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Média, support, temporalité : le cas des pure-players de presse.

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par Colin FAY
Université Rennes 2 - Master Information et Communication 2014
  

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1.3.2. Écriture et légitimité

Sur la plateforme en tant que telle, la légitimité est conférée à celui qui signe, à la fois par les autres écrits qu'il laisse sur cette plateforme, mais aussi par les autres écrits (textes ou profils) qu'il a pu laissé sur d'autres territoires. Ce sont donc les autres marques territoriales qu'il a laissées qui lui confèrent son identité : soit la plateforme ne laisse aucun espace de profil et dans ce cas la légitimité de la signature se fait en rapport avec l'ensemble des textes antérieurement produits, soit la plateforme laisse une place à la création d'un profil dans lequel l'auteur donne en quelques signes les conditions de sa légitimité d'écriture. Ces deux cas se présentent dans les plateformes médiatiques en tant que telle, et la seconde est caractéristique des RSN : par exemple, Twitter laisse 140 caractères à un utilisateur pour écrire son profil, et donc un espace restreint pour cadrer la légitimité de l'écriture. En retour, le média en question influence la création identitaire du narrateur : citer le nom du média dans son profil confère une légitimité de parole à celui qui s'en sert. Un point essentiel dans l'économie de l'attention : Goldhaber (1997, notre traduction) le souligne, « une vérité essentielle est que si vous avez l'attention d'un public, vous pouvez la passer à quelqu'un d'autre. »33 Chaque signature, chaque identité narrative influence donc les autres identités qu'elle touche.

Ainsi, « la place laissée à l'auteur dépend de la logique de l'outils envisagé. » (Jeanne-Perrier,2005:75) Est-il préférable de laisser la possibilité d'un profil complet ou se contente-t-on d'une simple identité définie par les textes, voire pas de différenciation du tout ? Le numérique ouvre la potentialité de créer ce profil, ce catalogue encyclopédique de tous les textes écrits par un narrateur sur la plateforme : les CMS comme Wordpress laissent un espace dans chaque page pour laisser la signature du narrateur, signature étant un signe passeur vers une page de profil du narrateur, regroupant ses textes et/ou un profil complet. Ainsi, chaque territoire peut laisser un profil virtuel accessible au lecteur. La légitimité passe donc par la prise de connaissance première d'un texte, se passant d'un texte à un autre, légitimité portée par la signature. Si aucun espace n'est laissé à la virtualisation d'un profil par signe passeur, la légitimité se doit de se placer au sein même du média : la légitimité n'est plus portée qu'uniquement par le territoire, et non plus par la signature du narrateur. Nous pouvons donc constater que différents degré de dissolution de la figure du scripteur derrière la figure du média est possible, mais toujours présente : il y a toujours un jeu complexe d'identité entre le média et les narrateurs qui écrivent, qui laisse la légitimité jouer sur les cordes de l'identité ; en fonction de la configuration choisie par le média, la légitimité vient du symbolisme derrière le média, dans ce cas là c'est lui qui fait poids, dans d'autres cas la place de l'occupation de l'identité du narrative est plus importante, et chaque texte se trouve entouré par l'aura de la signature du narrateur.

C'est un point stratégique de la création du pure-player : choisit-on un pure-player en tant qu'il est aggrégateur d'écrit d'experts extérieurs, ou choisit-on un fort symbolisme du média en tant que tel pour faire autorité sur le sujet qu'il traite, fonctionnement inspiré par le modèle du magazine papier.

33 « A key truth is that if you have the attention of an audience, you can then pass that on to someone else. »

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Le passage à une temporalité de flux intensifie l'instabilité des identités narratives. Comme le souligne Ricoeur (1985:446) : « l'identité narrative n'est pas stable et sans faille. » La complexité de cette instabilité s'accentue par le flux lié au numérique : l'identité narrative est en continuelle mouvement, toujours possiblement déplacée. Elle est virtuellement présente dans tout écrit laissé par un scripteur sur une plateforme qui a choisi de laisser la place au profil. Or la confiance, la légitimité accordée à un narrateur s'en trouve complexifiée : plus le lecteur peut parcourir l'identité d'un narrateur et plus il devient complexe pour lui d'en discerner les contours, plus il y a d'éléments, plus l'identité devient éparpillée, difficile à lire, à déchiffrer. D'autant plus que dans le flux, de nouveaux éléments pour compléter ce territoire identitaire sont à tout moment susceptibles de surgir, et à tout moment susceptible de rendre plus diffus l'autorité, la légitimité. Alors qu'on pouvait tout simplement se contenter du titre conférant le droit de parole au narrateur sur le papier, exposer son titre d'expert, celui-ci déborde avec le numérique : avoir accès au profil RSN d'un narrateur, par exemple avoir un lien vers le compte Twitter d'un narrateur, comme sur PP, rend plus éparse la distinction de son identité Ñ bien qu'ayant une restriction de profilage sous sa signature RSN, il y a aussi un certain nombre de tweets qu'il a pu laisser auparavant. Or un pigiste peut travailler sur plusieurs médias, et donc tweeter les différents articles qu'il écrit pour différentes plateformes Ñ une pratique à double tranchant, qui peut soit accentuer son statut d'autorité, soit rendre instable la distinction de son expertise.

PP s'est axé sur deux fonctionnements distincts quant à la place laissée à l'identité des narrateurs. Le premier fonctionnement, avant la mise à jour du site d'avril 2014, nous révèle un système dans lequel aucun autre espace que l'ensemble des traces écrites n'est laissé au narrateur pour manifester son identité. En effet, cliquer sur le nom d'un narrateur sur la plateforme nous renvoie vers l'ensemble des écrits de ce narrateur, sans plus d'informations. Son identité en tant que narrateur devient donc constituée par les écrits qu'il a laissé, sans autre forme accessible de définition de son identité narratrice et narrative. Ainsi toute écriture reste dans le cadre du ou des écrit(s) précédemment marqués dans le territoire. Depuis la mise à jour, le pure-player a choisi une autre approche : cliquer sur la signature d'un narrateur nous renvoie vers les textes récemment écrits, mais en haut de la page se trouve un lien vers le profil Twitter du narrateur. Ainsi l'identité signée déborde-t-elle dans ce cas des limites du territoire.

Nous constatons donc une polyphonie des voix narratives, une difficile identification véritable d'un narrateur et d'un auteur. C'est pourquoi dans la suite de ce travail, nous identifierons l'actant scripteur comme narrateur plutôt que comme auteur, pour éviter toute ambiguité de la complexité des voix narratives numériques, un auteur pouvant être plusieurs narrateurs ou un narrateurs plusieurs auteurs.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote