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L'effet de standstill des droits fondamentaux dits de la deuxième génération vu par le juge constitutionnel belge

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par Richard TSHIENDA MUAMBI
Facultés universitaires Saint- Louis - Master complémentaire en droits de l'homme 2012
  

Disponible en mode multipage

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L'effet de standstill des droits fondamentaux dits de la deuxième génération vu par le juge constitutionnel belge

Richard TSHIENDA MUAMBI

Licencié en droit de l'Université de Kinshasa

Directeur : Sébastien VAN DROOGHENBROECK

En vue de l'obtention du diplôme de

Master complémentaire en droits de l'homme

Année académique 2011-2012

DEDICACE

A mes deux amours :

· Agnès, mon épouse &

· Marie-Danielle Véronique, ma fille pour les sacrifices consentis durant ma longue absence de la maison.

Vous êtes ma source d'énergie et de courage.

REMERCIEMENTS

Au terme de notre master complémentaire en droit de l'homme, qu'il nous soit permis de nous acquitter d'un agréable devoir : celui de remercier tous nos formateurs, Professeurs de trois universités qui forment l'Académie Louvain à savoir : Université Catholique de Louvain, UCL, les Facultés Universitaires Notre Dame de la Paix de Namur, FUNDP et les Facultés Universitaires Saint-Louis, FUSL pour la qualité des enseignements, à la fois théorique et pratique, dont nous avons bénéficié tout au long de cette année académique qui s'achève. Qu'ils trouvent tous au travers ces mots notre gratitude.

Aussi, tenons-nous à exprimer notre reconnaissance à Monsieur Sébastien Van Drooghenbroeck, notre Professeur de dimensions collectives des droits de l'homme et l'inspirateur de la présente étude. Le caractère vivant de son enseignement, sa rigueur scientifique ainsi que sa maîtrise inouïe des questions qui touchent à l'actualité jurisprudentielle du droit international des droits de l'homme ont forcé notre admiration.

Nos remerciements vont également en direction des corps scientifique et administratif des Facultés Universitaires Saint-Louis pour leur dévouement et leur disponibilité sans faille. Une pensée particulière à l'Assistant F. Krenc qui nous a assuré des séances de monitorat de systèmes de protection des droits de l'homme et à Mesdames Moens, De Haan et Eloy pour avoir rendu notre séjour agréable au sein de notre Alma Mater.

Nous ne saurons clore notre propos sans remercier d'abord nos frères Greg, Médard, Edward et Pierrot qui ne se sont jamais lassés de nous apporter leur appui chaque fois que nous en avions besoin et le plus souvent, aux moments décisifs de notre vie en Belgique ; ensuite mon ami Olivier Sergie Bokobo et sa tendre compagne Wina Ekomu pour l'amitié sans pareille qu'ils n'ont cessé de nous témoigner et enfin nos camarades de promotion avec lesquels nous avons passé de bons moments et tissé des liens forts d'amitié, nous pensons singulièrement à Teresa, Delphin, Barira, Sarima, Carlos, Alvine, Pascal, Alfonsina, Stefani, Armand, Emilio, Fred, Severin, Félicien, Cristina etc. Qu'ils trouvent ici toute notre amitié.

Richard TSHIENDA MUAMBI

ABREVIATIONS

DESC Droits économiques, sociaux et culturels

Pidesc Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

Doc. parl., Document parlementaire

SPAQuE Société Publique d'Aide à la Qualité de l'Environnement

ISSeP l'Institut scientifique de service public

SOMMAIRE

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

ABREVIATIONS ii

SOMMAIRE ii

INTRODUCTION 2

Chapitre I : l'obligation de standstill dans le domaine des droits economiques,.........4

sociaux et culturels

Section Ière : L'obligation de standstill : Notions 2

Section 2ème La Nature juridique de l'obligation de standstill 2

chapitre ii : la cour constitutionnelle et l'obligation de standstill déduite de.........11

l'article 23 alinéa 3, 2°et 4° de la constitution belge

Section Ière : Le droit à l'aide sociale 2

Section 2ème : Le droit à la protection d'un environnement sain 2

CONCLUSION 2

BIBLIOGRAPHIE 2

I. OUVRAGES 2

II. ARTICLES 2

A. TEXTES JURIDIQUES 2

B. JURISPRUDENCES 2

IV. AUTRES SOURCES 2

INTRODUCTION

On a l'habitude de distinguer, au sein de l'ensemble des droits de l'homme, actuellement consacrés ou discutés, trois « générations » ou catégories. Cette dernière expression n'est pas dépourvue d'ambigüité, car elle pourrait donner à penser que, certains droits sont subordonnés aux autres et revêtiraient une importance moindre1(*).

Si l'on a pu dire que les droits sociaux constituent une deuxième génération de droits de l'homme, cela a finalement été avant tout dans une optique chronologique. La notion de droits de l'homme est unique, et, comme l'a écrit le poète de la lumière du soleil, elle « se divise et demeure entière ainsi que l'amour maternel »2(*).

L'évolution historique des droits de l' homme a mis en lumière que la protection et le respect de la dignité humaine ne peuvent être assurés que par une protection renforcée non seulement des droits civils et politiques mais également, et surtout, des droits économiques, sociaux et culturels.

Comme l'affirme Jacques Fierens, les droits économiques, sociaux et culturels (ci-après : DESC) sont avant tout destinés à donner à chacun les moyens de la liberté. Ce sont les droits qui permettent à l'homme de demander à la collectivité dont il relève la protection de la santé, l'emploi, l'instruction, les éléments d'un niveau de vie décent. Leur noyau dur est constitué par le droit du travail, le droit à la sécurité sociale et à l'aide sociale, et le droit à des conditions d'existence décentes.

C'est la raison pour laquelle les DESC sont devenus, aujourd'hui, la préoccupation de la société civile elle-même3(*).

Il importe, néanmoins, de souligner que la question de l'exigibilité et de la justiciabilité se pose en lien avec la nature et la portée particulière des droits économiques, sociaux et culturels.

Rappelons ici que la justiciabilité d'un droit ne veut pas dire reconnaissance du bien-fondé de toute plainte déposé à ce sujet. Elle indique plutôt la possibilité d'obtenir qu'un organe indépendant et impartial examine une violation alléguée d'un droit. En d'autres termes, elle exige qu'une telle plainte ne soit pas exclue à priori. Le résultat final d'un procès dépend du fond de l'affaire et, le cas échéant, des preuves administrées. Même si l'organe indépendant et impartial déclare une plainte recevable, il peut décider que le plaignant a tort du point de vue soit du droit, soit des faits4(*).

Ceux qui affirment que les droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas justiciables ont tendance à supposer que le contenu de ces droits et les obligations qu'ils imposent sont toutes très semblables. Or, l'analyse des droits économiques, sociaux et culturels généralement reconnus conduit à penser le contraire ; en effet, les devoirs qu'ils imposent diffèrent, l'Etat devant, notamment :

· octroyer certaines libertés ;

· assumer des obligations à l'égard de tiers ;

· adopter des mesures ou aboutir à un résultat particulier5(*).

Pour surmonter, en tout ou partie, cette critique formulée contre les DESC, nous avons exploré une piste, parmi tant d'autres, qui nous a permis de tempérer un tant soit peu le discrédit dans lequel ceux-ci sont classiquement plongés. Il s'agit, en effet, de l'obligation de standstill qui, occupe une place de choix dans la liste des mécanismes pouvant assurer une effectivité des droits sociaux fondamentaux.

Apprivoisée avec les droits-créances consacrés par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et l'article 23 de la constitution belge, l'obligation de standstill serait enfin là pour enrayer la spirale infernale du marché, en interdisant de revenir sur ce qui avait été6(*).

Pour les besoin de ce travail, nous définissons l'obligation de standstill, à la suite de Hugues Dumont, comme un principe de droit qui interdit aux Etats, en l'absence de motifs impérieux, de diminuer le plus haut niveau de protection qu'ils ont conféré aux droits fondamentaux depuis le moment où la norme internationale ou constitutionnelle qui les consacre s'impose à eux, chaque fois que ces droits impliquent de leur part des prestations positives7(*).

L'on comprend de lors que cette obligation de standstill interdit aux autorités publiques de légiférer à rebours des droits garantis, de diminuer le niveau de protection déjà atteint par les droits fondamentaux considérés.

L'objet de la présente étude est l'examen de l'effet de standstill des droits fondamentaux dits de la deuxième génération tel qu'il se dégage de la jurisprudence de cette haute juridiction qu'est la Cour constitutionnelle belge.

Mais dès que l'on entame l'examen de cette obligation de standstill, une série de questions se multiplient. Qu'est-ce une obligation de standstill ? Qui en est le débiteur? Qui en est le créancier ? Quelle en est la portée réelle ? Est-elle absolue ou relative ? Quelle est sa nature juridique ? Chacune de ces interrogations, proprement juridiques, va être abordée.

Il n'est pas sans intérêt de signaler que nous n'allons pas analyser tous les droits économiques, sociaux et culturels garantis par l'article 23 de la constitution précité, moins encore examiner toute la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qui s'y rapporte. Seuls feront l'objet de notre examen le droit à l'aide sociale et le droit à la protection d'un environnement sain, et ce par le truchement deux arrêts de la Cour constitutionnelle.

Il convient, dès lors, de faire remarquer que le droit à un environnement sain bien qu'appartenant à la troisième génération de droits, reçoit en droit constitutionnel belge, comme dans certains traités internationaux, une protection identique à ceux de la deuxième génération8(*).

Pour mener à bien cette étude, nous allons recourir à la technique juridique ou dogmatique juridique. Celle-ci vise à déterminer le contenu d'une règle à partir de la prise en compte des sources formelles du droit. La technique juridique vise à exposer l'état du droit tel qu'il existe et à en déterminer le contenu. Il s'agit donc d'établir et d'interpréter une règle juridique, non de l'évaluer ou de la critiquer9(*). Cette méthode nous est d'un apport notable dans l'interprétation et la compréhension des textes relatifs aux droits sociaux fondamentaux.

Ce travail de fin d'études va s'articuler au tour de deux chapitres. Le premier sera consacré à l'obligation de standstill dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. A ce propos, dans une première section, nous verrons la notion de l'obligation de standstill (Section Ière) et dans une deuxième section, la nature juridique de cette obligation (Section IIème).

Le second chapitre, quant à lui, se focalisera sur la Cour constitutionnelle et l'obligation de standstill déduite de l'article 23, alinéa 3, 2° et 4° de la Constitution belge. Il s'agira du droit à l'aide sociale qui constituera la première section (Section Ière) et du droit à la protection d'un environnement sain qui sera examiné dans la seconde section (Section IIème).

CHAPITRE I : L'OBLIGATION DE STANDSTILL DANS LE DOMAINE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

L'obligation de standstill est le plus souvent évoquée en droit international et dans l'ordre interne de certains Etats sous plusieurs expressions : principe de standstill, effet de standstill, l'effet cliquet ou la théorie du non-retour.

Pour mieux l'appréhender, nous allons d'abord circonscrire la notion de cette obligation de standstill (Section Ière) et ensuite dégager sa nature juridique (Section IIème).

Section Ière : L'obligation de standstill : Notions

Connue sous sa dénomination anglaise : l'obligation de standstill, littéralement celle de «  rester tranquille 10(*)», interdit aux autorités publiques de légiférer à rebours des droits garantis et de diminuer le niveau de protection acquis.

Ceci nous amène à la définition et aux éléments caractéristiques de l'effet de standstill, à la détermination de ses débiteurs et créanciers ainsi qu'à ses sources formelles.

§1er. Définition et éléments caractéristiques

Déduit a contrario du caractère progressif des obligations positives expressément consacrées ou implicitement contenues dans les droits fondamentaux, le principe de standstill interdit à l'Etat, en l'absence de motifs impérieux, de diminuer le plus haut niveau de protection conféré à ces droits depuis le moment où la norme internationale ou constitutionnelle qui les consacre s'impose à lui, ou de le diminuer de manière significative lorsque l'Etat fait usage de la marge de manoeuvre que lui confère ce principe en choisissant de garantir différemment ledit niveau de protection11(*).

Le droit au travail, le droit au logement ou le droit à l'environnement constituent des illustrations parmi d'autres de droits auxquels l'on confère pareil effet.

A défaut de l'application directe, généralement reconnue aux droits civils et politiques ou à ceux communément considérés comme relevant de la première génération, l'obligation de standstill est généralement associée aux droits dits de la deuxième génération.

Après avoir cerné la notion de standstill, voyons à présent ses éléments caractéristiques :

1) L'obligation de standstill n'a jamais été expressément consacrée :

Selon Isabelle Hachez, pour implicite qu'elle soit, l'existence de l'obligation de standstill n'en est pas moins certaine : elle se déduit a contrario de l'obligation positive de réaliser ou de protéger progressivement les droits fondamentaux garantis par les traités ou la constitution.

Cette absence de concrétisation expresse est du reste logique, dans la mesure où l'interdiction de diminuer (de manière significative) le niveau de protection est seconde par rapport à l'obligation de réaliser ou de protéger les droits fondamentaux. C'est l'obligation positive qui est première, et l'obligation de standstill opère, parmi d'autres moyens, au service de son effectivité12(*).

2) L'obligation de standstill revêt un caractère contraignant :

Les débiteurs de l'obligation de standstill sont contraints et tenus par elle. En effet, l'Etat est tenu de maintenir le même niveau de protection sinon équivalent ; il lui est en principe interdit de réduire le niveau de protection des droits fondamentaux qu'il aurait au préalable atteint.

Le caractère contraignant de la norme internationale ou constitutionnelle, garantissant un droit fondamental, s'étend en effet à l'obligation de standstill qu'elle abrite. En vertu de la primauté du traité international et de la suprématie de la Constitution, le législateur n'a d'autre choix que d'en observer le prescrit13(*).

3) L'obligation de standstill est inhérente aux droits fondamentaux :

Chaque droit fondamental peut requérir l'adoption d'obligations positives pour son effectivité et l'obligation de standstill se prête mieux à assurer celle-ci, peu importe la génération des droits de l'homme dont découlent celles-là.

4) L'obligation de standstill entretient un lien évident avec la temporalité juridique :

La vérification de son respect imposant de comparer entre elles des normes internes adoptées à des moments distincts. La philosophie sous-jacente à l'obligation de standstill est en effet de placer les avancées réalisées à l'abri de changements intempestifs, dépourvus de justification14(*). Elle permet, en effet, de préserver tant soit peu l'effectivité des droits fondamentaux. C'est pour cette raison que tout acte législatif ou réglementaire nouvellement adopté ou pris doit en principe maintenir un niveau de protection équivalent au plus haut niveau de protection conféré au droit fondamental depuis son entrée en vigueur.

5) L'obligation de standstill s'inscrit dans une perspective dynamique :

Etant donné que les droits fondamentaux sont, par essence, de nature téléologique, l'obligation de standstill sert l'effectivité15(*).

6) Le caractère relatif de l'obligation de standstill :

Des reculs sont autorisés pour autant qu'ils soient dûment justifiés et respectent le principe de proportionnalité. Cette donnée est fondamentale, mais n'allait pas nécessairement de soi au sein de l'ordre juridique belge16(*).

§2 Débiteurs et créanciers de l'obligation de standstill

Quels sont les débiteurs de l'obligation de standstill ?

Pareille question revient à s'interroger sur le débiteur des droits fondamentaux, et en particulier des obligations positives qu'ils appellent. Le rapport entretenu entre l'obligation de standstill et l'obligation positive est en effet un rapport d'accessoire à principal17(*).

En conséquence, le débiteur de celle-là n'est autre que le débiteur de celle-ci : c'est parce qu'il est tenu de réaliser ou de protéger un droit fondamental que l'Etat est corrélativement tenu au respect de l'obligation de standstill18(*). L'on peut donc dire qu'il est le débiteur « primaire » de celle-ci.

Toutefois, il faut noter qu'en plus des obligations positives de réalisation, l'Etat doit protéger les droits fondamentaux dans les rapports entre particuliers.

Aussi, le fait pour l'Etat d'être débiteur des droits fondamentaux ne voudrait pas dire qu'il doive fournir lui-même les prestations matérielles et/ou financières nécessaires à leur effectivité. Il peut donc confier, en tout ou en partie, la réalisation de celles-ci à des privés. Dans cette hypothèse, l'Etat doit au moins s'assurer du maintien d'un niveau de protection équivalent à celui garanti avant la cession par lui de ses activités au privé.

Dans ce cas, comme le soutient Isabelle Hachez, l'acteur privé se verra collé l'étiquette du débiteur « secondaire » du droit fondamental, car l'intervention de l'Etat demeure toujours nécessaire.

S'agissant de l'identification des créanciers de l'obligation de standstill, disons d'emblée que celle-ci ne soulève pas de grande difficulté. Il s'agit simplement des bénéficiaires visés soit par une disposition internationale, soit constitutionnelle consacrant un droit fondamental, lequel est assorti d'une obligation positive.

§3. Sources formelles de l'obligation de standstill

Suivant leur chronologie, les DESC ont d'abord été consacrés au niveau international et ensuite au sein de l'article 23 de la Constitution belge.

Ø La consécration initiale en droit international

Les DESC furent consacrés à l'échelon international avant de pénétrer la Constitution belge. Le 16 décembre 1966, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ci-après Pidesc), a été adopté par l'Assemblé générale des Nations Unies. Il est entré en vigueur le 3 janvier 1976.

A ce jour, il a été ratifié par 160 Etats, ce qui lui confère une importance de premier ordre au sein des instruments de protection des droits économiques, sociaux et culturels19(*).

Au niveau européen, la charte sociale européenne constitue l'instrument qui avait consacré les DESC en 1961, à la suite de la consécration en 1950 des droits civils et politiques dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Et au niveau de l'Union européenne, il a fallu attendre l'adoption de la Charte des droits fondamentaux en décembre 2000 pour voir, au sein d'un même texte, les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels faire bon ménage.

Le Pidesc met en place un mécanisme globalement similaire à celui de la charte sociale européenne20(*). Parmi les droits consacrés par le Pacte, on compte le droit au travail, le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables, le droit de liberté syndicale et le droit de grève, le droit à la sécurité sociale, le droit à une protection familiale, le droit à un niveau de vie suffisant, dans lequel on rencontre le droit à un logement suffisant et le droit d'être à l'abri de la faim, le droit à la santé, le droit à l'éducation , enfin le droit de participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique.

Il convient toutefois de souligner que c'est l'article 2.1 qui attirera notre attention. En effet, cette disposition précise l'obligation générale à laquelle les Etats ont souscrit en ratifiant le Pacte. Elle stipule que :

 « Chacun des Etats parties au présent Pacte s'engage à agir, notamment sur les plans économiques et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives.»

Le caractère progressif de l'obligation mise à charge des Etats, auquel s'ajoute l'imprécision des notions que comporte cette disposition, conduit à y voir une clause générale de standstill, qui a vocation à s'appliquer aux différents droits énumérés dans la troisième partie du Pacte21(*).

De manière générale et selon Isabelle Hachez, les DESC énoncent, en effet, une série d'objectifs et de déclarations d'intentions qui en révèlent le caractère essentielle ment programmatique.

Se référant à l'article 2 du Pacte précité, la Belgique dénie, dans son premier rapport, tout effet direct aux dispositions qu'il contient. Par contre, elle souligne l'utilité des principes consacrés en tant que référence interprétative pour le juge. Elle reconnait même expressément l'obligation de standstill qui lui incombe22(*).

Ø La Consécration par l'article 23 de la constitution

Depuis la seconde guerre mondiale, de nombreuses initiatives tendent à insérer les droits économiques, sociaux et culturels au sein de la Constitution belge. En 1994, elles débouchent sur l'adoption de l'actuel article 23 de la Constitution23(*).

Cette disposition présente une structure tripartite : un premier alinéa reconnait à chacun le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

Pierre angulaire de tous les droits fondamentaux, le droit à la dignité humaine se présente comme un objectif vers lequel doit tendre la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels24(*).

A cette fin, le deuxième alinéa confie aux différents législateurs la mission de garantir, en tenant compte des obligations correspondantes25(*), les droits économiques, sociaux et culturels et de déterminer les conditions de leur exercice.

Vient enfin, le troisième et dernier alinéa, qui procède à une énumération exemplative des droits garantis.

A ce titre, le constituant reconnait tout d'abord « le droit du travail et au libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d'information, de consultation et de négociation collective. Il consacre, en deuxième lieu, « le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique26(*).» Viennent ensuite « le droit à un logement décent », « le droit à la protection d'un environnement sain », « le droit à l'épanouissement culturel et social.»

Par rapport aux dispositions internationales, et à l'exception du droit au travail, les droits consacrés par l'article 23 rédigés de manière très sommaire. L'absence d'explicitation desdits droits tient, en partie, à la nature de la règle constitutionnelle. Comme le souligne A. Vanwelkenhuyzen, cité par Isabelle Hachez, le souci de concision qui anime le constituant l'amène parfois à utiliser, aux côtes de notions précises, « des concepts relativement vagues, non définis par la Constitution elle-même et dont le contenu peut prêter à controverse ». Dans ce contexte, la seule donnée certaine dont on dispose est que la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels doits permettre de garantir la dignité humaine27(*).

Quoi que l'article 23 de la Constitution soit totalement dépourvu d'effet direct, il n'en demeure pas moins vrai qu'il emporterait une obligation de standstill.

Après ces éclairages sur la notion de l'effet de standstill, voyons maintenant sa nature juridique.

Section 2ème La Nature juridique de l'obligation de standstill

Pour bien appréhender la nature juridique de l'obligation de standstill, il sied de l'examiner tant du point de vue matériel que du point de vue formel ainsi que d'examiner la portée de celle-ci.

§1er. D'un point de vue matériel :

« Selon qu'elle est une règle ou un principe, la norme diffère quant au caractère de la directive qu'elle donne », affirme Dworkin cité par Isabel Hachez28(*).

La règle est applicable dans le style du « tout-ou-rien ». Si les faits qu'une règle stipule sont donnés, alors soit cette règle est valide, auquel cas la réponse qu'elle fournit doit être acceptée, soit elle ne l'est pas, auquel cas elle n'apporte rien pour la décision.29(*)» La règle se caractérise en conséquence par une sorte d'absoluité, « en ce sens qu'elle ne pourrait simultanément être applicable à une espèce sans en commander, mécaniquement et déductivement, la solution.30(*)»

Le principe, quant à lui, ne fonctionne pas selon un mode du tout-ou-rien. Il « ne prétend pas fixer des conditions dans lesquelles son application est nécessaire. Il indique plutôt une raison d'aller dans un sens, mais non pas nécessairement de prendre une décision particulière.31(*)»

Le principe est essentiellement relatif : «  sans préjudice de son application dans une espèce déterminée et de sa validité en général, son dispositif peut néanmoins être supplanté par celui d'un principe concurrence.»32(*) 

Il ressort de cette comparaison entre la règle et le principe que l'obligation de standstill constitue un principe et non une règle.

§2. D'un point de vue formel :

Comme l'on vient de l'indiquer, l'obligation de standstill est un principe de droit et non une règle. Est-elle formellement une règle écrite ou un principe général de droit ?

A ce niveau, l'on peut affirmer que l'obligation de standstill constitue un principe général de droit, dans la mesure où elle est établie par déduction du principe de nécessaire progression.

A lui seul, le principe de standstill est en effet impuissant à fournir la solution du litige dans lequel il intervient. Son intervention doit nécessairement être couplée à celle du droit fondamental dont le niveau de protection a été abaissé sans motif impérieux. En dehors de la norme internationale ou constitutionnelle garantissant le droit fondamental qu'il assortit, le principe de standstill n'a pas d'existence : sans consécration normative du droit fondamental considéré, il n'est pas d'obligation positive qui tienne, et, sans obligation positive, il n'est pas question d'obligation de standstill33(*).

§3. Portée de l'obligation de standstill

La portée de l'obligation de standstill a, en effet, été précisée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels à la faveur de plusieurs observations générales , dont il est permis de dégager les enseignements suivants : les mesures « délibérément régressives »sont, en principe, interdites ; des reculs sont toutefois admissibles à conditions qu'ils satisfassent aux exigences du contrôle de proportionnalité, et, dans ce cas, la charge de la preuve incombe aux autorités publiques. Par ailleurs, l'adoption de mesures délibérément régressives figure parmi les causes de violation du Pidesc épinglées dans les directives de Maastricht34(*).

Par ailleurs, au sein de l'ordre juridique interne belge, l'avis rendu par la section de législation du Conseil d'Etat sur l'avant-projet de loi d'approbation du Pidesc souligne expressément l'obligation de standstill qui est attachée à cet instrument. En ratifiant ce traité, la Belgique s'est engagée à respecter l'obligation de standstill. Notons à ce même sujet que les rapports rédigés par l'Etat belge à l'adresse de l'organe de contrôle du Pidesc confirment cet engagement.

Concernant l'article 23 de la Constitution, l'effet de standstill qui lui est attaché a été reconnu par le constituant au cours des travaux préparatoires précédant son adoption, et de manière générale, la doctrine belge attache cet effet aussi bien aux droits économiques, sociaux et culturels consacrés par cette disposition constitutionnelle que par les traités internationaux35(*).

Si la jurisprudence belge a mis plus de temps à percevoir la marge de manoeuvre laissée par l'obligation de standstill, elle semble s'être aujourd'hui départie de la conception absolue qui prévalait au moment de l'obligation de l'art 23 de la constitution, à tout le moins sur le plan des principes. On rencontre par ailleurs de plus en plus souvent dans la jurisprudence l'exigence d'un recul significatif pour conclure à une atteinte à l'obligation de standstill, laquelle n'apparaît cependant pas fondée dans tous les cas où elle est posée36(*).

Il s'en suit que, pour une partie de la doctrine assez marginale quand même, l'obligation de standstill revêt un caractère absolu. Selon ce courant, la reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels viserait à empêcher une remise en cause des acquis du passé. En revanche, de plus en plus, la doctrine belge commence à reconnaître la relativité de ladite l'obligation.

L'obligation de standstill des droits économiques, sociaux et culturels étant bien circonscrite, examinons à présent deux cas jurisprudentiels dans lesquels la Cour constitutionnelle belge l'a mise en oeuvre.

CHAPITRE II : LA COUR CONSTITUTIONNELLE ET L'OBLIGATION DE STANDSTILL DEDUITE DE L'ARTICLE 23 ALINEA 3, 2°ET 4° DE LA CONSTITUTION BELGE

La Cour constitutionnelle est une juridiction de douze juges qui veillent au respect de la constitution par les législateurs belges. Elle a comme mission d'annuler et suspendre des lois, décrets et ordonnances. De ce fait, elle est indépendante aussi bien du pouvoir législatif que des pouvoirs exécutif et judicaire. Depuis le 07 mai 2007, cette « haute juridiction » s'est vue élargir ses compétences notamment celle qui lui permet d'assurer son contrôle des lois, décrets et ordonnances au regard du titre II de la Constitution (article 8 à 32 relatifs aux droits et libertés des belges)37(*).

Ainsi, nous avons choisi de commenter deux arrêts émanant de cette juridiction supérieure belge et notre choix a été subjectif. En effet, nous avons estimé qu'il aurait été quasiment impossible dans le cadre d'un travail de fin d'études de brosser un tableau complet de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle belge rendue dans le domaine des DESC. C'est la raison pour laquelle nous avons jeté notre dévolu sur ces deux arrêts dont l'un a été rendu au cours du mois de mai 2012. Ces deux décisions judicaires, pensons-nous, permettront de se faire une idée un peu plus claire de la manière dont cette haute juridiction met en application le principe de standstill.

Dans un premier moment, nous examinerons un arrêt relatif au droit à l'aide sociale (article 23 alinéa 3, n°2), ensuite nous allons nous pencher sur celui se rapportant au droit à la protection d'un environnement sain (article 23 alinéa 3, n°4).

Section Ière : Le droit à l'aide sociale

§1. Extrait de l'arrêt 5/2004 R.G. 2618

Présidents: M. Melchior et A. Arts

Juges: L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke

Greffier: L. Potoms

Ø Objet du recours et procédure

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 janvier 2003 et parvenue au greffe le 30 janvier 2003, l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme, dont le siège social est établi à 1190 Bruxelles, chaussée d'Alsemberg 303, a introduit un recours en annulation totale ou partielle de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale (publiée au Moniteur belge du 31 juillet 2002).

Le Gouvernement flamand et le Conseil des ministres ont introduit des mémoires, la partie requérante a introduit un mémoire en réponse et le Conseil des ministres a introduit un mémoire en réplique.

A l'audience publique du 8 octobre 2003:

ont comparu:


· Me J. Fierens, avocat au barreau de Bruxelles, pour la partie requérante;


· Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand;


· Me L. Pochet loco Me D. Gérard et Me P. Schaffner, avocats au barreau de Bruxelles, et Me V. Van de Keere loco Me B. Bronders, avocats au barreau de Bruges, pour le Conseil des ministres;

Les juges-rapporteurs P. Martens et L. Lavrysen ont fait rapport;

Les avocats précités ont été entendus;

L'affaire a été mise en délibéré.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.

Ø En droit

A.1.1. Pour établir son intérêt, l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme expose que son recours est fondé sur des atteintes aux articles 10, 11 et 23 de la Constitution, ainsi qu'à diverses dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la Convention européenne des droits de l'homme, qui consacrent toutes des droits visés par ses statuts.

B.14.5.Compte tenu de ces garanties, la mesure critiquée apparaît pertinente et proportionnée par rapport à l'objectif poursuivi, particulièrement à l'égard des catégories de personnes, âgées de moins de 25 ans, dont l'intégration sociale doit être spécialement encouragée et favorisée.

B.14.6.Sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur la portée normative de l'article 23 de la Constitution dans son ensemble, cette disposition constitutionnelle impose aux législateurs, en matière d'aide sociale, de ne pas porter atteinte au droit garanti par la législation qui était applicable le jour où l'article 23 est entré en vigueur. Cette obligation ne peut toutefois s'entendre comme imposant à chaque législateur, dans le cadre de ses compétences, de ne pas toucher aux modalités de l'aide sociale prévues par la loi. Elle leur interdit d'adopter des mesures qui marqueraient un recul significatif du droit garanti par l'article 23, alinéa 1er et alinéa 3, 2°, de la Constitution, mais elle ne les prive pas du pouvoir d'apprécier de quelle manière ce droit sera le plus adéquatement assuré.

B.14.7.Il y a lieu de relever, à cet égard, que la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence contenait un article 6, § 2, prévoyant un «projet individualisé d'intégration sociale» inscrit dans un contrat écrit conclu entre le bénéficiaire et le centre public d'aide sociale, le respect de ce contrat étant obligatoire pour l'octroi et le maintien du minimum de moyens d'existence aux bénéficiaires âgés de moins de 25 ans ou lorsqu'il était proposé par le bénéficiaire ou par le centre public d'aide sociale Cette disposition avait été introduite par une loi du 12 janvier 1993, soit antérieurement à l'article 23 de la Constitution qui est entré en vigueur, le jour de sa publication, le 12 février 1994. La disposition incriminée ne constitue dès lors pas, contrairement à ce que soutient la requérante, une régression dans la mise en oeuvre du droit de mener une vie conforme à la dignité humaine garanti par la Constitution.

B.15.1.La requérante dénonce dix violations des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec son article 23, avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi qu'avec l'article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle considère que les catégories établies par le législateur pour la fixation des montants du revenu d'intégration sont, à plusieurs égards, discriminatoires et portent atteinte à la protection de la vie privée des personnes concernées, dans la mesure où elles auraient pour effet d'influencer des choix fondamentaux relevant de celle-ci.

B.15.2. Le revenu d'intégration est un «revenu indexé, qui doit permettre à la personne de mener une vie conforme à la dignité humaine» (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50 1603/001, p. 7). La disposition en cause opère, en vue de la détermination du niveau du revenu d'intégration, une distinction entre quatre catégories: les cohabitants, les isolés, les isolés qui assument une charge d'enfant et les familles monoparentales avec charge d'enfant. Par rapport à la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence, la nouvelle catégorisation entend permettre «l'adaptation de la loi aux évolutions sociales» (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50 1603/001, p. 10).

B.16.1.Le caractère forfaitaire du revenu d'intégration et la multiplicité des situations individuelles des bénéficiaires expliquent que le législateur fasse usage de catégories qui, nécessairement, n'appréhendent la diversité des situations qu'avec un certain degré d'approximation. Néanmoins, lorsqu'il établit les catégories de bénéficiaires du revenu d'intégration en fonction de leur situation, le législateur ne pourrait, sans violer les dispositions visées au moyen, adopter des critères de distinction qui se révéleraient dépourvus de pertinence.

B.16.2.A cet égard, l'argumentation récurrente du Conseil des ministres selon laquelle la législation relative à l'aide sociale permettrait de compléter, lorsque c'est nécessaire, les montants du revenu d'intégration, n'est de nature à justifier la mesure envisagée que lorsque la diversité des situations individuelles rend effectivement impossible la détermination d'une catégorie spécifique.

B.25.3.S'il est exact que les articles 10 et 11 de la Constitution imposent, en principe, de comparer la situation de deux catégories de personnes différentes, et non la situation d'une même catégorie de personnes sous l'ancienne et sous la nouvelle législation, à peine de rendre impossible toute modification de la législation, il n'en va pas de même lorsqu'est invoquée, en combinaison avec ces dispositions, une violation de l'effet de «standstill» de l'article 23 de la Constitution. Celui-ci interdit en effet, en ce qui concerne le droit à l'aide sociale, de régresser de manière significative dans la protection que les législations offraient, dans cette matière, au moment de l'entrée en vigueur de l'article 23. Il en découle logiquement que, pour juger de la violation éventuelle, par une norme législative, de l'effet de «standstill» attaché à l'article 23 de la Constitution en ce qu'il garantit le droit à l'aide sociale, la Cour doit procéder à la comparaison de la situation des destinataires de cette norme avec la situation qui était la leur sous l'empire de la législation ancienne. Les articles 10 et 11 de la Constitution sont violés s'il est établi que la norme en cause comporte une diminution significative de la protection des droits garantis en matière d'aide sociale par l'article 23 à l'égard d'une catégorie de personnes, par rapport aux autres catégories de personnes qui n'ont pas à subir une telle atteinte à l'effet de «standstill» attaché à l'article 23.

B.25.7.Par rapport à la loi du 7 août 1974, les catégories d'étrangers bénéficiant du revenu d'intégration ont été élargies. Compte tenu de ce qui est dit en B.6.3, toute personne autorisée à s'établir dans le Royaume peut bénéficier du revenu d'intégration. Il s'ensuit que le conjoint d'un Belge ou d'un étranger répondant aux conditions pour bénéficier du revenu d'intégration, dispose aussi du droit à ce revenu s'il est inscrit au registre de la population. A cet égard, la loi du 26 mai 2002 n'entraîne donc pas de régression contraire à l'article 23 de la Constitution.

B.25.8.Enfin, le fait que chacun des conjoints soit à présent tenu d'accomplir individuellement les démarches en vue de l'obtention du revenu d'intégration et qu'il soit aussi tributaire de l'accomplissement de ces démarches par l'autre conjoint ne constitue pas une régression dans l'octroi du droit au revenu d'intégration dès lors que l'accomplissement de ces démarches ne représente pas un obstacle insurmontable à l'obtention de ce droit.

B.25.9. En cette branche, le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

annule, dans la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale:


· l'article 3, 3°, deuxième tiret, en ce qu'il exclut du champ d'application de la loi les étrangers ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne qui résident effectivement et régulièrement sur le territoire mais qui ne bénéficient pas de l'application du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté;


· l'article 14, § 1er, 1°, en ce qu'il traite de la même manière tous les cohabitants sans tenir compte de la charge d'enfants;


· l'article 14, § 1er, 2°, en tant qu'il comprend la catégorie des personnes qui s'acquittent d'une part contributive pour un enfant placé, fixée par le tribunal de la jeunesse ou les autorités administratives dans le cadre de l'aide ou de la protection de la jeunesse;

rejette le recours pour le surplus, sous réserve que les articles 2, 6, 8 et 13, § 1er, soient interprétés comme indiqué en B.3.10 et que l'article 14, § 1er, 3°, alinéa 1er, soit interprété comme indiqué en B.21.5.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 janvier 2004.

§2.Observations

Parmi les griefs adressés par la requérante à cette loi du 26 mai 2002, deux d'entre eux se rapportaient à une violation de l'obligation de standstill attachée à l'article 23, alinéa 3, 2° de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 10 et 11 de cette dernière.

Pour la requérante, il y a violation de l'obligation de standstill à l'article 11 de la loi litigieuse, car cette disposition créait une différence de traitement injustifiée entre les personnes qui se verront imposer un projet individualisé d'intégration sociale sous la forme d'un contrat, conditionnant leur droit à l'obtention d'un revenu d'intégration et celles pour lesquelles ce droit ne sera pas assorti d'un tel contrat. En sus, la requérante soutenait que l'imposition de ce contrat constituait une régression dans la mise en oeuvre du droit de mener une vie conforme à la dignité humaine consacré par l'article 23 de la Constitution.

Après avoir rappelé l'enseignement de son arrêt n° 169/2002, la cour d'arbitrage vérifie si, en l'espèce, l'article 11 de la loi litigieuse porte atteinte à l'obligation de standstill attachée à l'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution. Elle relève, à cet égard, «  que la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence contenait un article 6 §2, prévoyant un projet individualisé d'intégration sociale inscrit dans un contrat écrit conclu entre le bénéficiaire et le centre public d'aide sociale, le respect de ce contrat étant obligatoire pour l'octroi et le maintien du minimum de moyens d'existence aux bénéficiaires âgés de moins de 25 ans ou lorsqu'il était supposé par le bénéficiaire ou par le centre public d'aide sociale». Constatant que « cette disposition avait été introduite par une loi du 12 janvier 1993, soit antérieurement à l'article 23 de la Constitution qui est entré en vigueur, le jour de sa publication, le 17 février 1994 », la Cour en déduit que la disposition incriminée « ne constitue (...) pas, contrairement à ce que soutient la requérante, une régression dans la mise en oeuvre du droit de mener une vie conforme à la dignité humaine garanti par la Constitution38(*).

Quant à la seconde violation de l'obligation de standstill invoquée par la partie requérante, elle se rapportait à l'article 14 §1er, de la loi du 26 mai précitée. Cette disposition établit une discrimination entre les quatre catégories de personnes pour la fixation des montants du revenu d'intégration. Il s'est agi de catégories suivantes : les cohabitant, les isolés, les isolés avec charge d'enfants et les familles monoparentales avec charge d'enfants. Selon le raisonnement de la requérante, la loi incriminée supprime la catégorie «  conjoints vivants sous le même toit » pour le remplacer par un droit individualisé de chacun d'eux à un revenu d'intégration au taux cohabitant.

A l'estime de la requérante, l'article 14, §1er, de la loi querellée consacre un double recul. D'une part, il établit une discrimination entre les personnes mariées dont chacune entre dans les conditions d'octroi de revenu d'intégration, et les personnes mariées dont une seule satisfait à ces conditions, étant donné que ces dernières avaient auparavant droit au minimum de moyens d'existence au taux « conjoint » et n'ont désormais plus droit qu'au revenu d'intégration au taux « cohabitant ». D'autre part, l'article 14§1er, impose désormais à chaque conjoint de solliciter le droit à l'intégration sociale, alors que la demande d'un seul membre du couple marié suffisait autrefois39(*).

Pour sa part, la cour apprécia le respect de l'obligation de standstill en l'espèce. Elle affirma que le premier recul allégué par la requérante n'est pas fondé en ce que l'article 14, §1er, «  n'entraîne pas de régression contrairement à l'article 23 de la constitution ». Elle justifie sa position par le fait que la loi incriminée a élargi les catégories d'étrangers bénéficiant du revenu d'intégration, de manière telle que toute personne autorisée à séjourner de manière permanente dans le Royaume peut bénéficier du revenu d'intégration ».

Concernant le second recul allégué par la partie requérante, la Cour estime que « le fait que chacun des conjoints soit à présent tenu d'accomplir individuellement les démarches en vue de l'obtention du revenu d'intégration et qu'il soit aussi tributaire de l'accomplissement de ces démarches ne présente pas un obstacle insurmontable à la jouissance de ce droit.

Bien qu'ayant rejeté les moyens fondés sur la violation de l'obligation de standstill, la Cour d'arbitrage avait, dans l'arrêt 5/2004, annulé certaines dispositions sur d'autres bases. En réponse à l'arrêt précité de la Cour d'arbitrage n°5/2004 du 14 janvier 2004, la loi-programme du 9 juillet 2004 modifia la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale ainsi que la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, précise Isabelle Hachez.

Attardons-nous maintenant sur le second arrêt relatif au droit à la protection d'un environnement sain.

Section 2ème : Le droit à la protection d'un environnement sain

§1. Extrait de l'arrêt

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, E. Derycke, J. Spreutels et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R.Henneuse.

Après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

Ø Objet du recours et procédure

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 21 février 2011 et parvenue au greffe le 23 février 2011, un recours en annulation des articles 92, 93, 95 et 96 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics » (publié au Moniteur belge du 20 août 2010, troisième édition) a été introduit par Jean-Claude Dierckx, demeurant à 4600 Visé, Allée Verte 77, et Henri Gérard, demeurant à 4684 Haccourt, rue des 7 Bonniers 80.

Le Gouvernement wallon a introduit un mémoire, les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse et le Gouvernement wallon a également introduit un mémoire en réplique.

A l'audience publique du 20 mars 2012 : ont comparu :

Me J. Merodio loco Me L. Misson et Me A. Kettels, avocats au barreau de Liège, pour les parties requérantes; Me G. Vanhamme, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me E. Orban de Xivry, avocat au barreau de Marche-en-Famenne, pour le Gouvernement wallon;


-lesjuges-rapporteurs J.Spreutels et L.Lavryse n'ont fait rapport;-les avocats précités ont été entendus;

L'affaire a été mise en délibéré.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.

Ø En droit


A.1.1. Jean-Claude Dierckx et Henri Gérard justifient leur intérêt à demander l'annulation des articles 92 et 95 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics » par leur qualité de riverain d'un site de la région liégeoise qui serait pollué depuis plus de quatre ans et sur lequel la Région wallonne souhaiterait installer une « plateforme multimodale » dénommée « Trilogiport ».


Ils prétendent que les terrains concernés ont fait l'objet d'une étude d'orientation au sens de l'article 37 du décret du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols, mais que l'administration n'a pas été en mesure de statuer sur cette étude, parce que le « Code wallon de Bonnes Pratiques » visé à l'article 1er, 4°, de l'arrêté du Gouvernement wallon du 27 mai 2009 relatif à la gestion des sols n'était pas encore adopté et qu'il n'existait pas de laboratoire agréé en exécution de ce décret et de cet arrêté. Ils allèguent aussi que cette étude d'orientation n'a pas été suivie d'une étude de caractérisation et que le projet d'assainissement introduit dans ce dossier n'est donc fondé sur aucune étude d'orientation.


A.1.2. Le Gouvernement wallon indique, à ce sujet, qu'aucun projet d'assainissement lié à l'installation de la « plateforme multimodale » précitée n'a été introduit avant le 31 décembre 2010.

Quant au moyen unique, pris de la violation des articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 5 et 6 de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux », avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le « principe de sécurité juridique ».


A.2.1. En premier lieu, Jean-Claude Dierckx et Henri Gérard exposent que les dispositions attaquées violent l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, en ce qu'elles réduiraient sensiblement le niveau de protection de l'environnement existant avant l'adoption de ces dispositions.


Les requérants estiment que ces dispositions retirent aux riverains d'un site pollué la garantie que l'assainissement de ce site sera envisagé. Ils soutiennent aussi qu'elles ont pour effet que, même lorsqu'un projet d'assainissement est établi, il ne repose que sur des investigations réalisées volontairement, elles-mêmes fondées sur des analyses qui sont seulement « réputées conformes » au décret précité et réalisées par des laboratoires non spécifiquement agréés. Ils remarquent, enfin, que, invitée à approuver le projet d'assainissement, l'administration ne pourra statuer en connaissance de cause, faute de disposer de données récoltées lors de la réalisation d'une étude d'orientation ou d'une étude de caractérisation.


Les requérants observent que les dispositions attaquées ont été adoptées afin de permettre l'application du décret du 5 décembre 2008 en dépit du retard pris par l'administration en ce qui concerne l'agrément des laboratoires prévu par ce décret et en ce qui concerne l'élaboration du « Code wallon de Bonnes Pratiques » prévu par l'arrêté du Gouvernement wallon du 27 mai 2009. Ils estiment que, sauf à heurter la sécurité juridique, la carence de l'administration ne peut constituer un motif d'intérêt général justifiant la réduction sensible du niveau de protection de l'environnement découlant des dispositions attaquées.


Les requérants considèrent, en outre, que les dispositions attaquées sont disproportionnées par rapport à l'objectif du décret du 5 décembre 2008 qu'exprime l'article 1er de celui-ci. Ils ajoutent que l'absence d'un « Code wallon de Bonnes Pratiques » ne justifie pas qu'il soit dérogé à l'ensemble des règles relatives à l'étude d'orientation et à l'étude de caractérisation, puisque ces études pourraient être réalisées à l'aide d'autres méthodologies existantes. Ils constatent que ces dérogations ne s'accompagnent d'aucune compensation et écartent l'application de certaines garanties, telles que celle que prévoit l'article 44, § 4, de ce décret. Ils remarquent, enfin, que l'administration justifie les dispositions attaquées par son retard, mais qu'elle a pourtant trouvé le temps de proposer l'adoption des dispositions attaquées au Parlement wallon.


A.2.2. Le Gouvernement wallon répond qu'aucune des dispositions attaquées ne réduit sensiblement le niveau de protection de l'environnement.

Il observe que, faute de publication par l'administration du « Code wallon de Bonnes Pratiques », les règles inscrites à l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008, inséré par l'article 92 du décret-programme du 22 juillet 2010, ont cessé de produire leurs effets le 31 décembre 2010. Il souligne que cette disposition ne concerne que l'hypothèse d'une personne qui se soumet volontairement à l'obligation d'assainir un terrain affecté d'une pollution historique.

Il remarque aussi que, dans l'attente de la publication du Code précité, cette personne n'est pas en mesure de procéder aux investigations décrites aux articles 37 à 46 et 53 du décret du 5 décembre 2008, puisque, comme cela ressort des articles 16, 17 et 20 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 27 mai 2009, les experts, laboratoires et personnes prélevant les échantillons, appelés à contribuer à la réalisation d'une étude d'orientation ou d'une étude de caractérisation, ne peuvent agir que dans le respect de ce Code.

Il relève que les requérants ne précisent pas quelles sont les autres méthodologies existantes qu'ils évoquent et sur la base desquelles ces études auraient, selon eux, pu être réalisées dans l'attente d'un « Code wallon de Bonnes Pratiques ». Le Gouvernement déduit de ce qui précède que, loin d'empêcher une application correcte du décret du 5 décembre 2008, l'article 92 du décret-programme du 22 juillet 2010 permet au contraire une application, certes limitée, du premier décret, ce qui contribue à une amélioration de la protection de l'environnement.


Même s'il estime que cela n'est pas nécessaire en l'espèce, le Gouvernement wallon conteste la pertinence des allégations de requérantes relatives à la diminution du niveau de protection de l'environnement. Il déduit, d'abord, de l'article 92bis, § 2, 2°, a) à f), et de l'article 92bis, § 2, 4°, I, du décret du 5 décembre 2008, que l'administration dispose d'études et d'éléments très précis lui permettant de statuer sur le projet d'assainissement concerné, tout en relevant que la réalisation d'une étude d'orientation ou d'une étude de caractérisation ne serait pas automatiquement suivie d'actes et de travaux d'assainissement.

Il ajoute que la dispense de constitution d'une sûreté prévue par l'article 92bis, § 1er, du décret du 5 décembre 2008 était déjà prévue par l'article 19, alinéa 4, du même décret.

Le Gouvernement wallon remarque aussi que l'allongement des délais d'instruction du projet d'assainissement prévu par l'article 92bis, § 3, du décret du 5 décembre 2008 est de nature à augmenter l'efficacité du travail de l'administration et d'élever le niveau de protection de l'environnement.

Le Gouvernement estime, en outre, que, saisie d'un projet d'assainissement visé par l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008, l'administration consultera systématiquement la Société Publique d'Aide à la Qualité de l'Environnement (SPAQuE) et l'Institut scientifique de service public (ISSeP) en application de l'article 56, 2°, du même décret.

Le Gouvernement relève, enfin, que la personne qui introduit un projet d'assainissement en application de l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008 ne peut plus le retirer et empêcher la réalisation des actes et travaux d'assainissement qu'elle propose.


Le Gouvernement wallon observe, à propos des articles 93, 95 et 96 du décret du 22 juillet 2010, que les requérants n'exposent pas en quoi ces dispositions contribuent à diminuer sensiblement le niveau de protection de l'environnement.

Il fait, pour le reste, référence à la réponse qu'il donne à propos de la prétendue violation de l'article 23 de la Constitution.

B.1. Il ressort des développements de la requête que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité des articles 92 et 95 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics » avec les articles 10, 11 et 23, alinéa

1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 5, paragraphes 2 et 4, avec l'article 6, paragraphe 3, et avec l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux », et avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.


B.2.1. Le moyen unique invite, d'abord, la Cour à vérifier la compatibilité des dispositions attaquées avec l'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution.


B.2.2. L'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution dispose :
«Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.


Sans qu'il soit nécessaire de vérifier si, avant l'adoption des dispositions attaquées, le décret du 5 décembre 2008 offrait aux riverains d'un site pollué la garantie que l'assainissement de celui-ci serait envisagé, il y a lieu d'observer que les dispositions attaquées ne suppriment pas les obligations précitées et ne modifient nullement les règles.


B.2.6. Il résulte de ce qui précède que les articles 92 et 95 du décret-programme du 22 juillet 2010 ne réduisent pas sensiblement le niveau de protection de l'environnement offert par la législation applicable, de sorte qu'ils ne sont pas incompatibles avec l'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution.

B.5.3. Les développements du moyen unique relatifs à la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, se confondent avec ceux qui concernent la prétendue violation de l'article 23 de la Constitution.


B.5.4. Il résulte de ce qui précède que l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008 n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.


B.6. Le moyen n'est pas fondé.


Par ces motifs

La Cour rejette le recours.


Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 3 mai 2012. Le greffier, Le président,


P.-Y. Dutilleux R. Henneuse.

§2.Observations

Le recours ayant donné lieu à l'arrêt sous examen de la Cour constitutionnelle avait pour l'objet l' annulation des articles 92, 93, 95 et 96 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics ».

A l'estime des requérants, les articles 92 et 95 du décret-programme de la Région wallonne précité lus isolément ou en combinaison avec les articles 5 et 6 de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux », avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme violent les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les requérants observent que les dispositions attaquées ont été adoptées afin de permettre l'application du décret du 5 décembre 2008 en dépit du retard pris par l'administration en ce qui concerne l'agrément des laboratoires prévu par ce décret et en ce qui concerne l'élaboration du « Code wallon de Bonnes Pratiques » prévu par l'arrêté du Gouvernement wallon du 27 mai 2009. Ils estiment que, sauf à heurter la sécurité juridique, la carence de l'administration ne peut constituer un motif d'intérêt général justifiant la réduction sensible du niveau de protection de l'environnement découlant des dispositions attaquées.

En outre, la partie requérante expose que les dispositions attaquées violent les articles 5 et 6 de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux », parce que la Région wallonne ne veille pas à être informée des menaces imminentes pour l'environnement et n'oblige pas l'exploitant d'un site pollué à prendre des mesures préventives ou des mesures de réparation au sens de cette directive.


Les requérants soutiennent aussi que la dispense de constitution d'une sûreté prévue par l'article 92bis, § 1er, du décret du 5 décembre 2008 viole l'article 14 de la même directive.


A.4.2. Le Gouvernement wallon répond que cette directive a été transposée par les articles D.93 et suivants du Code de l'Environnement, et non par les dispositions attaquées du décret du 5 décembre 2008.


Il ajoute que, compte tenu de la manière dont l'article D.103 de ce Code limite le champ d'application de ses dispositions transposant la directive du 21 avril 2004, l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008, qui ne concerne que le terrain affecté d'une pollution historique, ne risque pas d'empêcher l'application de ces dispositions.

Invitée à examiner la compatibilité des articles 92 et 95 du décret-programme de la Région wallonne sus indiqué avec les articles 10 et 11 de la Constitution pris isolement ou conjointement avec l'article 23, la Cour précise qu'in casu, le respect de l'obligation de standstill inhérente à l'article 23 doit s'apprécier en tenant compte des obligations imposées par l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.»

Procédant à l'évaluation de la constitutionnalité du recul invoqué, la cour rappelle reproché aux dispositions attaquées de retirer aux riverains d'un site pollué la garantie que l'assainissement de ce site sera envisagé.


L'article 18 du décret du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols crée, entre autres, une obligation de procéder à une étude d'orientation, une obligation de procéder, le cas échéant, à une étude de caractérisation, ainsi qu'une obligation de procéder, le cas échéant, à l'assainissement du sol pollué visé par les études précitées. Ces obligations naissent dans les conditions décrites par les articles 19 à 21 du même décret. Les titulaires de ces obligations sont identifiés par les articles 22 à 26 du même décret.


Sans qu'il soit nécessaire de vérifier si, avant l'adoption des dispositions attaquées, le décret du 5 décembre 2008 offrait aux riverains d'un site pollué la garantie que l'assainissement de celui-ci serait envisagé, il y a lieu d'observer que les dispositions attaquées ne suppriment pas les obligations précitées et ne modifient nullement les règles relatives à leur naissance et à l'identification de leurs titulaires.

Le juge constitutionnel termine son raisonnement en replaçant les articles 92 et 95 du décret litigieux précité dans leur contexte normatif pour conclure, en l'espèce, à l'absence sensible, et donc au respect de l'obligation de standstill.

CONCLUSION

Au regard de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle examinée, nous pouvons affirmer sans craindre d'être contredit que l'obligation de standstill a incontestablement pénétré l'ordre juridique belge.

Pour autant, son existence ne va pas encore de soi dans le chef des organes de contrôle internes. Il suffit à cet égard de rappeler que si la Cour constitutionnelle n'a eu aucune difficulté à reconnaître l'obligation de standstill attachée à l'article 13 du Pidesc ou à l'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, garantissant le droit à l'aide sociale, elle a mis du temps avant d'étendre cette reconnaissance au droit à la protection d'un environnement sain, également consacré par l'article 23 de la Constitution. Ce n'est que tout récemment qu'elle a franchi le pas avec les arrêts n° 135/2006, 137/2006 et 145/2006, rendus au mois de septembre 200640(*).

S'agissant de sa portée de cette obligation, la tendance actuelle de la haute Cour est de se départir d'une conception absolue à laquelle les travaux préparatoires de l'article 23 ainsi qu'une frange de la doctrine tenaient pour se cristalliser sur une conception, plutôt, relative de l'obligation de standstill.

Aussi, convient-il de le souligner cependant que la Cour constitutionnelle ne s'est pas exclusivement fondée sur l'existence de motifs impérieux ou d'intérêt général pour conclure au respect de l'obligation de standstill.

C'est soit que ces motifs sont absents ou impuissants à lever l'inconstitutionnalité, soit que, c'est ce qui est le cas dans les deux arrêts examinés dans le chapitre II de cette étude, le juge constitutionnel conclut à l'absence de régression ou recul sensible et reste, en amont d'un contrôle de proportionnalité comme le ferait un juge international.

Telles sont, à notre avis, les leçons que l'on peut tirer de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en matière de standstill. En effet, celles-ci peuvent ouvrir la voie à des recherches qui pourront donner lieu à l'élaboration d'une théorie normative de l'obligation de standstill.

Celle-ci s'avère en effet rigoureusement indispensable car au-delà de quelques tendances générales qui demandent à être confirmées, voire affinées, la portée de l'obligation de standstill demeure largement incertaine, et cette incertitude est encore accentuée par le fait que la manière dont cette obligation est appréhendée par la jurisprudence belge ne coïncide pas toujours avec la façon dont elle est perçue par les organes de contrôle internationaux41(*).

BIBLIOGRAPHIE

I. OUVRAGES

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II. ARTICLES

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II. HACHEZ, I., L'application du principe de standstill à l'envers !, J. dr. Jeun., 2001.

III. HACHEZ, I., Le principe de standstill : actualité et perspective organisé le 16 février 2012, RCJB, 2012.

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VII. VAN DROOGHENBROECK, S., « Mendicité, ordre public et proportionnalité », note sous C.E., 8 octobre 1997, n°68.735, RBDC, 1997.

III. DOCUMENTS

A. TEXTES JURIDIQUES

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o la Convention européenne des droits de l'homme, 1950.

o Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966.

o Charte sociale européenne 1961 telle que modifiée à ce jour.

o Charte européenne des droits fondamentaux de décembre 2000.

o Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.

B. JURISPRUDENCES

o Arrêt n° 5/2004 R.G. 2618 de la Cour d'arbitrage du 14 janvier 2004.

o Arrêt relatif au recours en annulation des articles 92, 93, 95 et 96 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics » du 3 mai 2012.

IV. AUTRES SOURCES

o http://www.const-court.be

o http://www.un.org/french/treaty.asp

* 1 Jacques Fierens,  Droit et Pauvreté, Bruylant, Bruxelles, 1992, p.66.

* 2 Julia Iliopoulos-Strangas, La protection des droits sociaux fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne : Etude de droit comparé, Bruylant, 2000, préface VII.

* 3 Maribel Wolf, Les droits économiques, sociaux et culturels, DESC, exigences de la société civile, Responsabilité de l'Etat, Terre des Hommes France, Karthala, 2003, p.36.

* 4 Christian Courtis, « Les tribunaux et l'application des droits économiques, sociaux et culturels », Commission internationale de juristes, Genève, 2008, p.10.

* 5 Christian Courtis, « Les tribunaux et l'application des droits économiques, sociaux et culturels », op.cit., p.10-11.

* 6 Isabelle Hachez, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, Athènes, Bruxelles, Bruylant, 2008, p.3.

* 7 Isabelle Hachez, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, op.cit., p. IX.

* 8 La Constitution Belge, article 23, Texte coordonné du 17 février 1994.

* 9 Olivier Corten, Méthodologie du droit international public, Editions de l'Université de Bruxelles, 2009, p. 23.

* 10 Isabelle Hachez, « Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative », op.cit. , p IX.

* 11 Ibidem, p. 4.

* 12 Isabelle Hachez, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, op.cit., p. 473.

* 13 Ibid., p.473.

* 14 Isabelle Hachez, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, op.cit., p. 473-474.

* 15 Isabelle Hachez, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, op.cit., p.474.

* 16 Ibid., p.474.

* 17 Ibid., p. 292.

* 18 Ibidem, p.292.

* 19 http://www.un.org/french/treaty.asp.

* 20 Isabelle Hachez, Effet de standstill : Le pari des droits économiques, sociaux et culturels ? , op.cit., p.31.

* 21 Isabelle Hachez,  Effet de standstill : Le pari des droits économiques, sociaux et culturels ?, op.cit., p.35.

* 22 Ibidem, p.35.

* 23 Ibid., p.36.

* 24 Sébastien Van Drooghenbroeck, « Mendicité, ordre public et proportionnalité », note sous C.E., 8 octobre 1997, n°68.735, RBDC, 1997, p.425.

* 25 Isabelle Hachez, Les obligations correspondantes, dans l'article 23 de la Constitution, La responsabilité, face cachée des droits de l'homme, sous la direction de Hugues Dumont, François Ost et Sébastien Van Drooghenbroeck,  Bruxelles, Bruylant, 2005, p.293-324.

* 26 Isabelle Hachez, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, op.cit., p.45.

* 27 Ibid., p.46.

* 28 Ibid., p.478, voir R. Dworkin, Prendre les droits au sérieux, traduit de l'américain par M-J. Rossignol et F. Limare, Paris, PUF, Léviathan, 1995, p.82.

* 29 Ibidem, p.478.

* 30 Sébastien Van Drooghenbroeck, La proportionnalité dans le droit de la convention européenne des droits de l'Homme. Prendre l'idée simple au sérieux, Bruxelles, Bruylant, F.U.S.L., 2001, p.625.

* 31 R. Dworkin, op.cit, p.84.

* 32 Sébastien Van Drooghenbroeck, op. cit. p.626.

* 33 Isabelle Hachez, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, op.cit., p.480-481.

* 34 Rapport au nom du groupe de travail sur les droits économiques et sociaux fondamentaux » proposé par Monsieur STROOBANT, M., doc. Sénat, S.E. 1991-1992, n°100-2/4°, p. 26

* 35 Ibidem, p.59.

* 36 Ibid., p. 365.

* 37 http://www.const-court.be.

* 38 Isabelle Hachez, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, op.cit., p.163.

* 39 Ibidem, p.163.

* 40 Isabelle Hachez, « Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative », op.cit., p.176-177.

* 41 Ibid., p.179.






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