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Média, support, temporalité : le cas des pure-players de presse.

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par Colin FAY
Université Rennes 2 - Master Information et Communication 2014
  

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1.2.3. Fragiles récits

La transformation du récit imposée par le numérique est l'abolition d'une relative stabilité des bornes du récit. Dans un média papier, télévisuel, radiophonique, les récits rapportés ont un début et une fin : le début et la fin du journal, de l'émission. Dans un média numérique, les bornes du récits sont constamment déplacées. Virtuellement, elles sont inatteignables. On ne sait plus où le récit commence, et il est à tout moment susceptible de changer de fin. Comme l'avance Tisseron (2012) : « lorsque l'écran s'allume, il devient possible de faire des allers et retours, de faire jouer sa mémoire visuelle pour naviguer dans des contenus, et donc d'annuler le temps. » Le même texte numérique peut se trouver recontextualisé, reborné à tout moment, ce par l'apparition des signes passeurs (on peut faire un rappel à un texte passé à tout moment, ou insérer un lien vers un texte ultérieur une fois le premier événement d'écriture terminé), mais aussi par les réactions actives, en flux, qu'ont les lecteurs d'un média Ñ commentaires ou partages sur les RSN, ou commentaires sur l'article lui-même, insérant au sein même de la page écran une échappée du récit, un nouveau point de fuite vers une fin non prévue par le scripteur.

Aussi, comme l'écrit Lévy (2007:5) : « la virtualisation met le récit à rude épreuve : unité de temps sans unité de lieu, continuité d'action malgré une durée discontinue ». Alors que nous traiterons des tensions naissantes que provoque la continuité d'action dans une durée discontinue dans la suite de ce travail, nous devons d'abord nous pencher sur celles naissant de l'unité de temps sans unité de lieu, et sur ce qui en fait un point travaillant les pertinences des récits.

D'abord, la validation par le rédacteur en chef en devient insaisissable pour les différents acteurs. Subissant eux-même l'information overload, les rédacteurs en chefs doivent aussi faire le tri parmi une immensité d'informations. En même temps il devient difficile pour les attachés de presse ainsi que pour les pigistes de connaître la raison d'une non réponse, d'une non publication d'une information : est-ce parce que le rédacteur en chef n'a pas vu passer le mail (nouveau moyen de communication privilégié), ou est-ce que le sujet proposé n'est pas pertinent pour le média ? Lorsqu'un média ne fonctionne plus en périodicité (pas de date butoir réelle pour rendre un article), il n'est pas simple pour un acteur de connaitre la pertinence ou non de son récit. La synchronisation par mail permet à la fois de fonctionner en flux Ñ on peut envoyer de l'information à tout moment Ñ, mais à la fois sa non unité de lieu la rend source d'instabilité : est-ce que l'envoi n'a pas atteint son destinataire en temps et en heure, ou est-ce que l'information n'est tout simplement pas pertinente au média ? Ainsi, tout actant souhaitant envoyer de l'information pour validation Ñ que ce soit un journaliste au rédacteur en chef, ou un attaché de presse à tout actant écrivant sur le média Ñ, se retrouve dans une situation complexe face à ce qu'il saisit comme logique de récit du média. La raison de l'acceptation ou de la non acceptation d'un récit échappe à celui qui le propose, la synchronisation par mail, ainsi que la non imposition d'une échéance claire, laisse ce dernier dans la méconnaissance et dans l'expectative : le sujet va-t-il être validé ou non ? Et si oui, quand ? Si non, l'explication reste bien souvent le silence.

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La temporalité en flux travaille également les possibilités de ciblage faites par le média : en effet, un média traditionnel connait précisément le profilage de ses lecteurs, quel public il possède, quel tranche de son public lit quelle édition ou encore quel type de récit, quelles pages sont préférées par qui et quel jour. Cependant, ce type de profilage n'est plus possible dans une temporalité en flux : il est impossible de savoir quand va être reçu le texte, à quel moment va être affiché au lecteur un article, même si le média partage sur ses RSN l'article à un moment donné précis. Un RSN comme Facebook n'affiche pas directement et par défaut ce qui vient d'être publié, mais effectue le tri et propose la lecture de liens jugés pertinents par l'algorithme. Également, l'interaction d'un lecteur avec un post peut faire remonter le texte dans le fil d'actualité de ses contacts. Cependant, cet interaction se faisant toujours en flux, elle peut réapparaitre à des moments divers durant le temps de vie du post.

Également, à tout moment peut apparaître un élément dans le milieu qui vient remettre en question le récit au sein d'un territoire : discréditer une histoire, la contredire, avancer d'autres éléments pertinents, toutes ces actions d'influences extérieures peuvent venir à exister à tout moment. La veille en devient d'autant plus complexe puisqu'elle est permanente, elle n'est plus soumise à la périodicité des sorties des autres actants du milieu. Or il est impossible pour un média numérique d'effectuer cette veille permanente ; la tenue d'une revue de presse liée aux temporalités périodiques est dépassée, la surveillance du milieu devrait être continue pour être efficace, ce qui ne tient pas dans le cadre d'une activité professionnelle liée à des temporalités cadrées, d'autant plus dans un contexte où chaque actant a déjà à effectuer le tri dans l'information overload des éléments qui viennent à lui.

Ainsi les dynamiques d'écriture d'un pure-player rendent-elles complexe la création de récit : à la fois les bornes du récit sont mouvantes, toujours changeantes, en même temps que le récit se trouve dépendant de sa pertinence temporelle. Il devient complexe pour tous les actants de juger de la pertinence ou non de leur envoi d'information, que ces actants soient les journalistes, les pigistes, le rédacteur en chef ou même les attachés de presse. Les récits deviennent instables, virtuels en ce qu'ils sont de continuels problématisations qui viendront être actualisées, et réactualisées constamment. Les récits numérique sont à l'opposé du spectre des récits figés, puisque s'inscrivant dans le flux, ils sont en permanence susceptibles d'être modifiés.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius