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L'exploitation du monopole conféré par la propriété industrielle et l'exercice des pratiques anticoncurrentielles en zone OAPI ( organisation africaine de la propriété intellectuelle )

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par Brice WAKAP CHONGANG
Université de Dschang Cameroun - Master en droit option : droit des affaires et de l'entreprise 2013
  

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SECTION II : L'EXERCICE DU MONOPOLE DE PROPRIETE INDUSTRIELLE DANS L'EXPLOITATION ABUSIVE D'UNE POSITION DOMINANTE

De prime à bord, il incombe de rappeler que c'est l'exploitation abusive d'une position dominante qui est condamnable d'où tout l'intérêt de ressortir le rôle que peut jouer l'exercice du monopole de propriété industrielle à ce stade. A cet effet, dans l'exercice de leur monopole de propriété industrielle, les titulaires peuvent abuser d'une position dominante. Il suffit pour s'en convaincre de parcourir les refus et attributions discriminatoires de licences, les pratiques de prix ou redevance inéquitables, voire les clauses de subordination, toutes composantes de l'infraction d'abus de position dominante tant sur les marchés internes que communautaires de la zone OAPI101(*). Synthétiquement, un titulaire en position dominante peut poser des obstacles non seulement à l'accès sur le marché (paragraphe I), mais aussi entraver le fonctionnement de celui-ci (paragraphe II).

Paragraphe I : les obstacles à l'accès sur le marché

Une fois en position dominante, l'entreprise doit adopter des comportements respectueux de la structure du marché. Toutefois, force est de constater qu'une certaine exploitation des monopoles de propriété industrielle par une entreprise en position dominante, peut constituer une menace pour l'accès sur les marchés de la zone. Il peut s'agir tantôt d'éliminer par la manipulation des licences d'exploitation (A), tantôt de procéder par la manipulation des redevances ou des prix (B).

A. L'éviction par la manipulation illicite de licences d'exploitation

La manipulation des licences d'exploitation à des fins anticoncurrentielles peut revêtir deux variantes. Il peut s'agir tantôt d'une attribution discriminatoire de licence (1), tantôt d'un refus anticoncurrentiel de celle-ci (2).

1- L'attribution discriminatoire de licence

D'emblée, il est utile de souligner que la gestion des licences est une modalité d'exercice du monopole conféré par le système OAPI aux titulaires. Malheureusement, un tel privilège peut être l'objet d'une manipulation consistant à des attributions discriminatoires de licences d'exploitation. Ceci sans doute peut fausser l'accès des concurrents tant sur un marché en cause, que sur un marché aval.

En principe, le fait pour les titulaires du droit exclusif sur les créations techniques ou les signes distinctifs de refuser d'octroyer une licence, ou d'octroyer celle-ci à qui ils veulent, ne constitue pas une pratique abusive. En effet, la liberté de gestion des licences est l'expression de la juste récompense de leur effort de création et d'innovation. Il est question d'un élément rentrant dans la substance même du monopole de propriété industrielle conféré par l'OAPI102(*). Cependant, la situation à retenir est celle où le titulaire en position dominante, octroie de façon discriminatoire des licences sans justifications objectives. Généralement, dans l'unique dessein d'abuser de sa position de force, pour restreindre l'accès sur le marché en cause ou sur un marché aval. Il s'agira d'une discrimination ciblée, car la stratégie consistera le cas échéant, à durcir les conditions d'obtention de la licence à des concurrents sérieux et susceptibles de faire le poids au titulaire. Cette pratique rentre dans le cadre des pratiques discriminatoires incriminées sur les marchés de la zone103(*).

Sur le marché, les entreprises sont en bataille et par conséquent, les faveurs s'accordent stratégiquement. Il est donc évident qu'un titulaire puisse accorder des licences à une petite entreprise à des conditions plus souples contrairement à une entreprise qu'il considère comme rivale. Ainsi, les titulaires de droits de propriété industrielle peuvent jouer sur l'attribution des licences pour consolider leur puissance. Quid des refus illicites de licence ?

2- le refus illicite de licence

De façon générale, précisons que le refus de concéder la licence rentre dans la substance même du monopole conféré104(*). Mais cette faculté peut dans certaines circonstances105(*) traverser les frontières de la licéité pour rentrer dans l'illicéité et devenir un abus de position dominante.

Deux cas de figures peuvent être présentés ici ; le refus de licence sur une « facilité essentielle » et le refus de licence dans le cadre de l'interopérabilité entre les différentes technologies.

Dans le premier cas, il est constaté que le refus injustifié de licence d'exploitation sur un objet remplissant les critères d'une « facilité essentielle »106(*) tomberait sous le coup de l'abus de position dominante. Un tel abus s'explique par la volonté du titulaire du droit exclusif de se réserver ou de réserver à des entreprises de son choix le marché concerné107(*). Très vite, quelques conditions ont été énoncées à cet effet108(*). D'abord, l'entreprise qui a demandé la licence doit avoir l'intention d'offrir sur le marché en cause, des produits ou des services nouveaux que le titulaire du droit de propriété intellectuelle n'offre pas et pour lesquels il existe une demande potentielle de la part des consommateurs ;

Ensuite, le refus ne doit pas être justifié par des considérations objectives;

Enfin, le refus doit être de nature à réserver à l'entreprise titulaire du droit de propriété intellectuelle le marché visé en excluant toute concurrence sur celui-ci.

A l'analyse, ces trois conditions montrent à suffisance que l'intention du titulaire est de faire échec à l'accès sur un nouveau marché. En réalité, un tel refus est assimilable à la limitation de fourniture du développement technique au préjudice des consommateurs, mise en cause tant en UEMOA qu'en CEMAC109(*).

S'agissant de l'interopérabilité, notons qu'elle se définit comme la coopération dans la technologie. Plus clairement, c'est l'habilité d'un système à utiliser impérativement les parties d'un autre systèmepour fonctionner110(*). En effet, dans cette situation les entreprises en causes se doivent d'opérer ensemble ou du moins de s'entraider à un certain niveau de la technique. Ainsi, le titulaire de droits industriels sur le premier système doit l'ouvrir au concepteur du second. Par conséquent, le refus de licence par l'opérateur du premier système très souvent en position de pionnier dans le secteur en cause, tombera sous l'abus de position dominante.

A titre de droit comparé, le Conseil de la concurrence français111(*) a sanctionné un opérateur pour abus de position dominante. En la cause, la société Codes Rousseau s'était réservée une exclusivité sur le marché des boîtiers électroniques et correcteurs d'examen du code de la route, grâce à la protection de sa technologie par le brevet. De plus, elle avait abusé de sa position dominante sur le marché de la fourniture de matériel pédagogique aux auto-écoles, en refusant à ses concurrents opérant dans le même secteur, l'autorisation d'utiliser sa technologie pourtant nécessaire pour le fonctionnement de leur support numérique. Le Conseil a constaté une pratique abusive. Il retient en effet que « l'exploitation du droit de propriété intellectuelle détenu par les Codes Rousseau sur son protocole de connexion a restreint le droit des concurrents d'exploiter leur propre capacité d'innovation en développant et commercialisant pour le bénéfice des consommateurs des supports pédagogiques numériques différents de ceux des Codes Rousseau ».

Comme autre illustration du refus de licence dans le cadre de l'interopérabilité, Microsoft a été condamné d'abuser de sa position dominante par la Commission européenne pour avoir refusé de fournir des informations et des licences à ses concurrents développant des systèmes d'exploitation pour serveur de groupe de travail. Ces informations portaient sur l'interface de Windows ; selon Microsoft, elles sont couvertes par des secrets commerciaux et protégées par des brevets et des droits d'auteur. Pourtant, sans ces informations, les systèmes d'exploitation pour serveur ne peuvent pas communiquer de façon satisfaisante avec les PC équipés de Windows. Par conséquent, cette absence d'interopérabilité est un obstacle pour les concurrents112(*).

Au final, ces agissements susceptibles d'être commandités par l'exploitation du monopole conféré par la propriété industrielle, porteraient le cas échéant une atteinte profonde aux marchés et par là aux consommateurs. Dès lors un véritable diagnostic économique paraîtrait capital au vue de cette barrière susceptible d'être posée à l'entrée du marché. Surabondamment, cet état de fait entravant le libre accès au marché, peut s'étendre à la manipulation de prix ou redevances.

* 101 Sur le marché interne par exemple, l'article 9 de la loi sur la concurrence gabonaise parle  «  (...) des pratiques ou manoeuvres se manifestant entre autres par : - des refus de vente;- des ventes subordonnées;- des conditions de vente discriminatoires;- des ruptures abusives des relations commerciales. » ; en UEMOA, l'article 4.2 du Règlement n°2/2002 précise « : Les pratiques abusives peuvent notamment consister à :

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transactions non équitables ;

b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs ;

c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;

d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats ». Notons que cette énumération n'est pas loin de ce qui est prévu par l'article 16 du Règlement CEMAC n°1/99 modifié et par l'article 8 du Règlement CEMAC n°4/99 du 18 août 1999.

* 102 Voir article 36 et s. de l'annexe I, article 31 et s. de l'annexe II, article 29 et s. de l'annexe III, article 23 et s. de l'annexe IV, article 20 et s. de l'annexe IX et article 39(2) de l'annexe X de l'ABR.

* 103 Sur le marché commun de la CEMAC voir article 16 (d) du Règlement CEMAC n°1/99 du 25 juin 1999 modifié et article 8 du Règlement CEMAC n°4/99 du 18 août 1999 ; sur le marché commun de l'UEMOA, voir article 4.2 (c) du Règlement UEMOA n°2/2002 du 23 mai 2002.

* 104 CJCE, 5 octobre 1988, AB Volvo c/ Erik Veng Ltd, Aff. 238/87, Rec. p. 6211, « En l'espèce le constructeur automobile Volvo avait refusé d'accorder à des tiers une licence pour la fabrication de pièces de rechange destinées à ses véhicules. Volvo était présumée en position dominante sur le marché de pièces de rechange pour ses véhicules. La question posée à la Cour de Justice se présentait donc en ces termes : Est-il abusif pour Volvo de refuser de concéder une licence sur ses modèles de constructeur pour la fabrication de pièces de rechange ? La solution donnée par la Cour apparaît raisonnable. En effet, elle considère que la faculté de Volvo d'empêcher l'exploitation rentre dans la substance même de son monopole ».

* 105Circonstances liées pour l'essentiel à la position dominante du titulaire et à la nature de l'objet protégé.

* 106 Facilités essentielles, « en ce sens qu'il n'existe aucun substitut réel ou potentiel » selon une formule tirée du TPI, 12 juin 1997, Tiercé Ladbroke c/ Commission, Aff.T-504/93, R II.

* 107 DECOCQ (A), DECOCQ (G), op. cit., p. 384.

* 108 CJCE, 29 avril 2004, IMS Health. (C-418/01, Rec._p._I-5039) (cf. points 28, 30, disp. 1)

* 109 Article 16 (c) du Règlement CEMAC n°1/99 du 25 juin 1999 modifié et article 4.2 (b) du Règlement UEMOA n°02/2002 du 23 mai 2002.

* 110Source : « Interopérabilité : définitions, concepts et approches » en ligne in iutcerral.univ Lyon2.fr. (Recueilli le 14 juillet 2012)

* 111Voir Conseil de la Concurrence, Déc. n° 04-D-09 du 31 mars 2004, relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Codes Rousseau dans le secteur des supports pédagogiques pour auto-écoles, BOCCRF n°7 du 6 septembre 2004.

* 112Déc. Commission CE, 24 mars 2004, Aff. COMP/C- 3/37.792, Microsoft, Rev. Lamy de la Concurrence n°14, Janvier/ Mars 2008, p. 22.

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