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Considerations historico-juridiques sur le regime politique haitien

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par Jhensly Endy Frederic
Faculte de Droit et des Sciences Economiques, UEH - Droit 2014
  

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Section II.- Motifs pour une qualification du régime

Dans la section précédente, il a été question des attributions de la Présidence de la République, du Gouvernement haïtien, du pouvoir Législatif. Mais les questions qui nous sont fondamentales ont été réservées pour cette seconde section. Ici, nous allons nous s'attarder sur la relation plus ou moins directe existante entre ces deux pouvoirs de l'État. En ce qui a trait aux régimes politiques, parlementaire ou présidentiel, la relation s'est tissée fondamentalement entre le Parlement et l'Exécutif. Autrement dit, la nature du régime politique est déterminée par rapport à la relation existante entre l'Exécutif et le Législatif.

Cela constitue un motif suffisant pour ne pas intégrer dans notre étude la relation du pouvoir judiciaire avec les autres pouvoirs. La relation entre le pouvoir judiciaire et les autres pouvoirs a toute son importance dans un État de droit, mais elle n'est pas forcement déterminante pour trouver la nature d'un régime politique. Et de surcroit, la Constitution de 1987, dans ses prescrits, n'établit pas un agencement du pouvoir judiciaire de telles sortes que les interprétations puissent influencer la nature du régime politique.

85LE MONITEUR, Journal Officiel de la République d'Haïti, Décret du 17 mai 2005, portant révision du statut général de la fonction publique, P-au-P, Vendredi 22 Juillet 2005, 160ème année, spécial no 7.

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D'entrée de jeu, nous écartons toutes les idées que le régime politique haïtien est un parlementarisme exacerbé ou absolu, il n'est non plus un régime présidentiel. La charte fondamentale a agencé d'une manière spécifique les relations entre le Parlement et l'Exécutif. Apparemment, nous dirions qu'elle a combiné des éléments caractéristiques du régime parlementaire d'avec certains d'autres du régime présidentiel. D'où la naissance d'un maquis inextricablement difficile à démêler. En effet, une analyse minutieuse s'impose pour pouvoir qualifier le régime politique d'Haïti.

Pour trouver la vraie nature du régime politique haïtien, dans un premier temps, nous allons non seulement tenir compte des attributions du Président, du Gouvernement, du Parlement et la relation existante entre ces trois organes fondamentaux, mais aussi nous allons nous asseoir fondamentalement sur les modalités d'accession au pouvoir du Président et des parlementaires (A). Et dans un second temps, nous allons nous appesantir sur le mode de contrôle existant entre ces deux pouvoirs clés du régime. Pour le faire, nous allons considérer à la fois la Constitution de 1987 et le texte de loi portant son amendement (B).

A.- Modalités d'accession au pouvoir

Les modalités d'accession des acteurs politiques au pouvoir ont tout leur poids dans la nature du régime politique d'un pays. Dans les régimes parlementaires, parmi les organes principaux (le Parlement, la Présidence, le Gouvernement ou le Cabinet), le Gouvernement est responsable devant le chef de l'État. Le chef de l'État, en Grande Bretagne, a pour vocation d'incarner la continuité de l'État, mais en principe ne participe pas ou participe très peu à l'exercice du pouvoir, exception faite du choix du Chef de Gouvernement et encore doit-il le choisir dans la majorité parlementaire.

Tout comme le régime parlementaire, le régime présidentiel est doté de caractéristiques propres. Il s'agit aux Etats-Unis du Congrès et de la présidence. Le bicaméralisme du Congrès s'explique par la volonté d'éviter la domination et la concentration du pouvoir. Mais, les organes ne peuvent s'isoler l'un l'autre. Ce n'est pas viable. Ils fonctionnent dans le cadre d'un État, ils poursuivent donc un but commun. Tous leurs objectifs doivent se converger vers le progrès de la société et le bien-être collectif.

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Cependant, plusieurs pays ont adopté cette forme d'agencement des pouvoirs de l'État. Mais, leurs modes de fonctionnement ne sont pas du tout identiques dans le sens que l'adaptation pure et simple est d'une difficulté accrue. Chaque Etat, pris dans son séparément, a une histoire politique et économique, etc... Chacune de ces histoires n'est pas sans conséquences sur la distribution et la répartition du pouvoir. Ces paramètres sont très déterminants dans le cadre de l'établissement d'un régime politique qui doit refléter dans la mesure du possible les us et coutumes d'un peuple. Certains de ces Etats ont attribué la prééminence des prérogatives au Président, ce qui donne le présidentialisme et d'autres tentent à réduire les privilèges du Président ou combinent les éléments du type parlementaire et du présidentiel.

A l'époque moderne, les variantes du régime parlementaire sont nombreuses. Nous en avons pu découvrir le régime parlementaire bi-représentatif dans lequel le Président de la République comme les parlementaires sont élus au suffrage universel direct. Le Président de la République est légitime, du fait de l'instauration du suffrage universel direct, il procède d'une souveraineté nationale, mais ne saurait être considéré comme l'unique représentant du Peuple, au risque de dénier tout caractère démocratique. Dans ce régime, ils sont les deux à être élu par le peuple, détenteur de la souveraineté nationale.

Dans la lettre de la Constitution haïtienne 1987, il a été prévu les modalités d'élection du corps législatif, chargé d'élaborer les lois (a) et celles du Président de la République (b).

a) Election du corps législatif haïtien

Le Député est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés dans les Assemblées primaires, selon les conditions et le mode prescrit par la loi électorale. Art 90.1

Le sénateur de la République élu au suffrage universel à la majorité absolue dans les Assemblées primaires tenues dans les Départements Géographiques, selon les conditions prescrites par la loi électorale. Art 94.2

Et les Députés et les Sénateurs, ils sont élus à la majorité absolue des suffrages exprimés. Nous dirions qu'ils jouissent, par cette lecture, de la même légitimité parlementaire. Mais les autres articles attribuent plus de compétences au Sénat de la République. Il doit donner son approbation à la majorité des actes que le Président entend poser (arts 137 et s). Et aussi, a-t-il des attributions

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qui lui sont très propres, comme s'ériger en haute cour de justice pour connaitre les crimes de haute trahison commis par le Président de la République, les malversations commises par les membres du Gouvernement dont le Premier Ministre, pour les fautes graves commises par les membres du Conseil Électoral Permanent et de la CSC/CA (arts 97, 185 et s.). Mais, quand les deux chambres exercent en commun les pouvoirs qui leur sont dévolus, le parlement est, en réalité, le lieu, par excellence, de la politique.

« Il serait inconcevable que tout le monde qui appelle à l'instauration de la démocratie ne comprenne pas que la charte de 1987 ait fait du parlement la source véritable de la gouvernance politique et le lieu géométrique de construction de l'État de droit démocratique86».

Dans cette perspective, Claude Moise veut montrer que les parlementaires sont réellement les représentants du peuple et sont les principaux porteurs de ses revendications. Nous dirions que les parlementaires incarnent la représentation politique. Elle implique que les gouvernants sont choisis d'une manière libre et démocratique par la voie d'élection. Cette dernière se veut être un moyen pouvant assurer l'alternance politique qui empêche, à son tour, toute confiscation possible du pouvoir. Avant les révolutions, le mode de désignation des successeurs au pouvoir était héréditaire et a été incarné dans la personne du roi qui choisissait personnellement son remplaçant. Cette garantie est préservée dans la constitution, base sur laquelle est assis le gouvernement démocratique.

L'élection dans un régime démocratique est le garant de la dépersonnalisation du pouvoir. Elle assure en effet, les principes relatifs à la souveraineté, à la représentation ou la séparation des pouvoirs87. Elle organise le mode de transmission, la dévolution et l'exercice du pouvoir de telle sorte qu'il ne puisse être exercé dans l'intérêt personnel des représentants, mais dans l'intérêt général. Elle constitue le fondement de la légitimité des représentants.

En effet, un Député ne peut être élu dans une circonscription électorale du sud-est, soit Jacmel sur la base de 49.07% du nombre des voix exprimés88. Nous ne sommes plus au temps de Boyer

86 Moïse Claude, Un pas avant, deux pas de côté. Chronique des années 2004-2008, Éd. UEH, Port-au-Prince, 2011, p 218.

87 HAMON Francis et TROPER Michel, Droit constitutionnel, 28è éd. LGDJ, Paris 2003, p43.

88Rapport de la mission d'information et de contact de la francophonie sur les élections présidentielle, législatives et sénatoriales du 28 Novembre 2010 et du 20 Mars 2011 en Haïti.

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Bazelais89. Qui pis est, le nombre de bulletins blancs dans les élections haïtiennes a une large part des suffrages exprimés. A nos réflexions, le bulletin blanc implique la non-confiance en aucun candidat. Aucun d'entre eux n'a présenté un programme en cohérence avec les aspirations, les besoins des votants. Cette situation ou cette crise de légitimité n'épargne pas l'élection présidentielle.

b) Election du Président de la République d'Haïti

Nous lisons aux termes de l'article 134 que : « le Président de la République est élu au suffrage universel direct à la majorité absolue des votants. Si celle-ci n'est pas obtenue au premier tour, il est précédé à un second tour.

Seuls peuvent s'y présenter les deux candidats qui le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de voix au premier tour ».

A notre avis, le nombre de voix obtenu lors d'un scrutin constitue la base légitime du Président. Sous un premier angle, un représentant n'est légitime que si le nombre de voix obtenu est représentatif. Sous un second, il ne l'est que par la justification de l'obéissance qui lui est due. Le pouvoir légitime est un pouvoir dont le titre que détient le représentant est juste et qu'il soit détenu dans les limites de la loi. La légitimité est la perspective d'où se place d'ordinaire le titulaire du pouvoir90.

La légitimité est faite, selon la conception de madame Boulad-Ayoub, de deux composantes : la justification du respect dû au pouvoir et la conformité à une certaine règle. Dans cet ordre d'idée, un pouvoir peut avoir été légitime dès son obtention, mais ne l'est plus au cours de son exercice dans la mesure où c'est l'irrespect qui prévaut face à lui. Il est clair, à l'époque moderne, la légitimité d'un pouvoir ne provient pas de Dieu parce que le monde politique a évolué et le peuple en a pris conscience. Toute légitimité, en effet, vient du peuple, détenteur de la souveraineté, qui en fait délégation aux représentants.

89Sur 3000 électeurs potentiels, la circonscription de Port-au-Prince n'a enregistré que seulement 900 inscrits. Sur ce nombre, 425 se sont déplacés pour aller voter, en sorte que Boyer Bazelais n'a été élu premier député de la capitale que par un nombre dérisoire d'électeurs. C'était le même tableau sur l'ensemble du territoire raconte Claude Moïse, in Constitutions et Luttes de pouvoir en Haïti, la faillite des classes dirigeantes 1804-1915, éd. UEH, tome 1, 2009, p251.

90Boulad-Ayoub Josiane, Légitimité, légalité et vie politique, collection classiques des sciences sociales, Québec 2003, p6.

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À l'Exécutif peut appartenir une légitimité populaire par la désignation au suffrage universel91. La modalité d'élection réservée au Président de la République reviendrait donc à l'investir d'une légitimité populaire. Il est le seul qui jouit d'une telle légitimité dans le pays. Toutefois, il ne faut pas pour autant tirer de l'élection directe et universelle la source d'une augmentation des pouvoirs du Président de la République. Il n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribue la Constitution (art 150). Par contre, il est approprié de dire que ce mode de suffrage, combiné au scrutin majoritaire, et additionné à d'autres éléments peut effectivement aboutir, dans la pratique, à l'évolution de la puissance du Président de la République.

D'où le problème de la légitimité qui se pose au niveau de la démocratie haïtienne. Si le peuple est le détenteur du pouvoir, il doit être capable de faire des délégations. Il ne s'agit pas non seulement d'organiser des élections, mais aussi on doit s'assurer d'un très fort niveau de participation de la population en général. Dans le cas contraire, une révision de la situation est nécessaire. Il est anormal que les résultats des élections aient montré clairement que la population ne participe pas au scrutin.

Certes, les parlementaires et le Président sont élus au suffrage direct pour représenter le peuple, mais arrivés au pouvoir leurs attributions, bien évidemment, ne sont pas les mêmes. Même s'ils constituent tous deux, afin d'assurer la limite de leur pouvoir, des organes de contrôle l'un pour l'autre.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera