du mot latin qu'il calque pour ainsi dire. Mais pour l'oreille et dans la
prononciation, c'est le mot populaire qui reflète le mieux le
mot latin, parce que le mot populaire conserve l'accent tonique
sur la même syllabe qu'en latin, tandis que le mot savant le
déplace souvent. Ainsi le populaire frêle a l'accent
tonique sur frê, comme le latin fragilem l'avait sur
fra, tandis que le savant fragile a l'accent sur
gi.
Notons que beaucoup de mots tirés du latin ont
été à peine modifiés dans leur terminaison par les
savants. C'est le cas de :
· Noms
en eur (lat. orem) : masc. :
acteur, chateur, moniteur, orateur, rhéteur, etc.
fém. : ardeur, chaleur, douleur, ferveur,
etc.
en té (lat. tatem) :
fém. : charité, liberté, piété,
vanité, etc.
en ance ou ence (lat.
entiam) : fém. : arrogance, confiance,
créance, croyance ; éloquence, opulence, patience, science,
etc.
en tion(lat. tionem) :
fém. : addition, élection, faction, potion, etc.
en ure (lat. uram) :
fém. : armature, dictature, nature, peinture, etc.
· Adjectifs
en aire (lat. arium) : agraire,
contraire, scolaire, téméraire, etc.
en ain (lat. anum) : humain, romain,
urbain, etc.
en eux (lat. osum) : fameux, glorieux,
ingénieux, etc.
en if (lat. ivum) : actif, captif,
natif, passif, etc.
en ile (lat. ilem) : agile,
débile, docile, facile, fertile, etc.
· Verbes
en er (lat. are) : aimer...
Toutefois, un certain nombre des mots latins sont passé
tels quels en français : soit des mots simples ( accessit,
agenda, album, aquarium, criterium, extra, gratis, interim, maximum, memento,
minimum, pensum, quasi, vivat) ; soit des expressions (de visu,
intra muros, post-scriptum, vade-mecum, etc.)
2) Mots empruntés au grec
Beaucoup de mots français ont été
empruntés au grec : les uns indirectement, c'est-à-dire par
l'intermédiaire du latin qui les avait lui-même empruntés
(baptême, beurre, blâmer, bourse, chaire, chambre,
châsse, évêque, huître, moine...) ;
les autres directement, presque calqués sur le mot grec
(amnésie, aphone, caractère, cycle,
euphémisme, évangile, fantaisie, hécatombe,
hégémonie, holocauste, idée, horoscope, hymen, idole,
iconoclaste, lycée, musée, nautique,
philosophie...)
Par ailleurs, les savants ont enfin soit
emprunté directement au grec, soit composé à l'aide de
mots grecs une foule de termes scientifiques correspondant au
découvertes et aux besoins modernes (anthropophage,
autographe, bibliographie, chlore, épitaphe, gastralgie,
épizootie, hiérarchie, héliogravure, métamorphose,
névralgie, orthopédie, typographe...)
3) Mots empruntés aux langues
modernes
1° A l'allemand moderne :
termes militaires (bivouac, cible, fifre, halte, képi,
lansquenet, obus, reître, sabre...) ; termes d'institutions, de
produits (bourgmestre, burgrave, margrave... ; bock, choucroute,
kirsch, vermouth...) ; termes d'usage ou familiers
(espiègle, huguenot, loustic, mastoc, trinquer, vampire, vasistas,
zinc...)
2° A l'anglais (depuis le XVIIIe
s.) : termes politiques, d'institutions, de moeurs, de technique
(baronnet, blackbouler, budget, chèque, club, comité,
détective, flirt, gentleman, guinée, hourrah, jury, lord,
meeting, mess, pamphlet, quaker, reporter, speech, sterling, verdict,
warrant...) ; termes de navigation (brick, cabine, commodore,
cotre, dock, flibustier, loch, paquebot, péniche, schooner, sloop,
steamer, stopper, tonnage, yacht...) ; termes d'habillement, de mode,
de toilette (carrick, cold-cream, dandy, flanelle, macfarlane,
modern-style, moire, plaid, redingote, sélect, shake-hand,
snob...) ; termes de jeux, de turf, de sports (boston, bridge,
crack, dancing, football, forfait, gigue, handicap, jockey, knock-out,
partenaire...)
3° Au néerlandais (hollandais et
flamand) : termes de marine et de pêche (amarrer,
beaupré, cambuse, digue, dune, foc, matelot, stockfish...) ;
termes techniques ou de produits (bitter, brandevin, brodequin, colza,
frelater, houblon, vacarme, vilebrequin...).
4° A l'espagnol (surtout depuis le XVIe
s.) : termes d'institutions, de moeurs, d'usages, de produits
nationaux (algarade, andalou, boléro, brasero, camarade, camarilla,
camériste...) ; termes empruntés à
l'espagnol, mais d'origine arabe (abricot, alcade, alcarazas,
alcôve, épinard, mosquée...) ; termes
empruntés à l'espagnol, mais d'origine américaine
exotique (alpage, cacao, condor, goyave, hamac, maïs, nopal...).
5° Au portugais (mots d'origine
européenne, africaine, américaine, asiatique) : acajou,
albinos, bambou, banane, pintade, coco
6° A l'italien (très nombreux
mots - un millier environ - empruntés surtout au XVIe s.) :
termes d'institutions, de moeurs, de métiers (altesse, artisan,
banque, bouffe, bouffon, camerlingue, catafalque, charlatan, loterie,
machiavélisme, majordome, sbire, tombola...) ; termes des
produits nationaux (cantaloup, céléri, cervelas,
sémoule, frangipane, riz...) ; termes de guerre, d'escrime
(alerte, artillerie, bombe, bataillon, brigade, camp, canon, colonel,
embuscade, espion, escarmouche, sentinelle, pistolet, soldat, solde,
fantassin...) ; termes de marine (accoster, boussole, cap,
caravelle, frégate, escadre, golfe, pilote, torpille...) ;
termes de l'architecture (arabesque, arcade, balcon, façade,
coupole, dôme, piédestal, balustrade, corniche...) ;
termes de musique (adagio, alto, andante, ariette, arpège,
cadence, barcarole, diva, duo, crescendo, contralto, concert, solo, soprano,
ténor, trémolo, violon, trille, mandoline, solfège,
opéra...) ; termes de théâtre et
divertissement (ballet, cantonade, carnaval, casino, fantoche,
impressario, intermède, polichinelle, travesti...) ;
beaux-arts (aquafortiste, aquarelle, aqua-tinta, caricature, dessin,
dessinateur, estampe, filigrane, modèle, stuc, pastel...)
7° Au hongrois : dolman, hussard,
pandour, shako, soutache...
8° Au slave (russe, polonais) :
astrakan, boyard, calèche, cosaque, knout, mazurka, polka, steppe,
troïka, tsar...
9° A l'arabe (en dehors de ceux qui sont
venus par l'espagnol) : Allah, alchimie, alcool, alambic, algèbre,
calife, café, carat, sirop, razzia, zénith, tabouret, talisman,
tambour...)
10° Au turc : aga, bergamote, bey,
chacal, colback, kiosque, odalisque, ottoman, yatagan...
11° A l'hébreu : alleluia,
amen, chérubin, jubilé, messie, Pâques, sabbat,
géhenne, séraphin, éden...)
12° Au persan : azur, babouche,
caravane, carquois, divan, douane, châle...
13° Aux langues indochinoises :
brahmane, jungle, jute, bonze, aucuba, thé, typhon...
14° Au malais, et aux langues
océaniennes : atoll, bambou, kangourou, mangue, orange...
15° A diverses langues d'Afrique :
baobab, bamboula, chimpanzé, zèbre, sagaie, macaque...
16° A divers dialectes
français :
Ø Provençal
(très nombreux) : (- ade ; en prov. - ada) aubade,
barricade, charade, brandade, muscade... ; aubergine, bastide, bastille,
chavirer, troubadour, cadastre, cadenas, câble...
Ø Normand-picards :
bouquet, caillou, caboche, canevas, troquer, ducasse...
Ø Wallon : faille,
houille, escarille...
Ø
Franco-suisse (Suisse romande, Forez,
Bresse...) : avalanche, chalet, glacier, goitreux...
Outre ce procédé, l'emprunt linguistique, il
existe plusieurs autres procédés de création lexicale en
français. Procédés qui justifient la différence de
forme que l'on rencontre dans les mots français. Il s'agit entre
autres de : la dérivation, la composition, la réduction
(la troncation et l'argot), la siglaison (acronymes...), le changement de
nature et les créations ex nihilo (onomatopées) ...
A. LA DÉRIVATION
Les formations résultent aussi de la dérivation,
c'est-à-dire de l'ajout d'un affixe (suffixe ou
préfixe).
1) La dérivation suffixale
Elle consiste dans l'ajout d'un suffixe à une forme
déjà existante, considérée comme radical.
Ci-dessous, nous énumérons les principaux suffixes que l'on
rencontre dans le français moderne.
1° Principaux suffixes servant à former
des noms1(*) :
- ace, asse ( collectif
populace, lavasse); - ade (action, collectif
ruade, colonnade); - age (action, état lavage,
courage) ; - aie (plantation roseraie,
bananeraie) ; - ail (instrument
gouvernail) ; - aille (collectif,
péjoratif canaille, ferraille) ; - ain, - aine
( origine, collectif Romain, vingtaine) ; -
aire (profession, agent lapidaire, notaire,
moustiquaire) ; - aison, - ssion, - tion, - xion, - ation
(action livraison, reflexion, récitation,
scission...) ; - ance, - ence (état
aisance, concurrence) ; - ande, - ende
(résultat offrande, dividende) ; - ard
(péjoratif chauffard) ; - as
(péjoratif plâtras) ; - at
(profession, dignité, action, collectif professorat,
doctorat, syndicat...) ; - âtre
(péjoratif bellâtre) ; - eau, - elle
(diminutif chevreau, ruelle) ; - ceau, - celle
(diminutif lionceau, parcelle) ; - é, -
ée (contenu, circonscription cuillerée,
duché) ; - er, - ier, - ière (
métier, contenant boulanger, plâtrier,
soupière) ; - erie (qualité, local
étourderie, boulangerie) ; - esse
(qualité, marque du féminin rudesse,
ânesse) ; - et, - ette (dimunitif
jardinet, chaînette) ; - eur, - ateur, -eux, -euse
(acteur, qualité laboureur, blancheur, semeuse,
calculateur, boiteux) ; - ie (qualité,
état maladie) ; - ien (secte, profession,
origine stoïcien, pharmacien, Parisien) ; - il
(local chenil, fournil) ; - ille, -
illon (diminutif faucille, carpillon) ; - in
(diminutif tambourin) ; - ine
(origine, cause caféine, lustrine) ; -
iole (diminutif artériole) ; - is
(résultat hachis) ; - ise
(qualité sottise) ; - isme
(doctrine, profession, état socialisme, journalisme,
alcoolisme) ; - iste (qualité,
appartenance égoïste, socialiste) ; - ite
(maladie otite, bronchite) ; - ité,
-té, - itude (qualité parenté,
natalité, gratitude) ; - ment (action,
résultat bâtiment, déménagement) ; -
oir, - oire (instrument, lieu arrosoir, observatoire,
baignoire) ; - ois, - oise (appartenance
Suédois) ; - on, - ron (diminutif ou
péjoratif ourson, laideron) ; - ose
(maladie névrose) ; - ot, - otte
(diminutif chariot, menotte) ; - son
(résultat, collectif trahison, garnison) ; -
ule, - cule (diminutif globule, plantule) ; -
ure, - ature (action, résultat, état
fourniture, droiture, armature).
2° Principaux suffixes servant à former
des adjectifs :
Ø Ajoutés à des noms : -
able, - ible, - aire, - al, - é, - el, - er, - esque, - eux, - ier, -
it, - in, - ique, - u (qualificatifs correspondants
charitable, paisible, légendaire, original, âgé,
accidentel, mensonger, grotesque, honteux, princier, craintif, argentin,
alcoolique, barbu) ; - ain, - ais, - an, - ien, - in, -
ois (origine ou appartenance Américain, Congolais,
Persan, Italien, Alpin, Niçois).
Ø Ajoutés à des adjectifs : -
et, -elet, -in, -ot (diminutif gentillet, rondelet,
blondin, pâlot) ; - ard, - aud, - âtre
(péjoratif richard, lourdaud, verdâtre) ; -
issime (superlatif richissime).
Ø Ajoutés à des verbes : -
able, -ible, -uble (possibilité estimable, fusible,
soluble) ; - ard (péjoratif
criard) ; - if (sens divers pensif, tardif).
3° Principaux suffixes servant à former
des verbes
Ø Suffixes normaux : - er, -ir, - oir, -
oyer (manger, parler, appeler, finir, partir, recevoir, vouloir,
guerroyer, fourvoyer).
Ø Suffixes avec intercalation de divers
éléments : - ailler, - asser, - oter,
-ocher (péjoratif criailler, finasser, vivoter,
flânocher) ; - eler, - eter, -iller, -iner, -onner
(diminutif craqueler, voleter, mordiller, trottiner,
chantonner) ; - ifier, - iser (but, tendance
unifier, égaliser).
4° Suffixes servant à former des
adverbes
- ment (manière richement,
gentiment, méchamment) ; - ons, -on
(manière marcher à reculons, marcher à
tâtons, se tenir à califourchon).
2) La dérivation préfixale
Elle consiste dans l'ajout d'un préfixe à un mot
existant déjà considéré comme radical.
1° Principaux préfixes d'origine
latine
a-, ac-, ad-, af-, ag-, al-, an-, ap-, ar-, as-, at-
(direction, but aborder, accommoder, advenir,
affaiblir); a-, ab- (éloignement,
séparation, privation abstraction, apathie) ; ante-,
anti- (avant antédiluvien, antichambre) ;
bene-, bien- (bien bénévole,
bienvenue) ; bis-, bi- (deux fois bisaïeul,
bipède) ; circum-, circoncis- (autour
circumpopulaire, circonférence) ; cis- (en
deçà Cisjordanie, cisalpin) ; co-, col-, com-,
con-, cor- (avec collègue, compatriote, conjoint,
corroborer) ; contra-, contre- (contre
contradiction, contrefaçon) ; dis-, di-, des-
(contraire discrédit, désarmer) ; en-, em-,
ex- (éloignement enlever, exporter) ;
en-, em-, im-, in- (dans enchaîner, embrigader,
induire, importer) ; entre-, inter- (au milieu de,
à moitié, réciprocité entrelacer,
international, entrevoir, s'entraider) ; é-, ef-, es-,
ex- (hors de effeuiller, expatrier) ;
extra- (en dehors de, superlatif extraordinaire,
extrafin) ; for-, fau-, four- (hors de forban,
faubourg, fourvoyer) ; in-, il-, im-, ir-
(négation inactif, illisible, immortel,
irréfléchi) ; intra- , intro- (à
l'intérieur introduire, intraveineux) ; mal-, mau-,
malé-, mé-, mes- (mal maladroit, maussade,
malédiction, médire, mésentente) ;
mi- (à moitié midi, milieu) ;
non- (négation nonchalant, non-lieu) ;
outre-, ultra- (au-delà de outrepasser,
ultrason) ; ob- (devant objet, oblation,
observer) ; par-, per- (à travers,
achèvement, au-delà parcourir, perfection) ;
pene- (presque pénombre,
pénéplaine) ; pré- (devant
préposition, préavis) ; pour-, pro- (en
avant poursuivre, proposer) ; post-, puis-
(après postscolaire, puiné) ;
quadri- (quatre quadrilatère) ;
re-, r-, ré-, ra- (répétition, retour
en arrière, intensité repartir, rentrer, revenir,
raffoler) ; sé- (loin de séduire,
séparer) ; semi- (à moitié
semi-circulaire) ; sous-, sub- (dessous
sous-lieutenant, sublunaire) ; sur-, super-
(dessus surajouter, superfin) ; supra-, sus-
(plus haut supraterrestre, susdit) ; trans-, tre-,
tres- (au-delà transatlantique, trépasser,
tressaillir) ; tri- (trois tricycle) ;
vi-, vice- (à la place de
vice-président, vicomte).
2° Principaux préfixes d'origine
grecque :
A- (privation apathie,
anémie) ; amphi- (autour, double
amphithéâtre, amphibie) ; anti-
(contre antipathique) ; archi-
(supériorité archiprêtre) ;
déca- (dix décalitre,
décupler) ; di- (deux diptyque) ;
dia- (à travers diagramme) ;
dynamo- (force dynamomètre, dynamique) ;
dys- (difficulté dyspepsie,
dysfonctionnement) ; épi- (sur
épiderme) ; eu- (agréable, beau, bien
euphonie, Eugène) ; hémi- (demi
hémisphère) ; hepta- (sept
heptamètre) ; hydro- (eau
hydravion) ; hyper- (au-dessus, superlatif
hyperbole, hypertension) ; hypo- (au-dessous,
infériorité hyposulfite, hypotension) ;
idéo- (signe, image idéogramme) ;
iso- (égal isotropes) ;
meta- (après, changement métaphore,
métamorphose, métaphysique, métabolisme) ;
mètre- (mesure métronome) ;
pan-, panto- (tout panthéon,
pandémie) ; para- (à côté,
contre paraphrase, parapluie, paratonnerre) ; péd-
(enfant pédagogie) ; péri-
(autour période, périmètre) ;
poly- (nombreux polyandrie) ; syn-,
sym- (avec synchronisme, sympathie) ;
télé- (au loin
télévision).
3) La dérivation
parasynthétique.
Il s'agit de l'ajout simultané d'un préfixe et
d'un suffixe à un mot considéré comme radical.
Ex :
enorgueillir, atterrir,
embarquer, emplacement,
enjoué, expectant,
concordance, accordeur,
confiance.
B. LA COMPOSITION
La composition consiste à la création d'un
nouveau mot par la juxtaposition de deux mots préexistants
déjà dans la langue.
1) La formation des noms par composition
Elle se fait de plusieurs manières qui sont :
1) La combinaison par coordination de deux mots existant dans
la langue (un peintre-tapissier ; un boy-chauffeur) ;
2) La combinaison de deux noms existant dans la langue dont
l'un est apposé à l'autre (un choux-fleur) ;
3) La combinaison de deux noms dont le deuxième est
complément du premier, introduit ou non par une préposition (un
timbre-poste ; un thé-citron ; une
pause-café) ;
4) La combinaison d'un nom et d'un adjectif
(épithète), l'ordre de la combinaison pouvant être
inversé (un coffre-fort ; une basse-cour) ;
5) La combinaison d'un nom et d'un adverbe complément,
l'adverbe occupant la première position (l'avant-garde) ;
6) La combinaison associant un nom sous-entendu,
complété par un autre nom ou un infinitif, introduit par une
préposition (un pourboire ; un surhomme) ;
7) La combinaison associant un nom sous-entendu,
complété par un nom non introduit par une préposition,
lequel est déterminé par un adjectif ou un autre mot (un
casque-bleu) ;
8) La combinaison associant un nom sous-entendu et un
énoncé rapporté (un sauve-qui-peut) ;
9) La combinaison associant un infinitif substantivé,
suivi d'un complément, l'ordre de ces deux mots pouvant être
inversé (le savoir-faire, le bien-être) ;
10) La combinaison associant un nom désignant l'argent
mais sous-entendu, un verbe et un complément d'objet ou un
complément circonstanciel (un portefeuille, un porte-plume, un
réveille-matin, un vaurien) ;
11) La combinaison associant un nom agent ou patient mais
sous-entendu, un verbe et un autre verbe accordé au premier (un
pousse-pousse, un va-et-vient) ;
2) La formation des adjectifs par
composition
Elle se fait également selon plusieurs manières,
qui sont :
1) La combinaison de deux adjectifs en rapport de
« coordination » (sourd-muet) ;
2) La combinaison d'un adjectif complété par un
adverbe (avant-coureur) ;
3) La combinaison associant un adjectif sous-entendu et un nom
introduit par une préposition (à la page,
avant-dernier) ;
4) La combinaison associant un adverbe complément et un
participe présent ou passé (clairsemé, clairvoyant,
court-vêtu, dernier-né)
3) La formation des verbes par composition
Elle se fait selon les manières que voici :
1) La combinaison associant un verbe et un nom
complément, employé sans article (avoir raison) ;
2) La combinaison associant un nom complément et un
verbe, le tout écrit en un seul mot (colporter ; maintenir ;
saupoudrer) ;
3) La combinaison associant un verbe et un adjectif (avoir
froid)
4) La combinaison associant le morphème grammatical
« en » et un verbe (s'en aller, s'enfuir, en venir
à).
Il convient de signaler que le langage scientifique compose
ces mots savants par recomposition. C'est le
procédé qui consiste à combiner certains mots ou radicaux
empruntés au grec ou au latin. Il convient de noter qu'il existe en
français plus de mots formés à l'aide des mots et radicaux
grecs que ceux formés à l'aide des mots et radicaux latins. Ces
radicaux gréco-latins peuvent aussi se combiner avec des mots ou
radicaux français. On aura alors les formes suivantes : grec -
grec ; grec - latin ; latin - grec ; latin - latin ; grec -
français ; latin - français.
Notons également que deux voyelles
épenthétiques apparaissent dans les termes composés pour
assurer la liaison entre les composants (éléments constitutifs).
Il s'agit des voyelles : - i, pour les mots où
intervient des éléments latins; - o, pour les
mots où interviennent des éléments grecs. C'est ce que
nous pouvons constater ci-dessous.
Principaux mots latins ou grecs employés tantôt
comme suffixes, tantôt comme préfixes pour former des mots
nouveaux.
· Mots latins : - cide
(tuer suicide, homicide) ; - cole, - culteur, -
culture (cultiver agricole, sylviculture, viticulteur) ;
- fère (porter calorifère,
vociférer) ; - fier, - fique (rendre,
faire pétrifier, maléfique) ; - fuge
(fuite calorifique, centrifuge) ; - pare
(engendrer ovipare, vivipare) ; - vore
(manger insectivore, budgétivore).
· Mots grecs : aéro-
(air aérophagie) ; anthropo-
(homme anthropologie) ; archéo-
(ancien archéologie) ; auto- (de
soi-même autoclave) ; baro-
(pesanteur baromètre) ; biblio-
(livre bibliothèque) ; bio-
(vie biographie) ; céphalo-
(tête céphalopode) ; chromo-
(couleur chromosome) ; chrono- (temps
chronologie) ; crypto- (caché
cryptographie) ; cyclo- (cercle
cyclostome) ; dactylo- (doigt
dactylographie) ; gastro- (estomac
gastrologie) ; géo- (terre
géographie) ; hecto- (cent
hectomètre) ; hélio- (soleil
héliographie) ; litho- (pierre
lithographie) ; micro- (petit microscope) ;
miso- (haine misogyne) ; mono-
(seul monocle) ; néo- (nouveau
néologisme) ; névro- (nerf
névropathe) ; ortho- (droit
orthopédie) ; paléo- (ancien
paléontologue) ; philo- (qui aime
philosophie) ; podo- (pied
podomètre) ; pseudo- (faux
pseudonyme) ; pyro- (feu pyromane) ;
théo- (dieu théogonie) ;
typo- (caractère typologie) ;
xéno- (étranger
xénophobie) ; zoo- (animal
zoologie) ; - algie (souffrance
céphalgie, névralgie) ; - anthrope
(homme sinanthrope, pithécanthrope) ; -
bie (vie amphibie) ; -
céphale (cynocéphale) ; -
chromo (couleur multichrome) ; -
chrono (temps isochrone) ; - crate, -
cratie (gouvernement démocrate,
théocratie) ; - cycle (cercle
tricycle) ; - dactylo (doigt
ptérodactyle) ; - gastro (estomac
épigastre) ; - gène (qui
produit oxygène, endogène) ; -
gramme (lettre épigramme, diagramme) ; -
graphie (action d'écrire orthographie,
dactylographie) ; - hélio (soleil
périhélie) ; - litho (pierre
aérolithe) ; - logo, -logie, -logue (discours,
étude sociologie, cardiologue) ; - manie, -mane
(folie monomanie, mégalomane) ; -
mètre (mesure chronomètre) ; -
nome (règle astronome) ; -
oïde (qui a la forme de ovoïde) ; -
pathie, - pathe (souffrance sympathie,
névropathe) ; - pédie (qui a trait
à l'enfance logopédie) ; - phage
(qui mange nécrophage) ; - phile (qui
aime anglophile) ; - phobe (qui craint
xénophobe) ; - phono (voix, son
téléphone) ; - ptère (aile
hémiptère) ; - scope (action de
voir télescope, hélioscope) ; -
technie (art, science pyrotechnie) ; -
thérapie (traitement, soins
psychothérapie) ; - tomie (action de
couper anatomie).
C. LA TRONCATION
Certains mots français sont obtenus à partir des
anciens mots par la suppression d'un ou de plusieurs syllabes.
a) Aphérèse : lorsque ce
sont les initiales des mots qui sont supprimées
(tension pour désigner l'hypertension ou
l'hypotension).
b) Syncope : lorsque ce sont les
syllabes du milieu qui tombent (Lubumbashi > L'shi ;
Johannesburg > Jo'burg.
c) Apocope : lorsque ce sont les
dernières syllabes du mot qui tombent. (Professeur > prof. ;
Faculté >fac.)
D. LA SIGLAISON
Certains mots français sont obtenus par une
abréviation composée, dans la mesure où il est
constitué de plusieurs abréviations.
On distingue :
a) la siglaison lettrique : lorsque le
sigle est constitué de plusieurs lettres chacune représentant un
mot. Les sigles lettriques se repartissent en deux catégories :
§ les sigles lettriques
alphabétiques : ce sont les sigles dont les lettres
constitutives se prononcent séparément et conformément
à l'alphabet. Ceux-ci s'écrivent avec des points
abréviatifs (S.N.C.C. ; A.M.P. ; R.D.C.)
§ les sigles lettriques syllabiques ou
acronymes : sont des sigles dont les lettres forment des syllabes
et donc dont les lettres constituent des mots ordinaires. Ceux-ci ne
s'écrivent pas avec des points abréviatifs (SIC, ONU ).
b) la siglaison syllabique : lorsque le
sigle est construit à l'aide des syllabes (UNILU ; MIDEMA).
c) la siglaison mixte : on construit le
sigle en mélangeant les lettres et les syllabes (SNEL, LIPAMU).
d) la siglaison partielle : on associe
les abréviations et les mots entiers (GECAMINES).
e) la siglaison associant les abréviations et
les chiffres (B12).
E. LE TÉLESCOPAGE
C'est le procédé de création lexicale par
lequel on obtient un mot nouveau à partir de deux mots existant
déjà dans la langue en associant la partie initiale du premier
mot et la partie finale du dernier mot (Information
automatique > informatique ;
automobile omnibus > autobus).
Ces mots ainsi obtenus sont appelés
« mot-valise ».
F. LE CHANGEMENT DE CATÉGORIE
Certains mots français sont obtenu par changement de
catégorie (Rire > un rire ; manger > le manger).
G. LA SUPPRESSION DE LA DESINENCE VERBALE ;
D'autres mots français sont obtenus par la suppression
de la désinence verbale (Pardonner > le pardon ; recourir >
le recours).
H. LA TRANSFORMATION DE LA BASE EN PARTICIPE
PRÉSENT
Il en est aussi des mots français qui sont
formés grâce à la transformation de la base en participe
présent (Fabriquer > fabricant ; mendier > mendiant ;
calmer > calmant).
I. LA TRANSFORMATION DE LA BASE EN PARTICIPE
PASSÉ.
Une partie des mots français sont ainsi formé
(Armer > une armée ; poursuivre > une poursuite ;
conduire > une conduite).
J. LES ONOMATOPÉES OU CREATION EX NIHILO
Certains mots français enfin sont des
« créations pures ». Ils ne proviennent d'aucune
autre langue. Ils sont obtenus pour la plupart en essayant d'imiter la chose
que l'on désigne (tic-tac ; cocorico ; S.O.S ;
perlimpinpin...)
Ce sont là, de manière succincte, les
caractéristiques morphologiques du français contemporain. Les
procédés de création lexicale
énumérés ci-dessus caractérisent, mais pas d'une
manière exclusive, les formations françaises. Toutefois, il sied
de signaler que nous n'avons pas été exhaustif dans la
présentation des caractéristiques morphologiques du
français contemporain. Et ce, par souci d'être synthétique.
Signalons en passant que les noms, les déterminants et les adjectifs, en
français, varient en genre et en nombre tandis que les pronoms
peuvent varier tantôt en genre et en nombre seulement pour certains
d'entre eux (possessif, démonstratif...), tantôt en genre, en
personne et en nombre. Ce dernier cas est propre aux pronoms personnels. Les
verbes, quant à eux, varient seulement en nombre et en personne).
K. BIBLIOGRAPHIE
La réalisation de ce travail a été rendu
possible grâce aux ouvrages ci-après :
1) GOOSSE, A., Le Bon usage, 14è éd.,
Gembloux, Duculot, 2008.
2) NOUVELLE ENCYCLOPÉDIE AUTODIDACTIQUE
QUILLET, Comité d'universitaires (éd.), Paris, Librairie
Aristide Quillet, 1965.
* 1 Nous allons présenter
ces suffixes sous cette ordre : suffixes (sens
général exemple)
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