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L'état de droit et l'histoire constitutionnelle de la RDC

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par Karim KAPITENE
Université catholique du Graben Butembo RDC - Graduat 2010
  

Disponible en mode multipage

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    DEDICACE

    · A notre regretté père Abdoul KARIM KAPITENI MATEMBELA ; que son âme repose en paix ;

    · A notre mère BASEME TSONGO Espérance ;

    · A nos frères SULEYMAN et YUSUF KAPITENI ;

    · A notre petite soeur RWAIDA KAPITENI.

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    Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C.
    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

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    Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C.
    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    REMERCIEMENTS

    Le présent travail est le couronnement de nos premiers pas dans la vaste forêt ombrophile luxuriante de la quête du sens, de la sagesse et de la science.

    La forme et le fond que ce travail revêt sont le fruit d'une ascèse intellectuelle motivée et promue par beaucoup d'esprits avisés. Il serait alors ingrat de notre part de rendre public un tel monument épistémologique sans adresser nos sincères et profondes gratitudes à tous ceux qui ont rendu possible la réalisation de notre oeuvre.

    Nos sincères remerciements s'adressent à Allah, le Dieu Tout-Puissant qui nous donne encore vie et force ;

    Au corps professoral de l'Université Catholique du Graben pour sa contribution à l'éducation et à la formation de la jeunesse.

    Nous tenons à rendre hommage au professeur MUHINDO MALONGA Télesphore et au Chef de Travaux KAVUSA KALEMBA Valère qui, en dépit de leurs multiples occupations ont accepté la direction et l'encadrement de ce travail. Leurs conseils et critiques ont été d'un apport capital pour l'élaboration du présent travail.

    Nous tenons à remercier les membres des familles KAPITENI et KAHULA pour leur soutien tant moral que matériel. Nous pensons ici à : ZAINAT, SAFI, RAMLA, RAMAZANI, DJUMA BAUMBILIA, DJAMALI, HERITIER, JUNIOR, RADJAB, DAVID, BASHIRU, SHABANI, FIRDAUS, UZAIMA, RIFKAT, LUKMANI, SADI, MBAVAZI, DJINO, FAZILA et bien d'autres.

    Nous ne saurons oublier de remercier nos parents HUSSEIN MATSONGANI, MAO MUHAMAD, PRIMO ISMAÏL, BARRAGE MBONGOLA pour leur soutien moral et spirituel.

    Tout être humain grandit dans un environnement plein d'amis et de connaissances. Ainsi, nous tenons à les remercier tous.

    Enfin, à tous les congolais épris de sagesse et de paix pour l'avènement d'un Etat de droit en RDC, nous adressons nos sincères remerciements.

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    Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C.
    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    SIGLES ET ABREVIATIONS

    AFDL : Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération

    Art. : Article

    CNS : Conférence Nationale Souveraine

    DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

    EIC : Etat Indépendant du Congo

    MPR : Mouvement Populaire de la Révolution

    ONU : Organisation des Nations Unies

    Ord : Ordonnance

    RDC : République Démocratique du Congo

    SDN : Société des Nations

    Abdoul KARIM KAPITENE

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    Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C.
    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    INTRODUCTION

    1. CONTEXTE ET ETAT DE LA QUESTION

    Depuis la plus haute antiquité, l'histoire des peuples et des nations a connu un nombre à la fois multiple et varié de formes de gouvernement : autocratie, théocratie, aristocratie, tyrannie ou empire, démocratie1.

    Dans ces différentes formes de gouvernement, il existe des normes régissant des rapports entre les gouvernants et les gouvernés. Ces normes sont, dans la plupart, non écrites. Ce n'est que vers le 18è siècle qu'apparaît le constitutionnalisme, courant d'idées qui s'est efforcé de substituer aux règles coutumières de gouvernement jugées vagues, imprécises des constitutions écrites devant déterminer, de manière précise, stable et objective l'exercice du pouvoir politique et des droits fondamentaux.

    Les théories de John LOCKE et de MONTESQUIEU sur le mode de gestion du pouvoir ne sont qu'une lutte contre l'absolutisme monarchique et font une analyse des relations existant entre l'Etat et la Constitution. Ces relations s'opèrent par

    l' « Etat de droit » qui est conçu comme un Etat dans lequel les gouvernés et surtout les gouvernants sont soumis à des règles juridiques préétablies et que les gouvernants ne peuvent pas modifier de manière arbitraire. La séparation des pouvoirs dans un modèle type d'Etat serait le meilleur régime d'organisation du pouvoir et de garantie de droits des citoyens.

    Il est préférable, dans un Etat de droit que le pouvoir judiciaire soit indépendant des pouvoirs législatif et exécutif qui sont des pouvoirs politiques. C'est ainsi que JOHN LOCKE écrit : « Ce serait provoquer à une tentation trop forte pour la fragilité humaine, sujette à l'ambition, que de confier à ceux-là mêmes qui ont déjà le pouvoir de faire les lois, celui de les faire exécuter »2. Et MONTESQUIEU d'ajouter : « C'est une expérience éternelle que tout homme qui a le pouvoir est porté

    1 Cf. L. S. SENGHOR, une des figures emblématiques de la politique africaine, lors d'une émission télévisée « Reflets Sud » passée en septembre 1998 sur les antennes de la chaîne de la télévision francophone belge RTBF, cité par E. TSHIMANGA BAKADIABABO, La démocratie et ses blocages au Congo-Kinshasa de 1958 à nos jours, L'Harmattan, Paris, 2004, p. 5.

    2 J. LOCKE, Traité du gouvernement civil, XII cité par T. MUHINDO MALONGA, Droit constitutionnel et institutions politiques, Notes de cours, G1 Droit et SSPA, UCG, p. 141.

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    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    à en abuser jusqu'à ce qu'il trouve de limite ; la vertu même a besoin de limite »3. Le pouvoir encore mieux les abus du pouvoir ne peuvent être empêchés que si le pouvoir arrête le pouvoir.

    De ce qui précède, il résulte clairement que la théorie sur l'Etat de droit n'est pas d'affirmation récente. En effet, déjà dès les années 1860, par BÄHR et GNEIST, fût-ce au stade embryonnaire, peu importe, se trouvait conçu l'Etat de droit, précisément en Allemagne pour prémunir la société contre la personnalisation et les excès de pouvoir. Il est hors de doute que la doctrine de l'Etat de droit a ses origines dans la science juridique allemande, plus précisément dans la doctrine du « Rechtsstaat »4.

    D'après J. CHEVALLIER, « Le terme Etat de droit est la traduction littérale du mot Rechtsstaat, qui devient d'usage courant dans la doctrine juridique allemande dans la seconde moitié du XIXè siècle : les premiers théoriciens en seront le libéral R. Von Mohl et le conservateur F.J. Stahl »5.

    Si R. Von MOHL se concentre dans un horizon libéral qui cherche, en réaction contre l'Etat autoritaire, à limiter le champ d'action du monarque et à mieux protéger les droits et libertés individuels par la loi, à la formation de laquelle les citoyens participent par l'élection des parlementaires, F.J. STAHL, en revanche, soutient avec force, l'idée que l'Etat de droit est moins un dispositif de limitation du pouvoir de l'Etat qu'un moyen d'organisation rationnelle de l'Etat et de juridicisation de ses rapports avec les administrés6.

    Tout est régi par des textes de lois notamment la norme supérieure qui est la Constitution et engendre, à l'intérieur d'une nation, des droits et libertés du peuple et s'impose à tous sans distinction. C'est dans ce sens que L. FAVOREU affirme : « L'encadrement juridique du pouvoir, condition nécessaire de l'Etat de droit, suppose tout d'abord qu'existe une constitution liant les divers organes du pouvoir

    3 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, XI, VI cité par T. MUHINDO MALONGA, Op. Cit., p. 141.

    4 J. NIEMBA SOUGA, Etat de droit, démocratique, fédéral au Congo Kinshasa cité par KAVUSA KALEMBA, La contribution du juge congolais à l'Etat de droit : une institution fantôme ?, UCG, TFC, 2001-2002, p. 10.

    5 J. CHEVALLIER, L'Etat de droit, Monchrestien, Paris, 1999, p. 11.

    6 Cf. J. CHEVALLIER cité par KAVUSA KALEMBA, Op. Cit., p. 11.

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    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    (...) et un système des sources du droit qui, découlant de cette constitution, oblige le pouvoir à emprunter des voies normatives »7. A L. de Saint MOULIN de continuer : « L'Etat de droit est un système politique où la loi s'impose à tous les citoyens, quel que soit leur rang »8. L'Etat de droit est celui où le droit de chacun est respecté, où personne n'est au-dessus de la loi. C'est la justice pour tous9.

    L'Etat de droit est un régime où toutes les lois du pays sont respectées et où la justice existe pour tout le monde. Ce respect de lois est hiérarchisé. C'est dans cette optique que H. KELSEN note : « l'Etat de droit est un Etat dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s'en trouve limitée »10.

    D'après T. MUHINDO MALONGA, l'Etat de droit exige que les personnes publiques et les gouvernants soient soumis, au même titre que les particuliers, au respect de l'ordre juridique et que ce respect soit sanctionné en dernier ressort par un juge indépendant. Il continue en écrivant que l'Etat de droit est devenu la principale caractéristique des régimes démocratiques. En faisant du droit un instrument privilégié de régulation de l'organisation politique et sociale, il subordonne le principe de légitimité au respect de la légalité. Il justifie ainsi le rôle croissant des juridictions dans les pays qui se réclament de ce modèle. L'Etat de droit signifie un Etat où l'on rencontre à la fois le respect de l'ordre juridique, la soumission des gouvernants au droit, la protection des droits et libertés individuelles assortie de la possibilité de sanction juridictionnelle exercée par un juge indépendant11.

    Depuis son apparition, la notion d'Etat de droit comporte à la fois une dimension formelle qui concerne l'Etat et une dimension matérielle qui implique des droits et libertés reconnus aux citoyens. Sur le plan matériel, l'Etat de droit va désormais de pair avec la participation citoyenne à la gestion du pouvoir.

    7 L. FAVOREU et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 1998, p. 69.

    8 L. De SAINT MOULIN et alii, La perception de la démocratie et de l'Etat de droit en RDC, CEPAS, Kinshasa, 2003, p. 14.

    9 Cf. Ibidem, p. 41.

    10 http://fr.wikipedia.org/wikil%c3%89tat-de-droit

    11 Cf. T. MUHINDO MALONGA, « L'Etat de droit en temps de guerre », in Parcours et Initiatives, Revue interdisciplinaire du Graben, n° 1, 9 août 2002, p. 7.

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    Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C.
    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    De nos jours, l'Etat de droit comporte une exigence de démocratie, de primauté du droit, de reconnaissance des droits et libertés, de transparence dans la gestion des affaires publiques.

    La notion d'Etat de droit suscite certaines interrogations pour ce qui concerne la RDC ; nous allons essayer de discuter ces interrogations dans son histoire constitutionnelle à travers une problématique.

    2. PROBLEMATIQUE

    Dans la plupart des pays occidentaux, l'histoire constitutionnelle commence à s'écrire vers la fin du XVIIIè siècle au moment où l'essor économique de la bourgeoisie et le mouvement des idées ébranlent les trônes et remettent en cause les principes qu'on croyait immuables sur lesquels étaient fondées les sociétés12. En Afrique, c'est avec le vent de la colonisation qui soufflait sur la plupart de pays. En R.D.C., cette histoire commence à s'écrire avec les conquêtes du roi des belges, LEOPOLD II. Avant cette période, la RDC actuelle était encore divisée entre plusieurs royaumes indépendants et parfois en conflit.

    Bien que récente, du point de vue chronologique, cette histoire a déjà connu plusieurs Constitutions alors que des Etats plus anciens comme les USA sont toujours à leur première Constitution malgré les amendements qui y ont été apportés. Pour la RDC, on peut évoquer d'abord la période coloniale qui a été régie par des textes coloniaux, juste après l'indépendance par la Loi Fondamentale et la Constitution de Luluabourg ; la période républicaine régie par des Constitutions républicaines même si elle a vu s'instaurer ensuite une dictature et par la suite, la renaissance de la démocratie.

    Pour bien mener notre investigation, nous pouvons nous poser certaines questions. D'abord celle de savoir si, à la période de la colonisation, l'on pouvait parler d'Etat de droit. Ensuite, il y a lieu de s'interroger sur l'existence d'un Etat de

    12 Cf. B. CHANTEBOUT, Droit constitutionnel et science politique, 3è éd. Economica, Paris, 1980, p. 84.

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    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    droit après l'indépendance. Enfin, les libertés et les droits des citoyens qui figurent parmi les indicateurs d'identification de l'Etat de droit, ont-ils été respectés pendant toutes ces périodes ?

    Nous tenterons d'apporter des réponses à ces différentes questions dans la suite du travail. Pour l'heure, il convient de relever les hypothèses.

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    Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C.
    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    3. HYPOTHESES

    De ces interrogations, les hypothèses suivantes peuvent être émises.

    - La colonisation serait l'une des antivaleurs que l'Etat de droit chercherait à combattre du fait qu'elle recourt à des pratiques inhumaines et dégradantes. Les colonisés ne jouissent pas de la plénitude de droits fondamentaux et sont soumis à un régime inégalitaire.

    - La construction d'un « Etat plus beau qu'avant » serait l'idéal des élites congolaises. Tout en sachant que la protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens, la suprématie de la Constitution et le contrôle juridictionnel seraient des conditions nécessaires à la construction d'un Etat de droit, elles chercheraient, depuis l'indépendance d'y parvenir. Pour dire, elles auraient commission de lutter contre la dictature, les violations des droits et libertés et bien d'autres pratiques contraires à l'Etat de droit.

    4. METHODOLOGIE

    Pour vérifier les hypothèses, il importe de recourir à certaines méthodes.

    En effet, la méthode exégétique nous a été d'une grande importance car les textes constitutionnels, légaux et réglementaires ont été interprétés. Aussi, la méthode historique est-elle de taille dans cette analyse. Pour se rendre compte de l'évolution de l'Etat de droit en RDC, il est obligatoire de se référer à son histoire constitutionnelle ou légale. L'Etat de droit fait l'objet d'une étude dans beaucoup de pays. Pour voir comment il se vit ailleurs, la méthode comparative reste la mieux indiquée. Voilà pourquoi cette méthode est aussi importante dans cette analyse. Et la méthode sociologique nous est également utile pour saisir les écarts entre les textes et la pratique.

    La technique documentaire et l'observation nous ont permis de mieux orienter notre réflexion et de mieux voir les différents écrits des auteurs à propos de ce thème.

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    5. INTERET, OBJECTIF ET DELIMITATION DU SUJET

    Tout travail, moindre soit-il, affiche toujours un certain intérêt et un objectif. Aussi, une analyse qui se veut précise, mérite-t-elle d'être limitée dans le temps et de l'espace.

    5.1. Intérêt

    Sans aucun doute, le choix de notre sujet ne manque pas de répondre à un certain intérêt. Avant toute chose, ce travail constitue des jalons déjà jetés pour tout chercheur attiré par ce domaine. En outre, cette analyse peut interpeller les Etats qui, jusqu'aujourd'hui, ne comprennent pas encore l'impérieuse nécessité de l'instauration d'un Etat de droit13.

    Aussi, il est question de faire voir que sans le respect des droits et libertés des citoyens et de la Constitution ou des lois, l'Etat de droit est inexistant. Comme le souligne J. CHEVALLIER, « on mesure la portée politique de la théorie de l'Etat de droit qui à la fois constitue un rempart contre l'arbitraire, en imposant l'intervention du Landtag pour tout ce qui touche aux droits individuels et préserve les prérogatives de l'Exécutif, en mettant l'Etat lui-même hors de la sphère de la loi »14 (Intérêt scientifique).

    Par ailleurs, notre étude peut, dans une certaine mesure, amener les responsables de notre pays, la RDC, à s'arrêter un moment pour appréhender les problèmes qui entravent non seulement la matérialisation et la construction d'un Etat de droit en RDC mais encore y apporter des solutions un peu plus efficaces (Intérêt pratique).

    Enfin, il est une vérité sur laquelle on n'insistera jamais trop, c'est que, tout geste que pose l'homme affiche toujours un certain subjectivisme. Cette investigation comporte en conséquence un intérêt exclusivement nôtre, car, si elle est bien traitée, il va sans dire qu'elle contribuera à notre maturité scientifique (Intérêt personnel). Pour

    13 Cf. KAVUSA KALEMBA, Op. Cit., p. 3.

    14 J. CHEVALLIER, Op. Cit., p. 18.

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    Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C. Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    tout dire, « il n'y a point d'action sans intérêt », peu importe que cet intérêt soit scientifique, pratique ou personnel15.

    5.2. Objectif

    Notre dessein s'oriente dans l'étude constitutionnelle congolaise. En fait, il est question de faire connaître à ceux qui nous lisent, la théorie de l'Etat de droit, sa perception et son évolution dans l'histoire constitutionnelle de la RDC.

    5.3. Délimitation

    La RDC constitue notre champ d'investigation bien que, par moment, nous pourrions parler de l'Etat de droit sous d'autres cieux. Dans cette analyse, notre attention sera focalisée sur la notion de l'Etat de droit à partir de la période coloniale jusqu'à nos jours (à la Constitution du 18 février 2006).

    6. DIFFICULTES RENCONTREES

    A vaincre sans péril on triomphe sans gloire. En menant nos recherches, nous nous sommes heurté à plusieurs difficultés que ne nous saurons pas énumérer dans ce travail. Malgré tout et tout en ayant un objectif, nous avons dû nous frotter les mains à la frontière.

    7. SUBDIVISION DU TRAVAIL

    On ne peut parler d'Etat de droit sans faire allusion aux libertés et droits des citoyens. Mais il semble qu'à la période de l'EIC et du Congo belge, les libertés et droits des citoyens passaient au second plan. Cette déficience renvoie à une négation de l'Etat de droit (Chapitre I). A l'état actuel, en passant bien entendu son histoire en revue, il y a lieu de s'arrêter un moment pour voir si l'Etat de droit a évolué en RDC à partir de son accession à l'indépendance (Chapitre II).

    15 Cf. KAVUSA KALEMBA, Op. Cit., p. 4.

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    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    Chapitre premier

    LA PERIODE COLONIALE ET LA NEGATION
    DE L'ETAT DE DOIT

    Dans son ouvrage « Institutions politiques et Droit constitutionnel », P. PACTET écrit : « Il ne peut y avoir Etat de droit que si le pouvoir politique s'exerce par les voies du droit et seulement par ces voies. Pour cela, il faut qu'il existe dans l'Etat un réseau normatif bien adapté et une hiérarchisation des normes avec un sommet des principes à valeur constitutionnelle qui servent de références »16.

    Eric CARPANO ajoute : « Les droits fondamentaux dont la source est la dignité humaine sont fondateurs, voir refondateurs de l'Etat de droit (...) ; c'est le droit fondamental qui pose l'Etat en tant qu'Etat de droit, et celui-ci n'a pour fonction que de le concrétiser et le garantir en même temps. Il s'agit là de l'expression la plus essentielle de l'idée même d'Etat de droit »17.

    Dans l'Etat droit, les droits fondamentaux tels qu'énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les différentes conventions doivent être respectés. Nous pouvons, de manière exemplative, citer quelques articles de cette Déclaration qui en parlent.

    L'article 1 de la DUDH dispose : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit ». L'article 3 ajoute : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». L'article 18 mentionne : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu'en privé par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites ». L'article 26 déclare : « Toute personne a droit à l'éducation ».

    En effet, le problème de la violation des droits fondamentaux est l'un de ceux qui n'ont cessé de solliciter l'attention de plus d'une personne. La solution à ce

    16 P. PACTET, Institution politique et Droit constitutionnel, 17è éd. Armand Colin, Paris, 1998, p. 125.

    17 E. CARPANO, Etat de droit et droits européens, L'Harmattan, Paris, 2005, p. 441.

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    Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C.
    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    problème semble se trouver dans l'Etat de droit, corollaire de la démocratie libérale.

    L'Etat de droit échappe à toute dictature, et sans doute, cherche à garantir les droits et libertés des citoyens en prohibant les tortures, esclavage, colonisation, etc.

    Avant de parler de la période coloniale, l'analyse de l'Etat de droit dans la période précoloniale exige une attention particulière.

    La RDC d'avant la colonisation était caractérisée par différents empires et royaumes où seule la loi non écrite régit l'exercice du pouvoir et des droits des citoyens. Pendant cette période, l'on pouvait assister à la vente ou au commerce des humains, à l'esclavage, etc. pratiques contraires à l'Etat de droit. Ainsi, l'Etat de droit y était de façade.

    A l'approche de la fin du 19è siècle, les puissances européennes sont à la recherche de colonies. Le roi des belges voudra également offrir une colonie à la Belgique. Malheureusement, l'opinion publique belge est hostile à la colonisation. En effet, les belges étaient en peine sortis, en 1830, de la colonisation hollandaise et ils en gardaient encore de mauvais souvenirs. Le roi belge a ainsi agi pour son compte personnel et a, pour ce faire, entrepris des voyages en Asie et en Afrique centrale.

    C'est ainsi que, après avoir conquis les différents royaumes, le roi Léopold II a réussi à se tailler une partie de terre dans le bassin du Congo. C'est en 1885, lors de la conférence de Berlin, convoquée par le Chancellier allemand BISMARK du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, que l'EIC a été reconnu au niveau mondial par toutes les puissances. Léopold II avait dissimulé ses visées coloniales derrières des objectifs scientifiques et humanitaires. Officiellement, son souhait serait d'implanter la civilisation occidentale en Afrique.

    Ce nouvel Etat n'appliquera que des pratiques négatives à l'Etat de droit et qu'en réalité le testament fut sans grande conséquence puisque la propriété du roi passera à la Belgique avant la mort de celui-ci. Cela implique la continuité de ces anti-valeurs contraires à l'Etat de droit, même si l'autorité sur la colonie passe du roi

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    Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C.
    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    Léopold II à la Belgique. L'EIC (section I) devient donc le Congo belge et sera régi par une disposition constitutionnelle qui est la « Charte coloniale » (section II).

    Section I : L'ETAT INDEPENDANT DU CONGO

    Dans un Etat de droit, pour une meilleure garantie des droits et libertés fondamentaux, les textes qui les proclament doivent se situer à un niveau supérieur de la hiérarchie des normes juridiques. C'est dans ce sens que P. PACTET écrit : « Les garanties des droits et libertés fondamentaux sont meilleures lorsque les textes qui les proclament se situent à un très haut niveau de la hiérarchie des normes juridiques. Sur ce point, satisfaction est obtenue lorsque le texte qui les proclame a valeur constitutionnelle et que les textes qui les réglementent doivent obligatoirement avoir valeur législative »18, ce qui n'est pas le cas dans l'EIC.

    Il est encore plus nécessaire que, sous couvert de réglementer les droits et libertés fondamentaux, le pouvoir législatif ainsi que le pouvoir exécutif ne puissent leur porter atteinte. Il doit donc exister un contrôle de la constitutionnalité des lois. Bien entendu, ce contrôle doit être complété par un contrôle juridictionnel de la constitutionnalité et de la légalité des actes spécifiques de l'exécutif, règlements ou décisions unilatérales. En d'autres termes, les libertés et droits fondamentaux ne seront garantis que si est institué un véritable Etat de droit19. Or, dans l'EIC, ces textes semblent n'avoir jamais existé. Et donc, la constitutionnalité des lois et la légalité des actes, leur contrôle n'étaient que des illusions.

    L'EIC est un bien privé à Léopold II. Ainsi, il détient seul les pouvoirs de décision (§1). Pour exploiter ce domaine, il avait besoin d'une main d'oeuvre. Cela l'a poussé à forcer la population à travailler comme des esclaves (§2).

    18 P. PACTET, Op. Cit., p. 124.

    19 Cf. Ibidem

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    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    1. Concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul : pratique contraire à l'Etat de droit

    Pour garantir les droits et libertés fondamentaux des citoyens vis-à-vis des atteintes du pouvoir, le pouvoir ne doit pas être concentré entre les mains d'un seul, mais dans les mains de plusieurs, ce qui suppose que les pouvoirs de l'Etat soient séparés et qu'ils le restent20. A vrai dire, la séparation des pouvoirs est une des conditions indispensables pour assurer la protection des droits et libertés des citoyens, facteur important dans un Etat de droit.

    Dans l'EIC, les pouvoirs législatif et exécutif sont concentrés entre les mains du roi Léopold II. Il édictait lui-même des lois qu'il faisait exécuter par ses représentants dans la colonie. Cela s'explique par le fait qu'il n'y avait pas un Parlement. Même le pouvoir judiciaire n'y était que de façade. Ce pouvoir était partagé en deux ordres : l'un pour les belges soumis au droit écrit et l'autre pour les indigènes soumis au droit coutumier. Ce qui explique l'inégalité des citoyens dans l'EIC. La citoyenneté n'est donc pas reconnue à tous les habitants. Pour ce faire, personne ne peut contrôler et limiter les actions du roi de peur de perdre son emploi. Ainsi, l'administration léopoldienne ne pouvait mal faire.

    Comme dit ci-haut, le roi réduisait ses citoyens à des esclaves.

    2. L'esclavagisme et l'Etat de droit

    La théorie de l'Etat de droit trouve ses origines dans l'école du droit naturel. Pour cette dernière, l'homme naît libre et le demeure. Toute pratique ou traitement inhumain touchant son intégrité serait contraire à un Etat de droit. L'article 1er de la DUDH de 1948 s'inscrit dans cette même perspective lorsqu'il dispose : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit ». Et l'article 3 d'ajouter : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ».

    L'exploitation socio-économique de l'EIC par le roi Léopold II allait à l'encontre de ce que préconise ce texte. Le régime léopoldien n'est qu'une catastrophe

    20 Cf. E. ZOLLER, Droit constitutionnel, éd. PUF, Paris, 1998, pp. 284 et 279.

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    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    sur le plan social. Ainsi, d'après NDAYWEL-è-Nziem, cette histoire tragique trouve son fondement dans la conception possessive que Léopold II avait de « son » Congo. De même que toutes les terres vacantes lui appartiennent d'office, toutes les populations que le hasard de l'histoire a eues à placer sur le territoire du Congo constitueraient automatiquement, elles aussi, une main d'oeuvre vacante et disponible : vacante parce que sans propriétaire et disponible parce qu'inoccupée. Avec des espaces libres et un personnel sans emploi, Léopold II se trouve en présence d'une situation rêvée où le prix de revient constitue un intérêt net car il n'y avait pas de prix d'achat à défalquer21. Les congolais ont connu toutes sortes de pratiques malsaines comme le portage, les corvées, etc.

    En effet, le portage était un véritable enfer. Le congolais, soumis brutalement à un rythme de travail d'une intensité inhabituelle, manifeste peu d'empressement à exécuter les travaux dont il ne comprend pas la finalité et pour lequel il ne ressent aucune motivation. On le traitera de paresseux et de congénitalement peu enclin au travail. Ce mythe du « nègre paresseux » a servi de justification dans toute l'Afrique noire à nombre de comportements irrationnels22.

    Alors que les autochtones étaient soumis à un régime de sanctions répressives en matière de portage, ils se trouveront soumis à une autre obligation sévère, à laquelle ils ne peuvent guère se soustraire. Il fallait fournir à manger à tous les blancs qui sillonnaient les cours d'eau avec leurs soldats, leurs porteurs, leurs nombreux auxiliaires contraints à mener une vie ambulante sans pouvoir s'occuper de l'agriculture, de chasse et de pêche23.

    La plus grande hécatombe est causée par la récolte du caoutchouc : la page la plus triste parce que la plus sanglante de l'histoire congolaise de la colonisation. En effet, elle n'est que la conséquence d'une logique implacable du système économique léopoldien. Les prestations à exiger car la maximisation des recettes était une priorité absolue24.

    21 Cf. NDAYWEL-è-Nziem, Op. Cit., p. 267.

    22 Ibidem, p. 337.

    23 Cf. Ibidem, p. 338.

    24 Cf. Ibidem, p. 339.

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    Pour obtenir les prestations requises, les agents de l'Etat disposaient de toute une gamme de moyens de contrainte et de répression : ils peuvent faire surveiller les villages par des soldats affectés sur place - des sentinelles - ils peuvent administrer et faire administrer le fouet (la chicotte) ou encore prendre des otages et organiser des expéditions punitives.

    Le crime de l'administration léopoldienne serait de tuer et de faire tuer des gens dont la seule faute serait d'avoir été dans l'incapacité d'atteindre la qualité requise de récolte.

    L'EIC souffre de tous les maux, antivaleurs contraires à l'Etat de droit. L'absence de normes juridiques encadrant rigoureusement les droits et libertés fondamentaux ainsi que l'exercice du pouvoir de l'administration ; l'absence d'un système de justice administrative susceptible de sanctionner efficacement les abus de l'administration faisant que l'homme indigène ne peut rien avoir comme droit même sur sa vie. Seul son maître décide à sa place, voire sur sa famille.

    Etant contraire aux voeux de l'Etat de droit, l'administration léopoldienne ne saurait passer sans critique. Toutes les puissances amies à Léopold II l'ont fort critiquée. Le roi se trouve alors coupé de ses arrières et se rend à l'évidence : le Congo (EIC) allait être annexé à la Belgique après plusieurs décennies. Cependant, l'acte juridique de l'annexion n'interviendra qu'en 1908 suite à la dernière lutte que le roi entreprenait pour maintenir à son compte la fondation de la couronne et au délai nécessaire à l'élaboration de la Charte coloniale, texte ayant une portée constitutionnelle dans la colonisation belge.

    Section II : LA COLONIE BELGE ET LA CHARTE COLONIALE

    Avec la charte coloniale, un texte à caractère constitutionnel dans la colonie belge, il y a lieu de dire, avant de lire les différentes dispositions de cette dernière, qu'on est en marge d'un Etat de droit. Le titre « charte coloniale » en témoigne suffisamment. Contenant six chapitres dont le deuxième consacre les droits n'ayant que cinq articles en son sein, ce texte paraît plus tributaire de la ségrégation que de développement comme le prétendaient les belges. Par le fait de son intitulé, le second

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    chapitre de la Charte est porteur de l'inégalité entre les hommes se trouvant dans la colonie. En effet, ce chapitre porte le titre de « Les droits des belges, des étrangers et des indigènes ». C'est là un mauvais départ pour un Etat de droit.

    Aussi, est-il que tous les pouvoirs, dans cette charte, sont concentrés entre les mains d'une seule personne. En effet, le chapitre trois, précisément l'article 7 al.1 dispose : « La loi intervient souverainement en toute matière. Le roi exerce le pouvoir législatif par voie de décret, sauf quant aux objectifs qui sont réglés par la loi ». L'article 8 ajoute : « Le pouvoir exécutif appartient au roi. Il est exercé par voie de règlements et d'arrêtés ». Ce qui renvoie à un Etat de police qui « est celui dans lequel l'autorité administrative peut d'une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l'initiative en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre à chaque moment les fins qu'elle se propose »25. L'Etat de police est fondé sur le bon plaisir du principe : il n'y a ni véritable limite juridique à l'action du pouvoir, ni réelle protection des citoyens contre le pouvoir26.

    Comme on vient de le voir, la charte coloniale contient des dispositions inégalitaires (§1) faisant participer, seuls, les colons à la gestion de la res publica (§2).

    3. L'inégalité des hommes devant la loi et l'Etat de droit

    L'Etat de droit consacre l'égalité des hommes devant la loi. Il s'agit là, d'après E. CARPANO, d'une caractéristique essentielle du modèle de l'Etat de droit en ce qu'il fait figure à la fois de principe structurel et de principe substantiel de l'ordre juridique : en tant que principe structurel, il conditionne l'application des droits fondamentaux (droit à l'égalité des droits) ; en tant que principe substantiel, il impose de traiter chaque individu de manière égalitaire27. Or dans la charte coloniale, il en va autrement. Seuls peuvent avoir des droits et être égaux, les colons alors que les autres, appelés indigènes, ne sont astreints qu'à des obligations. D'ailleurs, tout en bénéficiant

    25 C. DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l'Etat, Tome 2, Sirey, Paris, 1920-1922, p. 488.

    26 Cf. J. CHEVALLIER, Op. Cit., p. 16.

    27 Cf. E. CARPANO, Op. Cit., p. 427.

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    de certains droits reconnus par la Constitution belge de 1830, les indigènes restent victimes de l'inégalité dans la colonie.

    Cette inégalité est une émanation de la charte coloniale elle-même. En effet, l'article 2 al. 4 de cette charte dispose : « Des lois régleront, à bref délai en ce qui concerne les indigènes les droits réels et la liberté individuelle ». Pour un belge, même s'il est au Congo, il n'a pas à s'inquiéter, il ne doit que se sentir comme il était en Belgique et jouir des mêmes garanties que celles qui lui sont assurées en Belgique. C'est dans ce sens que l'art. 3 al. 2 dispose : « Les belges jouiront au Congo (...) des garanties semblables à celles qui leur sont assurées en Belgique ».

    Alors que les indigènes pouvaient avoir le souci de partager le même destin, la charte coloniale les a séparés en distinguant entre eux des immatriculés et les non immatriculés. Cette division est à remarquer dans les termes de l'article 4 de la Charte coloniale qui dispose : « Les Belges, les congolais immatriculés dans la colonie (...) jouissent de tous les droits civils reconnus par la législation du Congo belge (...). Les indigènes non immatriculés du Congo belge jouissent des droits civils qui leur sont reconnus par la législation de la colonie et par leurs coutumes en tant que celles-ci ne sont contraires ni à la législation ni à l'ordre public ». Pour dire, la Charte n'avait comme objectif que de maintenir la discrimination entre les habitants du Congo.

    Dans un Etat de droit, la non discrimination entre les individus est le principe. Ainsi, la jouissance des droits et libertés doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

    En considération de ce qui précède, l'on peut être tenté de croire que les autochtones étaient exclus de la gestion de la res publica.

    4. La gestion belge du Congo et la participation congolaise

    Hélène d'ALMEIDA écrit : « Malgré les différences des conceptions inhérentes à chaque métropole, la participation des africains aux prises de décision

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    était pratiquement nulle. Ils pouvaient tout au plus avoir un rôle consultatif limité dans les instances locales par l'intermédiaire de personnalités nommées, ce qui n'était même pas le cas dans les colonies allemandes, belges et portugaises »28.

    La participation du peuple à la gestion de la chose publique garantit ses droits et libertés. Cette participation est considérée comme étant une garantie de l'Etat de droit et que les individus sont libres, autonomes et égaux et ne peuvent que s'auto-administrer.

    Dans le Congo belge comme dans l'EIC, l'administration ne se déroule qu'entre blancs, bien plus de même origine. La participation congolaise y est faible. La Charte coloniale, en son chapitre trois, consacré à l'organisation du pouvoir, ne fait mention d'aucune structure indigène de participation à la gestion de la chose publique. Au lieu même de laisser une place administrative aux autorités autochtones, la Charte institue un Gouverneur Général et un vice-gouverneur général ; et ceux-ci ne doivent être que des blancs ou des belges d'origine. Pour nous soutenir, l'art. 21 de la Charte dispose : « Le roi est représenté dans la colonie par un Gouverneur général, assisté d'un ou plusieurs vice-gouverneurs généraux ». L'al. 2 de ce même article ajoute : « Sauf les personnes qui ont administré en l'une ou l'autre de ces qualités le territoire de l'EIC, nul ne peut être nommé aux fonctions de gouverneur général ou de vice-gouverneur général s'il n'est belge de naissance ou par grande naturalisation ». L'art. 22 al. 2 continue en affirmant : « Le Gouverneur Général est, dans les territoires constitués par le Roi en vice-gouvernement général, le vice-gouverneur général exercent par voie d'ordonnance le pouvoir exécutif que le roi leur délègue ».

    Les autochtones qui participent à la gestion de la chose publique n'y sont qu'au service de la métropole. Ce qui n'est pas de pratique dans les colonies françaises parce que la France a pris comme pratique d'associer les autochtones à la gestion de la chose publique tout en leur reconnaissant certains droits politiques. Cette pratique est appelée « administration directe ».

    28 H. d'ALMEIDA-Topor, L'Afrique du XXè siècle, éd. Armand Colin, Paris, 1993, p. 28.

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    Les belges font usage de la politique de l'administration indirecte qui est officiellement instaurée par le décret du 15 avril 1926. Elle consiste à laisser les indigènes s'organiser dans leurs institutions mais ne doivent pas participer à la vie politique du pays. Pour dire, la citoyenneté n'est pas reconnue aux indigènes dans une telle administration. Cette politique entretient la ségrégation entre populations européennes et africaines et, partant, elle évite au maximum la multiplication des congolais acculturés et limite donc l'instruction au strict minimum.

    L'administration belge a réussi à élaborer une quarantaine de textes législatifs pour appuyer l'option de la ségrégation, notamment l'ordonnance du 8 janvier 1918 interdisant aux Noirs de circuler dans les circonscriptions urbaines et dans certaines agglomérations européennes entre 21 heures 30 et 4 heures ; le décret du 16 juillet 1918 imposant la séparation des races dans les villes ; les décrets et les ordonnances de 1919-1920 prévoyant la constitution d'un corps de volontaires européens et le renforcement des mesures préventives concernant l'ordre public ; le décret du 6 août 1922 alourdissant les peines destinées à réprimer les infractions aux règlements de police ; l'ordonnance du 11 février 1926 visant les associations indigènes, etc.

    En effet, les affres et les conséquences fâcheuses de la colonisation placeront le régime belge au rang des régimes les plus sanguinaires que l'histoire nationale ait pu enregistrer : les corvées, les mutilations corporelles de toutes sortes, l'exploitation économique et l'embrigadement idéologique instaurés par ce régime jettent ainsi, à titre de bilan, une épaisse nuée d'ombre dans toute la politique sociale coloniale belge, laquelle ne permet pas d'évoquer la question des droits de l'homme pendant cette période29.

    La Charte coloniale prévoit l'institution d'une « commission permanente de la protection des indigènes et de l'amélioration de leurs conditions morales et matérielles ». Elle place singulièrement la question générale des droits de l'homme sous l'empire entier de la Constitution belge de 1830. Les al. 4 et 5 de l'art. 2 de la

    29 Cf. NDAYWEL-è-NZIEM, Op ; Cit., p. 240.

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    Charte renvoient à la compétence de la loi la réglementation des droits réels et la liberté des indigènes, loi qui n'est intervenue que le 17 juin 1960, treize jours avant l'accession du pays à l'indépendance. Cet article 2 dispose : « Tous les habitants de la colonie jouissent des droits reconnus par les art. 7 al. 1er et 2, 8 à 15, 16 al. 1er, 17 al. 1er, 21, 22 et 24 de la Constitution Belge ». L'al. 5 de cette même disposition ajoute : « Des lois règleront, à bref délai, en ce qui concerne les indigènes les droits réels et la liberté individuelle ».

    L'on comprendrait peut-être pourquoi la Charte coloniale de 1908 n'a pas fait beaucoup allusion aux questions liées aux droits de l'homme. Lors de son élaboration et de sa promulgation, il n'existait pas d'instruments internationaux protégeant les droits de l'homme ; les chartes de la Société des Nations (SDN), de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) n'avaient pas encore vu le jour, excepté la Déclaration française des droits de l'homme et des peuples (1789) qui est un texte national.

    En 1960, tous ces instruments existent déjà et la Belgique serait membre de la SDN puis de l'ONU et a ratifié la DUDH. C'est donc devant ces impératifs de l'heure qu'elle va prendre l'initiative de proclamer la loi fondamentale sur les libertés publiques, et, sous pression, octroyer l'indépendance au Congo (RDC).

    Nous venons de fustiger les antivaleurs de la période coloniale, lesquelles ne peuvent faire éclater un Etat de droit. La RDC est à son cinquantième anniversaire depuis qu'elle est indépendante. Il est important de voir si le pays est devenu un Etat de droit à partir de son indépendance.

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    Chapitre deuxième

    L'EVOLUTION DE L'ETAT DE DROIT EN RDC
    DEPUIS L'INDEPENDANCE

    Le 30 juin 1960, la RDC accède à l'indépendance. Les congolais retrouvent certains droits et libertés. Ils vont s'assigner comme mission de construire un Etat de droit en RDC.

    L'Etat de droit n'est pas à confondre avec l'Etat légal qui est aussi différent de l'Etat de police. Comme l'indique CARRE DE MALBERG, « L'Etat de police est celui dans lequel l'autorité administrative peut, d'une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l'initiative, en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre à chaque moment les fins qu'elle se propose »30.

    A n'en pas douter, l'Etat de police connaît moins une véritable limite juridique à l'action du pouvoir et une réelle protection des citoyens contre le pouvoir.

    Par contre, l'Etat légal repose sur la suprématie du corps législatif. Cet Etat se rattache à une conception politique ayant trait à l'organisation des pouvoirs, conception suivant laquelle l'autorité administrative doit, dans tous les cas et en toute matière, être subordonnée à l'organe législatif31. De ce fait, Georges BURDEAU écrit que « l'Etat légal c'est la dictature de la loi »32.

    De ce qui précède, nous pouvons affirmer sans risque d'erreur que l'Etat de droit englobe et l'Etat de police et l'Etat légal en les dépassant. L'Etat de droit est devenu la forme normale d'organisation des sociétés, et exige un certain nombre de conditions : le respect de l'ordre juridique, la protection des droits et des libertés et le contrôle juridictionnel sur les gouvernants.

    30 C. DE MALBERG cité par KAVUSA KALEMBA, Op. Cit., p. 12.

    31 Cf. Ibidem, p. 13.

    32 G. BURDEAU, Droit constitutionnel, 22è éd. LGDJ, Paris, 1991, p. 503.

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    Pour Joël MEKHANTAR, « la soumission du pouvoir politique au droit suppose que soient réunies deux grandes conditions. D'une part, qu'existe un certain ordre juridique hiérarchisé, déterminé, en principe, par la Constitution. D'autre part, que les individus puissent s'adresser à des juridictions pour faire respecter l'ordre juridique. Autrement dit, il n'y a pas d'Etat de droit sans l'existence d'un contrôle juridictionnel »33.

    L'Etat de droit s'analyse mieux encore dans la transparence de gestion de la res publica faisant appel à un type de contrôle (politique, administratif, disciplinaire et juridictionnel) dans l'action du gouvernement impliquant de sanctions. L'Etat de droit lutte contre l'impunité.

    Pour vérifier tous ces éléments, nous allons partir de différents textes constitutionnels de la RDC. C'est dans ces différentes constitutions que nous allons vérifier l'existence de l'Etat de droit et cela en vue de mieux connaître son évolution dans le temps.

    Depuis l'indépendance jusqu'à nos jours, la RDC a connu plusieurs Constitutions alors que des Etats plus anciens comme les USA ne sont qu'à leur première Constitution malgré les différents amendements y apportés. La première Constitution, en RDC, est la Loi fondamentale. Elle sera suivie des Constitutions républicaines (Section I) qui, par la suite, ont été détournées vers la dictature. Après cette longue période de dictature, le pays va s'ouvrir à la démocratisation à partir du 24 avril 1990 et c'est le début de la transition. Cette transition sera marquée par la conflictualité et des guerres en répétition. Elle prendra fin après de longues discussions qui aboutiront à l'Accord global et une Constitution de transition, sanctionnés par la suite d'une Constitution démocratique promulguée le 18 février 2006 (Section II).

    33 Cf. J. MEKHANTAR, Droit politique et constitutionnel, éd. ESKA, Paris, 1997, p. 139.

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    Section I : LA LOI FONDAMENTALE, LA CONSTITUTION

    DE LULUABOURG ET LA CONSTITUTION

    REVOLUTIONNAIRE

    Pour mieux assurer la démocratie en RDC après l'indépendance et pour ne pas y créer un vide juridique, le Parlement belge préparera et va octroyer un texte à portée constitutionnelle au nouvel Etat, le Congo indépendant. C'est la Loi fondamentale (§1). Quatre ans après, les congolais eux-mêmes ont élaboré leur propre texte : la Constitution de Luluabourg (§2) qui sera remplacé par la Constitution qualifiée de « Révolutionnaire » (§3).

    §1. La Loi fondamentale

    Elle est une composition de deux textes légaux. L'un du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo indépendant et à l'exercice du pouvoir (A) et l'autre du 17 juin 1960 relatif aux droits des indigènes, qui était prévu bien avant par la Charte coloniale et qui n'a vu le jour qu'à cette date (B).

    A. L'exercice du pouvoir

    Il est régi par un texte du 17 juin 1960. L'Etat de droit implique que l'exercice du pouvoir soit organisé par un texte à valeur constitutionnelle et cela pour mieux assurer la garantie des droits et libertés. Ainsi, est-il écrit à l'article 6 de cette loi : « Le Congo constitue, dans ses frontières actuelles, un Etat indivisible et démocratique ». A l'article 12 d'ajouter : « La désignation du Chef de l'Etat est acquise à la majorité des deux tiers de tous les membres qui composent les deux chambres réunies ». Pour vouloir montrer comme quoi les congolais, eux-mêmes, doivent prendre leur destin en main. Ils doivent faire usage des jeux démocratiques. La démocratie est, à l'heure actuelle, une condition nécessaire pour l'existence d'un Etat de droit. La démocratie bénéficie d'un prestige dans le monde, et si elle est une

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    aspiration des peuples, c'est qu'elle se ramène, en définitive, à la protection des droits et libertés.

    L'article 14 mentionne : « Les pouvoirs sont exercés de la manière établie par la présente loi ». L'article 18 dispose : « Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et tribunaux (...) ». Voilà encore l'une des caractéristiques d'un Etat de droit. Le pouvoir judiciaire reste jusqu'à preuve du contraire le gardien des droits et libertés des peuples.

    De ce qui précède, l'on est porté à penser à un Etat de droit avec la loi fondamentale. Mais, est-il que cette Loi fondamentale ferait l'objet de plusieurs sabotages de la part et des colons et des congolais. C'est ainsi, par exemple, que lors des élections remportées par les partis nationalistes regroupés au sein de l'Alliance Nationale Congolaise (ANC) présidée par Patrice LUMUMBA, l'administration coloniale qui dirigeait encore le pays soutenait le groupe des partis politiques perdant regroupés au sein du Parti National du progrès (PNP) transformé par ses opposants en « Parti de Nègres Payés »34. C'est là une preuve que l'administration coloniale était loin d'accepter démocratiquement la victoire des partis nationalistes, ce qui a alors entraîné de graves conséquences au blocage du processus de construction d'un Etat de droit.

    A cela on peut ajouter le fait que le nouvel Etat s'est heurté à l'inexpérience du peuple congolais. Le passage du système colonial considéré comme paternaliste et autoritaire vers un système démocratique, le 30 juin 1960, n'a pas été aisé pour les congolais qui n'étaient pas préparés à affronter seuls une telle situation.

    Par contre, dans les colonies anglaises comme le GHANA, la GUINEE CONNAKRY, les élites locales étaient formées pour mieux diriger le pays après le départ des colons. C'est ainsi que KWAME N'KROUMA, SEKOU TOURE accompagneront leurs pays respectifs et feront d'eux des Etats respectueux de droit. Une telle formation n'était pas envisageable dans les colonies belges.

    34 Cf. E. TSHIMANGA BAKADIABABO, La démocratie et ses blocages au Congo-Kinshasa, L'Harmattan, Paris, 2004, p. 30.

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    En RDC, après l'accession du pays à l'indépendance, il fallait que certaines conditions politiques soient réunies et que les acteurs politiques soient animés d'une réelle volonté d'oeuvrer pour un système démocratique en vue de mieux construire un Etat de droit digne de ce nom. La culture politique, la culture même des textes, la conscience nationale et la capacité d'organisation et de gestion font cruellement défaut.

    Suite à cette insuffisance des congolais et au manque de culture politique, les congolais se sont confrontés à de grandes difficultés pour maîtriser le fonctionnement de nouvelles institutions démocratiques établies par la Loi fondamentale à son article 8 qui dispose : « L'Etat du Congo comprend des institutions centrales, provinciales et locales. Les institutions centrales sont : a) le Chef de l'Etat ; b) le Gouvernement dirigé par un premier Ministre ; c) La chambre des représentants ; d) le Sénat ; e) les Cours et tribunaux ».

    Pour mieux garantir un Etat de droit, la stabilité politique et institutionnelle est nécessaire pour l'exerce des droits et libertés. Dès qu'il y a crise politique ou institutionnelle, rien ne peut marcher et la démocratie, garantie de l'Etat de droit, ne peut avoir d'effet.

    L'exercice de jeux démocratiques au sein des institutions fait montre de la volonté de construire et d'instaurer un Etat de droit. C'est ainsi que les articles 42, 43 et 45 de la Loi fondamentale consacrent cet exercice. Ces articles disposent successivement : art. 42 : « Après sa constitution, le Gouvernement se présente devant chacune des chambres en vue d'obtenir la confiance. Celle-ci est acquise à la majorité absolue des voix de tous les membres qui les composent ». L'art. 43 dispose : « La responsabilité solidaire du Gouvernement est mise en cause par le dépôt d'une motion de défiance ». Et l'art. 45 d'ajouter : « La responsabilité individuelle d'un membre du gouvernement est mise en cause par le dépôt d'une motion de censure ».

    Les premières entraves politiques majeures au système démocratique et à la construction d'un Etat de droit après l'indépendance en RDC sont :

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    - La révocation du Premier Ministre Patrice Emery LUMUMBA le 5 septembre 1960 d'une manière inconstitutionnelle par le Président KASAVUBU engendra une crise politique et institutionnelle au sein des institutions centrales du pays;

    - Le coup d'Etat du 14 septembre 1960 mené par le Colonel MOBUTU profitant de cette crise pour montrer son scénario ;

    - Assassinat du Premier ministre LUMUMBA le 17 janvier 1961.

    Après avoir parcouru l'exercice du pouvoir dans la Loi fondamentale, qu'en est-il alors des droits et libertés des citoyens ?

    B. Les droits et libertés des citoyens

    Ils sont énumérés dans le texte du 19 mai 1960. Dans un Etat de droit, les droits et libertés des citoyens occupent une place de choix. C'est dans cette perspective que T. MUHINDO MALONGA écrit : « Le souci légitime de protection des droits et libertés fondamentaux et individuels conduit à un renforcement du rôle du droit dans la société et à celui du juge chargé de faire respecter les droits fondamentaux, au détriment du politique »35.

    La présente loi consacrée aux droits et libertés des citoyens traduit l'indéfectible attachement des populations congolaises aux droits de l'homme et aux principes de la démocratie. Elle s'inspire de leur primordial souci d'assurer le respect de la personne humaine sans distinction aucune de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, de nationalité, d'opinion politique ou autre, d'origine sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Elle avait pour objet de définir les droits dont les individus jouissent au Congo et dont les autorités doivent assurer le respect ou favoriser la réalisation. Il est écrit aux termes de l'article 1 al. 3, « la présente loi a pour objet de définir les droits dont les individus jouissent au Congo et dont les autorités doivent assurer le respect ou favoriser la réalisation ».

    L'Etat de droit prône une égalité des citoyens devant la loi et qu'aucune forme de discrimination ne serait tolérable. L'Etat de droit se fonde sur la notion de la

    35 Cf. T. MUHINDO MALONGA, Art. Cit., p. 12.

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    dignité humaine. Ainsi, l'art. 2 dispose : « Tous les habitants du Congo sont libres et égaux en dignité et en droits ». L'art. 3 ajoute : « Toute personne a droit au respect et à la protection de sa vie et de son intégrité corporelle. Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégrandants ».

    L'Etat de droit est établi uniquement et simplement dans l'intérêt et pour la sauvegarde des citoyens dont il place les droits au-dessus de toute atteinte. Malgré ce positionnement des droits, l'important serait de les acquérir dans une totale liberté. Sans liberté, rien ne peut marcher. Elle est le moteur de la démocratie. A cet effet, l'art. 4 dispose : « Toute personne a droit à la liberté. Nul ne peut être tenu en esclave. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ». L'article 6 ajoute : « Toute personne a droit en pleine égalité à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera par un jugement motivé rendu en séance publique (...) ». L'art. 12 mentionne : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ».

    Malheureusement, cette loi n'a pas été d'application. Les dirigeants ainsi que la classe politique de la RDC vont plus se fier aux activités de leurs partis politiques et à la conquête du pouvoir au détriment de l'application de cette loi ; ce qui implique l'écroulement de la fondation qui pouvait servir de base à la construction de l'Etat de droit en RDC. Ils oublient que leur mission est immense et que les dangers principaux qui les menacent sont l'inexpérience des populations à se gouverner. Les congolais ne sont pas conscients du fait que la démocratie est toujours chose complexe, elle est le fruit d'un long et pénible cheminement individuel d'abord, collectif ensuite et qu'il leur faut au préalable accomplir leur lente et sûre maturation et que, dans le cas de leur pays, la démocratie implique que les hommes, égaux en principe et au regard de la loi, soient susceptibles de vivres ensemble avec tout ce que cela comporte non seulement d'aspiration et d'intérêts communs mais aussi de formation d'habitude et de réactions concordantes.

    Après un certain temps, les congolais vont se rendre compte que le pays n'avance presque pas et cela, peut-être, parce qu'ils appliquent une Constitution

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    octroyée. Ainsi, ayant le souci de consolider l'unité nationale et de faire montre de leur adhésion à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, ils élaboreront leur Constitution qui sera la première écrite par les congolais : c'est la Constitution de Luluabourg.

    §2. La Constitution de Luluabourg

    Promulguée le 1er août 1964, cette Constitution proclame l'adhésion de la RDC à la DUDH et affirme la détermination de consolider l'unité nationale du pays. Elle a associé le peuple congolais à la gestion du pouvoir, pour dire la souveraineté nationale appartient au peuple, et lui a reconnu les différents droits politiques, civils, sociaux, économiques et collectifs. Dans un Etat de droit le peuple participe à la vie publique en élisant ses représentants. C'est dans ce sens que l'art. 3 de cette Constitution dispose : « Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par ses représentants ou par voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice ».

    Le problème du respect des droits et de la protection des gouvernés est un des plus importants dans l'Etat de droit. Il ne peut y avoir Etat de droit que si les différents pouvoirs respectent les droits fondamentaux des citoyens et au même que s'ils assurent la protection de leur vie et de leur personne. C'est dans cette perspective que les art. 12, 13, 15 et 16 disposent : art. 12 : « Le respect des droits consacrés dans la présente Constitution s'impose aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire de toute la nation et des provinces ». L'art. 13 ajoute : « Tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ». L'art. 15 affirme : « Toute personne a droit au respect et à la protection de sa vie et à l'inviolabilité de sa personne. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradants ». Aux termes de l'article 16, « Nul ne peut être tenu en esclavage ou en servitude ni dans une condition analogue. Nul ne peut être mis à mort si ce n'est dans le cas prévu par la loi nationale et dans les formes qu'elle prescrit ».

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    Pour qu'existe un Etat de droit, le pouvoir judiciaire, gardien des libertés et des droits, doit être indépendant vis-à-vis des autres pouvoirs dits politiques. Cette indépendance constitue une garantie majeure contre l'arbitraire du pouvoir et en réalise par là même la limitation. Elle représente un des prolongements les plus intéressants et les plus souhaitables de la théorie de la séparation des pouvoirs. C'est dans ce sens que l'art. 122 dispose : « Le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif. Il est dévolu aux cours et tribunaux. En aucun cas, il ne peut être exercé par les organes du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif ». Cette garde des droits et libertés se manifeste par le contrôle de l'action du gouvernement ou encore mieux de l'administration par un contrôle de légalité des actes ou des décisions administratives. Ainsi, l'art. 126 dispose : « La Cour Suprême de Justices comporte deux sections : la section administrative et la section judiciaire. La section administrative est compétente pour connaître en premier et en dernier ressort des recours en annulation pour violation de la loi, formés contre les actes, règlements et décisions des autorités administratives centrales ». Au niveau local, c'est la Cour d'appel, section administrative, qui est compétente pour connaître des recours en annulation contre les actes des autorités locales et cela en premier ressort (art. 125).

    On vient de le voir, cette Constitution était porteuse d'un grand nombre d'éléments pour la construction d'un Etat de droit en RDC. Fort malheureusement, elle n'a pas été respectée.

    A ce propos, Evariste BAKADIABABO écrit : « Le grand problème auquel les congolais ont toujours été confrontés depuis l'indépendance c'est le non respect traditionnel des textes. Bien souvent, les textes ne sont pas respectés ou ils sont tout simplement interprétés en fonction des intérêts personnels. Le droit qui est en principe le soubassement de tout Etat qui aspire à une vie démocratique et qui garantit les libertés des citoyens et leur donne l'égalité des chances pour participer à l'édification nationale ; Etat de droit ; est presque toujours bafoué (...). Les congolais ont toujours

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    (...) élaboré de meilleurs textes, mais l'application de ces documents souvent riches en contenus a toujours été biaisée (...) »36.

    En date du 25 novembre 1965, cette Constitution perdra tout son sens à cause du coup d'Etat de Mobutu dans la nuit du 24 au 25 novembre 1965. Automatiquement, le pays va connaître de nouveaux textes. On peut citer l'ordonnance-loi n° 7 du 30 novembre 1965 accordant de pouvoirs spéciaux au Président de la République, notamment celui de prendre, par ordonnance-loi, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Par l'ordonnance-loi n° 66/92 bis du 7 mars 1966, il s'attribue le pouvoir législatif qu'il exercera par ordonnances-lois et ces ordonnances-lois étaient transmises pour « information » à la Chambre des Députés et au Sénat. Du fait que, lui aussi, trouvait qu'il menaçait la démocratie, il remit ce pouvoir au Parlement par l'ordonnance-loi n° 66/621 du 21 octobre 1966.

    Le Haut Commandement militaire de l'Armée Nationale Congolaise avait servi de soutien à Mobutu dans la prise du pouvoir le 24 novembre 1965. Il était animé par l'esprit d'amener les hommes politiques congolais à la réconciliation nationale, esprit contraire aux visées de Mobutu. Pour remettre la culture démocratique dans le pays, le Haut Commandement militaire avait réussi, par l'entremise du Président Mobutu et du Premier ministre MULAMBA NYUNYI, à promulguer une nouvelle Constitution devant régir le pays. Cette nouvelle Constitution est dite « Révolutionnaire » et a été promulguée le 24 juin 1967.

    §3. La Constitution Révolutionnaire

    Cette Constitution établit en RDC une démocratie (art. 1). Comme dans tout Etat de droit, cette Constitution déterminait le mode d'exercice et d'accession au pouvoir. Situant la source du pouvoir dans le peuple, la démocratie s'efforce de faire prévaloir la volonté des plus nombreux. Elle repose donc sur le suffrage universel et implique à la fois, le pluralisme des formations politiques et la liberté des citoyens et

    36 E. BAKADIABABO, Op. Cit., pp. 235-236.

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    des groupes. A partir de ces données, la règle majoritaire peut s'appliquer. C'est dans cet esprit que les art. 2, 4 et 5 disposent : Art. 2: « Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice ». Art. 4 : « Les partis politiques concourent à l'expression du suffrage ». L'art. 5 souligne : « Tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».

    La Constitution semble instituer en RDC un Etat de droit. Mais comme le Président a une ambition autre que celle des membres du haut commandement militaire, il écartera ces derniers pour accomplir ses rêves et visées ; c'est un réel coup d'Etat par le fait qu'il va abolir encore une fois les institutions démocratiques existantes. Il convoque son parti, le Mouvement Populaire de la Révolution en congrès extraordinaire, le 20 mai 1970, avec un seul point à l'ordre du jour : « Institutionnalisation du MPR » dans le pays. Encore une fois, c'est la violation de la Constitution à son art. 4 en écartant toute possibilité de création d'un autre parti et en faisant du MPR un parti unique. Cet article fut remplacé par les dispositions suivantes : « Le MPR est le seul parti politique de la République Démocratique du Congo » (Loi n° 70-001 du 23 décembre 1970). L'art. 2 de cette loi dispose: «Les principales institutions de la République sont : 1° le MPR ; 2° Le Président de la République, Président du parti et Chef du Gouvernement, 3° L'Assemblée Nationale, 4° le Gouvernement, 5° la Cour constitutionnelle, 6° les Cours et Tribunaux.

    L'institutionnalisation du MPR comme parti Etat implique directement l'instauration de la dictature et la politisation des institutions de la République qui conduit à l'arbitraire de l'administration et à la limitation du pouvoir du juge, gardien des droits et libertés des citoyens. Par conséquent, c'est l'Etat de droit qui est mis en cause. Ce qui fait que le contrôle de l'activité administrative (A) devient de plus en plus difficile et les droits fondamentaux des citoyens (B) feront l'objet d'abus.

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    A. Le contrôle de l'activité administrative

    Comme l'écrit Jacques CHAVALLIER, « Le contrôle de l'activité administrative par un juge indépendant est un aspect essentiel de l'Etat de droit : il permet en effet de garantir le respect par l'administration de la hiérarchie des normes et de l'intensité du contrôle exercé dépendra le degré de soumission de l'administration au droit »37.

    Ce contrôle de l'administration par un juge indépendant est un mécanisme pour lutter contre l'arbitraire et la monarchie et cela se passe par la détermination de l'organisation du pouvoir et par l'affirmation des droits et libertés. Dans cette perspective, Joël MEKHANTAR écrit : « Le pouvoir politique que l'Etat de droit entend combattre ou parfois domestiquer est celui de la monarchie. Ce combat passe par la détermination de principes politiques régissant l'organisation de l'Etat et par l'affirmation de libertés individuelles puis, plus tard collectives venant limiter l'action du gouvernement »38. Un tel combat n'a de chance d'aboutir que s'il existe une réelle indépendance au profit du pouvoir judiciaire.

    La Constitution de 1967 s'inscrit dans cette logique lorsqu'elle affirme à son article 56 : « Le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif ». L'art. 57 al. 2 ajoute : « Les cours et tribunaux n'appliquent les actes des autorités administratives que pour autant qu'ils soient conformes aux lois ».

    De nos jours, l'administration n'est plus la puissance souveraine qui impose sa volonté sans contrôle ni compensation. Elle est maintenant considérée comme une puissance au service d'un but.

    Lorsqu'elle s'exerce dans un Etat de droit, l'action administrative ne peut être laissée à l'arbitraire ou au simple bon sens des gouvernants. Le respect de la légalité administrative et des droits des citoyens exige qu'il y ait des mécanismes de contrôle. Le contrôle peut être politique. Celui-ci est exercé par le Parlement, par le peuple à l'occasion de nouvelles élections ; le contrôle peut être aussi administratif. Dans ce cas

    37 J. CHAVALLIER, Op. Cit., p. 77.

    38 J. MEKHANTAR, Op. Cit., p 113.

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    il est exercé par l'Administration elle-même. Mais aussi, le contrôle peut être juridictionnel. C'est lorsqu'il est exercé par les Cours et tribunaux.

    S'agissant du contrôle juridictionnel, il est écrit à l'art. 60 : « La cour suprême de justice comporte 2 sections : administrative et judiciaire. La section administrative est compétente pour connaître en premier et dernier ressort des recours en annulation pour violation de la loi, formés contre les actes réglementaires et décisions des autorités centrales (...) ». L'art. 62 ajoute : « La section administrative de la Cour d'Appel est compétente pour connaître en premier ressort des recours en annulation pour violation de la loi, formé contre les actes, règlements et décisions des autorités administratives provinciales et locales ».

    Mais le contrôle de l'action administrative a été un leurre pendant cette période sous examen car le pouvoir judiciaire lui-même est resté au service du MPR.

    A cet effet, T. MUHINDO MALONGA écrit : « Le problème du contrôle de l'action administrative est ancré au Congo. Il date de la IIe République. Déjà sous cette République, en raison du phénomène de personnalisation autoritaire du pouvoir, va se développer une conception de l'administration comme phénomène d'autorité et de puissance. Lorsque l'administration est instrumentalisée par le pouvoir personnel, s'attaquer à l'administration venait de la fragilité du statut des juges. Un juge trop audacieux risque, à tout moment, de subir les représailles du pouvoir politique. Le juge aura plutôt tendance à adopter le point de vue de l'administration »39.

    Pour confirmer ce qui vient d'être dit, KENGO WA DONDO affirme : « Le conseil judiciaire n'est pas une institution propre, mais un orange par lequel le MPR - et donc son président car ce dernier en est l'incarnation - exerce la mission de rendre justice. De ce fait, le magistrat zaïrois et non pas proprement parlé le mandataire mais en quelque sorte le président du MPR exerçant sa mission de dire le droit. Cette réalité nouvelle confère une dimension toute particulière à la justice zaïroise car quiconque s'insurge contre ses décisions, désobéit au président du MPR lui-même. Aussi, le magistrat zaïrois doit-il prendre conscience de l'importance de sa mission et rendre justice en âme et conscience de militant (...). Au Zaïre, la magistrat n'est pas

    39 T. MUHINDO MALONGA.,Op. Cit., p.16.

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    un citoyen à l'écart de la vie politique au sens courant du terme. Membre à part entière, comme tous les autres citoyens du MPR ; il est appelé activement à la gestion de la chose publique et au triomphe de la résolution »40.

    Du fait que la magistrature est politisée, l'impunité, mépris du droit et de la justice, profitera à certains individus. Plus l'on montait dans la pyramide du pouvoir, plus le spectre de l'impunité s'élargissait41.

    B. Les droits et libertés du peuple

    La supériorité des lois constitutionnelles serait un vain mot si elle pouvait être impunément violée par les organes de l'Etat. La Constitution de 1967 consacre des droits et libertés à la population congolaise. Il est écrit à l'art. 5 : « Tous les congolais, hommes et femmes, sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ». L'art. 3 dispose : « Tout acte de discrimination raciale, ethnique ou religieuse, ainsi que toute propagande régionaliste susceptible de porter atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat ou à l'intégrité du territoire de la République sont prohibés ». L'égalité prônée par cette constitution n'y est que de façade. Il suffit d'occuper un poste au sein du MPR pour être privilégié. Du coup, c'est la discrimination qui bat record. Pourquoi alors ces dispositions ?

    L'on comprendrait mieux que, dans une monarchie, c'est le bon vouloir du prince qui prime sur les institutions politiques du pays voire la vie du peuple. Toute initiative de décision revient au chef. Il est alors pour nous de nous demander si dans la monarchie le droit à la vie et à l'intégrité physique est un droit ou une faveur. Qu'en est-il alors de l'art. 6 qui dispose : « Toute personne a droit à la vie et à l'intégrité physique. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains. Nul ne peut être mis à mort si ce n'est dans le cas prévu par la loi et dans les formes prescrites ».

    L'idée de liberté est consubstantielle à celle d'Etat de droit selon une relation symétrique et discursive : « il n'y a pas de liberté sans Etat de droit et il n'y a

    40 KAVUSA KALEMBA, Op. Cit., p. 19.

    41 Cf. XXX, Impunité en Afrique centrale, APDHAC, 2000, p. 9.

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    pas d'Etat de droit sans liberté ». En s'inscrivant dans ce même angle d'idée, les art. 8, 10 et 11 affirment : Art. 8 : « La liberté individuelle est garantie ». L'art. 10 dispose : « Tout congolais a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ». L'art. 11 ajoute : « Tout congolais a droit à la liberté ».

    Au regard de tous ces articles, l'on peut poser cette question : Que valent toutes ces dispositions alors que, pendant la IIè République, certains droits reconnus aux citoyens n'étaient pas respectés.

    Le 24 avril 1990, sous la pression du peuple, MOBUTU proclame le multipartisme. C'est la transition qui commence.

    Section II : LA TRANSITION DEMOCRATIQUE (de 1990 à 2006) ET LA CONSTITUTION DU 18 FEVIER 2006

    Cette transition a été marquée par une série des textes constitutionnels et une succession de guerres et des conflits (§1). Elle prendra fin avec la promulgation de la Constitution de la Troisième République (§2).

    §1. La période transitoire (1990-2006)

    Cette période est marquée par la démocratisation. L'organisation du pouvoir et des institutions préoccupe plusieurs congolais. En 1991, la Conférence Nationale Souveraine, CNS en sigle, cadre idéal de concertation, a permis au peuple congolais d'exprimer clairement la volonté de rompre avec la dictature et les anti-valeurs pour une société démocratique pluraliste, fondée sur les valeurs respectueuses des libertés et des droits de l'homme. La CNS a, au préalable, doté le pays, en vue d'organiser l'exercice du pouvoir pendant la période transitoire, d'un cadre juridique légal et consensuel. Il s'agit de l'« Acte portant Dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition ». Nul ne peut le modifier de son propre chef et nul ne peut y déroger.

    Pour sortir du piège lui tendu par la CNS, MOBUTU a bloqué l'application des résolutions de cet acte en refusant sa promulgation. Il a rédigé un autre texte devant régir le pays pendant la période de la transition. C'est l'« l'Acte constitutionnel

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    de la transition » (A). Suite à la mauvaise gestion du pays, une guerre éclate et renverse le régime de MOBUTU avec la naissance d'un Décret-Loi constitutionnel (B) suivi de la Constitution de la transition (C).

    A. Acte constitutionnel de la transition

    Cet acte organise l'exercice du pouvoir et se fait le défenseur des droits et libertés des congolais. Son art. 5 dispose : « Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par voie de référendum ou par ses représentants ». L'art. 7 ajoute : « Les partis politiques concourent à l'expression du suffrage ». La participation du peuple à la gestion de la res publica reste la condition nécessaire d'une démocratie. Nous savons bien que, pendant cette période, le pays n'a connu aucune élection. Seul le Président nomme les différentes autorités politiques, pire encore les parlementaires.

    Comme dit ci-haut, l'Etat de droit a ses fondements dans l'école du droit naturel. De ce fait, la personne humaine reste sa préoccupation majeure. Pour dire, assurer la protection de ses droits serait l'idéal. C'est dans cette percée que les art. 9, 10, 11, 12 al. 2 et 13 disposent : Art. 9 : « La personne humaine est sacrée. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger. Toute personne a droit à la vie et à l'intégrité physique ». Art. 10 : « La République du Zaïre garantit l'exercice des droits et libertés individuels et collectifs ». L'art. 11 affirme : « Tous les zaïrois sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ». L'art. 12 al. 2 souligne : « Tout zaïrois a droit à la paix, au développement et au patrimoine commun de l'humanité ». Art. 13 : « La liberté de la personne humaine est inviolable ».

    Art. 37 al. 3. « Nul ne peut détourner les attributs du pouvoir et la puissance publique à des fins personnelles pour la réalisation d'intérêts partisans ou pour faciliter l'ingérence d'une institution ou d'un service public dans le fonctionnement d'une autre institution ou d'un autre service public ». Pourquoi une telle disposition alors que seul le Président de la République avait une marge de décision ? Il avait tout détourné à son profit. Pour dire, son intérêt personnel primait sur l'intérêt général.

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    S'agissant du pouvoir judiciaire, cet acte écrit à son art. 95 al. 2 : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ». L'art. 97 dispose : « La mission de dire le droit est dévolue aux cours, tribunaux et conseils de guerre. Le magistrat dans l'exercice de cette mission est indépendant. Il n'est soumis, dans l'exercice de ses fonctions, qu'à l'autorité de la loi ».

    On se demande le pourquoi de l'existence de ces différentes dispositions parce que la gestion du pays n'est restée qu'entre les mains des acteurs de la IIè République. On a seulement changé les vareuses mais les joueurs sont restés les mêmes.

    Après comme avant le 24 avril 1990, malgré la suppression de quelques structures et manifestations extérieures du MPR, en dépit d'un certain esprit de tolérance et de liberté d'expression, les acteurs de la Deuxième République continuent à gérer le pays avec leur mentalité, leurs méthodes, leurs procédés et leur appareil de gouvernement et d'administration. Evariste BOSHAB, s'inscrivant dans cette idée, écrit : « Un système autoritaire appelé deuxième République dont l'une dans caractéristiques pertinentes est atrophie de la justice (...). Malgré sa condamnation à mort par la C.N.S tenu à 1991, organisant, la deuxième République usera de manoeuvre dilatoire pour que ne s'applique pas la peine prononcée. Il faudra attendre l'arrivé de la coalition des forces armées venues du Rwanda, du Burundi, de l'Ouganda et de l'Angola pour lui administrer l'extrême onction le 17 mai 1997. Bâtie sur la confusion de pouvoir , excellent dans le démantèlement de service public, la deuxième République n'épargnera pas la justice dans son dessein de concentrer tous les pouvoirs étatiques entre les mains du chef de l'Exécutif »42, ce qui entraîne encore une fois l'impunité et le non contrôle de l'administration.

    Cette période de transition était caractérisée par des crises politiques et socio-économiques d'une extrême gravité qui plonge le peuple congolais dans une misère indescriptible. Quelques temps après l'ouverture du pays au multipartisme et au processus de la démocratisation, la transition annoncée n'a, en fait, pas eu lieu. On

    42 E. BOSHAB cité par KAVUSA KALEMBA, Op. Cit., p. 25.

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    constate un ensemble de mécanismes qui, sciemment ou inconsciemment bloquent le déroulement harmonieux de ce processus et la construction d'un Etat de droit.

    La guerre menée par l'AFDL a abouti à la mise en place d'un texte constitutionnel qui est le « Décret-Loi constitutionnel » de 1997.

    B. Le Décret-Loi constitutionnel

    A la chute de MOBUTU, au moment où tous les congolais attendaient vivre une nouvelle ère où le droit devrait être au centre de tout de façon à aspirer véritablement à une République vraiment démocratique, son successeur, L.D. KABILA, n'avait trouver mieux que de marcher sur les sentiers battus. Le lion remplace le léopard.

    Alors que la justice et le pouvoir judiciaire sont considérés comme gardiens des droits et libertés, ils seront encore une fois, comme dans la Deuxième République, soumis au pouvoir exécutif. Un de ces signes, s'il en faut un, c'est que « le décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 qui tient lieu de Constitution en RDC ne mentionne nulle part que le serment du président doit être reçu par la Cour Suprême de Justice. Ensuite, la confiscation des biens meubles et immeubles des dignitaires du régime déchu, opérée sans jugement prononcé par un tribunal régulièrement constitué pousse également à émettre des réserves quant à l'indépendance de la justice : c'est la justice du pouvoir, or celle-ci est toujours la négation du pouvoir de la justice »43.

    Dans ce décret-loi constitutionnel, une aporie se fait jour. En dépit de cette dépendance de la justice réaffirmant la valeur fictive des dispositions constitutionnelles, l'art. 11 du même décret dispose : « L'ensemble des cours et tribunaux forment le pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif ». L'art. 12 ajoute : « La mission de dire le droit est dévolue aux cours et tribunaux. Le magistrat est indépendant dans l'exercice de cette mission. Il n'est soumis dans l'exercice de ses fonctions qu'à l'autorité de la loi ».

    43 E. BOSHAB cité par Ibidem., p. 23.

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    A ce propos, une question peut être posée. Que valent ces dispositions ? E. BOSHAB répond en ces termes : « Moulés pendant trente deux ans, à l'école de la docilité, les magistrats de la RDC protègent plus leurs postes qu'ils ne défendent les droits et les libertés des citoyens »44. On se rend bien compte que le peuple congolais est toujours dans la dictature. Une guerre va éclater le 2 août 1998. Elle va amener les congolais au dialogue intercongolais qui a abouti à l'Accord Global et Inclusif qui donnera naissance à la Constitution de la transition.

    C. La Constitution de la transition

    Le Constituant congolais de la transition était résolu de mettre sur pied un Etat de droit durable fondé sur le pluralisme politique, la séparation des pouvoirs, la participation des citoyens à l'exercice du pouvoir, le contrôle des gouvernants par les gouvernés, la transparence dans la gestion des affaires publiques, la subordination de l'autorité militaire à l'autorité civile, la protection des personnes et de leurs biens, le plein épanouissement tant spirituel que moral de chaque citoyen congolais ainsi que le développement harmonieux de la communauté nationale. Il était déterminé à garantir les libertés et les droits fondamentaux du citoyen congolais et, en particulier, à défendre ceux de la femme et de l'enfant.

    C'est ainsi que l'art. 2 dispose : « La Constitution de la transition garantit l'inviolabilité des libertés et droits fondamentaux de la personne humaine ». La démocratie est la gardienne de l'Etat de droit. Le peuple reste le détenteur du pouvoir, ce qui lui assure la protection de ses droits fondamentaux. C'est ainsi que l'art. 10 affirme : « La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par voie de référendum ou d'élection et indirectement par ses représentants ». L'art. 15 dispose : « La personne humaine est sacrée. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger. Toute personne a droit à la vie et à l'intégrité physique. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains, cruels ou dégradants ». Pour dire, l'Etat de droit cherche toujours à combattre les violations des droits et libertés. Toute atteinte à ceux-ci serait mettre

    44 E. BOSHAB cité par Ibidem.

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    l'Etat de droit en veille. De ce fait, la République a l'obligation de garantir l'exercice de ces droits. C'est dans ce sens que l'art. 16 dispose : « La République Démocratique du Congo garantit l'exercice des droits et libertés individuels et collectifs (...) ». A l'art. 17 de disposer : « Tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».

    Il est clairement dit à l'art. 10 que la souveraineté nationale appartient au peuple qu'il peut exercer par voie de ses représentants. Mais ce qui est étonnant est que cet exercice ou cette souveraineté n'existait pas. Tout était guidé par l'Accord Global et Inclusif signé à Pretoria. C'est dans ce sens que l'art. 99 dispose : « L'Assemblée nationale comprend 500 membres désignés par les Composantes et Entités du Dialogue inter-congolais dans les conditions fixées par l'annexe IB de l'accord global et inclusif ». Du coup, c'est l'exercice des droits et libertés des citoyens qui est sacrifié au profit des partis politiques. C'est l'Etat de droit qui est sacrifié cette fois-ci par la constitution elle-même.

    Comme cette constitution se confie plus aux problèmes politiques qu'à la protection des droits et libertés malgré l'énonciation de ceux-ci, elle sera remplacée par celle du 18 février 2006, soumise au référendum et qui régit la IIIè République.

    §2. La Constitution du 18 février 2006

    Parmi les préoccupations majeures du Constituant congolais de 2006, on note celle de l'instauration de l'Etat de droit en RDC.

    A l'heure actuelle, l'Etat de droit reste essentiel pour les congolais. Il est devenu même la condition nécessaire de l'aide dans le monde et les politiques et les politiciens ne cessent d'y faire référence dans leurs discours.

    Depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la RDC est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l'une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs. Le constituant du 18 février 2006 a pour objectif de réaffirmer l'attachement de la R.D.C aux Droits humains et aux libertés fondamentales. Il introduit une innovation de taille en formalisant la parité

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    homme-femme. Il organise le fonctionnement et l'exercice du pouvoir dans le souci majeur d'instaurer un Etat de droit en R.D.C. Il proclame haut et fort à l'art. 1 : « La R.D.C. est dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, démocratique (...) ».

    Bases constitutionnelles de l'Etat de droit, les droits et libertés sont reconnus aux citoyens congolais par la Constitution du 18 février 2006.

    En situant la source du pouvoir dans le peuple, cette Constitution institue une démocratie en RDC. La démocratie s'efforce de faire prévaloir la volonté des plus nombreux. Elle peut être directe. Dans ce cas, le peuple exerce directement le pouvoir. Elle peut aussi être indirecte ou représentative. C'est quand l'exercice du pouvoir est confié à des représentants élus au suffrage universel et chargés de décider au nom de la nation ou de l'ensemble du peuple. Dans une démocratie, le peuple intervient à l'exercice du pouvoir moyennant différentes techniques notamment le « veto populaire » qui permet au peuple de s'opposer à la mise en oeuvre ou encore d'obtenir l'abrogation totale ou partielle d'une loi ; « la révocation populaire » qui permet aux électeurs d'une circonscription, par une pétition, comme le veto populaire, donnant lieu à un référendum, de mettre fin avant le terme normal à un mandat électif ; « l'initiative populaire » qui permet au peuple de proposer l'adoption d'une disposition constitutionnelle ; « le référendum » qui permet de consulter le peuple sur une question ou sur un texte qui ne deviendra alors parfait et définitif qu'en cas de réponse positive. Seule la démocratie pluraliste reste la mieux indiquée pour la RDC par le fait que le peuple choisit lui-même ses gouvernants. C'est ce qu'expliquent les art. 5 et 6 al. 2 : Art. 5 : « La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce directement par voie de référendum ou d'élections et indirectement par ses représentants ». L'art. 6 al. 2 ajoute : « Tout congolais jouissant de ses droits civils et politiques a le droit de créer un parti politique ou de s'affilier à un parti de son choix ».

    Dans un Etat de droit, l'égalité des citoyens devant la loi constitue son poumon. L'Etat a l'obligation d'assurer à la population la protection et la garantie de

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    ses droits. L'Etat veille à l'élimination de toute discrimination à l'égard de la population. Il doit accorder à tout le monde les mêmes chances. En s'inscrivant dans cette logique, le constituant congolais du 18 février 2006 écrit aux art. 11, 12, 13 et 14 comme suit : Art. 11 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». L'art. 12 ajoute : « Tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ». L'art. 13 ajoute encore : « Aucun congolais ne peut, en matière d'éducation et d'accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l'objet d'une mesure discriminatoire, qu'elle résulte de la loi ou d'un acte de l'exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique ». Et l'art. 14 dispose : « Les pouvoirs publics veillent à l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard de la femme et assurent la protection de ses droits ». Jusqu'à présent, il est pour tout un congolais de se demander s'il jouit de ses droits lui reconnus par la Constitution. A dire vrai, on constate des violations graves de ces droits. La personne humaine n'est pas respectée. Elle est actuellement l'objet de violences, de discriminations voire de tortures.

    La personne humaine doit être respectée pour qu'elle puisse jouir paisiblement de ses droits et libertés. C'est dans cette optique que l'art. 16 dispose : « La personne humaine est sacrée. L'Etat a droit à la vie, à l'intégrité physique ainsi qu'au libre développement de sa personnalité dans le respect de la loi, de l'ordre public, du droit d'autrui et des bonnes moeurs. Nul ne peut être tenu en esclave ni dans une condition analogue. Nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Nul ne peut être astreint à un travail forcé ou obligatoire ». L'art. 17 ajoute à son al. 1 : « La liberté individuelle est garantie ». Bien que reconnu par la Constitution, jusqu'à présent, le respect des droits et libertés reste un casse-tête pour les dirigeants.

    L'assise concrète d'un Etat de droit exige que le pouvoir judiciaire soit indépendant par le fait qu'il est le garant des droits et libertés du peuple. Le pouvoir

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    judiciaire doit lutter contre l'impunité. Il doit punir tout celui qui viole les droits des citoyens. Le législatif et l'exécutif ne doivent pas s'immiscer dans les affaires judiciaires. C'est dans ce sens que les art. 149 et 150 disposent : Art. 149 : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ». L'art. 150 al. 1 ajoute : « Le pouvoir judiciaire est le garant des droits et libertés fondamentaux de citoyens ».

    N'est-ce pas là l'instauration d'un Etat de droit en RDC. Le comble est que, même prévus par la Constitution, certains droits ne sont pas garantis et sont violés aussi bien par les administrés que par les gouvernants. Mais avec la « tolérance zéro », on peut espérer éradiquer les pratiques cautionnant les antivaleurs.

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    CONCLUSION GENERALE

    On ne saurait vraiment conclure un travail qui dessine un programme de recherche et suggère une méthode plus qu'il ne propose une synthèse, à bien des égards encore prématurée. Mais, du moins, peut-on essayer de reprendre transversalement le fil de quelques points qui l'ont sous-tendu en permanence.

    Au terme de cette investigation, qu'il nous soit loisible une fois encore de dire que l'Etat de droit, aujourd'hui en vogue, n'est pas d'affirmation récente. Il remonte au XIXè siècle et a pour conditions d'existence : le respect de l'ordre juridique, la protection des droits fondamentaux et le contrôle juridictionnel sur les actes des gouvernants.

    Au regard de cette tâche noble que s'assigne l'Etat de droit, le congolais peut être tenté de connaître sa situation. Malgré les tentatives menées, la construction d'un Etat de droit et de la démocratie tant souhaitée par le peuple congolais, a difficile à se réaliser dans ce grand pays tant le chemin pour y arriver ressemble bien à un véritable chemin de croix dans la mesure où le parcours est plein d'embûches. L'analyse du parcours réalisé avant l'indépendance et aussi depuis l'indépendance jusqu'à ce jour a montré qu'il existe des obstacles pour y parvenir tout comme il existe aussi des conditions à remplir pour leur réalisation car il s'agit d'un travail de longue haleine qui nécessite la mobilisation de toutes les énergies et surtout une véritable volonté politique.

    L'histoire constitutionnelle de la RDC commence à s'écrire du moment où le roi Léopold II débute avec des investigations en RDC jusqu'à nos jours. Cette histoire a connu une variété de textes constitutionnels ou à portée constitutionnelle notamment la Charte coloniale (1908), la Loi fondamentale (1960), la Constitution de Luluabourg (1964), la Constitution Révolutionnaire (1967), constitution révisée en maintes reprises jusqu'à l'institutionnalisation du MPR comme parti unique, parti-Etat ; l'Acte constitutionnel de transition (1993) ; le Décret-loi constitutionnel (1997) ; Constitution de la transition (2003) et enfin la Constitution du 18 février 2006.

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    L'analyse de l'Etat de droit dans ces différentes constitutions montre que, d'une part, pendant la période coloniale, toutes les méthodes et pratiques réalisées par l'administration étaient négationnistes de l'idée d'un Etat de droit. D'autre part, la période post-coloniale est marquée par différentes tentatives de construction d'un modèle type d'Etat mais qui ont été vaines suite au manque de volonté politique. Ainsi, des violations des textes fondamentaux pour des convenances personnelles sont enregistrées.

    Parmi les principales causes de la crise congolaise, on parle toujours de l'absence de démocratie et d'un Etat de droit qui ouvre la voie aux violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la gestion chaotique et opaque des affaires de l'Etat, à la corruption, au népotisme, au clientélisme, à l'incompétence notoire dans la gestion des affaires et dans la conduite du pays. Dans les pays du Tiers-Monde, la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux ne figurent pas parmi les missions essentielles du pouvoir et ne préoccupe presque pas les dirigeants. S'inscrivant dans cette idée, C. LUTUNDULA écrit : « Si en Occident l'Etat passe pour la clef de voûte du dispositif sécuritaire des droits de l'homme, dans les pays du Tiers monde en général et en Afrique en particulier, la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux est loin de compter parmi les missions essentielles et ne préoccupe que très peu d'hommes au pouvoir »45. La RDC n'est pas épargnée par ce fléau. Dans chaque régime qu'elle a connu, seul l'intérêt personnel primait sur l'intérêt général. Pendant la colonisation, l'individu n'avait aucune place pour exprimer son opinion voire jouir de sa liberté. D'ailleurs, c'est une période fondée sur l'inégalité, principe contraire à l'Etat de droit. A ce sujet, B. CHANTEBOUT écrit : « Les sociétés des anciens régimes dont les bases avaient été posées durant la période soit coloniale soit dictatoriale soit néocoloniale, étaient des sociétés fondamentalement inégalitaires et organisées selon des structures communautaires qui ne laissaient guère de place à l'individu. Elles ne concevaient celui-ci qu'à travers des corps intermédiaires, tels que les ordres, les corporations et jurandes, paroisses et

    45 C. LUTUNDULA, « Des engagements et devoirs de l'Etat en matière de protection des droits de l'homme », in Congo-Afrique, XXXVIIIè année, n° 328, octobre 1998, p. 453.

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    confréries qui, certes, lui assuraient très étroitement son autonomie »46. Et cela faisait, comme dit ci-haut, ouverture de la voie aux violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la gestion chaotique et opaque des affaires de l'Etat47.

    Depuis l'époque coloniale, l'élite congolaise s'est rendue compte de la nécessité de vivre dans une société démocratique. Elle réclamait l'instauration d'une réelle démocratie et d'un réel Etat de droit dans la Colonie, notamment le développement politique, une formation solide, une association des indigènes à la gestion de la res publica et une restauration des libertés fondamentales. Elle était déjà convaincue à cette période que le système autoritaire imposé dans la colonie était inacceptable, comparé au système démocratique dans la métropole. Mais jusqu'aujourd'hui, à l'heure où le Congo fête son cinquantième anniversaire d'indépendance, l'élite congolaise n'a pas su instaurer en RDC un Etat de droit.

    La conduite à bonne fin du processus démocratique et de construction de l'Etat de droit en RDC, exige la prise de conscience par le peuple du fait qu'il est le premier sujet et agent de la matérialité de ce processus. Cela exige aussi un cadre général et des initiatives susceptibles de redresser la Nation. Nous ne devons pas nous bercer d'illusion, le redressement de la Nation est subordonnée, d'une part, à la mise en place de mécanismes et procédures de droit capables de libérer la démocratie qui favorisera la protection des droits et libertés des citoyens ainsi que l'instauration d'un Etat de droit ; et d'autre part, à la création d'un climat général de paix, de justice, de concorde nationale et de solidarité. Il est impérieux d'éduquer et de former le peuple à la démocratie pour mieux instaurer et construire en RDC, l'Etat de droit.

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    46 B. CHANTEBOUT, Op. Cit., p. 84.

    47 Cf. E. TSHIMANGA, Op. Cit., p. 10.

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    BIBLIOGRAPHIE

    I. TEXTES LEGAUX

    1. XXX, Journal officiel de la République du Zaïre, Acte constitutionnel de la transition, 35è année, n° spécial, avril 1994.

    2. XXX, Journal officiel de la RDC, Constitution de la transition, 44è année, Cabinet du président, n° spécial, 5 avril 2005.

    3. Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.

    4. Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948.

    II. OUVRAGES

    1. BURDEAU G., Droit constitutionnel, 22è éd. LGDJ, Paris, 1991, 765 p

    2. CARPANO E., Etat de droit et droits européens, L'Harmattan, Paris, 2005, 662 p.

    3. CHANTEBOUT B., Droit constitutionnel et science politique, éd. Economica, Paris, 1980, 667 p.

    4. CHEVALLIER J., L'Etat de droit, Monchrestien, Paris, 1999, 158 p.

    5. D'ALMEIDA-TOPOR H., L'Afrique du XXè siècle, éd. Armand Colin, Paris, 1993, 363 p.

    6. CARRE DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l'Etat, Tome 2, Sirey, Paris, 1920-1922, 520 p.

    7. De SAINT MOULIN L. et alii, La perception de la démocratie et de l'Etat de droit en RDC, CEPAS, Kinshasa, 2003, 126 p.

    8. FAVOREU L. et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 1998, 912 p.

    9. MEKHANTAR J., Droit politique et constitutionnel, éd. ESKA, Paris, 1997, 731 p.

    10. MOJU MBEY, I et alii, Recueil des textes constitutionnels de la République du Zaïre, éd. ISE, Consult-Kinshasa, 1991, 151 p.

    11. NDAYWEL-è-NZIEM I., Histoire générale du Congo, Afrique-Editions, Paris-Bruxelles, 1998, 1050 p.

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    Par : ABDOUL KARIM KAPITENE

    12. NIEMBA SOUGA J., Etat de droit, démocratique, fédéral au Congo-Kinshasa, Harmattan, Paris, 2002, 520 p.

    13. PACTET P., Institutions politiques et Droit constitutionnel, 17è éd. Armand Colin, Paris, 1998, 587 p.

    14. TSHIMANGA BAKADIABABO E., La démocratie et ses blocages au Congo-Kinshasa de 1958 à nos jours, L'Harmattan, Paris, 2004, 269 p.

    15. XXX, Impunité en Afrique centrale, APDHAC, 2000.

    16. ZOLLER E., Droit constitutionnel, éd. PUF, Paris, 1998, 628 p.

    III. ARTICLES DE REVUES

    1. MUHINDO MALONGA T., « L'Etat de droit en temps de guerre », in Parcours et Initiatives, Revue interdisciplinaire du Graben, n° 1, 9 août 2002, pp. 6-14.

    2. LUTUNDULA C., « Des engagements et devoirs de l'Etat en matière de protection des droits de l'homme », in Congo-Afrique, XXXVIIIè année, n° 328, octobre 1998, pp. 340-352.

    IV. MONOGRAPHIES

    1. KAVUSA KALEMBA V., La contribution du juge congolais à l'Etat de droit : une institution fantôme ?, UCG, TFC, 2001-2002.

    V. NOTES DE COURS

    1. MUHINDO MALONGA T., Droit constitutionnel et institutions politiques, Notes de cours, G1 Droit et SSPA, UCG, 2007-2008.

    VI. SITES INTERNET

    1. http://fr.wikipedia.org/wikil%c3%89tat-de-droit

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    TABLE DES MATIERES

    DEDICACE i

    REMERCIEMENTS ii

    SIGLES ET ABREVIATIONS iii

    INTRODUCTION 1

    1. CONTEXTE ET ETAT DE LA QUESTION 1

    2. PROBLEMATIQUE 4

    3. HYPOTHESES 6

    4. METHODOLOGIE 6

    5. INTERET, OBJECTIF ET DELIMITATION DU SUJET 7

    6. DIFFICULTES RENCONTREES 8

    7. SUBDIVISION DU TRAVAIL 8

    Chapitre premier 9

    LA PERIODE COLONIALE ET LA NEGATION DE L'ETAT DE DOIT 9

    Section I : L'ETAT INDEPENDANT DU CONGO 11

    §1. Concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul : pratique contraire à l'Etat de

    droit 12

    §2. L'esclavagisme et l'Etat de droit 12

    Section II : LA COLONIE BELGE ET LA CHARTE COLONIALE 14

    §1. L'inégalité des hommes devant la loi et l'Etat de droit 15

    §2. La gestion belge du Congo et la participation congolaise 16

    Chapitre deuxième 20

    L'EVOLUTION DE L'ETAT DE DROIT EN RDC DEPUIS L'INDEPENDANCE 20

    Section I : LA LOI FONDAMENTALE, LA CONSTITUTION DE LULUABOURG ET

    LA CONSTITUTION REVOLUTIONNAIRE 22

    §1. La Loi fondamentale 22

    A. L'exercice du pouvoir 22

    B. Les droits et libertés des citoyens 25

    §2. La Constitution de Luluabourg 27

    §3. La Constitution Révolutionnaire 29

    A.

    Le contrôle de l'activité administrative 31

    B. Les droits et libertés du peuple 33
    Section II : LA TRANSITION DEMOCRATIQUE (de 1990 à 2006) ET LA

    CONSTITUTION DU 18 FEVIER 2006 34

    §1. La période transitoire (1990-2006) 34

    A. Acte constitutionnel de la transition 35

    B. Le Décret-Loi constitutionnel 37

    C. La Constitution de la transition 38

    §2. La Constitution du 18 février 2006 39

    CONCLUSION GENERALE 43

    BIBLIOGRAPHIE 46

    TABLE DES MATIERES 48






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