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Acheteur production et hors-production: vers un même profil de compétences ?

( Télécharger le fichier original )
par Frédéric Faligot
BEM (Kedge) - Master en Management 2014
  

Disponible en mode multipage

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Mémoire de fin d'études

En vue de l'obtention du diplôme Master en management programme
« Grandes Ecoles »

Acheteur production et hors production : vers un même
profil de compétences ?

Frédéric Faligot

Rédigé et soutenu durant l'année 2013-2014

Directeur de mémoire :

Monsieur Oihab Allal-Cherif, Directeur du département Management des Opérations et Systèmes d'Information, Kedge Business School

2

TABLE DES MATIERES

PREMIERE PARTIE

I- NAISSANCE ET EVOLUTION DE LA FONCTION ACHATS: D'UNE FONCTION

ADMINISTRATIVE A UNE FONCTION STRATEGIQUE 9

1.1 L'émergence de la fonction achats 9

1.1.1 Les achats au service de la production durant les trente glorieuses 9

1.1.2 La naissance de la fonction achats 9

1.2 Les facteurs d'évolution de la fonction achats 10

1.2.1 La globalisation des marchés 10

1.2.2 Le recentrage des entreprises sur leur coeur de métier 11

1.2.3 L'évolution des systèmes d'information 12

1.2.4 Le développement de la Responsabilité Sociétale des Entreprises 13

II- LA FONCTION ACHATS DANS L'ENTREPRISE 15

2.1 Définition 15

2.2 Le processus achats 16

2.3 La classification des achats 18

2.3.1 La classification par famille d'achats 19

2.3.2 Les achats production et les achats hors production 20

2.3.3 La classification par montant de dépenses 21

2.3.4 La classification par qualification d'achats 22

2.3.5 Autres classifications des achats 24

2.4 Le poids des achats dans l'entreprise 25

III- LA NOTION DE « COMPETENCE » 26

3.1 Définition de la compétence 26

3.2 Les compétences organisationnelles au service de la stratégie d'entreprise 28

3.3 De l'approche « bottom-up » à l'approche « top-down » 29

3.4 De la compétence organisationnelle à la compétence individuelle 29

3.5 Une approche systémique des niveaux de compétence 30

3.6 Le concept de « compétence » décliné aux achats 32

IV- L'ACHETEUR: UN ROLE TRANSVERSAL ET COLLABORATIF 33

4.1 L'acheteur : un « Business Partner » créateur de valeur 33

4.1.1 L'acheteur : Une légitimité à faire valoir en interne 33

4.1.2 L'acheteur : un chef d'orchestre des processus internes 34

4.2 L'acheteur : un manager de la collaboration fournisseur 36

4.3 L'externalisation des achats 37

4.4 Un rôle stratégique encore immature 39

V- LA COMPETENCE DES ACHETEURS 40

5.1 Une approche générique du métier d'acheteur 40

5.1.1 Les compétences de l'acheteur du point de vue des acheteurs et des

employeurs 40

5.1.2 Les compétences de l'acheteur d'un point de vue des institutions françaises 42

3

5.1.3 Synthèse des compétences de l'acheteur dans le triptyque savoir, savoir-faire,

savoir-être 43

5.1.3 Les limites de l'approche générique 45

5.2 Une approche typologique du métier d'acheteur 45

5.2.1 L'approche par secteur d'activité 46

5.2.2 L'approche par critères d'achat et relations internes 46

5.2.3 Les compétences de l'acheteur production et hors production 49

DEUXIEME PARTIE

I- LE CADRE EMPIRIQUE DE LA RECHERCHE 53

1.1 Recherche qualitative versus recherche quantitative 53

1.2 Le choix de la cible 54

1.2.1 Secteurs d'activité 54

1.2.2 Répartition par genre 56

1.2.3 Répartition par expérience 56

1.2.4 Répartition acheteurs production / hors production 57

1.3 La collecte des données 59

1.3.1 La rédaction du questionnaire 59

1.3.2 Le mode d'administration du questionnaire 63

1.4 La prise de contact avec la cible 64

II- L'ANALYSE DES DONNEES 66

2.1 Préalable à l'analyse 66

2.2 Analyse des cursus universitaires et formations 66

2.3 Acheteur production et hors production : une frontière difficile à définir 68

2.4 Les rôles de l'acheteur 69

2.4.1 Un rôle commun de transversalité et d'approche collaborative 70

2.4.2 L'acheteur production et hors production sont créateur de valeur 71

2.4.3 Une matérialisation des priorités différente 73

2.5 Le quotidien de l'acheteur production et hors production 74

2.6 Les compétences des acheteurs production et hors production 76

2.6.1 Les compétences comportementales 76

2.6.2 Les compétences métacognitives 78

2.6.3 Les compétences techniques 81

2.7 Les similitudes et différences entre l'acheteur production et l'acheteur hors

production selon les acheteurs 82

2.7.1 Approche générale 82

2.7.2 Les spécificités de l'acheteur production 84

2.7.3 Les spécificités de l'acheteur hors production 86

2.8 L'évolution des compétences 88

III- SYNTHESE ET PERSPECTIVES 89

3.1 Synthèse du rôle de l'acheteur 89

3.2 Synthèse du quotidien de l'acheteur production et hors production 91

3.3 Synthèse des compétences de l'acheteur production et hors production 91

3.4 Synthèse de l'environnement de l'acheteur production et hors production 93

3.5 Intérêt de la recherche 95

3.6 Les limites de la recherche 95

4

3.7 Perspectives de recherche 96

INTRODUCTION GENERALE

Dans un environnement en perpétuel changement sur le plan économique, géographique, technologique et politico-légal et dans un contexte de globalisation des échanges, les entreprises sont amenées depuis quelques années à modifier leur stratégie et leur organisation. La fonction achats est directement impliquée dans cette évolution et son rôle a été modifié au sein de l'entreprise, incitant ainsi les acheteurs à développer de nouvelles compétences afin de faire face aux nouveaux challenges qui sont les leurs. Cette évolution, marquée notamment par le recentrage des entreprises sur leur coeur de métier, a eu pour conséquence l'externalisation d'un nombre croissant d'activités au sein des entreprises. Cette tendance a impacté directement la fonction achats en élargissant son portefeuille vers des achats dits hors production.

L'intérêt managérial du sujet est donc de savoir vers quel profil s'orienter pour recruter un acheteur production ou un acheteur hors production, en cherchant à découvrir s'il existe des distinctions et des similitudes entre les deux profils.

Il convient de définir les termes du sujet : « l'acheteur » ici désigné est la personne en charge des achats d'une entreprise, il s'agit donc du métier d'acheteur. Par « compétences » est entendu la déclinaison française du terme, c'est-à-dire les savoirs, savoir-faire et savoir-être qui caractérisent l'acheteur. Les « Achats production » se définissent comme les achats qui rentrent de manière directe dans le cycle de production d'un produit, d'une marchandise (achats de matières premières, composants, packaging) ainsi que les produits connexes nécessaires à sa production (machines, outillage). Les « Achats hors production » se définissent comme les achats qui ne rentrent pas directement dans le cycle de production d'un produit, d'une marchandise, par exemple les achats de service ou les achats de frais généraux.

Le sujet se limitera essentiellement aux grandes entreprises internationales. Les acheteurs de petites entreprises exerçant très souvent une autre fonction au sein de leur entité, il est peu pertinent de partir sur ce terrain. Ainsi, un seul acheteur de PME sera interrogé. Cependant, la recherche s'effectuera sur des secteurs divers et variés, afin d'obtenir une hétérogénéité de réponses et éviter d'avoir une réponse liée à un secteur d'activité.

5

Dans un premier temps, l'étude théorique à l'aide de la revue littéraire permettra de :

·

6

Comprendre les causes de l'évolution de la fonction achats

· Définir et positionner la fonction achats et ses processus dans le système organisationnel

· Définir le terme de compétences et ses enjeux

· Etablir les nouveaux rôles et nouvelles fonctions de l'acheteur

· Dresser les compétences requises de l'acheteur moderne

· Etablir une synthèse des profils-types d'acheteurs

Une approche plus approfondie lors de l'enquête terrain permettra d'apporter une variable supplémentaire en distinguant l'acheteur production et l'acheteur hors production et compléter ainsi les études effectuées sur les profils d'acheteurs. L'objectif sera de déterminer, lors de l'étude des résultats, si les compétences de l'acheteur production et de l'acheteur hors production sont identiques. Sinon, il faudra déterminer quelles en sont les différences.

L'approche terrain se fera essentiellement sous forme d'entretiens semi-directifs auprès d'acheteurs production et hors production. Pour les acheteurs production, pourront être interviewés des acheteurs de matières premières, packaging, outillage et machines par exemple. Pour les acheteurs hors production, des acheteurs de services, frais généraux, frais de voyage, informatiques, etc.É Les questions porteront essentiellement sur la fonction et la place de l'acheteur au sein de l'organisation, les tâches quotidiennes et leur degré d'importance et les compétences requises.

La méthodologie terrain sera la suivante :

· Création au préalable d'un guide d'entretien venant compléter la revue de littérature

· Sélection et prise de contact avec les professionnels ciblés

· Réalisation des entretiens

· Analyse des données récoltées

· Comparaison des réponses concernant l'acheteur production et l'acheteur hors production

· Instauration d'un diagnostic et mise en corrélation avec la partie théorique

· Etablir une synthèse des compétences de l'acheteur production et de l'acheteur hors production

7

Regard critique et perspectives de recherche

L'enquête terrain sera réalisée auprès de 15 acheteurs, afin d'avoir un échantillon suffisant pour réaliser l'analyse.

8

PREMIERE PARTIE :

LA REVUE DE LITTERATURE

INTRODUCTION :

L'objectif de la revue de littérature est d'analyser et de synthétiser les recherches effectuées en lien avec le sujet. Pour en arriver à la problématique « les acheteurs production et hors production ont-ils le même profil de compétences ? » il convient tout d'abord de s'intéresser à la fonction achats elle-même. Comment s'est-elle développée ? Quels sont les rôles de l'acheteur aujourd'hui ? Est-il possible de classifier les achats ? Ensuite, l'aspect

« compétences » sera étudié. Quelle est la définition d'une compétence ? Comment se caractérise-t-elle ? A l'aide de cette synthèse, nous pourrons ainsi aller plus au coeur du sujet en se questionnant sur les rôles et compétences de l'acheteur.

La revue de littérature se décline ainsi en cinq parties :

- La naissance et l'évolution de la fonction achats : d'une fonction administrative à une fonction stratégique

- La fonction achats dans l'entreprise

- La notion de « compétence »

- L'acheteur : un rôle transversal et collaboratif

- La compétence des acheteurs

9

I- NAISSANCE ET EVOLUTION DE LA FONCTION ACHATS : D'UNE FONCTION ADMINISTRATIVE A UNE FONCTION STRATEGIQUE

1.1 L'émergence de la fonction achats

1.1.1 Les achats au service de la production durant les trente glorieuses

Pour comprendre l'émergence de la fonction achats, il est important de faire un retour sur les grandes évolutions économiques qui ont marqué le 20ème siècle.

En 1916, Henri Fayol décrit dans son concept d'Organisation Administrative du Travail (OAT), les six grandes fonctions de l'entreprise que sont les fonctions technique, commerciale, de sécurité, financière, comptable et administrative. Il ne considère pas les achats comme une fonction à part entière de l'entreprise mais comme une « sous-fonction » incorporée dans la fonction commerciale qui consiste à acheter et à vendre.

Les trente glorieuses (1945-1973) qui ont suivi la fin de la 2ème guerre mondiale sont marquées par une phase de reconstruction industrielle et un fort boom économique. La demande est ainsi supérieure à l'offre et l'objectif est de produire plus pour vendre plus. Les entreprises se focalisent ainsi sur la production et leur priorité est d'optimiser leur chaîne de production pour augmenter leur productivité, en mettant notamment en application des concepts tels que les Taylorisme ou le Fordisme. L'heure n'est donc pas à la réduction des coûts mais à l'augmentation des ventes. Avant le choc pétrolier des années 1973-1974, la direction des entreprises voit ainsi les achats comme ayant un rôle entièrement passif dans les processus de décision (Ammer, 1989). Les acheteurs ont principalement le rôle d'approvisionneurs qui contractualisent avec les fournisseurs sans être inclus dans le processus de choix de ceux-ci. Ainsi, les écrits et thèses sur la fonction sont quasi-inexistants avant les années 1970 et les recherches en France demeurent récentes et encore peu nombreuses aujourd'hui (Calvi, 2010).

1.1.2 La naissance de la fonction achats

Le choc pétrolier de 1973 bouleverse l'organisation des entreprises. Celui-ci marque un coup d'arrêt dans la croissance économique des pays industriels, caractérisé notamment par une

10

montée du chômage et une forte inflation. La demande n'étant ainsi plus supérieure à l'offre, les entreprises cherchent non plus à produire pour vendre mais vendre pour produire, accordant ainsi davantage d'importance à leurs marges. Dans un environnement de plus en plus concurrentiel, les entreprises ne peuvent augmenter leurs prix de vente. Elles accordent alors de l'importance à la réduction des coûts afin de préserver leurs marges. Les achats ont ainsi une importance cruciale dans la démarche de réduction des coûts et optimisation des marges.

Les acheteurs qui avaient, dans un premier temps, un rôle d'approvisionneurs, deviennent ainsi décideurs dans le choix du fournisseur. L'objectif de Qualité, Délais, Coûts s'avère essentiel. Des auteurs tels que Barreyre (1976) et Porter (1984) commencent à mettre en exergue l'aspect stratégique des achats et son importance dans la maîtrise de la chaîne de valeur.

La fonction achats prend alors tout son sens mais elle va subir de nouvelles transformations à partir des années 1990 où elle devient davantage professionnalisante et stratégique.

1.2 Les facteurs d'évolution de la fonction achats

Depuis les années 1990, de nombreux changements dans l'environnement du monde de l'entreprise ont amené celle-ci à se restructurer afin de s'adapter aux nouvelles opportunités et contraintes du marché. La fonction achats est directement impactée par ces évolutions. Dans cette première partie sont étudiées les causes qui ont conduit la fonction achats à faire face à de nouveaux challenges et à s'adapter à ces nouvelles problématiques dans la structure organisationnelle de l'entreprise.

1.2.1 La globalisation des marchés

Tout d'abord, la mondialisation est le premier facteur d'évolution de la fonction achats car elle provoque de profonds changements dans l'environnement de l'acheteur. Dans un premier temps, l'ouverture de marchés étrangers donne de nouvelles perspectives de sourcing pour les acheteurs qui ne se contentent plus de faire des recherches de fournisseurs au niveau local ou régional, mais bien au niveau global (Ducasse et Hogne, 2002). La base de données

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fournisseurs s'étant fortement accrue, l'acheteur doit ainsi consacrer davantage de temps à l'analyse des marchés et fournisseurs potentiels.

L'augmentation des achats à l'international complexifie le rôle et les tâches quotidiennes de l'acheteur. Celui-ci doit alors maîtriser les contraintes logistiques, juridiques, culturelles et contractuelles que la globalisation implique. Il doit s'adapter aux problématiques spécifiques et avoir une vision large du marché et de la Supply Chain.

De plus, la mondialisation amène plus de concurrence entre les différents fournisseurs, permettant ainsi à l'acheteur de disposer de leviers de négociation plus importants, et in fine, de réduire les coûts, en jouant notamment sur l'augmentation des volumes d'achats (Gauchet, 1996). L'acheteur gère ainsi un portefeuille de fournisseurs de plus en plus conséquent d'où la nécessité de mettre en place un processus de reporting adapté pour maîtriser sa relation avec les fournisseurs (suivi logistique, évaluation de la performance, mise en application du contrat).

Enfin, la mondialisation entraîne l'augmentation de processus de fusions-acquisitions entre les entreprises. Les acheteurs peuvent ainsi y voir des opportunités de synergie importantes et mettre en place des partenariats stratégiques. Cependant, ils doivent être de plus en plus vigilants et maîtriser les risques face à la puissance croissante de certains fournisseurs, créée par ces mécanismes, et pouvant aller jusqu'à des situations monopolistiques (Ducasse et Hogne, 2002).

1.2.2 Le recentrage des entreprises sur leur coeur de métier

Le passage d'une économie de production à une économie de marché bouleverse complètement la stratégie des entreprises et par conséquent le rôle de la fonction achats. Les entreprises passent d'une logique de production à une logique client, en se focalisant sur celui-ci. En effet, dans un contexte de plus en plus concurrentiel dû à l'ouverture des marchés, les entreprises se recentrent sur leur coeur de métier en étant « créatrices de valeur client » (Merminod et Bichon, 2010). En 1993, Hammer et Champy avaient déjà présagé ces changements dans le domaine de l'environnement qui allaient entraîner « une révolution ». L'objectif est ainsi d'organiser les activités et les processus de l'entreprise dans un objectif de satisfaire le client final (Hammer et Champy, 1993).

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Les entreprises doivent ainsi s'adapter en permanence aux évolutions du comportement du consommateur. En effet, le client final devient de plus en plus exigeant sur la qualité et le coût d'un service/produit, ainsi que sur le délai des prestations. Les consommateurs souhaitent des produits personnalisés qui répondent à leurs besoins et attachent de plus en plus d'importance aux services proposés par les entreprises (exemple : service après-vente). Les organisations doivent donc adapter leur organisation afin d'être flexibles et répondre aux besoins du consommateur. Si l'entreprise n'est pas capable de satisfaire le client, celui-ci ira voir ailleurs (Monczka et alii, 2009).

En 1996, Boyer définit ce recentrage comme « un développement centré, orienté, s'appuyant sur une logique industrielle ou marchande ». En se concentrant sur leur coeur de métier, les entreprises privilégient ainsi l'achat plutôt que la production sur leurs activités secondaires. La part des achats dans le chiffre d'affaires des entreprises explose alors jusqu'à représenter aujourd'hui 60% en moyenne dans l'industrie occidentale (Allal-Chérif et alii, 2010). La fonction achats devient par conséquent une fonction stratégique pour l'entreprise.

L'industrie automobile connaît notamment une révolution dans les années 90 et met en avant l'apport stratégique des achats. En effet, les constructeurs décident d'externaliser une grande partie de leur production en ne devenant plus que des « assembliers » (Cracco et alii, 2011). Cette mutation donne ainsi une dimension stratégique aux achats, ne se limitant plus à l'achat de matières premières, mais à la gestion de projet et à la collaboration avec les fournisseurs.

1.2.3 L'évolution des systèmes d'information

L'évolution technologique et notamment le développement des systèmes d'information impactent le quotidien de l'acheteur. Auparavant, les acheteurs consacraient la plupart de leur temps aux tâches opérationnelles et administratives telles que la saisie des demandes d'achats, la réalisation des commandes, la facturation etc... L'apparition du e-procurement, en automatisant les processus d'achat et le suivi des commandes permet à l'acheteur de se libérer de tâches fastidieuses, répétitives et peu créatrices de valeur, pour se consacrer davantage au management stratégique des achats (Allal-Chérif et alii, 2010).

Cependant, au-delà du fait que l'e-procurement se substitue aux tâches purement opérationnelles, il n'en demeure pas moins un outil d'aide à la décision très utile aux acheteurs. La récolte des données sur le marché et sur les fournisseurs par le biais du e-sourcing donne à l'acheteur une dimension analytique et synthétique beaucoup plus

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importante. Les outils de e-sourcing tels que les progiciels de gestion intégrée ou les places de marché électroniques explosent. Le développement de plateformes d'enchères inversées, par exemple, permet à l'acheteur de faire des économies sur des produits standards, à faible valeur, en gagnant du temps. L'acheteur devient ainsi un gestionnaire de la base de données fournisseur. Elle lui permet de maîtriser son panel de fournisseur, de suivre l'évolution de leurs performances et de gérer des appels d'offres de bout en bout.

En plus des outils de gestion quotidienne, des applications spécialisées ont été créées, s'adaptant aux différents secteurs d'activités et types d'achats. En raison de la multitude d'outils divers et variés, l'acheteur doit savoir faire une sélection des solutions adaptées à ses problématiques (Ducasse et Hogne, 2002).

Ensuite, les systèmes d'information permettent aussi de collaborer plus facilement avec les fournisseurs en créant des plateformes de partage d'information. Ces outils facilitent la relation avec ceux-ci lors de la gestion de projets.

Enfin, bien que l'émergence des systèmes d'information permettent à l'acheteur de se consacrer davantage à des tâches stratégiques, au détriment des tâches opérationnelles, ils ne demeurent cependant qu'un outil d'aide à la décision. Ils ne sont utiles que lorsqu'ils sont employés de manière pertinente par l'acheteur.

1.2.4 Le développement de la Responsabilité Sociétale des Entreprises

Depuis la fin des années 1990, une nouvelle notion est apparue au sein des entreprises : le concept de développement durable. Selon la Commission Européenne, il s'agit d'un « concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités ». Il se matérialise notamment par la mise en place d'une politique de Responsabilité Sociétale des Entreprises (ci-après RSE). Les entreprises s'engagent ainsi à prendre des mesures de protection de l'environnement et à introduire la notion d'éthique dans leurs décisions.

L'apparition de la notion de RSE change les règles du jeu et bouleverse les comportements de l'acheteur (Carter et alii, 2007). En effet, elle fait émerger une multitude de nouveaux critères ayant du poids dans le choix des produits ou services, tout comme dans le choix des fournisseurs. Ainsi, aux critères basiques tels que la qualité, le délai et le coût, viennent s'ajouter des critères sociaux tels que : travail des enfants, traitement équitable des salariés,

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respect des droits humains et conditions de travail. Viennent également s'ajouter des critères environnementaux tels que : émissions de CO2, préservation de la nature et politique de recyclage. Les acheteurs sont au coeur de cette démarche de développement durable en raison de leur position d'interface avec le fournisseur et la chaîne de production et d'approvisionnement de l'entreprise (Allal-Chérif et alii, 2010).

Par conséquent, les acheteurs veillent à ce que les fournisseurs remplissent les conditions de développement durable mises en place par l'entreprise. Depuis les années 2000 et à l'aide des systèmes d'information, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à mettre en place des grilles d'évaluation RSE, prises en considération dans l'évaluation de la performance globale des fournisseurs, et dont elles assurent un suivi régulier.

Enfin, la mise en place d'une politique RSE à un objectif économique dans la stratégie de l'entreprise: améliorer son image auprès du client final pour augmenter son chiffre d'affaires. Les acheteurs sont donc garants de l'image de leur entreprise en choisissant les fournisseurs et produits qui auront des impacts sur les ventes, ce qui les responsabilise davantage. Ils sont prêts à assumer les éventuels surcoûts provoqués par la prise en compte de ces nouveaux critères. Cependant, les décisions prises ont toujours un intérêt commercial avec pour objectif de générer de la profitabilité sur le long terme.

Pour conclure, la notion de développement durable complexifie le quotidien de l'acheteur en introduisant de nouvelles variables ayant de l'impact sur le processus de décision. Les politiques RSE mises en place donnent une dimension stratégique à la fonction achats qui devient garante du concept de « qualité totale » et de l'image de l'entreprise. Son intégration dans la chaîne de valeur de l'entreprise est ainsi primordiale.

Conclusion de la partie 1 :

La fonction achats est une fonction très récente. Considérée au début du 20ème siècle comme une « sous-fonction » de la fonction commerciale où son rôle se limitait à l'approvisionnement, elle a pris de l'importance petit à petit, ses champs d'action et ses rôles se sont complexifiés. L'évolution de l'environnement économique, politique, juridique, technologique, industriel et écologique de l'entreprise et la mondialisation des marchés ont permis à la fonction achats d'émerger et de s'adapter afin de devenir une fonction stratégique de l'entreprise.

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II- LA FONCTION ACHATS DANS L'ENTREPRISE 2.1 Définition

Bien qu'il puisse exister une définition globale de la fonction comptabilité ou de la vente, il n'existe pas de définition universelle de la fonction achats. En raison de son émergence récente et plus ou moins rapide en fonction des secteurs d'activité et des entreprises, les métiers d'acheteur divergent et il est difficile d'en donner une définition précise universelle (Berlot et alii, 2010).

Tout d'abord, Barreyre en 1976 définit les achats comme une fonction qui « recouvre l'ensemble des tâches qui ont pour objet de procurer, dans les meilleures conditions et à moindre coût, les matières, matériaux, composants, fournitures, outillages et équipements ainsi qu'une partie des prestations de services extérieurs dont l'entreprise a besoin pour la réalisation des opérations qui dérivent de sa vocation ». Cette définition peut se résumer par approvisionner au meilleur coût, dans les meilleurs délais et dans la meilleure qualité possible.

Berlot et Bustamante donnent en 2010 une définition généraliste qui se résume comme étant « la Fonction responsable de l'acquisition des biens ou services nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise ».

Le ministère français d'Economie et des Finances définit la fonction de la manière suivante : « la fonction Achats est chargée de procurer les matières premières et composants nécessaires à la production. Ces composants doivent être livrés dans les délais, tout en étant conformes en qualité et en quantité au cahier des charges (c'est à dire aux besoins) de l'entreprise. » Cette définition se rapproche de la définition donnée par Barreyre en 1976, bien que la fonction ait évolué depuis.

Les achats peuvent également être définis comme « une fonction support qui interagit avec l'ensemble des autres fonctions de l'entreprise et plus particulièrement avec la production, la logistique, et la recherche et développement » (Allal-Chérif et alii, 2010). Cette définition prend davantage en compte la place de la fonction achats dans l'organisation de l'entreprise et son rôle transversal.

Enfin, jusqu'au début des années 1990, les achats étaient considérés comme une partie de la fonction approvisionnements. En 1970, Tarondeau déclare que la fonction est « confinée à un rôle passif où elle doit peser sur les coûts sans être invitée à contribuer aux multiples décisions concernant les produits de l'entreprise qu'elle serait susceptible d'éclairer et

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d'améliorer ». Cette définition confirme que la fonction achats n'avait pas encore émergé à l'époque et qu'elle ne représentait pas une fonction stratégique pour l'entreprise. En France, c'est l'Association Française de Normalisation (AFNOR) qui va, en 1990, distinguer les achats des approvisionnements. Dans ses lignes directrices, elle définit le rôle des achats comme la détermination de la stratégie fournisseur, la négociation et le suivi des contrats, la gestion des commandes. Les approvisionnements sont, quant à eux, responsables de la planification des commandes, du suivi des stocks et de leur gestion administrative. Les grandes entreprises ont ainsi tendance à séparer les approvisionnements et les achats en deux fonctions distinctes afin que les achats deviennent indépendants de la production et assurent un rôle davantage stratégique qu' opérationnel (Calvi, 2000).

Il n'existe donc pas qu'une seule définition de la fonction achats. Chaque entreprise peut choisir sa propre définition en fonction de l'importance et des rôles qu'elle souhaite confier aux acheteurs. Cependant, en gagnant son indépendance vis-à-vis des approvisionnements, les achats deviennent davantage stratégiques.

2.2 Le processus achats

Après avoir défini la fonction achats, il convient de couvrir les différentes étapes du processus achats. Quel est le périmètre d'intervention de la fonction ? Quelle en est la démarche ? En 2008, Philippe Petit reprend la séparation de la fonction achats et approvisionnements et définit, à l'aide d'un schéma simplifié, les deux processus et leurs interactions (figure 1).

Figure 1: le Processus Achat et Approvisionnement (Petit, 2008)

En 2008, Loubère donne plus de détails sur le processus achats et les activités qui en
découlent (figure 2). L'acheteur intervient donc en premier lieu à la définition des besoins des

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clients internes, puis il adopte une démarche de marketing achats qui se matérialise par le sourcing. Ensuite, il soumet l'appel d'offres aux fournisseurs potentiels, analyse les résultats, négocie et contractualise avec le fournisseur négocié. Une fois l'exécution de la tâche réalisée, il mesure les résultats, évalue la performance du fournisseur tout en dressant le bilan avec le client interne.

Figure 2: le Processus d'achat stratégique (Loubère, 2007)

Dans la rédaction du Manuel des Achats, Perrotin reprend le processus d'achat stratégique représenté par Loubère et le matérialise de manière opérationnelle dans ce qu'il appelle « la chaîne de valeur achats » (Perrotin, 2007) (figure 3).

18

Figure 3: La chaîne de valeur achats (Perrotin, 2007)

Perrotin distingue ainsi trois groupes d'activités dans le processus achats :

- L'achat amont : il concerne la compréhension du besoin et le marketing achats associé - L'achat : il s'agit de l'acte d'achat à proprement parler c'est-à-dire de la consultation

des fournisseurs (envoi du cahier des charges, appel d'offres) à la signature du contrat - Le management des fournisseurs et les périphériques : c'est ce qui pourrait être appelé

l' « achat aval ». L'acheteur s'assure du bon déroulement de la prestation et évalue la

performance de celui-ci.

Alors que la fonction achats avait seulement pour rôle la négociation et la contractualisation (avant qu'elle ne devienne une fonction à part entière) il y a quelques années, le processus achats s'est étendu allant de l'expression des besoins à l'évaluation du fournisseur.

Cependant, en 2002, lorsque Martin étudie les métiers de la fonction achats dans l'industrie, il remarque que l'intervention des acheteurs diffère en fonction du métier d'acheteur. Il est donc intéressant de vérifier comment s'applique ce processus en fonction des différents types d'acheteurs.

2.3 La classification des achats

Les achats peuvent être classifiés de différentes manières en fonction du type d'entreprise, du type d'achats ou de leur degré de complexité. Il est important de faire le point sur les différents types d'achats qui existent pour mieux comprendre les compétences requises des acheteurs.

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2.3.1 La classification par famille d'achats

Les achats peuvent tout d'abord être classifiés par famille de produits. Ils peuvent ainsi être répartis de la manière suivante :

- Les achats de matières premières : Il s'agit des achats des matières qui entrent dans le cycle de production d'un produit par exemple les consommables, les ingrédients, l'énergie etc...

- Les achats manufacturés : il s'agit des composants qui entrent dans le cycle de production d'un produit mais qui ont déjà subi une transformation au préalable par exemple les pièces métalliques, les composants électroniques, les éléments du packaging

- Les achats d'investissement : achats de locaux, de machines nécessaires à la production, achats d'outillage

- Les achats de négoce : achats de marchandises pour les revendre directement sans transformation (pratique utilisée principalement par les centrales d'achats) : denrées alimentaires, vêtements etc...

- Les achats de frais généraux : achats nécessaires au bon fonctionnement des activités de l'entreprise : achats des fournitures de bureau, équipement informatique, frais de télécommunication etc...

- Les achats de service : il s'agit d'achat de prestations industrielles (maintenance, nettoyage etc), de prestations intellectuelles (études de marché, audit, formation), de prestation de sous-traitance (production ou service), de prestation logistique (transport, déplacement et voyage etc) ou de prestations d'intérim

La classification des achats dans une même famille de produits se réalise lorsque des critères communs s'appliquent aux produits : l'homogénéité technologique et son application ainsi que l'homogénéité d'un marché fournisseurs sont des critères permettant de classifier les produits et services dans une même famille d'achats.

Il existe ainsi une multitude de familles de produits sur lesquels les achats se concentrent. Cependant, cette classification par famille d'achats peut être répartie en deux grandes catégories distinctes : les achats production et les achats hors production.

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2.3.2 Les achats production et les achats hors production

La classification en achats production et achats hors production est une classification des achats par famille de produits.

Les achats de production (autrement appelés achats directs) sont l'ensemble des achats qui rentrent dans la composition d'un produit de façon directe. Il s'agit donc de l'achat des matières premières, composants, produits finis (achats de négoce), du packaging. Les coûts qui en découlent impactent directement le produit final.

Les achats hors production (autrement appelés achats indirects) sont définis comme « tous les achats non directement incorporés dans le produit ou service vendu » (Merminod, 2003). Ce sont ainsi tous les achats nécessaires au bon fonctionnement des activités de l'entreprise. L'émergence des achats hors production est récente. Comme décrit précédemment, le recentrage des entreprises sur leur coeur de métier à partir des années 1990 a pour conséquence l'externalisation d'un nombre de plus en plus important d'activités. Les entreprises sont amenées à faire-faire plutôt que faire. Les achats prennent ainsi un poids de plus en plus conséquent dans le chiffre d'affaires des entreprises. En 1995, Fearon et Bales affirment que les achats hors production représentent 39% des dépenses dans le secteur industriel, 81% dans les services et 62% dans le secteur public. Fearon et Bales déclarent que l'opportunité d'augmenter les profits par des achats plus efficaces est plus forte dans l'achat de services que dans l'achat des produits. En 2012, Boghos reprend cette idée et déclare que « les achats hors production prennent une place croissante dans les entreprises, notamment en raison de leur impact sur la réduction des coûts. »

Les achats hors production se développent toujours aujourd'hui. La demande de recrutement en acheteurs hors production représente plus de 75% des demandes (Cracco et alii, 2012). Différentes études ont été réalisées afin de donner une typologie plus précise de ce type d'achats. En 2003, Merminod élabore une classification matricielle des différents types d'achats (figure 4), incluant également les achats production, et portant sur deux approches qui ressortaient des études antérieures : la classification en fonction des catégories d'achat (Quel type d'achats ?) et la classification en fonction du service auquel ces achats sont destinés (Pour quel client interne ? Pour quoi faire ?).

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Figure 4: Représentation matricielle des différents types d'achat (Merminod,

2003)

Les cases blanches représentent les achats production. Il s'agit donc de l'ensemble des marchandises et matières premières que ce soit pour la production, la revente ou la logistique. Les cases en gris foncé sont les achats qui concernent le fonctionnement de l'entreprise. Is sont généralement répertoriés dans la catégorie des frais généraux. En effet, ils ne sont pas incorporés dans la structure de coûts des produits et services réalisés par l'entreprise.

Les cases en gris clair représentent les types d'achat sur lesquels il y a des désaccords entre les auteurs. En effet, parfois, la notion d'achats hors production se limite aux achats de frais généraux. En prenant cette hypothèse, les achats d'outillage nécessaires à la production, par exemple, ne sont pas pris en compte dans les achats hors production puisqu'ils concernent la production. Cependant en prenant la définition des achats hors production comme achats « non directement incorporés dans le service ou produit vendu », cette catégorie en gris clair peut être prise en compte dans les achats hors production et l'enquête terrain réalisée par Merminod confirme cette tendance.

2.3.3 La classification par montant de dépenses

Les familles de produits et services peuvent également être classifiées selon leur importance en termes de part des achats dans le chiffre d'affaires de l'entreprise. Il s'agit ainsi de

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hiérarchiser le portefeuille de produits en fonction de leur poids stratégique dans l'entreprise. Une méthode baptisée méthode ABC (activity based costing), utilise une variante du principe de Pareto en indiquant que 20% des dépenses représentent 80% des ventes (Johnson et Kaplan, 1987) (figure 5). Les familles d'achats sont ainsi classifiées en trois groupes comme présentés sur la figure 3:

- le groupe A : représente 20% des achats et 80% du chiffre d'affaires

- le groupe B : représente 30% des références et 15% du chiffre d'affaires

- le groupe C : représente 50% des références et 5% du chiffre d'affaires

Cette classification ne retient qu'un seul critère, l'engagement financier et ne gère que les allocations de ressources. Elle ne prend pas en compte les complexités internes et externes.

Figure 5: Représentation du principe de Pareto pour la méthode ABC (Johnson

et Kaplan, 1987)

2.3.4 La classification par qualification d'achats

Les achats peuvent aussi être classés en fonction du poids qu'ils représentent dans l'entreprise et en fonction du marché auquel ils se rattachent. En 1983, Kraljic développe une matrice afin d'aider les entreprises à établir un compte-rendu des forces et des faiblesses de leur service achats et de les aider dans leur stratégie d'achats. Il identifie ainsi l'aspect stratégique de famille d'achats à la fois sur le plan interne (vis-à-vis de l'entreprise) et externe (vis-à-vis du marché). Sur le plan interne, la stratégie est définie par l'importance de l'achat c'est-à-dire la

prise en compte du poids du coût d'acquisition sur le coût total, la valeur ajoutée dans le produit vendu, etc. Sur le plan externe, il s'agit de mesurer la complexité du marché : concurrence des fournisseurs, complexité technologique et logistique etc.

A partir de ces deux critères (importance de l'achat, complexité du marché), Kraljic créée une matrice afin d'en dégager quatre familles d'achats (figure 6) : les achats simples, lourds, risqués et stratégiques.

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Figure 6: Matrice des achats (Kraljic, 1983)

- Les achats simples représentent les achats ayant peu de valeur pour l'entreprise et dont le marché est simple. Les ressources accordées à ce type d'achats peuvent ainsi être minimisées. - Les achats lourds représentent des achats importants pour l'entreprise mais dont le marché est peu complexe. La marge de manoeuvre est ainsi forte et les opportunités de gain importantes.

- Les achats risqués sont les achats à faible valeur pour l'entreprise mais dont le marché fournisseurs est complexe. Les marges de manoeuvres et les possibilités de gains sont faibles. Ils doivent être surveillés mais les ressources accordées doivent être faibles.

- Les achats stratégiques : ce sont des achats à fort enjeu pour l'entreprise et complexes. La plupart des ressources doit être consacré à ce type d'achats.

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Alors que la classification par type d'achats aide l'entreprise à structurer sa fonction achats, cette classification par qualification de l'achat permet à l'entreprise de déterminer quelle stratégie d'achats adopter. La matrice de Kraljic est également un outil d'aide à la classification des profils d'acheteurs comme il sera étudié dans une prochaine partie (Merminod, 2003).

2.3.5 Autres classifications des achats

Au delà de la classification par nature et par importance stratégique, il existe d'autres classifications possibles.

Les achats peuvent être classifiés en fonction des secteurs d'activité. Sont distingués alors les achats privés et les achats publics. Les achats publics sont définis comme « l'ensemble des achats réalisés par les services de l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de droit public, les sociétés d'économies mixtes et les organismes de sécurité sociale, pour la satisfaction de leurs besoins et ceux des destinataires de l'action ou des politiques publiques. » (Decision Achats, 2013). Ils sont soumis ou non au Code des marchés publics. Les achats privés sont quant à eux les achats réalisés pour des entreprises ou organismes. Selon le type d'entreprise sont associés différents types d'achats : achats industriels, commerciaux, de négoce etcÉ

Une autre classification possible est celle des achats produits et achats projets. Cette classification concerne davantage l'organisation des achats et tâches attribués à l'acheteur. L'acheteur produit achète une même famille de produits pour différents projets. L'acheteur projet pilote et coordonne tous les achats pour un même projet.

En conclusion, il existe différentes classifications possibles des achats en fonction du but recherché. Les achats peuvent être classifiés en fonction de leur complexité, leur rôle en interne, leur importance plus ou moins stratégique, et varient en fonction du type d'entreprise. En raison de l'objectif de ce travail de recherche, il sera retenu la classification par famille en achats production et hors production.

2.4 Le poids des achats dans l'entreprise

Bien que s'étant épanouie que récemment, la fonction achats est aujourd'hui d'une importance stratégique pour les entreprises. Le montant des achats croît dans le chiffre d'affaires des entreprises. Elle représente notamment 50% du chiffre d'affaires d'IBM, 80% chez PSA et 65% chez Schneider Electric (Allal-Cherif et alii, 2010) contrôlé par seulement 1 à 4% du personnel de l'entreprise (Kourim et alii, 2013). Une étude du cabinet AgileBuyer montre la part des achats dans le chiffre d'affaires d'entreprises du Cac 40 en 2009 (Figure 7). De plus, la réduction des coûts devient une variable essentielle permettant d'améliorer le bénéfice de l'entreprise. Ainsi, « dans une entreprise où le montant des achats représente 50% du chiffre d'affaire et dont le profit est de 5%, une diminution du montant des achats de 5% améliore le résultat de 50% » (Calvi, 2010). Les achats sont ainsi un levier de gain pouvant impacter directement le résultat de l'entreprise.

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Figure 7: Part des achats dans le chiffre d'affaires (AgileBuyer, 2009)

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Conclusion de la partie 2:

Il n'existe pas de définition universelle de la fonction achats. Cependant, les diverses définitions récentes qui lui ont été attribué l'ont amené à se séparer de la fonction approvisionnements en raison de l'évolution de l'environnement de l'entreprise, lui donnant ainsi un poids stratégique. La fonction achats suit un processus précis et son périmètre d'activités s'est élargi de la définition du besoin en interne à l'évaluation de la performance fournisseurs. L'acheteur n'intervient plus seulement sur l'acte d'achats mais aussi sur le travail en amont et en aval. Enfin, plusieurs classifications des achats sont possibles.

Après avoir étudié comment la fonction achats est passée d'une « sous-fonction » à une fonction administrative puis stratégique, ainsi que son positionnement dans l'organisation, il convient de voir comment le rôle de l'acheteur se matérialise aujourd'hui dans le processus organisationnel de l'entreprise, et les compétences qu'il doit détenir pour remplir ce nouveau rôle. Cependant, il est intéressant de se focaliser dans un premier temps sur les travaux réalisés concernant la notion de compétence et ses enjeux, afin de mieux comprendre en quoi et comment les rôles et profils de l'acheteur évoluent.

III- LA NOTION DE « COMPETENCE »

En une dizaine d'années, le concept de compétence s'est considérablement développé, notamment dans le domaine professionnel pour l'orientation et la gestion des ressources humaines, mais aussi en psychologie. Les ressources humaines s'appuient de plus en plus sur des outils tels que les bilans de compétence pour l'orientation de carrière des employés dans un environnement en perpétuelle évolution.

3.1 Définition de la compétence

La notion de compétence est complexe à définir. En effet, le terme ne peut se suffire à lui-même et il est nécessaire de prendre en compte les variables contextuelles et temporelles dans lequel il s'inscrit (Le Clainche, 2008). Il existe ainsi une multitude de définitions possibles. En 1974, Katz distingue trois types de compétences : les compétences conceptuelles, techniques et humaines. Il distingue ainsi trois composantes des compétences qui sont repris par la plupart des auteurs s'étant penchés sur le sujet depuis. Il s'agit du savoir, du savoir-faire

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et du savoir-être. En 1984, Montmollin rappelle que l'identification des salariés d'une entreprise se structure autour d'une profession. Il définit ainsi les compétences comme les connaissances, les savoir-faire, les types de raisonnements et les habilités mises en oeuvre pour réaliser une tâche spécifique. En 1995, Samurcay et Pastre définissent le sujet en fonction des situations de travail et distinguent les compétences finalisées (classes de tâches déterminées), les compétences opérationnelles (compétence pour une action donnée) et les compétences apprises (lors d'une formation ou d'une activité). En 1995, Le Bortef décrit la compétence comme « la mobilisation ou l'activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donnés ». Il distingue ainsi six types de compétences : les savoirs théoriques (comprendre, interpréter), les savoir procéduraux (savoir comment procéder), les savoir-faire procéduraux (savoir procéder), expérientiels (savoir y faire), sociaux (savoir se comporter) et cognitifs (savoir raisonner, traiter l'information). Ainsi, selon Le Bortef, la compétence ne se réduit pas à un savoir et un savoir-faire mais elle doit s'appliquer dans un acte donné. En 1996, Tardif assimile la compétence à « un système de connaissances, déclaratives (le quoi) ainsi que conditionnelles (le quand et le pourquoi) et procédurales (le comment), organisées en schémas opératoires et qui permettent, à l'intérieur d'une famille de situations, non seulement l'identification de problèmes, mais également leur résolution par une action efficace. » Tardif prend alors une approche systémique du concept de compétence. Enfin Guillevic (1991) et Perrenoud (2001) mentionnent la notion de ressources pour décrire les compétences. Guillevic les définit comme « un ensemble de ressources disponibles pour faire face à une situation nouvelle dans le travail ». Les ressources permettent de s'adapter à un environnement donné. Perrenoud (2001) va plus loin en décrivant ces ressources comme des ressources cognitives telles que les savoirs, les capacités mais aussi d'autres ressources comme les valeurs, les normes, les attitudes, le rapport au savoir, à l'action, à l'autre et au pouvoir. Defélix (2003) reprend cette notion de ressources en définissant la compétence comme « une combinaison de ressources, dans une situation donnée, rendant capable de.. ». Les ressources sont ainsi diverses et variées et la compétence s'inscrit toujours dans un contexte, une situation. En 2002, Aubret amène la nécessité d'avoir un caractère pérenne dans la compétence en la définissant comme « une capacité répétée et reconnue ». Il s'agit ainsi de vouloir mesurer une performance.

Enfin, le concept de compétences basé sur le triptyque savoir, savoir-faire, savoir-être est un concept français qui s'oppose aux approches anglo-saxonne et germanique bien que des concordances puissent s'établir (Le Deist, 2009).

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Il existe ainsi une multitude de définitions concernant le terme de compétence. Cependant, les auteurs s'accordent à dire que la compétence est un ensemble de ressources que l'on peut regrouper en savoir, savoir-faire, savoir-être s'appliquant à un contexte, une situation donnée. Il y a l'approche savoirs, capacités, attitudes et l'approche respect d'une démarche ou d'un processus (Le Clainche, 2008).

3.2 Les compétences organisationnelles au service de la stratégie d'entreprise

En 1980, Porter décrit une vision stratégique de l'entreprise en la positionnant vis-à-vis de sa concurrence. Il élargit ce concept de concurrence en mettant en évidence cinq forces s'exerçant sur l'entreprise : le pouvoir de négociation des clients, le pouvoir de négociation des fournisseurs, la menace des produits ou services de substitution, la menace d'entrants potentiels sur le marché et l'intensité de la rivalité entre les concurrents. En 1985, il apporte une vision plus interne de la stratégie de l'entreprise vis-à-vis de la concurrence en décrivant le concept de chaîne de valeur ajoutée, essentielle pour exister dans un environnement concurrentiel. Dans le même temps, de nombreux auteurs comme Wernefelt (1984) et Barney (1986) adoptent une approche différente de la stratégie d'entreprise, se basant sur ses ressources. Selon ces auteurs, le succès d'une entreprise ne dépend pas seulement de son positionnement vis-à-vis de la concurrence mais de la façon dont elle mobilise les ressources qu'elle a à disposition pour offrir le meilleur service au client (Durand, 2000). L'avantage concurrentiel est ainsi présenté comme la valorisation des ressources de l'entreprise. Cette approche évolue ensuite vers une approche théorique de connaissances puis une émergence de la notion de compétences qui regroupe ressources et connaissances étendues.

Amit et Schoemaker (1993) notent que les entreprises sont dotées d'un différentiel de ressources et d'actifs et que la distinction des capacités organisationnelles est créatrice d'avantage concurrentiel. Pour avoir cet avantage concurrentiel, la compétence doit remplir six conditions : avoir de la valeur, être rare, être inimitable, être durable, ne pas avoir de substitut et déboucher sur un résultat. La notion de compétence clé émerge de cette réflexion. Prahalad et Hamel (1990) affirment que les compétences clés d'une entreprise, qui lui donnent un avantage concurrentiel, sont les compétences intangibles. Celles-ci se définissent comme les compétences qui ne peuvent être imitées, reproduites par d'autres entreprises et qui sont ainsi un facteur de différenciation. Ces compétences clés se retrouvent à la fois dans les ressources et dans les processus mais également dans la culture de l'entreprise.

Ainsi, ces différents auteurs mettent en exergue la différenciation d'une entreprise par ses

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compétences clés qui lui donnent un avantage concurrentiel. Il s'agit d'une approche « bottom-up » qui consiste à partir des compétences pour définir la stratégie de l'entreprise (Le Boulaire et alii, 2008).

3.3 De l'approche « bottom-up » à l'approche « top-down »

La gestion des compétences et la stratégie d'entreprise sont interdépendantes. Comme décrit précédemment, la théorie des ressources autrement baptisée « Resourced Based View » indique que la stratégie d'entreprises découle des compétences présentes dans l'entreprise (approche « bottom-up ») et non pas du couple marché-produit. Il s'agit ainsi de développer une capacité d'adaptation aux évolutions à long terme. Cependant, ce processus peut être inversé. Dans ce cas, c'est la stratégie d'entreprise qui détermine les compétences exigées pour remplir les objectifs fixés : il s'agit de l'approche « top-down » (Le Boulaire et alii, 2008). Cette approche a des répercussions sur la gestion des ressources humaines puisque celle-ci est ainsi en support de la stratégie d'entreprise. Le but est ainsi de déterminer les compétences nécessaires au positionnement stratégique visé par l'entreprise.

3.4 De la compétence organisationnelle à la compétence individuelle

Sont mentionnés précédemment les liens existant entre compétence et stratégie. De nombreux auteurs ont mis en avant la nécessité de développer des compétences en interne, compétences clés amenant l'entreprise à avoir un avantage concurrentiel. En fait ces différents auteurs ont décrit la compétence générale d'une entreprise autrement dit sa compétence organisationnelle : elle se matérialise notamment par ses ressources qu'elles soient humaines, financières, techniques ainsi que ses processus.

Des chercheurs se sont penchés sur le concept de compétence collective à partir des années 1990 et les avis divergent. Il y a cependant des points communs entre les différentes recherches. Par exemple, ils s'accordent pour dire que les membres d'une équipe possèdent des connaissances et des référentiels opératoires communs à travers un langage opératoire et une vision commune (Michaux et alii, 2005). Ils sont également unanimes pour affirmer que la compétence collective n'est pas la somme des compétences individuelles.

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Hormis ce point commun, les visions du concept de compétence collective sont cependant diverses et variées. Wittorski (1994) et Amherht et alii, (2000) parlent d'une approche dynamique où les individus travaillent ensemble dans un but commun. Dubois et Retour (1999) parlent de pratiques similaires pour les employés ayant la même tâche et dont la coordination est rare et ponctuelle. Au delà de cet exemple, les avis des auteurs divergent sur le concept.

A partir des différents travaux réalisés, Krohmer (2003) propose une définition de la compétence collective : il s'agit d'un « ensemble de savoirs et savoir-faire d'un collectif de travail issu de l'interaction entre ses membres et mis en oeuvre pour faire face à une situation de travail ».

Il est cependant difficile d'établir un lien clair entre compétences individuelles, compétences collectives et compétences organisationnelles. Bien que Dejoux (2000) relève l'agrégation de compétences individuelles en compétences collectives puis organisationnelles, le passage de compétences individuelles en compétences collectives est davantage la conséquence d'une approche systémique qui repose sur la synergie de compétences individuelles.

3.5 Une approche systémique des niveaux de compétence

En 2009, Rouby et Thomas reprennent l'ensemble des écrits sur le sujet de compétence et résument les liens entre stratégie d'entreprise, compétences individuelles, collectives et stratégiques. Leur synthèse se matérialise par un schéma représentatif de la gestion stratégique des compétences (figure 8).

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Figure 8: Solution de Gestion Stratégique des Compétences (Rouby et Thomas, 2009)

Sont retrouvés sur ce schéma les trois niveaux de compétences : individuelles (C.I.), collectives, (C.C.) et stratégiques (C.S., autrement dites compétences organisationnelles ou encore compétences clés-.

On retrouve également l'approche « bottom-up » où la stratégie est déterminée en fonction des divers niveaux de compétences : Rouby et Thomas parlent alors de stratégie émergente. L'approche « top-down » où la stratégie détermine les compétences à acquérir est également matérialisée : les auteurs parlent alors de stratégie délibérée.

Rouby et Thomas amènent cependant une nouveauté en expliquant que le système suit un processus cyclique en six étapes, où la stratégie émergente s'inscrit dans le présent tandis que la stratégie délibérée est davantage orientée vers le futur. Le processus décrit est le suivant :

- Etape 1 : identification et valorisation des compétences collectives : les compétences collectives sont identifiées par les chefs d'équipe qui valorise les ressources, processus et actions menées dans une optique de redéploiement, de réorganisation

- Etape 2 : identification des compétences stratégiques : émergence par l'agrégation des compétences collectives, des compétences clés de l'entreprise

- Etape 3 : définition des compétences stratégiques clés futures : confrontation des compétences détenues avec l'évolution du marché afin d'en dégager les compétences clés à développer

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- Etape 4 : identification des compétences collectives : orientation des politiques de développement des équipes (management d'équipe)

- Etape 5 : Gestion Prévisionnelle des Compétences Individuelles : déclinaison des compétences collectives sur l'individu. Identification des formations à mener pour être en phase avec les compétences collectives nécessaires, recrutement de nouveaux collaborateurs selon les compétences collectives et stratégiques

- Etape 6 : Valorisation des compétences individuelles : exploitation des compétences individuelles au sein de processus collectifs créateurs de valeur, développement du parcours professionnel en fonction des évolutions stratégiques de l'entreprise

Cette approche systémique qui suit un processus en six étapes permet de dégager les liens existants entre stratégie d'entreprise et compétences nécessaires aux différents niveaux.

3.6 Le concept de « compétence » décliné aux achats

Les différents travaux d'études réalisés sur la notion de compétence ont principalement été effectués dans l'optique d'améliorer les processus de gestion des ressources humaines. Par cette approche théorique, le lien entre stratégie d'entreprise, compétences organisationnelles, collectives et individuelles est établi. L'objectif est ainsi de faire le lien entre cette approche théorique et son adaptation aux achats.

Dans la première partie, la naissance et l'évolution de la fonction achats a été abordée. L'évolution de l'environnement avec notamment le choc pétrolier de 1973 amène les entreprises à vouloir développer une nouvelle compétence stratégique pour rester concurrentiel sur son marché : savoir réduire ses coûts. C'est pourquoi, cette nouvelle compétence clé se décline en compétence collective avec une fonction achats prenant de l'importance dans l'entreprise et dans les compétences individuelles nécessaires : savoir négocier. Une génération de « cost-killer » apparaît ainsi. Puis les évolutions de l'environnement à partir des années 1990 ont pour conséquence un changement de stratégie des entreprises. Des nouvelles compétences collectives sont ainsi exigées en ce qui concerne la fonction achats. Le rôle de l'acheteur évolue pour s'adapter aux changements vécus par le monde de l'entreprise.

Les nouveaux rôles de la fonction achats nécessitent alors de nouvelles compétences au niveau individuel de la part de l'acheteur, afin de s'adapter aux décisions stratégiques de

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l'entreprise. Ces nouvelles compétences individuelles requises doivent ainsi être établies en fonction de l'orientation des politiques d'achat et dépendent aussi des processus et des objectifs fixés par la fonction.

C'est pourquoi, dans une quatrième partie, les nouveaux rôles de l'acheteur sont étudiés. Dans une cinquième partie, le focus est établi sur les nouvelles compétences que doit posséder l'acheteur (compétences individuelles) pour s'adapter à ces nouveaux rôles.

IV- L'ACHETEUR : UN ROLE TRANSVERSAL ET COLLABORATIF 4.1 L'acheteur : un « Business Partner » créateur de valeur

4.1.1 L'acheteur : Une légitimité à faire valoir en interne

Il existe de nombreux stéréotypes négatifs concernant le rôle de l'acheteur du point de vue des autres services de l'entreprise. Considéré comme « un fouineur » réprimandant le travail réalisé par ses collègues, l'acheteur a longtemps souffert d'un manque de reconnaissance en interne. Son rôle a été souvent limité à la négociation et à la gestion des approvisionnements, tâches considérées comme faciles par ses pairs et il est difficile de convaincre les autres fonctions de l'évolution de sa position. Son apport est ainsi dévalorisé, jugé marginal voir inutile, les interlocuteurs en interne « n'attendant rien de lui » (Sebti et alii, 2010). Si on en revient au processus achats, on remarque que l'image retenue de son champ d'intervention est sa mission initiale d'acte d'achats. Sa perception varie d'un service à un autre et il existe un décalage entre son rôle connu (rôle défini par l'acheteur) et son rôle admis (rôle attribué à l'acheteur par les autres fonctions de l'entreprise) (Association CESA Achats, 2004).

De plus, comme il a été décrit dans la première partie, la fonction achats a pris de l'importance à partir du moment où les entreprises ont donné de l'importance à la réduction des coûts à la suite du choc pétrolier de 1973. Le rôle unique des acheteurs était ainsi d'étirer les coûts vers le bas ce qui lui a valu l'image de « cost-killer » qui lui reste collée à la peau. Ensuite, lorsque le périmètre de la fonction achats s'est élargi au marketing achats et aux achats hors production, les clients internes ont interprété cela comme une perte de pouvoir car on leur a retiré une de leurs activités préférées : la gestion de la relation fournisseurs. La

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vexation s'accompagne d'un frein à l'acceptation des propositions des acheteurs qui ont la possibilité de remettre en question certaines relations historiques et amicales tissées autrefois par les clients internes avec leurs fournisseurs.

Ainsi, c'est à l'acheteur de savoir se vendre en interne, de communiquer et convaincre ses interlocuteurs de sa valeur ajoutée.

4.1.2 L'acheteur : un chef d'orchestre des processus internes

Bien que l'acheteur doive savoir se vendre pour affirmer sa légitimité dans certaines entreprises, l'augmentation de la pression concurrentielle de l'entreprise fait émerger de nouvelles attentes de la part de ses collaborateurs au niveau de la création de valeur (Ducasse et alii, 2002). En étant une fonction à part entière, elle libère les autres fonctions de certaines tâches dont elles n'ont pas la pleine maîtrise, leur permettant de se consacrer à leur coeur d'activité (Cracco et alii, 2011).

De plus, la nécessité pour l'entreprise de se positionner au niveau du marché, en vendant un produit ou service répondant aux besoins des consommateurs, incite chaque fonction de l'entreprise à se donner des objectifs de valeur ajoutée dans leur propre processus. C'est pourquoi, il est nécessaire pour les achats de bien comprendre les besoins, les contraintes et objectifs financiers de chaque fonction pour acheter de façon pertinente. Il doit ainsi connaître les opportunités et contraintes logistiques, juridiques, financières, de production etc. ce qui lui donne un rôle transversal au sein de l'entreprise.

Mais au delà de la transversalité, l'acheteur a un véritable rôle de « Business Partner ». Il doit identifier les besoins et traduire les attentes de ses collaborateurs en les rendant lisibles et compréhensibles pour le fournisseur (Sebti et alii, 2010). Il les assiste ainsi dans la définition de leurs besoins, en travaillant communément dans l'instauration d'une relation de service (Calais, 2009). Cette collaboration nécessite que l'acheteur soit intégré en amont dès la définition du besoin (Ducasse et Hogne, 2002).

Cependant, la véritable valeur ajoutée de l'acheteur est son rôle d'expert. En effet, c'est par sa connaissance du marché, sa maîtrise de la relation fournisseur, son expertise technique qu'il peut proposer des solutions innovantes pour réduire les coûts et être initiateur dans la démarche d'achat. Il devient ainsi un leader de la relation interne, un véritable chef d'orchestre qui coordonne les activités et anime les débats. C'est pourquoi le métier

d'acheteur projet tend à se substituer à l'acheteur produit s'accompagnant de « la mise en commun des ressources, risques et profits » (Allal-Cherif et alii, 2010). En 2002, Martin confirme cette tendance en déclarant : « nous passons d'une approche en termes de minimisation des coûts et de normalisation des informations échangées à une logique très proche du pilotage projet ». Afin d'être force de proposition, c'est à l'acheteur de s'aligner sur la stratégie business des autres fonctions pour proposer des innovations en cohérence avec les objectifs de chaque service. (Cracco et alii, 2011).

Ainsi, le rôle de l'acheteur ne se cantonne plus au simple acte des achats. Il pilote les relations en interne et doit comprendre la stratégie de l'entreprise afin d'adopter une stratégie fournisseurs. Sa charge de travail opérationnelle a donc considérablement diminué au profit du travail stratégique comme le matérialise Ducasse et Hogne (figure 9).

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Figure 9: Charge de travail des acheteurs (Ducasse et Hogne, 2002)

L'optimisation de sa relation avec les fournisseurs, à l'aide notamment des nouvelles technologies de l'information, lui permet aussi de se consacrer davantage à des tâches stratégiques.

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4.2 L'acheteur : un manager de la collaboration fournisseur

Le sourcing, l'évaluation des performances, la négociation, la contractualisation et l'audit sont les activités de l'acheteur qui caractérisent la relation de l'acheteur avec ses fournisseurs dans le processus achats (Calais, 2009).

« Exiger, surveiller, punir », c'est le rôle que l'on a longtemps attribué à l'acheteur vis-à-vis de la relation avec ses fournisseurs. En effet l'acheteur « cost-killer » avait pour seul objectif d'acheter à bas coût. Cela se traduisait ainsi par une pression permanente infligée au fournisseur. Cette vision de relation à court terme tend à disparaître aujourd'hui (Cracco et alii, 2012).

L'internationalisation et l'externalisation des activités de l'entreprise ont des répercussions sur les relations acheteur-fournisseur en créant de nouvelles opportunités, de nouveaux risques. Cela complexifie le rôle de l'acheteur rendant cette relation plus stratégique et nécessitant plus de temps (Ducasse et Hogne, 2002). Lorsque les entreprises décident d'acheter plutôt que de faire (« make or buy »), elles déportent la création de valeur de l'interne vers l'externe (Cracco et alii, 2012). Cela n'est pas sans risque puisque l'entreprise est amenée à confier une partie de son savoir-faire et devient davantage transparente vis-à-vis de ses enjeux stratégiques. Ces variables amènent les achats à privilégier des relations de partenariat durable avec les fournisseurs, au détriment de relations à court terme.

Dès 1988, Johnson et Lawrence déclaraient que les relations avec les fournisseurs devenaient « plus proches et meilleures ». La volonté d'entretenir des partenariats stratégiques a pour conséquence la rationalisation du portefeuille fournisseurs en éliminant les fournisseurs peu créateurs de valeur pour l'entreprise. Dans une enquête récente réalisée par « the Institute of Supply Management » où plus de deux mille acheteurs ont été interrogés, 82% d'entre eux déclarent avoir une meilleure relation avec leurs fournisseurs et 70% des acheteurs affirment avoir réduit le nombre de fournisseurs dans leur base de données, ce qui confirme cette tendance.

La relation se base dans un premier temps sur l'innovation et le développement de solutions adaptées aux besoins actuels et futurs des clients finaux dans un climat de confiance. Il s'agit ainsi de collaborer afin d'établir une synergie entre les acteurs. Le concept d' « entreprise étendue » est né de ces partenariats stratégiques et processus d'externalisation. Cette notion assimile l'ensemble des parties prenantes en une seule entité dont le but est la réalisation de projets communs. Les fournisseurs sont ainsi amenés à intégrer la Supply Chain de

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l'entreprise (Calais, 2009). Les acheteurs sont ainsi prêts à soutenir les fournisseurs de rang 2,3 ou 4 notamment en termes logistiques ou en management de risque. Dans le sens opposé, il n'est pas rare de voir un acheteur ayant un bureau à sa disposition chez le fournisseur. La collaboration entre l'acheteur et ses fournisseurs prend également tout son sens avec l'émergence de la notion de « développement durable » amenant l'acheteur à être créateur de valeur durable (Allal-Chérif et alii, 2010).

Ensuite, les nouvelles technologies de l'information et le développement des systèmes d'information sont un support stratégique utile au management des ressources externes. Bien qu'ils permettent, dans un premier temps, à l'acheteur de passer moins de temps sur les achats simples grâce à l'automatisation des tâches rébarbatives, les nouveaux outils permettent de partager des informations avec les fournisseurs (informations logistiques, appels d'offres, roadmaps etc.). Ils favorisent aussi la recherche de nouveaux partenaires sur les places de marché dans le cadre du sourcing.

Enfin, l'internationalisation et la croissance du nombre de fusions-acquisitions amènent l'acheteur à se retrouver en face de fournisseurs puissants. Il est ainsi important pour l'acheteur de savoir se vendre auprès du fournisseur, de réaliser du lobbying afin de donner envie au fournisseur de mener des projets de co-développement et de réaliser des investissements importants pour mener à bien ces projets (Cracco et alii, 2012).

En tant qu'interface entre l'entreprise et ses fournisseurs, l'acheteur est un collaborateur à la fois sur le plan interne et externe. Pour résumer « l'acheteur doit simultanément développer le dialogue avec les autres membres de son entreprise en pratiquant un marketing interne, et mener des actions auprès des fournisseurs en développant un marketing externe » (Fenneteau, 1992)

4.3 L'externalisation des achats

Comme décrit précédemment, les entreprises se recentrant sur leur coeur de métier externalisent un bon nombre d'activités. De plus, l'acheteur est devenu un acteur stratégique dans sa collaboration à la fois en interne et externe. Il convient donc de gagner du temps sur les achats non complexes. Au delà du gain de temps procuré par les technologies de l'information, certaines entreprises vont plus loin en externalisant elle-même la fonction

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achats. En 2000, l'externalisation de la compétence achats restait néanmoins marginale, ne représentant que 4% du montant des achats (Andersen, 2002).

La théorie des coûts de transaction (Williamson, 1985) indique qu'une entreprise est amenée à externaliser lorsque le différentiel coût de production interne et prix d'achat du marché, additionné au différentiel coût de coordination interne et coût de transaction, est positif. Les coûts de transaction sont les coûts induits par l'externalisation c'est-à-dire coûts de fonctionnement et d'organisation (ex post) et le coût en aval de l'activité externalisée (ex ante).

En 1999, Calvi reprend la théorie de Williamson en l'adaptant à l'activité achats. Il met en évidence le fait que lorsque l'externalisation s'applique, elle concerne essentiellement les achats non stratégiques c'est-à-dire des produits ayant peu de complexité technologique et dont l'environnement fournisseur est très concurrentiel (Calvi, 1999).

De plus, si on se réfère à la classification ABC et au principe de Pareto selon lequel 20% du volume d'achats représente 80% du montant dépensé, on peut dire que l'externalisation concerne la classe C, c'est-à-dire les achats représentant un grand nombre de produits ou de services dans l'entreprise, mais dont la valeur est faible. Ainsi, ils représentent un coût administratif lourd en raison de la dispersion des commandes sur un grand nombre de fournisseurs. Ces achats de classe C sont souvent assimilés aux achats hors production, car le montant de ces achats est faible comparé aux achats de production mais le nombre de fournisseurs est important, en raison de la diversité des produits et services. Il convient cependant d'être vigilant, de nombreux auteurs limitant la définition des achats hors production aux achats de frais généraux.

L'externalisation des achats non stratégiques se développe notamment grâce à l'évolution des nouvelles technologies d'information et de communication, dont la création de places de marché dédiées. Les achats externalisés bénéficient également de la création de centrales d'achats qui jouent sur l'effet volume pour obtenir des prix attractifs (DESMA, recherche collective, 2002). Cependant, l'évolution de l'offre et l'émergence de compétences spécifiques d'expertise sur certains domaines en externe, peuvent amener les entreprises à externaliser une portion de leurs achats stratégiques (DESMA, recherche collective, 2002).

Pour conclure, l'externalisation des achats renforce le caractère stratégique de l'acheteur en lui dégageant du temps pour se consacrer aux achats à plus forte valeur ajoutée. Elle accentue également son rôle de collaborateur avec le fournisseur en se penchant sur la définition des besoins, sur la recherche d'innovation, au détriment de la négociation et de l'aspect administratif (Usine Nouvelle, 2004).

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4.4 Un rôle stratégique encore immature

Le rôle stratégique de l'acheteur reste néanmoins encore à faire valoir au sein des entreprises. Il existe des disparités de maturité du service achats en fonction des entreprises et des secteurs d'activité, mais la majorité des structures n'a pas encore atteint un niveau optimal.

En effet, les acheteurs ont encore peu de pouvoir décisionnaire concernant la stratégie de l'entreprise. En effet, d'après une étude du cabinet CGI Business Consulting réalisée en 2013 auprès d'acheteurs, « seulement 20 % des répondants déclarent contribuer réellement à la définition de la stratégie de leur entreprise ». Une enquête du cabinet de conseil Demos en 2008 montre que 44% des acheteurs considèrent leur service comme une fonction support classique. Ensuite, les auteurs de l'étude du cabinet CGI Business Consulting déclarent que « Près de 80% de la fonction Achats est encore objectivée sur des problématiques de Qualité-Coûts-Délais ». Un des facteurs clés montrant les limites de la fonction achats dans le pouvoir décisionnaire, est que bien que « dans le monde, 53 % des directeurs achats appartiennent au codir, 70 % des acheteurs ne sont pas cités dans la stratégie de leur entreprise en France » (Fenoll, 2013)

Ensuite, sur le plan interne, les nouveaux rôles de l'acheteur demeurent difficiles à mettre en avant. Il y a notamment une limite culturelle, l'acheteur étant toujours considéré comme un bon négociateur (Cracco, 2013). Il doit ainsi toujours lutter en interne pour faire valoriser sa profession.

Enfin, la crise économique a fait resurgir l'obsession de réduction de coûts. Ainsi, 54% des acheteurs déclarent qu'il s'agit de leur priorité alors que seulement 18% répondent que la priorité est la définition des besoins en amont (enquête CGI Business Consulting, 2013). Les initiatives ou projets trop coûteux sont directement mis à l'écart. De plus, le danger est de retrouver le profil du « cost-killer » mettant pression sur ses fournisseurs au risque de les voir disparaître. Cependant, au lieu de faire un retour en arrière, cette crise est au final une opportunité pour réaliser un bond en avant et mettre la fonction achats en lumière. Il s'agit d'une opportunité pour revoir les bonnes pratiques, valoriser la fonction et se frayer un chemin pour reconnaître le statut de l'acheteur, en jouant un rôle dans la stratégie des entreprises.

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Conclusion de la partie 4 :

L'évolution de l'environnement de l'acheteur positionne celui-ci dans un nouveau rôle de plus en plus stratégique. Davantage impliqué dans les processus internes et externes, il est un collaborateur coordinateur des activités de l'entreprise. Le développement des technologies de l'information et l'externalisation de certains achats renforce son caractère stratégique en lui donnant la possibilité de passer moins de temps ou de déléguer des tâches opérationnelles rébarbatives. Cependant, ces nouveaux rôles sont encore à faire valoir en interne, la crise pouvant être une opportunité à saisir.

Son rôle de transversalité et de coopération nécessite ainsi des compétences nouvelles dépassant l'image historique de l'acheteur négociateur. Il convient ainsi de déterminer quelles sont les compétences essentielles de l'acheteur moderne mais aussi de déterminer si ces compétences sont identiques pour tous les acheteurs.

V- LA COMPETENCE DES ACHETEURS

5.1 Une approche générique du métier d'acheteur

5.1.1 Les compétences de l'acheteur du point de vue des acheteurs et des employeurs

Les études sur les compétences des acheteurs sont peu nombreuses. L'émergence récente du rôle stratégique de l'acheteur peut expliquer que peu d'auteurs se soient intéressés à ce sujet avant les évolutions connues par la fonction depuis les années 1990. Hormis Cavinato, qui, en 1987, réalise une enquête sur les compétences techniques des acheteurs industriels, les recherches menées depuis mettent surtout en évidence les compétences de l'acheteur d'un point de vue global. Selon ces études, tous les postes d'acheteurs requerraient les mêmes compétences car il n'y a pas de distinction en fonction du métier ou du type d'achats effectué. On parle ainsi d'une approche générique du métier d'acheteur professionnel. (Merminod, 2003).

Les principales recherches sur les compétences des acheteurs ont été effectuées entre 1995 et 2000. Down et Liedtka (1994) ont tout d'abord mené une enquête afin de déceler les

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compétences de l'acheteur d'un point de vue des recruteurs. Ils dénombrent ainsi sept compétences majeures : aptitudes à la communication, aptitudes aux relations, aptitudes à la prise d'initiative et la motivation, leadership, capacité de résolution des problèmes et enfin diplômes détenus par le candidat. On retrouve ici des compétences essentielles confirmant son nouveau rôle de transversalité et de collaboration interne et externe. En 1995, Murphy réalise une enquête auprès d'acheteurs cette fois en leur demandant les compétences qu'ils considèrent comme importantes pour leur travail. Quatre compétences sont identifiées : la capacité de négociation, la capacité de management (financier, interpersonnel), la maîtrise des outils informatiques et enfin les mathématiques. Il est important de noter la différence de réponse entre les acheteurs et les recruteurs à un an d'intervalle.

Kolchin et Giunipero (1993) ont effectué une recherche au préalable en interrogeant les responsables achats cette fois sur leur vision du métier d'acheteur en l'an 2000. Trois grandes catégories de compétence sont identifiées : la très bonne connaissance de l'entreprise, les aptitudes aux relations et les compétences techniques. On retrouve plus ou moins ici le triptyque savoir, savoir-être et savoir-faire. Les dix compétences identifiées, classées par ordre d'importance, sont les suivantes : communication interpersonnelle, focalisation sur les besoins du client interne, capacité de prendre des décisions, capacité de négociation, capacité d'analyse, capacité à gérer le changement, résolution de conflit, résolution de problèmes, persuasion et capacité d'influence, et enfin la maîtrise des technologies informatiques. En 1995, Killen et Kamauff regroupent les caractéristiques d'un bon acheteur en quatre catégories : la connaissance du produit qui comprend la maîtrise du marché, la connaissance du client final et son impact en interne notamment ; les attributs personnels qu'on pourrait résumer en savoir-être c'est-à-dire intégrité, souci du détail, prise de risque appropriée, confiance en soi, esprit d'initiative ; les qualités interpersonnelles c'est-à-dire sa capacité à travailler en équipe, à écouter les besoins, à communiquer, à travailler avec des interlocuteurs ayant différents points de vue ; et enfin il doit maîtriser le rôle de l'acheteur dans l'organisation, ce qui passe par une bonne connaissance de l'entreprise.

Giunipero et Pearcy (2000) reprennent les travaux réalisés par Killen et Kamauff ainsi que l'enquête réalisée en 1993 sur la vision de l'acheteur en l'an 2000. Ils proposent ainsi une classification des compétences de l'acheteur de haut niveau à la suite d'une étude empirique réalisée auprès de professionnels de l'achat, de différents degrés d'expérience (de l'acheteur junior au responsable achats). A l'issue de l'étude, Giunipero et Pearcy relèvent sept composantes principales : les compétences stratégiques, la capacité de management des processus, les compétences de travail en équipe, les capacités à prendre de décisions, les

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comportements, la capacité de négociation et les compétences qualitatives. Ils récapitulent ces compétences à l'aide d'un tableau (figure 10) :

Figure 10: Compétences requises d'un acheteur de haut niveau

(Giunipero et Pearcy, 2000)

En 1996, Cruz et Murphy confirment que les employeurs recherchent des profils davantage orientés stratégie que tactique. Les différentes enquêtes menées auprès des professionnels de l'achat et des recruteurs attestent que les compétences de l'acheteur doivent s'adapter aux nouveaux rôles qu'il exerce en termes de transversalité et de collaboration interne et externe. Son champ de compétences exigées s'est profondément élargi pour s'adapter à la stratégie globale de l'entreprise.

5.1.2 Les compétences de l'acheteur d'un point de vue des institutions françaises

Merminod (2003) s'est également intéressée aux compétences de l'acheteur du point de vue des institutions françaises de recrutement telles que l'APEC (Association Pour l'Emploi des Cadres) et le ROME (Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois) développé par l'ANPE. Les définitions données par ces institutions du métier d'acheteur sont semblables et

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en accord avec les recherches académiques effectuées. Elles s'orientent ainsi également vers une approche générique du métier d'acheteur où les compétences requises sont les mêmes pour tous les acheteurs. Néanmoins, dans ses fiches métiers, l'ANPE distingue l'acheteur industriel et l'acheteur grande distribution, ce qui signifie qu'il pourrait y avoir une différence de compétences entre les deux métiers. Cependant l'organisme donne une vision très généraliste du métier d'acheteur et énumère ainsi le même type de compétences pour les deux métiers.

5.1.3 Synthèse des compétences de l'acheteur dans le triptyque savoir, savoir-faire, savoir-être

Les diverses études académiques réalisées ont mis en avant des blocs de compétences qu'un acheteur doit tenir. D'une façon générale et comme décrit précédemment en ce qui concerne les compétences individuelles, les recrutements et évaluations du métier d'acheteur se font aujourd'hui sur le triptyque : savoir, savoir-faire, savoir-être (Durand, 2002).

Il convient ainsi d'établir une synthèse des études réalisées sur les compétences de l'acheteur en les regroupant dans le référentiel de Durand en savoir (ou connaissance), savoir-faire (ou pratique) et savoir-être (ou attitudes) (figure 11) et en les confrontant à ses rôles de collaborateur et de transversalité.

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Figure 11 : 3 dimensions de la compétence (Durand, 2002)

Savoir : L'acheteur doit tout d'abord avoir une connaissance des besoins du consommateur final et de ses clients internes afin de chercher les produits et fournisseurs en adéquation avec ces attentes finales. Il doit ainsi connaître également le marché fournisseurs et ses évolutions, étant donné qu'il est impliqué en amont de l'acte d'achat. Il doit aussi posséder une expertise technique des produits ou services sur lesquels il travaille, ainsi qu'une connaissance de la Supply Chain (Ducasse et Hogne, 2002). Ensuite, son rôle transversal l'oblige à acquérir des compétences dans les domaines tels que la technique de fabrication, le commercial, le marketing, l'économie, la finance et le domaine juridique (Jehan, 2012). Il doit bien connaître l'entreprise dans laquelle il évolue et le fonctionnement des autres services dans l'organisation. Enfin, l'acheteur doit connaître la stratégie de l'entreprise afin de déterminer ses objectifs et orienter ses décisions.

Savoir-faire :

L'acheteur doit maîtriser des techniques d'achat tels que la négociation, la mise en place et le suivi des contrats, la présélection et sélection du fournisseur. Son implication en amont de l'acte d'achats l'oblige à savoir rédiger un cahier des charges et des spécifications techniques. Il doit également savoir utiliser les outils informatiques lui servant au quotidien pour ses activités. La maîtrise de l'anglais est également indispensable dans un environnement globalisé. Ensuite, il doit avoir des compétences de management en gestion de conflits et résolution de problèmes. Il maîtrise l'art de l'analyse et de la synthèse et sait contrôler les coûts dans une dimension de coût total. Enfin, l'acheteur sait mener des projets dans une position de leader et de coordinateur des activités.

Savoir-être :

L'acheteur est avant tout doté d'un esprit curieux et ouvert (Leclercq, 1999). Cette dimension est indispensable pour sa démarche de marketing achats. Il doit posséder une capacité d'écoute, un sens de l'organisation et du service afin de traduire les besoins de ses clients internes. C'est aussi quelqu'un de pédagogue pour gérer des avis divergents. Il détient un esprit d'anticipation et d'adaptation dans un environnement en perpétuel changement. L'acheteur est créatif et entrepreneur pour être force de proposition en matière d'innovation et

en termes de réduction de coûts. Il doit également posséder le goût du changement et du risque (Allal-Cherif et alii, 2010). C'est enfin quelqu'un d'humble, d'honnête qui doit savoir faire preuve de patience.

Cependant, le résumé du terme « compétence » en savoir, savoir-faire et savoir-être est critiquable. Selon Aubret (1993), l'interaction des éléments ne se limite pas à ce triptyque qui ignore l'aspect combinatoire et structuré de la compétence.

En 2012, Jehan adopte ainsi un autre triptyque. A l'aspect technique (savoir-faire) et comportemental (savoir-être) s'ajoute non pas le savoir, mais l'aspect métacognitif qui se résume à « la capacité d'un acheteur à appréhender les problèmes et leurs solutions dans une dynamique cohérente incluant prise de recul, réflexion et proposition de solutions nouvelles. » Il s'agit, en résumé, de savoir repenser sa façon de penser. Selon l'étude de Jehan, c'est cette dimension de la compétence qui est la plus recherchée aujourd'hui. Dans les critères métacognitifs sont regroupées les compétences suivantes : vision globale, capacité à identifier ses propres compétences, prise de recul, assertivité, empathie, proactivité, esprit de synthèse, capacité de synthèse et leadership entre autres.

Cette nouvelle perspective démontre la complexité de classifier les compétences de l'acheteur de manière précise et universelle.

5.1.3 Les limites de l'approche générique

Les différents travaux réalisés sur le profil de compétences des acheteurs ont été réalisés en prenant le métier d'acheteur dans une optique généraliste. Tous les acheteurs auraient ainsi des profils de compétence similaires. Hormis Cavinato, qui, en 1987, réalise une recherche sur les compétences des acheteurs industriels, peu d'études existent sur la différenciation des compétences de l'acheteur en fonction du secteur d'activité de l'entreprise ou du type d'achats. Hors l'évolution de la fonction amène les acheteurs à être des « spécialistes généralistes » (Midler, 1993). L'émergence de l'acheteur hors production a considérablement élargi le nombre de familles de produits sur lesquelles repose l'activité de la fonction achats. Il semble donc indispensable de savoir si les profils de compétence sont identiques, ou s'ils se différencient en fonction du type d'achat.

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5.2 Une approche typologique du métier d'acheteur

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5.2.1 L'approche par secteur d'activité

Bien qu'ils soient peu nombreux à avoir fait des recherches sur le sujet, quelques auteurs ont adopté une approche typologique du métier d'acheteur. En 2001, Faes et Matthyssens réalisent à leur tour une enquête sur les compétences de l'acheteur. Ils ajoutent une variable aux études précédentes en reliant les critères de compétence achat aux différents secteurs d'activité et différentes tailles de l'entreprise. Les résultats de leur étude montrent qu'il existe différents profils d'acheteur. Par exemple, le profil d'acheteur proactif est particulièrement recherché dans l'industrie pharmaceutique, chimique, l'électroménager, les industries de construction. Les industries du papier et du textile recherchent davantage des techniciens experts pour leurs achats. L'hétérogénéité des réponses concernant l'acheteur idéal montre qu'il n'existe pas qu'un profil unique. De plus, les profils recherchés ne sont pas non plus les mêmes en fonction de la taille de l'entreprise. Dans les petites structures, le profil idéal recherché est un acheteur qui se sent bien dans l'entreprise, stable émotionnellement mais qui n'aura pas de grandes responsabilités. Ce n'est pas lui qui prendra des initiatives laissées sans doute au chef d'entreprise. En revanche, le caractère proactif et décisionnaire de l'acheteur est de plus en plus important lorsque l'on se dirige vers une grande entreprise. Cette différence montre notamment les différences de maturité de la fonction achats en fonction de la taille de l'entreprise. Les petites structures ne possèdent majoritairement pas de service achats et ceux-ci sont effectués par le dirigeant ou le responsable financier. Faes et Matthyssens montrent ainsi toute la complexité de définition des compétences de l'acheteur, étant donné la multiplicité des critères existants.

5.2.2 L'approche par critères d'achat et relations internes

En 2010, Merminod et Bichon réalisent une nouvelle approche typologique du métier d'acheteur. Selon ces auteurs, les profils d'acheteur dépendent également de la complexité desrelations en interne et en externe. Ils reprennent tout d'abord la matrice de Kraljic classifiant les achats en quatre catégories : les achats simples, les achats lourds, les achats risqués et les achats stratégiques. Ils y apportent une nouvelle dimension en prenant en compte la diversité des relations internes caractérisant le rôle transversal de l'acheteur. Pour caractériser la complexité de la relation en interne, deux variables sont prises en compte : la

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complexité socio-organisationnelle du processus achats, c'est-à-dire le degré d'intervention et le rôle des clients internes dans l'entreprise, et la complexité technique des achats, c'est-à-dire le degré de complexité des produits achetés nécessitant différents degrés d'expertise de la part de l'acheteur. La prise en compte de ces deux variables fait naître une nouvelle matrice (figure 12).

Figure 12 : Matrice des relations internes dans un acte d'achat
(Merminod et Bichon, 2010)

- Les relations pacifiées interviennent lorsque les achats sont techniquement peu complexes et lorsque les enjeux de pouvoir sont quasi-nuls.

- Les relations de « contre-expertise » interviennent lorsqu'acheteur et acteur interne apportent des avis divers sur des produits de forte complexité technique ce qui peut générer une tension

- Les relations statutaires émergent lorsque les jeux de pouvoir et conflits d'intérêt interviennent entre les acteurs sur des produits de faible complexité technique

- L'arène politique concerne une relation conflictuelle qui naît dans la défense d'intérêt de chaque statut sur des produits de forte complexité

Merminod et Bichon confondent ensuite la matrice de Kraljic et la matrice des relations internes afin de créer une nouvelle matrice des profils type d'acheteur en fonction du type d'achat et des relations internes (figure 13).

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Figure 13 : Matrice prospective des profils types d'acheteurs
(Merminod et Bichon, 2010)

Cette matrice présente ainsi seize profils distincts d'acheteur. Dans un premier temps, quatre catégories de profil se distinguent par leur type d'achat dans une relation interne simple :

- l'acquéreur : environnement interne et externe simple, produits de faible importance pour l'entreprise.

- Le négociateur externe : il se distingue de l'acquéreur par un degré d'importance de l'achat supérieur. Son rôle est donc de mettre en concurrence les fournisseurs pour optimiser les coûts

- Le technicien externe : relations internes simples mais complexité technologique de produits spécifiques de faible montant.

- Le stratège : relations en interne simples mais complexité du marché et des produits achetés. Le montant des achats est également conséquent pour l'entreprise

A ces quatre catégories viennent s'ajouter le degré de complexité en interne qui se matérialise par trois niveaux :

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- Le militant statutaire : il cherche à valoriser la fonction achats au sein de l'entreprise et milite pour sa reconnaissance dans l'entreprise

- Le militant expert : il cherche à mettre en avant l'expertise achats sur les produits pour

la contrebalancer avec l'expertise du client interne sur des produits complexes.

- Le militant : il est à la fois militant statutaire et expert

Merminod et Bichon affirment donc qu'il existe différents profils de compétence d'acheteur en fonction de la complexité du marché et des produits auxquels il est rattaché mais aussi en fonction de la complexité de son environnement interne.

L'acheteur qui exerce dans un environnement interne pacifié doit posséder des connaissances purement achats (cases blanches) avec, pour le technicien et le stratège, une expertise pointue du marché et des produits. La seconde catégorie englobe les acheteurs ayant une connaissance métier mais qui doivent également faire preuve de qualités relationnelles en interne (cases gris clair). La communication, le management de projet, le travail en équipe est essentiel en plus des compétences purement achats. Ces compétences sont autrement appelées « soft skills ». Enfin, la dernière catégorie représente les acheteurs de haut niveau (cases gris foncé) qui possèdent à la fois les compétences métiers et la maîtrise des relations internes et externes complexes.

Cette matrice proposée par Merminod et Bichon montre ainsi les limites de l'approche générique du métier d'acheteur. Bien que cette représentation n'ait pas encore fait l'objet d'une étude terrain, elle met en avant les divergences de compétences requises par les acheteurs en fonction du type d'achat et des relations internes ce qui amène au schéma de recherche.

5.2.3 Les compétences de l'acheteur production et hors production

Les différentes études menées sur les compétences de l'acheteur amènent à la problématique de recherche : les compétences de l'acheteur production et de l'acheteur hors production sont-elles similaires ?

Comme décrit précédemment, les achats hors production prennent de plus en plus d'importance dans l'entreprise en raison de l'externalisation croissante d'activités de l'entreprise. Ces achats se différencient des achats production de différentes manières. Selon les diverses études, ils sont équivalents à la catégorie C de la classification ABC c'est-à-dire des achats de faible valeur pour l'entreprise mais dont le nombre de fournisseurs est

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important. On pourrait donc placer les achats hors production dans la catégorie des achats simples ou risqués et les achats production dans la catégorie des achats lourds ou stratégiques. De plus, les acheteurs production sont confrontés à une multitude d'acteurs internes car les demandes d'achat peuvent provenir de différents services ou différents niveaux hiérarchiques. Ces achats se caractérisent donc par des relations internes complexes. Dans la matrice prospective des métiers d'acheteur (figure 13), on pourrait ainsi représenter ces achats dans la catégorie gris clair ou gris foncé.

Conclusion de la partie 5 :

L'étude typologique des profils de compétence de l'acheteur amène ainsi à penser qu'il existe des disparités de profil entre les acheteurs production et hors production. Il semblerait également qu'en raison de la disparité des familles de produits auxquels ils se rattachent et des différents secteurs d'activité, les compétences recherchées chez un acheteur hors production ne sont pas les mêmes.

L'étude empirique va donc permettre d'apporter un éclairage supplémentaire aux études réalisées. Les résultats seront confrontés avec les travaux réalisés sur les profils de compétence génériques et typologiques de l'acheteur, en y incluant la notion d'acheteur production et d'acheteur hors production, ce qui n'a pas vraiment été exploité jusqu'à présent.

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CONCLUSION REVUE DE LITTERATURE

Cette revue de littérature a permis de synthétiser les recherches effectuées sur les compétences de l'acheteur. Dans un premier temps, il était important de comprendre comment la fonction achats a émergé grâce à l'évolution de l'environnement du monde de l'entreprise. Ensuite, la fonction achats a été définie et son positionnement dans l'entreprise a été étudié. Un focus sur le terme de compétences a été établi dans la troisième partie pour mieux comprendre pourquoi l'évolution de la stratégie des entreprises se décline sur une évolution de compétences des acheteurs. La quatrième partie explique ainsi les nouveaux rôles de l'acheteur renforçant sa collaboration à la fois en interne et en externe. Enfin, la cinquième partie synthétise l'ensemble des recherches réalisées sur les compétences de l'acheteur. De nombreuses recherches génériques ont été effectuées, mais celles-ci ont des limites car elles considèrent que tous les acheteurs ont les mêmes compétences. Hors l'évolution du métier amène à différents profils d'acheteur en fonction du secteur d'activité, de ses relations en interne et des familles de produits auxquelles il se rattache, ce qui a conduit à la réalisation de recherches typologiques récentes. L'acheteur hors production, de plus en plus présent au sein des entreprises, en raison de l'externalisation croissante d'activités, se distingue de l'acheteur production. Cependant, les profils typologiques de l'acheteur restent majoritairement théoriques et aucune recherche n'a été menée pour savoir si les compétences de ceux-ci sont les mêmes que les compétences de l'acheteur production. L'étude terrain va ainsi permettre d'aller plus loin dans la réflexion.

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DEUXIEME PARTIE : L'ETUDE EMPIRIQUE

INTRODUCTION :

L'objectif de cette partie est de répondre à la problématique énoncée en réalisant une enquête terrain. Comme il a été vu précédemment, aucune étude n'a été réalisée pour déterminer si l'acheteur production et l'acheteur hors production avaient les mêmes compétences. L'enquête auprès d'acheteurs va permettre d'en savoir davantage sur le sujet. Dans une première partie, le cadre empirique de la recherche va être établi. Dans une seconde partie, les résultats de l'étude seront analysés et synthétisés afin de répondre à la problématique.

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I- LE CADRE EMPIRIQUE DE LA RECHERCHE

L'objectif de ce premier point est de présenter le contexte de la collecte de données, la description du panel d'acheteurs interrogés et la méthodologie utilisée afin de construire un guide d'entretien approprié pour répondre à la problématique.

1.1 Recherche qualitative versus recherche quantitative

Pour réaliser l'enquête terrain, deux options sont possibles : la réalisation d'une étude qualitative ou l'étude quantitative. Chaque méthode possède des objectifs divers et variés. La recherche qualitative est de nature exploratoire, davantage subjective, tandis que la recherche quantitative permet de dégager des modèles statistiques, de façon plus objective. Hlady Raspal (2002) a synthétisé les deux méthodes à l'aide du tableau suivant :

Figure 14 : Méthodologie des recherches qualitative et quantitative (H.Raspal, 2002)

Dans le cadre du sujet, il s'agit de comprendre les métiers d'acheteur production et hors production et d'obtenir un avis, de la part des acheteurs, sur les compétences nécessaires pour exercer leur métier. Il convient d'étudier un phénomène, un métier, en ayant un échantillon divers et varié. Ainsi, la méthode qualitative paraît la plus appropriée pour répondre à la problématique et c'est pourquoi cette méthode sera choisie pour l'étude empirique. La méthode qualitative s'appuie sur un nombre restreint de personnes interrogées. Une interaction entre le chercheur et l'interviewé est nécessaire et les réponses données sont des opinions, des pensées propres à l'individu interrogé.

54

De plus, les entretiens seront semi-directifs afin de cadrer l'approche autour de différents thèmes tout en laissant une liberté de réponse aux interrogés. La méthode semi-directive permet ainsi d'établir une approche du métier d'acheteur, tout en approfondissant certaines questions en fonction des réponses données.

Enfin, certaines questions ont été reposées afin de confronter la réponse de l'interviewé avec les autres personnes interrogées et mettre ainsi en exergue les accords et désaccords.

1.2 Le choix de la cible

Au total, quinze acheteurs ont été interrogés sur le sujet. Il a été considéré qu'il s'agissait d'un nombre juste pour l'enquête qualitative et suffisant afin de tirer des conclusions sur le sujet. Tous les acheteurs sont de nationalité française mais exercent une activité au sein d'une entreprise internationale. En plus de la diversité des secteurs d'activité et de la catégorie achetée au sein de l'entreprise, il est apparu important de diversifier d'autres critères tels que l'âge, l'expérience au sein d'un service achats, le genre, les responsabilités au sein de l'entreprise, afin d'obtenir un mélange homogène de réponses.

1.2.1 Secteurs d'activité

Il a été décidé de diversifier le plus possible les secteurs d'activité représentés. En effet, cela permet d'éviter d'établir des conclusions qui seraient seulement liées à un secteur particulier. C'est pourquoi, différents secteurs d'activité, à la fois dans l'industrie et les services, sont représentés et se décomposent de la manière suivante :

- Industrie automobile

- Industrie pharmaceutique

- Industrie aéronautique

- Industrie mécanique

- Ingénierie

- Industrie chimique

- Industrie électronucléaire

- Construction

- Télécommunication

- Grande Distribution

- Services - Banque - Energie

En dehors d'un acheteur PME, les acheteurs interrogés font tous partie de grands groupes. La fonction achats est encore peu présente au sein de ces entreprises.

1

1

1

1

1

1

1

1

2

1

2

1

1

Telecom

Banque

Automobile Grande distribution Construction Engineering Chimie

Pharmacie Electronucléaire Mécanique Energie Aéronautique

55

Figure 15 : Répartition des acheteurs interrogés par secteur d'activité

1.2.2 Répartition par genre

7

8

Hommes Femmes

Figure 16 : Répartition des acheteurs interrogés par genre

Une répartition équitable a été établie entre répondants hommes et femmes.

1.2.3 Répartition par expérience

Au niveau de la répartition acheteurs senior / junior, il a été considéré qu'un acheteur senior a au moins 5 ans d'expérience dans la fonction achats, l'acheteur junior, moins de 5 ans d'expérience dans ladite fonction.

6

9

Acheteurs Senior
Acheteurs Junior

56

Figure 17 : Répartition des acheteurs interrogés par expérience dans la fonction achats

La répartition acheteur junior / sénior aura un impact sur la réponse des interrogés concernant leur métier au quotidien. L'acheteur junior possède la maîtrise des processus achats et de la relation fournisseurs c'est-à-dire l'analyse des besoins, la gestion des appels d'offres, le suivi des contrats et de la performance fournisseurs. L'acheteur sénior, en plus d'avoir les acquis achats, se distingue par son savoir-faire reconnu au sein de son entreprise. Il aura un positionnement plus stratégique, plus de recul, et interviendra sur les contrats cadres et la gestion des budgets par exemple. Sa maturité et sa crédibilité gagnées l'amènent souvent à occuper une fonction managériale. C'est pourquoi, on peut s'attendre à avoir une différence de réponse entre les acheteurs seniors et juniors en ce qui concernent leurs tâches quotidiennes. Il sera intéressant de voir si les réponses varient en ce qui concerne les compétences nécessaires au métier d'acheteur.

1.2.4 Répartition acheteurs production / hors production

La problématique portant sur les similitudes et différences entre les compétences de l'acheteur production et hors production, l'échantillon interrogé se doit d'être représentatif des deux catégories. Il sera demandé aux acheteurs s'ils se considèrent comme acheteur production ou hors production. Comme il a été vu dans le chapitre 2.3.1 de l'étude théorique, pour certaines catégories d'achats, la limite acheteur production et hors production n'est pas clairement définie, notamment en ce qui concernent les entreprises non industrielles. Il sera intéressant d'analyser les réponses des acheteurs à ce sujet. La répartition des acheteurs production et hors production est ici établie en fonction de ce qu'ont répondu les personnes interrogées.

6

10

57

Acheteurs Production

Acheteurs Hors Production

58

Figure 18 : Répartition des acheteurs production / hors production

L'un des acheteurs interrogés effectue à la fois des achats de production et des achats hors production. Cet acheteur est pris en compte deux fois dans la répartition. Ainsi, un tableau récapitulatif des acheteurs par type d'achats et secteur d'activité peut être dressé.

Acheteur Industrie

Production

Hors Production

Total

Aéronautique

1

 

1

Ingénierie

 

1

1

Mécanique

1*

1*

2*

Electronucléaire

 

1

1

Construction

 

1

1

Grande distribution

2

 

2

Chimique

1

 

1

Bancaire

 

1

1

Services

1

 

1

Pharmaceutique

 

1

1

Télécommunication

2

 

1

Automobile

1

 

1

Energie

1

 

1

TOTAL

10

6

16

* un acheteur à la fois production et hors production

Figure 19 : Répartition des acheteurs production / hors production par secteur

d'activité

59

1.3 La collecte des données

1.3.1 La rédaction du questionnaire

Le but de l'entretien est d'obtenir des acheteurs des informations sur leur métier au quotidien, leurs compétences requises pour exercer celui-ci, et recueillir leur opinion concernant les similitudes et différences de compétences entre acheteur production et hors production. Le guide a été construit « en entonnoir », c'est-à-dire en commençant par des questions généralistes pour entrer peu à peu dans le détail du sujet. Ainsi, le guide d'entretien est construit en quatre parties :

- La première partie est consacrée à la présentation, de manière synthétique, de la personne interrogée et de son profil. La date et durée de l'entretien sont également indiquées pour question d'organisation.

- La seconde partie aborde la formation effectuée par l'acheteur au cours de son cursus universitaire. Possède-t-il une formation achats ? A-t-on affaire à un profil plutôt ingénieur ou à un profil gestionnaire ? L'objectif est de mettre en corrélation la formation de l'acheteur avec son métier actuel.

- La troisième partie est consacrée au métier exercé par l'acheteur au quotidien. Quel est son rôle ? Avec qui travaille-t-il ? Quelles sont les tâches qui lui prennent le plus de temps ? Le but est de comparer les réponses des acheteurs entre eux afin de savoir si leur quotidien se ressemble malgré la diversité de leur famille d'achats et du secteur d'activité. Il sera ainsi possible de mettre les réponses en relation avec les recherches préalablement effectuées et introduites dans la première partie.

- Enfin, il sera demandé aux acheteurs de prendre du recul dans la quatrième partie en proposant à ceux-ci de répondre à la problématique : pensez-vous que les acheteurs production et hors production ont le même profil de compétences ?

Synthèse introductive

Cursus universitaire et expérience

métier quotidien d'acheteur

Les compétences de l'acheteur

60

Figure 20 : Le questionnaire « en entonnoir »

La première partie du questionnaire permet de dresser une synthèse du profil de la personne interviewée et de comprendre le contexte dans lequel elle évolue. Quelle est son expérience (âge, profil, années d'ancienneté dans les achats) ? Dans quel type d'entreprise évolue-t-elle (Entreprise, secteur d'activités) ? Quel est son poste et sur quelle famille d'achats intervient-elle (Intitulé de la fonction) ?

Introduction

- Nom / Prénom :

- Age :

- Profil :

- Entreprise :

- Intitulé de la fonction :

- Secteur d'activité professionnelle :

- Années d'ancienneté dans la fonction d'intérêt :

- Date :

- Durée de l'entretien :

61

Figure 21 : La première partie du questionnaire

La deuxième partie est consacré au cursus universitaire de l'interviewé et à son parcours l'amenant au poste occupé aujourd'hui. Ces questions permettent ainsi de déterminer si l'intéressé a acquis une formation achats au cours de sa scolarité, si celui-ci est arrivé aux achats par choix de départ ou bien par son évolution au sein de l'entreprise. De plus, le second intérêt est de savoir si l'acheteur interrogé possède plutôt un profil technique, ingénieur ou alors davantage gestionnaire. Le but sera ainsi de mettre en corrélation le profil avec la catégorie d'achats effectués.

Parcours - Expérience

- Quel est votre niveau de formation ?

- Possédez-vous un diplôme d'une formation spécialisée en Achats ? - Avez-vous toujours travaillé dans un service Achats ?

- Quel est votre parcours professionnel ?

Figure 22 : La seconde partie du questionnaire

La troisième partie du questionnaire concerne le rôle de l'acheteur au sein de son entreprise. L'objectif est que l'acheteur prenne du recul sur son métier et son positionnement au sein de l'organisation. Le questionnaire entre dans le vif du sujet avec pour première question le type d'achats effectué (production ou hors production). Bien que l'acheteur puisse s'exprimer de manière exhaustive sur ses missions, le but est d'observer ce que l'acheteur répond de manière spontanée. On pourra repérer des différences entre acheteurs juniors et seniors tout comme il sera très intéressant pour l'étude de comparer les métiers d'acheteur production et hors production.

62

Rôle dans l'entreprise

- Effectuez-vous des Achats de production ou des Achats hors production ?

- Comment définiriez-vous votre rôle dans l'entreprise ?

- Quel est votre rôle vis-à-vis de vos collègues ?

- Quels sont les rôles et missions que vous effectuez quotidiennement ?

- Quelles sont les tâches qui vous prennent le plus de temps ?

Figure 23 : La troisième partie du questionnaire

Pour terminer, la dernière partie est consacrée au coeur de la recherche et aborde le thème de compétences de l'acheteur. Tout d'abord, l'acheteur sera interrogé sur la corrélation entre son métier et les compétences nécessaires pour l'exercer. Ensuite, il sera questionné de manière généraliste sur sa vision du métier d'acheteur, en sortant du contexte de son entreprise. L'aspect évolution sera également abordé et il sera intéressant de voir les similitudes et différences en fonction du niveau d'expérience. Une nouvelle fois, les acheteurs répondront de manière spontanée. Concernant les questions sur les compétences, il sera primordial d'observer l'ordre dans lequel ces compétences sont données, ce qui déterminera le degré d'importance accordé à ladite compétence. L'interviewé sera interrogé de manière directe sur sa vision des similitudes et différences entre l'acheteur production et hors production. Il lui sera ainsi demandé de développer sa réponse sur le sujet.

Compétences de l'acheteur

- Quelles sont les compétences qui vous sont utiles pour exercer ces rôles et missions ?

- Quelles compétences souhaitez-vous acquérir pour évoluer dans votre métier ?

- Par quels moyens pensez-vous pouvoir les acquérir ?

- Quelles sont les compétences que possède un bon acheteur selon vous ?

- Quelles sont ses priorités au quotidien ? A quoi doit-il penser ?

- Pensez-vous que les compétences de l'acheteur production et hors production sont

identiques ?

- Si non, quelles sont les différences majeures selon vous ?

Figure 24 : La troisième partie du questionnaire

63

Enfin, il est important de préciser que le questionnaire est un « guide » pour l'entretien. Les questions seront reformulées, précisées en cas d'incompréhension. De plus, des questions additionnelles seront posées en fonction des réponses données par l'acheteur interrogé. Certaines questions seront regroupées lorsque nécessaire pour garder une cohérence avec les précisions apportées par l'acheteur et le schéma semi-directif de l'entretien.

1.3.2 Le mode d'administration du questionnaire

Pour la recherche qualitative et le schéma semi-directif, il est apparu évident que la rencontre ou la conversation téléphonique étaient les modes d'administration les plus appropriés. Par souci de proximité géographique, des acheteurs basés sur Paris ou Nantes ont été ciblés afin de faciliter les rencontres. Pour ce qui est des rencontres, celles-ci se déroulent principalement au sein de l'entreprise de l'interviewé, par mesure de simplicité pour celui-ci.

L'enquête en face à face permet de recueillir une information qualitative et quantitative. De plus, elle donne la possibilité de réorienter la personne interrogée lorsqu'une question n'est pas bien assimilée et éviter ainsi les doutes quant aux réponses.

C'est également le cas pour les enquêtes par téléphone. Cependant, le temps imparti est en général plus court que lors d'un face-à-face.

Lors des interviews se déroulant à posteriori de la première personne rencontrée, les acheteurs sont interrogés sur leur avis vis-à-vis des réponses données par leurs prédécesseurs. Cela permet ainsi de confronter les réponses et d'apporter une dimension plus complète pour l'étude.

11

4

Par téléphone Face-à-face

64

Figure 25 : Répartition des entretiens face-à-face / téléphone

Lors de l'entretien, les réponses sont enregistrées sur dictaphone, après accord de la personne interrogée. Il est également rappelé en début d'entretien la confidentialité des réponses et la non publication des données personnelles et des données de l'entreprise en dehors du cadre universitaire. Les acheteurs interrogés ont également un droit de regard sur ce qui est retranscrit et peuvent ainsi effectuer des modifications si nécessaires.

1.4 La prise de contact avec la cible

Comme décrit précédemment, les acheteurs ont été ciblés géographiquement sur Nantes et Paris par mesure de proximité et d'organisation dans le planning des entretiens. Différents types de réseau ont pu être utilisés pour la prise de contact :

- les proches et réseau des proches

- le réseau professionnel entretenu grâce aux précédents stages

- le réseau de Bordeaux Ecole de Management dont le MAI

En ce qui concerne le réseau de BEM, les acheteurs figurant dans l'annuaire du réseau « BEM talents » et dont les coordonnées mail ou téléphone étaient précisées, ont été contactés. Cela a donné lieu à la réalisation de 6 entretiens.

Les cibles ont été contactées par un mail de présentation expliquant la démarche du mémoire, énonçant la problématique ainsi que des exemples de questions posées lors de l'entretien.

65

Puis, une prise de rendez-vous par mail ou par téléphone a été effectuée. L'ensemble des interviews s'est déroulé durant le mois de décembre 2013.

La durée des entretiens varie de 45 min à 1H30.

Conclusion de la partie 1 :

Dans cette partie, le cadre empirique de la recherche a été établi. Pour répondre à la problématique « les acheteurs production et hors production ont-ils le même profil de compétences ? », l'enquête qualitative avec questions semi-directives en entretien face-à-face ou par téléphone est apparu le plus approprié. Les cibles interrogées sont tous des acheteurs français mais il a été décidé de jouer sur la variété des secteurs d'activité, de l'expérience, de l'âge, de genre afin d'avoir un périmètre élargi et éviter les particularités propres à un domaine d'activité.

De plus, l'entretien a été bâti de manière à comprendre le cursus universitaire, l'expérience et le rôle de l'acheteur dans l'entreprise, avant de l'interroger sur les compétences nécessaires pour être un bon acheteur et d'en arriver aux similitudes et différences entre l'acheteur production et l'acheteur hors production.

Dans la prochaine partie, les données qualitatives de ces entretiens seront analysées.

66

II- L'ANALYSE DES DONNEES

Dans ce chapitre sont analysées les données qualitatives recueillies à la suite des entretiens effectués auprès des acheteurs. Le recueil de ces données permettra d'établir une synthèse des similitudes et éventuelles différences entre le métier d'acheteur production et celui d'acheteur hors production, répondant ainsi à la problématique. L'analyse s'effectue en décortiquant chaque partie de l'entretien ce qui va permettre d'effectuer des comparaisons, en partant du général pour aller au coeur du sujet. On peut ainsi la classifier en trois grandes parties correspondantes à la chronologie de l'entretien :

- Cursus universitaire et formation

- Rôle et missions de l'acheteur production et hors production

- Les compétences de l'acheteur production et hors production

2.1 Préalable à l'analyse

La présentation des données sera faite sous forme narrative afin de retenir les points clés cités par les acheteurs. En amont de l'analyse des données, la première étape consiste à synthétiser les entretiens ayant eu lieu avec les acheteurs. Etant donné les durées conséquentes des entretiens (entre 45 min et 1H30), l'essentiel des échanges a été retranscrit et condensé à l'aide de « fiches de synthèse ». Cette première étape est essentielle afin de comprendre de manière directe la vision du métier par chaque acheteur et les compétences nécessaires pour exercer leur fonction. Les fiches de synthèse de chaque entretien sont disponibles en annexe de ce travail de recherche.

2.2 Analyse des cursus universitaires et formations

La première étape amène à étudier la formation des acheteurs interrogés. L'objectif est de déterminer comment les acheteurs ont été amenés à exercer leur fonction actuelle et le lien avec leur formation initiale. Il s'agit également d'observer s'il existe des disparités de formation entre les acheteurs production et hors production.

Les données essentielles sont récapitulées dans le tableau ci-dessous :

67

 

Nombre

Pourcentage

Formation initiale

Ecole de commerce

15

75%

Ecole d'ingénieur

5

25%

Formation Achats complémentaire

Oui

6

40%

Non

9

60%

Avez-vous toujours travaillé dans un service achats ?

Oui

11

73%

Non

4

27%

Figure 26 : Récapitulatif de la formation des acheteurs

Tout d'abord, hormis un junior, tous les acheteurs interrogés ont une formation minimum Bac+5. 75% d'entre eux proviennent d'une école de commerce, 25% ont un profil ingénieur éventuellement complété d'un Master Achats spécialisé.

40% des acheteurs interviewés ont poursuivi leurs études ou rejoint la formation de Bordeaux Master des Achats Internationaux (MAI) à la suite de leur premier emploi. Ce pourcentage n'est pas forcément représentatif de la réalité, le réseau de BEM ayant favorisé l'accès aux entretiens avec les personnes ayant réalisé le MAI. Cela montre néanmoins la reconnaissance de cette formation permettant d'acquérir des postes à responsabilité au sein des entreprises. Sur les 9 personnes n'ayant pas fait de MAI, 5 d'entre elles ont tout de même suivi des cours spécialisés achats au sein de leur école. Ainsi, près de 75% des personnes interrogées ont eu des cours sur les achats au cours de leur scolarité.

De plus, la majorité des acheteurs ont toujours travaillé dans un service achats, que ce soit des juniors ou des seniors. Cela montre l'intérêt important que ces acteurs consacrent au métier d'acheteur. Les autres acheteurs ont accédé à la fonction par évolution au sein de leur entreprise. Ainsi, ces statistiques montrent l'importance d'avoir une connaissance des achats pour un premier poste au sein de l'entreprise. Les formations achats permettent ainsi d'avoir une connaissance des techniques d'achats, des processus, du positionnement et des stratégies achats au sein de l'entreprise. De nombreuses études de cas font également partie des formations pour mieux appréhender le monde de l'entreprise.

Enfin, l'un des premiers points importants en réponse à la problématique est le fait qu'il n'y a pas de distinction significative entre les parcours des acheteurs production et hors production. Cependant il est très intéressant de noter que tous les acheteurs ayant une formation primaire d'ingénieur font tous des achats production. Ainsi, on peut en déduire que sur certains achats de production, les compétences techniques, les compétences d'expertise sur un domaine donné sont nécessaires pour exercer ce rôle d'acheteur. L'analyse des réponses données sur la

68

partie « compétences » permettra de dire si oui ou non, les compétences techniques sont primordiales sur les achats de production, si les compétences se distinguent alors entre production et hors production.

2.3 Acheteur production et hors production : une frontière difficile à définir

Dans la revue de littérature, les achats hors production ont été définis comme les achats « non directement incorporés dans le service ou produit vendu ». Lors de l'enquête terrain, il a été volontairement choisi de laisser le libre arbitre aux acheteurs afin qu'ils donnent leur propre définition et se catégorisent eux-mêmes en tant qu'acheteur production ou hors production. Lors de nos entretiens, les acheteurs interrogés ont dans l'ensemble exprimé leur difficulté pour classifier de manière nette et précise les achats de production et les achats hors production. La première variable à prendre en considération est l'activité de l'entreprise : est-ce une entreprise industrielle ? Une entreprise de grande distribution ? Une entreprise de services ? Pour ce qui est des entreprises industrielles, il n'y a pas de doute en ce qui concerne les achats de matières premières, de packaging, de tous les composants incorporés dans les produits qui font ainsi partie des achats de production. Les achats hors production sont en général résumés par les frais généraux, les achats informatiques, les achats de papeterie ou d'intérim. Cependant, certaines catégories portent à débat telles que l'achat des machines nécessaires à la production ou encore l'achat d'énergie. On retrouve le débat ouvert par N. Merminod, matérialisée figure 4 dans la revue de littérature. Certaines personnes ont ainsi déclaré que les achats de machines faisaient partie de l'achat hors production. Pour d'autres, il s'agit d'achat de production. En ce qui concerne une entreprise non industrielle (banque, achat pour revente, services), il est tout simplement difficile pour les acheteurs de distinguer ce qui est de l'ordre de l'achat de production et ce qui est de l'ordre de l'achat hors production.

« J'effectue des achats Telecom pour une banque. Je ne suis pas sûre de ma réponse mais je pense que je classifierais mes achats comme des achats hors production. Nous n'utilisons pas ce type d'appellation au sein de l'entreprise » (Acheteur Senior, secteur bancaire)

« Selon moi, mon expérience dans le secteur des Télécommunications me fait dire que les achats de production dans ce domaine sont les achats réseaux, car c'est là que réside la

69

stratégie de l'entreprise. Les achats de mobiles, par exemple, sont pour moi des achats plutôt hors production » (Acheteur senior, secteur électronucléaire).

Hors, l'acheteur de téléphonie mobile interviewé, évoluant au sein d'un opérateur téléphonique, se déclarait comme acheteur production.

Les acteurs interrogés ont mis en lumière la difficulté de définir une frontière nette et précise par l'aspect réducteur de l'appellation. Il faudrait ainsi prendre en compte le secteur d'activité de l'entreprise, ses enjeux stratégiques, le coeur de son business.

« Plutôt que de définir les achats par production et hors production, il faudrait définir les achats par ce qui est « Core Business » ou « Non-Core business ». Il faut se poser la question suivante : où l'entreprise met-elle son argent ? Il s'agit ainsi d'étudier sa structure de coût avant de pouvoir classifier. Pour moi, la classification production et hors production n'est plus vraiment d'actualité. » (Acheteur Senior, secteur aéronautique)

« La vision achats production et achats hors production est un peu réductrice. Il faut prendre en compte l'environnement de l'entreprise et le positionnement de l'acheteur dans son organisation. » (Acheteur Senior, secteur pharmaceutique).

Les acheteurs interrogés ont ainsi mis en évidence ce qui apparaît davantage important à leurs yeux. L'acheteur doit ainsi se positionner par rapport à sa catégorie d'achats, tout en prenant en compte le contexte d'entreprise dans lequel il évolue. Les achats sont-ils stratégiques pour le business de l'entreprise, pour sa chaîne de valeur et son avantage concurrentiel ?

Cette première dimension est ainsi primordiale et influe sur la mise en évidence des compétences nécessaires à l'acheteur. La classification qui a été établie dans l'étude prend en compte la classification que se donne l'acheteur lui-même, avec sa part de subjectivité.

2.4 Les rôles de l'acheteur

Cette partie relate les réponses données par les acheteurs concernant la vision de leur rôle au sein de l'entreprise. On constate que la majorité des mots-clés décrivant la fonction de l'acheteur production et hors production est semblable. Cependant, il existe quelques différences notables.

70

2.4.1 Un rôle commun de transversalité et d'approche collaborative

Tout d'abord, le rôle le plus cité par les acheteurs est la notion d'écoute du besoin du client interne, la notion de fonction support. Le rôle relationnel en interne est ainsi mis en avant par l'ensemble des acheteurs interrogés. Plus qu'un collaborateur, l'acheteur se considère comme le partenaire incontournable de ses clients internes. En plus d'être à l'écoute du besoin, l'acheteur doit y répondre en y apportant les solutions adaptées. Ainsi, proposer des solutions, des alternatives, innover, font partie du quotidien de l'acheteur.

Les acheteurs production ont pour clients internes les équipes en lien avec la direction industrielle.

« La première étape de tout projet est l'analyse des besoins » (Acheteur hors production, secteur pharmaceutique).

« Je dois répondre aux besoins de la direction logistique et de la direction industrielle » (Acheteur production, Services)

« Mon rôle est de répondre aux besoins de l'usine de production située au Maroc et leur proposer des solutions » (Acheteur production, Industrie chimique).

De plus, on retrouve dans les discours la notion de chef d'orchestre des processus internes, traité en partie 4.1.2 de la revue de littérature. La coordination des activités et le rôle transversal de l'acheteur, qui collabore avec de multiples acteurs en internes, sont mentionnés dans le rôle principal de l'acheteur. Ainsi, celui-ci considère son rôle comme stratégique vis-à-vis de l'entreprise, de par son positionnement en interne. Par conséquents, cela vient confirmer l'importance prise par les achats au sein de l'entreprise.

« J'ai un rôle stratégique sur mon périmètre d'activité et un rôle également transverse vis-à-vis des autres services de l'entreprise » (Acheteur production, Telecom)

« Chaque usine développe des produits spécifiques, en fonction de son positionnement géographique. Mon rôle est de coordonner les activités liées aux différents projets » (Acheteur production, industrie automobile)

La notion d'interface avec le fournisseur intervient dans un second temps. Elle est moins citée que la notion de partenaire en interne mais reste néanmoins une part essentielle du rôle de

71

l'acheteur. Plus qu'établir une relation, l'acheteur met en place et gère des partenariats durables avec ses fournisseurs. Ainsi les acheteurs production et hors production sont unanimes sur le rôle transversal et collaboratif de l'acheteur. Cette double-dimension permet ainsi à l'acheteur production et hors production de se placer au coeur de la stratégie de l'entreprise.

« Je suis un partenaire d'affaires auprès des clients internes et des fournisseurs. Mon rôle est d'être tourné sur les fournisseurs et l'innovation tout en étant à l'écoute de mes clients internes. Ainsi, je gère une relation à 360 degrés » (Acheteur production, Télécommunication)

« Tout d'abord, j'ai un rôle de « tampon » entre nos clients internes et les fournisseurs permettant d'instaurer une relation durable avec eux » (Acheteur hors production, construction).

« Ma stratégie est de limiter le changement de fournisseurs et bâtir des relations durables avec ceux-ci, notamment pour des raisons de qualité et de gestion des risques. » (Acheteur production, Chimie)

2.4.2 L'acheteur production et hors production sont créateur de valeur

Bien que satisfaire les besoins du client interne demeure le rôle principal de l'acheteur, celui-ci va de pair avec la création de valeur pour l'entreprise. Les acheteurs insistent sur la nécessité de répondre aux besoins du client interne tout en ayant en tête les objectifs de l'entreprise. L'acheteur doit alors comprendre les enjeux, l'environnement dans lequel il évolue, afin de prendre des décisions qui vont dans le sens de la stratégie de l'entreprise et qui se matérialise dans la stratégie achats. Il doit avoir une vision globale des besoins de ses clients, des enjeux de son entreprise, afin de réaliser le sourcing de façon pertinente. 30% des acheteurs ont ainsi cité la dimension de résultat dans les priorités de l'acheteur.

Cependant, cette notion de résultat commune se matérialise différemment lorsque l'on interroge les acheteurs production et hors production. Par exemple, les acheteurs production vont insister davantage sur la notion d'optimisation des coûts. De ce fait, la priorité est d'acheter mieux en provoquant un résultat financier significatif pour l'entreprise.

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« Ma priorité est de garder en tête quelles sont les priorités, quels sont les objectifs. Ainsi, je veux passer beaucoup plus de temps sur les projets sur lesquels les enjeux financiers sont importants (Acheteur production, Industrie chimique »

« La priorité de l'acheteur est l'optimisation et la réduction des coûts. Il doit donc réaliser un gros travail de sourcing pour trouver les meilleures opportunités du marché » (Acheteur production, industrie automobile)

« La priorité de l'acheteur est de satisfaire le business, en pensant toujours à acheter mieux et de manière intelligente. Il doit toujours avoir en tête le coût global, ce qu'on appelle le TCO (Total Cost of Ownership) » (Acheteur production, Energie)

Cette notion d'optimisation des coûts est également présente au niveau des achats hors production. Elle reste néanmoins secondaire et s'inscrit dans un cadre plus général de protection des intérêts de l'entreprise.

« Un bon acheteur doit satisfaire ses clients internes tout en gagnant de la valeur pour l'entreprise » (Acheteur hors production, Construction)

« Ma priorité est de répondre au besoin du prescripteur et protéger les intérêts de la boîte. Ensuite, ma seconde priorité est de faire des gains quand cela est possible » (Acheteur hors production, Electronucléaire)

« Mon rôle est avant tout de protéger les intérêts de l'entreprise » (Acheteur hors production, Pharmaceutique)

La nuance s'explique par l'importance stratégique des achats réalisés. L'acheteur production achète des composants du produit final vendu par l'entreprise. Il est alors centré sur le coeur de métier de l'entreprise, en travaillant sur des produits qui seront dans les mains des clients de l'entreprise. Les enjeux financiers seront ainsi très importants. L'acheteur hors production réalise quant à lui des achats qui ne font pas partie du coeur de métier de l'entreprise et dont les clients sont les personnes de l'entreprise. Ainsi, l'approche création de valeur sera différente. L'optimisation des coûts se matérialisera davantage par le mutualisation des achats ou le challenge des besoins de l'entreprise.

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2.4.3 Une matérialisation des priorités différente

Pour reprendre ce qui a été dit précédemment, l'acheteur production alimente les besoins correspondant au coeur de métier de l'entreprise tandis que l'acheteur hors production alimente des besoins divers et variés de ses clients internes, qui dans la plupart des cas, resteront au sein de l'entreprise. Ainsi, les enjeux et priorités ne sont pas les mêmes et cela se traduit dans les réponses des acheteurs.

Tout d'abord, les acheteurs production ont pour priorité d'être garant de l'approvisionnement des usines. En effet, le risque premier est que les usines ne soient pas alimentées dans le bon délai, sur le bon produit, ce qui aurait pour conséquence une rupture de stock et une perte de ventes au final. En conséquence, la maîtrise des risques est orientée risque de production. L'acheteur est ainsi amené à travailler sur des dossiers urgents et trouver des solutions aux problèmes liés à la production, et le respect des délais est primordial pour ne pas l'enrayer.

« Ma priorité est d'être réactif et de gérer rapidement les situations de crise » (Acheteur production, Telecom)

« La question que je dois me poser avant tout : « Peut-on tout approvisionner ? ». Mon devoir est ainsi d'assurer l'approvisionnement. Le principal risque est le manque d'approvisionnement. Il convient donc d'établir des relations quotidiennes avec les plateformes, qui gèrent la logistique. » (Acheteur production, grande distribution)

L'acheteur production est garant de la réalisation des projets en termes de qualité, coût et délai. Il travaille de manière proche et durable avec ses fournisseurs afin de trouver des produits et solutions innovantes.

L'acheteur hors production a également des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Cependant, ils se matérialisent de manière différente. Il oeuvre au service d'une multitude de clients en interne, et sa priorité est de protéger les intérêts de l'entreprise. De cette manière, son rôle va davantage se traduire sur les procédures, la maîtrise des risques contractuels ou la simplification et mutualisation des achats de l'entreprise. La dimension de challenge du besoin du client interne va également être plus importante que pour l'acheteur hors production.

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« J'ai un rôle de « challenger » pour les clients internes : il s'agit de toujours essayer de proposer des nouvelles possibilités aux clients internes pour changer leurs habitudes, rentrer dans leur budget et réduire les coûts » (Acheteur hors production, Construction)

« Si mon client interne me dit qu'il a besoin d'une BMW. Je vais essayer de comprendre si cela est nécessaire et dans l'intérêt de l'entreprise. S'il me dit que c'est pour aller faire ses courses en rentrant du travail, alors je vais challenger son besoin et lui proposerais une trottinette » (Acheteur hors production, industrie pharmaceutique)

2.5 Le quotidien de l'acheteur production et hors production

Comme il a été vu précédemment, les rôles et les missions de l'acheteur production et hors production sont globalement les mêmes, mais se matérialisent de manière différente. Les acheteurs ont également été interrogés sur leurs tâches quotidiennes. Acheteurs production et hors production vont ainsi répondre de la même manière aux questions posées. On peut regrouper le quotidien de l'acheteur en trois catégories, de manière chronologique. On retrouve la notion de chaîne de valeur achats qu'avait identifiée Perrotin en 2007 avec l'achat amont, l'acte d'achat et l'achat « aval ». Le tableau ci-dessous récapitule les tâches quotidiennes citées par l'ensemble des acheteurs, en les regroupant dans les trois catégories du processus achats.

75

Le Processus achats

Tâches citées par les acheteurs

L'achat « amont »

- le sourcing

- le développement de nouveaux

produits

- la recherche d'innovation

- la définition des budgets

L'acte d'achat

- La consultation des fournisseurs

- La contractualisation

L'achat « aval »

- L'analyse des données

- Le reporting chiffré

- Le suivi administratif

- Le suivi, la coordination et le contrôle

de l'activité

- Le suivi des dépenses

- Le règlement des litiges

- Vérification de la satisfaction du

client interne

Figure 27 : Récapitulatif des tâches quotidiennes des acheteurs interrogés

Il convient d'ajouter à toutes ces tâches quotidiennes citées, la négociation et la communication en interne. Cette mention apparaît tout au long du processus achats, c'est pourquoi elle n'a pas été classifiée dans le tableau. Enfin, il y a des tâches propres au management, qui dépendent de la position managériale de l'acheteur interrogé. Ainsi, les managers qui ont à la charge une équipe d'acheteurs ont cité leurs fonctions d'encadrement, d'accompagnement, de remontée et descente d'information envers leurs équipes.

Ensuite, les acheteurs ont été interrogés sur les tâches qui leur prenaient le plus de temps. Les réponses sont variées et indépendantes de l'approche production, hors production. La communication et négociation en interne arrivent en tête des tâches qui prennent le plus de temps selon les acheteurs (cité par 40% des professionnels). Vient ensuite la partie « amont » de l'achat (cité par 33% des professionnels), puis la contractualisation et la partie reporting

76

(cités chacune par 20% des acheteurs), sachant que certains acheteurs ont cité plusieurs tâches.

En résumé, on retrouve dans les tâches quotidiennes de l'acheteur ce qui a été matérialisé en tant que processus achats dans la revue de littérature. Il n'y a pas de distinction entre l'acheteur production et l'acheteur hors production. On peut ainsi en conclure que les techniques et les processus d'achats sont les mêmes pour les acheteurs production et hors production.

2.6 Les compétences des acheteurs production et hors production

Lors des entretiens, il a été demandé aux acheteurs de définir les compétences qu'ils considèrent comme essentiels pour exercer leur métier, d'un point de vue subjectif. Puis, une seconde question leur a été posée sur les compétences d'un bon acheteur, d'un point de vue objectif.

Pour répondre à la problématique, il est important de récapituler les compétences citées et comparer les réponses données entre l'acheteur production et hors production.

Les compétences sont regroupées en trois grandes parties : les compétences comportementales, les compétences métacognitives et enfin les compétences techniques. Il est important de préciser qu'étant donné que le nombre d'acheteurs hors production interrogés est inférieur au nombre d'acheteurs production, les mots clés cités auront plus d'impact sur le pourcentage.

2.6.1 Les compétences comportementales

Sont regroupées dans les compétences comportementales toutes les compétences qui font appel à la relation à l'autre. Il a été vu qu'il soit production ou hors production, l'acheteur avait un rôle collaboratif et transversal. Le tableau ci-dessous relate les compétences comportementales citées et le pourcentage des acheteurs ayant cité ladite compétence.

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Principales compétences comportementales

Production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Hors production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Sens relationnel

40%

Force de conviction

80%

Force de conviction

40%

Communication

60%

Curiosité

40%

Curiosité

60%

Sens de l'écoute

30%

Sens de l'écoute

60%

Diplomatie

30%

Ethique

40%

Communication

20%

Sens relationnel

40%

Persévérance

20%

Persévérance

20%

Figure 28 : Compétences comportementales selon les acheteurs

On retrouve globalement des compétences comportementales citées similaires entre l'acheteur production et hors production.

Tout d'abord, les acheteurs ont cité la nécessité d'être convaincant que ce soit en interne avec les collaborateurs et en externe avec les fournisseurs. La « force de conviction » permet ainsi à l'acheteur de gagner en crédibilité en faisant adhérer ses clients internes à sa stratégie, et en défendant les intérêts de l'entreprise vis-à-vis du fournisseur.

« Au niveau stratégique, l'acheteur doit faire adhérer les clients internes à la stratégie achats. Il est primordial que les collaborateurs voient un réel bénéfice pour eux, sinon cela ne fonctionne pas. » (Acheteur production, aéronautique)

Le « sens relationnel » est indispensable pour exercer son rôle de collaboration et de transversalité. La compétence « sens de l'écoute » est essentielle pour mettre en pratique le premier rôle de l'acheteur qui est de répondre au besoin de ses clients internes. Ensuite, l'acheteur doit être curieux et ouvert d'esprit pour comprendre l'environnement dans lequel il évolue, mieux connaître son marché, son entreprise, ses fournisseurs, les besoins de ses clients. « La curiosité » permet ainsi de gagner de l'expertise sur une catégorie d'achats donnée.

78

« Dans notre métier, il faut avant tout être ouvert d'esprit et curieux. Il faut s'intéresser aux produits, aux entreprises, au marché, à l'innovation, à l'actualité économique, à l'aspect environnemental. Je pense aussi qu'il faut s'intéresser aux gens. Par exemple, j'aime bien savoir chez les fournisseurs, le parcours (commercial ou technique) de ceux-ci pour adapter la discussion et comprendre comment ils fonctionnent. » (Acheteur Production, industrie chimique).

« La persévérance » est également une compétence importante de l'acheteur. Elle permet de faire avancer les dossiers, de faire face aux obstacles, et de protéger des intérêts cruciaux pour l'entreprise. L'acheteur doit aussi être « diplomate », notamment lorsqu'il est confronté à des désaccords avec ses clients internes ou ses fournisseurs. Cette qualité est essentielle afin d'entretenir des relations cordiales et s'inscrire en tant que « business partner ».

Ensuite, la notion « d'éthique » est également citée. Elle se matérialise par exemple par l'objectivité vis-à-vis des fournisseurs. L'acheteur doit ainsi traiter tous ses fournisseurs de la même manière, en faisant preuve de transparence pour instaurer un climat de confiance.

Enfin, l'acheteur doit être un bon communicant. Son rôle d'interface et de coordination l'oblige à transmettre des informations en interne et en externe. De plus, ce rôle prend plus d'importance chez l'acheteur hors production. Cela peut s'expliquer par la nature moins mature des achats hors production. Cette fonction est plus récente et les acheteurs doivent ainsi vendre leur valeur ajoutée auprès de leurs clients internes.

« Dans mon entreprise, les achats hors production étant nouveaux, nous devons davantage éduquer les clients internes sur notre rôle, notre valeur ajoutée. Celle-ci est davantage acquise dans les achats production » (Acheteur hors production, Construction)

2.6.2 Les compétences métacognitives

Dans les compétences métacognitives sont regroupées les compétences qui désignent « la capacité d'un acheteur à appréhender les problèmes et leurs solutions dans une dynamique cohérente incluant prise de recul, réflexion et proposition de solutions nouvelles. » Ce sont ainsi les compétences qui font appel à un raisonnement, à une certaine prise de recul. Les compétences métacognitives citées par les acheteurs sont regroupées dans le tableau ci-dessous.

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Principales compétences métacognitives citées

Production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Hors production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Prise de recul

40%

Prise de recul

80%

Leadership

40%

Esprit d'analyse

80%

Esprit d'analyse

40%

Rigueur

60%

Force de proposition

40%

Force de proposition

40%

Rigueur

40%

Esprit de synthèse

40%

Esprit de synthèse

30%

Réactivité

40%

Réactivité

30%

Anticipation

40%

Anticipation

20%

Adaptation

40%

Adaptation

20%

Organisation

20%

Organisation

10%

Productivité

20%

Figure 29 : Compétences métacognitives selon les acheteurs

Tout d'abord, on remarque que 90% des compétences citées l'ont été à la fois par les acheteurs production et par les acheteurs hors production. Seul le leadership n'a pas été cité par les acheteurs hors production.

Dans les premières compétences citées, on retrouve « l'esprit d'analyse » et « la rigueur ». Ces compétences sont essentielles pour mettre en pratique les techniques achats, telles que l'analyse du marché, le dépouillement des appels d'offres et la contractualisation.

Ensuite, on retrouve comme compétence « la prise de recul ». Les acheteurs insistent sur l'importance d'avoir une vision globale, de prendre en compte notamment l'environnement dans lequel l'acheteur évolue et l'orientation stratégique de l'entreprise afin de prendre les bonnes décisions. De cette prise de recul émanent bon sens et esprit logique.

« Il faut avant tout du bon sens pour être acheteur. Lors des négociations, il faut être bien préparé, prendre du recul pour avoir de la présence d'esprit et mener à bien les discussions. » (Acheteur hors production, secteur bancaire)

80

Ensuite, l'acheteur doit être « force de proposition ». Cette notion va de pair avec le leadership. L'acheteur doit ainsi assumer son rôle de chef d'orchestre et trouver des solutions pour répondre aux besoins de ses clients internes. L'acheteur doit être innovant, trouver des idées pour améliorer la rentabilité de l'entreprise, contourner les obstacles ou encore régler les litiges. Sa capacité de « leadership », son charisme, sa confiance en lui, sa conviction personnelle vont lui permettre de se montrer convaincant et de faire adhérer ses idées auprès de ses clients internes.

« Je pense qu'un acheteur doit avoir un certain tempérament. Il ne faut pas être introverti. » (Acheteur production, Energie)

De plus, on retrouve la « capacité à synthétiser », à faire ressortir l'essentiel des nombreuses informations manipulées. La synthèse est le résultat de l'analyse, que ce soit des analyses de chiffres ou bien des analyses d'appels d'offres. Cette qualité est nécessaire pour avoir « une vue d'hélicoptère », prendre les bonnes décisions, faciliter la communication auprès des collaborateurs et des fournisseurs et être efficace.

« Aujourd'hui, une compétence que je considère comme importante et qui manque aux jeunes que j'encadre, c'est l'esprit de synthèse. Cela est important pour être productif » (Acheteur production, services)

« La réactivité » est également une notion importante pour trouver des solutions de manière efficace et dans les meilleurs délais, lorsque l'entreprise est confrontée à un obstacle.

« La priorité de l'acheteur est d'être réactif et de gérer rapidement les situations de crise. » (Acheteur production, Telecom)

« Il faut être réactif pour apporter des solutions dans les meilleurs délais » (Acheteur production et hors production, Mécanique)

La capacité d'avoir une vision du futur, « d'anticiper » et « l'esprit d'adaptation » qui s'explique par la diversité des sujets traités et des interlocuteurs sont également des compétences citées par les acheteurs.

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« Pour moi, un bon acheteur est un acteur capable d'anticiper les besoins de son entreprise en captant l'innovation de son environnement » (Acheteur production, Télécommunication)

Enfin, l'acheteur doit être « organisé », notamment pour gérer l'ensemble de ses sujets, les priorités, et les contraintes liées aux les plannings des projets.

Ainsi, après les compétences comportementales, on retrouve une similitude de compétences métacognitives entre les acheteurs production et hors production. Reste à savoir si les compétences techniques citées sont identiques.

2.6.3 Les compétences techniques

La dernière catégorie de compétences est propre au «savoir » et « savoir-faire » du métier d'acheteur. Il s'agit d'avoir une connaissance des techniques d'achat et une compréhension de l'environnement dans lequel l'acheteur évolue. Que ce soit par l'acheteur production ou l'acheteur hors production, ces compétences ont été très peu citées. Cela peut notamment s'expliquer par le caractère évident de la connaissance des techniques d'achat, qui fait que les acheteurs ont, de manière spontanée, répondu en termes de savoir-être.

Le tableau ci-dessous regroupe les compétences techniques citées par les acheteurs :

Compétences techniques citées

Production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Hors production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Négociation

20%

Négociation

40%

Contractualisation

20%

Technique Achat

20%

Connaissance de
l'organisation

20%

Outils informatiques

20%

Connaissance des
produits

20%

 
 

Outils informatiques

10%

 
 

Maîtrise de l'anglais

10%

 
 

82

Figure 30 : Compétences techniques selon les acheteurs

Les compétences des « techniques achats » ont ainsi peu été citées par les acheteurs car ceux-ci les considèrent comme évidentes au vu de leur quotidien. On retiendra que sont citées « la négociation » et « la contractualisation », la maîtrise de l'anglais pour l'environnement international et « l'informatique ». Pour ce qui est de la négociation, pour la majorité des acheteurs, celle-ci s'acquiert sur le terrain et grâce aux compétences comportementales et métacognitives. L'aspect négociation dépend davantage du secteur d'activité de l'entreprise et du positionnement de l'acheteur. Ainsi, un acheteur en grande distribution aura une forte dominante de négociation tandis que pour un autre acheteur, elle sera presque inexistante. « La connaissance de l'organisation et des produits » est également importante mais elle s'acquiert surtout par l'expérience et grâce à la curiosité, à l'ouverture d'esprit des acheteurs.

« Aujourd'hui, dans ma fonction, l'aspect négociation est presque inexistant » (Acheteur hors production, électronucléaire)

« La première chose importante est d'avoir une bonne connaissance de l'organisation. Il s'agit d'une organisation matricielle et il est important de bien connaître le fonctionnement de l'entreprise et d'être au courant des évolutions » (Acheteur production, automobile)

« Dans mon métier, il faut avoir en premier lieu une bonne connaissance du produit » (Acheteur production, grande distribution)

2.7 Les similitudes et différences entre l'acheteur production et l'acheteur hors production selon les acheteurs

2.7.1 Approche générale

Il a été vu que les compétences citées par les acheteurs production et hors production étaient similaires dans les trois catégories citées.

Il a été décidé ensuite d'aller plus loin dans la réflexion en sollicitant l'avis des acheteurs sur les similitudes et différences entre l'acheteur production et hors production, sans qu'ils aient connaissance des réponses données par les autres professionnels. La question suivante a été

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posée : « Pensez-vous que les compétences des acheteurs production et hors production sont

similaires ? »

La réponse à la question est

- Plutôt oui : 73%

- Plutôt non : 27%

Peu de réponses sont tranchées. Beaucoup de répondants ont répondu par des « oui mais » ou encore « oui et non ». Les acheteurs ayant répondu « non » ont mis en avant les mêmes nuances que les acheteurs ayant répondu « oui ». En fait, pour la majorité des acheteurs, les compétences sont les mêmes mais la mise en pratique, les métiers sont différents. Les acheteurs mettent en avant la différence d'approche, d'enjeux et d'objectifs.

Ci-dessous quelques citations d'acheteurs :

« Je pense que les compétences sont différentes car les métiers sont différents. » (Acheteur production, Automobile)

« Je pense que certaines compétences sont communes. Par exemple, l'analyse du besoin et la négociation. Ensuite, il y a des compétences qui sont plus ou moins à mettre en avant selon le métier. » (Acheteur production, aéronautique)

« Je dirais que les compétences sont identiques mais les connaissances sont différentes. » (Acheteur production, Energie)

« Je pense qu'il y a un socle commun de compétences mais celles-ci ne sont pas mises en oeuvre de la même façon. » (Acheteur hors production, Electronucléaire)

« Je dirais qu'il y a un socle commun de compétences mais des spécificités propres aux deux métiers. » (Acheteur production, Télécommunication)

Il a été vu précédemment que le rôle de transversalité et de collaboration, le quotidien de l'acheteur production et hors production, ainsi que les compétences citées, étaient similaires. Cependant, il semblerait que les degrés d'utilisation de ces compétences varient. Au-delà de la différence de catégorie d'achats, il faudrait prendre en compte les enjeux de l'entreprise, la position de l'acheteur au sein de son entreprise et l'environnement dans lequel il évolue. Ainsi, les compétences sont plus ou moins importantes en fonction des situations données.

84

Comme il a été étudié dans le paragraphe 2.4.3, le rôle de l'acheteur va se matérialiser différemment, ce qui explique ces variations.

2.7.2 Les spécificités de l'acheteur production

Tout d'abord, l'acheteur production se situe sur une catégorie d'achats stratégiques pour l'entreprise : celle qui est en lien avec les produits finis, qui vont être dans les mains du client final. Ainsi les besoins des clients internes sont dépendants des besoins des clients finaux. L'acheteur production est ainsi confronté à des enjeux liés à la production, tels que la décomposition des coûts ou le respect des délais. Il est garant de l'approvisionnement en termes de qualité, délais et coûts et son métier est lié au rythme de la production.

« Pour la production, il y a une contrainte en termes de planification, des délais à respecter, la pression est différente et la connaissance du produit doit être plus précise. » (Acheteur hors production, électronucléaire)

« La principale différence est le rythme. L'acheteur production est connecté malgré tout au rythme de la production et ses aléas. Il faut des individus très réactifs, qui peuvent très vite apporter une solution. » (Acheteur hors production, ingénierie)

« Je pense que pour l'acheteur production, il y a davantage la notion de rupture technologique, plus de notion de risques, d'urgence. » (Acheteur production et hors production, mécanique)

Ainsi, les compétences telles que la réactivité, la capacité à prendre des décisions dans l'urgence ou la résistance au stress sont des dominantes plus importantes pour l'acheteur production. Les prix sont décomposables et l'acheteur intervient sur une notion de qualité et coût global.

Ensuite, la relation au fournisseur est différente. Les acheteurs production ont en général un nombre de fournisseurs limité, avec qui la notion de partenariat est très forte. Fournisseurs et acheteurs vont chercher ensemble à innover pour garantir l'avantage compétitif de l'entreprise. De plus, dans la plupart des cas, l'acheteur production va raisonner de manière globale, avec une forte dimension internationale. Il n'est pas limité géographiquement.

85

« Pour moi l'acheteur production évolue davantage dans un environnement multiculturel, gérant plusieurs sites dans une organisation matricielle.

Sur les achats hors production, il y a davantage une approche terrain, avec des marchés différents en fonction des régions et des pays. » (Acheteur production, Automobile)

Une question a été posée pour savoir si l'acheteur production devait avoir la connaissance technique de type ingénieur. Comme il en a été parlé dans les formations, certains acheteurs production ont une formation d'ingénieur et ont été recrutés notamment en raison de leurs compétences techniques. La réponse des acheteurs est que la connaissance technique dépend des missions attribuées à l'acheteur et du degré technique des achats réalisés. Ainsi, dans certaines entreprises, l'acheteur aura à sa charge la rédaction du cahier des charges tandis que dans d'autres entreprises, l'acheteur aura le support d'un client interne, qui a la connaissance technique et rédige lui-même le cahier des charges. Lorsque la dimension technique est très forte, le côté spécialiste ingénieur sera privilégié car l'acheteur devra être crédible vis-à-vis de ses clients internes, et sera capable également de mettre à profit sa spécialité pour obtenir des meilleurs résultats lors des négociations. Tout ne se résume donc pas à la simple question : l'acheteur production doit-il avoir des connaissances techniques ? Tout dépend du degré de complexité des produits et de la position de l'acheteur vis-à-vis de ses clients internes. Par exemple, les acheteurs fruits et légumes d'une enseigne de grande distribution sont tous recruté pour leurs connaissances sur les produits. Il y a un besoin d'avoir des spécialistes c'est pourquoi ceux-ci proviennent d'écoles d'ingénieur agronome. En revanche, sur des produits dont l'aspect technique est plutôt simple, la curiosité et l'expérience permettent d'avoir une expertise suffisante des produits.

« Le technique s'apprend sur le terrain, en ayant cette approche de savoir, en faisant preuve de curiosité pour comprendre son environnement. » (Acheteur production, chimie)

« Il y a des limites dans certains types d'achats. Par exemple, si les achats sont très techniques, la connaissance peut être difficile à acquérir et par conséquent, je pense que je serai moins compétente que quelqu'un qui est spécialiste sur le sujet. Je serai davantage compétente sur des produits ou services pas trop complexe dans la technique. » (Acheteur production, énergie)

« Si le type d'achats est très technique et que l'acheteur connaît moins le produit que son client interne, il va perdre en crédibilité. Un spécialiste peut ainsi s'avérer important. Cependant, ce n'est pas forcément vrai sur tous les achats. Tout dépend donc du métier et de

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la manière de matérialiser ses compétences. » (Acheteur hors production, industrie pharmaceutique)

2.7.3 Les spécificités de l'acheteur hors production

L'acheteur production a des spécificités propres à son métier, à son positionnement dans la chaîne de production. L'acheteur hors production a également ses spécificités.

Tout d'abord, dans la revue de littérature, il a été abordé le fait que le métier d'acheteur hors production était récent. La fonction achats est en effet devenue d'abord stratégique sur le coeur de métier de l'entreprise. C'est seulement de manière récente que les achats hors production se développent, l'entreprise sous-traitant de plus en plus d'activités. Les réponses des acheteurs confirment cette nouveauté. Ainsi, les acheteurs hors production ont un travail de communication plus important auprès de leurs clients internes, ils doivent davantage gagner en légitimité pour expliquer leur valeur ajoutée et acquérir la confiance des clients internes.

« Le métier d'acheteur hors production se valorise de plus en plus. Il se professionnalise enfin. » (Acheteur production, aéronautique)

« Dans mon entreprise, les achats hors production étant nouveaux, les acheteurs doivent plus « éduquer les clients internes » sur le rôle des acheteurs. C'est acquis dans les achats production. Il y a donc plus d'esprit d'influence dans les achats hors production. » (Acheteur hors production, construction)

De plus, contrairement aux acheteurs productions, le client interne est généralement le client final. Ainsi, leurs besoins sont indépendants des produits ou services que vend l'entreprise. La notion de « challenge » du besoin va ainsi être plus importante. C'est pourquoi, des compétences telles que la communication, la capacité à convaincre et la persévérance peuvent avoir un degré d'importance plus élevé chez les acheteurs hors production.

De plus, l'acheteur hors production achète une catégorie de produits pour diverses entités de l'entreprise. Ses clients internes peuvent être aussi bien le marketing que le département financier alors que l'acheteur production a pour principal client interne la production. Le degré d'adaptation est ainsi différent et va concerner la pluralité des clients internes.

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Ensuite, dans les achats hors production, les prix sont difficilement décomposables. L'acheteur achète « un tout », par exemple un ordinateur, des téléphones mobiles, des voitures, des prestations d'intérim. L'optimisation des coûts se fera davantage par la mutualisation des achats ou le challenge du client interne car les produits sont standards. Il est difficile d'avoir une prestation spécifique, « sur-mesure ».

De plus, la relation avec le marché et les fournisseurs est différente. Alors que l'acheteur production va discuter davantage de problématique produit vis-à-vis du fournisseur, l'acheteur hors production n'a pas cette dominante sur des produits standards et travaille donc davantage sur d'autres problématiques telles que les contrats ou les procédures. Souvent, ce sont les clients internes qui vont passer les commandes, faire un suivi de l'activité lorsque les contrats sont signés. Les cycles d'achat sont également plus courts et il est possible de changer de fournisseur plus facilement que dans les achats hors production, surtout que les marchés sont davantage concurrentiels. Ainsi la remise en question des achats est quotidienne. Contrairement aux achats de production, le marché est souvent local. Ce n'est pas le cas pour tous les produits (par exemple les achats informatiques) mais cela va être le cas pour l'achat de forfaits mobiles, l'intérim, les assurances qui sont propres à chaque pays. Les possibilités de l'acheteur sont ainsi davantage limitées que pour l'acheteur hors production.

Ensuite, l'activité est davantage aléatoire que pour les achats de production où la visibilité est plus forte et où il est davantage possible de budgétiser à l'avance ce qui va être produit durant l'année.

« Je pense que pour l'acheteur production, l'activité est plus cadrée, on sait où on va, il y a un process plus global, il faut être plus rigoureux, plus impliqué dans la qualité, la logistique. En ce qui concerne les achats hors production, ceux-ci sont plus aléatoires, il y a davantage d'indépendance puisqu'il n'y a pas d'impact direct sur la production. » (Acheteur hors production, électronucléaire)

Enfin, la connaissance des produits est moins essentielle que pour les acheteurs production. Il faut plutôt avoir une bonne connaissance du marché.

« Aujourd'hui dans mes équipes, j'ai un acheteur informatique passionné et qui s'est spécialisé dans ce domaine. Hors les achats informatiques ne sont pas stratégiques pour l'entreprise. C'est pourquoi, cette passion m'amène à l'inciter à rejoindre une entreprise où

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cette dimension est stratégique, pour son enrichissement personnel » (Acheteur hors production, industrie pharmaceutique)

2.8 L'évolution des compétences

Enfin, les acheteurs ont été questionnés sur les compétences qu'ils souhaitaient acquérir pour évoluer dans leur métier. Les réponses données sont variables en fonction des individus Certains acheteurs souhaitent acquérir davantage de compétences comportementales telles que savoir quelles postures physiques adopter ou encore apprendre à être ferme ou à être diplomate. D'autres, vont citer les compétences métacognitives telles que le leadership, les compétences managériales, la gestion de l'urgence ou encore la vision stratégique. Enfin, d'autres vont énumérer des compétences techniques telles que les compétences commerciales, la connaissance des autres métiers, la connaissance plus approfondie de la qualité ou de la logistique, des compétences juridiques et techniques ou bien encore des connaissances sur l'environnement multiculturel.

Pour l'ensemble des acheteurs, l'évolution de leurs compétences se fera principalement par l'expérience, les mises en situation et l'implication de l'acheteur. Cependant, les formations complémentaires sur divers sujets sont également importantes.

Conclusion de la partie 2 :

L'étude terrain réalisée auprès des acheteurs a permis de confronter les résultats avec les précédentes études menées tout en allant plus loin en répondant à la problématique : « les profils de compétences de l'acheteur production et de l'acheteur hors production sont-ils similaires ? »

Il a été vu que l'acheteur production et hors production ont un quotidien similaire, nécessitant la connaissance des techniques et des processus achats décrits dans la première partie. Ensuite, leurs rôles et missions de transversalité, de collaboration et leur valeur ajoutée sont également vraies pour les deux métiers et sont semblables à ce qui a été synthétisé dans la revue de littérature. Ainsi, les compétences sont communes aux deux métiers, mais celles-ci vont se matérialiser de manière différente car l'environnement dans lequel l'acheteur se situe, est différent.

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III- SYNTHESE ET PERSPECTIVES

L'objectif de cette partie est de synthétiser la revue de littérature et le travail de recherche afin d'établir une synthèse des compétences de l'acheteur production et hors production.

De plus, il sera porté un regard critique sur l'enquête réalisée et proposé des pistes de nouvelles perspectives de recherche.

3.1 Synthèse du rôle de l'acheteur

Figure 31 : Positionnement de l'acheteur dans l'entreprise

Les services avec lesquels l'acheteur va travailler dépendent de sa catégorie d'achats et du secteur d'activité de l'entreprise. Cependant l'acheteur production travaillera davantage avec des clients internes liés à la production, à la R&D. L'acheteur hors production aura une diversité de clients internes, qui dépendra des demandes.

90

Figure 32 : Des rôles communs à l'acheteur production et hors production

L'acheteur production et hors production ont des rôles communs de collaboration, transversalité et création de valeur.

91

3.2 Synthèse du quotidien de l'acheteur production et hors production

Figure 33 : Des tâches quotidiennes de l'acheteur production et hors production

Comme il a été vu précédemment, les tâches quotidiennes de l'acheteur production et hors production sont les mêmes car elles suivent le même processus achats. Ainsi, les techniques achats sont similaires.

3.3 Synthèse des compétences de l'acheteur production et hors production

Les compétences de l'acheteur production et hors production sont similaires et se déclinent en trois catégories : les compétences comportementales, les compétences métacognitives et les compétences techniques.

92

Figure 34 : Les compétences de l'acheteur production et hors production

Cependant, ces compétences vont être plus ou moins mises à contribution, en fonction de l'environnement dans lequel les acheteurs se situent.

Figure 35 : L'environnement marché

Figure 36 : L'environnement produit

93

3.4 Synthèse de l'environnement de l'acheteur production et hors production

Figure 37 : L'environnement Entreprise

Figure 38 : L'environnement lié au client interne

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Ces tableaux résument les différences dans l'environnement de l'acheteur production et hors production. Ainsi, on peut dire que les métiers d'acheteur sont identiques, leurs compétences également, mais leur mise en pratique s'inscrit dans des contextes, enjeux et problématiques différentes. Les acheteurs vont ensuite utiliser certaines compétences de manière plus ou

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moins importante, en fonction de l'environnement dans lequel ils évoluent, et en prenant connaissance des enjeux et problématiques liées à l'entreprise.

3.5 Intérêt de la recherche

La recherche effectuée a tout d'abord permis de venir confirmer et appuyer ce qui été décrit dans la revue de littérature. Ainsi, il a été retrouvé les mêmes conclusions concernant la position de l'acheteur au sein d'une entreprise, les rôles et missions exercée et enfin les tâches qui lui incombent.

Ensuite, la recherche a été menée plus loin pour savoir si les compétences de l'acheteur production et de l'acheteur hors production étaient identiques. Ainsi, en prenant en compte des secteurs d'activités différents, il a été retrouvé les mêmes compétences citées par les acheteurs, mais qui sont mises à contribution de manière différente.

La recherche peut ainsi être utilisée dans un cadre ressources humaines. Quels sont les profils qui vont intéresser les recruteurs pour telle ou telle fonction ? Ainsi, l'entreprise doit rechercher les compétences citées, tout en prenant en compte le contexte dans lequel l'acheteur évoluera au sein de l'entreprise.

3.6 Les limites de la recherche

La recherche effectuée auprès des acheteurs a cependant certaines limites. Tout d'abord, la différenciation entre acheteur production et acheteur hors production n'est pas toujours très claire et raisonner de cette manière a ses limites notamment lorsque l'on s'intéresse à une entreprise non industrielle. Ainsi, il a été décidé d'utiliser les réponses de l'acheteur pour la classification acheteur production / hors production.

De plus, l'enquête participative se réalise en prenant en compte les réponses spontanées des interlocuteurs. De ce fait, les réponses sont subjectives et les interviewés n'ont pas forcément toujours eu le recul nécessaire pour répondre aux questions. C'est par exemple le cas des compétences techniques achats qui ont été peu citées car évidentes pour les acheteurs.

Enfin, il a été choisi d'interroger des acheteurs de tout horizon, avec une grande diversité de secteur d'activité, le but étant d'avoir une réponse la plus généraliste possible et ne pas être piégé par des particularités liées à un secteur d'activité. Cependant, il n'a pas été évident d'identifier ces particularités lors des entretiens. Ainsi, la recherche a pour but de donner une

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vision globale des compétences de l'acheteur production et hors production. Elle n'a pas vocation à donner une vérité absolue.

3.7 Perspectives de recherche

L'enquête qualitative réalisée auprès des acheteurs a permis de dégager une synthèse des similitudes et différences entre l'acheteur production et hors production. Une prochaine étape pourrait être une recherche quantitative afin d'obtenir des tendances plus approfondies sur la question et auprès d'un nombre plus important d'acheteurs. On pourrait imaginer des questions concernant les rôles de l'acheteur et ses compétences en demandant aux acheteurs, à l'aide d'échelles de Likert, de dire s'ils trouvent telle compétence « très importante », « peu importante ». Cela permettra ainsi d'avoir une approche davantage statistique.

Une autre approche possible serait d'établir une comparaison en fonction des secteurs d'activité. Cette approche permettrait ainsi de creuser l'aspect « environnement » dans lequel l'acheteur évolue et de voir si certains rôles, certaines compétences sont davantage présentes dans tel ou tel secteur d'activité.

Enfin, une dernière approche possible est de comparer les réponses données en interrogeant des experts du recrutement, des responsables de ressources humaines afin de voir si la vision que les acheteurs ont d'eux-mêmes, est partagée.

Conclusion de la partie 3

A l'aide de l'analyse des données réalisées, il a été cherché à établir un modèle synthétique du métier d'acheteur, en présentant les similitudes et différences liées à l'acheteur production et hors production. Ce modèle permet ainsi d'avoir une vision d'ensemble de ce qu'est un acheteur aujourd'hui.

Cependant, la recherche effectuée possède quelques limites et des recherches complémentaires peuvent être effectuées pour venir confirmer, compléter ou nuancer les modèles qui ont été établis.

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CONCLUSION GENERALE DU MEMOIRE

Dans la revue de littérature, il a été vu comment la fonction achats a émergé au sein des grandes entreprises. Le passage à une économie de marché et le recentrage des entreprises sur leur coeur de métier a permis à la fonction achats d'évoluer peu à peu vers une fonction stratégique de l'entreprise. Portant essentiellement sur la production dans un premier temps, la fonction se professionnalise de plus en plus sur des catégories hors production. La crise financière a accentué l'importance pour les entreprises de réaliser une optimisation de ses coûts, et a accentué l'importance de la fonction dans achats dans l'entreprise.

L'acheteur se positionne ainsi en interface entre les fournisseurs et les autres fonctions de l'entreprise. Il répond aux besoins de l'entreprise, protège ses intérêts et va trouver sur le marché les fournisseurs les plus adéquats avec qui il va pouvoir mettre en place des partenariats stratégiques. Son rôle de collaboration, de transversalité, de valeur ajoutée est propre à tout acheteur, à tout secteur d'activité, à toute entreprise.

L'acheteur intervient alors, en suivant un processus achats qui démarre de l'expression du besoin, et se prolonge au suivi du management fournisseur et à la satisfaction de ses clients internes. Il va mettre en pratique les techniques achats et les bonnes pratiques qu'il aura acquises au cours de sa formation et/ou lors de son expérience terrain. Il va notamment devoir posséder un socle de compétences comportementales, métacognitives et techniques qui vont lui permettre d'assumer son rôle et satisfaire les besoins de l'entreprise. Il doit être sans cesse dans la curiosité, l'ouverture aux autres et faire preuve de raisonnement pour prendre les décisions adéquates.

Les acheteurs production et hors production s'inscrivent tous les deux dans cette logique et possèdent un socle de compétences communes, comme il en a été déduit de l'enquête terrain. Cependant, ils évoluent dans des contextes différents, avec des environnements marché/produits différents et dans une relation avec le client interne qui sera variable. En conséquence, l'acheteur doit placer son métier au sein de son environnement pour répondre à des enjeux, à des problématiques qui seront propres à son entreprise et à son secteur d'activité.

L'acheteur doit prendre en compte le degré de maturité de sa fonction au sein de l'entreprise dans laquelle il évolue, ou encore le degré de maturité sur sa famille de produits. La fonction achats a ainsi un bel avenir devant elle.

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BIBLIOGRAPHIE

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