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Considerations historico-juridiques sur le regime politique haitien

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par Jhensly Endy Frederic
Faculte de Droit et des Sciences Economiques, UEH - Droit 2014
  

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Chapitre II

Le régime politique haïtien : sa réalité et son devenir

Les constituants de 1987 ont doté Haïti d'un régime parlementaire bi-représentatif, composé d'un Gouvernement responsable devant le Parlement et non la dissolution de ce dernier par le Chef de l'État. Ce régime a aussi pour caractéristiques, l'élection au suffrage direct du Parlement et du Président de la République, ce qui le diffère en réalité d'un régime parlementaire. Mais dans leurs intentions et dans leur esprit, ils voulaient enlever les pouvoirs qui font du Président de la République d'Haïti d'hier le personnage tout puissant du régime. Ils estimèrent que les vingt-neuf ans de dictature ont eu lieu à cause de l'énorme dimension des pouvoirs du Président qui en usait à son bon vouloir.

Ils ont tout fait pour doter le pays d'un climat démocratique et ils ont voulu tout constituer dans la charte fondamentale. Ils donnent la date de l'élection présidentielle, la date de prestation de serment du Président, etc. Ils ont pris le temps d'élaborer environ 300 articles pour s'assurer que le pays goute un peu de l'eau démocratique et pour rompre, en réalité, avec les actes de barbarie et de dictature. Aujourd'hui, le texte reste et demeure en fonction et n'a connu qu'un seul amendement en mai 2011.

Les barrières sont tellement énormes, les constituants ont mis sous les verrous la Constitution de 1987. Nous dirions qu'il est quasiment impossible d'amender le fameux texte de 1987 à cause des difficultés que présente la procédure d'amendement. Et c'est aussi la cause de ces débats à l'époque de l'amendement de juin 2011 et la date de publication de juin 2012. Ils se portaient tant sur la forme que sur le fond. Le Président actuel est-il apte ou non à publier99 la loi portant amendement ? La fameuse question de l'époque. Et les débats tournaient aussi autour de l'article 137 que nous venons d'étudier plus haut.

Dans le présent chapitre, nous allons étudier la réalité de la Constitution de 1987 (section I) et nous allons consacrer la seconde section à faire des souhaits sur le devenir du régime politique

99 Michel Georges et Fleurant Aviol, respectivement, Le Président de la République ne peut publier les amendements constitutionnels frauduleux (pp 103-117), Le Président de la République peut publier la loi constitutionnelle, (pp 171-178) [dans] Fritz Dorvilier (dir) L'amendement de la Constitution de 1987, Enjeux, limites et perspectives, Editions group, Port-au-Prince, février 2012, 205p.

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haïtien (section II). Nous ne pouvons pas nous permettre de dire que ce régime n'est pas sans conséquences négatives sur la vie politique haïtienne quoique nous ne soyons pas d'avis de dire, comme d'aucuns, qu'il est la base fondamentale de l'instabilité politique générale en Haïti. Mais, il en contribue.

Section I.- La réalité du régime politique haïtien

La Constitution de 1987 établit ses limites de protection. Elles valent non seulement pour protéger ladite Constitution en tant que contenant mais aussi elles tendent à protéger le régime en tant que contenu. Autrement dit, la Constitution elle-même assure sa sécurité, ce qui veut dire qu'on ne peut la modifier ou l'éliminer comme on veut et aussi elle empêche que le changement trop facile de régime. Mais tout amendement réel de la Constitution de 1987 doit se porter sur le régime politique100 si non elle n'a pas de grands effets.

Dans cet ordre d'idée, le régime politique haïtien, démocratique soit-il, a une certaine conséquence sur l'instabilité politique haïtienne et sur l'exercice de certains droits. D'un côté, nous énumérons la relation entre les organes de l'Exécutif et le Parlement, caractérisée par un manque de symbiose. La nomination d'un Premier Ministre coute trop de temps. Un vote de censure ou de renvoi est généralement générateur de crise dans le pays. Cela demande plusieurs négociations pour le choix et la ratification et dans ce cas, l'instabilité se répand au sein de l'appareil central de l'Etat et va jusqu'au sein de l'administration, outil de concrétisation de ses missions.

D'un autre côté, les barrières campées par la Constitution en vue de protéger le régime ou les attributions de chaque pouvoir sont tellement rigides, les différents acteurs, en particulier ceux du pouvoir Exécutif chercheraient par tous les moyens de trouver une façon, même illégale ou inconstitutionnelle pour atterrir leurs projets. Il est tout à fait normal, par rapport aux dérives d'avant 1987 qui ont eu lieu dans le pays, de camper un régime politique qui s'impose du point de vue de ses limites mais, quand elle verrouille à un point tel, les acteurs la contourneraient.

Quand ces genres de situation se présentent, nous dirions que la politique gouverne le Droit ou se substituer à elle (A), et cela ne doit pas être ainsi. La répétition de ces actes n'est jamais

100 Propos du professeur Dorval Monferrier dans le cadre d'une consultation pour la rédaction de ce dit travail en son cabinet, le vendredi 7 février 2014 à 2hrs.

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profitable au respect des droits de la personne humaine. Le Droit doit être la ligne à suivre, ce qui permet quelque part de respecter les droits de l'être humain (B).

A.- Substitution de la politique au Droit

Dans tout État moderne, le Droit doit prévaloir ou doit être perçu comme boussole ou guide principal de toutes les actions interindividuelles et de toutes les décisions des dirigeants. En accordant la prééminence au Droit, ce dernier et la politique entretiennent toujours des relations complexes et ambiguës surtout dans un contexte d'instabilité politique et institutionnelle101. Les acteurs se vacillent entre l'adoption d'une réponse juridique ou d'une réponse politique.

Dans la majorité des cas, le choix dépend des résultats visés par les acteurs. Afin de pouvoir proposer une solution qui attirerait l'approbation de plus d'un, le politique est de plus en plus régulièrement amené à passer outre certains garde-fous juridiques. Cette mainmise du politique sur le droit semble parfois contagieuse ; celle-ci s'étend alors à des domaines moins déterminants que les domaines institutionnels.

On le constate donc, l'entrecroisement des clivages dans la société haïtienne amène régulièrement les acteurs politiques à faire des compromis tenant compte des équilibres internes mais juridiquement non tenables. Nous dirions que le droit n'est pas la boussole des acteurs politiques. Les solutions politiques ou des réponses politiques font mieux leur affaire que les réponses juridiques. Ils s'attachent à ces dernières quand ils jugent que la réponse leur sera très profitable. Dans ce cas, ils parlent de respect de la Constitution ou de la loi. Pour parodier le professeur Dorval102, le Droit a ses rigueurs que la politique ne saurait ecarter.

Certes, nous avons souligné plus haut les faiblesses de la Constitution haïtienne, mais elle est une charte dotée de sa vertu et elle reste un ensemble de principes qui donnent direction à l'État. Autrement dit, toutes les grandes décisions aux plus hautes sphères de l'État doivent trouver provisions légales dans la Constitution. Elle trace les grands principes pouvant conduire à un régime démocratique dans le pays. Cela fait du droit la première marche à suivre des dirigeants.

101 Van Haute Emilie, Les rapports entre droit et politique dans un contexte d'instabilité

Institutionnelle : Effet de contagion ? Disponible sur http://www.lex-electronica.org/docs/articles_39.pdf (consultée le 26 mars 2014)

102 Dorval Monferrier, La loi constitutionnelle du 9 mai portant amendement de la constitution de 1987 est-elle sortie de vigueur ? [dans] Fritz Dorvilier (dir), op. cit. (pp179-185).

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Certes, ils font de la politique, certaines actions nécessitent des réponses politiques mais le droit doit être priorisé dans les sphères décisionnelles du pays.

Quand les autorités ont tendance à bannir les règles de Droit, les différents pouvoirs resteront toujours dans une situation de négociations, ce afin de trouver une réponse politique plus ou moins adaptée aux problèmes. Dans ces cas-ci, la Constitution et les autres règles de Droit sont en veilleuses puisqu'il faut donner une réponse positive à partir de négociations quotidiennes, avec un Parlement qui sera toujours en dépendance (a) et un Exécutif négociateur (b).

a) Un parlement en dépendance

La Constitution de 1987 fait du parlement un « organe de décision et de contrôle » des actes ou des exécutions du pouvoir Exécutif. Quand on décide et quand on contrôle, les moyens financiers ne sont pas les plus nécessaires. Il est juste question de moyens de fonctionnement. Et l'exécution d'une série de décisions nécessite au contraire des moyens financiers adéquats. En effet, le Parlement n'a pas besoin de grands moyens financiers pour l'accomplissement de ses tâches contrairement à l'Exécutif qui exécute dont les moyens financiers sont indispensables pour mener à bien des projets de développements et autres.

Toutefois, la réalité quotidienne suscite autre chose. Les parlementaires sont en quelque sorte des agents de développement ou doivent se constituer en des agents de développement. Parmi tant d'objectifs fixés, ils doivent apporter, du mieux de leurs compétences, les revendications des personnes représentées et aussi ils travaillent à ce que leur réélection soit assurée. Etant donné que les moyens financiers ne sont pas directement à leur portée, ils seraient obligés de compromettre certains votes, ce qui pourrait aboutir à un niveau de mendicité dépendamment de la manière de le faire.

Nous considérerions la « mendicité parlementaire103» comme un mécanisme d'explication de l'absence de discussion lors des séances au parlement haïtien. Ils connaissent déjà leur position, ils ne parlementent pas, ils ne débattent pas avant de voter. « Passons au vote104». Ils n'ont même pas pris du temps pour décortiquer le degré de compromis qu'une loi puisse comporter.

103Nous appelons « Mendicité parlementaire », le cas de certains parlementaires haïtiens qui se complaisent de substituer leur mission de légiférer à celle de demander des projets au Gouvernement.

104C'est généralement les propos de certains parlementaires dont les débats dans la chambre ne les intéressent pas, mais ils attendent toujours le moment du vote pour faire manifester leur position connue d'avance.

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Le vote, qui devrait être l'acte final du processus de délibération parlementaire est désormais au parlement haïtien le premier. Ce qui constitue aujourd'hui le niveau de lacunes105 que comportent les lois de la République, le niveau d'omissions106 que comporte la Constitution actuelle (art 137).

Tout cela fait de lui, un parlement qui se placerait sous la dépendance de l'Exécutif et par conséquent les principales tâches ne sont pas remplies. Cette situation fait naitre de nouvelles possibilités au profit de l'Exécutif d'avoir sous son emprise le parlement, même si lui aussi, il doit, dans certains cas, négocier à un niveau trop élevé pour la mise en application de certains projets.

b) Un exécutif-négociateur

La Constitution haïtienne, née dans un contexte particulier, -de son préambule jusqu'aux dispositions finales-, cultive la volonté d'instaurer un régime qui, de par même de l'esprit des constituants de Port-au-Prince, veut rompre avec les vieilles pratiques de dictatures de l'ancien régime dans lequel le Président était au centre de tout. En effet, la Constitution « pose formellement le principe de la séparation des pouvoirs107 ». Elle a prévu un ensemble de textes dont les applications aboutiraient à une distribution suffisante du pouvoir.

Il est indubitable que dans tout régime politique, parlementaire ou présidentiel, le législatif et l'exécutif soient toujours en relation de négociation. Chacun a besoin de l'autre pour la mise en oeuvre de leurs projets. Cependant, l'excès nuit. L'Exécutif de la République d'Haïti deviendrait un « exécutif-négociateur» dans la mesure où pour chaque projet à atteindre, il doit négocier avec le parlement pour un vote positif. Dans les cas de ratification ou d'interpellation, les négociations se portent surtout sur les portefeuilles ministériels. Dès fois, elles se réalisent entre individus, ce qui exclut la collectivité et l'unité de l'assemblée nationale. Si je ne trouve pas le

105Le vice-président de l'assemblée nationale d'alors, Levaillant Louis Jeune, reconnait que l'acte a des erreurs matérielles, et il recommande aux décideurs de prendre plus de temps, la prochaine fois, pour produire des actes parfaits. In (Haïti/ amendement constitutionnel : le pays est désormais sous l'égide de la constitution amendée : dixit Simon Dieuseul Desras. (Art consulté le 19 oct. 2012 et publié par Estinvil Succès de Radio Vision 2000, le 20 juin

2012) disponible sur : http://radiovision2000haiti.net/public/haiti-amendement-constitutionnel-le-pays-est-
desormais-sous-legide-de-la-constitution-de-1987-amendee-dixit-dieuseul-simon-desras/ .

106Nous avons dit «omission» parce que cet article a suscité beaucoup d'interventions médiatiques et de revendications par des parlementaires, mais le texte a été finalement publié sans le dernier alinéa.

107 Madistin Samuel, op cit. p61.

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pont de Trois-Rivières, tu n'auras pas mon vote108. Cela parait moins fragile, car cette demande a été faite en présence de tous, en pleine séance.

Là où le bât blesse, c'est quand il s'agit des négociations à huit clos qu'on ne connait pas les contre parties. Le résultat, dans ce cas, n'est autre qu'un vote positif ou négatif sans débats, sans discussions. Généralement, ces votes sont étiquetés de catastrophes et générateurs de crises dans le pays, ce qui n'est pas bon pour la stabilité politique.

Encore, la Constitution de 1987 a prévu un ensemble de droits dont leur respect ou leur application pose problèmes.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius