INTRODUCTION
L'émergence d'une littérature autonome, suite
aux mutations socio-historiques, va contribuer à l'élargissement
d'un champ francophone antillais où l'abolition de l'esclavage et la
naissance d'une élite ayant un niveau social élevé qui
leur a permis une bonne éducation intellectuelle, outre le mouvement de
la Négritude, ont, en quelque sorte, participé à la
construction d'une Antillanité.
Le roman antillais s'inscrit clairement dans le contexte du
racisme-colonialisme autour duquel tourne la production littéraire
où les amours, les haines et les drames ne vont pas sans
déterminer le destin de la race et du peuple.
Toutefois, si la littérature antillaise est porteuse de
ce message, il n'en demeure pas moins que sur le plan esthétique, elle
ne manque pas de particularisme et d'originalité.
Edouard Glissant trône cette nouvelle école et
d'autres littérateurs en seront influencés, même s'ils ne
le déclarent pas explicitement : Simone Schwarz-Bart, Daniel
Maximin et Maryse Condé sont représentatifs de cette tendance
où la violence « post coloniale » est
exprimée différemment à travers des imaginaires et une
créativité propre à chacun faisant de l'espace insulaire
le lieu même de leur création.
Ce renouveau de fiction caractérise également le
roman de Maryse Condé, En attendant la montée des
eaux1(*)qui constitue
l'objet de notre étude.
L'auteure, par sa magie de l'écriture2(*) permet la collision des
époques, des générations et des nations. Son
écriture se représente comme un carrefour des langues où
se croisent le français, les créoles, les dialectes africains et
même l'espagnol. Une parole charmée, reflet d'une Histoire noire
multi continentale.
Intéressée par les souffrances des autres et en
même temps de sa condition de femme noire originaire d'une région
marginalisée, Maryse Condé ne se laisse pas entrainer par les
rigides oppositions de la pensée du Centre. La compréhension de
l'Histoire pour elle tient plus de la relation de l'échange que de la
séparation métaphysique.
Rénovatrice et contestataire3(*), Maryse Condé est partie
de la tradition pour la dépasser. Appartenant à la
génération postérieure à la négritude, sa
vision du problème noir, plus culturelle que raciale, est à la
base de sa faculté d'exprimer l'Histoire et l'évolution de la
diaspora.
Pour exprimer une réalité plurielle et en
mouvement, elle se crée, à travers ses oeuvres, une renaissance
rénovatrice. Une stratégie multiforme - ironie, interrogation,
polyphonie narrative, anti- épopée, parodie, entre autres - pour
assurer une communication en évolution avec les complexités
mobiles de l'existence humaine, parce que Maryse Condé se focalise
essentiellement sur le sort de l'humanité.
Tout cela se manifeste explicitement dans toutes ses oeuvres
et dans son parcours littéraire4(*). L'espoir et la désillusion, l'humour et
l'amertume, l'optimisme et le scepticisme fusionné avec le sublime et le
ridicule, les victoires et les faillites, les composantes des existences
qu'elle dépeint, de tels éléments ne sont-ils pas toujours
présents chez tous les grands littérateurs ?
Dès l'incipit de En attendant la montée des
eaux, le lecteur est transporté dans une nature
encolérée où tonnerre, pluie abondante, arbres
brisés, bruit assourdissant, débris éparpillé
annoncent une catastrophe naturelle. Serait-il une fin d'un monde ou alors un
appel à un changement radical ?
C'est la Guadeloupe, Babakar, un médecin accoucheur
assiste au décès d'une jeune réfugiée
haïtienne mais l'enfant nouveau né Anaïs est sauvée.
babakar décide de l'adopter. Par un amour paternel tout nouveau pour
lui, le médecin sillonne les villes et les campagnes d'Haïti en
quête de réponses sur la véritable identité
de Reinette, aidé de ses deux amis Movar l'Haïtien et Fouad le
Palestinien.
Le lecteur est tiraillé par des destinées
tracées par l'auteure. Côte d'Ivoire, Éburnéa la
fictive, Palestine, Liban, Haïti, partout la pauvreté aux accents
vaguement identiques est teintée de guerres, guérillas, coups
d'état, viols, exactions, incendiaires. Puis, au coeur de la
société haïtienne, de la facette sombre des organisations
internationales, de la dévotion, de la violence, de la dictature, de
l'acharnement climatique avec pour acmé les catastrophes naturelles.
C'est le Déluge.
Le narrateur nous peint le dévouement et la
détresse de Bbakar : « il était clair qu'il
était incapable de protéger ceux qu'il aimait
(...) », p.165. La mort, l'insondable, les songes, les
souvenirs, la trahison, la mémoire, l'existence, la rage des eaux et de
la terre ne le quittent pas. L'amitié est au-delà de l'ancrage
qui semblait jusqu'alors se refuser à ces perpétuels
exilés. Quand au terme prévisible du parcours, Babakar se
résigne à quitter Haïti, la terre tremble aussitôt, sa
détermination bascule : « Je suis médecin et
je ne peux plus partir. Ce serait un cas de non-assistance à personne en
danger », p364. Plus que d'hypothétiques racines, c'est
un projet partagé, un avenir qui fonde la communauté.
Dans ce contexte qui incite à percevoir
l'identité comme une manifestation complexe, éclatée,
décentrée, ces déplacements identitaires sont
accompagnés d'un mouvement spatial qu'il soit fixation dans un ailleurs
ou projection dans le monde. Qu'en est-il des identités rhizomiques et
des mythes qui les accompagnent au temps des déterritorialisations, des
mobilités et de l'éclatement spatial ?
En attendant la montée des eaux
s'inscrit dans cette problématique existentielle dans une
ambigüité tant sur le plan structural que celui sémantique.
Le rythme du récit suit celui des trois personnages Babakar,
Movar et Fouad en perpétuelle quête d'existence.
L'aspiration à une nouvelle génération
saine est de l'ordre du récit, elle est ponctuée par une
éventuelle catastrophe perçue comme passage inévitable
mais qui pourrait être un remède.
C'est justement du déluge dont il est question dans
tout le roman que le récit se construit introduisant le lecteur dans un
univers chaotique faisant référence à la
déchéance, à la désolation, aux différentes
incohérences existentielles des personnages et à la colère
de Dieu.
À cet univers chaotique correspond un désir de
renaissance qui pourrait se réaliser dans l'attente d'où le
titre : En attendant la montée des eaux,
révélateur et métaphorique traduisant, dans sa
manière poétique, la fin et la renaissance.
De cette dichotomie, chaos et désir de renaitre,
résulte le déluge et le salut. Et c'est là où se
trame tout le récit et se tisse la pensée de l'auteure : la
problématique identitaire et le métissage culturel à
travers le discours mythique.
À partir de ces données, des questionnements
s'imposent : quels mythes l'auteure actualise-t-elle dans le roman ?
Comment ces mythes fonctionnent-ils ? Quel sens
infléchissent-ils ?
L'analyse du roman nécessite le recours à de
multiples approches qui ne sont pas incompatibles.
Pour mener à bien cette étude, nous nous
appuierons sur les démarches suivantes :
- l'approche textuelle s'impose d'emblée quand à
la structure du récit, à travers la narratologie issue des
travaux de Gérard Genette et de Philippe Hamon.
-L'approche historique selon J.M. Moura est inévitable,
dans la mesure où elle propose une lecture postcoloniale du roman
antillais que la démarche sociocritique complètera.
-L'approche sur l'imaginaire selon Mircea Eliade et bien
d'autres est également intéressante, parce qu'elle permet de
comprendre le recours aux mythes pour en saisir le sens.
Dans le premier chapitre intitulé: poétique
de Violence, on étudiera la signification du titre qui va se
compléter par le thème de l'attente entre intimisme et
angoisse et celui de la violence qui a contaminé tout le
récit.
Dans le deuxième chapitre, l'analyse portera sur
l'esthétique d'une nature à la fois inquiète et
salvatrice. Pour cela on plongera au coeur du déluge à travers
d'abord sa fonction apocalyptique, ensuite celle d'une renaissance
perpétuelle. Et à la fin de ce deuxième chapitre nous
traiterons l'intertextualité dans le fonctionnement interne du roman.
Le dernier chapitre, sera consacré à
l'écriture féminine et hybride de Maryse Condé, un point
essentiel dans notre recherche, car ces deux composantes caractérisent
toutes l'oeuvre de l'auteure.
Enfin, et en guise de clôture, cette recherche - qui
restera toujours ouverte donnera un éclairage sur le lexique de Maryse
Condé qui prend son essence des parties du corps humain pour
méditer sur la condition et la destinée humaine.
« L'Histoire est tellement complexe et
douloureuse qu'elle n'a pas
besoin de style littéraire (...). Dans la vie le
désordre est plus enrichissant
que l'exemplarité et la linéarité. Les
individus naissent dans le Chaos ».
(Mayse Condé)
I. Premier chapitre : Poétique de la
violence
I.1. De la signification du titre
De l'ensemble paratextuel, nous avons choisi
l'étude du titre et cela pour l'importance que joue l'approche
titrologique dans notre recherche. C'est le premier intermédiaire entre
l'oeuvre et le lecteur.
Signe de la transformation en marchandise d'un
ouvrage, le titre a plusieurs fonctions, dessinant un horizon d'attente et
permettant l'appréhension du texte.
I.1.a. Fonctions du titre
La titrologie5(*) est un outil très important dans l'approche des
oeuvres littéraires. Le titre est d'abord « ce signe par
lequel le livre s'ouvre : la question romanesque se trouve dès lors
posée, l'horizon de lecture désigné, la réponse
promise. Dès le titre l'ignorance et l'exigence de son
résorbèrent simultanément s'imposent. L'activité de
lecture, ce désir de savoir ce qui se désigne dès l'abord
comme manque à savoir et possibilité de le connaître (donc
avec intérêt), est lancée.6(*)
Selon la formule d'Antoine Furetière : «un
beau titre est le vrai proxénète d'un livre»7(*). Pour Genette, il peut remplir
jusqu'à quatre fonctions. Il peut désigner le roman et permettre
son identification. Il peut décrire son contenu et servir, comme le dit
Umberto Eco8(*)de clef
interprétative. Il peut avoir une fonction connotative,
c'est-à-dire être interprété suivant des
références culturelles ou stylistiques (style propre à un
auteur, parodie, référence historique...). La dernière
fonction est dite séductive, lorsque le titre pousse à l'achat,
ce qui sera perçu plus ou moins positivement suivant la subtilité
de la formule.
À travers notre analyse, nous tenterons de
découvrir ce que ce titre a d'aussi exceptionnel pour valoir une
renommée et un prix international. L'impact de ce titre sur le lecteur
serait-il dû au fait qu'il soit surprenant? fascinant? choquant? ou
enchanteur? Nous allons découvrir aussi quel rapport a ce titre avec le
mythe, la religion, et la société antillaise.
La relation titre/réception est primordiale :
« Le titre est souvent choisi en fonction d'une attente
supposée du public, pour les raisons de marketing (...) il se produit un
feed-back idéologique entre le titre et le public»9(*). Ainsi, pour qu'un titre
accroche, il doit jouer auprès du lecteur le rôle d'un
séducteur et fonctionner de fait comme un texte publicitaire. Claude
Duchet10(*) le
définit comme: « un message codé en situation de
marché : il résulte de la rencontre d'un énoncé
romanesque et d'un énoncé publicitaire ; en lui se croisent
nécessairement littérarité et socialité : il parle
de l'oeuvre en termes de discours social mais le discours social en terme de
roman » pense-t-il.
Tout comme un texte publicitaire, le titre a pour rôle
de mettre en valeur l'ouvrage et de séduire un public, et dans cette
perspective il est évident qu'il peut réunir ces fonctions : la
fonction référentielle (il doit Informer), la fonction
conative (il doit impliquer le lecteur) et la fonction poétique
(il doit susciter l'intérêt ou l'admiration).
« Toutefois le rôle du titre d'une oeuvre
littéraire ne peut se limiter aux qualités demandées
à une publicité car il est "amorce et partie d'un objet
esthétique ». 2Ainsi, il est une
équation équilibrée entre «les lois du
marché et le vouloir-dire de l'écrivain»11(*). Le titre est
également considéré comme emballage et
« incipit romanesque »12(*) Emballage car « il promet
savoir et plaisir » constituant ainsi un « acte de
parole performatif ». Il est incipit romanesque en tant
que premier élément introduisant le texte.
En outre, le titre peut assumer deux fonctions principales :
« mnésique » quand il sollicite le savoir
antérieur (le déjà familier) du lecteur ; de
« rupture » quand il s'affiche comme nouveau et
original. Si dans le premier cas, le titre cherche à atteindre un
public précis ou, comme l'écrit C. Duchet
«sélectionne son public», dans le deuxième, le
but est plutôt de se faire de nouveaux admirateurs.
À travers une lecture analytique, une
démonstration du fonctionnement du titre dans l'oeuvre de Maryse
Condé va être très utile.
Dans le cas présent, le rôle du titre En
attendant la montée des eaux est complexe et, par
conséquent, on doit examiner sa fonction par rapport aux idées du
roman, en essayant d'étudier la stratégie mise en place par le
titre pour reproduire indirectement le texte du roman.
En divisant notre titre en deux parties : «
En attendant » et « la montée
des eaux », il faut noter que la première partie
« En attendant » a été déjà
utilisée par Maryse Condé dans son célèbre
roman En attendant le bonheur13(*).
De même, l'écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma a
intitulé un de ses romans En attendant le vote des bêtes
sauvage14(*). Sans
oublier l'oeuvre de Proust En attendant Albertine15(*).
Donc nous pouvons remarquer la sensibilité de cet
intitulé par les auteurs post colonialistes en plus pour un lecteur
habitué, cela incite à vouloir découvrir ce qu'apportera
Maryse Condé de nouveau à travers le roman.
En effet, avec le titre En attendant la montée des
eaux nous sommes en présence d'un énoncé connotatif.
Cependant l'originalité de ce titre réside au niveau de sa
structure, il serait alors intéressant de l'approcher aussi bien sur le
plan morphosyntaxique que sémantique où il
« requiert une véritable analyse de discours, comme
préalable à son interprétation idéologique et
esthétique ».16(*)
La signification du syntagme En attendant la montée
des eaux implique l'attente ou la patience. En effet, l'incipit du
roman informe que Babakar est seul, sans parents ni amis, isolé du monde
et aspire à quelque chose. En outre, la fonction communicative du
narrateur vient compléter cette information en témoignant
que : « voilà que son enfant si vainement
cherchée lui était rendu», p18. Cette enfant lui
donne l'espérance d'un futur plus beau que le présent.
En tenant compte de l'appartenance religieuse
chrétienne de Maryse Condé, (d'après ses récits
autobiographiques), en plus de la connotation frappante du titre qui plonge
dans le mythe diluvien, le lecteur est transporté dans un univers
Biblique et imaginaire.
Le titre pris dans le sens de En attendant la
montée des eaux fonctionne sur une condition d'opérateur
psychologique car il renvoie à un état d'âme: le pessimisme
et l'optimisme. « En attendant » est un opérateur
temporel, suivi du syntagme nominal « la montée des
eaux ». Remarquons que le lecteur n'a pas eu sa part d'explication
par ce titre. Il s'attend à une suite explicative, pour que son
idée s'éclaircisse.
Dans la Bible, l'eau vacille entre le pessimisme et
l'optimisme, entre la vie et la mort, elle symbolise la fin du monde et la
rupture de Dieu et l'homme, en même temps, elle renvoie à
l'alliance de Dieu avec l'homme et la renaissance.
Ainsi l'eau est à la fois fatale, dangereuse, pleine de
souffrances et, en même temps, porteuse de changement et de
bonheur : «Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et
dans les étoiles. Et sur la terre il y aura de l'angoisse chez les
nations qui ne sauront que faire, au bruit de la mer et des flots, les hommes
rendant l'âme de terreur dans l'attente de ce qui surviendra pour la
terre ; car les puissances des cieux seront ébranlées
».17(*)
Cet extrait de la Bible donne une image claire des souffrances
qui seront causées par la colère de Dieu. Dans l'extrait qui
suit : « La patience de Christ s'est pleinement
manifestée dans ses souffrances et c'est dans ce domaine que nous sommes
aussi exhortés à être patients. Le laboureur attend le
précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard,
jusqu'à ce qu'il ait reçu les pluies de la première et de
l'arrière-saison »18(*) , la patience est recommandée en prenant
l'exemple du Christ.
Dans En attendant la montée des eaux, le
narrateur évoque, d'un coté l'impatience par opposition à
l'attente, et d'un autre coté, le feu par opposition à
l'eau : voire la vie et la mort. Donc on remarque une antithèse
manifestée au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture.
Le déluge, l'histoire biblique de l'Arche de Noé
est la version la plus connue du mythe où Dieu, furieux, détruit
et nettoie le monde par l'eau ou le feu. Dans de nombreuses mythologies, le
monde à l'état primaire consiste en un grand et seul
océan. Par le déluge, le monde sera renvoyé à sa
condition originelle. Le repeuplement nécessite souvent quelques
ingénieux moyens surtout lorsque peu d'individus survivent.
La plupart des mythologies décrivent la fin du monde.
Elles en prédisent aussi la fin, au cours de laquelle les supports qui
tenaient le ciel céderont, à moins que le monde ne soit
consumé par le feu ou submergé par le déluge. À cet
effet, de nombreuses sociétés accomplissent différents
rituels complexes et annuels au profit du renouveau du monde, comme c'est
le cas du sacrifice de la cosmogonie Bambara.
Partant de ces données, la structure du titre En
attendant la montée des eaux comporte
différents opérateurs : un opérateur spatial qui est
la localité de cette eau, un opérateur objectal qui est les eaux,
et un opérateur évènementiel qui est la montée des
eaux qui causent l'étouffement et la mort, en plus d'un operateur
temporel qui est l'attente.
Nous nous demanderons en quoi cette éternelle
attente, en dépit de l'aspect des trois personnages solitaires
exilés, renvoie le lecteur à une dimension absurde et tragique de
l'existence humaine ?
I.1.b. Complémentarité du titre avec le
texte
Dans la perspective d'un théâtre cruel, d'une
métaphysique de l'attente, une interminable attente sur
fond de tragédie, l'opérateur temporel
« En attendant » dénote un futur qui n'est
pas précis. Ce même opérateur sur le plan connotatif
renvoie à l'avenir dans son sens large. Vers la fin du roman, le
narrateur n'explique pas la position des trois personnages (Babakar, Fouad et
Anaïs), mais il la laisse dans le flou. Une fin ouverte, inachevée
qui explique une identité en crise qui se traduit par la
métaphore biblique du déluge.
Par ailleurs, il est à déceler également
une exploitation extrême des traits prosodiques, de la polysémie
et de la symbolique des mots. La séduction d'un titre varie d'un auteur
à un autre selon ses objectifs, son talent, les époques et le
type de lectorat visé. Cette forme d'attraction peut se faire aussi bien
au niveau du contenu qu'à celui de la forme. En ce qui concerne notre
auteure, elle a choisi de renforcer cette séduction en jouant avec les
mots. Nous remarquons l'ambiguïté produite par la signification
connotative du titre cela dit, le titre En attendant la montée des
eaux réunit deux signifiés prenant une valeur
oxymorique : la vie et la mort, d'où sa polysémie.
Le titre aussi a une valeur métaphorique,
c'est-à-dire qu'il résume le contenu du roman d'une façon
symbolique. Leo Hoek propose, pour ce genre de titre présumant le sujet,
l'appellation titre subjectal19(*). En effet, l'expression En attendant la
montée des eaux est polysémique et cela se confirme
à la lecture du roman. Babakar se présente dès les
premières pages du roman, seul sans parents ni proche ni ami, un homme
qui a une vision noire du monde, sans objectif précis. Il a perdu le
goût de vivre :
« Pendant son sommeil, il avait vu sa
mère, souriante, radieuse, ses yeux de bleuet lumineux et
rafraîchis comme si, au milieu du désordre des
éléments, elle apportait un rameau d'olivier. Elle venait lui
signifier que les pages noires de deuil étaient tournées et
que se dessinait enfin la promesse du bonheur », écrit le
narrateur, p.12.
Le narrateur peint également la solitude et l'amertume
qui caractérisent la vie de Babakar et qui se reflète dans tout
ce qui l'entour :
« Les maisons s'expriment à leur
manière. Celle-là parlait de solitude et d'exclusion. Dans la
cuisine, il se versa un verre de lait qu'il but trop hâtivement, en se
salissant le menton. Il ne touchait jamais à l'alcool, non par souci de
religion, mais parce que cela lui donnait des aigreurs qui ajoutaient au
goût déjà si mauvais de sa vie », p.13.
On peut interpréter aussi le
breuvage du lait et les goutes qui salissent le menton de Babakar comme un
retour vers l'enfance et la dépendance, exprimant le besoin d'une
protection maternelle. Le substitut de ce sentiment est traduit dans l'image
d'Anaïs la petite fille sauvée et le narrateur donne une lueur
d'espoir à cette vie morne :
« Voilà que son enfant si vainement
cherchée lui était rendue. C'était là le miracle
que sa mère, rayonnante, était venue lui prédire en songe
! Son âme entonna un Magnificat, digne de Jean-Sébastien Bach. Lui
qui n'avait pas prié depuis des années, dont le coeur
était comme mort, était tenté de se prosterner pour
remercier le Tout-Puissant », écrit-il, p.21.
Le malheur de Babakar est ainsi transformé en
bonheur: « Le noeud depuis si longtemps noué serré
dans sa poitrine se défaisait et le bonheur l'envahissait. Il embrassa
le bébé impulsivement », dit-il, p.22.
Ainsi, le titre En attendant la montée des
eaux et le texte du roman sont harmonieusement complémentaires,
« l'un annonce, l'autre explique, développe un
énoncé programmé jusqu'à reproduire parfois en
conclusion son titre, comme mot de la fin, et clé de son
texte »20(*). En effet ce titre est présent au
début, au cours et même à la fin du récit, il
oriente et programme l'acte de lecture. Autrement dit ce titre En attendant
la montée des eaux remplit une fonction conative en fonctionnant
comme « embrayeur et modulateur de
lecture »21(*) .
En attendant la montée des eaux remplit son
rôle « d'accroche » et c'est sans doute ce qui lui a
valu la vente d'énormes exemplaires et le tour du monde en étant
traduit en plusieurs langues.
Outre la formulation originale de En attendant la
montée des eaux il y a d'autres facteurs qui ont
contribué à son succès et à sa diffusion -entre
autres le thème d'actualité, de la vie sociale actuelle des
Antillais en France, et des minoritaires dans le monde- cela dit, le choix d'un
titre est primordial dans une oeuvre. On a vu comment Maryse Condé
annonce à la fois le contenu du récit et le cheminement de
l'écriture. Le titre « apparaît donc comme l'un des
éléments constitutifs de la grammaire du texte, et aussi de sa
didactique : il enseigne à lire le texte»22(*).
Le titre ne doit pas tout dire, ne doit jamais exprimer
complètement l'information qu'il est supposé divulguer. Au
contraire, le titre doit jouer le rôle de point d'interrogation à
l'énoncé littéraire qui lui sert de réplique. Le
titre perd alors sa valeur d'incipit puisqu'il est lié à
l'allusion qui suit. Le texte n'est que produit du titre et le titre bien
plus qu'un énonciateur devient un conducteur de texte, ce que J. Derrida
à joliment appelé archonte23(*).
Dans son ouvrage sur l'angoisse et la peur, l'essayiste
polonaise Stanislav Drvota mentionne que l'homme qui ressent l'angoisse
« n'affronte pas l'objet menaçant, ne peut pas le localiser
dans le lieu ni dans le temps, l'éliminer ou
l'éviter»24(*). Nous complétons cette
définition par la suivante:
L'angoisse signifie « l'inquiétude intense,
liée à une situation d'attente, de doute, de solitude et qui fait
pressentir des malheurs ou des souffrances graves devant lesquels on se sent
impuissant»25(*).
De plus, dans son atlas sur la psychologie, Hellmuth Benesch
précise que l'angoisse peut être causée, à part le
doute et la solitude, également par la perte de la
sécurité, le pressentiment d'un danger, l'incertitude de
l'avenir, le désespoir, etc.26(*).
Dans le sous-titre qui suit, on étudiera l'attente
entre intimisme et angoisse, qui a caractérisé la
préoccupation primordiale de tous les personnages dans En attendant
la montée des eaux.
I.2-L'attente entre intimisme et angoisse
Le thème de l'attente est présent dans de
nombreuses oeuvres des grands auteurs à travers tous les
siècles: l'attente qui tue Le Père Goriot de Balzac
à travers son amour pour ses deux filles ingrates, l'attente de
l'exécution du condamné à mort de Victor Hugo, ou alors
chez Proust où l'attente était majeure dans En attendant
Albertine : Il écrit : « Dans l'attente, on
souffre dans l'absence de ce qu'on désir et du fait qu'on ne peut
supporter une autre présence »27(*). Et encore l'attente et la passivité de
Thérèse Desqueyroux de François Mauriac.
Maryse Condé, Dans un cadre optimiste, a
déjà intitulé un de ses romans, En attendant le
bonheur. Dans En attendant la montée des eaux, le lecteur
est d'emblé poussé à découvrir les
rénovations et le message voulu par Maryse Condé à travers
ce roman parut en 2009. Tout cela revoie à fouiner dans les racines de
cette auteure singulière et dans ses pensées rhizomatiques.
I.2.a. L'enracinement de l'angoisse
Suite à l'abolissement de l'esclavagisme, à
partir du XVIIe siècle, les Antilles sont des victimes d'un manque dans
leur mémoire. Il y a une part tronquée de la mémoire, une
sorte de néant dans la diaspora africaine. Cette population
déportée a rompu avec la terre et les mythes auxquels elle a
été arrachée28(*).
Katell Colin-Thebeaudeau29(*) nomme cette condition de la diaspora le
défaut de mémoire. Cet antillais qui est un
africain déporté, esclave dans les champs de canne n'existe que
comme objet du discours. Il est celui qu'on dit. Que l'on met en mots. Il est
sujet énoncé et jamais sujet énonçant. Son Histoire
beigne dans le silence de façon paradoxale. L'histoire antillaise est
négation et lieu d'occultation d'une mémoire historique. La
fonction de l'écrivain de la diaspora, en quête de mythe, devient
celle d'inventer, de créer lui-même une mémoire et d'ouvrir
à son peuple la possibilité de disposer de symboles par le biais
de la poésie et de l'imaginaire conçus par l'auteur.
L'oeuvre romanesque de Maryse Condé s'efforce d'obvier
à un défaut de mémoire : notamment dans
Ségou les murailles de terre et Ségou la
terre en miettes30(*),
ainsi que dans En attendant la montée des eaux. Son
recours à la fiction a pour vocation de lui permettre d'enjamber les
gouffres. L'écrivaine, avec sa création, répond au silence
de l'histoire. Pour cette auteure antillaise, l'acte de parole,
d'écriture, comble la béance d'histoire31(*), la faillite des
mémoires. Dans une telle dynamique, l'acte d'imagination s'apparente
à un acte magique au sens où l'entendrait Sartre, la posture de
l'écrivain se fait démiurgique32(*).
Comme tout roman, En attendant la montée des eaux
est une pratique individuelle. C'est une oeuvre d'art alors que le mythe
relève de la tradition orale et de la pensée communautaire.
Dans une perspective heideggérienne, l'attente
possède un sens existentiel :
La solitude de Babakar l'engloutit dans l'ennui et l'angoisse
« (...) de solitude et d'exclusion », p.14.
Nous attendons toujours quelque chose et nous somme toujours
orientés vers un avenir. Même en réfléchissant sur
le passé, nous récapitulons dans le temps présent ce que
nous nous rappelons. Cela fait appel à notre mémoire afin
d'actualiser dans le présent ce qui nous concerne dans
l'actualité. Nous nous projetons dans le futur et nous traînons
dans celui-ci toute une expérience, un éthos, des images et un
imaginaire.
Cilas Kemedjio33(*) dans les enfants de Ségou : Murailles en
miettes, identité en dérive34(*), traite le thème de l'attente en
errance dans les romans de Maryse Condé. Errance des enfants de
Ségou35(*). Cette
errance, présente aussi dans En attendant la montée des
eaux, a donc la Diaspora africaine.
D'après Kemedjio, il s'agit d'interconnexions entre
tous ces personnages errants qui, parcourant divers territoires, les rendent
semblables, en même temps qu'ils souffrent d'identiques conflits
d'identité c'est bien le cas de Babakar, Fouad et Movar dans
En attendant la montée des eaux. Pour cet auteur, Maryse
Condé est la romancière des errances. L'essayiste
Leah.D.Hewitt36(*) parle
du cosmopolitisme profond de l'univers romanesque Condéen qui exprime
les contacts de valeurs et cultures, propres aux Antilles.
A partir de l'analyse des derniers rois
mages et La colonie de nouveau monde, Hewitt montre
l'attitude iconoclaste de Maryse Condé, son action corrosive à
l'égard de la différence conflictuelle. Stratégie qui,
d'après Héwitt, lui permet d'échapper au politiques
d'identité et à un « universalisme
périmé », de révéler la
complexité qui se cache derrière
l'homogénéité, de réfuter toute forme
d'essentialisme, qu'elle soit de race ou de sexe. En notant que le roman
guadeloupéen se termine toujours dans l'espérance du
« devant jour » après une langue attente,
et le canadien, s'abîme dans une apocalypse, où n'existe aucun
espoir pour une civilisation brutale et violente.
L'attente était trop longue pour les passagers, du
bateau qui embarquait Movar et Reinette. C'est ce qui a poussé une dame
au suicide:
Au matin du cinquième jour en mer, une femme qui
n'avait jamais ouvert la bouche et qui lisait la Sainte Bible du matin au soir
s'est levée et a commencé à chanter un air haïtien
bien connu : « Fèy, sové la vi mwen. Nan
mizè mwen yé o. Fey o, sové la vi mwen ». En
même temps qu'elle chantait, elle arrachait ses vêtements les uns
après les autres, sa jupe, son corsage, son soutien-gorge, sa culotte et
les envoyait voltiger en l'air. Elle est restée nue. On n'a pas eu le
temps d'être gênés. Elle a enjambé le bord du bateau
et a glissé dans l'eau. Quand on a compris ce qui arrivait, on a
cherché une bouée. Mais elle avait déjà disparu
dans les profondeurs et l'eau était redevenue lisse. p.61.
Cependant contre toute attente, le bateau représente un
espace protecteur parce qu'il n'est pas définitif. Ce voyage laisse une
emprunte indélébile dans le corps et dans l'esprit de l'esclave
qui se traduira, dans un premier temps, par une réaction de rejet de
l'espace. Les personnages ont du mal à accepter la fin du voyage, la
plantation de cannes à sucre, reste longtemps pour eux un lieu
provisoire. C'est ce qui est arrivé avec Movar. L'individu romanesque
antillais est habité à jamais par ce transbordement, ce
passé de la traversée est sien. Le voyage est une partie
non-négligeable de l'inconscient culturel créole.
I.2.b. Une touche d'intimisme
Dans Maryse Condé : une approche
intimiste, Michèle Praeger37(*) parle de l'attitude de Condé vis-à-vis
de la Négritude, la créolité et du féminisme, trois
grands thèmes de son contexte culturel ; une fois de plus se
révèle l'anti conformisme de Condé. Sa relecture de la
Négritude implique le refus des images figées du Nègre
comme être inferieur, fait pour des rôles subalternes de la
Créolité, la contestation de l'idée d'une essence
antillaise et créole, d'un « Moi » antillais. Dans
En attendant la montée des eaux, l'intimisme et l'espoir donne
un délicieux arrière goût aux événements
tragiques.
Selon une vision fataliste des choses, fondée sur
l'idée d'origine chaldéenne, une configuration astrale
donnée qui se répète de temps en temps est
accompagnée d'une série de calamités cosmiques :
déluge, sécheresse, incendies, tremblement de terre de grande
proportions. L'attente du cataclysme et de la destruction finale ne revêt
absolument aucune teinte rose paradisiaque, mais quelque chose de tragique, et
en tant que telle, en ses aspects sombres, elle a obsédé
profondément les Grecs et encore plus les Romains.
Mircea Eliade, s'appuyant sur une étude de Jean
Hubaux38(*), raconte
l'histoire de Romulus39(*).
En fait, d'après cette histoire, la perspective de Sain
Augustin n'était pas admise ni par un grec ni par un romain : plus
qu'une fatalité, ces craintes étaient une réelle obsession
qui a un autre rapport avec le temps, l'éternité et l'histoire.
Elle témoigne d'une conscience aigüe de la déchéance
des choses et du caractère éphémère du monde, mais
reflète le désir de s'évader du temps, de se
défendre contre l'histoire et de s'élever vers
l'éternité.
Voici donc ce qui semble être le sens de l'histoire
comme eternel retour : lieu de l'éphémère et aussi de
l'eternel. La figure de l'anneau qui relie le début à la fin du
temps, à l'image du serpent enroulé sur lui-même, eternel
retour,41(*) qui fait
que nous croyons en l'une ou en l'autre. L'éphémère ou
l'eternel.
En attendant la monté des eaux s'ouvre sur le
récit raconté par Movar sur Reinette Ovide et se termine aussi
par le récit sur Reinette Ovide raconté par sa
soeur Estrella Ovide. Tout s'éclaircit donc. Le récit se
tourne sur lui-même comme un serpent, et c'est l'eternel retour.
La chute d'Adam et Eve est dans le même contexte de
l'attente. Pour les Grecs et les Archaïques à l'origine de la chute
et de l'éloignement était la faute, plus proche d'une action de
la fatalité (destin) que fruit de la liberté. Pour les hommes
médiévaux, formés dans la tradition
Judéo-chrétienne, la faute, par contre, était due à
la liberté, « don de Dieu au hommes », plus
proche d'une perfection qu'absence de celle-ci, mais qui les entraîna
à la chute et à la damnation.
Avec cette idée de liberté limitée par
l'action de la providence divine, sans aucune garanti favorable, mais donne
à l'homme la liberté de l'action, pour le bien et pour le
mal42(*). Ainsi que dans
la tradition juive, cette histoire n'est rien de moins que l'histoire du salut,
cependant non pas du salut d'un peuple élu (le peuple juif)-c'est nous
qui l'ajoutons- mais celui de l'homme, constitué de trois temps
forts : la création, l'incarnation et le rachat43(*).
Ainsi, il est possible de comprendre comment la souffrance
était endurée par l'homme formé dans l'espoir de la
tradition judéo-chrétienne, et quel était son sens. Or,
d'après Eliade les événements historiques, suivis de leur
cortège de douleurs, épreuves et souffrances, ont
été supportés par le peuple juif
précisément, « parce que d'une part ils
étaient voulu par Iahvé, de l'autre parce qu'ils étaient
nécessaires au salut définitif du peuple
élu »44(*).
Maryse Condé se positionne sur cette même trame
45(*) pour bâtir son
récit. Toutes ces considérations, pensées mythiques et
croyances, on les retrouve parsemées dans le roman de l'auteure. Le
narrateur d'En attendant la montée des eaux écrit :
« C'est connu, la vie commence par une
boucherie », p14. Ici, il fait référence au mythe
fondateur où le sacrifice est un rituel sacré pour que la vie
continue. Le parfaite exemple à donner ici est le sacrifice humain en
Afrique qui est encore pratiqué actuellement à Ouganda sur des
victimes. Leur sang, leurs organes sexuels et parfois d'autres parties de leur
corps sont exigés par certains sorciers qui promettent à leurs
clients un enrichissement rapide46(*). C'est bien le cas de Movar dans En attendant la
montée des eaux qui à consulté la sorcière
Sô Fanfanne et a suivi ses recommandations jusqu'à ce qu'il
retrouve la mort sous les mains de son propre oncle.
On souligne ici que Maryse Condé s'est inspiré
du nom du terroriste Sô fofana dont l'affaire Sô Fofana a fait un
grand tapage en 2009 dans le monde entier, notamment une année avant
l'apparition du roman En attendant la montée des eaux.
Signalons aussi, dans la page 13 du même roman, où le narrateur
dit « C'était une de ces nuits où ne peuvent
germer que l'étrange ou l'insolite. Par une nuit semblable, Dieu avait
dû créer l'homme avec tous les déboires que cela avait
entraîné ». Puis il ajoute : « (...)
Dieu rit (...) ». Tous les personnages d'En attendant la
montée des eaux sont en attente :
Babakar qui attendait son enfant « si vainement
attendu », puis, prisonnier à Toh boh nel, p.146, il
attendait qu'on le libère.
De même pour Movar qui attend son
départ :
« Il s'est passé presque une
année avant que j'arrive à réaliser ce rêve.
J'étais au désespoir d'attendre et d'attendre
(...) », p.54.
Et Fouad qui attendait Cuca, la prostituée qui a
refusé de l'épouser parce qu'il est un arabe. Cette attente se
manifeste aussi pendant le voyage de Movar et Rinette dans le bateau, où
les passagers étaient pris de panique en attendant le retour sur terre.
En fait, l'attente de Movar a commencé depuis son enfance :
« Ma maman est restée à se
débattre comme elle pouvait avec ses trois enfants sur les bras et puis,
elle a disparu, elle aussi. (...) Nous l'avons attendue, attendue. Elle n'est
jamais revenue », p.49.
Ajoutons aussi l'attente des réfugiés dans La
Maison de Babakar, où ils attendaient que le déluge passe et les
libère.
Donc cette attente se présente comme une
fatalité à laquelle nul ne peut y échapper. L'attente de
Movar s'est terminée par sa mort, mais Maryse Condé a
prolongé cette attente, dans une lueur d'espoir, avec les deux amis
Babakar, Fouad et la petite Anaïs (dont le prénom signifie la
grâce), bien que le tremblement de terre les menaçait, ils ont
gardé une chaleur intérieur qui les a pousser à aller de
l'avant en espérant un avenir meilleurs.
I.3- Une contamination par la violence
En parlant de violence, on est directement frappé par
le terme post colonialisme. On est appelé donc à définir
la littérature post coloniale aux Antilles. Ce courant
littéraire et artistique est soupçonné d'être un
refuge de l'idéalisation occidentale de différentes
civilisations.
La violence, dans En attendant la montée des
eaux, contamine tous les chapitres. Les itinéraires psychologiques
et culturels des personnages de Maryse Condé, révèlent des
déséquilibres. Leurs parcours inachevés dans la narration
résultent des thèmes de l'absurdité subite qui n'a aucune
explication. Prenons comme exemple la femme qui se jette par-dessus le bord du
bateau, et du rejet d'Anaïs par sa tante Estrella et sa soeur.
Ainsi que le cas lamentable de Movar et ses deux soeurs, encore frêles,
délaissés par leur père puis par leur mère :
« ma maman est restée à se débattre comme
elle pouvait avec ses trois enfants sur les bras et puis, elle a disparu, elle
aussi ». p49.
En littéraire scrupuleuse, Maryse Condé aborde
l'histoire du roman, mais les intrigues ramènent la plupart des
personnages à l'échec, dû à leur obsession, à
la hantise du passé. Ses personnages se caractérisent par
l'obscurité, fuyants et agacés par le rituel du rhum ainsi que
des jeux interdits citons ici comme exemple Roro-Meiji le trafiquant de drogue,
qui plonge dans l'alcoolisme en prenant pour cause son amour inassouvie pour
Estrella. Sa punition injuste se transforme en violence, non pas par
méchanceté mais par démence. Son fantasme combatif,
à présent, est la conséquence de son traumatisme.
Sous une perspective optimiste, Babakar, qui est un
médecin accoucheur traduit sa douleur d'une manière humaine, en
donnant la vie sans avoir un objectif matériel au retour. Avec des mots
très signifiants Thécla lui dit:
« Tu exercera un métier, un des plus
beaux du monde. Comme d'habitude, tu ne te soucieras pas de gagner de l'argent,
mais faire le bien (...) », p.165.
Babakar, bien qu'il soit médecin instruit, et
donc un grade social remarquable, souffre aussi de la
ségrégation.
Sur ce même propos, Glissant écrit :
« L'intégration des catégories
hiérarchiques d'une perspective coloniale entraine la division du monde
en personnes dont certaines clairement en-dessous de la famille par rang, par
revenus, par les manières, par le mode de vie et par la connaissance.
Cela se réfère aussi à des principes ou à des
tabous »47(*).
Ainsi le comportement des noirs entre eux dans
En attendant la montée des eaux s'explique clairement.
Babakar dit :
« Je ne possédais aucun sentiment
d'identité ethnique », p.98. Il ajoute :
« c'est aussi là en France qu'on trouve le racisme (...)
le racisme n'est pas une chose neuve, on le trouve partout »,
p.100.
Puis le narrateur confirme:
« lui, n'avait jamais été que
l'étranger », p.362.
Ce sentiment de détachement et de rejet habite et
s'accroit dans le coeur des Antillais, et les faits souffrir dans un silence
tumulte.
I.3.a. L'Histoire noire des Antilles
L'approche historique explique la violence dans la
société créole et son émergence dans la
littérature antillaise. La plantation de cannes à sucre48(*) fut le théâtre de
la violence, celle du foin et des Maitres, mais aussi du poison des esclaves,
leurs armes de vengeance : c'était pour échapper à
l'oppression. La violence historique plane sur la société
antillaise, même contemporaine, avec la brutalité quotidienne des
hommes et de la nature : les noyades, les naufrages, les déluges,
et les tremblements de terre49(*).
Babakar croyait oublier le passé qui
ne cesse de le suivre, même dans ses sommeils, habités par
l'apparition de sa mère morte: Thécla. Son métier
humaniste, médecin accoucheur se présente comme la manière
d'oublier le rêve de l'histoire, de libérer son imagination, et de
fuir le chaos, la prison de l'esprit. Son métier serait la
Relation chère à Edouard Glissant, pour retrouver
l'harmonie avec soi et avec le monde :
« débloquer l'imaginaire, elle nous projette hors de
cette grotte en prison où nous étions enfermés, qui est la
cale ou la caye de la soi-disant unicité. Nous sommes plus grands que
toute la grandeur du monde !et de son incompréhensible
absurdité où j'imagine pourtant »50(*).
Les blessures morales et les traumatismes des personnages
révèlent la thématique de l'époque51(*). Babakar est
marqué par une cicatrice sur son visage. Sa maitresse, Carmen la
coiffeuse, en lui coupant les cheveux : « tout en manient
ses ciseaux, elle l'avait entretenu sur sa cicatrice. (...) c'est un souvenir
de guerre (...) les ennemis d'hier sont devenus les frères
d'aujourd'hui », pp.72-73.
Dans En attendant la montée des eaux,
un des réfugiés pendant le déluge explique cette
souffrance comme un fait évident:
Vous croyez que c'est un hasard si nous souffrons tout
ce que nous souffrons ? Dictateurs qui nous tuent ou nous obligent
à nous exiler, boat-people qui se noient par milliers. Écoles qui
s'effondrent sur nos enfants. Cyclones, trois dans une seule saison.
Inondation. (...) C'est parce que le Bon Dieu est fatigué avec nous.
Haïti n'arrête pas de pécher. Oui, de pécher. D'abord
le vodou. Puis la fornication. Puis la drogue. Puis toutes sortes de violences
et de vols. p.316.
Le narrateur interpelle : « Il avait
posé la véritable question, une question qui restait sans
réponse ; La nation pathétique52(*) selon le qualificatif d'un de
ses propres enfants était-elle coupable ? De quoi ? Il est
vrai que les victimes sont toujours coupables », p.318.
Par rapport avec d'autres romans de la littérature
antillaise, ce texte de Maryse Condé ne présentent pas de grandes
différences parce qu'ils sont issus des mêmes contextes :
Historique, géographique et culturel. Les thèmes se ressemblent,
mais on peut souligner des caractéristiques dans En attendant la
montée des eaux : il y a une construction des rapports entre
les personnages et les histoires, et delà découlent les
imaginations des personnages. Autre particularité que Maryse
Condé utilise le ton ironique et distant qu'on peut noter dans En
attendant la montée des eaux. La moquerie caractéristique
dans les romans de Maryse Condé modère le goût des
personnages : le narrateur commente le statut de la femme en
écrivant : « bien heureuses celles qui mastiquent le
triste pain de la vie sans chercher à analyser à tout prix les
ingrédients qui entrent dans sa composition ».
Et encore les paroles de Cyprien qui s'adresse
à Babakar:
« nous ne somme pas ...au Darfour ici !
(...) nous sommes en Guadeloupe. (...) la Guadeloupe c'est comme qui dirait la
France. Nous avons des lois. (...) », p.18, où le Cyprien
Aristophane, le directeur de l'école communale Pier pont III, prenait
l'air de se moquer, lorsque Babakar leur a annoncé qu'il va adopter le
bébé Anaïs.
Cet air moqueur se manifeste aussi avec Babakar en parlant
à l'employé de l'Etat Civil à qui il explique :
« je ne suis pas un étranger. Je suis aussi
français que vous. (...) », p.27. Quand à Movar,
il évoque le problème du racisme en disant que Yassine :
« (...) me traitait comme si j'étais son domestique, tout
ça parce que j'étais plus noir que lui, je le sais »,
p.55.
La question « raciale » est une problématique
importante dans les littératures postcoloniales francophones du fait du
regard porté sur les représentants d'une altérité.
C'est une question épineuse puisqu'en parlant d'un système racial
qui fonde le racisme, elle n'empêche pas d'essayer de le
détrôner53(*). Constater que le racisme perdure, perpétuant
des divisions et des hiérarchies abstraites issues de siècles
d'esclavage et empires coloniaux
Il va sans dire que le projet esclavagiste, puis le projet
colonialiste se sont basés sur une hiérarchie sociale et «
raciale ». Ces deux hiérarchies ont été mises en
place par les Européens pour leur propre bénéfice, mais
malheureusement ils n'en ont eu ni l'exclusivité, ni le monopole. Maryse
Condé le rappelle dans sa présentation O Brave New
World54(*)
Le projet esclavagiste a mis l'homme blanc, l'Européen,
en haut de la pyramide sociale en imposant la couleur de peau comme un
élément fondateur pour définir « la pureté
» d'une race et, à travers une simplification inouïe
basée sur un Darwinisme social, a affiché une rhétorique
raciste qui maintient l'homme noir au bas de la pyramide puisque « impur
». Dans cette hiérarchie qui justifie l'esclavage, la femme noire
se trouve tout en bas.
Dans ce même cadre, l'essayiste René
Ménil explique : « le phénomène de
l'oppression culturelle inséparable du colonialisme va déterminer
dans chaque pays colonisé un refoulement de l'âme nationale propre
(histoire, religion et coutumes) pour introduire dans cette collectivité
ce que nous appelons, l'âme de l'autre métropolitaine,
d'où la dépersonnalisation et l'aliénation. Je me vois
étranger, je me vois exotique »55(*).
Pour Babakar, le rapport avec l'histoire de la
société antillaise, symbole de l'histoire coloniale est rompu. Il
a perdu tous ses origines en Afrique et en Guadeloupe, s'exile volontairement
à Haïti avec ses deux amis Fouad et Movar qui ont eux aussi
délaissé leurs origines pour en tisser d'autres loin de chez eux,
plus solides (selon Maryse Condé les origines n'ont pas
d'importance)56(*).
L'anthropologue George Balandier analyse le rapport entre
l'homme et l'histoire, en distinguant deux comportements qui traduisent la
continuité et la rupture : « Les
sociétés disposent de deux possibilités d'esquiver le
défi du temps, de produire l'illusion historique ; soit en
éternisant le passé et la continuité (perspective
conservatrice) soit en rendant imaginairement présent un avenir par
laquelle l'histoire se trouve abolie (perspective
eschatologique) »57(*).
Ces deux perspectives opposent les personnages de Maryse
Condé. Elle a construit au fil de ses romans des personnages rebelles
à l'exagération de l'histoire antillaise (Fouad, Babakar). Mais
ces personnages sont en quête d'une identité à construire,
ayant trouvé des similitudes dans un destin partagé que nous
illustrons suivant le schéma actantiel58(*) du récit :
I.3.b. Schéma actantiel du récit:
DESTINATEUR OBJET
DESTINATAIRE
Babakar
cherché d'éventuels parents pour Anaïs
Sô Fanfane, Estrella, Roro Meiji
Axe du savoir
Axe de vouloir
Axe du pouvoir
ADJUVANT
SUJET OPPOSANT
Movar et Fouad :
quête identitaire
Hassan qui est devenu l'ennemi de Babakar
amis de BAbakar
Sô Fantane : la sorcière : n'a pas voulu
révéler la mort de Movar
Ephrem, l'oncle de Movar
qui l'a tué
Les catastrophes
naturelles: le déluge
Le schéma narratif59(*) ci- dessous va, de son côté, montrer le
cheminement et les démarches parcourus par les personnages principales
du récit :
Schéma narratif du récit :
Situation initiale
|
La mort mystérieuse de Reinette
|
Elément déclencheur
|
Chercher des origines de la fillette Anaïs.
|
Péripéties
|
à Haïti :
la mort de Movar,
le déluge,
la décision des deux amis de quitter Haïti.
|
Elément de résolution
|
Le tremblement de terre
|
Situation finale
|
Babakar et Fouad décident de rester, ensemble à
Haïti avec la petite Anaïs, et de ne jamais se séparer.
|
A travers ces deux schémas ; actantiel et
narratif, on peut déduire que la violence se manifeste d'une
manière explicite. Cette violence provient de différentes
causes : les guerres civiles, les voles et les assassinats, les
catastrophes naturelles... On peut dire que cette violence est une
fatalité présentée par l'image du cyclone et ses
nombreuses formes à travers le roman.
Le comportement des personnages semble déterminé
non seulement par cette forme héréditaire de la fatalité,
mais aussi par la force inexplicable du surnaturel. Le mauvais caractère
de Hassan, qui apparait comme un cyclone humain ou une autre calamite qui
menaçait le monde s'explique par L'hérédité, et le
contraire serait insensé. Maryse Condé montre ainsi la
vivacité de la magie antillaise et sa force dans l'imaginaire
contemporain, mais elle en démontre aussi l'ambigüité. La
violence et le mal paraissent résulter de forces au-delà du
contrôle des personnages. Le narrateur du roman, qui exprime sa
répugnance envers ces superstitions, mais n'arrive pas à les
chasser de son esprit, est prise entre deux univers: celui de son
éducation moderne, avec ses explications rationnelles, et celui de la
magie traditionnelle, qui s'appuie sur les forces inconnaissables d'une
causalité obscure et occulte60(*).
II-Deuxième chapitre : Esthétique
d'une nature inquiète et salvatrice
Depuis la nuit des temps, l'homme essaye de donner des
explications aux divergences naturelles à travers les mythes61(*). En
littérature, le post colonialisme réfère une
démarche critique convoquée dans les études les plus
significatives réalisées ces dernières années.
Ainsi, Maryse Condé s'attarde sur la fonction politique de la violence
postcoloniale. Elle lui donne une connotation mythologique marquée par
la symbolique comme fondateur d'une logique textuelle. Pour la fiction
littéraire, le post colonialisme engage une poétique à
travers trois thèmes majeurs : la violence, l'absurdité et
les mythes.
En attendant la montée des eaux est une
oeuvre imprégnée de l'Afrique, de la Caraïbe et de l'Europe.
Elle nous explique le monde sous forme d'un jeu d'échecs à
travers le mythe du déluge dont se focalise ce deuxième
chapitre.
Les mythes pour Platon ont une fonction sociale primordiale
car ils sont comme magiques. Paul Ricoeur conçoit le mythe comme
interprétation narrative de l'énigme de l'existence primordial en
dehors de l'Histoire. Pour cet auteur, les mythes concernent intimement le
lecteur ou l'auditeur, car ils interfèrent directement dans sa condition
humaine dans l'univers. Ils racontent comment une réalité a
commencé à exister : « ils
décrivent les (...) irruptions du sacré ou du
surnaturel dans le Monde, ils constituent le modèle
exemplaire de toutes les activités humaines
significatives »62(*). Gilbert Durand souligne qu'il n'y a pas de
civilisation sans mythes, car le mythe, comme processus d'alliance, aide
à construire: se construire, construire les cités.
Par contre, la définition donnée au mythe par
Mircea Eliade illustre mieux notre thème de recherche. Elle sert de
référence ou de source d'inspiration aux chercheurs et aux
écrivains du monde entier :
La définition qui me semble la moins imparfaite, parce
que la plus large, est la suivante : le mythe raconte une histoire
sacrée ; il relate un événement quia eu lieu dans le temps
primordial, le temps fabuleux des commencements. Autrement dit, le mythe
raconte comment, grâce aux exploits des Êtres Surnaturels, une
réalité est venue à l'existence, que ce soit la
réalité totale, le Cosmos, ou seulement un fragment : une
île, une espèce végétale, un comportement humain,
une institution. C'est donc toujours le récit d'une
« création »: on rapporte comment quelque chose a
été produit, a commencé à être. Le mythe ne
parle que de ce qui est arrivé réellement, de ce qui s'est
pleinement manifesté63(*).
Mircea Eliade ajoute que le rôle essentiel du mythe est
de servir d'éclairer la connaissance sensible du monde : «la
fonction maîtresse du mythe est de révéler les
modèles exemplaires de tous les rites et de toutes les activités
humaines significatives : aussi bien l'alimentation ou le mariage, que le
travail, l'éducation, l'art ou la sagesse »64(*).
Donc selon la perspective de Mircea Eliade, la
réalité se construit à partir du mythe. Thecla dit
à Babakar : « les seules réalités sont
celles qui naissent de l'imaginaire», p.84.
En ce sens, la fiction romanesque puise autant dans le
mythique que dans le réel. La cosmogonie Bambara ainsi que la religion
chrétienne forme le fond de En attendant la montée des
eaux.
Les mythes concernés dans notre recherche appartiennent
à la cosmogonie, qui expliquent la Création de toute chose
animée ou inanimée ou aux mythes fondateurs de l'histoire des
hommes, de leurs cités, de leurs inventions et des techniques de
production. En somme, ces mythes participent à la définition de
l'histoire et constituent une mémoire populaire puisqu'ils
révèlent que « le Monde, l'homme et la vie ont une origine
et une histoire surnaturelles, et que cette histoire est significative,
précieuse et exemplaire65(*)
Concernant le mythe littéraire, Philippe
Sellier66(*)explique,
après avoir défini le mythe comme un récit fondateur, que
lorsqu'on passe du mythe au mythe littéraire certaines
caractéristiques disparaissent, à savoir :
- le mythe littéraire ne fonde ni n'instaure rien,
- les textes qui l'illustrent sont en principe
signés,
- le mythe littéraire n'est pas tenu pour
vrai.
La littérature antillaise, celle-ci fait
référence à des mythes de tous horizons d'une
manière rhizomatique. Ainsi dans La tragédie du roi
Christophe67(*),
Aimé Césaire associe le roi Christophe à la figure du dieu
yoruba Shango, alors que dans sa pièce Une saison au
Congo68(*), il fait
de la figure de Lumumba une sorte de Prométhée. Le mythe
créole de la jarre d'or inspire Patrick Chamoiseau dans
Chronique des sept misères69(*). Pour lui, les mythes constituent une source
d'inspiration au premier degré. Il fait aussi référence
à l'univers biblique dans Texaco70(*)et dans Biblique des derniers
gestes71(*) et a
réécrit le mythe de Robinson Crusoé dans L'empreinte
à Crusoé72(*).
Quand a Maryse Condé, elle s'inspire du mythe de
Frankenstein dans son roman Célanire cou-coupé73(*). Dans En attendant le
montée des eaux, le mythe du déluge est notre objet
d'étude dans ce deuxième chapitre, est le fondement-même de
ce récit.
II.1.De la fonction apocalyptique du déluge
Extrêmement répandus, les
mythes de
catastrophes cosmiques racontent comment le monde a été
détruit et l'humanité anéantie, à l'exception d'un
couple ou de quelques survivants. Les mythes du Déluge sont les plus
nombreux, et presque universellement connus (bien qu'extrêmement rares en
Afrique). À côté des mythes diluviens, d'autres relatent la
destruction de l'humanité par des cataclysmes cosmiques :
tremblements de terre, incendies, écroulement de montagnes,
épidémies. Évidemment, cette fin du monde n'est pas
représentée comme radicale, mais plutôt comme la fin d'une
humanité, suivie de l'apparition d'une humanité nouvelle. Mais
l'immersion totale de la Terre dans les eaux, ou sa destruction par le feu,
suivie de l'émersion d'une Terre vierge, symbolisent la
régression au Chaos et la cosmogonie.
II.1.a. Images cosmiques du déluge
La fin du monde, la mort de la Terre et
l'anéantissement de l'espèce humaine ne sont pas des fantasmes
nouveaux. Cette idée d'une fin malheureuse pour l'ensemble de
l'humanité a une origine mythique et religieuse. Certains de ces mythes
de fin du monde sont d'ailleurs des symboles lourds de sens (Déluge,
Sodome et Gomorrhe, Apocalypse de Jean, etc.).
Dans En attendant la montée des eaux, le
narrateur écrit : « (...). Mais la pluie
n'arrêtait pas de flageller la Nature avec violence et de faire
déborder les ravines les plus secrètes », p.12.
Le déluge s'est déroulé explicitement
dans ce roman, bien que les personnages fassent partie du XXe Siècle. Le
narrateur écrit :
Au cours du XXe Siècle, expliquait Hugo, un ancien
ingénieur de la météo, le niveau des eaux de la mer s'est
élevé d'une dizaine de centimètres. Si cela continue, un
jour, tout disparaîtra. Cette île sera bientôt sous l'eau
comme toutes celles de la région. D'abord, fuyant les fonds
inondés, les habitants se réfugieront à la tête des
mornes et des montagnes. Mais cela ne suffira pas. La mer les rattrapera et les
recouvrira. La Caraïbe ne sera qu'un souvenir. Tout ne sera plus que
vagues violettes couronné d'écume blanche. pp.22-23.
Movar décrit la mer à Babakar :
La mer, c'est terrible ! Quel que soit l'endroit
où tu te places pour la considérer, elle est pareille. C e n'est
pas comme un paysage qui est soit beau soit laid, avec des parties distinctes.
Ou un visage avec des yeux qui sourit ou fait des grimaces. C'est partout une
couleur identique, des vagues qui moutonnent pareillement, par-ci,
par-là, avec des plaques d'un blanc sale de l'écume. p.60.
Puis il ajoute :
Au matin du cinquième jour en mer, une femme qui
n'avait jamais ouvert la bouche et qui lisait la Sainte Bible du matin au soir
s'est levée et a commencé à chanter un air haïtien
bien connu (...). En même temps qu'elle chantait, elle arrachait ses
vêtements les uns après les autres, sa jupe, son corsage, son
soutien-gorge, sa culote et les envoyait voltiger en l'air. Elle est
restée nue. On n'a pas eu le temps d'être gênés. Elle
a enjambé le bord du bateau et a glissé dans l'eau. (...). Mais
elle avait déjà disparu dans les profondeurs et l'eau
était redevenue lisse, pp.60-61.
Ainsi que dans, « Avec cette pluie qui n'en
finissait pas de tomber (...) », p.64.
Movar montre l'enracinement de l'esclavage dans ses
entrailles. Il n'a pas pu se libérer de ce passé noir
gravé à jamais dans la mémoire des Antillais.
Babakar dans l'histoire de notre corpus incarne Noé.
C'est lui qui s'est occupé de tout, avant et après le
déluge: p .310.
Le narrateur écrit des citations pour essayer
d'expliquer les causes de cette fin du monde:« la mort est une
frontière que nul ne franchit deux fois »,
p.171.
Puis il pose une question sans attendre une
réponse: « n'est-ce pas toujours par la faute des hommes
que les paradis sont perdus ? », p.191.
Il insiste sur la nécessité de quelque
chose de: « (...) miraculeuse qui créerait
l'unité du monde », p.212.
Notons aussi les paroles de l'haïtien qui explique
à Babakar : « (...) nous somme maudits (....) nous
aurions conclu un pacte avec le diable pour nous débarrasser des colons
français », p.191.
On va suivre les événements du déluge
selon le roman : Fouad, annonce à Babakar :
« Un terrible cyclone s'approche de nous. Il est
déjà sur les Gonaïves. Là, c'est le troisième
qui leur tombe dessus. On prévoit qu'il descendra directement sur
nous », pp.310- 311.
Et c'est Babakar qui s'occupe des préparatifs en
incarnant le Noé du déluge : « il prit les
mesures de sécurité habituelles », p.310.
Les réfugiés étaient
résignés à se soumettre à leur
fatalité :
Un cyclone, c'est la main encolérée de Dieu qui
s'abat sur un pays. Alors, elle arrache une à une les feuilles des
pié bwa, casse leurs branches, déracine les plus solides, couche
les plus faibles. Elle ne respecte ni pauvres ni riches. Avec égale
fureur, elle aplatit les bateaux de plaisance des bourgeois dans les marinas et
les cases rapiécées des malheureux dans les fonds. Elle s'amuse
à faire valdinguer les voitures et les scooters qui restent dans les
parkings. Quand elle a tout cassé, détruit, alors « Bon
Dieu rit, p.319.
Babakar est qualifié par l'image74(*) de Dieu sur terre :
« Babakar trouva le temps de donner gratis des consultations aux
femmes enceintes » on le surnomme ; papa Loko »
Le narrateur informe le lecteur au sujet de Babak:
Son séjour dans l'île voisine qui,
bon an mal an, recevait son tribu usuel, avait familiarisé Babakar avec
les tempêtes tropicales, les ouragans et autres fureurs du temps. Aussi,
il ne fut guère ému. Néanmoins, il prit les mesures de
sécurité habituelles. Il passa la journée à acheter
des feuilles de contreplaqué afin de barricader portes et
fenêtres. Il grimpa sur les trois blockhaus qui composaient
« La Maison » pour en vérifier
l'étanchéité et fit grouper dans le plus spacieux d'entre
eux la garderie, un grand nombre de lits de camp et de matelas. Il offrit au
personnel auxiliaire- composé en majorité de femmes seules avec
une ribambelle d'enfants à se demander où étaient les
hommes -ainsi qu'à Giscard qui restait dans une case en bois de trouver
refuge à « La Maison », mais il n'avait pas
prévu que nombre de mal-logés viendraient lui demander asile et
qu'il lui faudrait se procurer de quoi coucher une cohorte d'hommes, de femmes
et d'enfants terrifiée , p.319.
Le commencement, le déroulement ainsi que la fin du
déluge se passent exactement comme la description dans les livres
saints :
Peu avant minuit, une pluie torrentielle se déclencha.
Du jamais vu ! Les gouttes, aussi grosses que des balles de ping-pong,
écrabouillaient tout ce qu'elles touchaient. Au matin tout cela
s'arrêta net. Mais ce fut inutile de triturer les boutons des postes de
radio ou de télévision. L'électricité, toujours
fantaisiste, s'était envolée. Aussi, il était impossible
de savoir ce qui arrivait aux Gonaïves et au reste du pays. Dès
neuf heures du matin, une chaleur de fournaise s'installa et le disque dur du
soleil apparut menaçant, implacable. Fouad et Babakar sortirent pour
aller aux nouvelles et compléter leurs provisions. Les
supermarchés étaient gardés comme le Fort Knoxe et
remplis d'hommes en armes, prêts à tirer, car manquant d'argent,
la foule qui se pressait dans les rayons volait tout ce qui lui tombait sous la
main. Carrefour et Jumbo avaient été complètement
pillés, p.311.
En plus, tout le monde se résignent à la
colère de Dieu : « Tout le monde pense que le Bon
Dieu veut en finir avec nous ! », p.313.
Le narrateur peint en détaille cette fin du monde dont
l'être humain ne représente qu'une poussière sur la terre.
Un réfugié prit par cette panique générale
dit :
Vous croyez que c'est un hasard si nous souffrons tout ce que
nous souffrons ? Dictateurs qui nous tuent ou nous obligent à nous
exiler, boat-people qui se noient par milliers. Écoles qui s'effondrent
sur nos enfants. Cyclones, trois dans une seule saison. Inondation... C'est
parce que le Bon Dieu est fatigué avec nous. Haïti n'arrête
pas de pécher. Oui, de pécher. D'abord le vodou. Puis la
fornication. Puis la drogue. Puis toutes sortes de violences et de vols.
(... ). Il avait posé la véritable question, une question
qui restait sans réponse ; La nation
« pathétique » selon le qualificatif d'un de ses
propres enfants était-elle coupable ? De quoi ? Il est vrai
que les victimes sont toujours coupables. (...). Ainsi débuta la
première nuit. Dans le chaos. Bientôt cependant, les bruits
s'éteignirent. Précédés par une rumeur,
énorme, qui semblait sourdre des entrailles les plus secrètes de
la terre, les vents commencèrent leur sabbat. Alors, les gens se
serrèrent les uns contre les autres, p.317.
Ainsi la nature montre son désaccord avec l'Homme, et
lui montre qu'il n'est rien près d'elle :
Les vents se déchaînèrent le restant de
la nuit. Puis une journée et encore une nuit. Puis, un jour entier. Puis
encore une bonne partie de la nuit suivante. Enfin, ils s'apaisèrent
tout à fait et les trombes d'eau qui ruisselaient
s'asséchèrent. Tremblants et assourdis, les hommes et les femmes
ouvrirent les portes et se hasardèrent sur la terrasse, ils ne
reconnurent plus rien autour d'eux, p.318.
Puis après, tout se calme comme si de rien
n'était : « Les jours qui suivent un cyclone
préfigurent l'Armageddon, cette fin du monde que nous redoutons
tous », p.319.
Et, à la fin du déluge c'est la grâce
accordé par Dieu à l'Homme qui se manifeste par
: « un arc-en-ciel qui forçait la porte des
nuages...», p.325.
Et bien sûr, des séquelles qui témoignent
le pouvoir de la force divine : « ce n'était que
cases éventrées, feuilles de tôle éparpiées
à travers les rues et débris de poutres. A certains endroits, des
véritables marigots s'étaient creusés et on avait de l'eau
boueuse jusqu'à mi-corps », p.312.
II.1.b. Images saintes du déluge
L'histoire biblique du déluge a beaucoup
influencé les travaux des premiers géologues jusqu'à
l'avènement des nouvelles théories sur l'âge de la terre et
la dérive des continents. Les traces d'organismes marins et de
coquillages trouvés en montagne étaient perçues comme
autant de résidus du déluge universel... Un déluge
ordonné par Dieu qui aurait submergé la terre toute
entière, éradiquant toute la faune sauf les couples
embarqués par Noé dans son arche. Ce récit propose aussi
que les humains actuels seraient tous les descendants des trois fils de
Noé : Sem, Cham et Japhet : « En ce jour-là se
fendirent toutes les sources de l'immense abîme d'eau et les
écluses des cieux s'ouvrirent»75(*).
« L'an 600 de la vie de Noé, au second
mois, le dix-septième jour du mois, en ce jour-là, toutes les
fontaines du grand abîme se rompirent, et les écluses des cieux
s'ouvrirent. Et le déluge fut sur la terre 40 jours, et toutes les
montagnes qui étaient sous tous les cieux furent
couvertes »76(*).
La Bible affirme explicitement que le déluge77(*) du temps de Noé fut
universel et que tous les oiseaux, tous les animaux terrestres et tous les
humains furent tués, sauf ceux qui se trouvaient dans l'arche. Le
passage de la Bible décrivant le déluge est
particulièrement riche en valeurs numériques. Certaines sont
relatives aux dimensions de l'arche et aux phases de déroulement du
déluge. Au delà de leur sens immédiat, les valeurs
numériques peuvent être considérées comme des
symboles renfermant un message discret :
Et voici comment tu la feras l'arche: trois cent
coudées seront la longueur de l'arche; cinquante coudées sa
largeur et trente coudées sa hauteur...Tu la composeras d'une charpente
inférieure, d'une seconde et d'une troisième »78(*). Sur le plan de l'espace
le rapport entre la longueur et la hauteur de l'arche est de 10 (300 contre 30
coudées), celui entre la longueur et la largeur est de 6 (300 contre 50
coudées). La hauteur est constituée de 3 niveaux de 10
coudées chacun. À la partie supérieure de l'arche on
trouve un « hublot » de 1 coudée de
côté.
La répartition 1 + 3 + 6 = 10 est celle des attributs
divins dans l'arbre de vie (voir chapitre sur l'Arbre de Vie). L'arche est non
seulement un lieu de survie physique, mais elle annonce un retour spirituel.
Le déluge commence le 17ème jour du 2ème
mois de la première année, soit 217 et Noé sort de l'arche
le 27ème jour du 2ème mois de l'année suivante, soit 227.
La somme des valeurs numériques des deux nombres est respectivement 10,
puis 11, 10 signifiant qu'un cycle est accompli, 11 annonçant un nouveau
cycle.
Dans le Coran, Sourate Hud. VERSET
« 38 ». Et il construisait l'arche. Et chaque fois que des
notables de son peuple passaient près de lui, ils se moquaient de lui.
Il dit: « 39 ». Et vous saurez bientôt à qui
viendra un châtiment qui l'humiliera, et sur qui s'abattra un
châtiment durable! « 40 ».
Puis, lorsque Notre commandement vint et que le four se mit
à bouillonner d'eau, Nous dîmes: « Or, ceux qui avaient cru
avec lui étaient peu nombreux. (...) « 42 ». Et elle
vogua en les emportant au milieu des vagues comme des montagnes. Et Noé
appela son fils, qui restait en un lieu écarté (non loin de
l'arche): « Mon enfant, monte avec nous et ne reste pas avec les
mécréants ». « 43 ». (...) Et les vagues
s'interposèrent entre les deux, et le fils fut alors du nombre des
noyés ». « 44 ». Et il fut dit: « Terre,
absorbe ton eau! Et toi, ciel, cesse de pleuvoir! ». L'eau baissa, l'ordre
fut exécuté, et l'arche79(*) s'installa sur le Joudi (...).
« 48 ». Il fut dit: « Noé, débarque
avec notre sécurité et Nos bénédictions sur toi et
sur des communautés issues de ceux qui sont avec toi. Et il y en aura
des communautés auxquelles Nous accorderons une jouissance temporaire;
puis un châtiment douloureux venant de Nous les toucheras ».
Bien que le Qour'aane fasse allusion au Déluge qui a eu
lieu à l'époque de Nouh (alayhis salâm), il ne
précise pas pour autant quel a été l'étendue de la
surface touchée. C'est pour cette raison qu'il y a toujours eu des
divergences entre les savants musulmans à ce sujet. Une partie des
savants pensent que le Déluge80(*) a été universel. C'est par ailleurs
l'opinion des juifs et des chrétiens. Mais il y a un très grand
nombre de savants musulmans qui croient plutôt que le Déluge n'a
eu lieu qu'à l'endroit où vivait le peuple de Nouh (alayhis
salâm) et non pas sur toute la surface de la terre. Cette seconde opinion
apparaît comme étant la plus plausible. J'ajouterai même que
le Dr. Kassab, dans son excellent ouvrage "Les mille vérités
scientifiques du Qour'aane" affirme également que le Déluge a
été régional, et il apporte des arguments probants pour
appuyer ses dires.
La construction du bateau81(*) prendra de nombreuses années. On parle de 200
et plus. Entre temps, les gens de l'époque aiguiseront leurs moqueries
envers Noé (sur lui la Paix !). Il est vrai qu'il sera le premier homme
à construire, sur ordre divin, une pareille embarcation, et son peuple
allait découvrir en final le vrai but de sa construction.
Et lorsque Notre commandement vint, et que le four se mit
à lancer des jets d'eau, (...) (Coran XI 40) :
« Puis, lorsque Notre commandement
vint et que le four se mit à bouillonner d'eau, Nous dîmes :
« Charge dans l'arche un couple de chaque espèce ainsi que ta
famille » - sauf ceux contre qui le décret est
déjà prononcé - et ceux qui croient. Or, ceux qui avaient
cru avec lui étaient peu nombreux »82(*).
Le Coran met par ailleurs ces paroles dans la bouche de
Noé, s'adressant à ses contemporains : « Montez dedans. Que
sa course et son mouillage soient au nom d'Allah » (Coran XI 41)83(*).
Noé et ses compagnons passèrent seulement
quarante jours à bord de l'embarcation, au bout desquels il envoya un
corbeau pour les nouvelles, selon les commentateurs. Mais ce dernier
s'arrêta pour se repaître d'une charogne, et à Noé
d'envoyer alors un autre oiseau, une colombe qui revint avec une branche
d'olivier en son bec. Et il vit aussi que ses deux pattes étaient
pleines de glaise. Il comprit alors que l'eau s'était retirée. Il
fit, dans son invocation, que le corbeau soit prit par la peur. C'est pour cela
qu'il ne fréquente pas les maisons. Quand à la colombe
parée par cette branche verte en son bec, Noé pria pour elle pour
la sécurité. C'est pour cela qu'elle fréquente les
maisons84(*).
Noé quitta l'arche le dixième jour du mois
lunaire : Mouharram, c'est-à-dire à l'Achoura. Il ordonnera
à tous de jeûner en ce jour béni, en remerciement d'avoir
été sauvé du déluge85(*).
La version toranique sera quelque peu différente. Le
septième mois, le dix-septième jour du mois, l'arche
s'arrêta sur les montagnes d'Ararat (Gen. 8:4), ce qui signifie que le
dix-septième jour de Nisan (le septième mois de l'année),
l'arche s'arrêta sur les monts d'Ararat.
La mise en discours du déluge dans le récit
biblique et dans des exemples discursifs variés du point de vue
historique, littéraire, culturel a permis de formuler l'hypothèse
selon laquelle les éléments figuratifs et narratifs du
déluge transcendent les catégories génériques pour
se reconfigurer autour de certaines postures privilégiées:
allégoriques, écologique, éthique, ironique, rationnelle,
etc.
II.2.Du déluge au perpétuel
recommencement
Le motif du déluge86(*)est intéressant par ses dimensions religieuses
et anthropologiques inéluctables. Mais aussi par ses manifestations
à portée tragique ou parodique dans les textes religieux,
littéraires ou mystiques : sans oublier ses résonances
écologiques et médiatiques actuelles. C'est d'un point de vue
littéraire et selon une approche sémiotique que ce motif est
analysé.
II.2.a. Mythes des origines
Puisqu'il traverse plusieurs discours mythique, religieux,
littéraire, juridique, artistique, etc., nous postulons que le motif du
déluge fonctionne à la fois comme un model présentant des
éléments structuraux permanents et importables en
différents types de discours, mais qu'il se comporte également
comme une structure ouverte permettant de multiples variations. Au sein des
divers ensembles discursifs, le motif du déluge semble donc susceptible
d'être transformer ou ré catégorisé par rapport aux
valeurs et au fonctionnement qu'il affiche dans le récit biblique
souvent plus connu.
Les récits du déluge dans les textes
mésopotamiens du troisième et deuxième millénaire
avant Jésus Christ ont retenu l'attention du groupe ainsi que notre
attention. Ils ont été largement étudiés comme
texte parallèle et source éventuelle de récit biblique.
D'ailleurs, plusieurs récits mésopotamiens nous sont parvenus,
entre autre, par Le Poème d'Atlas-Hasis (cf. biblla, N° 11), qui
aurait inspiré L'Epopée de Gilgamesh. En fait, on peut conclure
à une multitude de déluges survenus ou imaginés par les
peuples anciens pour expliquer les phénomènes naturels.
Si les reprises de Genèse 6-9 dans la Bible
elle-même sont peu nombreuses, par contre les manifestations du motif du
déluge dans la tradition Chrétienne fonctionnent sous la forme de
commentaires, d'homélies ou de catéchèses baptismales.
Quand ces textes patristiques retiennent l'attention des
exégètes, des théologiens, et des pasteurs, c'est comme
interprétation traditionnelle du texte biblique. Nous nous y
intéressons plutôt pour cerner comment le motif du déluge y
est mis en discours, parmi quelques textes typiques du connu taire (Didyme
l'aveugle), de l'homélie (Origène et Jean Chrisostome), et du
traité baptimal (Tertullien), (...), (Michel Fugain, Christiane
Frenette, Arthur Rimbaud ; plusieurs textes font référence
à la destruction du monde et à son renouveau)87(*).
En attendant la montée des eaux, reprend, sur
le mode métaphorique, le motif et les figures du déluge pour les
intégrer à une histoire inédite ayant pour une toile de
fond les catastrophes naturelles mystérieuses. Ce drame provoque chez
certains personnages une remise en question radicale de l'existence
rangée et frileuse qu'ils mènent. Le récit biblique
devient, dans ce cadre, un grand récit assurant un arrière plan
culturel et référentiel à leur expérience
intérieure.
Dans les grandeurs élémentaires de la narration
on trouve couchées toutes les évidences de notre monde et dans
les formes du travail littéraire que les enjeux de ces mythes seront
pris en charge.
Déjà le titre, En attendant la montée
des eaux, du roman de Maryse Condé, indique bien sous quel
angle l'auteure entend aborder la mise en récit du déluge :
c'est en effet l'histoire sacrée de Noé le juste,
personnifié par Babakar Traoré, celui que Dieu a choisi pour
construire une arche (la Maison) et accomplir son dessein qui, dans le texte se
verra accorder un rôle de premier plan. Babakar constitue une figure
centrale de ce texte, tant sur le plan narratif, par les fonctions actantielles
qu'il sera amené à assumer tout au long du récit, que sur
le plan énonciatif, du fait qu'il forme un véritable pôle
dans l'organisation signifiante du discours. Les faits et gestes de Babakar,
ses préoccupations, les pensées qui l'habitent et les
événements troublantes recouvrent presque entièrement
l'espace du texte que l'on pourrait d'ailleurs résumer comme le point de
vue se Noé sur le déluge, et peut être plus encore la
transformation de Noé pendant le déluge (Babakar : ses
paroles, ses réactions émotives, ses pensées. Noé
se construit essentiellement par les gestes exécutés en
réponse au commandement du Saigneur.
La transformation positive, qui marque Babakar après
avoir « retrouver Anais », constitue,
à première vue, une construction assez radicale du personnage en
regard de ses plus fréquentes manifestations et une charge critique
vigoureuse à l'endroit de la quête de renouveau souvent
associée au motif déluge: « Babakar était un
passionné, un sauvage, d'un naturel peu communicatif (...) il vivait
dans l'isolement le plus total. Il ne fréquentait personne et personne
ne le fréquentait », p.22.
On voit clairement le changement qui règne après
l'apparition miraculeuse d'Anaïs: « le lendemain, le soleil
(...) après la pluie, le beau temps », p.25.
L'évidence de ce renouveau est plus que mise en doute
à la fin du récit au point où l'on peut se demander si le
juste en Noé a bien survécu au déluge.
S'ouvrant sur les premières gouttes de pluie
annonciatrices du déluge, Babakar se termine sur la
déchéance du personnage éponyme (Babakar qui veut dire le
père de la vierge) qui suit la destruction de l'ancien monde (Daniel
dans le chapitre 9, a annoncé que Jésus naîtrait avant la
destruction du Temple de Jérusalem par les soldats
romains).88(*)L'essentiel du récit s'attache toutefois
à l'épisode même du déluge, incluant le travail de
construction de l'arche (La Maison) évoqué lors des
prévisions météo logiques. D'emblée le récit
se montre attentif à Noé (Babakar), à ses gestes et
réflexions...
La description des détails de la montée des eaux
et le retrait. Privilégie les idées et les sentiments89(*) de Babakar sans être
abstrait (cadre spatiotemporel) ce qui fait que la représentation du
monde est davantage ordonnée à une expérience sensorielle
que réflexive. (Réflexion de Babakar par rapport à
Dieu.90(*)
Notons, en outre, que le feu est aussi un symbole
érotique de la passion qui consomme de l'intérieur la personne
qui est en sa proie. P115 le feu : L'incendie de la maison de Movar :
« Quelques jours plus tard, la maison de Movar flamba en pleine
nuit comme papier à cigarettes. Le malheureux ne put sauver que le
caleçon qu'il portait pour dormir », p. 88. Et :
« (...) Mais le pays tout entier qui s'est
incendié. Tous les gens qui aimaient le Président, une foule,
sont sortis dans les rues. Au champ de Mars, ça tirait de partout. Les
corps des blessés et ceux des morts baignaient dans le même sang.
On ne s'occupait pas d'eux. On y voyait comme en plein jour à cause des
flammes des incendies, rouges comme des boucans », p.53.
Le mythe du déluge est l'une de ces histoires que l'on
retrouve dans de nombreuses mythologies. Le schéma conducteur est
identique et cette coïncidence est assez troublante. On y parle d'un dieu
ou de dieux mécontents des hommes qui détruisent le monde par une
inondation.
Cependant, à chaque fois, il y a deux survivants qui
permettent à l'humanité de repartir à zéro. En se
basant sur sept mythologies sélectionnées, on peut en
dégager un sens plausible: la mythologie égyptienne,
grecque, nordique, babylonienne, chinoise et amérindienne. Il est
également intéressant de comparer ces mythologies propres aux
religions polythéistes avec la mythologie biblique qui, bien que
fondée sur un Dieu unique, reprend largement le mythe du
déluge.
En mythologie grecque, il existe plusieurs versions du mythe
de déluge chez les Grecs. La version la plus aboutie du mythe du
déluge nous vient du poète Ovide, un Romain qui a vécu au
I er siècle avant notre ère.
Selon la mythologie babylonienne, le déluge de
Ninive : 11e tablette de l'épopée de Gilgamesh, la
Mésopotamie (Irak aujourd'hui) est la source de nombreux mythes qui
comptent parmi les plus anciens que l'on connaisse. Le récit est
conté à Gilgamesh par le héros Utanapishtim. Les
similitudes avec le déluge biblique sont frappantes.
L'Epopée de Gilgamesh connue grâce à
un texte assyrien du VIIe siècle av. J.-C, mais elle est à coup
sûr beaucoup plus ancienne. Elle semble s'inspirer, dans son récit
du déluge, du mythe babylonien d'Atrahasis. Elle reflète en tout
cas une vaste tradition mésopotamienne relative à la grande
inondation :
ELÉMENTS DU RÉCIT
|
|
GENÈSE
|
|
GILGAMESH
|
Le motif
|
|
Le Seigneur (YHWH) décide de détruire les humains
au moyen du déluge, parce que tous se sont pervertis (Gn 6.13).
|
|
Les dieux décident de détruire les humains au moyen
du déluge -- selon l'épopée d'Atrahasis, ils ne supportent
plus le bruit que font les humains (c.-à-d. leurs doléances, leur
révolte?).
|
L'avertissement
|
|
Le Seigneur avertit de sa décision Noé, le seul
homme qui agisse selon sa volonté. Il lui ordonne de construire une
arche (un coffre) pour sa survie ainsi que celle de sa famille et des
animaux (plusieurs représentants de chaque espèce; Gn
6.9,11-21).
|
|
Ea, le dieu des eaux douces (un des créateurs de
l'humanité), avertit Outanapishtim de la décision des dieux. Il
lui ordonne de construire un bateau pour sa survie et celle de toutes les
espèces vivantes. Il lui dit quoi répondre si on l'interroge sur
ce qu'il est en train de faire.
|
La construction de l'arche et l'entrée dans
l'arche
|
|
Noé obéit au Seigneur. Il construit l'arche
selon les mesures que Dieu lui a indiquées. Avec sa femme, ses
fils, ses belles-filles et les animaux, il entre dans l'arche (Gn 6.22-7.9).
|
|
Outanapishtim obéit à Ea; il construit le bateau
selon les mesures qu'on lui a indiquées. Avec sa famille et ses biens,
les artisans qui l'ont aidé et les animaux, il monte dans le bateau.
|
Le déluge
|
|
Le Seigneur ferme la porte de l'arche. Le déluge
commence et dure quarante jours, après quoi Dieu fait cesser la
pluie. Les eaux recouvrent la terre pendant près d'un an, et l'arche
échoue sur les monts d'Ararat (Gn 7.10-8.5).
|
|
Outanapishtim ferme la porte du bateau. Le déluge commence
et dure sept jours. Il est si terrible que les dieux eux-mêmes prennent
peur et vont se réfugier au plus haut des cieux. La grande déesse
Ishtar, prise de pitié, regrette sa décision. Les eaux recouvrent
la terre pendant un peu plus d'un mois. Le bateau échoue sur le mont
Nitsir.
|
Les oiseaux
|
|
Noé envoie un corbeau, puis une colombe, pour voir si les
eaux ont baissé (8.6-14).
|
|
Outanapishtim envoie une colombe, une hirondelle et un corbeau,
pour voir si les eaux ont baissé.
|
La sortie de l'arche
|
|
Noé, sa famille et les animaux sortent de l'arche sur
l'ordre du Seigneur (Gn 8.15-19).
|
|
Outanapishtim voit l'état de la terre. Il ouvre les portes
du bateau et tous sortent, sauf lui. Il est découragé, parce
qu'il a vu les cadavres dispersés sur toute la terre retourner à
la poussière. Malgré tout, il finit par sortir.
|
Le sacrifice et ses effets
|
|
Noé érige un autel et offre des sacrifices au
Seigneur. Les sacrifices plaisent au Seigneur, qui promet de ne plus jamais
maudire la terre à cause des humains, et de ne plus jamais
détruire tous les êtres vivants (Gn 8.20-22).
|
|
Outanapishtim offre un sacrifice d'action de grâces aux
divinités, qui accourent et s'agglutinent comme des mouches autour du
sacrifice. Ishtar invite tous les dieux à prendre part au sacrifice,
sauf Enlil qui a provoqué une destruction dépassant tout ce que
les autres dieux avaient imaginé. Enlil est en colère parce que
des humains ont survécu. Après avoir parlé avec Ea, il se
calme.
|
La bénédiction divine
|
|
Le Seigneur bénit Noé et les siens. Il leur
ordonne de remplir la terre et leur donne pouvoir sur les animaux. Ils
pourront utiliser tous les animaux et tous les végétaux pour se
nourrir, mais il leur est interdit de manger la viande avec le sang. Dieu
demandera des comptes pour la vie de tout être humain (Gn 9.1-7).
|
|
Enlil bénit Outanapishtim et lui permet de devenir
immortel et semblable aux dieux.
|
La promesse divine
|
|
Le Seigneur conclut une alliance avec Noé et ses
descendants (c.-à-d. avec toute l'humanité): il ne
détruira plus jamais les humains et les animaux par un
déluge (Gn 9.8-17).
|
|
Ishtar annonce qu'elle n'oubliera jamais ce qui s'est
passé.
|
L'épopée de Gilgamesh date de plus de 4 000 ans
avant notre ère. Utanapishtim, citoyen de la cité babylonienne de
Shuruppak, reçoit un message secret du dieu Ea l'avertissant que les
dieux sont sur le point de noyer la terre sous un déluge.91(*).
Dans un grand nombre de mythes, le Déluge est
rattaché à une faute rituelle qui a provoqué la
colère de l'Être suprême : parfois il résulte
simplement du désir d'un Être divin de mettre fin à
l'humanité. Mais, si l'on examine les mythes qui annoncent l'imminence
du Déluge, on retrouve, parmi les causes principales, non seulement les
péchés des hommes, mais aussi la décrépitude du
monde. On peut dire alors que le Déluge a ouvert la voie à la
fois à une recréation du monde et à une
régénération de l'humanité.
II.2.b. L'actualité en mythe
Les
mythes de
catastrophes cosmiques racontent comment le monde a été
détruit et l'humanité anéantie, à l'exception d'un
couple ou de quelques survivants. Les mythes du Déluge sont les plus
nombreux, et presque universellement connus. À côté des
mythes diluviens, d'autres relatent la destruction de l'humanité par des
cataclysmes cosmiques : tremblements de terre, incendies,
écroulement de montagnes, épidémies. Évidemment,
cette fin du monde n'est pas représentée comme radicale, mais
plutôt comme la fin d'une humanité, suivie de l'apparition d'une
humanité nouvelle.
Mais l'immersion totale de la Terre dans les eaux, ou sa
destruction par le feu, suivie de l'émersion d'une Terre vierge,
symbolisent la régression au Chaos et la cosmogonie. Dans un grand
nombre de mythes, le déluge est rattaché à une faute
rituelle qui a provoqué la colère de l'Être
suprême : parfois il résulte simplement du désir d'un
Être divin de mettre fin à l'humanité. Mais, si l'on
examine les mythes qui annoncent l'imminence du Déluge, on retrouve,
parmi les causes principales, non seulement les péchés des
hommes, mais aussi la décrépitude du monde. On peut dire alors
que le Déluge a ouvert la voie à la fois à une
recréation du monde et à une régénération de
l'humanité.
A partir d'une réécriture du mythe, nous
pourrons déceler quelques repères qui vont nous aider à
traiter le mythe du déluge dans un cotexte actuel:
Dans En attendant la montée des eaux, Hugo
Morino annonce le déluge dés ses premiers signes : pp.22-23
( pages déjà citées). Puis :
« Avec cette pluie qui n'en finissait pas de
tomber (...) », p.64.
Par ailleurs, le mythe dit : «
Égarés par la toute-puissance, les hommes ont transgressé
et même inversé toutes les lois, qui permettent de vivre dans la
cohérence et la paix ». Et dans le roman le narrateur
ajoute : « n'est-ce pas toujours par la faute des hommes que
les paradis sont perdus ? ». Et pour compléter,
Thecla dit un soir à Babakar : « le pouvoir : le
fond du problème c'est la recherche du pouvoir », p.114. On
voit que Dieu est fâché contre le peuple, et c'est pour cela qu'il
les châtie.
Aussi ce ne sont pas simplement les hommes qui en ont subi les
conséquences mais l'univers terrestre tout entier s'est
trouvé ébranlé, au point que les limites entre la mer et
la terre se sont effacées. Sous l'effet de pluies incessantes, l'eau a
fini par recouvrir tout l'espace habité jusqu'au sommet des montagnes.
Ainsi ce qui était source de vie est devenu source de mort. Au lieu de
féconder la terre et assurer la subsistance des animaux et des hommes,
l'eau a tout englouti dans la mort.
Il n'est pas difficile de faire le lien du déluge avec
le roman de Maryse Condé. Ce n'est plus l'eau qui est en cause, mais
c'est l'argent et le pouvoir, expression des richesses permettant de vivre et
de survivre, qui contribue à nous enfoncer dans le désastre.
L'argent et le pouvoir sont sortis du jeu symbolique. Au lieu de promouvoir une
économie de l'homme et du sujet, il est devenu un « diviseur
». A force de spéculations financières et des courses pour
le pouvoir, les gains faciles des uns entraînent la misère des
autres et les personnages du roman de notre corpus ne savent pas comment sortir
de ce monde en folie. Or, voici ce que dit le mythe grec: « Un
petit reste, à la marge, qui permet de sortir du
système » Il n'est plus possible de permettre au
système, conduisant à sa perte, de se transformer par
lui-même. Il faut interroger la marge qui s'est mise à distance.
Le mythe nous parle d'un « petit bateau dans lequel s'étaient
réfugiés Deucalion, fils de Prométhée et Pyrrha sa
femme... Prométhée (l'homme prévoyant et critique) les
avait prévenus à temps et leur avait donné une solide
embarcation (capable de résister au système destructeur). Lorsque
Zeus (figure de la raison) vit que les seuls rescapés étaient
Deucalion et Pyrrha, tous deux honnêtes justes et pieux, il dispersa les
nuages, montrant les cieux à la terre et la terre au ciel. » Il
suffit d'un petit reste, qui a conservé le lien entre la terre et le
ciel, sans perdre la raison, pour envisager une recréation de l'homme.
Deucalion, fils de Prométhée, l'évoque sans détour
: « Deucalion soupira doucement : « Chère Pyrrha, dit-il,
nous sommes les seuls survivants ; qu'allons-nous faire ? Si seulement, je
pouvais comme mon père, créer l'homme avec l'argile ! »
« Le temps nécessaire du recueillement pour retrouver
l'écoute intérieure » Il semble que la parole
créatrice, élan de vie traversant l'univers, parle à
l'intérieur de l'homme. Encore faut-il l'écouter pour savoir ce
qu'il faut faire.
Babakar prépare La Maison et la nourriture pour ses
amis et les pauvres et sans abris avant le déluge :
« Un terrible cyclone s'approche de nous. Il st déjà
sur les Gonaïves. Là, c'est le troisième qui leur tombe
dessus. On prévoit qu'il descendra directement sur nous », pp.
310-311.
Babakar est un habitué pour ce genre de
préparatifs :
Son séjour dans l'île voisine qui, bon an mal
an, recevait son tribu usuel, avait familiarisé Babakar avec les
tempêtes tropicales, les ouragans et autres fureurs du temps. Aussi, il
ne fut guère ému. Néanmoins, il prit les mesures de
sécurité habituelles. Il passa la journée à acheter
des feuilles de contreplaqué afin de barricader portes et
fenêtres. Il grimpa sur les trois blockhaus qui composaient
« La Maison » pour en vérifier
l'étanchéité et fit grouper dans le plus spacieux d'entre
eux la garderie, un grand nombre de lits de camp et de matelas. Il offrit au
personnel auxiliaire- composé en majorité de femmes seules avec
une ribambelle d'enfants à se demander où étaient les
hommes -ainsi qu'à Giscard qui restait dans une case en bois de trouver
refuge à « La Maison », mais il n'avait pas
prévu que nombre de mal-logés viendraient lui demander asile et
qu'il lui faudrait se procurer de quoi coucher une cohorte d'hommes, de femmes
et d'enfants terrifiée, p.310.
Puis après, c'est le commencement du
déluge:
Peu avant minuit, une pluie torrentielle se
déclencha. Du jamais vu ! Les gouttes, aussi grosses que des balles
de ping-pong, écrabouillaient tout ce qu'elles touchaient. Au matin tout
cela s'arrêta net. Mais ce fut inutile de triturer les boutons des postes
de radio ou de télévision. L'électricité, toujours
fantaisiste, s'était envolée. Aussi, il était impossible
de savoir ce qui arrivait aux Gonaïves et au reste du pays. Dès
neuf heures du matin, une chaleur de fournaise s'installa et le disque dur du
soleil apparut menaçant, implacable. Fouad et Babakar sortirent pour
aller aux nouvelles et compléter leurs provisions. Les
supermarchés étaient gardés comme le Fort Knoxe et
remplis d'hommes en armes, prêts à tirer, car manquant d'argent,
la foule qui se pressait dans les rayons volait tout ce qui lui tombait sous la
main. Carrefour et Jumbo avaient été complètement
pillés, p.311.
Un des réfugiés dit pendant le
déluge :
Un cyclone, c'est la main
encolérée de Dieu qui s'abat sur un pays. Alors, elle arrache une
à une les feuilles des pié bwa, casse leurs branches,
déracine les plus solides, couche les plus faibles. Elle ne respecte ni
pauvres ni riches. Avec égale fureur, elle aplatit les bateaux de
plaisance des bourgeois dans les marinas et les cases rapiécées
des malheureux dans les fonds. Elle s'amuse à faire valdinguer les
voitures et les scooters qui restent dans les parkings. Quand elle a tout
cassé, détruit, alors « Bon Dieu rit, p.319.
C'est bien clair que les réfugiés sont
au courant de la colère de Dieu contre eux. Donc c'est une
fatalité qu'ils doivent subir.
Babakar a joué le rôle de Noé :
« Babakar trouva le temps de donner gratis des consultations aux
femmes enceintes, on le surnomme papa Loko », p.325.
Et après le déluge c'est le beau
temps :
Un arc-en-ciel qui forçait la porte des
nuages.... ». « Vous croyez que c'est un hasard si nous
souffrons tout ce que nous souffrons ? Dictateurs qui nous tuent ou nous
obligent à nous exiler, boat-people qui se noient par milliers.
Écoles qui s'effondrent sur nos enfants. Cyclones, trois dans une seule
saison. Inondation. C'est parce que le Bon Dieu est fatigué avec nous.
Haïti n'arrête pas de pécher. Oui, de pécher. D'abord
le vodou. Puis la fornication. Puis la drogue. Puis toutes sortes de violences
et de viols » p334.
Le narrateur se pose une question qui reste sans
réponse :
« Il avait posé la véritable
question, une question qui restait sans réponse ; La nation
« pathétique » selon le qualificatif d'un de ses
propres enfants était-elle coupable ? De quoi ? Il est vrai
que les victimes sont toujours coupables », p.318.
Tout se déroule, dans le roman, exactement comme le
récit mythique du déluge :
Ainsi débuta la première nuit. Dans le chaos.
Bientôt cependant, les bruits s'éteignirent.
Précédés par une rumeur, énorme, qui semblait
sourdre des entrailles les plus secrètes de la terre, les vents
commencèrent leur sabbat. Alors, les gens se serrèrent les uns
contre les autres. « Le vent se déchaîna le restant de
la nuit. Puis une journée et encore une nuit. Puis, un jour entier. Puis
encore une bonne partie de la nuit suivante. Enfin, ils s'apaisèrent
tout à fait et les trombes d'eau qui ruisselaient
s'asséchèrent. Tremblants et assourdis, les hommes et les femmes
ouvrirent les portes et se hasardèrent sur la terrasse, ils ne
reconnurent plus rien autour d'eux, p.318.
Dehors : « ce n'était que cases
éventrées, feuilles de tôle éparpillées
à travers les rues et débris de poutres. A certains endroits, des
véritables marigots s'étaient creusés et on avait de l'eau
boueuse jusqu'à mi-corps », p.312. Ensuite :
« Tout le monde pense que le Bon Dieu veut en finir avec
nous ! », p.313.
Et : « Les jours qui suivent un cyclone
préfigurent l'Armageddon, cette fin du monde que nous redoutons
tous », p.319.
Le myhe dit : «Les yeux, pleins de larmes,
Deucalion et Pyrrha se mirent à prier sur les marches pleines de mousse
du temple de Zeus. Ils l'implorèrent de les aider à rendre la vie
à la terre ».
Sans oublier que la plupart des malheurs de l'homme tiennent
à la perte de son écoute intérieure. C'est ce qu'ont bien
compris les spécialistes de la psychanalyse. C'est ce qu'avait
déjà compris, bien avant eux, Shéhérazade, dans les
Mille et Une Nuits. Patiemment, au cours de Mille et une Nuits, elle a
travaillé à rétablir, chez le roi, son mari, le lien perdu
à la parole créatrice, porteuse de vie. En réalité,
l'homme n'est pas un individu isolé. Même si, comme le dit le
mythe, tous les autres êtres humains, à part Pyrrha, sont
morts, il n'en reste pas moins que chacun fait partie d'une humanité
plurielle à reconstruire. Or cette humanité où
convergeraient les paroles créatrices, en interaction les unes avec les
autres, représente le temple vivant qui s'oppose au temple de pierre. Il
devient urgent de passer de l'un à l'autre. C'est bien ce que propose
Zeus aux deux rescapés du déluge : « Quittez ce temple,
voilez vos têtes... » Pour avoir invoqué un tel passage,
certains ont été accusés de blasphème et ont
payé de leur vie un projet apparemment destructeur. Mais les trois
amis ; Monvar, Babakar et Fouad n'ont pas construit les temples de
l'argent et du pouvoir, où du matin jusqu'au soir les plus habiles
s'efforcent de multiplier leurs richesses en prenant le pain des pauvres. S'il
ne faut plus s'enfermer dans des temples de pierre, pour passer de la
prière à une recréation, comme le prétend Zeus
lui-même, combien est-il plus urgent de quitter les temples de l'argent
pour construire de nouveaux temples, où chaque pierre serait un
être humain, libre et créateur de véritables richesses.
« Jeter la mort derrière soi pour en faire surgir la
vie ». Thécla dit à Babakar :
« tu exercera ton métier, un des plus beaux du monde.
Comme d'habitude, tu ne te soucieras pas de gagner de l'argent, mais faire le
bien (...) », p.165.
Puis, le narrateur se pose une question sans s'attendre
à une réponse : « Pourquoi toutes ces
souffrances ? À qui profitent-elles », p.115.
En attendant la montée des eaux, est un texte
submergé de catastrophes ; guerres civiles, cyclone, incendie
tremblement de terre. Nul ne peut se sauver excepté celui qui s'abrite
dans « l'Arche de l'Esprit », comme le fait Noé dans le mythe
judaïque, et Deucalion, fils de Prométhée, dans le mythe
grec. L'un et l'autre créent une nouvelle descendance, Purifiée
de vice (une nouvelle époque culturelle), comme l'indique, dans le mythe
judaïque, le symbole de l'Alliance, accordée à
l'Esprit-Dieu, et concrétisée par le signe de
l'arc-en-ciel : « un arc-en-ciel qui forçait la porte
des nuages.... », p.325.
Il serait tentant de penser qu'un savoir universel
réside dans la mémoire humaine ; savoir qui nous viendrait d'un
lointain héritage. Cette théorie nous ramène à une
première humanité qui aurait disparu pour laisser un maigre
héritage aux rares survivants. Les esprits plus rationnels penchent tout
simplement pour une communication orale d'un mythe du fait que l'homme, de tout
temps, a toujours voyagé. Avant l'invention de l'écriture,
l'homme communiquait. Il y a-t-il eu emprunt de ces mythes qui sont venus se
greffer sur les croyances locales ?
Schéma du récit mythique du
déluge
8- LA NOUVELLE FECONDITE
DE LA VIEILLE TERRE
Ses ossements jetés en arrière (les pierres) Les
pierres transformées en femmes et en hommes. Une autre catastrophe
naturelle : un tremblement de terre.
|
1- LA CORRUPTION DES
HOMMES
Viols, crimes, impiétés, mensonges. Crime contre
l'hospitalité
Babakar et Hassan . La sorcière Sô Fanfane
qui soutire de l'argent des clients
|
|
7-BIENVEILLANCE DE ZEUS
Inquiétude
Deucalion et Pyrrha. Leur prière exaucée. Le
conseil de Zeus
La prière de Babakar et des réfugiés
Est exaucée
|
2-LYCAON PROVOQUE ZEUS,
EN SACRIFIANT, POUR LUI
UN ETRE HUMAIN
Un otage mis à mort, Cuit et servi à Zeus
Movar tué par son propre oncle
|
9-UNE NOUVELLE RACE
D'HOMMES
Actifs
Résistants au travail et A la souffrance. Une nouvelle
race dure. Comme la pierre
Babakar et Fouad avec Anaïs décident de rester
à Haïti avec un espoir de trouver le bonheur.
|
6-DEUCALION ET PYRRHA
EPARGNEE PAR ZEUS
La solide embarcation. De Prométhée
Les deux rescapés,. Honnêtes et pieux
Le déluge arrêté
Babakar réunit des gens dans La maison pour les sauver
du déluge
|
3-COLERE DE ZEUS
Le palais de Lycaon foudroyé. Lycaon transformé
en Loup sanguinaire
les incendies et les tremblements. de terre en plus des guerres
intestines
|
|
5-LA MORT DES HOMMES
CORROMPUS ET DE TOUS LES ETRES VIVANTS
Crimes et mort des gens dans les rues tués
|
4-TOUTE LA TERRE SOUSL'EAU OU LE DELUGE
La pluie
Le débordement des Rivières et des fleuves
|
II.3. De l'intertextualité
La diversité du champ lexicale véhicule la
polyphonie du roman. Julia Kristeva retient l'idée que :
« tout texte se construit comme mosaïque de citations, tout
texte est absorption et transformation d'un autre texte. À la place de
la notion d'intersubjectivité s'installe celle d'intertextualité
(...) »92(*).
Dans l'espace textuel du roman, il n y a que du langage qui
abolit l'histoire et neutralise la diachronie. Au sein de cet univers de texte,
il s'agit d'être sensible aux interférences qui constituent la
littérature comme un champ de force.
La Bible et les textes littéraires profanes se
distinguent l'un de l'autre. La Bible, oeuvre sacrée, la manière
dont ses écrits sont intégrés dans le roman est
différente de la relation que la cosmogonie kongo entretient avec la
littérature du fait qu'elle appartienne à la tradition orale.
Cependant étant une forme textuelle fixe, la relation de la Bible avec
toute autre oeuvre écrite sera donc de l'ordre de
l'intertextualité93(*).
II.3.a. La sanctification
La Bible véhicule un message sacré. Elle est
considérée comme un texte ancien de la tradition de
l'écriture. La relation que la littérature entretient avec elle
s'appuie sur sa force poétique et sa forme narratologique fragmentaire.
C'est ce que l'on voit dans le roman de Maryse Condé où son
influence se réalise à plusieurs niveaux : dans la structure
globale de l'oeuvre, dans sa paratextualité94(*) et enfin à travers
l'évocation d'un chapitre essentiel pour l'écrivain congolais,
L'Apocalypse de Jean dont certains passages sont repris sous forme de citation
dans le récit romanesque.
Dans le cadre d'intertextualité avec la Bible, le
narrateur sollicite les évangiles dans leur forme et leur fond en
intégrant des récits authentiques de la Bible dans le discours
romanesque. Le roman évoque les personnages saints, les prend en exemple
ou cite des passages entiers de l'ancien ou du nouveau testament. Le chapitre
de l'Apocalypse est récurrent dans la fiction, il est lu par un
personnage ou il est intégré au discours romanesque qui reprend
certains extraits. Une fois inscrites dans l'univers fictif les
écritures saintes ne sont pas désacralisées mais elles
sont orientées vers un but qui n'est plus religieux.
La pensée religieuse prend des allures de propagande
partisane au profit de l'engagement politique des Ba-Kongo sur leur territoire.
La présence des symboles sacrés du christianisme sera
étudiée dans sa fonction politique. Cette correspondance entre le
sacré, la violence et le politique constitue l'axe majeur de notre
étude dans cette partie. Nous étudierons l'exégèse
des églises kongo dans le roman à travers le mythe de Kimpa Vita
(la vierge noire) incarné par les personnages martyrs féminins.
Ensuite, nous nous intéresserons à l'influence de la figure du
Christ dans la mise en scène du crime prédit comme
création des mythes politiques et enfin il s'agira de relever
l'intertextualité du texte En attendant la montée des
eaux et de la bible.
On se penche sur la sanctification par le
récit romanesque En attendant la montée des eaux
à travers La figure de Kimpa Vita. Ainsi une focalisation
sur le rapport du pouvoir et du sacré dans ce roman sera
nécessaire. Il sera question de la violence politique comme origine du
sacré dans les religions syncrétistes kongo inspirées des
évangiles. Plusieurs études ont déjà
démontré l'affiliation de l'autorité politique et du
milieu religieux dans le champ littéraire.95(*)
La sorcellerie et les croyances traditionnelles sont
réinvesties dans l'écriture qui les subvertit et les tourne en
dérision pour dénoncer des pouvoirs corrompus. Les symboles
traditionnels deviennent complices de la criminalité politique, ils
contribuent à asseoir une autorité étatique amorale et
sans fondement légitime.96(*).
Dans ce cas de figure, afin de contester un pouvoir
liberticide, l'écriture tourne le sacré en dérision, elle
le subvertit et le réduit au statut commun du profane grâce
à un récit qui excelle dans l'ironie et dans l'humour97(*).
On retrouve cette technique de désacralisation chez
Maryse Condé, notamment dans En attendant la montée des
eaux qui procède d'une subversion de la sorcellerie et d'un
pastiche de la fonction du chef de l'Etat. Le récit réinvestit le
sacré. La pensée religieuse demeure un moyen de lutte contre le
pouvoir. Le roman convoque un champ fictif du domaine de la résistance
politique et de la révolte non pas pour subvertir mais pour
procéder à sa sacralisation par un acte de signification qui
symbolise l'action des héros.
L'écriture contribue à mythifier le long combat
de ses personnages en créant une symétrie entre la fiction et la
glose antillaise des religions messianiques. En attendant la
montée des eaux inscrit dans le contemporain de ses
personnages un passé et une mémoire dont la fonction symbolique
est de sacraliser l'engagement du personnage principal, Babakar. Le combat des
femmes qui y est narré s'avère un prolongement de la
légende d'un personnage mythique, Kimpa Vita.
II.3.b. Le symbolisme
Le récit s'approprie le symbolisme et
l'idéologie politique des croyances nées de cette figure
sacrée et sanctifiée. A travers une narration qui procède
par analogie, le combat de Babakar apparaît comme une reproduction
symétrique de la symbolique de la lutte de Kimpa Vita. Kimpa
Vita99(*).
Le narrateur évoque le récit sur la
sorcière Sô Fanfanne, ses gestes et ses paroles :
« sô Fanfanne et son assistante, Juana, chargée
d'allumer les bougies lors des séances, de servir le thé dans la
salle d'attente, et éventuellement de masser les clients qui le
désiraient, (...). Aussi, dès l'entrée, un écriteau
rappelait son martyre aux visiteurs mais indiquait aussi :
Stéphanie Lebrun dte Sô Fanfanne, voyante-médium, de
renommée internationale, (...) », p.233.
Le narrateur rapporte le discours magique et sorcier
de Sô Fanfane. Initiée au symbolisme africain, Movar et
Babakar entendent et comprennent le déferlement des
éléments qui accompagnent le mouvement des femmes. Nous avons
évoqué l'importance de la Nature et de la parole ancestrale que
retrouve dans le passage suivant qui décrit l'action de Sô Fanfane
et son assistante. Elles exercent une sorte d'hypnotisation.
Puis dans une description particulière des sensations
de Babakar lorsqu'il fut massé par Juana :
Au fur et à mesure que les paumes de Juana le
pétrissaient, il éprouvait l'impression de quitter son enveloppe
charnelle. On aurait dit que les sentiments, heureux ou malheureux qu'il avait
expérimentés, s'envolaient et qu'il devenait léger,
léger, prêt à danser comme un grain de poussière
dans un rayon de soleil, fétu parmi les fétus, particule parmi
les particules. La tête à tête dura environ une heure.
Après quoi, il sort en vacillant, en proie à cette
agréable sensation d'avoir dénoué les amarres qui le
reliaient à la terre, p.235.
Le récit installe le mouvement des femmes dans l'espace
symbolique Bambara, ce faisant, il renforce, par l'évocation des rites,
son sens sacré. Par l'intrusion des femmes dans un lieu de culte et
l'exécution des rites appropriés, le récit sacralise le
mouvement, il confère à Sô Fanfanne une dimension
spirituelle qui l'élève. On note aussi la mort de toutes les
femmes que Babakar a aimé, c'est clair que c'est une forme de sacrifice
signifiante. Ces femmes symbolisent les tentatives
répétées par le peuple pour retrouver un monde
meilleur.
Puis encore l'hémiplégie dont Hugo Morino en
souffrait. Il était paralysé de la moitié du corps. C'est
l'image même de la société antillaise.
La sacralisation100(*) de l'engagement politique s'inscrit dans la logique
du militantisme africain. Dans cette mesure, et à l'instar de Kimpa
Vita, l'assassinat de Reinette Ovide est nécessaire pour qu'elle
atteigne la dimension de la sainteté. Sa mort programmée est
prédite avec tout le mystère préconisé dans une
révélation onirique faite à Movar :
« j'ai fais un rêve, je sais que je vais mourir en
accouchant », p.65 dit Reinette un soir avant de mourir.
Après sa séance avec Sô Fanfanne qui
l'embrassa (Le baisé qui symbolise des souffrances à
venir) : « Movar apparut enfin, escorté de Sô
Fanfanne, volubile, qui les embrassa tous les trois comme de vieux amis.
Apparemment ce baiser ne réconforta pas Movar dont le visage
juvénile, à l'habitude rêveur et souriant, resta
fermé », p.236.
Dans l'univers fictif Condéen, le meurtre est courant,
mais la révélation de la mort de Reinette prend un sens
différent de celui des autres assassinats. C'est un crime voulu par les
dieux, sans doute pour sacrer le combat de Reinette. La mort à plusieurs
fonctions. Celle qui nous intéresse dans cette étude est
l'interprétation religieuse des églises syncrétistes. La
figure du Vierge Marie noire annoncée par la prophétie de Kimpa
Vita inspire le religieux et l'homme politique africain créant un lien
entre le militantisme politique antillais et l'exégète des
catéchistes inspiré du mythe christique : Le mythe de la
faute originelle101(*).
En attendant la montée des eaux se
présente dans une fiction qui s'organise autour d'une croyance
universelle qu'on retrouve dans la mythologie gréco-afro-antillaise,
comme dans tant d'autres, à savoir le péché originel qui
annonce la fin d'un Monde et le début d'un autre. On qualifiera cette
croyance comme faisant partie des mythes de l'apocalypse et du retour au chaos
originel.
Les espaces naturels102(*) accueillent les esprits des ancêtres, les
villages des morts et préservent bêtes, pierres et autres
matières ou physique ou verbales qui habitent le monde depuis les
premiers âges de la Création : « bienheureuse
terre où les vivants et les morts restaient ensemble et continuaient
d'aller main dans la main » p190. L'ensemble de ce Monde
naît de la séparation de la Terre et du Ciel, initialement cousus.
Ainsi, pour l'homme antillais le cataclysme final103(*) est la chute du ciel sur la
terre104(*). Le
récit révèle différents aspects des mythes qui
s'avèrent être les dénominateurs communs de l'ensemble des
religions primitives. La prolifération des dieux, des esprits et des
coutumes obéit à plusieurs logiques structurantes définies
par Mircea Eliade.
Nous nous appuyons sur les théories de la mythologie
pour faire une lecture des mythes qui structurent le récit. Il s'agit
précisément des croyances en un péché originel qui
provoque la colère des dieux, qui à leur tour, précipitent
la fin du monde. Liée à la parole poétique et
incantatoire, il est à la fois « joute oratoire » et
cérémonie d'initiation ouverte uniquement au cercle des
initiés de la tradition de la parole. Tout part du scandale, au nom
de la coutume, l'homme se trompe et provoque la colère des dieux :
« N'est-ce pas toujours par la faute des hommes que les paradis
sont perdus ? », p.191.
Des interrogations, posées par les
réfugiés du déluge, restent sans
réponse : « Il avait posé la véritable
question, une question qui restait sans réponse ; La nation (...)
était-elle coupable ? De quoi ? Il est vrai que les victimes
sont toujours coupables », p.318. Cela explique clairement les
raisons du racisme qui, bien après son abolition, existe encore, et sans
aucune explication.
Le péché est une faute qui appartient au domaine
du sacré et de la religion, il ne peut être jugé par le
seul tribunal des hommes. Ce sont d'ailleurs, les morts et les divinités
qui sont concernés. Ils manifestent ainsi leur colère et
annoncent la fin du monde : « Derrière chacune d'entre
elles s'élevaient des amas de pierres, des tombes reconnaissables aux
croix grossières qui les surmontaient. Babakar se rappela Movar :
« Haïti est un pays où la mort n'existe
pas. Bienheureuse terre où les vivants et les morts restaient
ensemble et continuaient d'aller main dans la main », p.319.
Le cataclysme promis est pourtant différent de
l'Apocalypse chrétienne. Le roman réfère plutôt
à un mythe : la croyance en un perpétuel retour ou la fin d'un
monde et le recommencement. Mircea Eliade parle de mythe du
«millénarisme » ou de mythe « nativiste »105(*). Même s'il se
vêt de formes variées selon les croyances et les cultures, son
principe reste la croyance en une fin et en un recommencement. Le cataclysme
provoque la mort d'une humanité et la naissance d'une autre.
Les cataclysmes sont toujours annoncés dans les romans
par « un câlin»106(*) . « Le noeud depuis si longtemps
noué serré dans sa poitrine se défaisait et le bonheur
l'envahissait. Il embrassa107(*) le bébé
impulsivement », p.22.
Au premier chapitre du roman, Movar est venu voir Babakar vers
vingt trois heure trente : l'heure de l'accouchement de Reinette. Une
superstition antillaise dit « si l'enfant nait entre vingt trois
heure et minuit sera malheureux toute sa vie. A minuit sera en proie aux forces
maléfiques »108(*). Babakar, Movar et Fouad, originaires de
différents lieux évoqués dans En attendant la
montée des eaux, se sentent comme des voyageurs perdus en terre
inconnue, étrangers. Pour Babaar et Movar, les africains,
déportés aux Amériques n'ont décidé ni de
leur départ, ni de leur destination. En raison de la violence qu'elle a
générée, cette déportation est vécue par les
personnages romanesques comme une punition d'une faute obscure, « une
faute originelle ». Le cas de Fouad s'explique de la même
logique parce qu'il est un arabe palestinien dont la terre est prise de force
par les juifs. Ainsi l'inconscient collectif des personnages romanesques
antillais (on peut citer la Palestine aussi) est habité d'un sentiment
de culpabilité d'autant plus tenace est destructible que la faute qui
la motive n'est pas identifiable.
III. Troisième chapitre : Mosaïque
d'une écriture féminine métissée
Les traces laissées par le colonialisme touchent au
domaine linguistique, aux systèmes scolaire et administratif ainsi
qu'à l'ensemble de la culture du pays donné. Bien sûr, la
littérature n'échappe pas à l'emprise impérialiste.
Par conséquent, c'est en réaction contre la domination
hégémonique de l'Occident que le post colonialisme a vu le jour.
Ce courant a pris naissance d'abord dans le monde anglo-saxon avant de
s'étendre à la francophonie et, singulièrement, à
la Guadeloupe où il a un caractère particulier. Dans le domaine
littéraire, le post colonialisme met de l'avant une écriture
fortement ancrée dans la culture de l'auteur.
C'est ce qui fait dire à Jean-Marc Moura que:
« l'auteur postcolonial a, de façon presque obligée, une
conception forte de la littérature dans l'histoire » et qu'il
est doté d'une «conscience culturelle»109(*). Par conséquent, dans
un contexte postcolonial, l'acte d'écrire ne relève pas
uniquement d'une préoccupation personnelle. Il a lieu dans et pour une
collectivité. L'écrivain s'éloigne du modèle
(néo-)colonial afin de prôner une conception de la
littérature qui doit refléter une diversité
littéraire. Pour ce faire, il va s'appuyer sur un des principes du post
colonialisme, à savoir que l'oeuvre enracine son récit dans un
«espace d'énonciation»110(*).
La littérature antillaise a été
traversée par plusieurs courants : la négritude,
l'antillanité et la créolité. La créolité
met en scène le vécu du peuple guadeloupéen longtemps
absent de l'Histoire officielle. Si on veut brosser un portrait plus complet de
la société guadeloupéenne, on ne saurait le faire sans se
pencher sur la femme poto mitan. Femme poto mitan111(*), mérite qu'on
s'attarde à la question de la femme. Il importe de voir comment la
figure féminine prend sa place au sein de cet espace postcolonial
malgré la triple servitude - sexe, race et classe- à laquelle
elle confrontée. Le domaine spatial devient un élément
devant mener à son affranchissement.
III.1-Une féminité oppressée
Si la violence vient pour la plupart des personnages masculins
dans les romans de Maryse Condé, les personnages féminins doivent
lutter contre la tentation de la complicité ou, plus importante encore,
de la démission. Elles y parviennent avec un succès inégal
et au prix d'efforts pénibles.
1. De la condition de la femme
La trame d'En attendant la montée des eaux est
faite de deux genres de femmes : la lutte douloureuse des femmes pour
acquérir le droit légitime d'exister et d'être
traité comme un être humain : instruites :
Thécla, ou bien pas instruites et obéissent aveuglement aux
ordres de l'homme : Azelia, ainsi que le cas de la femme antillaise libre
actuelle : Jahira.
Maryse Condé, à propos des écritures
féminines, ne soutiendra pas le contraire dans son essai. Elle explique
dans Le roman antillais :
À travers leurs oeuvres si
différentes soient-elles, se retrouvent les mêmes
thèmes : émasculation du mâle antillais,
difficulté d'édifier l'avenir avec lui, virulence des
préjugés de couleur, misère et deuil. Peu d'entre elle se
révoltent. Elles constatent, elles déplorent. Ce sont des
écrits marqués d'une sorte de fatalisme, et même de
résignation (...). Toujours est-il que la littérature
féminine des Antilles a un étrange parfum d'amertume112(*).
La fiction désamorce la radicalité des faits de
l'amertume et les formes narratives choisies écartent la rigueur d'une
oppression qui construirait l'intime caractéristique de
l'identité féminine.
Les stratégies narratives séparent les
oppressions de toute évocation pathétique, de toute dramatisation
de la souffrance, de toute exagération de la misère qui terrorise
les femmes.
D'une part, l'auteure cherche à dépeindre les
chemins déroutants qu'empruntent les hommes, d'autre part l'ambition
comme quête d'identité, n'existe que par rapport au jeu
d'influence entre les personnages, la défaite des femmes telle que
Reinette par opposition à sa soeur Estrella qui en quête de
célébrité et de richesse profite de l'amour de Roro Meiji
en se servant de son don d'artiste, ou encore Thécla la belle instruite
par opposition à Azelia l'« ânesse ».
Une manière d'aborder la thématique de
l'oppression113(*) dans
En attendant la montée des eaux, la possession
sexuelle de la femme. Maryse Condé ainsi que les auteurs antillais ne
l'ont pas occultée dans les textes. Ces derniers dévoilent ce
qu'Edouard Glissant, Aimé Césaire et Patrick Chamoiseau avaient
masqué dans leurs oeuvres, le pouvoir sexuel des hommes était
comme censuré et tabou.
Pour enlever ce masque, Maryse Condé a trempé sa
plume au coeur des conflits, les femmes en sont les vaincues, les victimes.
L'essentiel ne réside pas seulement dans l'abondant :
« (...) mon papa a disparu sans même prendre la peine de
nous dire au revoir. (...) ma maman est restée à se
débattre comme elle pouvait avec ses trois enfants sur les bras
(...)», p.49.
Mais encore dans l'affliction, le sentiment d'être
trahie. Le viol est révélateur parce qu'il exprime la force des
hommes, reflète la puissance masculine, et suggère la violence
des mâles dans une société antillaise et
parallèlement romanesque. Pour comprendre cette métaphore
animale, on peut rappeler les origines paternelles incertaines :
« un de ses fils bâtards », p.104.
Dans En attendant la montée des eaux, Maryse
Condé renforce d'une image bestiaire, le désordre social,
l'instabilité conjugale, l'absence des pères et l'abondant des
femmes : les orgies, (p.98), qu'organisait Hassan, l'évocation
constante des bordels outre les chiens qui apparaissent plusieurs fois dans les
pages : 55, 133, 116 et 301. Le chien qui symbolise la violence et la
servitude à la fois, ainsi que les pulsions charnelles :
« la véritable raison est que j'avais trop peur des chiens
(...) les chiens les plus féroces : dogues allemands, dobermans,
bas-rouges, pit-bulls (...) les chiens se mettaient à galoper en
aboyant et en bavant, leur gueule rouge plantée de crocs blanc
tranchants comme ceux des caïmans, grande ouverte »,
p.55.Et : « (...) parcouru par des habitants et des
grands chiens, également faméliques », p.301. En
plus de l'image docile du chien : « les enfants
jouaient avec les chiens joyeux et dociles comme des animaux en
peluche », p. 133.
Cette possession sexuelle a ses origines, elle remonte
à la période de l'esclavage, aux temps de l'objet sexuel et du
bétail humain qui caractérisaient la femme esclave. Vouée
à satisfaire les fantasmes érotiques des Maîtres, la femme
était plus qu'une esclave, une servante, elle était une
propriété sexuelle : « le chiptel humane
society » population animale. La femme fut contrainte à
ce rôle, à la procréation forcée et plus tard,
malgré l'abolition de l'esclavage, la coutume continuera, les esclaves
libérés se substitueront aux Maîtres et les femmes se
plieront à leur cupidité. Dans cette oppression sexuelle, le
complexe d'Oedipe, le destin tragique de ce personnage mythique, qui tuera son
père sans le savoir, et épousera sa mère, tel était
la prédiction de l'Oracle114(*). Il faut détruire le mystère
érotique, renverser les rôles, violer les règles, et c'est
pour protéger le sujet post-esclavagiste antillais, dans son nouveau
rôle, car il a détrôné son maître : il
s'est accaparé de son rôle, celui de
l'inconstance (l'adultère et l'inceste) : Babakar était
amoureux de sa mère :
Le petit Babakar était amoureux de sa mère comme
tous les fils uniques. Il se désolait de ne plus la téter et de
la dépasser inexorablement de plusieurs bons
centimètres », p.77. Et : « Un soir j'avais
trop mal parce qu'elle ne restait pas avec moi, j'ai marché
jusqu'à la chambre qu'elle occupait au premier étage.
Arrivé là, j'entendis parler. Je reconnus la voix forte de mon
père et appuyais fébrilement mon oreille contre le bois de la
porte. « Mon amour, je t'adore ! » rugissait-il. En
réponse, elle riait comme jamais je ne l'avais entendue, un rire de
gorge, plein de sensualité. Le coeur en miettes, je redescendis
l'escalier, sentant que j'étais de trop. C'est à ce
moment-là que j'ai commencé à détester et à
jalouser mon père. Je le prenais pour un rival, indigne.
pp. 91-92.
Le narrateur nous peint la scène de viol de la fille de
la lingère par le ladre Louis-Elie Tresmond pendant la
période esclavagiste : « le soir où il
s'introduisait dans sa chamre avec la ferme intention de la
violer », p.40. Puis dans le dernier chapitre, il nous surprend
par la description du ventre de Myriam qui « commença
à se faire voir (...) lourd de fruit qu'il portait
(...) », p.307. Et quand Babakar a souligné le
pêché de la chair, Fouad l'a banalisé en avançant sa
demande au mariage.
A vrai dire, les corps féminins rencontrent leur double
dans les romans : les hommes, des bourreaux, sacrifient les femmes sous
l'autel de la pulsion. Le narrateur dit :
Le malheur de la femme, c'est qu'elle doit avancer des
preuves de sa maternité. Pendant neuf mois, elle doit exhiber son
ventre, visible à tous. La supériorité de l'homme est
qu'il est maître de sa semence et la plante là où il veut.
Bien malin celui qui pourrait affirmer qu'il n'avait pas connu Reinette. Ne
serait-ce que l'espace d'une nuit. Bien audacieux celui qui contredirait sa
parole de médecin et affirmerait que l'enfant était née
à terme ou non. p.20.
L'auteure nous offre une riche comparaison entre Azelia, la
première femme de Babakar, qui était inexpérimentée
dans la sexualité par opposition à Jahira, la soeur de son ami
Movar, qui s'était offerte à lui :
Il aurait été impossible de comparer
Azélia et Jahira, car aucune créature n'était plus
dissemblable l'une de l'autre. Azélia était timide, craintives,
Babakar le comprenait à présent à cause de la
vulnérabilité de sa condition de femme. Toute sa vie, elle avait
été écrasée et marginalisée par des hommes,
son père, ses frères, empêchée dans ses choix et
dans ses décisions. Aussi, elle ne pouvait avoir confiance en elle. Il
en était autrement de Jahira. Elle était gaie et prenait avec le
sourire les absences et les silences de Babakar. Malgré son jeune
âge, elle irradiait la force, la foi en soi avec ce don de lire
constamment des signes dans la nature qui comme chez Movar enchantait et
exaspérait Babakar à la fois (...). p. 325.
D'un autre coté, Cuca en refusant la demande de mariage
de Fouad, ainsi le fait du concubinage de Reinette avec Movar bien qu'elle
était enceinte d'un autre homme. On remarque que le niveau culturel
n'à rien à voir avec cette servitude de la femme. On donne
l'exemple aussi de Maboula qui était avocate mais a tout quitté
pour être l'amante d'Hassan.
L'ironie dans leurs propos caractérise la
métaphore dégradante de la femme antillaise : voir la
polygamie : « la polygamie est aussi vielle que
l'Afrique », p.119, ainsi que les orgies organisées par
Hassan : « il éprouvait un besoin constant du corps
des filles, les couchant par deux ou trois à la fois dans son
lit », p.98.
Autre caractéristique de cette identité trouble
des femmes. L'oppression sexuelle s'ouvre sur une domination plus grande :
la bêtise des hommes, et l'emprise totale des mâles sur les
femelles. C'est le prétexte des auteurs pour replonger dans la
société antillaise, mais aussi leur motif pour dépeindre
les rapports humains, pervertis par le machinisme, ternis par le mythe, peu
fondé, de la puissance mâle qui résulte, d'une part, de la
force physique des hommes et, d'autre part, de la sensibilité morale des
femmes. Ce mythe-là correspond bien aux contextes géographiques
sociaux et culturels des Antilles, parce que la fenêtre des îles
engendre des conflits de toutes sortes, les hommes sont les maîtres des
relations conjugales, là où, la soumission des femmes est un
héritage culturel, un devoir traditionnel. Mais dans le contexte des
romans, ce mythe est restreint, et condamnerait, avec fermeté, les
hommes de toute allusion qui aboutirait à une revanche.
La démarche de Maryse Condé est claire.
Démontrer dans En attendant la montée des eaux,
les traces de la société créole, les défauts dans
les comportements psychologiques, sans soulever l'opposition des sexes. Cette
démarche est alors défigurée des femmes victimes des
romans, de conjoindre le pathétique, le troublant et l'émouvant.
Le texte aborde sans complaisances toutes ces violences physiques et
morales.
La force du roman réside dans la lucidité du
narrateur, dans les évocations de l'esclavagisme tel le cas de Wangara
pp37-43, mais surtout cette puissance réside dans les évocations
d'un monde inégal dans ses valeurs, injuste dans la part belle faite aux
hommes.
Maryse Condé a symbolisé cet univers injuste
pour lutter contre la fatalité, à condition que le roman
détruise les préjugés et que l'oeuvre établisse une
distance par rapport aux « stéréotypes » sur
la soumission féminine.
III.1.b. Théories féministes
Hernandèz affirme que :
« La littérature qui s'est
développée aux Antilles depuis la colonisation jaillit d'une
source située au centre d'une société patriarcale.
L'écriture des femmes, leur voix et leur parole, restent
marginalisées et, par conséquent, interprétées par
un système patriarcal»115(*).
Cette auteure poursuit en disant que :
« Ce n'est qu'à partir des
années70 que l'on reconnaît enfin les contributions des femmes
dans ce domaine. C'est peut-être à cause de l'évolution
d'une société traditionnelle et agricole vers
l'industrialisation. Les personnages masculins se voient forcés à
céder leur place de protagonistes aux femmes »116(*).
Par conséquent, le post colonialisme a longtemps
été la chasse gardée de l'homme, à l'image de la
littérature, comme le confirme Sara Mills117(*).
Effectivement, ces dernières amènent à
s'interroger sur « les rapports sociaux de sexe» qui se basent sur
une «identité sexuée, fondée sur des
différences : réelles ou perçues, entre les sexes,
constitutives des rapports sociaux et inscrite dans des rapports de
pouvoir»118(*).
Le colonialisme exerce sa domination en ayant recours à
des métaphores sexuelles.119(*) Ces allégories qui comparent le corps soumis
de la femme au territoire à conquérir sont énoncées
dans le but d'un assujettissement, et montrent la vision que le colonialisme a
de la femme120(*).
Dans un cadre postcolonial, les femmes sont sensibles à
toutes les représentations de domination car elles ont souvent
été victimes d'oppression, tout comme l'ensemble des
colonisés dépossédés de leur identité par un
processus de domptage. Par conséquent, les théories
féministes luttent en faveur de l'émancipation féminine en
mettant en valeur ce qui est passé sous silence. De fait, elles
réfutent l'institution dominée par le patriarcat121(*).
En ce qui concerne la littérature antillaise, celle-ci
évoque la sexualité féminine souvent bafouée en
contestant la question du genre qui cloisonne la femme dans le rôle de
pilier de la famille. Le féminisme antillais s'attaque aux
archétypes du personnage féminin qui vit sa sexualité
uniquement dans le but de procréer. D'ailleurs, la figure
féminine n'est valorisée que par le biais de la maternité.
C'est la raison pour laquelle, «à travers toute
l'oralité antillaise se trouve magnifiée la Mère, porteuse
de dons, dispensatrice de bien »122(*) La femme élève souvent seule une
ribambelle d'enfants souvent de pères différents. Son unique
source de bonheur vient de sa progéniture. Or, il y a des femmes qui
refusent d'enfanter, voire qui ne désirent pas entretenir de relation
sentimentale avec un homme c'est le cas de Cuca et d'Estrella dans En
attendant la montée des eaux. Il faut dire que l'image que
reflète la littérature de la figure masculine n'est pas des plus
reluisantes123(*).
Ceci pourrait concourir à expliquer la présence
de femmes qui refusent l'image de la mère tant valorisée aux
Antilles : on admettra que ce refus de la maternité n'est pas le fruit
du hasard. Avec ensemble, les femmes écrivains venues d'horizons si
divers s'insurgent donc contre les images véhiculées par
l'oralité et qui imprègnent si puissamment toute la
société.
Depuis des générations, les femmes aux Antilles
assument une multiplicité de rôles, assurent l'entretien et
l'éducation de leur nichée au détriment de leurs joies
personnelles. Même dans les cas où il s'agit de couples de type
occidental, légitimement unis et monogamiques, l'enfant demeure
l'affaire de la mère, le père se consacrant à des
activités toutes extérieures124(*). Ces prises de position correspondent au
renversement de l'ordre établi. De façon générale,
et cela s'applique à notre corpus, « les figures maternelles ne
manquent pas de complexité et illustrent toute une gamme d'attitudes.
Certaines pourraient mériter le qualificatif de dénaturées
»125(*).
Aussi, l'image monolithique d'un type de femme
s'effondre, comme l'affirme Selon Hemandèz :
La nouvelle image de la femme lutte contre cette ancienne
représentation dominante, limitative et paternaliste (...). On assiste
à une nouvelle attitude face aux rôles féminins
imposés par la société, surtout face à la
maternité (...). Ce que 1 'on aperçoit à travers la
nouvelle littérature antillaise c'est un désir de créer un
personnage féminin plus authentique. Il faut éviter que la femme
soit "écrasée sous les clichés126(*).
C'est pour cela que les écrivains antillais
contemporains proclament la diversité comme étant le seul
synonyme de la nouvelle condition féminine. En même temps que le
récit antillais s'occupe des stéréotypes féminins,
les écrivains y insèrent des éléments nouveaux qui
pourront aider à la transformation des attitudes au sujet de la
condition féminine aux Antilles127(*). Pour que l'évolution de la condition
féminine en Guadeloupe puisse avoir lieu, il faut que l'homme puisse
également changer d'attitude vis-à-vis de la femme, mais cela
s'avère difficile vu que la relation homme-femme semble
conditionnée par le passé.
En effet, tout comme la femme, l'homme antillais est
conditionné par une lourde histoire. A l'époque de l'esclavage,
l'homme blanc voyant en lui un rival potentiel s'est acharné à le
détruire. Il lui a interdit la femme blanche, mais aussi il lui a
enlevé sa compagne naturelle dont il a fait bien souvent un jouet, un
objet sexuel. Frustré, dépossédé, l'Antillais s'est
réfugié dans des attitudes d'irresponsabilité qui ont
survécu à l'évolution politique des Iles. Les reproches
dont on l'accable, doivent toujours être situés dans une
perspective plus large et éclairés du rappel de la condition
socioéconomique des Antilles. Les romancières n'ont pas
manqué à travers leurs écrits de se faire l'écho
d'une vision assez pessimiste des mâles de leur pays128(*).
Les bommes semblent peu enclins au changement. Du coup, les
pères occupent souvent un rôle de figuration. Le poids du
passé et la main de l'ancien colon sont encore palpables (les Antillais
présentent cela à travers les carnavals annuels). C'est une
explication qui est couramment avancée afin d'expliquer l'attitude
irresponsable de l'homme antillais. Néanmoins, l'étude de Thomas
remet en question les images conventionnelles de la « strong woman »
et du « weak man » qui dominent dans la littérature
antillaise, ce qui nous conduira à voir la façon dont se
manifeste la subversion129(*). C'est un pied de nez à l'héritage
colonial! De plus, « les rapports familiaux de type occidental
(mariage monogamique, famille nucléaire ...) n'existent qu'au sein de la
petite bourgeoisie urbaine et le monde rural possède ses règles
et pratiques. Étant donné ce caractère irrégulier
des relations mari/amant/ épouse/compagne, les conflits de type freudien
entre les pères et les filles n'apparaissent
guère»130(*).
En conséquence, la tradition issue de l'esclavage est
remise en question et, avec elle, les places de la femme et de l'homme. Dans un
contexte postcolonial, «la littérature féminine a un
contenu social (...). Elle se situe au coeur des préoccupations de
l'ensemble de la société».131(*)
Par ailleurs, il faut garder à l'esprit la
spécificité du féminisme dans les espaces postcoloniaux,
comme le stipule Kadiatu Kanneth quand elle parle de «Black and
''Third World" feminism »132(*). Dans le cas de la Guadeloupe, nous parlerons de
féminisme antillais. Tout comme la littérature coloniale
était une arme utilisée afin de légitimer
l'impérialisme, les théories féministes dans un
enviror1ement postcolonial permettent de critiquer 1'héritage datant du
colonialisme. Le féminisme apparaît comme un des outils auxquels
la littérature a recours pour contester l'ordre établi133(*).
L'écriture féminine postcoloniale n'a
émergé que récemment, pour des raisons évidentes.
Dans les Antilles dites françaises, elle se développe vers les
années 50. En effet, la majorité de la population n'a pas
accès à l'éducation, encore moins les femmes. De fait, la
femme a accumulé des décennies de retard par rapport à
l'homme. Aussi, les écrivaines de Guadeloupe n'ont investi
l'écriture que depuis peu de temps. Ainsi Maryse Condé qui, dans
ses écrits, relie la Caraïbe et l'Afrique, terre originelle des
ancêtres esclaves, symbole d'un passé nié par le
colonialisme.
De nombreux romans caribéens des années 80
confirment que les antillaises continuent, de nos jours, à subir le joug
colonial. De plus, parmi leurs compatriotes, elles sont en proie à des
formes particulièrement pénibles de la servitude féminine.
Aussi « (...). Leurs romans (...) tentent de bien saisir la
quête identitaire de leurs héroïnes à la fois en tant
que femmes individuelles et en tant que membres d'un peuple antillais. Les
auteurs de ces textes essaient de tracer la prise de conscience de certaines
femmes tout autant que de donner la preuve de la force courageuse des
Antillaises en général (Rüme)134(*) ».
De plus, depuis longtemps, l'étude de la
littérature antillaise reconnaît la quête d'identité
comme faisant partie de la problématique d'aliénation qui
concerne les auteurs de cette région. Pour les femmes, cette quête
se présente double, en tant qu'Antillaises et en tant que femmes :
« (...) La femme antillaise écrivain est doublement
marronne: son évasion est le marronnage littéraire de tout
Antillais qui écrit, augmenté du marronnage féminin, celui
de toute femme qui entre en littérature dans un tel contexte, en osant
braver les 28 interdits liés à sa condition de femme, en
combattant les préjugés et les idées reçues dans sa
communauté »135(*). (Hemandèz).
De façon générale, l'écriture
féminine, quel que soit le pays antillais où elle est
pratiquée, présente des préoccupations
particulières136(*). L'auteure poursuit en affirmant que cette
écriture parle des préoccupations féminines
immédiates en mettant l'accent sur le fait d'être femme dans cette
région du monde137(*).
C'est pour cela que la figure féminine est souvent
métaphorisée, prostituée ou violée à l'image
de la terre conquise. Ces images militantes sont en soit méprisantes
autant que l'exaltation exclusive de la figure maternelle. Les écrivains
n'échappent donc pas à un a priori conservateur et
patriarcal, même quand leurs textes sont par ailleurs des textes de
résistance (Bardolph)138(*).
De fait, l'émancipation de la femme passe par la
solidarité féminine puisque chaque écrit non seulement
place les femmes au centre du texte (dans En attendant la
montée des eaux, le nombre des femmes est plus élevé
que celui des hommes), mais encore présente des solutions de rechange
aux rôles qui leur sont réservés selon le modèle
patriarcal. Ces solutions de rechange comportent toutes une
préoccupation pour les autres femmes, qu'il s'agisse d'amitié
concrète ou idéale, de solidarité ou de mise en dialogue
avec l'autre.
Maryse Condé décrit la condition féminine
antillaise en insistant sur la Littéralité :
compréhension des femmes vis-à-vis des problèmes
masculins: Femmes toujours prêtes à couvrir la faute du male, a
pardonner les outrages, accepter coups et insultes. Femmes prenant l'homme
comme un grand enfant, répondant à tous ses caprices, acceptant
tous ses abus. (Ecrire p293). C'est le cas de Fouad qui a
engrossé Myriam et n'a pensé au mariage qu'après l'avoir
engrossé. « Le malheur de la femme, c'est qu'elle doit
avancer des preuves de sa maternité. Pendant neuf mois, elle doit
exhiber son ventre, visible à tous. La supériorité de
l'homme est qu'il est maître de sa semence et la plante là
où il veut », p.20. Peut-on dire que la femme est victime
d'être femme ?
III.2. Une écriture hybride
L'écriture de Maryse Condé est unique :
« La langue dans laquelle j'écris n'est pas le
français, n'est pas le créole. C'est une langue qui est la
mienne. J'écris en Maryse Condé »139(*). La création de
Maryse Condé est rénovatrice et juteuse. Sans aucun doute,
la réputation de Maryse Condé n'est pas à prouver car sa
lumière est répondue sur tout l'univers. Comme le dit Francis
Ponge, il s'agit de « parler contre les paroles ».
Réinventer la langue, c'est réinventer le monde. Et Maryse
Condé a pris comme mission d'expliquer et de réinventer le
monde.
III.2.a. la création d'un amalgame
Sur la littérature antillaise, Jack Corzani140(*) et Antoine Régis
écrivent : le premier auteur prouve dans La littérature
des Antilles et de la Guyane141(*) l'indépendance de la littérature
antillaise, tributaire de la Négritude, le second écrivain, par
contre, approuve les filiations entre la littérature antillaise et la
littérature française dans son ouvrage La littérature
franco-antillaise. Ces deux théories situent la littérature
antillaise au centre des traditions littéraires africaine et
française : « Couvre donc un noeud de relations et
d'interactions : elle suppose qu'attention soit portée aux mises en
parallèle des textes, aux transits d'écriture, aux
réécritures parodiques, mais encore à l'expression des
antagonismes ou des coïncidences idéologiques»142(*).
Le terme Créole 143(*) signifie tout, à la fois culture, langue,
mode de vie, moeurs, difficultés quotidiennes et problèmes
d'existence typiquement créoles144(*). En page 61, Movar dit en désignant
Reinette : « elle parlait français ! Je ne
m'étais pas trompé. Elle n'état pas une enfant de la
misère comme moi. Mais comme nous tous, c'était une enfant de la
violence ».
Trois événements historico-littéraires
expliquent ce renouveau de l'identité créole dans les romans
antillais, qui sont des espaces dramatiques, des lieux d'antagonisme entre
l'individu et la société, l'homme et sa culture,
l'écrivain et son peuple « aliéné »
par les violences du passé.
1. La décadence des identités originelles,
résultat du voyage transatlantique, avait créé le
déséquilibre affectif, les esclaves vécurent dans la
plantation, déshérités de leur euphorie primitive.
L'engagement des écrivains antillais prolonge les tâtonnements des
esclaves, et les hésitations des colonies de la Caraïbe confirment
la révolte des auteurs. Dans En attendant la montée des
eaux, le bateau, que Movar a pris pour son voyage, est le lieu premier du
contact avec l'oppresseur.145(*) qui ont embarqué sur le bateau Cinco de
Mayo : « (...). Les enfants avaient l'air de vieilles
personnes, et les parents de guèdes sortis directement des
cimetières », p.57.
2. La diversité des cultures, source même du
métissage, serait à l'origine des insuffisances de repères
d'ordre moral, social, culturel et psychologique concernant
l'antillais147(*): il
doit faire face à son destin d'homme colonisé. Bien que vivant
dans cette société métissée, sa propre
société, il n'en demeure pas moins l'exclu, l'exilé, le
banni qui recherche sa place au soleil, le déplacé qui veut
s'intégrer à nouveau, et par l'identification linguistique, dans
l'univers géographique « imposé » mais
accepté :
a- la double appartenance linguistique au français et
au créole influence les écrivains antillais, les deux langues
s'entrecroisent parfaitement dans les structures narratives pour symboliser les
affrontements entre Maitre et Esclave.
b-l'influene de la culture orale traduit une forme de
l'écriture métissée. En fascinant les auteurs antillais,
l'oralité présente dans leurs romans la double fonction
« esthétique » relative à l'écriture,
et « éthique », attache à la
thématique148(*).
c- le « décentrement » est une des
problématiques de la littérature antillaise en
général, et de l'écriture métissée en
particulier. Le centre représente l'occident, s'oppose à la
« périphérie » des pays colonisés
comme les Antilles. Il s'agit de décolonisation littéraire. Le
dessein idéologique serait de décoloniser la littérature,
transmettre la parole littéraire à de nouvelles voix. Qui
s'élèvent pour dire des vérités inconnues jusque
là, à défaut de pouvoir écrire dans le
passé. Selon Maryse Condé : « la
société antillaise souffre d'un sentiment de frustration et les
écrivains consciemment ou inconsciemment se sont efforcés
d'offrir à leurs peuples des mythes de
remplacement »149(*).
L'identité antillaise, première matière
des romans de Maryse Condé150(*), est enfuie à l'intérieur des formes
d'écriture métissée. S'ajoutent les influences
littéraires subies par les auteurs.
La crise du personnage antillais, les structures constamment
renversées et éclatées, l'assemblage des récits, et
le renouvellement du langage littéraire créolisé, prouve
la « modernité » du roman de Maryse Condé. La
modernité commence par avec la recherche d'une littérature
impossible. Ainsi l'on retrouve dans ce roman, cet appareil à la fois
destructif et résurrectionnel propre à tout l'art
moderne151(*).
On ne saurait nier la présence du lexique insulaire
dans En attendant la montée des eaux. Cette constance
est l'empreinte de la littérature francophone, à laquelle
appartiennent cette oeuvre et cette auteure, la marque aussi de la distance
avec la langue orale. Pour comprendre ce bouleversement indispensable, il faut
voir de quelle façon l'auteur métissé se déploie
dans les romans de Maryse Condé. Trois notions complémentaires et
analysables structurent le métissage littéraire :
1-les traditions orales et créoles dans
l'écriture des romans.
2-les racines littéraires dans
les romans.
3-la création de formes
narratives et métissées.
La reproduction de la littérature orale, et
des genres oraux, peut être considérée comme une forme de
métissage. L'usage particulier et même très maitrisé
de la langue créole soutenue par la rhétorique orale,
éclate les structures narratives. Quand aux racines littéraires,
elles s'ouvrent sur l'Europe et l'Amérique hispanique. Avant de
prétendre à l'ouverture, les romans s'enracinent d'abord aux
sources créoles. Leur écriture présente des formes
inattendues, allant de la représentation à la subversion des
structures du roman. L'origine de ce métissage imaginaire semble la
réécriture des traditions littéraires occidentales et
Sud-Américaines, mais le contexte guadeloupéen particularise les
adaptations : « Le commun dénominateur des
littératures émergentes, et notamment des littératures
francophones, est de proposer, au coeur de leur problématique
identitaire, une réflexion sur la langue et sur la manière dont
s'articulent les rapports langues, littérature dans des contextes
différents »152(*).
Les écrivains qui font l'Eloge de la
créolité, Patrick Chamoiseau, Raphael Confiant, Jean
Bernabé, voyaient dans l'enracinement, dans le retour aux sources
orales, un moyen d'exprimer la créolité. Ils n'apprenaient pas
grand-chose à Maryse Condé, qui avait auparavant trempé sa
plume dans les secrets antillais emportés par le « cyclone
qui a ramassé ses forces au-dessus de l'atlantique »153(*).
Le lexique, la syntaxe et le rythme créoles
dans En attendant la montée des eaux, en
éclatant les structures narratives et démontrent que Maryse
Condé refuse d'oublier ses origines linguistiques. Et la
réminiscence des genres oraux ; le conte, le mythe et la
légende, prouve ses traditions croles.
L'imagination de Maryse Condé nuance ce retour
à la littérature orale, car l'écriture renouvelle les
formes narratives du roman occidental, en dressant la peinture psychologique.
Les auteurs représentent de façon quasiment réaliste les
événements. Dans cette imitation, les voix narratives, sont
multipliées, donnant l'écho des lamentations, plantes et cris de
révoltes lancés par des êtres antillais tels que dans les
personnages d'En attendant la montée des eaux,
où il ressort une « polyphonie »
littéraire.
La littérature antillaise, avec Maryse
Condé connait une phase qui n'est pas seulement la subversion des
thèmes, mais encore l'affirmation de l'écriture libre et
autonome, parce qu'elle est métissée. Gilles Deleuze et
Félix Guattari soulignent la potée du langage littéraire
dans la littérature émergente, disposition qui pourrait clarifier
et expliquer les approches de Maryse Condé : « les
conditions révolutionnaires de tout littérature au sein de celle
que l'on appelle grande (...). Ecrire comme un chien qui fait son tour, un rat
qui fait son terrier. Et pour cela, trouver son propre point de
sous-développement, son propre patois, son tiers-monde à soi, son
désert à soi »154(*).
Enfin nous dégageons deux notions
caractéristiques à l'écriture de Maryse Condé:
l'engagement littéraire et la création de la mythologie
imaginaire. La structure des thèmes de la société
antillaise, le style créolisé et l'esthétique
guadeloupéenne, dévoilent l'engagement dans le texte. Il ne
s'agit pas de la prise de position idéologique, mais littéraire,
du fait de l'exploration des profondeurs psychologiques des
réalités caribéennes, situent l'écrivain entre la
société et l'art, ce dernier est considéré dans les
romans comme un véritable acte : « s'il fallait
définir le roman antillais, nous le classerons dans son ensemble sous a
rubrique « roman engagé » en donnant toute fois
à cette notion langagière une signification plus large que celle
qui est généralement admise et que d'aucuns discuteraient sans
doute. Pour nous, nous appelons engagement, la restitution fidele d'une
réalité que l'auteur s'efforce d'appréhender et
d'expliquer. A la limite, pour nous, toute littérature est
engagée dès qu'elle n'exprime pas uniquement le fantasme ou la
rêverie individuelle, mais a pour objet le fait
naturel »155(*).
III.2.b. Enjeu linguistique
La question linguistique, en Guadeloupe, est d'une importance
capitale car on y retrouve deux langues, le créole et le
français, qui ne bénéficient pas d'un statut
égalitaire. Pour l'écrivain, le choix d'écrire dans l'une
ou l'autre langue n'est pas fortuit. À ce propos, Moura déclare
qu'« On peut en l'occurrence parler (...) de surconscience
linguistique puisque écrire est un 18véritable acte de langage,
le choix d'une langue d'écriture engageant de fait toute une conception
de la littérature. A cause de sa situation, l'auteur francophone est
condamné à penser la langue156(*) ».
La question de la langue est problématique dans
l'espace guadeloupéen. Dans notre corpus, les deux langues
utilisées sont des symboles de l'hybridité de la culture
antillaise. Cette hybridité se manifeste dans le créole
lui-même, la langue maternelle des Antillais, originellement multilingue,
et où sont fusionnés des éléments a priori
disparates. Cette langue souffre d'un statut inférieur par rapport
au français. Elle subit la diglossie, c'est-à-dire qu'en raison
de sa coexistence avec le français, elle occupe un statut sociopolitique
inférieur. La diglossie accorde à une langue la
supériorité sur une autre.
Dans le cas de la Guadeloupe, c'est le français qui
domine. Cette situation s'est inscrite dans une démarche colonialiste.
Brahimi déclare que l'impérialisme s'est
révélé par une primauté de la langue du
conquérant. Le post colonialisme s'est attardé à ce
phénomène et a désigné deux vocables qui expliquent
ce fait: le bilinguisme et la diglossie (Brahimi, 2001, p.50)157(*). Nous avons
écarté la possibilité d'appliquer le bilinguisme à
la situation linguistique de la Guadeloupe vu que ce concept confère aux
langues en présence un statut égalitaire, alors que le
créole a longtemps fait l'objet d'une chasse aux sorcières au
profit du français. Ceci a créée la situation de
diglossie. Pour Paré, la diglossie s'inscrit dans une «
Itinérance »158(*).
Pour la part de Moura, il y voit une forme de drive
car cette pratique fait référence au déplacement
(d'une langue à l'autre) et convoque une identité qui est
constamment remise en question. Ce drive linguistique traduit
l'instabilité dans laquelle le locuteur se trouve. Conséquemment,
si une langue est dépréciée et que l'idiome est intimement
lié à l'identité, une partie de l'identité est
dévalorisée. De fait, l'individu est condamné à
driver entre ses deux langues et, par extension, entre les multiples
facettes de son identité.
En défendant sa langue, l'individu ne fait que
défendre son identité. Dans le même ordre d'idées,
interdire la pratique du créole ou déprécier celle-ci
équivaut à nier l'existence d'une spécificité
culturelle guadeloupéenne, car on parle également de culture
créole. Aussi, au-delà de l'aspect identitaire, les
créolistes affirment que «cette non-intégration de la
tradition orale fut l'une des formes et l'une des dimensions de notre
aliénation. Sans le riche terreau qui aurait pu constituer un apport
à une littérature, enfin souveraine, la rapprocher de ses
lecteurs potentiels, notre écriture (...) demeura en suspension
»159(*).
Toutefois, la situation a changé, comme le dit Turcotte
qui affirme que la littérature antillaise écrite s'est
développée assez tardivement comparativement aux autres
littératures, ce qui fait que la tradition orale160(*) a longtemps
été le principal mode de transmission de la culture et de la
tradition aux Antilles. Ceci explique l'importance que les auteurs accordent
à son inscription dans leurs oeuvres. (2003, p. 231). D'ailleurs, il y a
une forte présence de la tradition orale (proverbes, mots
créoles, chansons, exclamations, etc.) dans la littérature
antillaise contemporaine, comme c'est le cas dans les romans de notre corpus
où on détecte un nombre considérable de phrases en
Créole: « Li pral mouri ! »
« Nous rivé, fit l'Haïtien »
« I Pati, Movar. I pa atan ou... » p13.
« Pran kouwaj, Movar » p14. « Ou pa
sonjé' m ? » p 48. « E si li vin pou
akouché, ka nou ké fé »p58.
« Féy o, sové la vi mwen, nan mizè mwen
yé o, fey o, sové la vi mwen ».p61.
« Gade, gade ki jan li blanch, ki jan li fen! »,
p.231.
Ce dépassement conteste la hiérarchisation des
langues en établissant une relation, un lien entre elles qui peut mener
au métissage linguistique. De même, les détournements des
règles littéraires métropolitaines, surtout par
l'entremise de la langue, entraînent une déconstruction du canon
littéraire. De fait, le choix de la langue d'écriture n'est pas
inopiné. La dimension linguistique questionne deux mondes,
guadeloupéen et occidental, sur lesquels la société
créole, produit de cette fusion, se construit. Cette
société, principalement fondée sur le mythe
Souligné par les auteurs161(*).
III.3- Lexique sur les parties du corps
La focalisation du récit sur le bas du corps s'explique
par l'absence des lois et des forces spirituelles intermédiaires entre
le peuple et son prince. Toute relation entre les hommes repose sur un rapport
direct avec le corps du Guide. Ce corps prend de multiples fonctions, il est un
outil d'oppression et de pouvoir. Mais il ne fonctionne en
général que dans l'usage excessif de ses orifices à
travers la mise en contribution des organes digestifs et des organes
génitaux (orifices anaux et sexes).
III.3.a. Le bas du corps
L'autorité exercée va dans le sens de la prise
de possession des êtres humains et des objets. La
prééminence du bas du corps impose un règne de
consommation phallique et digestive de telle sorte que toute relation de
pouvoir passe par le sexe mâle162(*) : « Notre pays (Haïti),
c'est comme un enfant. Il a besoin d'un mentor, il a besoin d'un guide pour le
conduire dans le bon chemin,(...) ....Tous nos présidents ne songeaient
qu'à la profitassions. Ils avaient des châteaux, disait
Fwè Hénock, le garçon de la voisine Céluta, une
amie de la mère de Movar. Membre du parti Lavalas », p30.
Ceci montre l'exploitation du Guide pour son peuple.
Notons dans le récit de Babakar, l'histoire de
Wangara qui fut victime d'une fatalité après avoir
été acheté. Il nous raconte une anecdote du colon
français, le maitre qui, en essayant de violet une
gamine...« Il fut saisi de nausées si violentes qu'il prit
une glissade fatale dans son vomi et son caca », p.40.
Ensuite, dans le récit de Movar : « Une
odeur monte de l'eau glauque, parelle à celle d'un vagin »,
p.133, et :
« La plage était tellement sale, un vrai
dépotoir, que personne ne venait jamais dans cet endroit là.
Seuls des rats, aussi gros que des chiens, plongeaient dans l'eau
noire », p.53.
Et: «On avait déversé des poubelles
pleines d'ordures devant sa maison (...) », p.88.
Apres la mort tragique de Movar, les deux assassins le
jetèrent à terre, et : « ensuite, à
coups de pied, ils l'envoyèrent valdinguer dans le caniveau où,
le sternum fracassé, il s'enfonça dans l'eau
puante », p.304. Cela traduit le degré de
l'inhumanité des antillais qui ne respectent même pas les liens du
sang.
Dans l'univers fictif, la relation à l'autre est
sous-jacente à l'enjeu de l'assujettissement, de la consommation ou de
la résistance. Le rapport du président et de son sujet correspond
à la dialectique de la synecdoque ou à l'image du corps
morcelé pour être consommé : Hassan avec ses
maitresses ou encore l'assassinat de Movar par son oncle
présenté dans un cadre ironique:
« Ephrem et Dieudonné n'en étaient
pas à leur premier mauvais coup. Ils tirèrent un bon prix du jean
et de la chemise de Movar ainsi que de ce qu'ils trouvèrent dans son sac
à dos. Un pantalon de coutil, deux autres chemises et trois
slips », p.305. Ou encore : « (...). Les
corps des blessés et ceux des morts baignaient dans le même sang.
On ne s'occupait pas d'eux(...)», p.53. Ici Maryse Condé use
du lexique de la scatologie pour désigner l'autorité de l'Etat ou
le sujet soumis.
Par conséquent, le portrait caricatural du gardien qui
sourit avec ironie en regardant Babakar est un substantif réducteur de
« hernie étranglée » pour désigner que le
passé esclavagiste est encore là, qui se moque du présent
pour dire que le racisme est toujours là « Le vieux
gardien à hernie étranglée »,p.30.
L'«hernie » dans la première partie du récit qui
se fait le lieu second mais porteur de message. L'hernie se manifeste à
travers un simple gardien balayeur : « (...) une heure plus
tard, Lucien Lucius avait fini de promener son balai dans toutes les
anfractuosités et fumait, assis sur une poubelle renversée. Il
riait encore de son bon tour, lui qui riait si rarement »,
p.27.
L'ironie se manifeste dans tous les lieux du récit.
Babakar dit : (« il y avait la guerre dans mon pays. Plus
maintenant. Tout est rentré dans l'ordre. Les ennemis d'hier sont
devenus les frères d'aujourd'hui ». Il parlait avec une
extrême ironie), p. 73.
Nous nous intéressons à la relation entre la
sexualité et le pouvoir et à la manière dont elle organise
les rapports humains basés sur une relation de prédation sexuelle
et viols. Les paires pouvoir/sexe, pouvoir/consommation tiennent leur logique
du fait que ce sont des lieux de jouissance. Cette idée est
développée par Michel Cornatan163(*) qui définit le pouvoir comme étant
aussi un lieu de plaisir autant que la sexualité et la consommation des
aliments. Selon lui, le rapport direct de l'autorité politique et de la
sexualité est lié au fait qu'il existe « un sentiment de
jouissance » qui, dans les deux cas, est motivé par un enjeu
de domination (la polygamie, le viole, les orgies dans En attendant la
montée des eaux).
Le pouvoir est aussi un lieu de plaisir et la sexualité
le domaine de pouvoir sur l'autre et sur soi-même. Pour s'en convaincre,
il suffit de mettre en parallèle les expressions nombreuses
désignant la conquête d'un pouvoir ou d'un partenaire sexuel (le
plus souvent une femme).
En parlant d'Hassan, Babakar dit : « il
éprouvait un besoin constant du corps des filles, les couchant par deux
ou trois à la fois dans son lit », p .98.
La même chose aussi avec Fwé Hénock, le
garçon de la voisine Cécula l'amie de la mère de Movar
(milicien du président) :
« Tout ce qui me distrayait un peu,
c'était quand nous les accompagnons chez les filles. Pendant
qu'ils faisaient leurs affaires avec elles, nous les épiions par le trou
de la serrure. C'était comme si nous étions au
cinéma », p.52.
On note aussi dans le récit de Babakar sur
Wangara. Lorsqu'il fut acheté par le ladre Louis-Elie :
« Louis-Elie était un pervers. De nos jours, on l'aurait
appelé pédophile. Friand des gamines impubères, il
convoitait la fille de la lingère. Le soir où il s'introduisait
dans se chambre avec la ferme intention de la violer, il fut saisi de
nausées si violentes qu'il prit une glissade fatale dans son vomi et son
caca », p.40.
Sur le plan de la sexualité et du pouvoir, il y a ceux
qui « en ont » et ceux qui «n'en ont pas».
L'autorité est mâle, elle est un attribut (...)164(*). Ces parties cachées
situées au bas du corps sont des atouts de gouvernance. Ainsi, le
narrateur de En attendant la monté des eaux introduit son
récit en attirant d'emblée l'attention du lecteur sur
l'appétit de Hassan sur les femmes qu'il les consommait en double et en
triple en même temps, et la nourriture, pendant ses orgies, qui
débordait à outrance. L'évocation non permanente des
besoins naturels que sont l'alimentation, la défécation et
l'accouplement fait du corps politique un corps grotesque. Le narrateur insiste
sur ces parties dans un récit lié aux passé esclavagiste
vécu par les ancêtres de Thecla et de Babakar, et
actualisées par Hassan avec ses sujets, en outre avec Fwé
Hénoc et sa petite bande. Les parties génitales se substituent
à l'ensemble des autres organes, toute existence est liée aux
parties du bas du corps.
L'univers Condéen s'avère un espace cannibale
qui met le chef de l'Etat au centre des relations d'anthropophagie. Le despote
pratique un cannibalisme à double sens : il s'agit, d'une part, d'un
cannibalisme anthropophage et d'autre part, il conviendrait de parler de
cannibalisme sexuel, puisque dans le lexique, le vocable viande peut signifier
également le corps de la femme. Dans cet univers de barbarie, le
Président est un prédateur qui fait de ses citoyens ses
premières victimes. A l'image d'un ogre carnassier, il affectionne
autant la viande des bêtes que celle de ses sujets :
« Tandis que les serviteurs apportaient de gigantesques plas de
volaille, de mouton cuit en méchoui et de couscous de mi, ce qui causait
une fichue bousculade dans dans l'assistance,(....). » ,p.118.
Puis Babakar s'adresse à Hassan pour dire que son
penchant vers la politique est tout nouveau : « je ne l'ai jamais
remarqué. Pour moi, tu étais un esthète, amateur de femmes
et de musique ». Le narrateur procède par un
phénomène d'amplification avec des détails décrits
à l'excès. Il grossit chaque situation, la rendant
dénonciatrice.
Signalons aussi la place que prend polygamie dans En
attendant la montée des eaux. Babakar dit en parlant
des funérailles du père d'Hassan:
J'allai dans la pièce voisine présenter
mes condoléances aux veuves. Elles étaient là, toutes les
cinq, assises en rang d'oignon, habillées des mêmes
vêtements de deuil. Âgées d'une soixantaine d'années,
la première la bara muso comme on l'appelle, aurait pu être la
grand-mère de la dernière. Comment ces femmes avaient-elles
vécu ? Quelles avaient été réellement leur
relation ? Haine ou au contraire tolérance ? Sacré
mystère que la polygamie ! Babakar se souvient aussi d'une famille
polygame qui habitait près de sa mère dans le passé. Trois
d'entre elles étaient un jour en désaccord avec l'une d'elles.
« Pendant qu'Alya dormait, ses coépouses avaient fait
chauffé une pleine bassine d'huile d'arachide. Ensuite, à pas de
loup, elles s'étaient approchées de la malheureuse et lui avaient
balancé le contenu de la bassine, p.120.
La description du narrateur de la fête organisée
par le chef de l'Etat dans les dernières pages du roman est aussi
surprenante et révélatrice :
(...) le « royal Bonbon »
s'illuminait et jetait ses feux comme un paquebot en partance. On distinguait
sur la galerie le fauteuil où trônait celle qui avait servi de
mère à Estrella, Man Tonine, la haute silhouette couronnée
de locks d'Henri-Christophe2 et celle de sa compagne, vraie Miss Haïti.
Ils étaient entourés de généraux en uniformes bleus
et rouges, de femmes en crinoline exhibant leurs seins rebondis dans les robes
à décollettes plongeantes. Des serviteurs faisaient circuler
toutes sortes de boissons. Le champagne pétillait dans les coupes,
p.347.
Le Guide est obsédé par la chair, le manque ou
l'absence de viande exalte son désir bestial et en fait une bête :
Maryse Condé utilise deux noms presque identique des deux bordels ;
le jardin du paradis et le jardin d'Éden. Les deux
tirent leurs nominations du paradis. Lieu de jouissance qui connote la
pratique du pouvoir.
Elles procèdent à une perversion de la morale et
l'éthique politique. Tout en étant principalement l'affaire du
chef de l'Etat, ces abus dévoilent une perversion sexuelle dans
l'exercice d'un pouvoir naturellement phallocratique. Dans son roman, Maryse
Condé pose la problématique du rapport des sexes entre relation
et pouvoir : en parlant d'Hassan : « désormais,
le pire se produisait car tout le monde le traitait avec une totale
servilité. On l'avait surnommé « Almamy2 » en
référence à son célèbre aïeul, le
bâtisseur d'empire, (...) », p.121.Ce qui traduit le
comportement hautain et pompeux d'Hassan ainsi que son changement brutal envers
son ami Babakar.
III.3.b. Relation femme/pouvoir
Tout enjeu de pouvoir dans la fiction est à saisir dans
le jeu d'opposition entre l'élément mâle incarnant
l'autorité et l'élément femelle dominé165(*). La personnalité du
Guide est en opposition parfaite avec celle de la femme. Le personnage
féminin est doté de facultés intellectuelles matures et
d'une aptitude à organiser sa défense. La femme subit le pouvoir
phallique mais elle a la capacité physique et intellectuelle de
déjouer l'autorité mâle. Au pouvoir mâle, la femme
oppose un pouvoir « femelle » par un phénomène de
castration réelle ou symbolique qui libère.
Dans l'univers fictif le phallus, organe sexuel de
procréation, si on se fie au cadre fictionnel, est subverti pour prendre
la fonction d'une véritable arme de pouvoir et d'agression dont la
violence d'usage définit la puissance et l'efficacité. Par
conséquent, l'opposition au pouvoir est souvent conduite par les femmes
qui usent de leur sexe dans un rapport où le Guide est rendu impuissant
à la fois sexuellement et politiquement. La castration apparaît
alors comme la fin d'une domination mâle et l'émergence d'un
pouvoir féminin. Dans un univers politique dominé par
l'élément masculin, quelle peut être la place de la femme ?
Le narrateur dit : « Les femmes sont le
détail de notre histoire », p.166.
Les trois amis ont été victimes de
L'amour : l'amour de Movar pour Reinette dont la mort la lui a
arrachée ainsi que les amourettes de Babakar pour plusieurs
femmes qui ont toutes étaient enlevées par la mort: maman, Carmen
la coiffeuse, Irena l'ex maitresse de Hassan, les deux soeurs Reinette et
Estrella Ovide, Azelia sa femme défunte et Jahira la soeur de Movar. On
remarque qu'aucun amour n'a survécu. .Babakar n'a pas pu aimer une
autre femme que sa mère, p.93.
Quand a Hassan, il a fait les cent coups avec divers femmes et
enfin, il se marie avec une femme chrétienne. La fête
organisée pour ce mariage constitue une antithèse flagrante entre
deux religions, deux cultures, deux rives (le nord et le sud du Mali) et
surtout deus niveaux sociales.
A l'évidence, le personnage féminin ne fait pas
office de figuration, elle arrive quand même à exercer une
autorité d'une autre nature sur l'homme de pouvoir. Nous tenons à
expliquer, le pouvoir de la femme comme une opposition non moins violente
à un système politique mâle. Pour ce faire, deux
identités féminines sont mises en avant : l'image de mère
castratrice et l'image de la femme charnelle. Les deux figures participent
à la résistance. Face à elles, le Guide est castré
et perd ses attributs phalliques donc son pouvoir ainsi que l'affirme Daniel
Delas : L'effigie centrale de la société postcoloniale, c'est
bien, comme le dit Achille Mbembe, la verge en érection (Mbembe, 2000 :
XXII et XXIX), mais celle-ci vit dans la terreur de se voir voler sa
virilité par la vulve de la femme, source potentielle d'un autre corps
et d'une autre vie166(*). Cette condition structure la relation amoureuse qui
réduit le président à l'identité de l'enfant
obéissant. Dans En attendant la montée des eaux
Babakar a aimé plusieurs femmes en commençant par sa maman
pendant son enfance.
La passion amoureuse comme sentiment d'aliénation puis
et la castration comme une perte de son autorité politique.167(*).
L'amour est l'une des armes dont dispose le personnage
féminin pour s'opposer au pouvoir mâle168(*). Le sentiment amoureux perd
le mâle dans une folie qui dérègle ses moyens ce qui permet
à l'entité féminine de prendre le contrôle de son
pouvoir. L'homme est alors l'instrument de la femme qui en use pour ses fins
propres mais après bien des péripéties. Dans la relation
d'amour entre l'homme et la femme, l'amour n'est jamais consommé. La
femme met son amant à l'épreuve de l'attente. Le désir de
l'homme pour la femme est maintenu afin de conférer à cette
dernière une autorité sur l'homme. Dans cette relation, la femme
aimée absorbe l'homme, elle l'assujettit et le condamne à lui
obéir.
L'amour inassouvi, parce que non partagé et
instrumentalisé, plonge le mâle dans la démesure et dans la
folie des souverains mégalomanes : l'amour de Fouad pour Cuca qui
le rejette après qu'il l'est demandé au mariage
Le cas de Babakar avec Reinette Ovide parce qu'elle
était déjà morte. Et avec Estrella Ovide qui l'a
complètement ignoré. Ainsi d'une façon flagrante le cas de
Fouad avec Cuca, la prostituée, qui a refusé de l'épouser.
Toujours sous le contrôle de son amante, L'Espèce
d'homme construit un camp gigantesque de la taille d'un pays, ne sorte de
goulag tropical où il enferme l'ensemble de ses opposants. Ces lieux de
déportation sont démesurés, ils ressemblent aux espaces
d'incarcération gigantesques devenus mythiques tels les camps de
concentration. Toute décision politique est ici dictée et voulue
par la femme. Le mâle n'est finalement qu'un exécutant.
L'autorité politique est d'abord une affaire sexuelle,
une capacité de l'homme à agir sur le corps de la femme169(*). Ainsi, le désir
sexuel se confond avec le désir de gouverner ce qui fait que la
domination de la femme par l'homme est assimilée à la domination
politique. Le pouvoir est bien légitimé par la virilité
comme nous l'avons énoncé mais il est également un moyen
utilisé pour satisfaire les désirs sexuels. Dans certains cas, la
course au pouvoir a comme finalité l'accès à la jouissance
sexuelle. Plus l'homme multipliera ses conquêtes, plus il sera
assuré dans sa puissance. Le narrateur écrit qu'Hassan:
« il éprouvait un besoin constant du corps des filles, les
couchant par deux ou trois à la fois dans son lit »,
p .98.
La rivalité politique s'exerce également dans la
conquête « amoureuse ». C'est pourquoi le tyran castre son
rival pour l'empêcher d'avoir « accès à toutes les
jambes des femmes », selon l'expression du dictateur Lopez : Le roman
décrit la condition de l'homme moderne. Il montre la source
d'aliénation et de perte de soi que constituent «la peur » et
la tentation permanente de la violence dans un monde d'hostilité
où l'individu est devenu une « bête brute » qui agit par
pure pulsion et instinct. L'auteure affirme que l'homme qu'il décrit est
semblable à une bête traquée, dans cette mesure, il est
conditionné par la violence. Le narrateur décrit le viole de la
fille de la lingère : « de nos jours, on l'aurait
appelé pédophile », p.40. Babakar est
l'opposé d'Hassan, p.98. Ce dernier collectionne les femmes sans les
aimer mais Babakar n'a aimé et n'aime qu'une seule femme:
« si ma mère avait vécu plus longtemps, toute mon
existence, j'en suis sûr, aurait été différente
(...) qu'aucun homme, aucune femme n'a jamais pu remplir »,
p.93. Sa mère c'est son pays.
Conclusion
Le déracinement, les origines ambigües et le mal
identitaire, sont les principaux motifs qui vont faire resurgir une parole
poétique qui ne va pas sans violence traduite par le pouvoir des mots.
Ce pouvoir des mots apparaît d'abord dans la structure du récit
autant dans l'aspect formel que thématique.
Sur le plan idéologique et politique, Maryse
Condé exprime un grand intérêt pour le socialisme et le
communisme qui semblent plus proches des préoccupations du Tiers Monde.
Cela a été marqué par les congrès des intellectuels
noirs, perçu comme un nouveau départ pour l'Homme post
colonisé.
Le phénomène de la renaissance militante de la
culture noire est le thème récurent dans En attendant la
montée des eaux. Il est question d'une véritable prise de
conscience chez l'auteure qui affirme une volonté de s'émanciper
de la littérature française et de la littérature
occidentale. Les trois thèmes essentiels de ce roman relève de la
dénonciation des abus colonial, la contestation des systèmes
coloniales, l'expression de la révolte culturelle et la revendication de
l'identité nègre.
Néanmoins, la thématique de la violence est
encore présente, puisque l'indépendance ne signifie pas
règlement de toutes les questions en suspens et la rupture avec les
puissances occidentales n'est pas consommée. Les coups d'états
répétitifs, les élections truquées
déstabilisent l'ensemble des projets socioéconomiques qui
plongent les pays dans des guerres intestines. Par conséquent, de
nombreux Etats s'enlisent dans la pauvreté qui souvent oppose les
ethnies entre elles.
Ainsi la violence est très présente dans ce
récit. On parle alors de « désenchantement et de
désillusion » selon les termes de Jaques
Chevrier170(*), une
littérature marquée par l'échec des idées de
démocratie face à la montée de la tyrannie du despotisme
et des Etas gouvernés par les régimes armée.
Cette sévère réalité a pour
conséquence l'expression d'un grand pessimisme chez Maryse Condé,
qui dénonce les abus politiques, la décadence de l'homme noir et
les conditions sociales dégradantes.
C'est dans cette perspective qu'émergent En
attendant la montée des eaux où, la fiction témoigne
des drames sociopolitiques, qui relèvent directement des agressions
politiques des Etats minoritaires comme la nouvelle matière romanesque
qui plonge l'écrivain dans l'engagement et la dénonciation des
violences politiques.
L'étude des mythes de l'univers Condéen est
introduit dans sa fiction, la dynamique de son récit s'avère une
quête permanente du sens, tant l'auteure est préoccupée par
le devenir du monde et de l'Homme. Maryse Condé révèle son
attachement à l'imaginaire antillais, mais également aux mythes
de la Bible. Elle trouve le sens de son univers dans les mythes du cataclysme
évoqués dans En attendant la montée des eaux. Elle
évoque dans ce récit, autant les mythes de la tradition
antillaise que celle de la tradition juive et catholique.
Cette présence mythologique dans l'univers fictif est
une tentative de signification du monde réel à travers le
symbolisme antillais qui apparaît également comme une
épistémologie africaine revendiquée par les intellectuels
et les écrivains contemporains.
En attendant la montée des eaux ne manque pas
d'exagération et de déformation du réel pour le rendre
plus terrifiant ou pour créer une distanciation pour l'esthétique
du carnavalesque.
En effet, En attendant la montée des eaux est
un titre très révélateur qui inscrit d'emblée la
problématique du texte à savoir la destruction et la
reconstruction, la mort et la renaissance et enfin la violence et l'amour. Ce
titre en plus d'être thématique et rhématique, est aussi
symbolique jouant sur cette entité paradoxale vie/mort exprimée
dans tous les lieux du texte. Et c'est à partir de ces données
que peut se lire l'oeuvre de Maryse Condé et plus
particulièrement En attendant la monté des eaux où
l'identité antillaise est exprimé à travers un incessant
recours aux mythes fondateurs des origines bafouées par des
siècles d'esclavagisme et d'intolérances.
La parole mythique et celle biblique rend donc compte de toute
la violence de l'Histoire au travers de l'épisode du Déluge, le
plaçant dans un contexte actuel pour cerner la réalité
vécue du moment présent de l'auteure.
Maryse Condé, celle qui a vécu dans le monde
entier, définit son identité : « Je crois que
je ne serai jamais rien d'autre qu'une Guadeloupéenne. Une
Guadeloupéenne à ma manière, qui parle peu créole,
qui réside en partie à New York, qui a visité le monde...
Mais au fond de moi, le lieu qui a fait ce que je suis, mes parents, mes
souvenirs d'enfance, ont créé quelque chose que ne pourrai jamais
modifier. J'aime la Guadeloupe, le pays, la nature, les sons, les images. Je
mourrai guadeloupéenne. Une Guadeloupéenne
indépendantiste »171(*)
Le peuple antillais qui souffre d'un manque de mythe,
n'avait pas un ancêtre fondateur, si ce n'était le vaisseau
négrier, parti promptement de la terre des aïeux en chavirant le
cordon ombilical qui nouait les identités. Maryse Condé, imagine
tout naturellement d'autres croyances, rites, pensées, faisant du texte
le reflet d'une mythologie profondément littéraire, et de la
littérature antillaise l'arme que renouvelle, refait et remodèle
parfaitement le genre romanesque.
En attendant la montée des eaux,
contient des récits, qui racontent des histoires non pas sacrées
mais profanes, et des événements déroulés
antérieurement dans le temps originel, colonial, antillais et
contemporain. Chaque période dévoile dans le roman des structures
mythologiques qui apparaissent à l'intérieur d'une
création littéraire inspirée du contexte historique. Cette
recréation traduit l'affrontement fantasmatique entre structures
légendaires et structures littéraires qui expriment les peurs
primordiales des communautés créoles.
La position de Maryse Condé sur l'art
créole semble ambigüe : elle refuse d'être située
dans le mouvement de la créolité, conteste l'appellation
« écrivaine antillaise », et rejette le
communautarisme qui aliène les individus et les étrangers
à eux-mêmes. C'est-à-dire qu'ils soient humains:
« être antillais, finalement, je ne sas toujours pas
très bien ce que cela veut dire ; est ce qu'un écrivain ne
pourrait pas être constamment errant, constamment à la recherche
d'autres hommes ? Est-ce qui appartient à l'écrivain, ce
n'est pas seulement la littérature, c'est-à-dire quelque chose
qui n'a pas de frontières »172(*).
Les combats, que mène Maryse Condé, visent
à dessiner son identité de femme guadeloupéenne. Cette
dernière choisit de prendre une part active au sein de
l'évolution de son pays. Elle prend en main sa destinée en
s'appropriant la parole.
La thématique de la violence dans En attendant la
montée des eaux, confère une portée philosophique
qui, à travers l'omniprésence du religieux et des mythes
fondateurs, rapproche l'oeuvre du domaine métaphysique. Ainsi, le
premier constat qu'on peut faire est que ce roman appartient au domaine
idéologique. Sa lecture doit définir la fiction comme le
résultat d'une réflexion sur la condition humaine qui aboutit
à l'engagement de l'auteur dans la défense des idées et
des mémoires des peuples issus de la colonisation.
Le racisme dans l'espace sociopolitique où se
négocient la vie et la mort comme représentation à la fois
réaliste et symbolique de l'Autre le Guide. Ce dernier est l'opposition
à ce désir « de conservation du moi » (Babakar), sa
cohabitation avec l'élément maternel (Thécla) et ses
mythes est conflictuelle. Il est la substance mortifère incarnée
par le pouvoir dictatorial, il est aussi la langue de l'Autre qui risque
d'absorber le moi dans des symboles qui lui sont étrangers. Donc,
l'Autre est l'élément à maîtriser dans
l'écriture pour permettre l'affirmation d'un moi complexe défini
dans l'être postcolonial.
Ainsi, écrire la violence c'est dire le Guide et les
douleurs qu'il a imposées dans son histoire propre. Le roman vacille
entre le refuge dans « le principe du maternel » à travers
l'évocation des langues, des mythes et de la pensée religieuse
contre ce pouvoir qui n'est en réalité que la continuité
des formes d'injustice coloniales perpétrées et
pérennisées par un Etat postcolonial qui singe les violences de
l'ancienne colonie. L'écriture dans la langue de l'Autre
génère une oeuvre hétéroclite marquée par
une audace qui consiste à inscrire ses valeurs dans le discours
littéraire.
En attendant la montée des eaux invite
à redéfinir l'image de la femme qui n'a trop souvent
été valorisée qu'à travers la maternité,
d'où la glorification du mythe du poto mitan. Aussi, tout en
luttant contre le pouvoir dominant masculin voire colonial, le personnage
féminin refuse d'être cantonné au rôle de
mère. Elle réclame le droit de disposer librement de son corps en
ayant une maîtrise sur sa fécondité, et en imposant des
restrictions à l'homme. De fait, dans notre corpus, on retrouve une
représentation de la femme belle, instruite et libre telle que
Thécla ou encore Estrella.
L'auteure présente deux genres de femmes
différentes afin de montrer que l'identité féminine n'est
pas interdépendante de la maternité. Et c'est le message voulu
à travers Anaïs qui a été adopté par Babakar
qui n'a aucun lien parental avec elle.
De plus, cela confirme la quête identitaire des femmes
qui veulent détruire le « poto mitanisme ». Une telle
ambivalence de la représentation permet de comprendre l'évolution
de la condition féminine au sein de la littérature
guadeloupéenne contemporaine.
Maryse Condé met en scène des personnages
féminins qui prennent conscience de leur héritage culturel. Cela
guide leurs revendications pour une société plus
équitable.
À travers En attendant la montée des
eaux, Maryse Condé propose des solutions afin de
déconstruire les codes coloniaux en mettant en scène des
personnages avec des prises de positions radicales. Peut-être que
l'auteure propose aussi de dépasser les réminiscences de
l'Histoire et avec elles, le post colonialisme?
Bibliographie
Corpus
Condé, Maryse. En attendant la montée des
eaux. Paris: J.-C. Lattes, 2O10.
Autres oeuvres de l'auteure
Romans :
- En Attendant le bonheur (Heremakhonon).Paris :
Nouvelle édition, 1976.Réédition Paris :
Seghers, 1988.
- Une Saison à Rihata (Heremakhonon). Paris:
Laffont, 1981.
- Ségou: Les murailles de terre. Paris:
Laffont, 1984.
- Ségou: La terre en miettes. Paris: Laffont,
1985.
- Moi, Tituba, sorcière noire de Salem. Paris:
Mercure, 1986.
- Les Derniers Rois Mages. Paris: Mercure, 1992.
- Desirada. Paris: Laffont, 1997.
- Le Coeur à
rire et à pleurer, contes vrais de mon enfance. Paris: Laffont,
1999.
- La vie sans
fards. Paris: Lattès, 2012.
Théâtre:
- Dieu nous l'a donné. Paris: Pierre Jean
Oswald, 1972.
- Comme deux frères. Paris: Lansman, 2007.
- La Faute à la vie. Paris: Lansman, 2009.
Anthologies :
- Anthologie de la littérature africaine
d'expression française. Ghana Institute of Languages, 1966.
- Le Roman antillais. Paris: Nathan, 1977.
Essais :
- « L'Image de la petite fille dans la
littérature féminine des Antilles ». Recherche,
Pédagogie et Culture 44 (1979). pp89-93.
- « Au-delà des langues et des
couleurs ». La Quinzaine Littéraire 436 (mai 1985).
p36.
Nouvelles et courts récits:
- Pays mêlé (recueil de deux nouvelles).
Paris: Hatier, 1985. Nouvelle édition avec dix nouvelles: Paris:
Laffont, 1997.
- « No Woman No Cry ». Le Serpent
à Plumes (3e trimestre 1991).
- « Liaison dangereuse ». Pour une
littérature-monde, sous la direction de Michel Le Bris et Jean
Rouaud. Paris: Gallimard, 2007 .pp205-216.
Traductions par Maryse Condé:
- De Christophe Colomb à Fidel Castro: L'Histoire
des Caraïbes, 1492-1969, d'Eric Williams. Co-traduction (avec Richard
Philcox) de From Columbus to Castro: The History of the Caribbean (New
York: Harper and Row, 1971). Paris: Présence Africaine, 1975.
Ouvrages méthodologiques
Ouvrages sur la titrologie :
- Duchet, Claude. Éléments de titrologie
romanesque. Paris : Broché, 2001.
- Eco, Umberto. Le Nom de la rose. Paris :
Grasset, 1982.
- Hoek, Léo H. La marque du titre : dispositifs
sémiotiques d'une pratique textuelle. Paris: Mouton, 1981.
Ouvrages sociopolitiques :
- Confiant, Raphael. Jik déyé do
Bondye ; Guadeloupe : Ibis Rouge. 2000.
- Delas, Daniel. Métastases du discours
postcolonial in Xavier Garnier et Papa Samba Diop, Sony. Labou Tansi
à l'oeuvre. Paris : L'Harmattan, 2007, p71.
- Devesa, Jean Michel. Sony Labou Tansi, Ecrivain de la
honte et des rives magiques du Kongo, 1996 Paris : L'Harmattan,
2008.
- Moura, Jean-Marc. Littératures francophones et
théorie postcoloniale. Paris : PUF, Coll
« Écritures francophones », 1999. p. 43.
Ouvrages sur le mythe :
- Eliade, Mircea. Aspects du mythe. Paris: Gallimard, Coll
« Folio », 1968.
- Eliade, Mircea. Le Sacré et le Profane.
Paris : Gallimard. 1957. p127
Ouvrages critiques :
- Barthes, Roland. Le degré zéro de
l'écriture. Paris : Seuil, 1972. P.31.
- Kristeva, Julia. Le mot, le dialogue et le roman.
Sèméiotikè : le Seuil. 1978. p85.
Articles:
- Vété-Congolo, Hanétha. « Les
relations "intra-raciales" dans l'oeuvre de Maryse Condé : du mythe
à la réalité ». MaComère 6 ,
2004: pp102-126.
- Hess, Deborah. La poétique de renversement chez
Maryse Condé, Massa Makan Diabaté et Edouard Glissant.
Paris: L'Harmattan, 2006.
- Leservot, Typhaine. Le corps mondialisé: Marie
Redonnet, Maryse Condé, Assia Djebar. Paris: L'Harmattan, 2008.
Entretiens:
- Hardwick, Louise. « J'ai toujours
été une personne un peu à part: questions à Maryse
Condé ». International Journal of Francophone Studies
9.1 (2006)
-
Maryse Condé, 5 Questions pour Île en île,
entretien.vidéo de 18 minutes. (2009).
- Boisseron, Bénédicte.
« Intimité: entretien avec Maryse Condé ».
International Journal of Francophone Studies 13.1 (June 2010):
131-153.
- Maryse
Condé : une voix singulière (Maryse Condé: A Voice of
Her Own). Film documentaire de Jérôme Sesquin (2011, 52 minutes).
Thèses et mémoires:
- Thèse de doctorat, identité créole
et écriture métissée dans les romans de Maryse
Condé et Simone Schwartz-Bart. Université Lumière,
Lyon 2. Présenté par Cisse Mouhamadou. 2006.
- Condé, 1979, p. 37. Dans Caractère
subversif de la femme antillaise. Université du Québec,
Montréal. Mémoire présenté par Emeline Pierre.
2007.
Autres ouvrages :
- Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc -
Chapitres : 21. 25. 26.
- Lettre
de saint Jacques Apôtre - Chapitre 5 verset 7.
- La Bible. Genèse 7 verset 11, 17 et19.
- Le coran. Sourat Nouh. Verset 38, 39, 40.
* 1 Condé, Maryse.
En attendant la montée des eaux. Paris: J-C. Lattes, 2O10.
* 2 Auteure d'une immense
production, traduite en plusieurs langues, Maryse Condé se fait entendre
chaque jour dans une évolution littéraire profondément
humaine. Auteure de romans, de contes, de pièces théâtrales
et d'essais, professeure et critique littéraire, Maryse Condé a
joué et joue encore un rôle fondamental dans l'histoire
littéraire de son pays et des Antilles francophones. Sa connaissance de
la tradition littéraire, son expertise dans les domaines des cultures
noires et antillaises, ses multiples voyages dans le monde et sa formation
intellectuelle, l'ont aidé à construire un univers
littéraire marqué par une vocation humaniste.
* 3Ses oeuvres de fiction,
son discours critique (essais, cours universitaires, apparitions publiques) ont
toujours pour sujet la diaspora africaine. Ce privilège de meilleure
narratrice qu'elle a mérité, revient à son talent de
maitrise de l'écriture ainsi qu'à son engagement et sa prise de
position, issus d'une expérience pratique : sa naissance dans un
monde colonial et son apprentissage académique. En métropole, en
pleine époque de décolonisation et d'utopies socialistes, son
séjour africain, son retour au pays natal, son contact avec les Etats
Unis. Ce nomadisme a nourrit sa singularité de lire le monde.
* 4Maryse Condé a enseigné, jusqu'en 2002,
la littérature noire à l'Université de Columbia
(New-York). Reconnue, elle a reçu des pris prestigieux, à la
hauteur d'une oeuvre riche et engagée: 1987 Grand Prix
Littéraire de la Femme: Prix Alain Boucheron, pour Moi, Tituba,
sorcière noire de Salem. 1988 Prix de l'Académie
Française, pour La vie scélérate.
1988 Prix Liberatur (Allemagne), pour Ségou: Les
murailles de terre. 1993 Prix Puterbaugh, pour l'ensemble de son oeuvre.
1994 50e Grand Prix Littéraire des jeunes lecteurs de l'Ile de
France, pour Moi, Tituba, sorcière noire de Salem. 1997 Prix Carbet de
la Caraïbe, pour Desirada. 1998 Membre honoraire de l'Académie
des Lettres du Québec. 1999 Prix Marguerite Yourcenar
(décerné à un écrivain de langue française
vivant aux USA), pour Le Coeur à rire et à pleurer.
2001 Commandeur dans l'Ordre des Arts et des Lettres de la France.
2004 Chevalier de la Légion d'Honneur. 2005 Hurston/Wright
Legacy Award (catégorie fiction), pour Who Slashed Célanire's
Throat? 2006 Certificat d'Honneur Maurice Cagnon du Conseil International
d'Études Francophones (CIEF). 2007 Prix Tropiques, pour Victoire,
des saveurs et des mots. 2008 Trophée des Arts
Afro-Caribéens (catégorie fiction), pour Les belles
ténébreuses. 2009 Trophée d'honneur aux
Trophées des Arts Afro-caribéens, pour l'ensemble de son oeuvre.
2010 Le Grand Prix du roman métis, pour En attendant la
montée des eaux.
* 5 Hoek, Léo H.
La marque du titre : dispositifs sémiotiques d'une pratique
textuelle. Paris: Mouton, 1981.
* 6 Goldenstein, J-P.
Entrées en littérature. Paris : Hachette, 1990,
p68.
* 7 Grivel, Charles.
Production de l'intérêt romanesque. Paris-La Haye :
Mouton, 1973. p173. Cité dans Seuils de Genette.
Paris : Seuil, 2002.
* 8 Eco, Umberto. Le Nom
de la rose. Paris : Grasset, 1982.
* 9 Mitterrand, Henri.
Les titres dans les romans de Guy des Cars. Paris : Nathan, 1979.
p. 92.
* 10 Duchet, Claude.
Éléments de titrologie romanesque. Paris :
Broché, 2001.
* 11 Achour, Christiane.
Bekkat, Amina. Clefs pour la lecture des récits, Convergences
critiques II. Alger : Tell, 2002, p.71.
* 12 Hoek, Léo H. Op.
cit. p.7.
* 13 Condé, Maryse.
En attendant le bonheur. Hérémakhonon. Paris:
Union générale d'édition, 1976.
* 14Kourouma, Ahmadou.
En attendant le vote des bêtes sauvages. Paris :
Seuil,
1998.
* 15 Proust, Marcel.
En attendant Albertine. Paris: Gallimard, 1925.
* 16 Mitterrand, Henri. Op.
cit p.8.
* 17 Evangile de
Jésus-Christ selon saint Luc - Chapitres : 21. 25. 26.
* 18 Lettre
de saint Jacques Apôtre - Chapitre 5, verset 7.
* 19Selon Leo Hoek il y a
deux types de titre: « le titre subjectal, qui désigne le
sujet du texte (...) et le titre objectal, qui désigne le texte en tant
qu'objet, c'est-à-dire en tant qu'appartenant à une classe
donnée de récits, exemples Aventures de..,
Révélation sur.., Histoire de etc. ».
* 20
Achour, Christiane -Chaulet . Ouvrages, directions d'ouvrages et
revues -christianeachour.net/ouvrages. Consulté le 12 Janvier 2014
à 13h.
* 21
www.memoireonline.com.
aventure-scripturale-coeur-autofiction-kiffe-kiffe-demain,faiza-guene3.html.
Consulté le 20 Janvier 2014 à 23h 55.
* 22 Achour, Christiane.
Bekkat, Amina. Op. cit, p.173.
* 24 Drvota, Stanislav.
L'anxiété et la peur, Praha, Avicenum. 1971, p.7.
* 25Disponible sur :
http://www.cnrtl.fr/definition/angoisse.
Consultation : le 29 janvier 2011.
* 26Benesch, Hellmuth.
Encyklopedický atlas psychologie, Praha: Lidové noviny, 2001.
p.471.
* 27 Proust, Marcel.
Sodome et Gomorrhe. Paris VII: Gallimard, 1930. p.729.
* 28Mythes et violence dans l'oeuvre de Sony Labou
Tansi. Thèse de doctorat présenté par Henry Alain-Kamal
Martial, 2013. Université Paris-Sorbonne. p
osition
de thèse téléchargeable sous format PDF -
...Consulté le 10 Janvier 2014 à 13h 34.
* 29 S'appuyant sur un
corpus de six romans d'Édouard Glissant (La Lézarde, Le
Quatrième siècle, Malemort, La Case du commandeur, Mahagony et
Tout-Monde), publiés entre 1958 et 1993, l'auteur montre comment
Glissant se livre, dans son oeuvre, à une véritable refondation
du monde, avec la ferme volonté de construire quelque chose de grandiose
et d'atteindre à une vérité.
* 30Condé,
Maryse. Ségou: Les murailles de terre. Paris: Laffont, 1984.
Ségou: La terre en miettes. Paris: Laffont, 1985.
* 31Colin Katel
-Thibaudeau, Glissant Edouard, entre béance et recomposition du
passé, in (Dir)Kanaté Dahouda, Sélom K.Gbanou,
Mémoires et identités dans les littératures
francophones, Paris : L'Harmattan, 2009. p.30.
* 32 Ibid.
p.131.
* 33 Kemedjio, Cilas. De
la Négritude à la Créolité: Edouard Glissant,
Maryse Condé et la malédiction de la théorie.
Hamburg: LIT, 1999. p. 334.
* 35 « Ségou constitue la
première partie du Roman En attendant la montée des
eaux » : De île en île, interview avec Maryse
Condé (2011).
www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/conde.html.
Consulté le 03 Février 2013 à 13h.
* 36 Hewitt, Leah. D: Awards
and Honors: National Endowment for the Humanities Research Fellowship,
1987-88;Amherst College Senior Sabbatical Fellowship, 2001;Amherst College
Research Awards, 1994-97, 2006
Scholarly and Professional Activities:
Ongoing member of the Modern Language Association: Elected Delegate to the
Modern Language Association Assembly, 1988-90; Editorial Board Member for
Contemporary French and Francophone Studies: Sites.
* 38Hubaux, Jean. (1894-1959) fut, entre 1924 et 1957,
professeur de latin à l'Université de Liège, où il
a marqué des générations d'étudiants. Il fut en
outre ...
Culture,
le magazine culturel de l'Université de Liège - Jean
Hubaux
culture.ulg.ac.be/jcms/prod_608684/jean-hubaux.
Consulté le 04 Décembre 2013.
* 39Lorsque Romulus
aperçut les douze aigles, les Romains, avant de croire à
l'éternité de leur ville, étaient terrorisés, quand
à sa fin imminente. Alors, ils essayèrent de déchiffrer le
sens de cette apparition et de découvrir combien de temps leur restait
encore, en voyant dans chaque expédition guerrière et dans chaque
calamité naturelle les signes d'une catastrophe imminente. Mais
après une longue époque, on comprit que douze aigles
aperçus par Romulus ne signifiaient pas cent vingt ans de vie pour la
cité. Ensuite, les Romains crûrent que le chiffre fatal
était mille deux cent composé de douze mois de cent ans mais il
fallait attendre longtemps. En attendant, César traversait le Rubicon
sans que la catastrophe finale, pressentie par Nigidius Figulus, se soit
réalisée. Auguste vint ensuite et, après une
séquence d'interminable et longue et sanglante guerre civile, instaura
la Pax Romana. Un peu plus rassurés, les peuples des sept collines
continuèrent tranquillement à dominer le monde, et Virgile salua
la ville éternelle en adressant à ses compatriotes les mots de
Jupiter à Venus : « voilà l'empire sans fin
que je vous ai donné ». Finalement Alaric prit la ville
d'Assaut ; il semblait donc que la prophétie de douze aigles et la
supposition que la date fatidique était composée de douze mois de
cent ans s'accomplissaient : Rome venait d'entrer dans son douzième
et dernier siècle d'existence, complétant précieusement
mille deux cent ans40. D'après Eliade à cette
époque où tous les esprits avaient capitulé devant une
telle évidence, seul Saint Augustin s'efforçait de montrer que
personne ne pouvait connaître l'instant où Dieu se
déciderait à mettre fin à l'histoire, et qu'en tout cas,
bien que les cités aient par nature même, une durée
limitée, la seule ville éternelle étant celle de Dieu,
aucun destin astral ne peut décider de la vie ou de la mort d'une
nation.
* 41 Le fil de la
trame : réflexions sur le temps et l'histoire books.
Consulté le 29 Janvier 2014 à 19.05.
* 42 Ibid.
* 43 C.f pâttaro,
op.cit. pp.194-195.
* 44 Eliade, Mircea. Le
Sacré et le Profane. Paris : Gallimard, 1957. p.127.
* 45Domingue, Ivan.
Le fil de la trame : réflexion sur le temps et
l'histoire. 2000 chronologies historique-philo.. C'est presque la
même chose chez les peuples chrétiens formés eux aussi dans
la tradition messianique es prophètes, auxquels s'ajoutent les
évangiles, sur la base des témoignages de la vie de Jésus,
considéré lui-même un Messie. De même que les juifs,
ces peuples ne sont parvenus à supporter les persécutions
impitoyables dont ils ont été victimes que grâce à
l'espoir et à la foi que ces épreuves cesserait un jour et que
l'histoire elle-même serait abolie dans un futur très proche.
C'est ce que nous montre Eliade dans un passage remarquable où il nous
fournit les points forts de la conception messianique du mal et de l'histoire
mais qui peuvent être facilement étendus aux peuples
chrétien. Du moins avant que le christianisme ne devienne cycle, la
puissance des dieux, la volonté de la providence. Consulté le 28
Janvier 2014 à 20h 50.
*
46http://www.afriqueredaction.com/article-les-sacrifices-humains-le-travers-meurtrier-de-la-sorcellerie--43618475.htm.
Consulté le 12 Février 2014 à 14h 47.
* 48 Plantation de
cannes à sucre ; Titre du tableau de Catherine
Théodose, couverture du corpus.
* 49Corzani, Jac.
Culture savante et culture populaire (XVIIe Siècle) histoire des
Antilles et de la Guyane, sous la direction de Pierre Pluchon.
Toulouse : Privat, 1982. pp. 441-467. « La
société créole est dominée par la violence :
expropriation puis génocide des Caraïbes, des petites Antilles, des
Arawak en Haïti, importation sous la contrainte de certains colons
eux-mêmes, puis bien entendu et surtout des africains razziés et
maintenues dans une dégradante servitudes. Le primat de la force sur le
droit et la justice restera dans la mentalité collective sous le double
aspect de la crainte et de l'audace, de la prudence et de
l'intrépidité »
* 50 Edouard, Glissant,
Tout Monde, livre II du traité de Mathieu Béluse.
Paris : Gallimard, 1993. P.124.
* 51Pépin,
Ernest. Littérature d'un écrivain guadeloupéen.
Article pour La revue Autrement, série Mémoires, N°28.
Janvier 1994, p.225 : les écrivains antillais eux-mêmes sont
traumatisés, mais ils subissent le trouble psychologique de l'antillais,
dans des formes narratives pour les uns et à travers des essais pour
d'autres, comme Edouard Glissant et Aimé Césaire. Pour les
écrivains antillais, il est indispensable d'explorer l'âme
créole et le passé Caribéen telles que Maryse
Condé, Simone Schwarz-Bart et Gisèle Pineau. « Il
s'agit de faire parler son pays comme un être vivant,
c'est-à-dire faire parler à la fois le paysage, faire parler la
mémoire, faire parler la culture (...) »
* 52 Métellus, Jean.
Haïti, une nation pathétique. Paris : Maisonneuve &
Larose, 2003.
* 53Fulton, Dawn. Signs
of Dissent, Maryse Condé and Postcolonial Criticism,
Charlottesville & London, University of Virginia Press, 2008, p.97.
Consulté le 04 Janvier 2014 à 19h.
* 54Condé, M aryse.
« O Brave New World », Research in African Literatures, Fall
1998, Volume 29, Number 3, Indiana University Press, pp. 1-7.(Annexe 2):
Brave New World : « The notion of Race is, in fact, a legacy
of 18th - and 19th -century pseudoscientific theories. Buffon, de Raynal, and
later the illustrious count of Gobineau divided mankind into its different
subgroups, using color or race as the initial criterion for the classification.
For colonial reasons, the Native American, the black man, the African were
placed at the bottom of the human family. There was even some discussion as to
whether the black man should be categorized as belonging to the species of the
ape or the human race ». Consulté le 31 Janvier 2014 à
12h 34.
* 55 Ménil,
René. Sur l'exotisme colonial, Revue La nouvelle critique,
Mai 1959, repris dans Tracées..., op. cit, p.19.
* 56
Condé,
Maryse - île en île.
www.lehman.cuny.edu/île.en.île/paroles/conde.html.
Consulté le 03 Février 2013à 13h.Pour
René Ménil l'aliénation est subie grâce à la
confusion des cultures, antillaise et occidentale, alors que Maryse
Condé a construit le renoncement dans l'âme de ses personnages
qui, en rejetant leur histoire, à l'image de Babakar et ses deux amis
qui se sont exilés à Haïti. Maryse Condé a su
traduire, d'une façon différente, cette rupture : les
personnages qu'elle construit sont responsables de leur hantise, puisqu'ils ont
délaissé leur tradition et leurs coutumes historiques.
* 57 Balandier, Georges.
Anthropologie-Logique. Paris, P.U.F. 1974. p. 207.
* 58 Propp, Vladimir.
Morphologie du conte (1928). Paris : Le seuil, 1970.
* 59 Ibid.
* 60 Bachelard, Gaston.
L'Air et les songes. Paris: Corti, 1990.
* 61Thomas, J. Deux
figures de l'imaginaire gréco-romain : l'acrobate et le
plongeur. Paris : L'Harmattan, 2001. pp77-89. Le discours mythique
rejoint une forme de discours initiatique: il s'appuie sur l'idée d'une
relation, par le voyage et d'une transformation, par ses
péripéties et ses épreuves, dans un monde qui est
divisé en grands régimes bipolaire. Le travail du mythe sera de
tisser entre elles, et à travers le voyage, le lien d'où
naîtra l'émergence entre masculin et féminin, noir et
blond, Maitre et Esclave, ordre et désordre, haut et bas,
lumières et ténèbres, etc. Le voyage comme paradigme du
mythe, est donc un dynamisme organisateur qui cherche à échapper
à son propre risque mortifère: la diaspora, la fragmentation, la
discontinuité (diabolê, en grec: le "diable", c'est ce qui
sépare...). Donc, le récit mythique de l'avancée (celle de
l'Homo viator, de l'homme en marche et en voyage, le voyage
métaphorisant la traversée de la vie est polarisé, comme
la marche, en mouvements antagonistes et complémentaires. Ces mouvements
(ordre, désordre, liage, déliage, ouverture, fermeture), pris
isolément, sont nécessaires, mais
« barbares » parce qu'excessifs, faute de dialogue. La
dimension civilisationnelle du voyage du héros mythique va
résider précisément dans sa capacité à
relier ces deux antagonismes dans un rythme, une danse, des enseignements
fondamentaux et récurrents du mythe, c'est cette science de
l'entre-deux, de l'aequilibritas, la juste harmonie, l'exacte
proportion des parties, de la mediocritas, a science d'être
in medio, au milieu, dans le juste milieu comme capacité de se
tenir sur un sommet, mais entre deux gouffres.
* 63 Eliade, Mircea, The
Journal of Religi L'Herne, Paris, 1988, pp.16-17.
* 64 Idem, p.19.
* 65 Ibid, p..
33.
* 66Sellier, Philippe.
Qu'est-ce qu'un mythe littéraire ? Dans un
article publié en 1984. Consulté le 15 Février 2014
à 16h 12.
* 67
La
tragédie du roi Christophe: théâtre - Aimé
Césaire - Google Books, books.google.com. 1963.Consulté le 12
Janvier 2014 à 22h.
* 68 Césaire,
Aimé. Une Saison au Congo. Théâtre. Paris :
Seuil, 1965.
* 69 Chamoiseau, Patrick.
Chronique des sept misères. Paris :
Gallimard,
1986.
* 70 Chamoiseau, Patrick.
Texaco. Paris :
Gallimard. 2010.
* 71 Chamoiseau, Patrick.
Biblique des derniers gestes. Paris : Gallimard, 2002.
* 72 Chamoiseau, Patrick.
L'empreinte à Crusoé. Paris: Gallimard, 2012. p.172.
* 73 Condé, Maryse.
Célanire cou-coupé. Paris : Robert Laffont.
2005.
* 74 « Dieu
créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le
créa, il les créa homme et femme » : Genès
1,2
* 75 La Bible. Genèse
7 : verset 11.
* 76 Genèse. 7 :
versets 11, 17 et19.
* 77 Les
exégètes se contredisent sur le nombre des personnes
embarquées. Il existe une fourchette entre 7 et 80 personnes. Le chiffre
80 étant le plus retenu. Selon le fils d'Abbas : ils étaient au
nombre de 80 hommes dont Djourhoum, et tous étaient enfants de Seth
(Chith). Selon Quatadah, ils étaient 80 personnes : Noé et son
épouse, ses fils et leurs femmes. Le corps d'Adam sera monté
à bord, puis son Seigneur lui commanda d'y faire monter les animaux. Le
premier animal à monter à bord sera l'oie, le dernier,
accompagné de Satan, l'âne. Un seul ne montera pas parmi ses
proches, son fils Yam (autre nom Canaan), il était
mécréant. Quand l'eau se déchaînera faisant des
vagues de la taille de montagnes, Noé tentera en vain de convaincre son
fils de monter à bord. Mais il déclinera l'invitation.
Espérant trouver refuge sur la plus haute des montagnes (Coran XI 42-3).
La tristesse de Noé sera grande (Coran XI 45-7). Le monde biblique ne
reconnaît pas ce quatrième enfant de Noé (sur lui la Paix
!). Les textes bibliques ne le mentionnent pas.
* 78 Genèse 6 :
15-16.
* 79 L'Arche de Noé,
est une espèce de grand navire que Noé construisit, par l'ordre
de Dieu, pour s'y retirer avec sa famille et des couples de chaque
espèce d'animaux, et à l'abri duquel il devait échapper
aux eaux du Déluge. A part son existence et sa destination, tout ce
qu'on pourrait dire de cette construction est conjectural. Selon la Bible,
l'Arche était en bois de gopher, mot que les Septante traduisent par
bois équarri, Jonathas par cèdre, Onkélos par
cyprès, St Jérôme par bois goudronné. Moïse
donne à l'arche 300 coudées de long; 50 de large, 30 de haut, et
les savants sont loin d'être d'accord sur la valeur de ces
coudées; si ce sont celles des Égyptiens de son temps, l'Arche
aurait eu environ 170 mètres de longueur, 28 de largeur, 17 de hauteur,
et sa capacité se serait élevée à plus de 42 000
tonneaux. Moïse attribue au bâtiment trois étages tandis que
Philon et Josèphe lui en donnent quatre, et Origène cinq. Ce
dernier prétend que l'Arche était de forme pyramidale, et
d'autres en font un parallélépipède rectangle. Selon
Origène, St Augustin et St Grégoire, Noé employa 100 ans
à la construire; selon Salomon Jarchi, 120 ans; selon Bérose, 78;
selon Tanchuma, 52; selon les Musulmans, 2 seulement. (B.). (Source : Imago
Mundi.). Fais une arche en bois (Gen. 6:14). Jacob ben Isaac d'écrire
notamment : Toldot Itzhak dit : Noé n'a pas récité de
prières car il était bon envers les gens mais sa foi en Dieu
faisait parfois défaut. Noé pensait que le Saint, béni
soit-Il, ne devait pas provoquer le déluge mais seulement faire peur
afin qu'ils deviennent pieux. A cause des eaux du Déluge (Gen. 7:7).
Noé monta dans l'arche à cause des flots tumultueux. Noé
ne croyait pas que Dieu déclencherait le déluge ; c'est pourquoi,
il ne rentra pas dans l'arche avant que l'eau ne l'y oblige. (Le commentaire
sur la Torah. Edit. Verdier). Nous dirons : c'est porter là un jugement
sévère et inadmissible sur/envers les prophètes. Mais,
d'après les commentateurs, ceci correspond à l'image que le monde
de la Synagogue, se fait en général de ses prophètes ! Or,
après la foi des anges, la foi des prophètes et messagers divins
n'est pas à mettre en doute. Et le Déluge n'est pas ici un jeu.
C'est un châtiment envers ceux et celles qui ont mécru en leur
divin Créateur, Lui ont donné des Associés, Lui ont
désobéi, ont désobéi aux invitations et injonctions
du prophète Noé (sur lui la Paix !). Et de ce fait, à lui
de faire cette prière à son Seigneur : «Seigneur ! Ne laisse
sur terre pas un habitant d'entre les mécréants ! Pourquoi ? Si
Tu en laisses, en vérité, ils égareront Tes esclaves, et
n'engendreront que du libertin, du trop ingrat... » (Coran LXXI 26-7).
Enfin, le divin Créateur du monde biblique n'est-Il pas
présenté comme une sorte de divinité dépourvue de
toute science, de connaissance réelle de l'invisible, de l'avenir? A les
lire, on fini par croire en la suprématie de l'Homme sur son
Créateur ! Encore une vision propre au monde toranique.
* 80Le déluge
était si énorme que la terre toute entière n'avait jamais
témoigné d'une telle catastrophe, d'une telle furie. L'eau qui
sortira et tombera, sera une partie venant de la terre, l'autre du ciel. Le
"four" est ici un signe divin, inconnu du monde biblique. Selon les
exégètes, il peut y avoir ici sept interprétations
possibles : 1) la surface du sol, les Arabes appellent la surface du sol : le
four. La terre se mit à bouillonner de sources. 2) le four à
pain. Le four était de pierre, il appartenait à Eve. Puis,
parvint à Noé. On lui dit : Si l'eau sort du four à pain,
monte à bord toi et tes compagnons. Dieu alors fit sortit l'eau du four
à pain. La femme de Noé le sut, et lui dit : O Noé ! L'eau
sort du four ! Il dit : Est venu véritablement le rendez-vous de mon
Seigneur ! 3) l'endroit, selon Hassen, où l'eau s'est rassemblée
autour du navire. 4) Le lever du soleil, la lumière du matin. Parole de
Ali (que Dieu l'agrée !) 5) La Mosquée de Koufah. Selon Ali (que
Dieu l'agrée !) et Moudjahid. Moudjâhid : le four était
dans la direction de Koufah. Noé prit le navire à
l'intérieur de la Mosquée de Koufah. Et le four était
à droite de l'entrée... Et de lui l'eau sortit, Noé le
savait et c'était là une preuve évidente de la destruction
de son peuple. 6) la partie élevée du sol, la partie la plus
haute. 7) Source dans le Djaizirah (Arabie). On dit : La source est
dénommée wardah... Nohas a dit : c'est là les sept
paroles, lesquelles ne sont pas contradictoires entre elles puisque Dieu nous a
informé que l'eau sortira à la fois du ciel et de la terre. (V.
Qortobi). Autre variante : Par le terme « four » (tannour), la
majorité des Savants entende la surface de la terre, c'est-à-dire
que de tous les côtés de la terre, l'eau avait jailli, au point
qu'elle surgit même des fours qui sont des lieux du feu. Cependant le
fils d'Abbas a dit que le four (tannour) est le nom d'une source qui se trouve
en Inde ; Chi'bî a dit qu'elle se trouve à Koufa (en Irak) et
Qatâdah a soutenu qu'elle se trouve dans la presqu'île arabique.
Ali fils d'abou Talîb a dit, quant à lui, qu'il s'agit de l'aurore
quand elle se fend et du jour quand il se lève. Ainsi selon lui, Dieu a
ordonné à Noé de faire monter les créatures dans
l'embarcation dès l'aurore. Avis personnel.
* 81 Se sera une
découverte à haut risque. On dit que Noé (sur lui la Paix
!) sera assisté par les anges. Il lui sera montré comment
construire une telle embarcation. Selon les commentateurs, Noé (sur lui
la Paix !) le charpentier fabriquera son bateau en bois de teck. Bois dur, de
densité moyenne, imputrescible. Il lui fut commandé de le faire
d'une longueur de 80 coudées, d'une largeur de 50 coudées, sur
une hauteur de 30 coudées. Selon Quatadah : longueur : 300
coudées, largeur : 50 coudées, hauteur 30 coudées. Selon
Hassen : Longueur 1100 coudées, largeur : 600 coudées. C'est
ainsi qu'il sera décrit par Ham fils de Noé, lorsque le Messie
demanda à son Seigneur la permission de le ressusciter, sur demande
express de ses compagnons. L'exégète Baidawi estime que les
dimensions de l'arche sont de trois cents coudées de long, cinquante de
large et trente de haut. Il explique ensuite que le premier des trois
étages était destiné aux animaux sauvages et domestiques,
tandis que le second accueillait les êtres humains et que le
troisième abritait les oiseaux. Pour l'historien Ibn Athîr, le
premier abritait Noé et les autres humains, le second les animaux
sauvages, et le troisième les oiseaux. Il y a divergences à ce
sujet.
* 82
Le
Coran : Sourate 11 - Islam, islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/11.html.
Consulté le 20 Avril 2014 à 20h 04
* 83 Al Baidawi, qui
écrit au XIIIe siècle, en déduit que Noé proclama
le nom d'Allah pour mettre l'arche en mouvement, et qu'il fit de même
pour l'arrêter. Quand l'eau commencera à monter et à
tomber, les animaux sauvages se présenteront à Noé (sur
lui la Paix !). Ils lui seront soumis, et à lui de les faire monter
à bord suivant l'ordre divin. Dieu donna également l'ordre
à l'ange Gabriel d'élever la Ka'bah au quatrième ciel du
Paradis. Elle était en hyacinthe du Paradis. La pierre noire fut
cachée dans le mont Abou Qais de la Mecque. Elle restera ainsi
jusqu'à la reconstruction de la Ka'bah par le prophète Abraham et
son fils Ismaël (sur eux la Paix !) (Coran II 124-130). Og fils d'Anaq,
pour avoir aidé Noé à construire le bateau, fut le seul
des géants à avoir, dit-on, pu survivre au Déluge.
Noé (sur lui la Paix !) avait besoin de bois de teck pour le bateau, il
ne pouvait le transporter. C''est alors que Og le transporta jusqu'au
Châm, et pour cela, il fut sauvé des eaux du Déluge.
Version biblique : Reste seulement Noé (Gen. 7:23). Il ne reste que
Noé et tous ceux qui se trouvaient sur l'arche. Nos sages disent (Nid.
61a) : Og, roi de Basan, demeura sur une planche près de l'arche sous le
toit. Noé creusa un trou dans l'arche et donna à manger à
Og ; c'est pourquoi Og jura qu'il ne fera aucun mal à ses enfants. Il
est écrit « seulement Noé », ce qui signifie que
Noé gémissait car une fois, il tarda à nourrir le lion qui
le mordit. Alors Noé se mit à crier (Akh veut dire «
seulement » ; c'est également le cri que poussa Noé. (Op.
cit.). Remarques : propos qui n'engage que l'auteur. Voir notre version
concernant Og. Lequel ne sera jamais roi. Quand il fut ordonné à
Noé de faire entrer les animaux dans le bateau, il dit : ô
Seigneur ! Que ferai-je du lion avec la vache ? De la chèvre, du loup,
de l'oiseau, du chat ? Il dit : Celui qui a créé entre eux
l'inimitié est capable de les rassembler. Il fit tomber la fièvre
sur le lion qui l'occupa. Et Dieu est plus Savant !
* 84 Quand Al Masudi
écrit que Dieu ordonna à la terre d'absorber l'eau, et que
certains territoires peu prompts à obéir reçurent de l'eau
salée en punition, devenant ainsi secs et arides. L'eau qui ne fut pas
absorbée forma les mers et les océans, si bien que certaines eaux
du Déluge existent encore aujourd'hui. Le fils de Djarîr mentionna
que le déluge commença le 13 août du calendrier copte
* 85Les rescapés
édifièrent une ville au pied du mont Joudi, en direction de
Moussoul, qu'ils nommèrent Thamanin (« quatre-vingts ») en
raison de leur nombre, et du fait que chacun y bâtira une maison, sa
propre maison. Aujourd'hui dénommée : le marché des 80.
C'est le premier village à être construit après le
déluge. Ces personnes n'eurent pas d'enfants, et la totalité des
êtres humains nés après le Déluge descendent des
trois fils de Noé. Noé (sur lui la Paix !) ferma alors l'arche et
en confia la clé à Sem. Yaqout al-Rumi (1179-1229) mentionne
également une mosquée construite par Noé et visible
à son époque. Quant à Ibn Battuta, (1304-1377), le grand
voyageur marocain, il rapporte avoir franchi le mont Joudi au cours de ses
voyages au XIVe siècle. Le monde de l'Islam actuel, bien que peu
portés à s'engager dans une recherche active de l'arche, pensent
souvent qu'elle existe toujours, sur les escarpements les plus
élevés de la montagne.
* 86Nous utilisons
l'expression motif du déluge pour désigner un réseau de
figures (arche, eaux, destruction, survivants, Noé, et autres,
réseau dont l'organisation varie selon les textes.
* 87 Le roman de
Jean-Jacques Rousseau et de J.M.G. Le Clézio proposent tous deux un
dénouement de l'anecdote différent de celui que l'on peut
observer dans le récit biblique : le renouveau escompté fait
plutôt place à une nuit sans fin annulant toute possibilité
de résolution du processus de destruction du monde (Le Clezio, Le
déluge) de même qu'à l'anéantissement
définitif de l'humain par lui-même (Rousseau, Le déluge
blanc). De son côté l'île du jour d'avant
d'Umberto Eco explique le potentiel parodique des figures du déluge. Ses
personnages tentent de trouver une explication scientifique à la crue
spectaculaire et au retrait non moins surprenant des eaux dans le récit
de la Genèse. Nous observons surtout le dispositif figuratif.
Répertoriant les figures et observant leur articulation
particulière dans ce texte il élabore des modèles
interprétatifs afin de déployer les effets de sens construits par
ce réseau énonciatif. Cette étude de la mise en discours
l'amène à montrer que le déluge n'est pas
présenté comme une recréation, mais apparait comme un
nouveau commencement, dans lequel les rapports des hommes avec le
Créateur sont radicalement révisés, et les conditions de
la vie, étable un monde qu'il risque toujours de conduire à sa
perte.
* 89 La littérature
dessine un espace de liberté et d'invention où la croyance
n'enchaîne pas. Opérant à la façon du mythe, la
littérature opère aussi contre lui : moment, dirait
T.W. Adorno, de la dialectique de la raison - ainsi dès
Homère la littérature montre l'homme en train de se
délivrer du mythe, comme l'Ulysse de l'Odyssée. Elle continue
d'exercer cette fonction, toujours en avance sur ce qu'on peut dire d'elle,
précédant toute herméneutique, parce que, ludique et
libre, elle réécrit son texte incessamment. La fin et la
renaissance du monde sont, en outre, liées à une idée de
« purification », comme l'atteste le récit du déluge
universel Chrétien, mais aussi bon nombre de mythologies.
La purification, en particulier, est très importante dans la vision
de la fin du monde rattachée au phénix en ce que le feu,
élément essentiel de l'oiseau mythique dès l'époque
romaine, est aussi symbole de purification. Le phénix évoque donc
le feu destructeur, mais aussi créateur d'un nouveau monde qui
tiendra son origine et sa fin de ce dernier. Symbole fort, le feu est un
élément d'une importance première en ce qu'il
représente une puissance divine et fait l'objet d'un certain nombre de
récits mythologiques (par ex. le mythe de Prométhée) et de
rituels (par ex. des rituels funéraires dans la Rome ancienne).
Avec la pensée Chrétienne il symbolise l'enfer et la punition,
mais aussi, ce qui semble être primordial dans le mythe du phénix,
l'idée de l'immolation, considéré comme un acte de
sacrifice suprême.
* 90 Le déluge et ses
récits : points de vue sémiotiques. Books, google. fr/books
isbn : 2005 . Consulté le 19/01/2014 à 23h 12.
* 91 Cotterell,
Arthur. Encyclopédie de la mythologie.
Paris : Parragon, 2004. Il a ordonne à Utanapishtim
de construire un bateau. Sur le vaisseau terminé, Utanapishtim embarque
de l'or et de l'argent, les membres de sa famille et un représentant de
chaque espèce animale. À l'heure dite, les digues se rompent et
la pluie tombe. La tempête est si terrible que même les dieux en
sont effrayés. Au septième jour, les eaux se retirent et
Utanapishtim constate que son bateau s'est échoué. Il
libère la colombe et l'hirondelle mais celles-ci reviennent au bateau.
Seul le corbeau consent à s'installer sur la terre ferme. Utanapishtim
fait débarquer sa famille et célèbre son salut par un
sacrifice au cours duquel il verse des libations et brûle de l'encens.
Attirés par l'agréable senteur, les dieux se rassemblent autour
d'Utanapishtim et de sa victime. Lorsque vient la déesse-mère,
elle pleure la destruction de ses créatures et jure de ne jamais
oublier. Elle accuse Enlil de la destruction presque totale de
l'humanité. Enlil est furieux qu'une famille humaine
ait réussi à échapper au déluge, mais Ea lui avoue
qu'il a organisé lui-même le périple
d'Utanapishtim. Apaisé, Enlil bénit le héros et son
épouse et leur accorde la vie éternelle.
* 92 Kristeva, Julia. Le
mot, le dialogue et le roman. Sèméiotikè : le
Seuil, 1978. p.85
* 93 Selon Riffaterre,
l'intertextualité est un mécanisme propre à la lecture
littéraire. Elle seule produit la signification alors que la lecture
linéaire, commune aux textes littéraires et non
littéraires, ne produit que du sens. Michaël Riffaterre
www.erudit.org/revue/pr/2005/v33/n1/012270ar.html.
Consulté le 27 Décembre 2013 à 20h 20.
* 94 Genette définit la paratextualité
comme « la relation que le texte entretient, dans l'ensemble formé
par une oeuvre littéraire avec son paratexte : titre, sous-titre,
intertitres, préfaces, postfaces, avertissements, avant-propos etc....,
notes marginales, infrapaginales. d
e
l'intertextualité à l'écriture - Cahiers de Narratologie -
Revues.org
narratologie.revues.org/329. Consulté le 20
juillet 2013à 20h 14.
ý
* 95 Pierre
Ndemby-Mampooumbou, D'une écriture de la rupture à une
relecture des cultures : lire et comprendre les pouvoirs traditionnels dans le
roman de l'Afrique noire, thèse de doctorat, ParisII, 2005. p9.
L'intérêt de cette approche est de considérer les diverses
techniques du roman dans la narration du sacré. La thèse soutenue
par Pierre Ndemby-Mampoumbou étudie les pouvoirs traditionnels dans le
roman de l'Afrique noire comme structure de pouvoir opérant dans
l'organisation politique contemporaine des Etats africains. Parmi les oeuvres
de Sony Labou Tansi qu'il retient dans son corpus figure La Vie et
demie. L'axe de recherche de cette thèse est la fonction des
traditions orales et des croyances ancestrales africaines dans l'exercice du
pouvoir politique moderne. La critique précise : De cette
première approche, il s'était dégagé le fait que
l'analyse du texte constituait le corpus principal de lecture du pouvoir
politique dans La Vie et demie révélant que la pratique
scripturale se déployait autour de la relation des hommes politiques
avec les forces traditionnelles. Consulté le 30 Avril 2013.
* 96Ibid. p.301 :
Pierre Ndemby-Mampoumbou affirme que: « Le constat
littéraire de l'ensemble des romanciers est sans
équivoque : une confusion opératoire reste identifiable entre
la nouvelle Nation avec ses valeurs démocratiques et son mode de
fonctionnement avec les anciennes sociétés africaines,
généralement des royaumes et des tribus
* 97 Sonia Zlitni-Fitouri,
Le sacré et le profane dans la littérature de la langue
française, op.cit. p. 11. C'est le cas de
Monnès, outrages et défis98 d'Ahmadou
Kourouma dans lequel l'auteur fait appel à une verve humoristique
remarquable pour fustiger le pouvoir de Djigui entouré de ses sorciers.
La fiction montre le caractère dépassé et obsolète
des structures traditionnelles du pouvoir. Sonia Zlitini-Fitouri rend compte de
la technique de désacralisation dans le roman francophone et
évoque sa nécessité lorsqu'il s'agit de critiquer le
pouvoir : On ne manque pas d'être frappé par du basculement chez
ces écrivains du sacré dans la dérision et la
démythification. Dans ces conditions, l'écriture devient à
l'évidence entre leurs mains une arme de contestation du monde tel qu'il
est, la seule peut-être susceptible d'ébranler un système
politique verrouillé et un pouvoir qui ne dédaigne pas par
l'occasion de se draper des oripeaux du sacré et du divin.
* 99Rudi Mbemba, Dia
Benazo-Mbanzulu, Le Procès de Kimpa Vita, La jeanne d'Arc
congolaise, Paris, L'Harmattan, 2002, pp. 58-59. « L'idéal de
Kimpa Vita est bien plus grandiose. Consistant en une recherche de
l'unité perdue de sa si chère nation, elle entend aller
au-delà d'une satisfaction personnelle. Non, sa destinée est
à chercher ailleurs et trouve notamment sa similitude avec celle de
Jeanne d'Arc. Ainsi se met-elle à l'écart des disputes des trois
prétendants chefs et rois. Son objectif est de les réconcilier,
de leur faire comprendre le bien fondé de son action qui est celui de
l'intérêt général, lequel d'après sa
conviction aurait sa raison d'être non pas à Bula, ni Kibangu, ni
au Soyo, mais à San Salvador la capitale politique du royaume. Dans ce
contexte fort difficile du royaume Kongo, Mbanza kongo ou San salvador la
capitale, devient, peut-on dire, aux yeux de Kimpa Vita,
stratégiquement, une sorte de Mbongi. Le Mbongi chez le Kongo est un
centre d'accueil, d'enseignement public, de transmission ou de diffusion des
connaissances en tous domaines, un organe de règlement de conflits de
tous genres. Partant de cette définition, ne peut-on pas admettre que
Kimpa Vita manifeste raisonnablement, par son action le souci sinon le devoir
de rassembler les hommes au grand Mbongi de Mbanza Kongo pour
l'unité du royaume comme le font habituellement les femmes dans les
Mbongi ordinaires».
* 100 Kibangou, Sony
Labou Tansi ou la quête permanente du sens. Op.cit, p.
245.
* 101 Rudi Mbemba, Dia
Benazo-Mbanzulu, Le Procès de Kimpa Vita, La jeanne d'Arc
congolaise, Paris : L'Harmattan, 2002. pp58-59.
* 102La mythologie
afro-antillaise s'avère une religion panthéiste dans le sens
où la Nature entière apparaît comme le maître du
destin. Ainsi, le ciel, la terre, l'eau (l'espace fluvial et marin) jouent le
rôle de divinités puissantes.
* 103 Mythes et violence
dans l'oeuvre de Sony Labou Tansi. Op. cit, p.22.
* 104 La fin du Monde se
définit par ce temps où le ciel viendra à être
recollé à la terre. Cette croyance est le leitmotiv du roman.
Maryse Condé organise sa fiction de telle sorte qu'elle puisse permettre
naturellement l'intervention des divinités du panthéon Bambara et
de ses esprits dans une affaire de coutume qui plonge le monde dans les
prémices de la fin apocalyptique annoncée.
* 105 Mythes et
violence dans l'oeuvre de Sony Labou Tansi. Op. cit, p.79.
* 106 Ibid.
* 107 Cette scène
est évoqué aussi dans l'oeuvre de Paul Claudel l'annonce
faite à Marie où l'héroïne embrasse
l'époux de sa soeur au premier chapitre. Cela annonce des souffrances et
des malheurs à venir.
* 108
Superstition
antillaise et leur explication - Commentaires
...www.volcreole.com/forum/sujet-3446-45.html. Consulté le 21 mars
2O14 à 18 h 05.
* 109 Moura, Jean-Marc.
Littératures francophones et théorie postcoloniale,
Paris, PUF, Coll. Écritures francophones, 1999. p. 43.
* 110 Ibid. p. 129.
* 111 Laîdi, Z.
Sous le dire de : Le temps mondial, Bruxelles : Complexes,
1997. p.15.
* 112Condé, Maryse.
La parole des femmes: Essai sur des romancières des Antilles de
langue française. Paris: l'Harmattan, 1979.
* 113 Il faut voir dans
l'oppression la composante de l'identité des femmes, et non pas la
description comique de leur destin. C'est pour des raisons liées
à l'identité que Maryse Condé a construit des
épisodes sur les femmes, elle prolonge, dans son texte, les origines et
l'actualité des histoires féminines, sanglantes et cruelles.
C'est à l'intérieure de la narration que se trouvent ces
souvenirs de femmes avilies, dans les rapports entre la réalité
et la perception des auteurs. On comprend pourquoi l'oppression permet à
Maryse Condé de reprendre les mêmes thèmes, de les
transformer et de les coordonner.
* 114 Le père,
l'ennemi, à abattre, la personne à haïr, l'objet de toutes
les jalousies, symbolise l'esclavagiste, qui possédait la femme, l'objet
de toutes les convoitises.
* 115 Hernandez, Teresita.
L'importance de l'expression orale dans Ti Jean L'horizon et Pluie et vent
sur Télumée miracle. Revue francophone, vol. VIII, N°2
Lafayette, Louisiane, 1999, p. 42.
* 116 Ibid.
* 119 The colonial and
imperial context was one which was sexually coded and redolent with sexual
meanings; the exotic is a particular example of the way in which the colonial
context is imbued with sexual fantasy. [ ... ] Even the colonial landscape was
represented as a compliant female body - a virgin territory opening itself up
to imperial penetration (Mills, 1998, p. 100-101). Consulté le 12
Janvier 2014 à 13h 15.
* 120 C'est ce qui pousse
Mills à déclarer: « "controlling women's sexuality, exalting
maternity and breeding a virile race of empire-builders were widely perceived
as the paramount means for controlling the health and wealth of the male
imperial body politics"» (1998, p. 1 02). Consulté le 18 Janvier
2014 à 18h.
* 121 Feminism is not
simply an additive explanatory mode! Along side other political theories. To
centralise women's experiences of sexuality, work and the family inevitably
challenges traditional frameworks of knowledge. Feminism incorporates diverse
ideas which share three major perceptions: that gender is a social construction
which oppresses women more than men; that patriarchy shapes this construction;
and that women's experiential knowledge is a basis for a future non-sexist
society. These assumptions inform femînism 's double agenda: the task of
critique (attacking gender stereotypes) and the task of construction (Humm,
1998, p.194 ). Consulté le 22 Mars 2014 à 12h 20.
* 122 Condé,
Maryse. La parole des femmes. Op.cit. 221.
* 123 The good husbands and
lovers of the Caribbean are also too often silent and invisible: the creative
literature at present available for young women to read about with
stereotypical attitudes towards women, depicting them as victims of male
violence or the other ways as losers or marginal figures (Savory Fide, 1990, p.
290).
* 124 A présent,
bien des femmes · n'en peuvent plus et cette révolte sourde qui
n'ose s'exprimer, se perçoit à travers ces écrits
contemporains (Condé, 1979, p. 45). Résultats Google Recherche
de livres. Consulté le 09 Avril 2013 à 13h 14.
* 125 Condé, Maryse.
La parole des femmes. Op.cit. p.554.
* 126
Le
caractère subversif de la femme antillaise dans un contexte ... -
Résultats Google Recherche de Livres
* 127 Ibid. p. 44.
Consulté le 14 janvier 2014 à 16h.
* 128 Ibid. p. 36.
* 129 Thomas, R Murray
examines educational research as a series of simple and complex questions.
Corwin Press, Mar 14, 2003. p. 1128.
* 130 Condé, 1979,
p. 37. Dans Caractère subversif de la femme antillaise.
Mémoire présenté par Emeline Pierre. Juin 2007.
Consulté le 14 Juillet 2013 à 19h 18.
* 131 Ibid. p. 39.
* 132Ibid. p. 93.
* 133 What feminism teaches
you is that literary/ critical languages, like any others, are not simply
technologies of communication but intensely caught up in gender value
judgments. (... ) Feminism involved in new literary practices rather
than simply in metaphors are trying to understand the wider meanings of change.
(Humm, 1998, p. 207).
* 134 Caractère
subversive de la femme antillaise. Op. cit.p.235.
* 135 Ibid. p.42.
* 136En effet,
d'après Marie-Denis Shelton, « feminine writings tend to explore
conflicts and mutilations that characterize the being-in-the-world of women in
the Caribbean » (1990, p. 347).
* 137 « One of the
most pervasive them es in the Caribbean novels written by women is the
problematic of feminine exclusion and dispossession » (1990, p. 347-348).
Resultants recherches sur Google. Consulté le 28 Février 2014
à 22h.
* 138Mais les auteures
veulent renverser cette tendance, de telle sorte que « some works in
Caribbean feminine expression can be viewed as breaking the chain of
alienation. They propose images of women who find a voice to claim a parce! of
power over reality and destin y » (Shelton, 1990, p. 354). De même,
« women writers in the Caribbean have been involved in an active
interrogation of reality, past and present. The ir preoccupations and the ir
response are diverse. [ ... ] Caribbean women's fiction is not solely centered
on the self. It is structured on the multiple contractions and potential ities
within Caribbean societies » (Shelton, 1990, p. 3 56).
* 139 Condé, Maryse.
5 Questions pour Île en île. Entretien, Paris .2009. 18
minutes. Île en île. Mise en ligne sur YouTube le 8 juin 2013.
Consulté le 17 Mai 2013 à 17 h.
* 140 Corzani, Jack.
Littératures francophones - II. Les Amériques (Haiti,
Antilles-Guyane. Québec. Paris : Belin, 1998.
* 141 Régis,
Antoine. La littérature franco-antillaise, Haïti, Guadeloupe et
Martinique. Paris : Karthala, 1992.
* 142 Ibid. p. 89.
* 143 Entre la
société créole et l'écrivain antillais, deux
rapports au moins apparaissent et fondent le contexte littéraire :
les liens affectifs qui préfigurent ce membre complaisant,
interprète de la société, et littéraires comme pour
suggérer cet artiste acharné, engagé, dévoué
à la cause caribéenne. L'écrivain antillais tire sa
révérence de sa condition géographique, les
réalités du pays influencent les thèmes qu'il aborde dans
ses oeuvres de fiction. Les textes littéraires, selon cette
correspondance naturelle et imaginaire, s'ouvre sur la métaphore
profondément créole qui s'articule selon les
particularités de la société antillaise et la
représentation de la culture créole. Et cette image symbolique
laisse entrevoir dans la littérature des êtres antillais,
là où les récits exposent les événements des
îles de la Caraïbe : Dans le double rapport de
l'écrivain avec la société, une vérité
littéraire se dégage : la recherche de l'identité,
engagement des auteurs et des Hommes, une culture et des valeurs insulaires. Il
s'agit là de l'harmonie antillaise (l'identité créole)
un métissage de multiples cultures, surgies d'origines diverses.
L'esclavage des Noirs ou début du XVI e Siècle et la colonisation
française, conséquence de l'abolition, ont pourvu un
héritage, le métissage culturel.
* 144Cisse, Mouhamadou.
Thèse de doctorat, identité créole et écriture
métissée dans les romans de Maryse Condé et Simone
Schwartz-Bart, Université Lumière, Lyon 2- 2006.
* 145 Dans
l'esclave vieil homme et le molosse :
« c'était pour l'esclave vieil homme, un moment de
déroute ; voir débarquer ces hommes qui lui ressemblaient
tant. Tous mal revenus de la plus langue des morts ». Le bateau
Négrier est un espace intermédiaire où la rupture n'est
pas clairement concrétisée, probablement parce que là on
côtoie la mort de trop près et que dans de telles conditions, la
préoccupation première est de survivre. Le bateau apparait
signifiant l'instrument de la chute, aussi, instrument d'entrée dans
l'univers de l'autre, de l'oppresseur. Espace ambivalent, il est clos, lieu de
passage entre deux espaces ouverts : l'Afrique et l'île, là
où se côtoient la proximité de la mort et la survie, c'est
le cercueil et le berceau146. Dans En attendant la montée
des eaux, Maryse Condé décrit les passagers
* 147Leur foisonnement
engendre l'abandon involontaire de quelques habitudes, l'adoption obligatoire
d'autres rites, le mélange inéluctable de nombreuses traditions.
L'héritage africain, la culture occidentale, rites mystiques indiens
engendrent la fusion des moeurs mais aussi la confusion et l'instabilité
des structures sociales. C'est dans ce contexte enchevêtré de
métissage qu'il faut retrouver le drame de l'antillais, confronté
au problème culturel de la francophonie.
* 148L'oralité
apparait dans l'oeuvre écrite par la projection des genres Oraux, le
mythe, le conte, les proverbes, les écrivains charrient le
répertoire de l'oral. L'écrit et l'oral s'interfèrent,
s'entrecroisent, se mélangent, sans jamais altérer les intrigues,
dénaturer les événements relatés. On peut lire
l'oralité dans la littérature antillaise, le mélange est
remarquable dans les oeuvres de Maryse Condé.
* 149Condé, Maryse.
Aspects du mythe dans la littérature des Antilles françaises,
Actes du XIV congrès de la SFLGC : Limoges, 1977. p.21.
* 150Ce que l'on admire
particulièrement, c'est l'aventure comme forme imaginaire
d'écriture et de narration, les évocations hasardeuses et
recherchées parcourent beaucoup de styles. En décrivant l'errance
des personnages, Maryse Condé promène son imaginaire. En
attendant la montée des eaux reflète des images frappantes,
colorées, métaphoriques, décrites tout au long des
enchaînements narratifs, carrefours de styles différents de
traditions littéraires opposées. Elle a symbolisé
l'identité créole comme motif littéraire qui dégage
des représentations si mêlées qu'elles paraissent
dénaturées mais significatives : l'identité perd sa
vraie valeur qu'elle tenait de la réalité de Fond Zombi, des
rituels etc.. Les nombreux tableaux pittoresques dans Ségou,
Traversée de la Mangrove et En attendant la
montée des eaux, les parenthèses et les allusions dans
pluie et vent, tout porte à croire que Maryse Condé a
bâti les thèmes identitaires dans l'écriture
métissée. Cette dernière mobilise les ruses et les astuces
qui enjolivent les romans, et qui superposent à l'intérieur de la
narration les modèles et les paysages littéraires.
* 151 Barthes, Roland.
Le degrés zéro de l'écriture, Paris : Seuil,
1972. p.31.
* 152 Gauvin, Lise.
L'écrivain francophone à la croisée des langues,
Entretien. Paris : Karthala,1997.p. 67.
* 153 Condé, Maryse.
Traversées de la Mangrove. Paris: Mercure de France, 1989. p.
146.
* 154Deleuze, Giles.
Creattari, Félia. Kafka, pour une littérature
mineure. Paris: Minuit, 1975. pp. 7-8.
* 155 Condé,
Maryse. Le roman antillais, tomme 1. Paris : Fernand Natthan,
1977, P13.
* 156 Moura, Jean Marc.
Post colonialisme et comparatisme. Université de Lille.
Consulté le 09 Janvier 2014 à 16h 21.
* 157 Ibid.
* 158 Ibid.
* 159 Ibid.
* 160 En ayant recours
à la tradition orale, l'auteur s'engage dans un processus de subversion
puisqu'il va à l'encontre des normes établies. Toutefois,
Bardolph déclare qu'au sein du post colonialisme antillais, tous les
textes ne s'opposent pas aux pouvoirs hégémoniques
aliénants au nom du nationalisme. En réalité, les
écrivains francophones des îles créoles sont à
l'origine d'un combat qui s'inscrit dans la tendance générale de
notre époque vers un retour aux sources : « En
utilisant ces tactiques d'écriture, l'auteur guadeloupéen
réfute et refuse les liens de dépendance qui existent entre la
périphérie (la Guadeloupe) et le centre (la France). Cela
engendre une mise à distance prise par rapport à la langue
dominante. Par ailleurs, l'intrusion du créole (assez récente) ou
de l'oralité dans le texte littéraire correspond à une
remise en question de la norme qui donne lieu, comme le dit Christiane N diaye,
à un « dépassement de la discrimination des formes :
métissages intertextuels et transculturels » (2004).
* 161 Le plus souvent pour
lui reprocher ses carences en ce domaine, soit qu'elles fassent de la
théorie post coloniale un symptome de la domination nouvelle
baptisée « empire » (Michel Hardt, Antonio
Negri ; Empire, Harvard U. P. 2000), soit q'elles voient celle-ci comme
une « comprador intelligentsia » (Arif Dirlik : The
postcolonialbAura. Londres : Macmillan Press Ltd, 1998.
* 162 Ibid.
* 163Théodore Holo,
Le Président de la République en Afrique noire
francophone, Paris, L'Harmattan, 2007. p.21.
* 164 Cornatan, Michel.
Pouvoir et sexualité dans le roman africain, Paris, L'Harmattan,
1991, p.40.
* 165 Mythes et violence
dans l'oeuvre de Sony Labou Tansi. Op. cit, p.22.
* 166Delas, Daniel.
Métastases du discours postcolonial in Xavier Garnier et Papa Samba
Diop, Sony Labou Tansi à l'oeuvre. Paris : L'Harmattan,
2007. p71.
* 167Devesa, Jean Michel.
Sony Labou Tansi, Ecrivain de la honte et des rives magiques du Kongo,
1996 Paris : L'Harmattan, 2008.
* 168 Selon l'étude
de Jean Michel Devésa, qu'il en faite, le sentiment amoureux est
dominé par une force aliénante : l'être qui aime est
dévoré par son aimé dans « une relation exempte
de morale» qui, selon lui, tirerait ses sources « d'une conception
animiste des systèmes des choses et des êtres » : Dans
son oeuvre Maryse Condé ne cesse de clamer qu'il existe dans l'Amour une
terrible potentialité d'éparpillement et de dissolution (...) En
fait dans tous ses textes, elle a essayé d'actualiser sa culture, de la
ressusciter et de la rendre à nouveau parlante c'est-à dire
efficiente. (...) Sa conception des rapports entre les individus était
marquée au sceau de la tradition Bambara qui calque ses modèles
sur une conception animiste des systèmes des choses et des êtres.
Exempt de morale, parce qu'il s'agirait alors d'un sens et d'une signification
apportés par les hommes, ce qu'il faut bien appeler le mysticisme
Bambara cherche à rendre le fonctionnement même de la nature et
à manifester la logique même de la vie.
* 169 Mythes et
violence dans l'oeuvre de Sony Labou Tansi. Op. cit, p.22.
* 170Titulaire de la chaire
d'Etudes franco-phones à la Sorbonne et directeur du Centre
international d'Etudes francophones de la Sorbonne, il a été
notamment consultant de l'UNESCO auprès de l'Ecole Normale
Supérieure de Bamako. Fortement impliqué dans la promotion des
littératures francophones, il est directeur de la collection "Mondes
noirs poche" chez Hatier et de la collection "Archipels littéraires" aux
éditions Moreux. Il est également responsable du jury du Grand
Prix littéraire d'Afrique noire.
Williams
Sassine, écrivain de la marginalité (GREF, 1996).
* 171Net
Guadeloupe
1ère - Maryse Condé : "Je crois que je ne serai jamais
...
guadeloupe.la1ere.fr/2012/11/06/interview-de-maryse-conde-943.htmlý
consulté le 19 2 2014 à 23 h 29.
* 172Condé, Maryse,
Notes sur un retour au pays natal, conjonction : revue
franco-haïtienne. N°178, supplément 1987, pp.7-23.
|
|