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Média, support, temporalité : le cas des pure-players de presse.

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par Colin FAY
Université Rennes 2 - Master Information et Communication 2014
  

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2.3.3. La tension du répondant

Cette « mort de l'auteur » fait courir des tensions dans les pratiques face à une temporalité de flux et de présence continue : la réappropriation des écrits par les lecteurs, leurs réactions, leurs territorialisations des écrits est continuelle, et la planification (entrainant la non-présence des actants lors de cette publication) renforce les risques de réponses ou de réappropriations négatives des écrits par les lecteurs sur les RSN, des risques auxquelles les temporalités professionnelles permettent difficilement de faire face.

Comme le souligne Lits (2008:88), « un énoncé (É) ne prend cependant tout son sens qu'au moment de sa réception par celui qui le découvre. » En effet, le texte ne complète son parcours qu'une fois qu'il est approprié par la lecture. C'est un « processus inachevé, il reste une pure virtualité tant qu'il n'est pas pris en charge par la lecture, dans un mouvement coopératif. » (ibid:92) Ainsi, le texte n'est complet qu'une fois qu'il est lu, qu'une fois que l'interaction entre le monde du texte et le monde du lecteur se fait. Cependant, les pure-players ont ces particularités (que nous avons déjà vu) d'une temporalité en flux et d'un rôle central accordé aux RSN. Ainsi la lecture entre dans le monde du lecteur à tout moment, et se fait dans un cadre d'appel à réponse, d'appel à l'interaction porté par le RSN, et est d'ailleurs recherché (nous avons déjà antérieurement développé la recherche de l'interaction portée par le RSN). Ainsi donc le texte est-il mis sur le territoire, et doit faire face à une probabilité de réponse, d'interactions qu'il est complexe de contenir. D'autant plus que les lecteurs ont cette possibilité de l'anonymat, c'est-à-dire d'être derrière une identité numérique qui les cache75.

Ces caractéristiques relèvent de deux tensions pour l'organisation, liées l'une à l'autre : faire face à ce que l'on appelle le « troll », mais aussi la vulnérabilité accrue au « bad buzz ».

La première tendance, le troll, se définie comme les « internautes qui se comportent de manière déceptive, destructive ou disruptive dans le cadre social d'Internet sans raisons intéressées apparentes. »76 Ces pratiques sont une tendance qui se répand sur le net de laisser des commentaires négatifs, pour le simple plaisir, de la part de lecteurs d'un média. L'une des raisons de cette propagation des commentaires négatifs pourraient être lié à la plus grande facilité de la propagation des sentiments de colère que de la joie sur le web, comme le soutient l'étude menée par Fan & al. (2013). D'après leur étude de Weibo, un RSN semblable à Twitter au Japon, « les différents sentiments ont des corrélations différentes, et la colère possède une corrélation plus forte que tous les autres sentiments. Ce qui suggère que la colère peut se diffuser plus rapidement et largement à travers le réseau à cause de sa forte influence sur son entourage (...). Les informations contenant des messages de colère peuvent donc se propager très rapidement. » (ibid:8-9, notre traduction)

75 Comme le soulignent Paquerot et al (2011:287), l'activité sur internet se fait « dans un contexte dans lequel n'importe qui peut dire ou écrire n'importe quoi sur tout le monde, sans avoir à apporter ni nécessairement d'élément de preuve ou d'argument objectif sur l'objet de ses commentaires, ni même son identité. » (nous soulignons)

76Buckels E. & al., Troll just want to have fun, 2014, repris sur Slate.fr le 14.02.14.

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Colin FAY

Cette force du répondant se rencontre également dans la problématique du bad buzz. Comme l'écrivent Gaultier-Gaillard et al. (2011:273) : « la réputation se construit sur de nombreuses années et peut, parfois, être anéantie en un court larps de temps. » La transformation de la réputation vers l'e-réputation, médium principal des pure-players, fait se transformer les dangers de cette dernière : l'interaction en est son vecteur, et de ce fait, dans une temporalité en flux, « la rapidité avec laquelle se répand l'information sur la toile oblige les entreprises à réagir très vite en cas de rumeur ou de désinformation. » (Poncier,2009:88)

La rapidité de cette réaction, nécessaire lorsque un commentaire apparait ou qu'un erreur est pointée, entre en tension avec différents points des pratiques professionnels du pure-player. D'abord, dans un pure-player où la synchronisation se déroule par mail, il n'est pas évident de toujours se renseigner pour les corrections. Par exemple, si un pigiste propose un article et qu'une erreur est pointée, la réactivité du mail peut créer un délai, une désynchronisation de la réponse, d'autant plus si le pigiste en question est employé pour plusieurs médias : il peut être occupé lorsque l'on essaie de le joindre, ou s'il voit le message peut être coupé dans son activité pour un autre média. De plus, la dislocation temporelle entre le temps d'écriture et de lecture est créateur d'une probable difficulté de répondre au questionnement mise en avant : comment répondre à un commentaire lorsque personne n'est au bureau ? Comme trouver la réponse à une question lorsque le commentaire se fait sur un papier qui a été écrit longtemps auparavant ? Les sources doivent être retrouvées, parfois plusieurs mois après leur consultation.

Nous voyons donc que ce statut de particulier de l'article en ligne : diffus, produit en flux, sujet à être répondu mais surtout toujours modifiable, rend la tension du répondant des lecteurs plus importante Ñ à l'inverse d'un média traditionnel, où une fois l'article écrit et déposé sur son support, le retour n'est plus faisable, l'écrit virtuel reste toujours modifiable, ouvert, et surtout l'inscription de sa nécessaire modification peut apparaître à tout moment, et dans des temporalités très longues. De plus, ces écrits interagissant avec l'article, passant par les RSN ou directement au bas d'un article, rendent les réactions plus visibles, plus enclins à se propager et à se diffuser, là où la réaction d'un lecteur à l'article d'un média traditionnel ne pouvait aussi simplement sur le réseau. Un danger encore plus important là où les opinions négatives Ñ de colère Ñ sont plus sujettes à se propager77.

77 Il est difficile pour nous d'exemplifier cette propagation de la colère avec notre corpus : comme nous le développions dans la présentation du corpus, PP travaille dans un domaine culturel, et donc peu sujet à la réaction virulente de l'affect.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams