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Analyse de la dynamique des types d'occupation du sol dans le terroir de Ndokayo dans la région de l'est Cameroun (1987-2011)

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par Jean Bodel Pouïra
Université de Ngaoundéré-Cameroun - Master 2 2011
  

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Conclusion

Sur le plan général, les types d'occupation du sol dans le terroir de Ndokayo sont marqués, entre 1987 et 2000, par de faibles changements. Cependant, une dynamique accélérée de la zone d'habitation, des cultures, des jachères et de la savane arbustive dense survient entre 2000 et 2011. S'agissant de la galerie forestière, elle n'est pas restée figée; mais son évolution n'est pas problématique. Le constat général qui se dégage est l'explosion de l'emprise humaine à travers l'extension de la zone d'habitation des cultures et des jachères, mais aussi de la dégradation de la savane arbustive dense. La dynamique accélérée des types d'occupation du sol entre 2000 et 2011 suscite des interrogations. Logiquement, il est important de savoir quels sont les facteurs ayant entrainé l'accélération du phénomène.

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Chapitre 2. Facteurs de la dynamique des types

d'occupation du sol dans le terroir de Ndokayo

Introduction

La dynamique accélérée des types d'occupation dans le terroir de Ndokayo a été établie. Il a été précédemment démontré que la zone d'habitation, les cultures et les jachères et la savane arbustive dense ont connu entre 2001 et 2011 une dynamique accélérée. L'on a noté une dynamique progressive de l'emprise humaine. La savane arbustive dense quant à elle a plutôt connu une évolution régressive en termes d'étendue spatiale et surtout spécifique. Dès lors, donner une explication à cette dynamique accélérée des types d'occupation du sol, s'avère fondamental dans cette étude. A cet effet, le présent chapitre s'intéresse à l'analyse des facteurs de la dynamique des types d'occupation du sol dans le terroir. Trois types de facteurs combinés sont indexés au sujet de cette dynamique accélérée. Ils sont respectivement mis en évidence et analysés. Il s'agit tout d'abord de l'évolution du contexte climatique du terroir, ensuite du changement du contexte socioéconomique local et finalement des facteurs intentionnels.

2.1. Le changement du contexte climatique et sa contribution à la dynamique des types d'occupation du sol dans le terroir

Les éléments du milieu naturel sont en interrelation. Brunet R. et al. (1992) parlent de géosystème. Les écologues utilisent le terme d'écosystème pour le désigner. Ainsi, le couvert végétal subit l'action condition du milieu, au point d'en dépendre. L'état du couvert végétal est donc fortement tributaire de l'ambiance climatique, qui influe sur les autres conditions écologiques notamment les types de sols.

2.1.1. La dégradation des conditions climatiques : les années de déficit pluviométrique et la sècheresse de 2007.

L'analyse des données relatives à l'évolution climatique dans le terroir de Ndokayo permet de relever une importante variabilité interannuelle des précipitations et des températures. Parlant des précipitations, les années 1987, 1988, 1996,1998, 2000 et 2004 à 2010 sont déficitaires. Le plus haut degré du déficit pluviométrique par rapport à la moyenne est atteint en 2007 et s'est traduit par une crise de sècheresse dans toute la zone climatique soudano-guinéenne de transition (Figure 12.).

Sources : SODEPA

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Figure 12. Ecart à la moyenne des précipitations à Ndokayo

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Cette décroissance des apports de pluies qui caractérise la zone rend compte d'un phénomène climatique général reconnu dans toute la zone équatoriale d'Afrique. En effet, ces dernières années sont marquées par un déficit de la pluviosité interannuelle de 10 à 20 % par rapport à la moyenne normale (Mahé et Olivry, 1995, cités par Réounodji, 2002). Ces années déficitaires se caractérisent donc par un début tardif et/ou par une fin précoce de la saison des pluies.

En l'absence des données sur le nombre de jours de pluie, il est difficile de faire une analyse. Néanmoins, les profils historiques donnent une idée considérable de cette répartition au cours de l'année et permettent d'apprécier son impact sur le couvert végétal. Les populations du terroir expliquent les années déficitaires et la sècheresse de 2007 par la perturbation de la répartition annuelle habituelle des pluies. Selon eux, la grande saison des pluies qui dans son cours normal a une durée moyenne de 3,5 mois (mi-août à fin novembre) a duré en 2007 moins de 3 mois (ou parallèlement à cette situation, la grande saison sèche qui habituellement dure 3 mois a connu un prolongement de près d'un mois.

Ces années de déficit hydrique et de sècheresse ont fortement influencé l'état du couvert végétal dans cette zone. Cette situation a conduit à un assèchement poussé du couvert végétal herbacé, lequel subit l'action des feux de brousse tardifs, portant préjudice au couvert ligneux.

La dégradation des conditions climatiques dans la zone est associée à la transformation des sols.

2.1.2. La transformation des sols

Les sols constituent l'une des conditions écologiques déterminant de la végétation et de sa répartition. La végétation est en partie tributaire du type de sol qui est à son tour dépend du climat. Sur le plan général, les sols dans la zone ont connu une diminution de leur teneur en eau, prolongée durant les phases sèches. Cette situation a vraisemblablement éprouvé la résistance des plantes durant la saison sèche. Elles ont aussi favorisé l'induration des sols par endroits (Photo 8.).

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Dans ce milieu en marge de la zone équatoriale, les sols sont ferrugineux avec tendance à l'induration (Segalen, 1967). Ainsi, dans un contexte de perturbation des conditions climatiques, caractérisé par des années sèches par rapport à la moyenne des précipitations, la pédogenèse est commandée par le prolongement de la grande saison sèche. L'induration des sols a tendance à prendre s'amplifier.

Photo 8. Sol induré

Cette photo illustre le phénomène d'induration que subissent les sols dans le terroir de Ndokayo. Selon les populations, cette situation survient seulement après une décennie. L'induration des sols est un facteur limitant de la végétation. Sur ce type de sol, la végétation est presque absente. Quelle que soit la saison, la végétation est réduite à quelques rares arbrisseaux rabougris.

Cliché et commentaire : Pouïra Jean Bodel

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En effet, le prolongement de la saison sèche conduit à un assèchement du tapis herbacé. Le brulage tardif du tapis herbacé laisse les sols sans protection. Au moment des pluies, les sols sont sujets à une érosion intense. Les horizons superficiels sont décapés. Après leur décapage total, après une certaine période, l'horizon d'accumulation est exhumé. A l'air libre, cet horizon subit une induration.

La tendance à l'induration dans le terroir comme dans l'ensemble la zone soudano-guinéenne est liée à l'érosion dans les secteurs où la couverture végétale est dégradée. L'induration des sols constitue un facteur limitant de la végétation. Sur les sols plus ou moins indurés, la végétation est presque absente. Elle se résume à quelques herbacées réparties de manière discontinue. La multiplication des dalles indurées influe sur la répartition de la végétation.

En plus des facteurs naturels, le cadre socio-économique a aussi favorisé la dynamique des types d'occupation du sol dans le terroir de Ndokayo.

2.2. Incidence du changement du contexte socioéconomique sur la dynamique des types d'occupation du sol dans le terroir de Ndokayo.

Le boom démographique que connait le terroir de Ndokayo depuis le début de la décennie 2000 sous-entend une dynamique d'acteurs locaux et des types d'activité. Cette situation a favorisé considérablement la dynamique des types d'occupation du sol.

2.2.1. Le boom démographique et la multiplication des besoins

Une augmentation rapide de la population peut avoir des répercussions sur l'état des ressources naturelles et provoquer la dégradation du potentiel rural, si celle-ci n'est pas accompagnée d'innovations techniques de modes d'exploitation. Nombre d'exemples ont montré en Afrique qu'une population nombreuse a toujours besoin d'espaces de production, en particulier des terres cultivables et bien d'autres ressources indispensables à sa survie. (Reounodji, F et al., 2008)

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Dans cette optique, la dynamique des types d'occupation du sol dans le terroir de Ndokayo a un lien étroit avec la dynamique des populations. La période 2000-2011 est marquée au sein du terroir par une dynamique multiforme de la population. Cette dynamique est d'abord quantitative, mais aussi, et surtout qualitative.

En effet, le terroir a connu une augmentation vertigineuse de sa population durant la décennie 2000-2011. Plus de 7000 réfugiés en provenance de la République centrafricaine voisine se sont installés dans le terroir (HCR, 2009). La population a par conséquent pratiquement triplé. Cette augmentation de la population a des effets sur le plan spatial (Figures 24 et 25).

L'augmentation de la population au sein du terroir, suite à l'implantation des réfugiés centrafricains, s'accompagne d'une augmentation des besoins en espaces d'habitation et en terre de culture, ainsi que des besoins en ressources naturelles. Ceci a entrainé une augmentation du bâti et des espaces agricoles (Figures 13, 14 et 15) au détriment du couvert végétal qui s'est profondément transformé. Les ligneux sont surexploités pour répondre au besoin pressant des ménages en bois de chauffe et pour la construction des habitations. Les prélèvements abusifs entrainent la dégradation du couvert végétal. Cependant, la croissance des besoins a impulsé la dynamique des acteurs.

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Figure 13. Répartition de la zone d'habitation
en 2011 selon la nationalité des propriétaires

14,16000°E

14.08000°E 14,10000°E

14,12000°E 14,14000°E

f '-

0 2

Kilomètres

14,08000°E

14.14000°E 14.16000°E

14.101000°E 14.121000°E

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Légende

- - -- Limite du terroir

Espace cultivé par les réfugiés centrafricains

-Espace cultivé par les Camerounais

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Figure 14. Répartition des cultures en 2011 selon la nationalité des propriétaires

55

Figure 15. Répartition des jachères en 2011
selon de la nationalité des propriétaires

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2.2.2. La dynamique des groupes d'acteurs

La dynamique des acteurs est d'abord quantitative et ensuite qualitative. Avant de montrer leurs rôles dans la dynamique de l'occupation du sol, il importe de connaitre les raisons de celle-ci.

Si le lien entre augmentation de la population et dynamique des acteurs est étroit, les raisons de la dynamique des acteurs ne s'y limitent pas.

En effet, l'augmentation de la population du terroir est perçue comme une opportunité économique par les populations hôtes. Cette idée a prévalu durant les premières années qui ont suivi l'installation des réfugiés centrafricains dans le terroir. Des orpailleurs et des artisans de population hôte se sont reconvertis dans l'agriculture. L'objectif de cette reconversion est clair. Il fallait couvrir la nouvelle demande alimentaire et par conséquent améliorer les revenus. D'après les enquêtes, sur les 60 agriculteurs interrogés au sein de la population hôte, 68,33 % ont répondu favorable ment à la question de savoir si l'installation des réfugiés centrafricains dans le terroir a favorisé l'augmentation de leurs parcelles cultivées en vue de produire davantage (Figure 16).

Source : enquête de terrain, 2011.

Figure 16. Influence de l'installation des réfugiés centrafricains
sur les producteurs agricoles autochtones.

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En effet, les activités génératrices de revenus pratiquées par les réfugiés, durant les premières années de leur implantation dans le terroir, étaient limitées au petit commerce et aux petits services rémunérés. Ils ne bénéficiaient que de l'appui alimentaire du HCR, insuffisant et surtout divergent de leurs habitudes alimentaires (HCR, 2009).

Pour l'essentiel, les réfugiés avant leur installation dans le terroir comme dans l'ensemble des zones d'accueil des réfugiés centrafricains au Cameroun étaient avant leur installation des éleveurs de bovins. Ils vivaient essentiellement de l'activité pastorale. Pendant leur déplacement pour le Cameroun, la plupart d'entre eux ont perdu la totalité de leurs troupeaux. D'aucuns en ont perdu une partie importante, généralement plus de la moitié. Cette situation est liée aux multiples attaques et prises d'otages perpétrés par des coupeurs de routes qui sèment la terreur dans l'espace frontalier entre la RCA et le Cameroun depuis plusieurs années. La majorité de ces réfugiés une fois au Cameroun se sont retrouvés sans la moindre bête. Cette situation les a plongées dans la grande pauvreté. L'appui du HCR et de ses partenaires pour répondre aux besoins des ménages des réfugiés se limitant à l'aide alimentaire, nombre de réfugiés, avec l'appui de ces institutions onusiennes et de ses partenaires, se sont reconvertis dans l'agriculture. D'aucuns, du fait des besoins pressants, se sont lancés dans le bucheronnage et dans l'artisanat. Par ailleurs, certains d'entre eux qui possédaient encore leurs troupeaux ou une partie sont restés des éleveurs.

Si tous ces évènements n'avaient pas eu lieu, les réfugiés seraient restés éleveurs et auraient continué à vivre de leur activité. Quel qu'en soit le cas, la dynamique des acteurs demeure une conséquence de la croissance de la population du terroir. L'installation des réfugiés essentiellement éleveurs aurait boosté le nombre d'éleveurs dans le terroir. Aussi, cette augmentation de la population soudaine aurait eu pour conséquence celle des besoins en ressources agroalimentaires qui aurait imposé une dynamique des agriculteurs.

La comparaison des informations issues des entretiens avec les populations avec celle des enquêtes permet de comprendre que les activités pratiquées dans le terroir

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sont caractérisées par une dynamique arithmétique des acteurs. Certains acteurs ont tout simplement renoncé à leur activité pour embraser une autre. D'autres ont associé une ou plusieurs autres activités à celle qu'ils pratiquaient auparavant. C'est ainsi que le nombre d'agriculteurs a pris le dessus sur celui des autres acteurs qui ont néanmoins connu une augmentation remarquable (Figure 17.).

Source : enquêtes de terrain, 2011

Figure 17. Répartition des principales activités
génératrices de revenus dans le terroir de Ndokayo

L'augmentation de la population associée à la dynamique des acteurs dans le terroir de Ndokayo a un lien étroit avec la dynamique des types activités.

2.2.3. La dynamique des types d'activités

Si dans le terroir de Ndokayo la dynamique de la population est étroitement liée à la dynamique des types d'activités, il ne s'agit pas d'une règle sans exception. Il faut

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signaler que tout dépend des caractéristiques des acteurs à savoir leur importance numérique, mais aussi, et surtout des moyens matériels et techniques qu'ils mettent en oeuvre. Ainsi, les principaux types d'activités dans le terroir de Ndokayo à savoir l'agriculture, l'élevage, le bûcheronnage et l'artisanat ont connu chacun en ce qui le concerne une exacerbation relative.

? L'évolution de la pratique agricole dans le terroir de Ndokayo

L'activité agricole a émergé quelque temps seulement après l'installation des réfugiés centrafricains dans le terroir.

Avant cela, les systèmes de production étaient essentiellement fondés sur la satisfaction des besoins alimentaires des ménages. Une bonne partie des ménages ne pratiquaient pas l'agriculture. Les populations du terroir vivaient essentiellement de l'artisanat, de la chasse et de la vente du bois de chauffe qu'ils ramassaient dans les environs du village. Dans un tel contexte marqué par la disponibilité des terres, des superficies agricoles peu considérables et des jachères de longue durée permettant aux sols aussi bien qu'à la végétation de se reconstituer ; l'équilibre du milieu était assuré sans le risque d'une dynamique accélérée.

Certes, la décennie 2000-2011 est marquée par une dynamique de la population dans le terroir, laquelle sous-entend celle des divers acteurs dont la valeur numérique a pratiquement augmenté. Cette situation a eu des effets inéluctables sur la pratique de l'activité agricole. En effet, nombre de personnes se sont reconverties dans la pratique de cette activité. Pour les populations hôtes l'installation des réfugiés centrafricains dans le terroir est un atout économique. C'est la raison pour laquelle beaucoup d'entre eux se sont lancés dans cette activité afin de produire des vivres destinés à la vente aux réfugiés centrafricains. En effet, ceux-ci, avant 2005, ne bénéficiaient que de l'aide alimentaire du HCR limité à quelques produits de grande consommation et d'entretien corporel dont farine de maïs, du riz , du sel de cuisine, de l'huile de table et du savon.

Devant ce régime alimentaire divergent de l'habituel, les réfugiés centrafricains procédaient à la vente des produits reçus du HCR pour se procurer de la farine de manioc qu'ils préfèrent par rapport à tout autre aliment. Cette situation a donné raison à la loi de l'offre et la demande. Elle a entrainé la hausse du prix du sac de manioc

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séché. Il est passé de 8000 F CFA en 2006, à 12 000 F CFA en 20102. La production de cette denrée alimentaire devenue un important moyen de se faire des revenus, nombre de personnes en provenance des terroirs voisins vont s'installer dans le terroir pour la cultiver et la vendre aux réfugiés. De même, une bonne partie de la population hôte préalablement installée dans le terroir, va se reconvertir dans l'agriculture. C'est ainsi que plusieurs GIC vont voir le jour en 20063. Ces GICs sont essentiellement des regroupements d'agriculteurs. Ils produisent principalement le manioc.

Parallèlement, en 2005, se rendant compte du contraste entre leur aide alimentaire et les habitudes alimentaires des réfugiés centrafricains, et pour limiter leur dépendance de l'aide, le HCR et ses partenaires ont redéfini leurs stratégies afin de remplir leur tâche qui est le bien-être des réfugiés. Le principe était alors de reconvertir les réfugiés, ex-éleveurs, en agriculteurs. C'est ainsi que des champs communautaires d'expérimentation et d'apprentissage de plusieurs dizaines d'hectares ont été créés par le HCR et son principal partenaire local l'IRDb. La mise en oeuvre de cette stratégie va avoir pour conséquence immédiate et visible l'augmentation des superficies cultivées dans le terroir, aux dépens des savanes locales. Ce qui contribue à la dynamique accélérée de l'occupation du sol.

Toutefois, la dynamique de la pratique pastorale doit aussi être prise en compte lors que l'on veut expliquer la dynamique de l'occupation du sol.

? De l'élevage transhumant à l'élevage sédentaire

La pratique de l'élevage, comme dans l'ensemble des milieux savanicoles du Cameroun, n'est pas un fait nouveau dans le terroir de Ndokayo. Néanmoins, les premiers éleveurs étaient majoritairement des transhumants Peuls venus de l'Adamaoua camerounais et de la République centrafricaine voisine. Ils faisaient paitre leurs bêtes dans les secteurs de la zone de transition forêt - savane où l'herbe reste encore verte lorsqu'il est déjà sec dans leurs contrées de provenance. Dès le retour des pluies dans leurs zones de départ, ils y retournaient et s'y installaient de nouveau. Ce

2 Rapports d'activité du poste agricole de Ndokayo, 2006 et 2010.

3 Rapport d'activité du poste agricole de Ndokayo, 2006.

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phénomène cyclique est encore visible de nos jours et est non négligeable lorsqu'il faut expliquer la dynamique des savanes. Mais il convient de noter que le séjour des transhumants est généralement de courte durée, soit un à deux mois. En effet, ceux-ci auparavant craignaient les risques de décimation de leur bétail par la trypanosomiase, maladie fréquente dans ces zones de transition du fait de leur proximité avec la forêt. Pour les éleveurs transhumants, cette maladie est moins préférable à la saison sèche. Les espaces et les parcours étaient bien déterminés et connus par les éleveurs transhumants. Le terroir de Ndokayo faisait partir des itinéraires depuis les années 1950.

Si l'installation de la SODEPA en 1974 marque une étape importante de la dynamique de l'occupation du sol, l'impact sur celui-ci est plutôt positif, dans une certaine mesure. En effet, le mode de gestion des feux de brousse dans le domaine à elle alloué par les pouvoirs publics et l'envahissement de Chromolaena odorata a permis le développement du couvert ligneux (Youta H., 1998).

Cette situation n'est pas la même dans le reste du terroir où l'évolution du couvert végétal a une tendance plus régressive que progressive. Ainsi l'indexation de la pratique de l'activité pastorale comme facteur de la dynamique accélérée marqué par une transformation profonde de la couverture végétale engage la période 2000- 2011. Cette période correspond au séjour des éleveurs, réfugiés venus de la RCA voisine. En effet, depuis 2000, la pratique de l'élevage a pris de l'ampleur au sein du terroir. Le cheptel bovin dans le terroir a augmenté de manière vertigineuse4.

L'arrivée de ces éleveurs a impulsé une dynamique nouvelle à l'activité pastorale au sein du terroir. Le mode d'élevage local a pratiquement changé. L'on est passé d'un élevage transhumant à un élevage sédentaire. Pour moult raisons, entre autres le souci de sécurité, l'essentiel de ces éleveurs se sont sédentarisés dans le terroir. En réalité ces éleveurs réfugiés centrafricains, comme leurs compatriotes en refuge sur le territoire camerounais, ont connu des attaques et des prises d'otages perpétrées par des coupeurs de route pendant leur déplacement. Durant ces évènements, certains de ces éleveurs ont perdu la grande partie de leurs troupeaux, d'autres en ont perdu la totalité.

4 Selon le Chef de poste de contrôle zootechnique et vétérinaire de Ndokayo,

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Ces moments difficiles sont encore ancrés dans les mémoires. A cet effet, paitre les bêtes à la périphérique du terroir, qui selon eux a une forte ressemblance physionomique avec les savanes où leur ont été ôté leurs biens les plonge tout de suite dans un sentiment d'insécurité.

L'augmentation du cheptel, dans le terroir, associée à la sédentarisation des éleveurs centrafricains dont elle résulte, est à l'origine du surpâturage dont l'effet sur le couvert végétal est important.

S'agissant des autres activités à l'instar du bucheronnage et de l'artisanat, les changements se limitent à l'augmentation du nombre d'acteurs.

2.3. Les facteurs institutionnels et politiques

Les facteurs institutionnels et politiques sont à prendre en compte lorsque l'on voudrait expliquer la dynamique des types d'occupation du sol. La non-application des textes règlementaires relatifs à la gestion et la protection de l'environnement et la facilité d'accès à la terre y contribuent de manière considérable.

2.3.1. La non-application des textes règlementaires

Les populations hôtes du terroir portent un doigt accusateur sur le gouvernement de la République du Cameroun. C'est selon eux le seul responsable de cette dynamique.

En effet, la loi n°2005/006 du 27 juillet 2005 portant statut des réfugiés au Cameroun, atteste la reconnaissance de la présence des réfugiés sur le territoire camerounais par le Gouvernement de la République (Annexe 8). Par ailleurs, il n'existe pas de textes législatifs et encore moins de documents de planification relatifs aux zones d'accueil des réfugiés sur le territoire national. Pourtant, il s'agit d'une spécificité qui devrait bénéficier d'une grande attention de la part des pouvoirs publics. Il existe cependant des textes règlementaires relatifs à la gestion de l'environnement et des ressources forestières, fauniques et piscicoles. C'est le cas de Loi N°96/12 portant

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Loi-cadre relative à la gestion de l'environnement au Cameroun et du Décret n°95-531 PM du 23 aout 1995 fixant les modalités d'application des régimes des forêts (Annexe 9).

Après examens des activités menées par les services locaux en charge de ces secteurs, le constat qui se dégage est la non-application des textes. Il y a un grand fossé entre les textes et leur application. Selon les responsables locaux du service des forêts et de la faune, cette situation est en partie due au manque du personnel et de la logistique nécessaire pour assurer la couverture de la zone.

Dans cet ordre d'idée, se situe aussi la question de l'accès à la terre qui implique les autorités traditionnelles locales.

2.3.2. La facilité d'accès à la terre

Le principal mode d'accès à la terre dans le terroir de Ndokayo est l'achat. Pour comprendre la contribution de mode d'accès à la terre, il convient de présenter l'organisation politique traditionnelle du terroir.

L'organisation politique traditionnelle du terroir est une structure complexe. A la tête du terroir, se trouve le «Djaouro» qui réside à Ndokayo, le village le plus important du terroir. Les petits villages contenus dans les limites du terroir sont aussi administrés traditionnellement par des « Djaouro » qui sont inférieures au « Djaouro » du plus important village Ndokayo. Les «Djaouro» des autres villages et leurs notables sont autonomes en ce qui concerne la question de la terre dans leurs villages respectifs. Par ailleurs, il n'existe pas de tarifs précis relatifs à la vente d'un terrain, tout dépend de l'entente entre les deux parties, l'acheteur et une autorité traditionnelle. L'accès à une portion de terre confère au nouveau propriétaire tous les droits. Pourtant cet accès est conditionné par le versement d'une modique somme à une autorité traditionnelle locale. Il est donc clair que les terres sont attribuées par les autorités traditionnelles sans le moindre souci de leur éventuelle utilisation.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry