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Interventions éducatives visant la réduction de la violence dans le cadre de projets d'insertion professionnelle destinés aux anciens détenus

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par Régis Verhaegen
CPFB (UCL) - Baccalauréat en éducation spécialisée 2003
  

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4.3 Résultante sur la reproductivité

Les résultantes que nous avons vues précédemment vont avoir un impact direct sur la reproductibilité du comportement violent. Plus le comportement aura de conséquences positives, plus il aura tendance à être reproduit. Si l'objectif initial, quel qu'il soit, a éteint atteint, si le désir est satisfait, si les émotions ressenties ont provoqué une forme de plaisir, si la stratégie s'est avérée payante... le sujet aura probablement encore recours à la violence. (Traube, 2002) C'est quelque chose de parfaitement logique : quand une stratégie fonctionne, on l'utilise. De plus, lorsque le sujet observe chez les autres que cela fonctionne de manière similaire, son opinion va se renforcer. Au fur et à mesure, cela peut devenir une habitudeancrée dans le fonctionnement psychologique du sujet.

Histoire sans fin
À cela s'ajoute un mécanisme de cercle vicieux fréquent dans les situations conflictuelles amenant à la violence. Pour diverses raisons (croyances, expériences précédentes...) quand une personne (personne A) en percevra une autre (personne B) comme hostile ou dangereuse, elle pourra avoir deux types de comportements instinctifs : l'agressivité ou la fuite. Ainsi, une première perception erronée ou tronquée peut donner lieu à une agression de la part de la personne A. La personne B, étant réellement agressée, se défend de la même manière. Cette réaction agressive de B confirme l'idée qu'avait A : B lui veut du mal. Il réagit ainsi de manière encore plus violente et un cercle vicieux d'escalade de la violence est ainsi mis en place. Ce fonctionnement, aux graves conséquences, peut toucher les individus, les groupes et les sociétés. Plusieurs expériences citées par Gagnon & al. (2006 in Vanaublel, 2010) ont mis en évidence ce type de fonctionnement chez les enfants agressifs. Il est également possible d'observer cela dans les rivalités entre familles ou entre quartiers défavorisés. Peu importe si quelqu'un a réellement commencé le conflit, on est agressif parce que l'autre l'est et l'autre est agressif pour la même raison.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Mis à part en plaçant une conséquence négative comme la punition après une action violente, il existe des méthodes qui permettent de réduire la reproductibilité. Il est possible de traiter l'habitude qui a été prise.

Règlements
Dans tout groupe, les différentes règles ont normalement pour fonction de structurer et de protéger le fonctionnement social. Les individus sont amputés d'une partie de leurs libertés, mais en échange, ils y gagnent en sécurité et en confort de vie. Les règles mettent de l'ordre et permettent d'avoir toute une série de décisions à ne pas prendre. Imaginez la vie si nous avions à nous poser des questions pour chaque aspect de notre vie. Toutes sortes de règles déterminent ce qui est autorisé, ce qui est interdit et ce qui est obligatoire. Les règles sont donc conçues pour être des éléments au service des individus et des groupes. Mais pour qu'elles fonctionnent, elles doivent être respectées. Tout un attirail de rappels à l'ordre et de sanctions sont prévues pour cela, mais le mécanisme le plus efficace reste celui de l'intériorisation d'une règle. D'après Traube (2002), c'est indispensable à la vie sociale. Pour qu'une règle soit facilement intériorisée, elle doit être perçue comme protectrice, légitime (pertinente) et juste. J'insisterai sur le concept de perception. Une règle peut être pensée et mise en place comme étant protectrice, légitime et juste, mais perçue totalement autrement. Il est vraiment très important de faire passer le sens et la fonction des règles. Il arrive souvent que des règles et des principes imposés aux personnes "pour leur bien" fassent des dégâts parce qu'elles sont perçues différemment. Ainsi, pour qu'une règle soit perçue comme persécutrice, elle devra avoir les caractéristiques suivantes : inadéquate (qui ne correspond pas à la réalité), purement formelle, arbitraire (dont l'application varie d'une personne à l'autre ou selon l'humeur du détenteur de l'autorité), injuste, mal comprise ou mal expliquée et être un moyen pour l'autorité de marquer sa domination. Des règles fonctionnant ainsi vont provoquer la violence ou le repli (Traube 2002). Il est donc important d'avoir des règles, mais aussi de bien réfléchir à leur énonciation, à leur perception, à leur mise en pratique et à une forme d'acceptation qui les rendra effectives.

Tirer un trait
Pour le public concerné par cette étude, le respect des règles est un élément qui a fait, à un moment du moins, défaut. L'une des fonctions des règles est de permettre la transgression : c'est une phase normale du développement de l'être humain (Traube 2002). Pourtant, si le comportement transgressif devient une habitude, la société, la vie sociale se trouve menacée. Il est donc parfois nécessaire de mettre l'un de ses membres à l'écart dans un établissement pénitentiaire par exemple. Ainsi, selon Mbanzoulou (2000) l'amendement du prisonnier est l'un des buts essentiels de la prison. Pour pouvoir se réinsérer efficacement dans la société, le prisonnier doit faire un trait sur son passé criminel et accepter de vivre dans une certaine légalité. Selon lui, cela se fait par deux moyens. Le premier est que la prison est un milieu très réglé et discipliné. L'apprentissage d'une vie réglée et stricte donnerait de bonnes habitudes que les prisonniers intégreraient avec le temps passé dans l'établissement. La deuxième se situe plus particulièrement au niveau de la relation avec les gardiens et les autres intervenants de la prison. Une attitude bienveillante, bien que stricte, de la part de différents acteurs permettrait au prisonnier de s'amender, de reprendre confiance en la vie sociale et dans les règles qui cadrent celles-ci. Il prône une meilleure formation et une revalorisation du métier d'agent pénitentiaire, leur donnant un rôle bien plus social que leur rôle actuel similaire selon l'auteur à celui d'un porte-clés. Selon moi, penser que vivre plusieurs années dans un cadre strictfavoriserait le respect des lois n'est que partiellement vrai. Cela à une valeur comportementaliste : le sujet s'habitue à respecter des règles, mais rien n'est fait pour qu'il les intériorise. On ne peut donc pas garantir que la personne continuera à utiliser ces comportements en dehors de la prison.

Désapprentissage
Traube (2002) cite sans les expliquer des moyens de désapprendre des comportements problématiques. Il prend notamment l'exemple du film de fiction « Orange Mécanique » de Stanley Kubrick (1972) dans lequel le héros subit une thérapie brutale qui provoque en lui un dégout profond pour la violence. Il devient complètement incapable de réagir à toute forme d'agression ce qui en fait quelqu'un d'assez inadapté socialement. Les thérapies comportementalistes utilisent parfois ce principe de manière beaucoup plus acceptable en termes d'éthique (Massé & al. 2006).

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Règlements
Le projet à une série de règles formelles (R.O.I.63(*) du projet) et informelles (passées oralement). Personnellement, j'essaye toujours de les passer tout en les associant avec leurs objectifs. La règle de la ponctualité par exemple, sert au bon fonctionnement du projet certes, mais c'est surtout un apprentissage de ce savoir-être essentiel pour une bonne insertion professionnelle. J'ai insisté pour que la partie sanction du R.O.I. commence par la phrase : « tout le monde a le droit à l'erreur ». C'était pour moi un point essentiel qui a pour effet de rassurer les participants. Les règles existent, nous sommes là pour les appliquer, mais l'erreur, la faute, fait partie des éléments normaux au projet. Leurs erreurs sont simplement des éléments à travailler avec eux afin que celles-ci ne les handicapent pas plus tard. Ils ont la possibilité de questionner les règles, voire de les changer avec le conseil des participants. Nous essayons de bien leur expliquer le sens de ces règles.

On est souvent aux prises avec leurs perceptions des règles et des autorités qui les appliquent. Ils vivent certains de ces éléments comme des injustices profondes. L'extrait du casier judiciaire (ancien certificat de bonne vie et moeurs) est un bon exemple. Ils ne comprennent pas pourquoi ce document existe puisqu'à leurs yeux, il ne sert qu'à les empêcher de trouver un travail. J'essaye donc de les écouter, d'entendre leur vécu tout en essayant de les amener à une forme d'acceptation ou du moins de soumission à ces règles. Souvent, je ne peux qu'être d'accord avec leur interprétation sans avoir plus de pouvoir qu'eux pour changer ces éléments. Comme ma collègue éducatrice leur répète souvent : « la vie est une dure lutte. »

Au début de la session 2, nous laissions les participants lire le R.O.I. avant de le leur faire signer. Nous avons constaté que beaucoup avaient lu sans retenir ou comprendre ce qui était écrit. Donc, dans la session 3, nous leur avons expliqué tous les points du règlement deux fois : à l'inscription et le premier jour du projet. Nous avons perçu que cette mise en place plus efficace du cadre a eu des effets bénéfiques sur leurs comportements au début de la session.

C'est du passé
Nous arrivons à observer chez les participants du projet leur état d'esprit par rapport à la criminalité en général. De mon observation, nous n'avons pas encore amené à l'amendement d'un seul des participants. Nous faisions parfois évoluer leur vision (comme le sujet 2 qui a commencé à concevoir la violence physique comme négative). Il est aussi arrivé que nous rappelions la décision qu'ils avaient déjà prise à ce sujet (comme avec le sujet 7 qui, à un moment, a commencé à fréquenter à nouveau des criminels et qui s'est ravisé dès que nous en avons parlé avec lui). Ainsi, certains des participants n'avaient pas du tout envie de s'amender (d'après notre perception, leurs comportements et leurs propres affirmations) : les sujets 3, 6 et 9 semblaient fonctionner comme cela. Ils développaient simplement des stratégies pour éviter de se faire prendre. Nous avons l'impression d'avoir très peu de capacité d'influence sur cette décision. Certains autres semblaient avoir tiré un trait sur toute forme de criminalité (sujet 7 et 4). La plupart se situant entre les deux partageants une envie sincère de s'insérer avec un refus de mettre en pratique toute une série de lois. Le meilleur moyen, d'après moi, que nous avons de les faire évoluer sur ce point se situe dans notre posture éducative : profondément bienveillante, mais aussi ferme, cadrante et critique. Nous devons aussi nous mettre à leur niveau, réussir à comprendre leurs valeurs et leurs modes de fonctionnement tout en les mettant en rapport avec ceux de la société. J'ai parfois l'impression que nous sommes comme des ponts, des intervalles entre le fonctionnement bien-pensant de la société et leur fonctionnement à eux.

* 63 R.O.I. : Règlement d'Ordre Intérieur, apparu à partir de la session 2.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery