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Le dialogue social territorial, outil de performance socio-économique. Comment améliorer ces instances de discussion et mobiliser les acteurs ?

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par Maxime MOREAU
Université de Poitiers ( France ) - Master 2 droit et développement de l'économie sociale et solidaire 2013
  

Disponible en mode multipage

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MEMOIRE DE STAGE

LE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL COMME

OUTIL DE PERFORMANCE SOCIO-ECONOMIQUE

COMMENT AMELIORER CES INSTANCES DE

DISCUSSION ET MOBILISER LES ACTEURS ?

Travail réalisé par Maxime Moreau
Sous la direction de Patrice Braconnier

Master 2 Droit et Développement de l'Economie Sociale et Solidaire
Université de Poitiers

2012 - 2013

2

Table des matières

Introduction 6

Partie A : Développement du dialogue social territorial et du CISTE 9

Chapitre 1 : De la décentralisation à l'émergence du dialogue social territorial 9

1.1 De la centralisation à la décentralisation 9

1.1.a L'Etat français centralisateur 9

1.1.b La déconcentration administrative 10

1.1.c La décentralisation politique 11

1.2 Une reconnaissance du local permettant l'émergence du DST 12

1.2.a La mise en place de moyens pour les territoires 12

1.2.b Des demandes de dialogue et de démocratie au niveau local 13

1.2.c De nouveaux lieux de régulation économique et sociale sur les territoires 14

1.2.d La création de lieux de dialogue social territorial 15

Chapitre 2 : Le CISTE, un acteur du dialogue social territorial en Poitou-Charentes 16

2.1 Création du CISTE dans le processus de décentralisation 16

2.1.a Création du CISTE 16

2.1.b L'évolution du CISTE et de ses actions 16

2.1.c Un acteur né de la décentralisation : l'exemple du financement 17

2.2 Un acteur du dialogue social territorial en Poitou-Charentes 18

2.2.a Périmètre d'action 19

2.2.b Objet général et missions 19

2.2.c Méthode et outils 20

2.2.d Actions du CISTE (2012-2013) 20

2.3 Une association paritaire régionale de l'économie sociale et solidaire 21

2.3.a Les instances de discussion et de décision 21

2.3.b Le paritarisme 24

2.3.c Le respect de valeurs et principes de l'économie sociale et solidaire 25

Partie B : Définitions et enjeux propres au dialogue social territorial 28

Chapitre 1 : Eléments de définition 28

1.1 Le dialogue social 28

1.1.a Dialogue social national et d'entreprise 29

1.1.b Dialogue social sectoriel et intersectoriel 29

1.2 Le dialogue civil 30

1.3 Le dialogue territorial ou sociétal 30

1.4 Le dialogue social territorial 30

1.4.a La définition du CESE 30

1.4.b Les précisions de la commission mixte CESER - Conseil Régional Poitou-Charentes 32

1.5 Schéma récapitulatif 33

Chapitre 2 : L'hétérogénéité du dialogue social territorial 34

2.1 Les acteurs : trois cercles distincts 34

2.1.a Le 1er cercle : partenaires sociaux 35

2.1.b Le 2e cercle : partenaires sociaux, Etat et/ou collectivités territoriales 35

2.1.c Le 3e cercle : partenaires sociaux, Etat et/ou collectivités territoriales et société civile 36

2.1.d Plusieurs niveaux de participation des acteurs 37

2.1.e Schéma récapitulatif 38

2.2 Les objectifs et missions 38

2.2.a Les champs d'intervention 38

2.2.b Une logique d'extension de droits sociaux 39

3

2.2.c Une logique de projet 39

2.3 Le périmètre : le territoire pertinent 40

2.3.a Qu'est-ce que le territoire ? 40

2.3.b Typologie du territoire 40

2.3.c Retenir le territoire pertinent, une priorité dans le DST 41

2.4 Dialogue social territorial formel et informel 42

2.4.a Dialogue social territorial formel 42

2.4.b Dialogue social territorial informel 43

Chapitre 3 : Le dialogue social territorial comme outil de performance socio-économique 44

3.1 La notion de confiance primordiale pour un dialogue social territorial de qualité 44

3.1.a Le conflit dans la relation entre partenaires sociaux 44

3.1.b Dépasser les clivages pour construire une vision commune 45

3.1.c L'importance du temps pour la reconnaissance entre parties prenantes 45

3.1.d Comment entretenir un dialogue de qualité ? 46

3.2 Comment crédibiliser les expériences de DST ? 46

3.2.a La surabondance de lieux de dialogue social territorial 47

3.2.b Un cadre juridique aux contours flous 48

Chapitre 4 : L'appropriation syndicale des lieux de dialogue social territorial 50

4.1 Forces 50

4.1.a Un changement de méthode de travail 50

4.1.b Le développement d'un savoir-faire syndical empirique 51

4.2 Faiblesses 51

4.2.a Le manque de moyens humains et financiers 51

4.2.b Une coordination trop faible des organisations syndicales 52

4.2.c La remise en cause de la légitimité des syndicats 53

4.3 Menaces 53

4.3.a L'implication syndicale freinée par l'abondance des lieux de DST 54

4.3.b Le flou entourant le dialogue social territorial 54

4.4 Opportunités 55

4.4.a Le territoire pour renforcer la légitimité des syndicats 55

4.4.b Un meilleur impact des syndicats sur l'action publique dans les territoires 56

4.5 Perspectives 56

Partie C : Evaluation de stage 59

Chapitre 1 : Assumer mes responsabilités et travailler en autonomie sur mes missions 59

Chapitre 2 : La difficulté de mobiliser les mandatés 59

Chapitre 3 : La volonté de travailler en équipe 60

Chapitre 4 : Adaptation rapide et compréhension de l'environnement 60

Chapitre 5 : Un renforcement de mes capacités d'expression écrite et orale 61

Partie D : Références 62

Chapitre 1 : Annexes 62

1.1 Annexe n°1 : Typologie des acteurs 62

1.2 Annexe n°2 : Principaux lieux de dialogue social territorial 63

1.3 Annexe n°3 : Grille d'analyse du dialogue social territorial 64

1.4 Annexe n°4 : Questionnaire sur les structures de dialogue social territorial 65

Chapitre 2 : Bibliographie 67

Chapitre 3 : Webographie 68

Chapitre 4 : Lexique 69

4

Remerciements

Je tiens à remercier l'ensemble des membres du CISTE pour m'avoir donné l'opportunité de faire ce stage.

Merci à Bernard Giret, mon tuteur de stage et président du CISTE pour ses encouragements et son ouverture.

Un merci tout particulier à Martine, directrice du CISTE, qui m'a fait confiance, m'a soutenu et m'a laissé une grande liberté dans mon travail.

A Laure pour son concours précieux pour défendre le projet d'avis et pour nos discussions animées.

A Nathalie et Pamela, d'avoir partagé leur bureau et les pauses café. Merci

A Patrice Braconnier pour m'avoir ouvert les portes jusque-là obscures du DST, via le CISTE et le DU DST, et pour ses conseils dans la construction de ce mémoire.

A Gilles Caire pour son soutien infaillible et ses conseils tout au long de l'année.

A l'ensemble de la promo du master 2 DDESS qui m'a fait vivre une aventure humaine exceptionnelle et m'a redonné le goût pour les études.

Un grand merci à Tac pour nos discussions constructives et son soutien lors du mois complet passé à l'écriture de ce mémoire.

Enfin un grand merci à mes parents, mes frères et soeurs, pour m'avoir toujours encouragé dans mes projets de vie et d'études.

5

Préface

Précisions de vocabulaire.

Lorsque nous parlerons d'organisation syndicale ou de syndicat, nous parlerons uniquement des syndicats interprofessionnels. Si nous parlons des syndicats de branche, cela sera précisé.

Autre précision. Dans le jargon syndical, une organisation syndicale défend et représente les employés tandis qu'une organisation patronale défend et représente les employeurs. Nous prenons le parti de qualifier d'organisation syndicale ou de syndicat l'ensemble des groupes représentant employés et employeurs. Pour nous, parler des organisations syndicales revient à parler des partenaires sociaux.

Pour être clair dans le vocabulaire que nous adopterons, nous parlerons d'organisation syndicale d'employé ou d'organisation syndicale patronale afin d'éviter toute confusion.

Bien que l'utilisation de sigle ne soit pas très pédagogique, j'ai choisi de largement les utiliser afin de ne pas surcharger le corps de texte du mémoire.

Pour ne pas avoir à chercher la signification de chaque acronyme, un lexique se trouve en toute dernière page de mémoire. Il est conseillé de le détacher pour l'avoir sous les yeux et faciliter la lecture de ce mémoire.

6

Introduction

Dans le cadre de mon Master 2 Droit et Développement de l'Economie Sociale et Solidaire à l'Université de Poitiers, j'ai commencé un stage de 4 mois et demi au CISTE (Carrefour de l'Innovation Sociale du Travail et de l'Emploi). Cette expérience débutée mi-mai 2013 m'a permis de découvrir une forme assez récente de dialogue sur les territoires dont je ne savais que peu de choses : Le Dialogue Social Territorial (DST), dont le CISTE est un acteur majeur en Poitou-Charentes.

Mon cursus universitaire, et notamment mon passage à l'Institut d'Etudes Politiques de Rennes, m'a beaucoup sensibilisé aux questions du renforcement des liens entres les élus et leurs électeurs, de rapprochement des politiques publiques1 aux besoins exprimés par les citoyens, de construction et d'expression de l'intérêt général. A travers les enseignements dont j'ai bénéficié, j'ai pu mesurer la transformation de l'action publique depuis 30 ans et le tournant de l'acte premier de la décentralisation. De plus en plus se développent sur les territoires diverses entreprises que nous pouvons qualifier de gouvernance2 sur les territoires. Elles visent à mieux faire émerger les besoins et l'intérêt commun des acteurs composants un territoire. C'est ainsi que se sont multipliées les expressions liées à ces initiatives : dialogue territorial, dialogue civil, dialogue sociétal, dialogue citoyen, démocratie locale, démocratie directe, démocratie participative, etc 3 . Plus que la consultation, certaines initiatives impliquent directement les acteurs d'un territoire lorsqu'ils co-construisent, décident et mettent en application leurs décisions. Ces expériences marquent en tout cas la volonté de (re)créer du lien entre les différents acteurs socio-économiques d'un territoire.

Les initiatives de DST vont dans ce sens et concernent elles aussi une multitude d'acteurs. Syndicats4, représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, élus, associations, citoyens, et autres peuvent être amenés à dialoguer au sein d'une instance de DST si le projet et/ou la thématique les concernent. Une rapide analyse mot à mot de l'expression « DST » met en évidence cette même volonté de mise en lien des individus et organisations sur un territoire défini. L'étymologie du mot « dialogue »5 renvoie à la discussion entre acteurs. L'adjectif « social » isolé est quant à lui « relatif à la vie des hommes en société »6. Enfin, l'adjectif territorial sera ici interprété comme une subdivision du territoire national.

Mes missions de stage m'ont immédiatement immergé dans le champ du DST. Elles consistaient d'une part en une série de réunions et d'entretiens avec des mandatés d'organisations syndicales pour juger de la qualité de certains lieux de DST où siègent ces mêmes syndicats. J'ai d'autre part effectué des recherches afin de mieux cerner et définir le

1 « Interventions d'une autorité investie de puissace publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou territoire (Grawitz, Leca et Thoenig, 1985 dans Dictionnaire des politiques publique / sous la direction de Laurie BOUSSAGUET, Sophie JACQUOT et Pauline Ravinet (dir.) - 3e édition actualisée et augmentée - Paris : Presses de Sciences Po, 2010, collection Références)

2 Globalement, la notion de gouvernance peut être entendue comme « l'interaction d'une pluralité d'acteurs gouvernants qui ne sont pas tous étatiques ni même publics (Leca, 1996, dans Dictionnaire des politiques publique / sous la direction de Laurie BOUSSAGUET, Sophie JACQUOT et Pauline Ravinet (dir.) - 3e édition actualisée et augmentée - Paris : Presses de Sciences Po, 2010, collection Références)

3 Nous clarifierons certaines de ces définitions dans la Partie B

4 D'après le Bureau International du Travail (BIT), un syndicat est une « organisation de travailleurs, dépassant d'ordinaire les limites d'une entreprise et établie dans le but de protéger ou d'améliorer, à travers une action collective, le statut économique et social de ses membres ». Il s'agit dans notre cas des syndicats d'employeurs et de salariés que l'on peut regrouper sous la mention de partenaires sociaux.

5 Du grec Dialoge : « entretien entre deux ou plusieurs personnes » ( http://www.cnrtl.fr)

6 http://www.cnrtl.fr

7

DST. En effet, ce concept est aujourd'hui mal identifié et regroupe divers lieux de dialogue qui semblent, à première vue, ne rien avoir en commun dans leur composition, leur fonctionnement ou les objectifs qu'ils se fixent7. Un autre objectif important lors de mon stage était de formuler des pistes de recherche sur le champ du DST.

Malgré les limites dont m'ont fait part les syndicalistes, j'ai pu ressentir globalement une certaine forme d'enthousiasme et d'engouement pour ce concept nouveau pour moi. J'ai eu l'occasion en mai 2013 d'assister à la conférence sociale régionale sur l'emploi en Poitou-Charentes présidée par Mme Ségolène Royale. J'avais été frappé de voir à quel point l'expression même de DST revenait souvent de la part des élus et à quel point elle suscitait des promesses. Un deuxième élément plus concret est la récente délibération relative au développement du DST par la commission mixte CESER8 - Région rendue publique en Février 20139. Ce document met en avant la nécessité de lever les freins au développement du DST et de s'appuyer sur ses forces pour en pérenniser les initiatives.

Ainsi, le DST est potentiellement vu comme un outil de performance socio-économique à la lecture de nombreux rapports et travaux scientifiques. S'il est perfectionné, il doit apporter des réponses innovantes et pertinentes sur des questions directement ou indirectement liées au travail 10 et à l'emploi 11 : Santé au travail, formation professionnelle, travail saisonnier, chômage, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, etc. Il doit permettre la coordination des actions sur un territoire défini pour plus d'efficacité.

Mais quelle est la réalité des espoirs fondés sur ces initiatives de DST. En premier lieu, qu'est-ce que le DST précisément ? Cette forme de dialogue peut-elle s'avérer être un réel outil de performance socio-économique ? Est-elle à même de prendre en compte certaines spécificités des territoires ? Peut-elle apporter de meilleures réponses à des demandes et besoins locaux ? Le DST peut-il contribuer à mieux formuler l'intérêt général sur des territoires donnés ? Les lieux de DST peuvent-ils introduire une nouvelle manière de construire et de mettre en oeuvre les politiques publiques sur les territoires ? Le DST n'est-il pas simplement une application du dialogue social 12 au niveau infra-national qui ne concernerait que les partenaires sociaux ? Quels sont les freins et dysfonctionnement du DST que l'on peut identifier ? Quelles pratiques et quels modes de fonctionnement semblent être efficaces ?

7 Pour ne citer que des lieux plutôt connus, Maisons de l'Emploi, Conseils de Développement, Instances Paritaires Régionales de Pôle Emploi, Conseil Economique Social et Environnemental Régional ou encore Caisse d'Allocations Familiales sont autant de structures qui sont souvent incluses dans le même champ du DST malgré des différences entre elles assez conséquentes.

8 Conseil Economique Social et Environnemental Régional

9 http://www.poitou-charentes.fr/files/assemblee_regionale/arretes/2013-02-15-session/2013CR001.pdf

10 D'après le BIT, le travail est « l'ensemble des activités humaines, rémunérées ou non, produisant les biens et services d'une économie ou bien fournissant les moyens d'existence nécessaires aux collectivités et aux individus ». Ces activités produisent des impacts sur l'environnement extérieur et donc sur la société.

11 L'emploi peut désigner la place que l'on occupe dans la société afin d'y réaliser un travail, en échange d'une rétribution. On suppose alors que l'emploi d'un individu conditionne en partie sa position sociale. L'emploi n'est pas neutre car il influence la relation qu'a un individu avec la société par le biais de l'activité qu'il occupe.

12 D'après le BIT le dialogue social inclut « toutes formes de négociation, de consultation ou d'échange d'informations entre représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs sur des questions d'intérêt commun liées à la politique économique et sociale ».

8

A travers ma mission de stage et mes recherches en parallèle, j'ai tenté de comprendre si le DST relevait d'une nouvelle forme de dialogue sur les territoires, en quoi il pouvait être singulier et comment pouvait-il apporter une plus-value.

Nous tenterons de répondre à cet engouement pour les expériences de DST et leur multiplication en répondant à la question suivante : Comment améliorer le fonctionnement de ces instances de discussion et mobiliser les acteurs ?

Nous verrons que bien qu'elles soient très hétérogènes, les initiatives de DST peuvent constituer un cadre pertinent pour répondre à des questions d'emploi et de travail sur des territoires, à condition d'en améliorer le fonctionnement. Les expériences de DST font face à certains dysfonctionnements mais elles contiennent indéniablement des forces sur lesquelles s'appuyer.

Une première partie sera consacrée à l'inscription du CISTE comme lieux de DST dans le contexte de décentralisation et de développement du dialogue social territorial. Dans un second temps, nous définirons le DST pour en comprendre son caractère protéiforme. Ces éléments de définition serviront de base à la proposition de pistes de recherche sur des enjeux intimement liés au développement du DST. Nous aborderons les notions de confiance et de crédibilité du DST pour apprécier l'adaptation des partenaires sociaux dans ces nouveaux lieux de dialogue.

9

Partie A : DEVELOPPEMENT DU DIALOGUE SOCIAL

TERRITORIAL ET DU CISTE

La France a été historiquement un Etat très centralisateur. La seconde moitié du XXe siècle a été marquée par un processus de décentralisation et la reconnaissance de niveaux infranationaux comme territoires pertinents de construction et de mise en place de certaines politiques publiques. Nous verrons que c'est ce contexte qui a permis au CISTE de naître et de développer ses actions de dialogue social territorial en Poitou-Charentes.

Chapitre 1 : DE LA DECENTRALISATION A L'EMERGENCE DU DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Nous verrons ici comment L'Etat français très centralisateur s'est progressivement déchargé de certaines de ses prérogatives pour faire coexister à ses côtés des logiques de déconcentration administrative et de décentralisation politique. Nous verrons que cette évolution a transformé l'action publique car l'échelon national n'est plus le seul niveau pertinent d'intervention. Ce processus a permis la territorialisation de l'action publique menant à l'émergence du DST.

1.1 DE LA CENTRALISATION A LA DECENTRALISATION

1.1.a L'ETAT FRANÇAIS CENTRALISATEUR

L'Etat français, par opposition à des Etats fédéraux comme l'Allemagne, est depuis la Révolution de 1789 un Etat unitaire c'est-à-dire une seule et même organisation politique et juridique. Il est jusqu'en 1982 un Etat très centralisateur.

« La centralisation consiste à réunir tous les moyens d'action en un centre unique : l'Etat est en situation de « monopole » »13.

On peut considérer que la monarchie française a initié cet effort de centralisation pour consolider l'unité de la nation française qui n'est alors « qu'un agrégat inconstitué de peuples désunis » depuis le Moyen-âge, d'après Mirabeau. Ces peuples ne sont pas traités de manière égale. Ils ne disposent pas des mêmes droits et libertés. D'autres inconvénients, tels que l'inefficacité des services administratifs et l'éloignement de l'Ile de France par rapport à la province, sont inhérents à cette absence de centralisation et freinent le développement du pays. Colbert tentera d'unifier le territoire français mais la centralisation sera largement incomplète à l'aube de la Révolution Française.

Le changement radical généré par la Révolution va poser les bases de nouvelles fondations à l'édifice social français et placer sur un même pied d'égalité les différents territoires qui composent la nation. Le découpage administratif du pays est clarifié avec notamment la création du département, « conçu comme une division du territoire et non comme une nouvelle collectivité »14 qui disposerait d'un certain degré d'autonomie par rapport à l'Etat. Le découpage en départements, districts et cantons est mis en place sur tout le territoire pour

13 http://www.droit-constitutionnel.net

14 Loi du 22 décembre 1789 (source : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/decentralisation.asp)

10

faciliter l'exercice de l'autorité d'Etat. C'est lors de la Révolution que le Français sera largement imposé car une langue commune est vue comme nécessaire à l'unité de la nation.

Ainsi, la Constitution du 3 septembre 1791 proclame que : « Le Royaume est un et indivisible », marquant la victoire des Jacobins, tenants d'une République unitaire15.

Le système de centralisation sera le modèle qui prévaudra en France pour quasiment 200 ans de plus. Il sera renforcé par le lancement d'un processus de déconcentration administrative.

1.1.b LA DECONCENTRATION ADMINISTRATIVE

La déconcentration administrative amorcée à la fin du XIXe siècle va prolonger la centralisation. On peut considérer qu'elle en est une modalité puisque les services déconcentrés de l'Etat ne jouissent que d'une délégation de compétence sur des subdivisions du territoire national.

Les représentants locaux sont nommés et révocables par l'Etat. Ils font l'objet de contrôles hiérarchiques et ne disposent que de peu de marge de manoeuvre en dehors de la ligne fixée par l'Etat. La déconcentration ne consiste pas en un transfert de compétences vers les territoires. L'image d'Odilon Barrot est parlante lorsqu'il parle du « [...] même marteau qui frappe, mais on a juste raccourci le manche ».

En effet, « la déconcentration est un processus d'aménagement de l'État unitaire qui consiste à implanter dans des circonscriptions locales administratives des autorités administratives représentant l'État. Ces autorités sont dépourvues de toute autonomie et de la personnalité morale »16.

L'objectif n'est pas ici le transfert de compétence mais d'aboutir à une meilleur efficacité de l'administration sur les territoires. C'est-à-dire de mieux exercer la volonté de l'Etat de deux façons. En luttant contre l'engorgement de l'administration centralisée qui ralentit l'application des décisions publiques. En rapprochant l'administration des administrés pour plus d'efficacité. Ce deuxième objectif va quelque peu initier une démarche de prise en compte des données et des besoins locaux pour une meilleure application des décisions publiques.

Napoléon Bonaparte poursuivra l'effort d'unification et de centralisation à travers la déconcentration administrative. Les différents découpages territoriaux (départements, communes et cantons) sont biens un moyen de représentation de l'Etat au plus proche des citoyens. La création des préfets17 et le rôle des maires18 indiquent bien que ces derniers sont des fonctionnaires d'Etat détachés dans les subdivisions administratives du territoire national.

Mise à part une exception, une loi instituant l'élection du maire par le conseil municipal et reconnaissant son autorité19, l'hyperpuissance de l'Etat ne sera pas infléchie au cours du XIXe et du début du XXe siècle.

Malgré ces efforts, la déconcentration administrative qui accompagne la centralisation ne semble pas suffisante tant apparaissent des inégalités de développement entre la capitale et les

15 Par opposition aux Girondins, partisans de la décentralisation.

16 http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/principes-collectivites-territoriales/qu-est-ce-que-deconcentration.html

17 Le rôle des préfets de département est créé par la loi du 28 pluviôse de l'an VIII (17 février 1800). Ces préfets sont « nommés et révoqués par le Premier Consul, puis par l'Empereur » ( http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/decentralisation.asp).

18 Loi du 18 juillet 1837 qui précise que le maire est un représentant de l'Etat.

19 Loi du 5 avril 1884

11

autres départements20. Une véritable politique visant une meilleure répartition des activités sera mise en place. Elle vise à inciter les entrepreneurs à s'implanter en province.

Cette politique d'aménagement du territoire sera renforcée lors de la période 1954 - 1968 avec la construction des régions destinées à redynamiser l'économie des territoires. En premier lieu, 21 régions économiques de programme seront créées21 puis renforcées22. En 1964 sont créés les préfets de région23. Cette politique de renforcement des régions est fortement impulsée par De Gaulle qui déclare que « l'évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L'effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire à notre pays pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain24 ».

Ces réformes ne suffisent pas tant grandit en France une demande de rapprochement entre la construction des décisions publiques et les besoins ou intérêts spécifiques des citoyens sur leur lieu de vie. En 1976, le rapport « Vivre ensemble25 » écrit par Olivier Guichard dénonce la « dépossession légale et administrative » par l'Etat, d'activités qui devraient relever de la compétence de collectivités ou d'acteurs locaux : « Ainsi pris, l'Etat n'a souvent ni le temps ni le recul suffisant pour jouer le jeu que la collectivité attend de lui : surveiller les grands équilibres, poser les règles de la vie en société, en contrôler le respect. En revanche, il s'est substitué au rôle normal des collectivités locales. »

Ainsi à la fin des années 1970, les représentants des autorités déconcentrées sur les territoires ne sont pas élus mais nommés par l'Etat. Les maires sont la seule exception. Il faudra attendre 1982 et une véritable volonté politique de décentralisation pour que se modifient profondément les rapports entre l'Etat, les collectivités territoriales et les acteurs socio-économiques des territoires (régions, départements, communes, etc.).

1.1.c LA DECENTRALISATION POLITIQUE

Au contraire de la déconcentration administrative, qui n'est qu'un déplacement de l'autorité de l'Etat sur les territoires, la décentralisation politique consiste en un véritable transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales. Ce mouvement a marqué un tournant qui a permis de reconnaitre les spécificités et les acteurs des territoires.

« La décentralisation est un processus d'aménagement de l'État unitaire qui consiste à transférer des compétences administratives de l'État vers des entités (ou des collectivités) locales distinctes de lui. »26

Le virage de la décentralisation est amorcé par la promulgation, le 2 mars 1982, de la « loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ». Cet Acte 1 de la décentralisation va opérer de profonds changements. Les régions deviennent des collectivités territoriales à part entière puisqu'elles sont dotées d'un conseil élu par suffrage universel. La tutelle administrative est remplacée par un contrôle a posteriori ce qui permet des gains d'autonomie et de libertés pour les collectivités territoriales.

20 Le géographe Jean-François Gravier utilisera l'expression de « Paris et le désert français »

21 Par décret du 30 juin 1955

22 Décret du 7 janvier 1959

23 Décret du 14 mars 1964

24 Déclaration de De Gaulle le 24 mars 1968 à Lyon

25 http://www.senat.fr/rap/r99-447-1/r99-447-13.html

26 http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/principes-collectivites-territoriales/qu-est-ce-que-decentralisation.html

12

Ce tournant politique opéré sera par la suite renforcé. L'Acte 2 de la décentralisation, intitulé « loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République », est promulgué le 28 mars 2003. Les collectivités territoriales se voient transférer de nouvelles compétences en termes de développement économique, les infrastructures, la formation et l'enseignement. Désormais, elles disposent d'une autonomie, de ressources propres (impôts) et de subventions leur permettant de soutenir des projets avec un contrôle juridictionnel a posteriori de l'Etat.

Le processus de décentralisation permet donc une plus grande autonomie des collectivités territoriales. La mise en place d'outils de développement va définitivement installer la reconnaissance des échelons infranationaux comme territoires pertinents d'intervention en matière de politiques publiques.

1.2 UNE RECONNAISSANCE DU LOCAL PERMETTANT L'EMERGENCE DU DST

1.2.a LA MISE EN PLACE DE MOYENS POUR LES TERRITOIRES

La décentralisation va être accompagnée par la mise en place d'outils de développement spécifiques sur les territoires. Grâce à cela, les collectivités vont réellement pouvoir mener de nombreuses et diverses expériences de gouvernance sur les territoires. Ces expériences vont impliquer à la fois les acteurs publics et privés sur des questions socio-économiques (aménagement du territoire, mobilité et transport, culture, santé, etc.).

Le territoire est donc un espace privilégié de débat et de mise en oeuvre d'actions répondant à des stratégies de développement économique et social. La proximité est reconnue car elle doit permettre une meilleure connaissance des problématiques locales. Elle doit également faciliter la co-construction des projets par les acteurs.

De nouvelles lois, de nouveaux instruments budgétaires et dispositifs sont mis en place vont accentuer la création de nombreuses initiatives de dialogue sur les territoires infranationaux. L'Union Européenne, à travers les objectifs de Göteborg (2001) et de Lisbonne (2006), jouera un rôle très important en mettant également des moyens financiers pour renforcer l'attractivité des territoires27, via les fonds FSE28.

Les collectivités territoriales vont disposer de moyens leur permettant d'élaborer leurs politiques publiques concernant l'aménagement du territoire et le développement économique. Parmi les dispositifs donnant aux régions les moyens de leur autonomie, nous pouvons mentionner :

- Les CPER 29 : Ces contrats pluriannuels permettent la mutualisation de moyens financiers (Etat, collectivités territoriales et Union Européenne) pour soutenir les projets de développement et d'aménagement du territoire au niveau régional, interrégional et infrarégional.

- Les SRDE30 : ils permettent à la région de coordonner le développement de son territoire sur la base d'un diagnostic partagé de la situation économique régionale. Il fixe des objectifs à atteindre et des moyens pour y parvenir.

27 Décisions du Conseil de l'Europe du 20 février 2006 et du 6 octobre 2006 relatives « aux orientations stratégiques de la Communauté pour le développement rural » et « aux orientations stratégiques communautaires en matière de cohésion ».

28 Fonds Sociaux Européens.

29 Loi du 29 juillet 1982 faisant suite à l'Acte 1 de la décentralisation.

30 Loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

13

- Les SCOT31 : Il est globalement le pendant du SRDE au niveau d'un territoire urbain et périurbain sur la définition d'une stratégie d'aménagement et de développement économique local.

D'autres dispositifs existent (Contrats de développement, SRADDT, politique des pays, etc.) et consacrent donc cette nécessité de penser et de développer les politiques publiques aux plus près des acteurs impactés. La création et la mise en place de ces moyens ont directement participé à l'émergence de lieux de dialogue social territorial.

1.2.b DES DEMANDES DE DIALOGUE ET DE DEMOCRATIE AU NIVEAU LOCAL

Dans le même temps, de nombreux lieux et expériences de dialogue regroupant divers acteurs d'un territoire voient le jour. Une certaine remise en cause du système de représentation s'est accompagnée de nouvelles demandes de dialogue et de démocratie qui se traduisent par la création d'arènes de dialogue et de décision nouvelles.

On peut définir de façon générale la démocratie comme le « pouvoir au peuple »32. Le peuple est alors la seule source légitime du pouvoir. Reste que cette définition est plutôt vague et sujette à interprétation.

La Révolution Française de 1789 et l'actuelle Ve République ont consacré la définition de la démocratie à travers le système de la représentation. Cette conception de la démocratie est largement inspirée de la pensée développée par Montesquieu. En résumé, le peuple est apte à élire des représentants capables de définir l'intérêt général et de décider de l'action publique, mais il n'est pas apte à gouverner lui-même. D'après Montesquieu, « [..] le grand avantage des représentants c'est qu'ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple lui n'y est pas du tout préparé [..] » 33 . Dans ce cas, le peuple gouverne de manière indirecte. Le représentant élu est un intermédiaire permettant d'atteindre l'intérêt général.

Une autre conception de la démocratie, incarnée par Jean-Jacques Rousseau, donne un sens différent : le peuple doit être responsable, il gouverne directement ce qui justifie le recours à la démocratie directe. Il n'y a donc pas lieu à désigner des représentants puisque personne ne peut décider pour le peuple.

Cette différence de conception de l'idéal démocratique est résumée par l'abbé Sieyès en ces termes : « Les citoyens peuvent donner leur confiance à quelques-uns d'entre eux. Sans aliéner leurs droits, ils en commentent l'exercice. C'est pour l'utilité commune qu'ils se nomment des représentations bien plus capables qu'eux-mêmes de connaitre l'intérêt général, et d'interpréter à cet égard leur propre volonté. [..] L'autre manière d'exercer son droit à la formation de la loi est de concourir soi-même immédiatement à la faire. Ce concours immédiat est ce qui caractérise la véritable démocratie. Le concours médiat désigne le gouvernement représentatif. La différence entre ces deux systèmes politiques est énorme. »34

Les conceptions de la représentation de Montesquieu et celle de la démocratie directe de Rousseau ne doivent cependant pas être vues comme concurrentes, mais comme des idéaux complémentaires. On constate, depuis une trentaine d'années, que le législateur « rééquilibre

31 Loi de solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000.

32 Le terme de « démocratie » renvoie au terme grec ancien de « dêmokratía », où « dêmos » signifie le « peuple » et « kratos » signifie le « pouvoir ».

33 (DE) MONTESQUIEU Charles, L'esprit des lois, livre XI, chap. 6.

34 SIEYES Emmanuel Joseph, Dire de l'abbé Sieyès sur la question du veto royal à la séance du 7 septembre 1789, Imprimeur de l'Assemblée Nationale, Paris. p. 14.

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la balance » pour introduire un peu plus cette conception Rousseauiste dans notre modèle de démocratie.

C'est ainsi que naissent en France, à partir des années 1960, les premières expériences locales d'autogestion c'est-à-dire d'écoute et de prise en compte des besoins des citoyens pour faire émerger des solutions collectives acceptables par tous. C'est le cas du développement des Groupes d'Action Municipaux (Roux, 2011). La logique est donc d'impliquer les différentes composantes de la société au niveau local pour sortir de logiques verticales qui ne garantissent pas toujours la prise en compte des intérêts divers des acteurs privés ou publics.

De nombreux lieux de dialogue institutionnalisé voient également le jour. Ils naissent de la volonté des collectivités territoriales et de l'Etat déconcentré. Ils visent une meilleure insertion des politiques publiques aux éléments socio-économiques sur les territoires.

1.2.c DE NOUVEAUX LIEUX DE REGULATION ECONOMIQUE ET SOCIALE SUR LES TERRITOIRES

La décentralisation accompagnée des nouvelles demandes de dialogue au niveau local va faire émerger un processus de territorialisation. C'est ainsi qu'une multiplicité de lieux de dialogue institutionnalisé sont créés et avec eux le principe de gouvernance des territoires qui prend son plein essor.

La gouvernance peut être définie comme « l'ensemble des règles et des processus collectifs, formalisés ou non, par lequel les acteurs concernés participent à la décision et à la mise en oeuvre des actions publiques. Ces règles et ces processus, comme les décisions qui en découlent, sont le résultat d'une négociation constante entre les multiples acteurs impliqués. Cette négociation, en plus d'orienter les décisions et les actions, facilite le partage de la responsabilité entre l'ensemble des acteurs impliqués, possédant chacun une certaine forme de pouvoir. »35

Le développement des pratiques de gouvernance dans les territoires est intimement lié au processus de transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités locales. Quand la déconcentration n'était que l'application de décisions hiérarchiques, avec en haut de la pyramide l'Etat, la décentralisation contient une dimension d'élaboration plus ou moins partagée des politiques publiques aux différents échelons. L'étape suivante est le processus de territorialisation que décrit Jacques Perrat (2007). Pour lui, la territorialisation transforme l'action publique pour la placer sur le « mode de la gouvernance ». Des « lieux stabilisés » de dialogue et de concertation entre les acteurs d'un territoire sont consacrés. Ils doivent permettre d'aider les décideurs publics dans la construction des politiques locales en prenant en compte divers avis d'acteurs publics et/ou privés du territoire en question (Jacques Perrat, 2007).

Si le développement de la gouvernance vise à une meilleure prise en compte des besoins et intérêts locaux, ce mode de gouvernement est ambigu pour plusieurs raisons. Les lieux institutionnalisés de gouvernance sur les territoires posent question quant à leur composition et notamment sur la représentativité des personnes morales ou physiques qui y siègent. La gouvernance sur les territoires peut également être considérée comme un outil de communication permettant d'accroître l'acceptabilité des politiques publiques, le pouvoir de décision restant souvent entre les mains des seuls élus.

Il n'empêche que se développent de nouveaux modes de régulation socio-économique avec le développement de la gouvernance sur les territoires. La territorialisation n'induit « pas

35 Cahier de recherche en politiques appliquées Vol. IV, Numéro 3, Automne 2012

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seulement un changement d'échelle mais aussi un changement de nature de l'intervention et de la coordination des acteurs concernés » (Perrat, 2007).

La création de ces lieux de dialogue dans les territoires englobe les instances de DST dont l'émergence est directement liée à ce développement des pratiques de gouvernance sur les territoires.

1.2.d LA CREATION DE LIEUX DE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Le dialogue social territorial va s'implanter et se développer petit à petit. Il participe à une volonté des décideurs publics et des acteurs de la société au sens large de créer des lieux de dialogue favorisant eux aussi la construction des politiques publiques sur les territoires.

Dans son rapport « Réalité et avenir du dialogue social territorial36 », le CESE37 met ainsi en avant « une volonté propre des acteurs territoriaux » et la « territorialisation des politiques publiques » impulsée par la décentralisation comme éléments explicatifs du développement du DST en France. Un autre aspect n'est pas anodin dans cette évolution. Le dialogue social d'entreprise et la négociation collective entre les partenaires sociaux sont réaffirmés : « le développement du dialogue social territorial n'aurait sans doute pas pris une telle importance sans celui du dialogue social de façon générale, dont la place dans la régulation et la réglementation des rapports sociaux a été renforcée, sous l'impulsion des partenaires sociaux et des pouvoirs publics. »

Le champ des politiques publiques locales s'élargit et est accompagné par la création de « nouvelles formes stabilisées du dialogue social » (Perrat, 2009). Ils abordent des questions d'emploi et de travail et parfois des enjeux plus larges comme le développement économique et l'aménagement des territoires. Ces lieux marquent leur différence par la présence systématique des partenaires sociaux en leur sein38.

Ce sont l'ensemble de ces évolutions - déconcentration, décentralisation, développement de la gouvernance sur les territoires et volonté de renforcer le dialogue social - qui ont créé un contexte favorable à la création du CISTE, association paritaire de DST.

36 Publié le 07 juillet 2009.

37 Conseil Economique, Social et Environnemental.

38 La présence des partenaires sociaux n'est pas forcément requises dans tous les lieux de dialogue dans les territoires (dialogue civil, dialogue sociétal, dialogue territorial, etc.). Nous reviendrons sur cette particularité dans la 2ème Partie.

16

Chapitre 2 : LE CISTE, UN ACTEUR DU DIALOGUE
SOCIAL TERRITORIAL EN POITOU-CHARENTES

Nous verrons dans ce chapitre que le CISTE, comme le champ du DST en général, est directement né du processus de décentralisation. Nous préciserons ici pourquoi le CISTE est considéré comme un acteur de dialogue en Poitou-Charentes. Nous insisterons également sur ses modalités de gouvernance et de décision qui font de cette association paritaire une structure de l'ESS.

2.1 CREATION DU CISTE DANS LE PROCESSUS DE DECENTRALISATION

Le processus de décentralisation a créé les conditions d'émergence du CISTE. La reconnaissance du niveau régional ou local comme territoire pertinent d'intervention a permis au CISTE de s'assurer des soutiens publics importants et nécessaires pour son développement.

2.1.a CREATION DU CISTE

Le CISTE (Carrefour de l'Innovation Sociale du Travail et de l'Emploi) est une association loi 190139 créée en juin 2000. Sa création fut doublement impulsée par Jean-Pierre Raffarin et France Joubert, respectivement Président du Conseil Régional du Poitou-Charentes et Secrétaire Régional CFDT de l'époque. La Région Poitou-Charentes appuyait les initiatives de DST sur son territoire, c'est pourquoi le CISTE fut inscrit dans le Contrat de Plan Etat/Région à titre expérimental.

6 organisations syndicales de salariés ont participé à la création du CISTE (UNSA, CFDT, CFE CGC, CFTC, CGT et FO). Du côté des organisations patronales, l'UPAR, la CGPME, la FRSEA et le MEDEF étaient présent à la naissance du CISTE. Il est à noter que la CRES Poitou-Charentes a été associée elle aussi à la création du CISTE, en tant que représentant de l'économie sociale et solidaire, et a été remplacée par l'USGERES en 2007.

2.1.b L'EVOLUTION DU CISTE ET DE SES ACTIONS

L'objet premier du CISTE est de pouvoir rassembler ces acteurs sur un même lieu pour développer et renforcer le DST. Autrement dit, le CISTE doit être un « facilitateur » et un animateur du DST en Poitou-Charentes en imaginant et en mettant en place des projets expérimentaux et innovants.

En 13 ans d'existence, le CISTE a progressivement modifié son champ et ses modalités d'actions. On peut considérer que les premières années d'activité ont permis au CISTE de s'approprier le DST dans toute sa complexité, d'en saisir les enjeux et d'initier cette démarche en Poitou-Charentes. Cette première étape s'est concrétisée par des travaux d'analyse, l'organisation de journées d'échanges, le pilotage de projets européens et la construction d'un réseau de partenaires.

Dans un deuxième temps, le CISTE a créé plusieurs commissions de travail pour formaliser des pistes d'action sur diverses thématiques (Sécurisation des parcours professionnels, égalité

39 Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association dont l'article premier stipule que « l'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ». (Source : http://www.legifrance.gouv.fr)

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professionnelle femmes/hommes, travail saisonnier, dialogue social TPE/PME et artisanat, formation au Dialogue Social Territorial).

Depuis 2009, le CISTE a pu réaliser certains projets, suite aux travaux en commissions, en les mettant en application à titre expérimental en Poitou-Charentes. Le développement du CISTE a également été marqué par la création de l'IDST en collaboration avec l'Université de Poitiers. Le CISTE a enfin créé un Observatoire Régional du Dialogue Social pour appuyer ses travaux d'analyse et de réflexion.

2.1.c UN ACTEUR NE DE LA DECENTRALISATION : L'EXEMPLE DU FINANCEMENT

Le CISTE ne se crée que peu de ressources propres. Il dépend essentiellement de financements publics par la signature de conventions lui permettant de réaliser des actions et projets.

Depuis sa création, le CISTE a été principalement soutenu par le Conseil Régional de Poitou-Charentes et l'Etat via la DIRECCTE. Ces deux soutiens représentaient près de 60% des 300 000 € de budget annuel du CISTE pour 2012.

La création du CISTE a été directement impactée par la mise en place des Contrat de Plan Etat-Région, devenus nouvellement Contrat de Projets (CPER), dont nous avons fait mention sur le processus de décentralisation. Puisque que le niveau régional est reconnu comme territoire pertinent d'intervention, le CISTE a pu s'inscrire dans le CPER de 2000 - 2006, puis dans celui couvrant la période 2007 - 2013.

Cette inscription dans les CPER marque bien la reconnaissance par les pouvoirs publics de la compétence et du rôle du CISTE au niveau régional. La sortie d'une logique de centralisation absolue et la reconnaissance de niveaux infranationaux comme territoires pertinents d'intervention ont été des facteurs primordiaux à la création du CISTE.

Depuis 2009, le CISTE se voit attribuer des financements européens via les fonds FSE. Au départ le FSE ne finançait que des projets ponctuels du CISTE pour aujourd'hui financer l'ensemble des actions. Si bien que ces subventions européennes composent plus du tiers du budget du CISTE.

Outre les financements publics, le CISTE perçoit une cotisation annuelle de chacune des organisations membres.

Depuis 2008, le CISTE s'est attiré le soutien de partenaires privés. Aujourd'hui, Harmonie Mutualité et AGEFOS PME soutiennent le CISTE. De plus, l'Université de Poitiers soutient l'association avec notamment la création de l'Institut du Dialogue Social Territorial.

Répartition des ressources du CISTE
selon leur provenance (budget
prévisionnel 2013)

DIRECCTE

Conseil Régional

Fonds européens

Autres partenariats

Cotisations des membres

<1%

37%

4%

31%

28%

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La grande majorité des dépenses du CISTE concerne les charges de personnel (68%). Pour le reste, le CISTE dépense 28 % de son budget dans les achats et services extérieurs. Cela concerne principalement les déplacements pour les missions et les locations de matériel.

Répartition des dépenses du CISTE par
poste (budget prévisionnel 2013)

Charges de personnel

Achats et services extérieurs

Impôts et taxes

Charges financières

Dotation aux amortissements

28%

2% 1% 1%

68%

Nous avons pu retracer brièvement l'historique du CISTE reconnu comme un acteur du DST en Poitou-Charentes. Nous allons maintenant préciser la nature de l'action du CISTE dans ce domaine.

2.2 UN ACTEUR DU DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL EN POITOU-CHARENTES

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2.2.a PERIMETRE D'ACTION

Le CISTE intervient essentiellement sur la région Poitou-Charentes.

Les thèmes traités par le CISTE, principalement travail et emploi, sont des sujets complexes qui dépassent le cadre régional mais le CISTE s'appuie sur les spécificités locales pour des actions en direction des partenaires sociaux de la région. Cela n'empêche pas les acteurs du CISTE de « regarder ailleurs », de s'inspirer d'expériences situées sur d'autres régions ou d'intégrer des travaux de recherche plus globaux pour affiner leurs actions en Poitou-Charentes.

En retour, le CISTE communique assez largement vers les autres territoires en intervenant dans des colloques liés au DST ou en présentant leurs actions à diverses institutions intéressées.

Le CISTE bénéficie donc de la reconnaissance du niveau régional comme territoire pertinent de dialogue social, et plus particulièrement sur l'emploi et le travail.

2.2.b OBJET GENERAL ET MISSIONS

« L'association a pour objet de fédérer et animer le débat régional autour des évolutions et démarches relatives aux nouvelles formes d'emploi et des relations au travail, d'organiser une fonction de veille et d'analyse pluridisciplinaire des pratiques professionnelles, d'inciter à l'innovation sociale en mettant en oeuvre des méthodologies d'actions centrées sur le partenariat et reposant sur les réseaux, structures et organisations existantes territoriales ou professionnelles. »40

Le CISTE a donc une double dimension. Il est un acteur construisant des projets expérimentaux et les mettant en oeuvre. Ces projets sont construits par les partenaires sociaux et selon les cas d'autres acteurs peuvent être invités. Les salariés viennent accompagner la mise en oeuvre des projets. Ces actions sont utiles aux partenaires sociaux du CISTE et doivent apporter une plus-value économique et sociale sur le territoire picto-charentais.

Ces projets sont de plusieurs natures :

- La réflexion et l'accompagnement de projet sur des problématiques économiques et sociales.

- L'information et la formation au dialogue social territorial. Un point important est le transfert des connaissances et expériences positives vers d'autres utilisateurs potentiels.

- L'expérimentation et innovation

- L'organisation d'évènements ponctuels

- L'analyse des enjeux propres au territoire par des enquêtes quantitatives et qualitatives.

Le CISTE a une vocation opérationnelle visible, mais un second aspect n'est pas à négliger.

Le CISTE est aussi un lieu de rencontre des partenaires sociaux qui doivent dépasser leurs clivages pour co-construire ces projets. Ainsi, le CISTE est un lieu important de reconnaissance et de dialogue pour les syndicats. C'est à cette condition que les travaux du CISTE peuvent être efficaces sur l'identification des problématiques et la construction de solutions envisageables par le débat et l'échange d'idées.

40 Article 2 des statuts du CISTE

20

2.2.c METHODE ET OUTILS

Le CISTE a une méthode assez précise pour mener ses projets. La question du collectif et de la co-construction s'avère au coeur de la méthode souvent employée.

Le CISTE constitue pour chaque projet un groupe de travail. Ces groupes de travail sont à géométrie variable et ne vont pas rassembler les mêmes acteurs selon le sujet traité, le territoire du projet, etc. Il s'agit alors de mobiliser des membres des organisations syndicales du CISTE ainsi que des personnes extérieures impactées par le sujet (collectivités, élus, experts, etc.) et identifiées.

Le groupe de travail doit ensuite établir un diagnostic de la situation, recenser les initiatives intéressantes pour pouvoir échanger sur les solutions envisageables, afin de faire le tri selon la plus-value qu'elles apportent. Il s'agit alors d'analyser collectivement les contraintes et les avantages engendrés par les solutions afin de faire un choix.

Le CISTE doit ensuite servir de « déclic » au projet. Il doit le lancer et participer à sa mise en place pour ensuite le laisser vivre en toute indépendance. C'est en cela que le CISTE est un accompagnateur ou facilitateur. Il met à disposition des acteurs ses ressources pour initier ou appuyer des initiatives.

Ainsi, le CISTE transfère les solutions ou expériences positives aux acteurs concernés par le projet. Il peut également communiquer ses résultats et expliquer ses démarches auprès d'acteurs situés hors du Poitou-Charentes.

2.2.d ACTIONS DU CISTE (2012-2013)

Nous reviendrons ici brièvement sur les actions menées par le CISTE en 2012 et sur les projets en cours pour 2013 afin d'illustrer la diversité des thèmes et questions que traitent cette association. Dans une certaine mesure, ces projets représentent bien la pluralité des sujets attenants au DST.

Nous ne dresserons pas une liste exhaustive pour ne pas être trop long, mettant simplement en avant quelques projets pour saisir la diversité des projets du CISTE

? SAISONNIER

Dans le but de concilier vie professionnelle et familiale, une enquête du CISTE menée sur la zone « Cap au Sud » de Poitiers a fait émerger des besoins en termes de crèche interentreprises. Suite à ces travaux, le CISTE a été sollicité pour participer à un nouveau comité de pilotage sur une autre zone du territoire.

Un projet est mené avec la Communauté d'Agglomération et la Maison de l'Emploi de La Rochelle sur l'emploi saisonnier. Il a pour but de réfléchir à l'opportunité de créer un lieu expérimental d'accueil des travailleurs saisonniers. Un réseau d'acteurs a été constitué avec notamment le travail d'un étudiant du Diplôme d'Université DST sur ce sujet.

? DIALOGUE SOCIAL TPE/PME ET ARTISANAT

La nouvelle Zone République de Poitiers a fait émerger des besoins que le CISTE a pu identifier. Il s'avère que la création d'une crèche est souhaitée par les salariés travaillant sur cette zone. Le CISTE participe au comité de pilotage qui étudie les conditions de création de cette crèche inter-entreprises.

Sur la santé au travail, le CISTE a mobilisé un réseau d'acteurs en pays Mellois sur la question de la prévention des risques professionnels. En 2013, 3 ateliers viseront permettre

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aux entreprises de créer leur Document Unique, d'établir un diagnostic sur les risques professionnels et de réduire les risques de TMS (Troubles Musculo-Squelettiques).

Le CISTE souhaite initier une démarche de sensibilisation sur les risques professionnels vers les structures de l'ESS sur le département de la Charente.

? L'IDST

L'Institut du Dialogue Social Territorial, créé en 2010, est une association paritaire où siègent d'une part des membres du CISTE, et d'autre part des représentants de l'Université de Poitiers. Cette association a pour but de développer le DST et d'encourager des initiatives allant dans ce sens. Il s'appuie sur l'expertise du CISTE complétée par la dimension recherche apportée par l'Université.

L'activité de l'IDST a été marquée par l'organisation de la 2ème session de DU DST sur l'année 2012 - 2013. Elle avait pour objet de former des militants CFDT et CGT au DST. Le CISTE a appuyé l'IDST sur la recherche de financement, l'organisation et la synthèse des journées de formation.

Les actions de l'IDST se sont également concrétisées par des interventions sur le sujet de DST. L'association a ainsi organisé les 2èmes Rencontres du DST en octobre 2012 à Poitiers afin de réfléchir et d'échanger sur ce thème encore nouveau

? L'ORDS

L'Observatoire Régional du Dialogue Social est une action du CISTE et non pas une association supplémentaire. L'ORDS a été créé en 2010 comme un outil de d'accompagnement de projet et d'analyse du dialogue social territorial.

Un premier axe concerne le dialogue social en entreprise. A ce titre, l'ORDS a mené une campagne de sensibilisation sur les élections professionnelles dans les TPE. Un travail d'analyse et de sensibilisation sur l'égalité professionnelle femmes-hommes est en cours, de même que sur la perte d'emploi chez les seniors.

Un deuxième axe traite du dialogue social sur le territoire picto-charentais. Un travail de recensement des structures de DST de la région a été mené jusqu'à la création d'un annuaire. C'est à partir de ce travail que ma mission de stage au CISTE a été menée. Il s'agissait d'apprécier l'implication des partenaires sociaux du CISTE dans ces lieux de DST et d'analyser le fonctionnement de ces lieux en termes de qualité du dialogue, de qualité des travaux produits et d'impact sur la conduite des politiques publiques en Poitou-Charentes.

2.3 UNE ASSOCIATION PARITAIRE REGIONALE DE L'ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

2.3.a LES INSTANCES DE DISCUSSION ET DE DECISION

? L'ASSEMBLEE GENERALE

Une Assemblée Générale (AG) a lieu tous les 2 ans. Les représentants des organisations syndicales titulaires et suppléants du CISTE y sont désignés.

? LE CONSEIL D'ADMINISTRATION

Le CISTE est composé d'un Conseil d'Administration. C'est l'instance décisionnelle de la structure qui peut s'appuyer sur des propositions formulées par le bureau.

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Ainsi, l'article 4 des statuts de l'association stipule que « Le Conseil d'Administration décidera des axes de travail et des modalités d'opérationnalisation ou d'expérimentation du CISTE. Il pourra s'appuyer sur les avis et travaux du Comité d'Orientation ». Par ailleurs, le CA désigne le bureau.

La composition du CA a connu plusieurs évolutions avec notamment le retrait de certaines organisations syndicales. Ne sont plus présentes au CA :

- Le MEDEF - La FRSEA - FO

- La CFTC

En 2013, l'USGERES a changé de statuts et a adopté une nouvelle dénomination (UDES). Dès lors en 2013, on retrouve au CA 3 organisations patronales dans un premier collège :

- La CGPME - L'UDES - L'UPAR

Et 4 organisations salariales dans l'autre collège :

- La CFDT

- La CFE CGC

- La CGT - L'UNSA

? LE BUREAU

Le CA désigne le bureau qui est composé de :

- Un président et un vice-président de l'association - Un secrétaire et un vice-secrétaire

- Un trésorier et un vice-trésorier

Suite au CA de juillet 2013, la présidence autrefois assurée par la CGPME l'est aujourd'hui par la CFDT.

Chaque mandat a une durée de 2 ans. Un point important dans la désignation du bureau est l'obligation d'alternance qui est fixé dans les statuts de l'association41. Le bureau a pour rôle d'informer et de proposer des orientations stratégiques au Conseil d'Administration.

Par exemple, si pendant un premier mandat la présidence du CISTE est assurée par un représentant du collège employeurs et la vice-présidence par un représentant du collège salarié, le second mandat verra automatiquement un représentant du collège salarié à la présidence et un représentant du collège employeur à la vice-présidence.

Ce fonctionnement est similaire pour les autres mandats du CISTE.

41 Article 9 : Fonctionnement. « Chaque fonction est exercée alternativement par un représentant des organisations d'employeurs et de salariés ».

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? LE COMITE D'ORIENTATION

Le CISTE dépendant en grande partie de financements publics, un Comité d'Orientation a été créé. Il est composé du CA et de représentants de l'Etat et de la Région. Son rôle est d'évaluer les actions et d'être force de propositions sur la réalisation des projets. Ses avis sont ensuite débattus lors des CA.

? LES COMMISSIONS DE TRAVAIL

Pour faire vivre la structure et la dynamique d'innovation voulue lors de la création du CISTE, pour la bonne réalisation des projets et actions décidés par le CA, des commissions de travail sont ponctuellement mises en place. Leur composition varie selon les projets et les thématiques abordées. On y retrouve des élus du CISTE ainsi que certains acteurs socio-économiques concernés par le projet en question.

A ce jour, quatre commissions de travail ou comités de pilotage (COPIL) sont actifs. Ils portent sur les actions suivantes :

- Le travail saisonnier

- Le dialogue social dans les Très Petites Entreprises (TPE) et Petites et Moyennes

Entreprises (PME)

- Les projets de l'ORDS

- L'IDST

? L'EQUIPE SALARIEE

Pour mener à bien ses actions et accompagner l'investissement des membres du CA, le CISTE emploie une équipe de quatre personnes. Une directrice, 2 une chargées de projet, et une secrétaire comptable. C'est cette équipe salariée que j'ai intégré en qualité de stagiaire.

? ORGANIGRAMME

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Organigramme du CISTE42

2.3.b LE PARITARISME

Le CISTE a la particularité d'être une association paritaire. Une association paritaire est une structure « qui réunit en nombre égal des représentants de deux parties ».

L'article 5 des statuts du CISTE assure le paritarisme : « L'Assemblée Générale est composée :

- De deux délégués par organisation syndicale de salariés,

- D'un nombre égal de délégués représentants le collège employeur. »

Dans le cas du CISTE, il y a 4 organisations de salariés contre 3 organisations patronales. Mais le paritarisme est assuré par la constitution de deux collèges43 au poids égal. Pour assurer le paritarisme, le collège employeur se partage 4 mandats de titulaires et 4 mandats de suppléants. Le collège employeur s'est mis d'accord pour que la CGPME dispose de 2 titulaires et 2 suppléants.

Il est à noter que chaque organisation syndicale, quelle que soit son poids au niveau national ou régional, dispose de 2 sièges au CA c'est-à-dire d'un titulaire et d'un suppléant.

Le paritarisme est également affirmé par l'alternance (tous les deux ans) obligatoire de la composition du bureau comme évoqué plus haut.

Les mandatés sont désignés par l'organisation qu'ils représentent.

Les décisions sont prises à la majorité44 des membres présents lors des assemblées.

42 Source : http://ciste-pc.com

43 Un collège salarié et un collège employeur.

44 La moitié des voix plus une voix.

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Ces règles permettent ainsi un équilibre entre syndicats de salariés et d'employeurs. Chaque collège disposant de 50% des voix, aucun collège n'est en position d'imposer ses vues. On comprend dès lors l'importance du dialogue et du débat dans la construction des projets pour arriver à des formes de consensus. En effet, aucun projet ne peut être validé en CA si les partenaires sociaux campent sur des clivages et formes d'opposition dogmatiques.

Le paritarisme est un aspect fondamental du dialogue social territorial pour les raisons que nous venons d'évoquer.

2.3.c LE RESPECT DE VALEURS ET PRINCIPES DE L'ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

L'économie sociale et solidaire regroupe les associations, coopératives, mutuelles et fondations. Le CISTE étant une association, on peut considérer qu'il fait légalement partie de l'économie sociale et solidaire.

Néanmoins, il nous apparaît plus intéressant de confronter le fonctionnement et les actions du CISTE aux valeurs et principes de l'économie sociale et solidaire. Cette démarche nous permettra de mieux apprécier la proximité du CISTE avec les objectifs poursuivis par l'économie sociale et solidaire.

En reprenant une à une les 6 valeurs de l'économie sociale et solidaire mises en avant par le CNCRES45 et en les confrontant avec le fonctionnement et les actions du CISTE, on peut estimer que ce dernier adopte des pratiques qui le placent pleinement dans le champ de l'économie sociale et solidaire.

? LES FEMMES ET LES HOMMES SONT AU COEUR DE L'ECONOMIE ET EN CONSTITUENT LA

FINALITE

L'objectif du CISTE est de mettre en place des projets qui créent du lien entre différents acteurs d'un territoire. Il s'agit donc de les mettre autour d'une table pour leur permettre dialoguer et mener des actions co-construites et partagées. Le CISTE établit alors des passerelles.

Les projets ne visent jamais à générer des profits. Ils visent le progrès social en cherchant des solutions garantissant une meilleure intégration de l'homme dans son environnement socio-économique. Des actions de sensibilisation sur les questions de santé au travail ou d'égalité professionnelle femmes-hommes dans l'entreprise illustrent cette primauté de la personne et de l'objet social sur le capital.

? L'ADHESION AUX PROJETS ET AUX STRUCTURES EST OUVERTE ET VOLONTAIRE.

L'adhésion à l'association CISTE est complètement ouverte et volontaire. En effet, les partenaires sociaux ne sont pas contraints d'être membre du CA du CISTE. Pour preuve, certains syndicats ont quitté librement l'association. A contrario, d'autres organisations syndicales y ont fait leur entrée dès lors qu'ils ont manifesté leur intérêt. Les élus du CISTE peuvent librement intégrer les commissions de travail en fonction de leurs compétences et de leur intérêt pour les thématiques abordées.

Au niveau des projets, le CISTE essaye un maximum de s'attirer des alliés, des acteurs-ressource pour pouvoir construire et porter les actions. Le CISTE n'a pas le pouvoir d'imposer ses projets ce qui suppose l'adhésion volontaire des acteurs. Il tente également de

45 Source : http://www.cncres.org

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ne pas inscrire ses actions en concurrence avec d'autres structures, privilégiant la logique de complémentarité.

? LA GESTION EST DEMOCRATIQUE

On peut considérer que la gestion est démocratique au sein du CISTE car des instances collectives de décision sont en place comme évoqué précédemment dans les statuts (AG, CA, comité d'orientation et commissions de travail). C'est pendant le CA où siègent l'ensemble des élus du CISTE que se prennent les décisions stratégiques et grandes orientations. De plus, le bureau est élu par le CA.

Chaque organisation syndicale dispose d'un titulaire et d'un suppléant au sein du CA. Le principe « d'une personne, une voix » est respecté pour chaque membre du CA. La présidence respecte l'alternance entre les deux collèges mis en place.

Un CA a lieu tous les deux mois, une AG par an et des groupes de travail (comité de pilotage), où chacun peut faire entendre sa voix à condition de s'intéresser au projet et s'impliquer. Ils ne le font pas tous.

? LA LUCRATIVITE EST LIMITEE :

Le CISTE comporte dans ces statuts la mention de « non-lucrativité ».

Le CISTE ne réalise quasiment pas d'excédent. Si c'est le cas, ceux-ci sont réinvestis dans le développement de l'association notamment sur du renouvellement de matériel obsolète. Il n'y a pas de redistribution des excédents entre les élus ou salariés du CISTE.

Au contraire, le CISTE souffre d'un problème récurrent dans bon nombre d'associations. Il existe un décalage systématique entre la mise en oeuvre des projets et le versement des fonds publics. Le CISTE engage des dépenses qui ne seront couvertes que plusieurs mois après. Le CISTE ne disposant pas de fonds de roulement, la structure se retrouve automatiquement en déficit pendant une partie de l'année, ce qui engendre des charges financières importantes (agios). Celles-ci se sont élevées à plus de 4200€ pour l'année 2012.

? LA GESTION EST AUTONOME ET INDEPENDANTE DES POUVOIRS DES PUBLIQUES, LA

COOPERATION Y EST DEVELOPPEE

Les statuts doivent garantir l'autonomie et l'indépendance du CISTE. Comme les seuls partenaires sociaux siègent au CA, les pouvoirs publiques n'ont en théorie pas de pouvoir de décision sur les choix opérés par le CISTE.

Dans les faits, on peut considérer que le l'indépendance du CISTE n'est pas aussi infaillible. Le CISTE fait face aux mêmes problèmes que nombre d'associations en France. Le développement des appels à projets et la nécessité d'y répondre « dans les clous » afin d'obtenir des financements est un point de vigilance concernant la liberté d'initiative du CISTE et sa capacité à mettre en place ses propres projets. De plus, comme le CISTE dépend essentiellement de financements publics, la Région et l'Etat ont de fait leur mot à dire sur les orientations stratégiques retenues.

On peut également s'inquiéter du fait que le CISTE doive produire de plus en plus de justificatifs auprès de la Région, de l'Etat et surtout du FSE pour obtenir le versement des sommes convenues. Beaucoup d'énergie est déployée de la part des salariés dans la production de ces justificatifs au détriment de la mise en oeuvre des projets ce qui constitue un effet pervers non négligeable.

La coopération est développée car le CISTE essaye de travailler en complémentarité avec d'autres structures sur les questions de travail et d'emploi. Malgré cette volonté, le CISTE

27

peut parfois mener des actions en doublon par rapport à d'autres structures. C'est par exemple le cas sur l'action de sensibilisation au nouveau dispositif du « contrat de génération » dont des formations avaient été préalablement dispensées par la CGT et l'ARACT notamment.

? LES PRINCIPES DE SOLIDARITE ET DE RESPONSABILITE GUIDENT LA MISE NE PLACE

DES ACTIONS.

Le CISTE inscrit ses actions dans une optique de progrès humain et social. Ses actions visent à créer de la synergie et du lien entre différents acteurs d'un territoire en dépassant les clivages traditionnels. En ce sens, le CISTE poursuit un objectif de solidarité et de cohésion sur les territoires.

On peut également considérer que les interventions du CISTE sur les domaines du travail et de l'emploi visent à trouver des solutions à certains dysfonctionnements ou externalités négatives produites par l'activité économique des hommes. Ainsi, les actions du CISTE poursuivent le principe de solidarité.

On peut citer par exemple les actions menées par le CISTE sur les TMS qui visaient à prévenir sur les risques inhérents à certaines activités professionnelles.

28

Partie B : DEFINITIONS ET ENJEUX PROPRES AU

DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Le DST est aujourd'hui mal identifié en France. Dans la foison d'expressions et d'initiatives se réclamant du dialogue dans les territoires, il nous est apparu nécessaire de s'arrêter sur la définition de ces différents concepts pour clarifier les choses. Ces précisions nous permettront de définir en quoi le DST est une forme spécifique de dialogue sur les territoires malgré l'hétérogénéité des initiatives qui le composent. Ces initiatives font face à des enjeux particuliers. Ces enjeux nous permettront de dégager des pistes de recherche pour cerner le fonctionnement, les forces et les faiblesses du DST et des acteurs qui s'y impliquent.

Chapitre 1 : ELEMENTS DE DEFINITION

Avec le processus de décentralisation se sont développées de nombreux lieux ou démarches de dialogue au niveau des territoires. Dans ces lieux de dialogue, on peut retrouver une grande diversité d'acteurs : élus, organisations syndicales, représentants de l'Etat, des collectivités locales, associations, représentants de citoyens, etc.

Pour éviter toute confusion, nous définirons ces différents concepts ou l'on retrouve le mot « dialogue » suivi d'un ou plusieurs adjectifs précisant la démarche entreprise.

Perrat p.336 : Négociation collective normative, gestion paritaire, information, concertation, construction de diagnostic partagé, co-construction de projets, dialogue avec la société civile...

1.1 LE DIALOGUE SOCIAL

Le Conseil Economique et Social explique dans un rapport qu'il est très difficile de définir le dialogue social tant celui-ci peut être entendu de diverses manières46.

Néanmoins, nous pouvons reprendre les texte de l'Organisation Internationale du Travail qui définit le dialogue social comme le « dispositif qui inclut toutes formes de négociation, de consultation ou simplement d'échange d'informations entre représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs sur des questions d'intérêt commun liées à la politique économique et sociale »47.

Le dialogue social s'exprime principalement par de la négociation sur les questions d'emploi, de travail, de droits des salariés et des entreprises. Il est caractérisé par la production de

46 WALTER Jean-Louis, Réalité et avenir du dialogue social territorial, Rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental, La Documentation Française, 2009. Pour le CESE, le dialogue social « ne désigne, a priori, ni une forme identifiée, ni un niveau précis (information, consultation, concertation, négociation), chacun peut y mettre le contenu qu'il souhaite, avec les questions de méthode et tous les risques de malentendus que cela induit quant au degré d'implication des interlocuteurs dans la décision. »

47 Site de l'OIT : http://www.ilo.org

29

normes. Il peut concerner les partenaires sociaux seuls48, ou les partenaires sociaux plus des représentants du gouvernement49.

A partir de cette définition, nous pouvons procéder à deux découpages sur le dialogue social.

1.1.a DIALOGUE SOCIAL NATIONAL ET D'ENTREPRISE

Le dialogue social au niveau national a pour objet les grandes négociations collectives entre les syndicats d'employeurs et de salariés jugés représentatifs. Les représentants du gouvernement doivent faciliter et orienter les négociations en fonction des orientations stratégiques choisies sur l'emploi et le travail.

Les syndicats de salariés représentatifs au niveau national sont la CGT, la CFDT, la CGT-FO, la CFE-CGC et la CFTC50. Du côté patronal, le MEDEF, la CGPME et l'UPA participent à ces négociations. Ils se manifestent par la signature d'accords collectifs nationaux ou de branche.

Cette forme de négociation peut également avoir lieu au niveau régional et poursuit une logique assez similaire, des représentants de l'Etat en région pouvant être associés au processus de négociation.

Le dialogue social eu niveau de l'entreprise est différent. Les acteurs sont d'une part les employés de l'entreprise qui négocient seuls s'ils ne sont pas représentés, par l'intermédiaire de leur délégué du personnel 51, ou par l'intermédiaire des délégués syndicaux 52. Côté patronal, c'est le chef d'entreprise qui négocie avec l'appui de l'organisation syndicale patronale pour laquelle il est éventuellement adhérent.

1.1.b DIALOGUE SOCIAL SECTORIEL ET INTERSECTORIEL

Une seconde distinction peut être opérée. Le dialogue social peut être intersectoriel et se manifester par la signature d'accords qui concernent l'ensemble des secteurs d'activité professionnelle. On retrouve les mêmes organisations syndicales représentatives qu'au niveau national.

Le dialogue social peut être sectoriel et se manifester par la signature d'accords de branche qui ne concernent que le secteur d'activité en question. Ce sont les organisations syndicales représentatives de la branche qui négocient.

Dans les deux cas, l'Etat peut venir accompagner les négociations.

Un principe fondamental de la Constitution vient préciser l'application de ces différents niveaux. En effet, le « principe de faveur 53 » dispose que « lorsque deux normes sont applicables à une même relation de travail, il faut, en principe, retenir la plus favorable aux salariés. »

Pour schématiser, nous considérerons dans ce travail que le dialogue social concerne la négociation entre partenaires sociaux. Bien que le gouvernement puisse être partie prenante des négociations, ce sont bien les organisations salariales et patronales qui doivent s'accorder

48 Dialogue social bipartite.

49 Dialogue social tripartite.

50 Site du ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue Social ( http://travail-emploi.gouv.fr/). Dépêche du 29 mars 2013. Pour être représentatives au niveau national, les organisations syndicales de salariés doivent obtenir au moins 10% des suffrages aux élections professionnelles.

51 Entreprises de plus de 10 salariés.

52 Entreprises de plus de 50 salariés.

53 Article 34 de la Constitution.

30

en définitive sur la production de certaines normes de travail et d'emploi. Ainsi, le pouvoir de décision revient aux partenaires sociaux.

1.2 LE DIALOGUE CIVIL

Selon la Conférence Permanente des Coordinations Associatives (CPCA), le dialogue civil caractérise les « échanges entre les représentants de l'Etat, les collectivités territoriales et les représentants du secteur associatif ».

Les associations ont ici un rôle de consultation et doivent exprimer les divers intérêts des citoyens sur des questions très larges de société.

Lorsque les citoyens ont un véritable pouvoir de décision, le dialogue civil passe à un niveau supérieur de participation. On est alors dans le champ de la démocratie participative et locale.

1.3 LE DIALOGUE TERRITORIAL OU SOCIETAL

Le dialogue territorial ou sociétal qualifie les « pratiques de concertation et de médiation environnementale, attachées à la résolution de conflits, à l'élaboration d'accords ou à la mise en place de processus participatifs portant sur la gestion du territoire et sur l'environnement »54.

Ces pratiques se caractérisent par la mise en place de lieux de participation, de concertation voire de négociation. L'objectif est de faire émerger des solutions collectives après que chaque participant ait pu exprimer ses besoins, attentes, craintes ou propositions. Dans le meilleur des cas, l'objectif est donc de croiser les intérêts particuliers des parties prenantes pour faire émerger un intérêt partagé ou vision commune.

On retrouve les questions d'emploi, de travail et plus généralement de développement économique et social local dans les lieux de dialogue territorial. D'autres sujets privilégiés sont l'aménagement du territoire, les conflits d'usages et les questions environnementales (la gestion de l'eau, la préservation de la biodiversité, la gestion d'espaces naturels, la maîtrise des pollutions et nuisances55).

Les acteurs du dialogue territorial varient en fonction des problématiques abordées et de la volonté de collectivités territoriales qui mettent souvent en place ces processus de dialogue territorial. On peut y retrouver divers acteurs publics et privés tels que les élus, institutionnels, acteurs socio-économiques, des représentants de la société civile ou des associations de citoyens. Les partenaires sociaux peuvent y être présents, mais nous le verrons, à la différence du dialogue social territorial, leur présence n'est pas systématique.

1.4 LE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Le dialogue social territorial a fait l'objet de travaux visant à mieux en cerner les contours. Nous nous appuierons sur les avis rendus par le CESE et la commission mixte Conseil Régional - CESER Poitou-Charentes qui ont pour dénominateur commun de placer les partenaires sociaux au centre du dialogue et de la décision.

1.4.a LA DEFINITION DU CESE

Une première définition retenue est celle du CESE dans son rapport de 2009 sur le DST.

54 http://www.larousse.fr/

55 http://www.geyser.asso.fr/dialogueterritorial.php

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Pour le CESE, le DST est « l'ensemble des différentes formes d'échanges, de consultation, de concertation, voire de négociation (négociation collective entre partenaires sociaux et autres formes de négociation entre les différents acteurs pouvant aboutir à des engagements contractuels), au niveau d'un territoire donné .
·

- Au sein desquelles les partenaires sociaux sont nécessairement parties prenantes, et qui peuvent en outre regrouper les pouvoirs publics (collectivités territoriales et État déconcentré) ainsi que d'autres acteurs de la société civile tels que les associations ;

- Qui portent sur des questions relatives au travail et à l'emploi, pouvant être élargies à leurs implications économiques, sociales et environnementales. »

Au regard de cette définition, la seule différence que l'on peut constater entre le dialogue social territorial et le dialogue territorial est que dans le premier cas, la présence des organisations syndicales patronales et de salariés est nécessaire.

Malgré cette précision, il est vrai que la frontière peut s'avérer extrêmement floue entre ces deux formes de dialogue. On peut considérer que certains lieux de dialogue relèvent à la fois du dialogue territorial et du dialogue social territorial à la vue de ces deux définitions. L'Agence Rhône-Alpes pour la valorisation de l'innovation sociale et l'amélioration des conditions de travail56 tout de même dégagé certains critères de différenciation :

« Si .
·

- Les questions abordées concernent en premier lieu le travail (ses conditions de réalisation, son évolution, les problèmes rencontrés dans le cadre du travail),

- Les acteurs sont réunis autour des partenaires sociaux dont l'objectif est de se concerter, voire de négocier et que les décisions relèvent des seuls partenaires sociaux,

Alors l'instance relève du dialogue social territorial. À l'inverse, si .
·

- Les thèmes traitent de questions qui touchent le travail dans son environnement et parmi lesquelles le travail est présent mais de manière secondaire (l'emploi, la formation, les déplacements, le logement...),

- Les partenaires sociaux sont associés à d'autres avec voix consultative et les décisions appartiennent à l'État ou aux collectivités territoriales,

On peut qualifier l'instance de dialogue sociétal ou territorial »57.

On relève par conséquent que dans le dialogue social territorial, les partenaires sociaux ont un pouvoir de décision total, comme dans les instances paritaires, ou un pouvoir de décision partagé avec d'autres acteurs.

La décentralisation et la territorialisation de l'action publique ont fait émerger de nombreuses instances de dialogue. Un nouveau mode de coordination des acteurs est né et est identifié sous le terme de « gouvernance du territoire ». D'après Gilly et Pecqueur, la gouvernance du

56 « ARAVIS est une association paritaire gérée par un conseil d'administration composé d'organisations patronales et d'organisations syndicales de salariés. Elle a pour mission d'aider les entreprises dans leurs projets de modernisation, afin d'améliorer la situation des salariés et l'efficacité des entreprises. Elle fait partie du réseau ANACT-ARACT ». ( http://www.aravis.aract.fr/)

57 Belin Carine, Charvet Alain, Sasso Marie-Odile, Brisson Dominique, « Dialogue territorial, la place des partenaires sociaux », ARAVIS, décembre 2005

32

territoire décrit « à un moment donné une structure composée par différents acteurs et institutions permettant d'apprécier les règles et les routines qui donnent sa spécificité au lieu, vis-à-vis des autres lieux et du système productif national qui l'englobe »58.

Nous pouvons considérer que le dialogue civil, le dialogue territorial et désormais le dialogue social territorial sont des structures de gouvernance territoriale, c'est-à-dire « des structures d'action collective par lesquelles sont « organisés » des espaces d'action, où sont construits et perpétués les ordres locaux grâce auxquels les acteurs parviennent à stabiliser au moins provisoirement leurs négociations et leurs interactions stratégiques. »

1.4.b LES PRECISIONS DE LA COMMISSION MIXTE CESER - CONSEIL REGIONAL POITOU-CHARENTES

La commission mixte CESER - Conseil Régional Poitou-Charentes nous apporte des précisions dans sa délibération de 201359.

Elle précise trois points importants :

- « Il n'existe pas de modèle unique de dialogue social territorial, mais des spécificités à chaque échelon territorial qui doivent être prises en compte.

- Le périmètre du territoire et la nature des acteurs impliqués dépendent du projet et des thèmes traités.

- A côté des instances existantes, émergent des instances ad hoc. Il n'y a donc pas uniformité, mais adéquation : un thème/structure/un territoire/des acteurs ».

Ces éléments nous indiquent que le dialogue social territorial est à géométrie variable tant du point de vue de son modèle, de son périmètre d'intervention, de la nature des acteurs impliqués, etc.

Nous allons voir dans un deuxième chapitre, la pluralité des formes que peuvent prendre les lieux de dialogue social territorial. Ils ne sont pas seulement une reproduction du dialogue social sur les territoires comme on peut se l'imaginer. Le dialogue social territorial implique souvent un changement de méthode dans la relation entre partenaires sociaux et avec les autres acteurs privés et publics du territoire.

58 BORIES-AZEAU Isabelle, LOUBES Isabelle, Les maisons de l'emploi, un dispositif en faveur d'une gestion territoriale des ressources humaines ?

59 Commission mixte CESER - Conseil Régional Poitou-Charentes, Développement du dialogue social territorial, session du 4 au 11 février 2013.

33

1.5 SCHEMA RECAPITULATIF

34

Chapitre 2 : L'HETEROGENEITE DU DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Pour aller plus loin dans la définition du DST, nous pouvons reprendre unes à unes les caractéristiques majeures de cette forme de dialogue sur les territoires. Nous verrons qu'il est difficile de définir le DST comme un tout cohérent et homogène tant les initiatives sont diverses. Une grande hétérogénéité caractérise le champ du DST sur le plan des acteurs impliqués, des objectifs visés, du périmètre d'intervention retenu et du caractère formel ou informel de ces lieux.

2.1 LES ACTEURS : TROIS CERCLES DISTINCTS

Un acteur est une personne physique ou morale qui participe au processus de décision, d'une politique publique par exemple. Il a des visées stratégiques c'est-à-dire qu'il apporte ses représentations dans le processus de décision. Ces visées stratégiques n'ont pas la même portée selon les processus, les structures ou les acteurs présents60. Autrement dit, elles peuvent avoir une portée minimale voire maximale sur la construction de la décision finale.

Pour cerner qui sont les acteurs du DST, nous pouvons nous appuyer sur le rapport du CESE qui a largement travaillé sur cette question. Le CESE distingue trois cercles de DST allant des seuls partenaires sociaux à une vision plus large incluant d'autres acteurs du territoire.

60 Voir l'annexe n°1 : Typologie des acteurs

35

Ainsi, la composition d'un lieu de DST est à géométrie variable en fonction du projet et du territoire d'intervention. Cette composition peut également évoluer au fur et à mesure de l'avancement du projet.

2.1.a LE 1ER CERCLE : PARTENAIRES SOCIAUX

Le premier cercle de DST retenu par le CESE concerne les seuls partenaires sociaux. Les organisations syndicales de salariés et d'employeurs qui se réunissent à des niveaux infranationaux traitent principalement des questions d'emploi, de travail, de formation professionnelle et de santé au travail.

Ce dialogue peut alors appartenir au champ de la négociation collective. Il se manifeste alors par la signature de conventions collectives applicables sur les territoires définis et non au niveau national.

On retrouve principalement des commissions dans ce premier cercle de dialogue et elles ont toutes la particularité d'être paritaires. Comme dans le cas du CISTE, qui a la particularité d'être une association, chaque organisation syndicale est considérée comme pesant le même poids quel que soit son score aux élections professionnelles. La parité est en outre respectée par la création d'un collège employeurs et d'un collège salariés qui pèsent le même nombre de mandats dans la structure.

On peut considérer que chaque organisation syndicale peut prendre part aux initiatives de DST du 1er cercle. Dans les faits, toutes ne montrent pas le même intérêt. On peut considérer qu'en Poitou-Charentes, et pour des raisons différentes, le Medef et la CGT-FO ne reconnaissent pas les territoires (régions, départements, communes, etc.) comme des lieux pertinents de dialogue social. Le Medef et la CGT-FO ont par exemple quitté le CISTE après quelques années.

Du côté des organisations salariales, siéger dans des lieux de DST peut permettre de développer la coopération entre syndicats de salariés. L'organisation par collège leur permet de travailler conjointement et de trouver des points de consensus à présenter au patronat.

Du côté des organisations patronales, la CGPME et l'UPAR ont tout intérêt à participer aux lieux de DST. En effet, au niveau national, le Medef est l'interlocuteur privilégié de l'Etat étant donné son poids politique. Il est historiquement vu comme le représentant quasi unique et légitime de tous les entrepreneurs de France61. Ainsi, la CGPME, l'UPAR et l'UDES trouvent un intérêt à participer au DST car ces organisations peuvent exposer et défendre les intérêts bien particuliers des membres qu'ils représentent (respectivement des chefs d'entreprises de petites et moyennes entreprises, de l'artisanat et de l'économie sociale et solidaire), ce qui est bien plus difficile sur le plan national. Ces organisations tentent d'asseoir leur représentativité et leur légitimité face à la superpuissance du Medef.

2.1.b LE 2E CERCLE : PARTENAIRES SOCIAUX, ETAT ET/OU COLLECTIVITES TERRITORIALES

Le 2e cercle du DST identifié par le CESE regroupe les partenaires sociaux (1er cercle) auxquels se rajoutent des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et/ou d'autres institutions liées aux questions du travail et de l'emploi.

61 Le Medef, créé en 1998, est l'héritier du Conseil national du patronat français (CNPF). Le CNPF fut créé en 1945 suite à une demande de l'Etat souhaitant disposer d'un interlocuteur unique représentant l'ensemble du patronat français.

36

L'Etat déconcentré peut être représenté par le préfet de région ou les chambres consulaires notamment. Mais on retrouve souvent l'Etat dans les lieux de DST via la DIRECCTE. Cela est dû au fait que certaines initiatives de DST rentrent pleinement dans les missions fixées à la DIRECCTE qui peut les financer. Entre autres :

- La DIRECCTE est chargée du contrôle et de l'application des règles en droit du travail. Des structures de DST comme l'ARACT 62 s'attaquent directement aux questions de respect des conditions de sécurité au travail ou d'ergonomie des postes, par exemple.

- La DIRECCTE a également une mission de soutien au développement économique local. Ce mandat très large lui permet de soutenir, par exemple, des Maisons de l'Emploi ou Comités de Bassin d'Emplois qui cherchent à développer l'activité de zones particulières.

- Une dernière mission est le renforcement de la coopération avec les collectivités territoriales sur les questions de formation, d'apprentissage ou d'orientation. Ce lien se fait notamment en Poitou-Charentes dans le CCREFP qui détermine le Programme Régional de Formation.

Les collectivités territoriales participent à ce 2e cercle de DST. La région Poitou-Charentes est attachée au développement du DST sur son territoire et elle finance certaines de ces initiatives. Cela traduit la reconnaissance des apports et réflexions que peuvent exprimer les partenaires sociaux sur les questions d'emploi et de travail. Ainsi, la région Poitou-Charentes voit un intérêt direct dans le fait de consulter les partenaires sociaux et de soutenir les instances de dialogue qui permettent ces échanges.

Enfin, en fonction des thèmes abordés et des projets, ce 2e cercle peut intégrer diverses structures et institutions traitants de problématiques économiques et sociales. Ces structures peuvent apporter leur expertise et des ressources sur leur domaine de compétence particulier. Par exemple Pôle Emploi qui peut mettre à profit ses analyses statistiques sur la situation de l'Emploi dans la région à disposition des commissions départementales pour l'insertion et l'emploi.

2.1.c LE 3E CERCLE : PARTENAIRES SOCIAUX, ETAT ET/OU COLLECTIVITES TERRITORIALES ET SOCIETE CIVILE

Le 3e cercle comprend le 2e cercle plus la catégorie assez floue des représentants de la société civile.

L'Union Européenne définit la société civile comme étant « le domaine de la vie sociale civile organisée qui est volontaire, largement autosuffisant et autonome de l'État ». Cette définition nous semble assez vague. Dans le cadre de ce mémoire, nous pouvons caractériser la société civile comme des personnes physiques ou morales censés représenter la diversité des individus et de leurs intérêts évoluant sur un territoire donné.

Ce concept de représentation de la société civile est extrêmement complexe et suscite des critiques tant il semble difficile de parvenir à une juste représentation des intérêts des individus composant un territoire. Représenter la société civile est un véritable enjeu, comme le montrent les expériences de démocratie locale et participative, car en filigrane se trouve l'espoir de dégager au mieux l'intérêt général des composantes d'un territoire.

Une des solutions envisagée pour représenter au mieux la société civile est d'intégrer dans les lieux de DST des associations qui doivent symboliser les différents intérêts sur un territoire.

62 Agence Régionale pour l'Amélioration des Conditions de Travail

37

Ainsi les CESER sont constitués d'un collège « société civile » ou « vie collective » souvent composés d'associations (écologiques, sportives, de solidarité, d'usagers, etc.).

2.1.d PLUSIEURS NIVEAUX DE PARTICIPATION DES ACTEURS

Concernant les acteurs, il convient enfin de différencier leur rôle ou leur niveau d'intégration dans les instances de dialogue social territorial. On distingue là aussi une diversité de situation.

Selon les instances de dialogue social territorial, la participation des différentes parties prenantes est échelonnée.

? L'INFORMATION

Le premier niveau est celui de l'information. Pour résumer, des collectivités territoriales ou des services déconcentrés de l'Etat « mettent au courant » les acteurs participants sur la mise en oeuvre de politiques publiques territoriales. Ainsi, de nombreuses instances considérées comme relevant du dialogue social territorial, car des acteurs comme les partenaires sociaux y siègent, ne sont en fait que des lieux d'information. Les partenaires sociaux et autres parties prenantes ne sont là que pour « entendre » les actions qui vont être engagées sans pouvoir de négociation ou de discussion.

Les différents entretiens menées avec des mandatés d'organisations syndicales siégeant dans des structures qualifiées de dialogue social territorial ont exprimé le fait que nombre de ces structures limitent leur participation au niveau de l'information. C'est le cas, par exemple, du CAEN où le recteur d'académie présente les grandes orientations en matière scolaire sans que les partenaires sociaux puissent exprimer leur avis. Néanmoins, certains de ces lieux sont importants pour suivre les orientations majeures des politiques publiques territoriales.

? LA CONSULTATION

Certains lieux de dialogue social territorial relèvent d'avantage de la consultation. Ce niveau signifie généralement que les collectivités territoriales ou l'Etat confrontent les orientations stratégiques ou politiques choisies aux acteurs du dialogue. Ces derniers sont alors chargés d'évaluer la pertinence, la cohérence ou la solidité du projet. Le résultat en est la production d'avis. Ces avis n'ont pas de réelle portée juridique car ils sont très souvent non contraignants. C'est-à-dire qu'un avis invalidant une politique territoriale peut tout à fait rester lettre morte. Cette aide à la décision peut n'avoir aucun impact au moment de la mise en place de la politique publique. Tout dépend de la volonté du ou des décideurs.

Nous pouvons citer ici les CESER et en particulier celui du Poitou-Charentes. Même s'il y a un véritable travail de construction de diagnostics partagés et de préconisations sur les politiques publiques régionales à mettre e place, les CESER ne produisent que des avis non-contraignants. Le Conseil Régional n'est alors pas tenu par la loi de suivre ces préconisations63.

? LA CONCERTATION

Un troisième niveau de participation des acteurs est la concertation. Ce mode de participation associe les acteurs concernés par à un projet à l'élaboration des solutions à mettre en oeuvre. Ces solutions ne restent pas au stade de l'avis, elles sont effectivement retenues et mises en

63 Il est à noter que cette situation est renforcée par le fait que le Conseil Régional de Poitou-Charentes, qui est à gauche, peut voir le CESER comme un frein à ses projets puisque la présidence de ce dernier est assurée par le collège employeur et le Medef en particulier.

38

place. Ici, les acteurs du projet ne sont pas simplement consultés. Ils ont un certain pouvoir de décision sur la réponse retenue face à la problématique.

? LA COORDINATION

Enfin, la forme la plus aboutie de participation des acteurs est la coordination. Elle suppose l'implication collective des acteurs concernés par le projet. Dans ce cas, les parties prenantes ne s'arrêtent pas à la co-construction en amont. Ils participent en aval à la mise en place et au suivi des projets qu'ils ont co-construit. Les acteurs sont alors maîtres de leurs projets puisqu'ils co-construisent, décident et peuvent faire évoluer leurs réponses en fonction des résultats atteints ou non.

Il est parfois difficile de cerner la limite entre la concertation et la coordination. En effet, comment juger ou commence l'implication effective des acteurs dans la mise en place d'un projet, qui plus est lorsque chacun d'entre eux tient un rôle différent ? Néanmoins nous pouvons citer quelques exemples situés entre la concertation et la coordination. Certaines MDE et CBE sont des lieux où les acteurs socio-économiques d'un territoire parviennent à élaborer des solutions dépassants les intérêts particuliers pour viser un intérêt supérieur et jugé bénéfique pour le territoire et ses habitants.

De même, le pouvoir de décision au CISTE est intégralement remis dans les mains de son CA c'est-à-dire des partenaires sociaux. Ceux-ci peuvent choisir d'intégrer d'autres acteurs (institutions, experts, collectivités, représentants d'associations ou de citoyens, etc.) impactés par un projet et choisir le mode de la co-construction. La décision peut se faire de manière collective et les acteurs peuvent s'impliquer directement dans la mise en place des projets.

2.1.e SCHEMA RECAPITULATIF

Pour chaque projet de DST, on se demande quels sont les acteurs légitimes qui doivent être intégrés au processus. Des paramètres variables tels que les thèmes traités, les formes de l'action ou du territoire impliquent une très grande diversité d'acteurs dans les lieux de DST. Un deuxième point marquant l'hétérogénéité du DST tient aux objectifs et missions.

2.2 LES OBJECTIFS ET MISSIONS

Un second paramètre nous permet de mieux définir le DST et d'en mesurer l'hétérogénéité. Il existe une grande variété dans les sujets traités par le DST. De plus, deux logiques se développent parallèlement pour répondre aux enjeux auxquelles ces structures de DST souhaitent apporter des solutions.

2.2.a LES CHAMPS D'INTERVENTION

Les initiatives de DST traitent également de sujets très variés. Les dénominateurs communs sont les conditions de travail au sens large. Ces questions sont celles abordées dans la négociation collective traditionnelle. Parmi celles-ci, nous pouvons citer la santé et sécurité au travail, la formation professionnelle, l'égalité professionnelle, etc.

On retrouve dans le DST, des thèmes liés à l'emploi et plus particulièrement au marché du travail. Ces sujets relèvent traditionnellement de l'action publique via les services déconcentrés de l'Etat et les collectivités locales. On peut notamment citer la mobilité, l'employabilité ou le travail au noir.

Enfin dans bon nombre de lieux de DST, des enjeux absents de la négociation classique sont traités. Ils sont liés au développement économique et à l'organisation de la cité sont aussi

39

abordés. Ce sont entre autres la GPEC territoriale et la sécurisation des parcours professionnels, l'aménagement du territoire.

Pour traiter ces thèmes, deux types de logiques ont été observées.

2.2.b UNE LOGIQUE D'EXTENSION DE DROITS SOCIAUX

Pour Annette Jobert, dans plusieurs cas, « le dialogue social territorial se situe davantage dans une logique d'extension des droits. Il a en effet comme objectif, soit de faire bénéficier les salariés des petites entreprises et entreprises artisanales de droits sociaux (prévoyance, chèques restaurant, comités d'hygiène et de sécurité) dont ils étaient privés faute de conventions collectives ou d'accords d'entreprise, soit de compléter les conventions nationales, soit de permettre l'application d'une loi comme celle sur les 35 heures »64.

On est ici sur une forme de « négociation sociale territorialisée » (Jobert, POUR) où l'initiative vient des partenaires sociaux qui sont les seuls acteurs représentés. Cette seconde logique permet l'extension de droits sociaux à certains types de salariés peu avantagés et mal couverts par l'action syndicale. Par exemple, l'obligation de création d'un comité d'entreprise (CE) n'intervient que pour les entreprises de plus de 50 salariés. Les salariés jouissent alors de certains avantages culturels, sociaux et économiques. Les salariés des TPE et PME sont exclus de ce système ce qui pose un problème non négligeable d'attractivité des métiers par rapport à ceux exercés dans de grosses entreprises.

Pour remédier à ce problème, une structure de DST a été créée en Poitou-Charentes. L'association paritaire Viv'Arti a été pensée comme un sorte de super CE pour les salariés de l'artisanat. Ce comité d'oeuvres sociale vise à rendre accessible de nombreuses activités de culture, de loisir ou de sport au monde de l'artisanat. Cette logique de mutualisation des moyens et des énergies bénéficie aux chefs d'entreprise de l'artisanat car elle renforce l'attractivité de leur secteur, et aux salariés qui disposent d'avantages au même titre que dans les grandes entreprises.

2.2.c UNE LOGIQUE DE PROJET

Une deuxième logique se retrouve dans les lieux de DST. La logique de projet regroupe souvent une pluralité d'acteurs publics et privés et les partenaires sociaux ne sont qu'un acteur du dialogue parmi d'autres. L'initiative est souvent le fait de l'Etat ou de collectivités territoriales.

On a ainsi assisté depuis l'acte 1 de la décentralisation à une multiplication de lieux de dialogue s'inscrivant dans cette logique de projet. Ils consistent souvent en des commissions chargées d'établir des diagnostics. Ils produisent également des avis, souvent non contraignants, sur les orientations à donner en matière de politiques publiques sur les territoires. Enfin ils mettent en place des actions destinées à sensibiliser où à répondre à des besoins identifiés.

La diversité des sujets traités y est beaucoup plus importante que dans la 1ere logique car on sort des thèmes classiques de la négociation collective. Nous pouvons citer par exemple MDE et CBE qui regroupent les acteurs socio-économiques essentiels d'un bassin de vie ou d'emploi. L'objectif est bien de traiter directement ou indirectement du développement économique et social lorsqu'il s'agit de renforcer l'attractivité et la compétitivoté des entreprises du bassin, ou de mener des actions coordonnées pour évaluer et prévoir les besoins en main d'oeuvre et les compétences nécessaires.

64 JOBERT Annette, Enjeux et dynamique du dialogue social territorial, POUR, n° 192, décembre 2006.

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2.3 LE PERIMETRE : LE TERRITOIRE PERTINENT

Il n'existe pas de territoire type pour définir le DST. Au contraire, la définition du territoire d'intervention varie selon les structures de DST. Le territoire d'intervention est intimement lié par le projet du lieu de DST.

2.3.a QU'EST-CE QUE LE TERRITOIRE ?

Le territoire est un construit social. Il est un espace au croisement de la géographie, de l'organisation des hommes ou de la décentralisation et peut être interprété de diverses manières. Nous pouvons retenir deux acceptations de la notion de territoire.

La première définit le territoire comme une « subdivision d'un pays sur laquelle s'exerce une autorité ou une juridiction particulière » 65 . Le territoire est vu dans ce cas comme un découpage juridique ou administratif. C'est avec la déconcentration et la décentralisation qu'ont été formalisés des territoires de ce type (régions, départements, cantons, etc.).

Une deuxième définition présente le territoire comme une « étendue de terre, plus ou moins nettement délimitée, qui présente généralement une certaine unité, un caractère particulier66 ». Ce qui nous intéresse ici est le terme « d'unité » qui ne s'interprète pas seulement sous l'angle de la géographie67. Il renvoi également aux hommes qui composent ce territoire et donc à la question de la proximité et à la reconnaissance de ses semblables sur un espace de vie commun. En effet, le territoire n'est pas seulement le fruit d'un découpage parfois arbitraire. Il peut être plus diffus lorsqu'il est un lieu de vie, un lieu porteur d'une identité culturelle ou un lieu porteur de spécificités socio-économiques.

2.3.b TYPOLOGIE DU TERRITOIRE

Le territoire est donc construit par un ou des facteurs d'homogénéité qui déterminent son périmètre. On peut alors dresser la typologie des territoires68 suivante. Elle représente la diversité des territoires retenus dans les expériences de DST.

Nous tenterons d'illustrer chaque type de territoire par une ou des structures de DST69. Ces exemples sont à prendre avec précaution tant il s'avère compliqué de placer certains lieux de DST dans un seul type de territoire. Ainsi, plutôt que de parler de découpage en territoires, Annette Jobert préfère utiliser l'expression « d'agencement territorial » (Annette Jobert, 2006).

? LE TERRITOIRE ADMINISTRATIF ET POLITIQUE

« Déterminé par les structures administratives : communes, départements, régions... Il peut regrouper plusieurs communes, plusieurs départements ou plusieurs régions. Il s'appuie sur les découpages institutionnalisés et ne remet pas en cause l'organisation traditionnelle ou officielle. »

65 http://www.cnrtl.fr/definition/territoire

66 http://www.cnrtl.fr/definition/territoire

67 L'unité d'un territoire peut être le fait de barrières naturelles que constituent les montagnes, les fleuves, les mers, etc.

68 Cette typologie apparaît sur le site internet http://www.dialoguesocialterritorial.fr dont nous citerons les définitions.

69 Nous nous appuierons sur l'annuaire du DST créé par le CISTE via l'ORDS : http://www.ciste-pc.com/fr-6-annuaire-du-dst.html

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C'est le cas pour de nombreux lieux de DST. Nous pouvons en citer quelques-uns, plus ou moins identifiés, ayant pour périmètre d'intervention :

- La région : Les CESER, ARACT, COPIRE, IPR, ARS, etc.

- Le département : Les CAF, les associations de médecine du travail, les commissions départementales de l'insertion et de l'emploi, les maisons départementales des personnes handicapées, etc.

- L'intercommunalité : Les conseils de développement comme celui du Grand Poitiers notamment.

? LE TERRITOIRE IDENTITAIRE

« Déterminé par des communautés de vie et des processus d'identification basés sur divers facteurs : cultures et sous-cultures, normes, règles, aspirations... Il se définit également par l'existence de ce qu'on peut appeler une « conscience territoriale », c'est-à-dire un sentiment d'appartenance commune à un bassin de vie ou un ensemble communautaire. »

Nous pouvons dans ce cas citer l'exemple des conseils de développement des pays. Ce type de territoire définit plus particulièrement des initiatives de démocratie locale ou participative que l'on retrouve également dans le territoire sociétal.

? LE TERRITOIRE SOCIETAL

« C'est un bassin de vie, un espace de mobilité, défini également par ses infrastructures et un ensemble de pratiques sociales. Moins institutionnalisé que le territoire administratif, moins formel que le territoire socio-économique, il est également déterminé par des pratiques culturelles mais, à la différence du territoire identitaire, ne s'appuie pas sur un sentiment d'appartenance. »

Certains services de santé au travail peuvent symboliser cette prise en compte du territoire sociétal comme périmètre d'intervention.

? LE TERRITOIRE SOCIO-ECONOMIQUE

« Déterminé par le bassin d'emploi, les zones d'activité, les clusters d'entreprises ou pôles de compétitivité. Il se définit par son niveau d'attractivité financière et sociale, par les investissements réalisés, par ses infrastructures, son niveau de formation générale, l'ensemble des compétences mobilisables... »

Les cas le plus emblématique de ce type de territoire sont les CBE et MDE.

? LE TERRITOIRE DE PROJET

« Déterminé par un projet, il s'agit de ce qu'on peut appeler un territoire « ad hoc » dans la mesure où ses contours sont déterminés par un projet, des acteurs, des problématiques spécifiques... »

On peut citer ici non pas une structure mais la façon dont sont pensés et construits les projets du CISTE. A chaque fois, le territoire retenu dépend des problématiques abordées70. Il est mouvant car il peut évoluer en même temps que se construit le projet et que des acteurs « entrent ou sortent ». Ce que l'on peut illustrer par la formule de territoires de projet « à géométrie et durée variable » (Perrat, 2009).

2.3.c RETENIR LE TERRITOIRE PERTINENT, UNE PRIORITE DANS LE DST

70 Voir en annexe une liste plus large de structures de DST : Annexe n°2 : Principaux lieux de dialogue social territorial.

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Le choix du territoire d'intervention est une condition sine qua non de la réussite du DST.

Face à la diversité des périmètres possibles, il convient de cerner qui sont les acteurs légitimes à impliquer dans le projet. Cela revient à se poser la question suivante : quel échelon de territoire est le plus pertinent pour traiter l'enjeu retenu ? Or face à la multiplicité des territoires possibles et évoqués plus haut, le territoire pertinent doit émerger en fonction des objectifs du projet et des acteurs jugés nécessaire à l'accomplissement de l'action collective. Cet enjeu est important car il doit permettre au projet d'être cohérent et de cimenter l'action des divers acteurs impliqués dans la durée. En effet, d'après Annette Jobert, « le territoire est défini par la nature et les objectifs des projets, les acteurs qui les portent et l'action collective qu'ils déploient pour les faire aboutir » (Jobert 2009).

C'est pourquoi dans les projets de DST, certains territoires d'intervention correspondent à des découpages classiques (région, département, commune, etc.). Globalement, ces lieux de DST sont conduits par le haut. On est ici dans une logique « Top-Down ».

Mais d'autres structures de DST définissent des périmètres spécifiques en fonction des objectifs à atteindre, de la population touchée, des acteurs impliqués, des compétences et connaissances locales, etc. Dans ce cas, on est sur une logique « Bottom-Up » où le territoire défini prend sens suite à un « bricolage institutionnel » des partenaires du projet (Jobert, 2009).

Le DST est donc hétérogène car le périmètre d'action retenu est très variable. Il est étroitement lié au caractère formel ou informel que peuvent prendre ces formes de dialogue.

2.4 DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL FORMEL ET INFORMEL

Un dernier critère nous permet de différencier les initiatives de DST et d'en cerner la grande hétérogénéité. Les lieux de DST peuvent être formels, c'est-à-dire créés par des lois et obligatoires dans tous les territoires, ou informels quand ils sont créés par la volonté d'acteurs au niveau local sans qu'existe cet impératif juridique.

2.4.a DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL FORMEL

Le DST formel rassemble les institutions à caractère obligatoire. Elles sont créées par la loi. Ces institutions sont présentes de manière identique dans les subdivisions du territoire national comme dans les régions et les départements.

Ces lieux accompagnent principalement l'élaboration des politiques publiques pour lesquelles les collectivités territoriales ont compétence. Les sujets abordés sont très divers. Voici quelques exemples en fonction des thématiques

- Emploi et formation: Instances Paritaires Régionales (IPR), COPIRE, CCREFP, etc.

- Santé et sécurité au travail : ARACT, ORST, Plan Régional de Santé au Travail (PRST), etc.

- Protection sociale : CARSAT, CAF, CPAM, MSA, etc.

- Développement économique et aménagement du territoire : CESER, SRDE, Conseils de Développement, etc.

Les structures formelles ont les mêmes objectifs et ont en théorie le même fonctionnement même si ce dernier peut en pratique varier d'un territoire à l'autre. Par exemple, en Poitou-Charentes deux commissions accompagnent principalement l'élaboration des politiques de

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formation de la région71. Alors que le CCREFP participe directement à l'élaboration des politiques de formation, la COPIRE qui a également cette compétence d'après la loi est beaucoup plus en retrait en Poitou-Charentes. Le rôle et l'activité de ces deux institutions sont inversés dans d'autres régions.

2.4.b DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL INFORMEL

Les initiatives de dialogue social territorial informel ne sont pas créées par obligation législative. Elles naissent de la volonté de plusieurs acteurs qui définissent eux-mêmes les objectifs, règles et les modes de fonctionnement de la structure. Elles supposent au départ une volonté politique, comme lorsque des collectivités territoriales créent des lieux de DST, ou celle d'un groupe d'acteurs capables de porter la structure.

Les structures de dialogue social territorial informel peuvent s'appuyer sur des dispositifs législatifs si besoin. Ils sont bien moins nombreux que les lieux de dialogue formels.

On peut citer quelques exemples de lieux informels ou ad-hoc créés en France :

- Le CISTE dont nous avons déjà décrit l'action

- Les Espaces Régionaux de Dialogue Social dans l'ESS mis en place en Bretagne et en Rhône-Alpes. Ces lieux de dialogue sont nés de la volonté des organisations d'employeurs de l'ESS, des organisations syndicales de salariés et de la CRESS qui offre son appui pour dans l'animation de l'espace.

- Les Conférences de financeurs de la formation. Elles existent dans plusieurs régions (Poitou-Charentes, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, etc.). Elles réunissent les OPCA, les chambres consulaires et les Régions pour mettre en place des projets par la mutualisation des financements.

- Les Agences Régionales de la Formation Tout au Long de la Vie (ARFTLV). Ces groupements d'intérêt public (Etat, Région, OPCA, chambres consulaires, etc.) mettent en commun l'ensemble des dispositifs d'emploi et de formation pour produire des analyses des mutations économiques.

Ainsi, on ne peut parler du dialogue social territorial comme un tout homogène. Les acteurs impliqués, les objectifs à atteindre, les territoires d'intervention retenus ou le cadre de la création des lieux de DST sont à géométrie variable en fonction des projets72.

C'est pourquoi il est difficile de parler du DST tant il recouvre des situations et des enjeux variés. Nous essaierons néanmoins de dégager dans la partie suivante trois thématiques qui peuvent faire l'objet de recherches plus poussées

71 Il s'agit principalement du Contrat de Plan Régional de Développement des Formations (CPRDF) institué par la loi du 24 novembre 2009 et qui est établi pour la période 2011-2015.

72 Cette hétérogénéité est résumée dans l'annexe n°3 : Grille d'analyse du dialogue social territorial.

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Chapitre 3 : LE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL COMME OUTIL DE PERFORMANCE SOCIO-ECONOMIQUE

L'intérêt du dialogue social territorial est aujourd'hui affirmé dans deux nombreux travaux comme ceux du CESE et du CESER Poitou-Charentes. Annette Jobert met en avant un quadruple intérêt du dialogue social territorial (Jobert 2006) :

La décentralisation et la création de lieux de dialogue social territorial a permis aux syndicats et aux associations représentants la société civile « d'accéder à ces nouveaux lieux de décisions afin de peser sur leur contenu. »

Le dialogue social territorial permet de mieux mobiliser et faire coopérer les divers acteurs privés et publics. Les parties prenantes sont impliquées sur les thèmes qui les concernent et sur des modes d'action nouveaux. Il doit en ressortir une meilleure construction des politiques de travail, d'emploi et de développement local en général, plus ancrées sur les ressources disponibles et les besoins exprimés sur un territoire.

Un autre intérêt déjà évoqué est la réalisation de projets visant à étendre des droits sociaux à des catégories de salariés jusque-là non couverts par les accords collectifs interprofessionnels et de branche.

Enfin, aujourd'hui les modèles d'entreprise se sont transformés avec le développement de la sous-traitance, de la flexibilité et autres changements touchant l'emploi et le travail. Il en résulte que « les collectifs de travail sont de plus en plus difficilement saisis par les formes classiques de représentation et de négociation », ce à quoi le dialogue social territorial peut trouver des réponses en tenant compte de ces spécificités grâce à des projets de proximité.

Le développement du dialogue social territorial tend alors à renouveler les formes de régulation économiques et sociales. Nous avons choisi dans cette partie de traiter certains enjeux et conditions de réussite de cette régulation. Trois axes ont retenu notre attention :

- La notion de confiance qui est primordiale pour un dialogue social territorial productif et durable.

- Nous verrons que le dialogue social territorial doit gagner en crédibilité afin de prendre toute sa place et de jouer pleinement son rôle de régulation socio-économique.

- L'efficacité du DST est intimement liée à l'implication des partenaires sociaux. Nous ferons un zoom sur l'adaptation des syndicats à ces nouveaux lieux de gouvernance sur les territoires.

Nous expliquerons pourquoi ces enjeux sont importants et peuvent faire l'objet de recherches plus poussées visant à perfectionner les expériences de dialogue social territorial.

3.1 LA NOTION DE CONFIANCE PRIMORDIALE POUR UN

DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL DE QUALITE

Nous aborderons ici la question de la confiance entre les parties prenantes du dialogue social territorial. Nous montrerons en quoi la confiance est primordiale et pourquoi elle peut être difficile à atteindre. Elle doit permettre la co-construction de projets qui intègrent alors l'ensemble des intérêts particuliers.

3.1.a LE CONFLIT DANS LA RELATION ENTRE PARTENAIRES SOCIAUX

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Nous l'avons vu dans la définition du dialogue social territorial, les partenaires sociaux siègent dans l'ensemble de ces instances. Or, historiquement, la relation entre les organisations syndicales d'employeurs et de salariés est basée sur des oppositions idéologiques très fortes et sur le mode de la revendication. Dans les négociations d'entreprises ou les grands accords nationaux, la négociation peut facilement engendrer des conflits entre les deux parties. De plus, les organisations patronales entre elles, et encore plus les organisations de salariés, expriment souvent des positions différentes. Ces organisations ne partagent pas la même histoire, culture ou pratiques.

Pour être efficaces, les lieux de dialogue social territorial supposent de dépasser certaines idées-reçues et oppositions de principe entre partenaires sociaux. Dès lors, le conflit n'a pas sa place car il peut « bloquer » les lieux de dialogue social territorial. Il est alors nécessaire de dépasser certains clivages pour permettre la construction de visions communes aux parties prenantes.

3.1.b DEPASSER LES CLIVAGES POUR CONSTRUIRE UNE VISION COMMUNE

Dépasser les clivages n'est pas chose aisée car le développement du dialogue social territorial a amené de nouvelles méthodes de travail auxquelles les partenaires sociaux doivent s'adapter. Cette adaptation est nécessaire pour un dialogue de qualité qui doit permettre de co-construire un intérêt commun.

Etant donné la grande divergence des intérêts qui peuvent être exprimés, il est nécessaire en premier lieu d'établir un véritable diagnostic partagé. Cette première phase doit poser les bases du dialogue en construisant un socle commun de connaissances (diagnostic du contexte socio-économique, anticipation des mutations, identification des problèmes à résoudre, etc.).

Le CESE met en avant que les lieux de dialogue social territorial « favorisent la connaissance réciproque des acteurs. » Il est avéré que « ces rencontres entre acteurs permettent de dépasser certaines postures, facilitent les relations de confiance et peuvent favoriser ensuite la conclusion d'engagements contractuels dans des cadres définis. » En effet, les parties prenantes doivent s'accorder sur un objet commun pour pouvoir avancer. Annette Jobert met en avant que le cadre moins institutionnalisé du dialogue social territorial, par rapport au dialogue social classique, « permet de dépasser certaines postures et peut favoriser la conclusion d'engagements contractuels » (Jobert, 2008).

Jacques Perrat poursuit dans ce sens en expliquant que la reconnaissance entre les hommes permet ainsi à des « arrangements territoriaux » de voir le jour, ce qui serait impossible sur une échelle plus large (Perrat, 2009). Ainsi, la dimension personnelle que prennent les échanges et le développement d'une certaine empathie sont fondamentales. La permanence des hommes et des femmes dans les lieux de dialogue et la fréquence de leurs échanges favorisent le développement de cette empathie

La reconnaissance qui permet de dépasser les clivages et de construire une vision commune est un processus qui suppose une forte volonté des acteurs. Elle est également conditionnée par le facteur temps qui est essentiel pour que les relations créées soient fructueuses.

3.1.c L'IMPORTANCE DU TEMPS POUR LA RECONNAISSANCE ENTRE PARTIES PRENANTES

Pour que les parties prenantes collaborent et co-construisent leurs projets, établir des diagnostics partagés ne suffit. Du temps est nécessaire à la création d'un climat de confiance et pour permettre la réalisation d'apprentissages communs.

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Le temps est nécessaire pour créer un climat de confiance entre les parties prenantes qui comme nous l'avons évoqués, peuvent ne pas partager les mêmes méthodes de travail, cultures, pratiques, etc. D'après Annette Jobert, la confiance « a tendance à se renforcer en même temps que se consolide la démarche territoriale et que les acteurs apprennent à mieux se connaître et à se respecter » (Jobert, 2006).

Pour agir efficacement, du temps est nécessaire pour que les parties prenantes réalisent des apprentissages communs. Ces apprentissages portent sur des méthodes de travail, des codes communs à adopter, sur la communication entre autres.

Le temps nécessaire à la construction des projets de dialogue social territorial peut interpeller voir inquiéter. Il est nécessaire d'admettre que les premiers résultats peuvent prendre plusieurs années avant de voir le jour. L'efficacité du dialogue social territorial est donc en partie conditionnée au temps. Un enjeu important est alors de pérenniser ces lieux de dialogue dans le temps afin de permettre aux acteurs de se faire confiance et d'agir collectivement. Cela suppose de trouver de fortes volonté individuelles, collectives ou politiques afin de porter et de « faire vivre » ces lieux de dialogue.

On remarque que sans cette volonté, certains lieux de dialogue prennent le risque de devenir des instances ou un consensus mou se crée en permanence, ce qui ne débouche pas sur des actions novatrices et ayant des impacts forts et positifs sur les territoires.

3.1.d COMMENT ENTRETENIR UN DIALOGUE DE QUALITE ?

Dans le cadre de ma mission de stage, les réunions et entretiens que j'ai réalisé avec des mandatés d'organisations syndicales siégeant dans des structures de dialogue social territorial ont fait émerger la pauvreté du dialogue dans certaines instances.

Nous entendons ici par pauvreté le fait que les parties prenantes, pour éviter le conflit ou lorsqu'elles ne pensent pas avoir assez de poids dans la décision finale, rentrent dans une logique de non-discussion, de non-argumentation où les projets sont réalisés à minima. Personne ne prend de position tranchée qui pourrait s'opposer aux convictions d'autres participants. On aboutit alors à des lieux faussement qualifiés de dialogue social territorial ou les discussions n'aboutissent qu'à des « consensus mous ».

Comment faire en sorte que le dialogue soit constructif et n'aboutisse pas à des formes de consensus mou où les acteurs sont au final peu impliqués ?

Comment créer et entretenir une culture débat et de l'argumentation qui doit permettre transformation des intérêts particuliers et l'émergence de solutions efficaces et admises par l'ensemble des acteurs ?

Comment développer la confiance entre participants de telle sorte que ceux-ci puissent exprimer clairement leurs divergences, en débattre et trouver des points d'accord ?

Créer un lien de confiance entre les acteurs du dialogue social territorial est la condition sine qua non pour parvenir à la construction d'une vision commune et décloisonner les acteurs. Du temps et une certaine vigilance sont nécessaires pour créer des projets efficaces économiquement et socialement, confirmant l'adage populaire disant que « nous sommes riches de nos différences. »

3.2 COMMENT CREDIBILISER LES EXPERIENCES DE DST ?

Nous venons de le voir, certains lieux de dialogue social territorial aboutissent à des consensus mous et donc à peu de production. Cela menace la crédibilité de ces instances et du

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dialogue social territorial en général. De plus, cette forme de dialogue étant nouvelle, elle suscite des doutes et des interrogations. Nous verrons que la surabondance des structures de dialogue social territorial et la fragilité de leur portée juridique sont des freins à lever pour crédibiliser ces instances de dialogue.

3.2.a LA SURABONDANCE DE LIEUX DE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Un premier élément menaçant la crédibilité du DST est la surabondance de ses lieux dialogue. Certains lieux sont inactifs et les compétences peuvent se superposer ce qui entraine un manque de clarté sur les missions de chacun.

? DES LIEUX « PRODUCTIFS » ET RECONNUS AUX STRUCTURES « FANTOMATIQUES »

L'annuaire du dialogue social territorial73 de l'ORDS a clairement montré la grande quantité de structures de dialogue social territorial. Nous avons déjà montré la grande hétérogénéité de ces lieux de dialogue. Il en va de même concernant l'efficacité et la production issue de ces instances. Certaines sont de véritables lieux de co-construction de solutions à des problématiques identifiées, quand d'autres structures existent légalement mais sont « fantomatiques » car personne ne vient participer aux réunions ou car la production est très faible.

Ma mission de stage m'a amené à récolter l'avis des partenaires sociaux du CISTE sur des structures identifiées. Un constat s'impose : il y a trop de structures de dialogue social territorial et les organisations syndicales sont débordées. Elles ne disposent pas des moyens humains nécessaires pour siéger dans chaque structure et s'y impliquer.

Jacques Perrat pointe ainsi le « maquis institutionnel » qui menace la crédibilité du DST (Perrat, 2009). Il apparaît dès lors nécessaire de réaliser un véritable état des lieux de ces instances de dialogue dans les territoires afin de démêler l'enchevêtrement de ces lieux et de clarifier leurs compétences. Tout en sachant que d'un territoire à un autre, une même structure peut exercer des missions différentes dans les faits.

? CLARIFIER ET MIEUX ARTICULER LES COMPETENCES DES STRUCTURES

Il apparaît que certains lieux de DST traitent des mêmes sujets, sans que ceux-ci travaillent en complémentarité. Il y a donc véritablement matière à clarifier les compétences et l'articulation des instances de DST entre elles. On peut penser qu'il est possible d'opérer des regroupements.

Ainsi, d'après le CESE, la décentralisation et la territorialisation de l'action publique ont engendré « une multiplication de structures, voire un empilement parfois qualifié de « millefeuille », nuit à l'efficacité du dialogue social territorial. On constate ainsi un nombre important d'instances, tant au niveau régional (COPIRE, ORST, CCREFP, CRE, OREF...) que départemental ou local (CDI, CLD, CBE...), et de façon plus marquée dans le deuxième cercle associant partenaires sociaux et pouvoirs publics. »

Le CESE préconise ainsi d'adopter une nouvelle ligne de conduite des politiques publiques. Il est nécessaire de veiller à ce que chaque politique trouve en face d'elle « ni pléthore ni absence d'instance de dialogue social territorial »74. Les CESER pourraient alors veiller à appliquer cette résolution en se voyant confié la mission « d'ensemblier et d'appui transversal au dialogue social territorial. »

73 Près de 400 lieux de dialogue social territorial ont été recensés en Poitou-Charentes : http://ciste-pc.com/fr-6-annuaire-du-dst.html?PHPSESSID=4202f6a2b61c5553c8988f37a9f9e4ac

74 WALTER Jean-Louis, réalité et avenir du dialogue social territorial, Notes d'Iéna, n° 344, 6 juillet 2009.

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3.2.b UN CADRE JURIDIQUE AUX CONTOURS FLOUS

Un second problème soulevé dans de nombreux travaux concerne la faiblesse du cadre juridique entourant le dialogue social territorial.

? LA FAIBLE PORTEE JURIDIQUE DU DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Premièrement, il existe une certaine méfiance à l'égard du DST car celui, contrairement à la négociation classique, peut produire des actes dont la portée et l'impact restent floues.

Dans de nombreux lieux de DST formels, les projets se manifestent sous la forme de chartes, d'avis, de positions ou déclarations communes, d'engagements réciproques, etc. Il est difficile de mesurer l'impact de ces actions sur les politiques publiques territoriales. Néanmoins, il est certain que le DST ne produit que peu d'accords au sens classique du dialogue social. Annette Jobert oppose la « soft-law » produite par le DST, aux règlementations applicables de la négociation classique (Jobert, 2009). En effet, les actions de DST ne revêtent quasiment jamais un caractère contraignant.

Il peut donc y avoir de la part des partenaires sociaux, acteurs centraux dans DST, une méfiance compréhensible. Les partenaires sociaux eux-mêmes posent la question de la crédibilité du DST.

? QUELLE ARTICULATION AVEC LES FORMES CLASSIQUES DE NEGOCIATION ?

La Commission mixte CESER - Conseil Régional Poitou-Charentes pose également la question de l'articulation entre les projets de DST et les dispositions normatives conventionnelles qui peuvent exister au niveau national ou au niveau des branches.

Il existe un risque de possibles inégalités et de distorsions des garanties et des droits accordés aux salariés par la négociation classique. Jacques Perrat résume cette crainte en marquant que « l'extension du dialogue social territorial participerait ainsi à un mouvement général tendant à l'affaiblissement du droit du travail prenant sa source dans la loi et les conventions collectives et, de manière plus générale, à un mouvement de contractualisation de la société. Sa promotion, notamment par les instances européennes [...] [avec la décentralisation de la négociation collective dans les entreprises] contribuerait à une fragmentation de la négociation source de renforcement des inégalités » (Perrat, 2009).

Cette crainte est à nuancer vu les expériences observées. De plus, des lois particulières protègent les salariés en France. C'est le cas du « principe de faveur » qui ne déroge qu'au principe de la subsidiarité que lorsqu'il permet la signature d'accords plus favorables aux salariés. Il n'empêche que le développement du dialogue social territorial implique de réexaminer les liens entre les accords de « l'institutionnel dur75 » et ceux émergeants de « l'institutionnel mou ».

Ainsi, un champ de recherche peut concerner cette question de la crédibilité qui peut se décliner comme suit :

Comment clarifier les compétences des institutions de DST ? Quels regroupements opérer pour que le « millefeuille » se réduise ?

Comment permettre aux structures de DST de produire plus d'impact sur les politiques publiques ? Comment créer un cadre juridique protecteur qui permettra la mise en place de projets bénéfiques aux territoires et aux salariés en particulier ?

75 La négociation classique

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Une autre série de questions peut également concerner la crédibilité des acteurs du DST et plus particulièrement les syndicats qui sont au coeur de ces dispositifs. Comment affirmer la légitimité des syndicats et des représentants de la société civile entre autres à contribuer à l'élaboration de projets impactant les politiques d'emploi, de travail et de développement éco local ? Comment accompagner les acteurs du DST pour leur permettre d'agir efficacement ?

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Chapitre 4 : L'APPROPRIATION SYNDICALE DES LIEUX DE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Le développement du DST suscite un véritable enjeu pour les organisations syndicales. Ces dernières ont déjà investi ces lieux de régulation économique et sociale qui semblent prendre une ampleur stratégique importante. Mais leur adaptation est source de difficultés en même temps qu'elle ouvre des perspectives.

Nous tenterons d'analyser les points clés de l'adaptation des partenaires sociaux aux lieux de DST. Pour cela, nous utiliserons la méthode EMOFF76. L'analyse suivante est le fruit d'une trentaine de réunions collectives et entretiens individuels ainsi que de la lecture de travaux écrits.

Ces observations ne se basent que sur les organisations du CISTE. En effet, il m'était difficile de parler du Medef, de la CGT-FO ou de la CFTC car je n'ai rencontré aucun mandaté de ces organisations.

4.1 FORCES

Le développement des lieux de DST a bousculé les pratiques et le rôle traditionnel des syndicats qui ont su s'adapter en partie aux nouvelles méthodes proposées. Il en a découlé le développement d'un véritable savoir-faire syndical dans les lieux de DST.

4.1.a UN CHANGEMENT DE METHODE DE TRAVAIL

Nous l'avons vu, les lieux de DST sont en général bien plus pacifiés que peut l'être la négociation collective au niveau national 77 ou dans l'entreprise. Cela crée pour les organisations syndicales un rapport nouveau entre elles qui implique un changement de leurs méthodes de travail.

Là ou dans la négociation collective le conflit peut tenir une place importante, les lieux de DST établissent des relations différentes entre partenaires sociaux. On passe d'une logique de confrontation et de revendication à tendance conflictuelle à celle d'un dialogue et de la construction commune de projets. Il apparaît que les organisations syndicales tendent à dépasser les clivages traditionnels employeurs - employés pour parvenir à des formes de consensus qui permettent de réaliser les missions assignées dans les lieux de DST.

Le temps est nécessaire à l'établissement de rapports de confiance entre partenaires sociaux. Les hommes ont dans ce cas une place prépondérante par leur capacité à accepter autrui. Cela est nécessaire pour des organisations et des hommes qui n'ont pas la même histoire, qui n'ont pas les mêmes convictions, les mêmes pratiques ou la même culture. Là où la « distance institutionnelle78 » est forte, les lieux de DST renforcent la « proximité institutionnelle79 » des partenaires sociaux car ceux-ci sont capables de compromis et de changer leurs méthodes de travail (Perrat 2009).

La volonté des hommes et de leurs organisations de créer un dialogue sain et fructueux ne suffirait pas cependant. Les partenaires sociaux ont également su investir les lieux de DST par le développement d'un ensemble de savoir-faire.

76 Environnement, Menaces, Opportunités, Forces et Faiblesses.

77 Accords collectifs et négociations de branche.

78 La proximité institutionnelle est induite par les différences d'intérêt et de pouvoir.

79 La proximité institutionnelle est le fait de se reconnaître comme appartenant au même système de règles, se faire confiance quant au respect de ces règles.

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4.1.b LE DEVELOPPEMENT D'UN SAVOIR-FAIRE SYNDICAL EMPIRIQUE

Une deuxième force des organisations syndicales montrant leur adaptation au DST est le développement d'un savoir-faire syndical empirique.

On peut considérer que les syndicats n'étaient pas réellement préparés à l'émergence du DST. Ils ont dû investir ces lieux stratégiques d'orientation des politiques d'emploi et de travail sur les territoires. En plus de changer leurs méthodes de travail, les partenaires sociaux, devant la complexité des sujets traités, ont développé par la pratique un véritable savoir-faire : connaissance des données socio-économiques de leur territoire, des ressources, des enjeux dépassants les seuls domaines de l'emploi et du travail, etc.

Là encore, la question du temps est primordiale puisque des mandatés n'ayant pas une connaissance parfaite des sujets traités, parviennent petit à petit à renforcer leur connaissance des dossiers et à « s'auto-former ». La pérennité des lieux de DST et la possibilité pour des mandatés de siéger dans la durée au sein d'un même lieu est donc un véritable enjeu d'efficacité des structures de DST.

Il est important de noter que les organisations syndicales permettent à leurs mandatés de ce former sur des questions ou méthodes spécifiques, en appui du développement de leur savoir-faire empirique. A ce titre, l'expérience menée conjointement par le l'IDST et l'Université de Poitiers est intéressante. Intitulé « former les militants CFDT et CGT au dialogue social territorial », ce diplôme d'université vise à répondre à un véritable déficit de formation des mandatés d'organisations syndicales face au développement de ce nouveau champ de régulation économique et sociale. Il constitue notamment un apport méthodologique important (connaissance du territoire, élaboration d'un diagnostic, prospective, travail en réseau, évaluation, etc.) pour permettre aux mandatés la conduite de projet dans un environnement multi acteurs et complexe.

Malgré cette capacité des organisations à se mobiliser et à s'adapter à ces nouveaux lieux de DST, des faiblesses internes peuvent freiner leur implication dans ces lieux et leur efficacité.

4.2 FAIBLESSES

On peut cerner trois faiblesses des partenaires sociaux dans leur intégration aux lieux de DST. Les syndicats font face à un cruel manque de moyens humains et financiers. Leur organisation interne est complexe ce qui produit un manque de lien entre les mandatés des structures de DST. Enfin, les syndicats ont connu un déclin de leur influence qui pose aujourd'hui la question de leur représentativité et de leur légitimité à participer à ces formes de régulation dans les territoires.

4.2.a LE MANQUE DE MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS

Les organisations syndicales souffrent d'un manque de moyens humains et financiers pour siéger efficacement dans les lieux de DST. Cela ne leur permet pas toujours d'agir efficacement.

Sur la nécessité de développer des compétences et d'acquérir des méthodes, comme évoqué précédemment, il n'est pas toujours évident pour tous les mandatés de disposer de formations ou autres outils pour renforcer leurs capacités et leur compréhension de la complexité du DST. Pour des permanents syndicaux, cela est possible. Mais pour des mandatés délégués d'entreprise qui n'exercent pas leur activité syndicale à plein temps, il est beaucoup plus difficile de disposer du temps nécessaire pour siéger dans les lieux de dialogue et réaliser les

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travaux et projets. Il n'est pas non plus évident de disposer des outils facilitant la compréhension des problématiques et enjeux. On touche là aux limites du bénévolat.

Du côté des moyens financiers, les instances de DST défraient en général les mandatés pour ce qui est de leurs déplacements. En revanche, il n'existe que peu de structures de DST qui valorisent le temps syndical passé en leur sein. Les mandatés ne sont pas non plus protégés par un statut juridique lorsqu'ils siègent dans ces lieux de dialogue. Cela pose problème pour les mandatés d'organisations de salariés puisque leur employeur n'est pas indemnisé. Du point de vue financier, seules quelques structures comme les CAF ou les CESER versent une indemnisation à chaque présence des mandatés aux réunions.

Or la multiplication des lieux de DST nécessite la mobilisation de plus en plus de mandatés pour pouvoir s'occuper « sérieusement » des problématiques abordées 80. Le manque de moyens pousse donc les organisations à sélectionner les instances de DST qu'elles considèrent comme utiles. Cela menace la crédibilité du DST en général.

Les difficultés internes des syndicats ne touchent pas seulement à la question des moyens mais également à leur organisation interne et à la coordination des mandatés.

4.2.b UNE COORDINATION TROP FAIBLE DES ORGANISATIONS SYNDICALES

Devant la pléthore de structures de DST et compte tenu de leurs moyens limités, les organisations syndicales peinent à coordonner les actions et le message porté par leurs mandatés. Cela pose un problème de crédibilité et d'efficacité de l'action syndicale.

Premièrement, les organisations syndicales peuvent s'avérer être des systèmes très complexes. Ils ont à la fois une dimension horizontale. Un même syndicat interprofessionnel va regrouper plusieurs branches représentant des secteurs particuliers (métallurgie, bâtiment, hôtellerie et restauration, etc.). Ces syndicats de branche représentent autant d'intérêts particuliers qu'il est difficile de défendre de façon commune au niveau interprofessionnel. D'un point de vue vertical, les organisations syndicales ne sont pas toujours et complètement territorialisée. Ces difficultés d'organisation ne facilitent pas la coordination des mandatés envoyés dans les structures de DST.

Il en découle un manque de consolidation des travaux et des positions prises dans les lieux de DST. La définition du mandat en lui-même pose problème car il est difficile pour les mandatés de prendre position au nom de leur organisation à chaque nouvelle actualité ou problématique. On observe parfois une forme d'isolement des mandatés qui doivent à la fois parler au nom de leur organisation et infléchir leur position pour favoriser le consensus. C'est donc la définition même du mandat qui est fragilisée en raison de ce manque de communication et de circulation de l'information en interne des syndicats. Il n'est pas rare que deux structures de DST traitent des mêmes thématiques. Parfois les sujets se recoupent81. A cause du manque de coordination, un syndicat peut exprimer deux positions différentes dans les deux instances de DST. Si l'organisation y envoie deux mandatés différents, le manque de coordination peut leur faire exprimer de positions syndicales différentes.

Un troisième point noir de ce manque d'animation dans les syndicats est la dispersion de l'action des militants. Or, nous l'avons exposé, les moyens humains sont limités en nombre.

80 En épluchant la liste des mandatés d'organisations syndicales, il n'est pas rare de voir une même personne siéger dans plus de 5 structures de DST. Cela pose la question de leur implication effective dans ces structures.

81 On peut prendre par exemple la COPIRE et le CCREFP en Poitou-Charentes qui abordent les mêmes questions de formation et d'emploi. Toutes deux rendent des avis non contraignants sur les sujets traités. Seule la composition de ces deux instances diffère, mais les partenaires sociaux siègent dans les deux.

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Si les forces ne sont pas concentrées dans certaines structures de DST identifiées comme des lieux stratégiques, les organisations n'ont qu'une action « diluée » où les mandatés ne peuvent s'investir avec force dans les projets et le dialogue proposé.

Ces problèmes de communication et de coordination qui peuvent empêcher de parler d'une seule voix posent également un problème de crédibilité pour les syndicats.

4.2.c LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES SYNDICATS

Certaines voix expriment le manque de légitimité des syndicats pour parler au nom des employés et des employeurs dans les structures de DST.

L'érosion constante des effectifs syndicaux et une participation de plus en plus faible aux élections professionnelles entrainent une remise en cause de la légitimité des organisations de salariés. Puisque celles-ci regroupent de moins en moins de militants et vue la faible participation aux élections professionnelles, certaines voix, du côté patronal principalement, expriment le fait que les organisations syndicales de salariés ne représentent plus grand-chose ce qui ne les rend pas légitimes pour faire du dialogue social, encore moins dans les territoires. Le manque de moyens et de coordination renforcent cette remise en cause du rôle que peuvent jouer les syndicats de salariés dans le DST, malgré leur compétence sur les questions d'emplois et de travail.

Du côté des organisations d'employeurs, la principale faiblesse qui induit un problème de légitimité se trouve dans l'opposition du Medef à toute forme de DST. La CGPME et l'UPAR s'impliquent dans les initiatives de DST mais leur légitimité est remise en cause étant donnée l'hyperpuissance du Medef qui représente historiquement l'ensemble des patrons de France. La situation décrite par Jacques Perrat en Rhône-Alpes est assez révélatrice de ce qu'il se passe dans d'autres régions :

« Jusqu'à une période récente, le patronat (ou plutôt le MEDEF car les organisations de PME et de l'artisanat sont moins catégoriques) s'est montré assez hostile à la mise en place des commissions paritaires (interprofessionnelles ou professionnelles)à un niveau régional, départemental ou local - commissions prévues par les « lois Auroux » de 1982 et réactivées par la « loi Fillon » du 4 mai 2004 - et il leur préférait des instances plus informelles du genre « comités de pilotage » » (Perrat, 2009).

Ces faiblesses entrainent une certaine remise en cause de la légitimité de la présence des partenaires sociaux dans toute forme de dialogue sur les territoires.

Une implication efficace des syndicats dans le DST ne dépendra pas seulement de la réduction des faiblesses que nous venons de lister. L'environnement extérieur est à prendre en compte. Le développement rapide du DST pourrait affaiblir les syndicats de même qu'il contient en lui des opportunités qui pourraient renforcer la reconnaissance et l'impact des syndicats en France.

4.3 MENACES

Le développement du DST implique deux menaces principales qui freinent l'implication des syndicats dans ces instances de dialogue. D'une part, la surabondance des structures de DST qui pose des problèmes de crédibilité. D'autre part, le risque de voir le DST, à la portée parfois floue, prendre trop d'importance par rapport à la négociation collective traditionnelle qui produit les normes reconnues de travail et d'emploi.

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4.3.a L'IMPLICATION SYNDICALE FREINEE PAR L'ABONDANCE DES LIEUX DE DST

La surabondance des lieux de DST freine l'implication des syndicats.

Nous l'avons déjà évoqué, les organisations syndicales manquent de moyens et assurent difficilement le partage des travaux des mandatés dans les lieux de DST. Ainsi, les syndicats peinent à valoriser le travail fait dans ces structures de DST. En priorité, le risque est de voir la base des militants des organisations ne pas comprendre l'intérêt de siéger et de s'investir dans ces lieux. Il peut alors s'opérer une scission entre les mandatés qui ont des responsabilités au niveau régional et départemental82. C'est ainsi que le CESE dans son rapport sur le DST met en garde contre la tendance à opposer la négociation de branche et l'interprofessionnel territorial. Ce que Jacques Perrat complète lorsqu'il exprime que ces projets de dialogue sur les territoires posent «de réels problèmes de redéfinition des responsabilités et des légitimités et instaure une coupure grandissante entre ceux qui, au niveau régional, doivent se faire porteurs de projets de développement et ceux qui, dans l'entreprise, doivent gérer au quotidien les restructurations et les plans sociaux »83.

La pléthore d'instances territoriales est également pointée du doigt par le CESE car elle crée un millefeuille d'institutions dont les compétences se recoupent. Ce manque de clarté ne joue pas en la faveur d'une crédibilisation du DST. Même si le dialogue social est un principe réaffirmé par les récents gouvernements et que l'échelon infranational est reconnu, il semble nécessaire d'éclaircir les compétences et missions des structures afin de valoriser l'action syndicale en ces lieux.

4.3.b LE FLOU ENTOURANT LE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Un deuxième risque pour les syndicats peut les freiner à s'engager. Le DST a une portée floue qui pourrait fragiliser le rôle des syndicats dans la production de règles et de normes.

Le DST bouscule le rôle traditionnel des syndicats qui est celui du dialogue social classique. Il se manifeste par la signature d'accords collectifs et de normes. Or, le DST fait apparaître un autre mode de travail pour d'autres finalités. Il en ressort que les syndicats sont amenés à à adopter des positions assez fragiles dans les structures de DST. Cette fragilité se manifeste par les fruits du DST, que sont les chartes, avis, positions communes, ou engagements réciproques, dont la consistance juridique et l'impact sur les politiques publiques sont parfois très flous.

Les travaux issus des lieux de DST produisent de la norme bien plus informelle. Cela entraine une certaine méfiance de la part des organisations syndicales, surtout si le DST vient empiéter sur la négociation collective traditionnelle. Pour Jacques Perrat, cette montée des « arrangements » implique la nécessité de clarifier les compétences des structures de DST et de les articuler avec les formes classiques de négociation collective. Le rapport du CESE pointe ainsi la faiblesse du cadre juridique entourant les lieux de DST. Cette insécurité contribue à freiner l'engagement des partenaires sociaux.

De plus, la volonté même d'intégrer les partenaires sociaux de manière effective dans les projets de DST n'est pas garantie. Ainsi, Annette Jobert pointe le fait que la participation des syndicats « se limite (souvent) à la phase de diagnostic de la situation, les capacités

82 Ce sont souvent les permanents et les mandatés des union régionales et départementales qui représentent leur organisations dans les structures de DST.

83 Jacques Perrat (2007), « Appropriation syndicale des enjeux territoriaux : la question nodale du rapport firme/territoire », La Revue de l'IRES, n°54, 2007.

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d'expertise et plus largement les ressources (financières et autres) étant inégalement réparties au sein du territoire » (Jobert, 2009).

Ainsi, les menaces pesant sur la crédibilité du DST peuvent placer les partenaires sociaux sur une pente savonneuse. Il n'empêche que ce nouveau type de dialogue entre organisations d'employeurs et de salariés est porteur de promesse car il pourrait bien renforcer, à termes, le poids et l'impact dans les systèmes de régulation socio-économique en France et sur les territoires.

4.4 OPPORTUNITES

Le développement du DST est générateur d'opportunités pour les partenaires sociaux. Ceux-ci pourraient inverser la tendance et gagner en reconnaissance et en poids. Cela permettrait aux syndicats d'avoir un meilleur impact sur la construction et la conduite de l'action publique sur les territoires.

4.4.a LE TERRITOIRE POUR RENFORCER LA LEGITIMITE DES SYNDICATS

S'impliquer de manière forte dans le DST pourrait permettre une plus grande reconnaissance des partenaires sociaux. Ils pourraient être plus facilement vus comme des acteurs légitimes de la construction de règles, de normes et d'action publique sur les territoires.

Même si la place des partenaires sociaux et l'importance du dialogue social est réaffirmé par les gouvernements successifs, les organisations syndicales de salariés se trouvent dans une trajectoire de déclin depuis la Seconde Guerre Mondiale. Ce déclin est notamment marqué par la baisse très importante du nombre d'employés syndiqués en France 84 . Face aux superstructures que sont devenus les syndicats sur le plan national, l'implication dans le dialogue sur le territoire pourrait permettre d'attirer de potentiels militants. En traitant de problématiques concrètes et en intégrant les spécificités locales, la proximité peut-elle être un levier de communication des syndicats pour inverser la tendance globale de baisse du nombre d'adhérents ?

Du côté patronal, le DST constitue une opportunité certaine pour la CGPME ou l'UPA. Ces deux organisations sont jugées représentatives au niveau national. Malgré tout, leur influence sur les négociations collectives nationales est largement affaiblie par la superpuissance du Medef. En investissant les échelons locaux, et le Medef ne reconnaissant globalement pas ces échelons comme des territoires pertinents de dialogue social, la CGPME et l'UPA pourraient mieux s'ancrer dans les systèmes de régulation, asseoir une reconnaissance et une légitimité toujours imparfaite aujourd'hui. Ces deux organisations pourraient affirmer auprès des pouvoirs publics la spécificité des employeurs (patrons de TPE/PME et artisans) qu'elles représentent.

Pour des syndicats non représentatifs, l'enjeu du DST est également primordial. C'est le cas pour l'UDES qui représente l'économie sociale et solidaire. Du côté patronal, si la spécificité des employeurs de TPE/PME et des artisans est reconnue, les employeurs de l'ESS ne sont pas intégrés aux négociations collectives. Ainsi, le DST offre pour les dirigeants de l'ESS une opportunité d'affirmer eux aussi, à travers des syndicats comme l'UDES, leur spécificité et de participer à la régulation socio-économique sur les territoires. A ce titre, certaines régions ont pris de l'avance, en témoigne la création de deux « Espace Régional de Dialogue Social » (ERDS) sur le champ de l'ESS, en Bretagne85 et en Rhône-Alpes86. Elles regroupent de façon

84 Moins d'un employé sur 10 est membre d'un syndicat actuellement.

85 La création de l'ERDS rentre dans la Stratégie Régionale de Développement de l'ESS pour la période 20122016. Voir le document de présentation de l'ERDS en Bretagne intitulé « Vers un dialogue social territorial pour

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paritaire des représentants d'employeurs de l'ESS (l'UDES et l'UNIFED) d'une part, et des syndicats de salariés pour le deuxième collège.

4.4.b UN MEILLEUR IMPACT DES SYNDICATS SUR L'ACTION PUBLIQUE DANS LES TERRITOIRES

La territorialisation des politiques publiques et l'émergence du DST doit également constituer pour les syndicats un moyen d'augmenter leur impact sur le développement des territoires.

Le DST ayant le vent en poupe, il semble opportun pour les partenaires sociaux de s'investir pleinement dans certains lieux de dialogue. Les syndicats de salariés peuvent y construire des positions communes et dépasser leurs oppositions pour afficher avec force certaines convictions face au patronat et aux décideurs publics. De même, sur des sujets particuliers, organisations salariales et patronales parviennent à dépasser leurs clivages pour mener des actions coordonnées, dépassant ainsi certains clivages idéologiques traditionnels. La question du temps nécessaire à l'établissement de relations apaisées entre les hommes est ici au centre.

On peut notamment citer l'exemple de la création de Viv'Arti en Poitou-Charentes. Cette structure paritaire en développement permet l'extension d'avantages économiques, sociaux ou culturels aux salariés des TPE/PME et de l'artisanat. Sur ce projet spécifique, les partenaires sociaux des deux camps sont parvenus à des accords à force de dialogue et de concession pour créer cette structure qui bénéficie à la fois aux employeurs comme aux salariés. Aujourd'hui cette structure est reconnue pour son succès si bien que son concept a été dupliqué dans d'autres régions comme en Bretagne.

Aujourd'hui, il apparaît que des initiatives de DST sont très à même de couvrir les besoins d'employeurs et d'employés « oubliés » et pas assez protégés par la négociation collective traditionnelle. Les partenaires sociaux sont au centre de ce type d'initiatives ce qui renforce à la fois leur crédibilité car ils sont perçus comme capables de co-construire. Ce type de projet a bien un impact réel sur les territoires puisqu'il « apparaît que la territorialisation du diagnostic des problèmes et de la recherche de leur solution peut être, pour les salariés, porteuse tout à la fois d'atouts, en mobilisant des « acteurs de proximité » pour combler des manques ou pour innover en matière de normes sociales. » (Perrat, 2009)

4.5 PERSPECTIVES

Le diagnostic dressé ici n'est pas exhaustif. Il résume tout de même une partie des enjeux de l'implication des syndicats dans les lieux de DST. En somme, le CESE dans son rapport sur le DST résume bien les choses :

« Le développement du dialogue social au niveau des territoires se heurte également à un certain nombre de problèmes d'ordre institutionnel ou structurel, relevant aussi bien de l'organisation interne des différents acteurs territoriaux, privés et publics, de leur représentativité et de leur légitimité à agir, que de la multiplication des instances de dialogue sans répartition claire de leur rôle et de l'insuffisance des ressources humaines qui en résulte. Se pose également la question de la compétence des acteurs au regard de sujets à la

l'économie sociale et solidaire en Bretagne :

http://www.essbretagne.org/images/stories/documents/Diagsocterr.pdf

86 Cette initiative s'est concrétisée par la signature en 2011 d'une première « Charte du dialogue social territorial en économie sociale et solidaire en Rhône-Alpes » signée par l'UDES, UNIFED, la CGT, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et l'UNSA.

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fois plus divers et plus complexes, qui renvoie à celle des moyens du dialogue social territorial. » 87

Ainsi, quelques pistes de réflexions s'offrent à nous pour améliorer l'investissement des organisations syndicales dans les structures de DST.

En premier lieu, comment peut-on accompagner les syndicats dans le développement du DST ? Quels instruments ou moyens peuvent être mis à leur disposition afin de combler certaines de leurs difficultés matérielles à s'investir dans les lieux de DST ? Il est nécessaire d'appuyer les syndicats, sur des questions financières et d'offre de formation notamment pour garantir l'implication des mandatés.

Mais les syndicats doivent également effectuer leur propre révolution pour poursuivre leur adaptation à ces nouvelles méthodes de régulation économique et sociale. Ainsi, une série de question doit faire débat dans les organisations. Quels changements internes doivent opérer les syndicats pour améliorer leur coordination et renforcer leur position dans les lieux de DST ? Comment mutualiser les expériences et assurer la crédibilité de leurs actions ?

Enfin, un point déjà soulevé dans la Partie 2 concerne la crédibilité du DST en général. Comment renforcer l'impact et la crédibilité des travaux des partenaires sociaux dans les lieux de DST ? Les avis, diagnostics, ou prises de position communes des partenaires sociaux peuvent-elles avoir un caractère contraignant pour les décideurs publics ? Comment définir un cadre juridique qui donne de la valeur aux projets des partenaires sociaux sans altérer leur capacité d'innovation ?

Il semble donc important de clarifier certains aspects du DST et définir des règles de gouvernance et de transparence si l'on veut tirer parti de l'énergie que les partenaires sociaux semblent disposés à investir dans ces nouveaux lieux de régulation.

87 WALTER Jean-Louis, Réalité et avenir du dialogue social territorial, Rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental, La Documentation Française, 2009.

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Conclusion

Le dialogue social territorial a pu émerger grâce au processus de déconcentration administrative et de décentralisation politique qui a entrainé une territorialisation des politiques publiques. En plus de cette reconnaissance du niveau local, le dialogue social est un principe qui a été réaffirmé par les gouvernements successifs en France. La création d'instruments de gouvernance sur les territoires a permis l'émergence de ces lieux dont les frontières sont difficiles à cerner et qui sont marqués par une très grande hétérogénéité.

En effet, le développement soudain du dialogue social territorial a conduit à une grande diversité de dispositifs et de pratiques. On a ainsi pu mesurer dans une deuxième partie qu'en fonction des projets (emploi, travail, ou développement socio-économique du territoire), les dispositifs de dialogue social territorial changent de forme. Les acteurs, les missions, les territoires d'intervention et le cadre de la création de ces lieux varient fortement en fonction des projets construits.

Le développement du dialogue social territorial pose des enjeux très forts concernant le développement socio-économiques des territoires. Nous avons mis en avant certaines de ces problématiques qui doivent être traitées avec considération. La notion de confiance est primordiale pour un dialogue social territorial de qualité et efficace. Elle suppose de fortes volontés collectives et individuelles.

Deuxièmement, nous avons vu que pèse aujourd'hui sur le dialogue social territorial des menaces sur sa crédibilité. Il semble important de clarifier certains aspects notamment sur les compétences des structures, l'articulation entre elles et avec les formes plus classiques de régulation socio-économiques. Des bases juridiques plus solides sont à poser pour renforcer la crédibilité du DST.

Enfin, les syndicats étant omniprésents dans ces instances, il semble important qu'ils se donnent les moyens humains et économiques et qu'ils soient accompagnés pour mieux s'impliquer dans les projets de DST dont les potentiels avantages sont largement soulignés par le rapport du CESE entre autres.

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Partie C : EVALUATION DE STAGE

J'ai essayé dans cette partie de cerner les compétences que j'ai mises en action dans mon stage et celles que j'ai développées. Néanmoins, il m'est difficile d'être objectif puisque au moment de l'écriture de ce mémoire, mon stage n'a commencé que 3 mois plus tôt et qu'il me reste 1 mois et demi de travail. J'ai tout de même dégagé 5 grandes compétences que je pense avoir développé au cours de mon stage.

Chapitre 1 : ASSUMER MES RESPONSABILITES ET

TRAVAILLER EN AUTONOMIE SUR MES MISSIONS

Ma mission de stage la plus concrète consistait à récolter l'avis des partenaires sociaux du CISTE sur les lieux de dialogue social territorial de Poitou-Charentes dans lesquels ils siègent. Pour réaliser ce projet, j'ai essayé de mettre en place des méthodes de travail pour m'organiser et produire un travail d'analyse le plus juste possible.

J'ai tenté de prioriser mon action en étapes à réaliser afin d'agir efficacement. J'ai ainsi créé un questionnaire88 qui m'a servi de trame lors des réunions et des entretiens individuels. J'ai globalement posé les mêmes questions aux mandatés d'organisations syndicales. J'ai tenté autant que possible de ne pas influencer leur réponse en leur posant des questions orientées. Ce questionnaire n'a pas pour autant « cadenassé » les entretiens. Il m'a au contraire permis de dévier parfois en abordant des sujets, toujours en lien avec le DST, qui tenaient à coeur des mandatés interrogés. C'est ainsi que je me suis intéressé aux freins de l'implication syndicale dans les lieux de DST.

J'ai ensuite essayé de comparer les observations que je pouvais faire aux réunions et pendant les interviews avec certains écrits de chercheurs ou experts sur le sujet du DST. Cela m'a permis de renforcer ma compréhension des enjeux propres au DST et d'affiner la justesse de mes analyses.

Même si l'avis n'est pas encore rédigé (Il le sera fin septembre, à l'issue de mon stage), je pense avoir assumé mes responsabilités sur la durée et j'ai su tirer parti des difficultés rencontrées pour faire évoluer le projet. Ces difficultés étaient largement liées à la mobilisation des mandatés des organisations du CISTE.

Chapitre 2 : LA DIFFICULTE DE MOBILISER LES MANDATES

Pour permettre la construction de l'avis sur les structures de DST, je devais mobiliser des mandatés d'organisations syndicales afin de récolter leur position sur les structures étudiées.

Il n'a pas été facile de mobiliser les mandatés. J'ai dû m'organiser et être tenace pour contacter les personnes et surtout les relancer plusieurs fois afin qu'elles apportent leur pierre au projet.

88 Voir l'annexe n°4 : Questionnaire sur les structures de dialogue social territorial

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Après un taux de participation aux réunions parfois décevant, nous avons dû revoir notre stratégie de mobilisation. Il apparaissait que peu de lien était fait en interne des organisations du CISTE et que l'information sur les réunions programmées étaient assez mal passées, malgré mes relances. J'ai donc identifié des personnes clefs pour m'entretenir avec elles. Ces mandatés étaient intéressants à contacter car ils siégeaient dans plusieurs structures de DST à la fois.

Pour ne pas me perdre, j'ai construit un tableau de bord de suivi des réunions et entretiens. Cela me permettait d'avoir en temps réel une photographie de la participation des organisations du CISTE au projet d'avis sur les structures de DST.

Dernièrement, afin d'étoffer l'avis que j'écrirai et pour voir comment se passe le dialogue social territorial dans d'autres régions, j'ai contacté les CRESS Bretagne et Rhône-Alpes qui ont développé toutes deux une plateforme de DST qui regroupe les organisations syndicales représentatives de l'ESS et les organisations de salariés. Des rencontres sont prévues pour début septembre.

Chapitre 3 : LA VOLONTE DE TRAVAILLER EN EQUIPE

Je me suis efforcé de communiquer avec mes collègues afin de comprendre l'environnement et le projet. J'ai ensuite pu légitimement proposer des méthodes ou des idées sur mon projet afin de le mettre en oeuvre. J'ai donc essayé de prendre des initiatives et d'en discuter avec mes collègues pour améliorer mes idées et les mettre en oeuvre.

J'ai ainsi proposé une méthodologie d'entretien pour les réunions, avec la création d'un questionnaire notamment.

J'ai pris l'initiative de donner ma vision sur la construction de l'avis en lui-même : Comment structurer l'avis ? Que mettre dedans ? Comment appuyer les positions des syndicats par certains travaux théoriques ? Cela m'a conduit à l'écriture d'une trame qui a été validée par le président du CISTE. J'ai proposé que cette trame retravaillée fasse l'objet, fin septembre, d'une rencontre avec les partenaires sociaux du CISTE afin qu'ils dégagent, sur la base de ce document, des réflexions ou pistes d'action pour améliorer leur implication dans les lieux de DST.

J'ai essayé de transmettre à mes collègues certaines des méthodes ou des outils, informatiques notamment, que je maîtrise. Ma participation au DU DST a été pourvoyeuse de ressources pour moi et j'ai essayé de transmettre mes apprentissages au CISTE.

Chapitre 4 : ADAPTATION RAPIDE ET COMPREHENSION DE L'ENVIRONNEMENT

Je pense avoir développé une capacité d'adaptation et de compréhension de l'environnement du CISTE et du DST en général. Je ne connaissais à peu près rien sur le DST. De plus, mon histoire et celle de ma famille ne m'a jamais fait toucher de près au monde syndical que je ne connaissais qu'à travers certains cours dispensés à l'IEP et via la lecture de la presse nationale. J'ai pu découvrir ces deux mondes qui m'ont intéressé.

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Mais en seulement trois mois de stage, il m'est toujours difficile de cerner certains enjeux, d'identifier le rôle de certaines structures de même que comprendre des problématiques très techniques tournant autour du travail et de l'emploi.

Je crois en revanche avoir su m'adapter aux codes régnants dans le monde syndical en adoptant notamment leur vocabulaire parfois très spécifique.

Chapitre 5 : UN RENFORCEMENT DE MES CAPACITES D'EXPRESSION ECRITE ET ORALE

Enfin, ce stage a été pour moi l'occasion de développer mes capacités d'expression.

Je n'ai jamais pris l'habitude de parler en public et le master m'avait déjà permis de remédier à ce défaut pour me sentir beaucoup plus à l'aise. J'ai eu l'occasion au CISTE devant des personnes « impressionnantes » tels que des secrétaires régionaux d'organisations syndicales. Je me suis efforcé de défendre mon travail et d'argumenter pour pouvoir construire avec eux le projet d'avis sur les structures. J'ai proposé des méthodes de travail et essayé de tempérer leurs demandes lorsqu'elles étaient irréalisables étant donnés les moyens dont je disposais.

J'ai surtout du combattre ma phobie du téléphone pour mobiliser les mandatés des organisations ! Il m'a fallu argumenter, négocier et persévérer pour décrocher certains entretiens.

Je me suis particulièrement appliqué sur l'expression écrite pour rendre intelligible mes écrits. J'ai par exemple rédigé deux compte-rendus de sessions du DU DST portant sur des interventions intellectuellement complexes. Je me suis efforcé de reformuler pour m'approprier ces interventions et leurs concepts.

Partie D : REFERENCES

Chapitre 1 : ANNEXES

1.1 ANNEXE N°1 : TYPOLOGIE DES ACTEURS

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Source : http://www.dialoguesocialterritorial.fr/

1.2 ANNEXE N°2 : PRINCIPAUX LIEUX DE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Source : http://www.dialoguesocialterritorial.fr/

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1.3 ANNEXE N°3 : GRILLE D'ANALYSE DU DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Source : http://www.dialoguesocialterritorial.fr/

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1.4 ANNEXE N°4 : QUESTIONNAIRE SUR LES STRUCTURES DE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL

Avis 2013 sur les structures de DST

VI

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Chapitre 2 : BIBLIOGRAPHIE

BELIN Carine, CHARVET Alain, SASSO Marie-Odile, BRISSON Dominique, Dialogue territorial, la place des partenaires sociaux, ARAVIS, décembre 2005.

BORIES-AZEAU Isabelle, LOUBES Isabelle, les maisons de l'emploi, un dispositif en faveur d'une gestion territoriale des ressources humaines ?

BOUSSAGUET Laurie, JACQUOT Sophie et RAVINET Pauline (dir.), Dictionnaire des politiques publiques - 3e édition actualisée et augmentée - Paris : Presses de Sciences Po, 2010, collection Références.

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PERRAT Jacques, Appropriation syndicale des enjeux territoriaux : la question nodale du rapport firme/territoire, La Revue de l'IRES, n° 54, 2007.

PERRAT Jacques, Dialogue social territorial : les atouts et les ambiguïtés de la proximité, Géographie, économie, société, 2009/4 Vol. 11, p. 335-351.

PIOTET Françoise, La CGT, une anarchie (plus ou moins) organisée ?, Politix, 2009/1 n° 85, p. 9-30.

ROUX Adrien, 50 ans de démocratie locale, Comment la participation s'est laissée endormir, pourquoi elle doit reprendre le combat, ADELS, Yves Michel, 2011.

WALTER Jean-Louis, réalité et avenir du dialogue social territorial, Notes d'Iéna, n° 344, 6 juillet 2009.

WALTER Jean-Louis, Réalité et avenir du dialogue social territorial, Rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental, La Documentation Française, 2009.

WARTELLE Brigitte, PINON Fadéla, HEBERT Sébastien, Réaliser un état des lieux et outiller le dialogue social territorial, IRES, Rapport final de novembre 2012.

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Chapitre 3 : WEBOGRAPHIE

Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : http://www.cnrtl.fr

CISTE : http://www.ciste-pc.com/

Collectivités locales : http://www.collectivites-locales.gouv.fr/

Dialogue social territorial, ingénierie d'action : http://www.dialoguesocialterritorial.fr/

Organisation Internationale du Travail : http://www.ilo.org

Sénat : http://www.senat.fr/

Thésaurus Bureau International du Travail : http://www.ilo.org/thesaurus/defaultfr.asp

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Chapitre 4 : LEXIQUE

BIT : Bureau International du Travail

CFDT : Confédération Française Démocratique du Travail (syndicat de salariés)

CFE CGC : Confédération Française de l'Encadrement - Confédération Générale des Cadres (syndicat de salariés)

CFTC : Confédération Française des Travailleurs Chrétiens

CGPME : Confédération Générale du Patronat des Petites et Moyennes Entreprises (syndicat d'employeurs)

CGT : Confédération Générale du Travail (syndicat de salariés)

CISTE : Carrefour de l'Innovation Sociale du Travail et de l'Emploi

CNCRES : Conseil National des Chambres Régionales de l'Economie Sociale CRES : Chambre Régionale de l'Economie Sociale (aujourd'hui CRESS)

DIRECCTE : Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi

DST : Dialogue Social Territorial

FO : Force Ouvrière (syndicat de salariés)

FRSEA : Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (syndicat d'employeurs)

FSE : Fonds Social Européen

MEDEF : Mouvement des Entreprises de France (syndicat d'employeurs) PME : Petites et Moyennes Entreprises

UDES : Union des Employeurs de l'Économie Sociale et Solidaire (syndicat d'employeurs, anciennement USGERES)

UNIFED : Union des fédérations et syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social

UNSA : Union Nationale des Syndicats Autonomes (syndicat de salariés) UPAR : Union Professionnelle Artisanale Régionale (syndicat d'employeurs)

USGERES : Union de Syndicats et Groupements d'Employeurs Représentatifs dans l'Economie Sociale (syndicat d'employeurs, aujourd'hui UDES)

TMS : Troubles Musculo-Squelettiques TPE : Très Petites Entreprises






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius