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La gestion des crises sociopolitiques en Afrique centrale, l'exemple de la République Centrafricaine, de 1996 à  2015

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par Moïse-Hubert Mbéto-jy
Université de Bangui, RCA - Master en Sciences Politiques et Juridiques 2015
  

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INTRODUCTION

1

Située au coeur du continent africain, la République Centrafricaine (RCA)1 est un des pays les plus pauvres2 du monde malgré d'importantes potentialités naturelles (ressources minières immenses : Diamant, Or, Uranium, forêt, réseau hydrographique dense, ...etc.). Le pays a fêté son cinquantenaire en août 2010 avec à son bilan plus de quinze coups d'état, une pauvreté sévère et généralisée et conflits armés à répétition dont le dernier en date l'a placé pratiquement au bord du chaos.

En effet, depuis le 10 décembre 2012, de nombreuses villes au nord et à l'est du pays ont été conquises par des rebelles centrafricaines (qui réclament le départ du Président François Bozizé), mais aussi par diverses troupes rebelles ougandaises, soudanaises et tchadiennes.

Le 15 mars 2003, le président Ange-Félix Patassé, démocratiquement élu, est renversé par le général d'armées François Bozizé. Celui-ci légitimera son coup de force par les élections de juin 2005. Les élections présidentielles puis législatives ont été organisées le 23 janvier et le 27 mars 20113. Mais des contestations s'élèvent de partout. Des affrontements entre l'armée nationale et des groupes rebelles se poursuivent dans le Nord du pays et à l'Est. La sécurité est menacée par les intrusions fréquentes des rebelles ougandais de la Lord?s Resistance Army (LRA) de Joseph Kony. Après la chute du général-président François Bozizé en mars 2013, la situation s'est extrêmement aggravée : La République Centrafricaine (RCA), traverse depuis la prise de pouvoir par les rebelles de la Coalition Séléka une des pires crises humanitaires de son histoire, et ce dans l'indifférence générale.

Les rebelles de la Coalition Séléka ont mis fin au régime de François Bozizé. Mais l'analyse de la situation suscite beaucoup d'inquiétudes et de réserves. La suite des événements c'est un véritable effondrement de l'Etat et à.

La situation aujourd'hui en République centrafricaine est caractérisée par un "état-néant" fait d'insécurité, de manque de paix et de misère sociale, une crise humanitaire jamais égalée dans l'histoire de la République Centrafricaine.

La question que l'on se pose est dès lors de savoir :

V' Pourquoi et comment en est-on arrivé là ?

V' Comment sauver la population et sortir le Centrafrique de cette crise ?

C'est autour de ces interrogations que s'articule cette Réflexion.

1 La République Centrafricaine est étendue sur une superficie de 623 000 Km2. Sa population s'élève à 3.895.139 habitants (en 2003) dont 50,2% des femmes. La population est très jeune : 49,4 % des habitants sont âgés de moins de 18 ans, dont 50,1 % de garçons et 49,9 % de filles. 38 % des hommes et des femmes sont âgés entre 20 et 59 ans et 4 % sont âgés de 60 ans et plus. 86% de la population totale vivent en milieu rural et 75% en milieu urbain.

2 Avec un taux d'incidence de 67,2 % dont 72 % en milieu rural, la pauvreté y est très sévère, profonde et généralisée. Le pays est classé 172e sur 177 pays selon l'indicateur de développement humain du PNUD (2006).

3 L'opposition, rassemblée au sein du Front pour l'Annulation et la Reprise des Elections (FARE-2011), avait appelé au boycott du 2e tour des élections législatives, accusant le pouvoir de fraudes pendant le 1er tour des élections du 23 janvier.

2

LES CAUSES DE LA CRISE CENTRAFRICAINE

Les causes de la crise centrafricaine sont multiples et complexes : Il y a tout à la fois des facteurs politiques, économiques, et socioculturels. Parmi les causes politiques de la crise centrafricaine, on retiendra essentiellement : le modèle institutionnel et la gouvernance.

L'origine des régimes politiques autoritaires

Depuis son accession à l'indépendance en 1960 jusqu'aux premières élections pluralistes du 22 août 1993, exceptée la brève parenthèse de la deuxième présidence Dacko (1979-1981), la République centrafricaine, pendant plus d'une trentaine d'années, n'a vécu qu'une suite de régimes politiques autoritaires :

y' Présidence de David Dacko (1960-1965),

y' Présidence à vie de l'empereur Jean-Bedel Bokassa 1er (1966-1979), et y' Régime militaire et à parti unique du général André Kolingba (1981-1993)4.

D.Dacko JB.Bokassa A.Kolingba AF.Patassé F.Bozizé M.Djotodja

De 1960 à 2013, soit plus de 53 ans d'existence, la RCA a connu six chefs d'Etat (dont trois militaires) et une dizaine de coups d'état. Sur 53 ans d'existence, ces trois régimes militaires, issus tous de coup de force, totalisent à eux seuls 36 ans de règne.

L'armée a joué un rôle prédominant dans l'histoire de la république centrafricaine. L'actuel président, le général François Bozizé est un ancien chef d'état-major de l'armée et son gouvernement inclut plusieurs anciens officiers supérieurs. Parmi les cinq présidents centrafricains qui se sont succédé depuis l'indépendance du pays, trois ont été d'anciens chef d'état-major de l'armée ayant pris le pouvoir après un coup d'État. De surcroît, aucun président ayant un soutien de l'armée

Le premier président du pays, David Dacko fut renversé par son chef d'état-major, Jean-Bédel Bokassa en 1966. David Dacko revient à la tête de l'État en 1981 avant d'être de nouveau renversé, quelques mois plus tard, par son nouveau chef d'état-major le général André Kolingba. En 1993, Ange-Félix Patassé devient le premier président élu du pays mais il devient aussi bientôt impopulaire avec l'armée. De cette opposition résultent les mutineries de 1996-1997. En mai 2001, Kolingba tente un coup d'État sans succès et une nouvelle fois Patassé doit faire appel à ses alliés en soutien. À cette époque, la Libye et la République démocratique du Congo viennent en aide à Patassé. Quelques mois plus tard, à la fin du mois d'octobre, Patassé limoge son chef d'état-major François Bozizé et essaie de l'arrêter. Cependant, Bozizé s'enfuit au Tchad et rassemble un groupe de rebelles. En mars 2003, Bozizé prend le pouvoir suite à un coup d'État avant d'être renversé à son tour en mars 2013 par les mêmes rebelles qui l'avaient aidé dans le coup de force de 2003.

4 Après la tentative avortée d'élections présidentielles d'octobre 1992, l'organisation des élections présidentielles et législatives pluralistes en août et septembre 1993, a permis à Ange-Félix Patassé, d'être élu président de la République. Il s'en est suivi d'avril 1996 à janvier 1997, affrontements, accords de paix et rupture de trêve.

3

Le pétrole

La RCA regorge de nombreuses richesses minières dont la bonne exploitation pourrait sortir le pays de la pauvreté. Dans les années 1970, des « anomalies géophysiques » décelées par les américains de la NASA, puis confirmées par les soviétiques, attestent l'existence de réserves de pétrole en Centrafrique dans les bassins de Doseo et de Salamat (au nord du pays, dans les préfectures de la Vakaga et de Bamingui-Bangoran)5. Ces réserves, évaluées à des millions de barils, se situent à cheval sur le tracé de la frontière entre le Centrafrique, le Soudan et le Tchad.

En 1986, la multinationale américaine Exxon a démarré le forage d'un puits à Aouakale-1. En 2000, le président Patassé avait accordé une concession vers Gordil au groupe RSM Petroleum, propriété de l'industriel américain Jack Grynberg. En 2004, et sans qu'aucune prospection ne soit lancée faute de stabilité politique, le permis a expiré. Jugeant les conditions d'octroi du permis désavantageuses pour l'Etat centrafricain, François Bozizé avait décidé de ne pas renouveler la collaboration avec RSM Petroleum. Il s'en est suivi de graves désaccords soumis en 2007 à l'arbitrage du Centre International de Règlement des Différents (CIRDI).

En 2010, les autorités centrafricaines entreprennent les négociations avec les partenaires chinois de la China National Petroleum Corporation (CNPC)6, une société d'Etat dévolue au commerce des hydrocarbures de par le monde. En décembre de la même année, le CIRDI a tranché le contentieux en faveur du Centrafrique et le permis A de RSM Petroleum a été invalidé7. Bozizé a finalement accordé le permis à la CNPC et en 2011, les deux permis jouxtant la frontière centrafricaine, Chari-Ouest et Chari-Doseo, ont été concédés au canadien Griffiths Energy-trader Glencore.

Après la chute de F. Bozizé en mars 2013, la Coalition Séléka qui contrôle la totalité du périmètre a gelé les permis existants et entend renégocier tous les accords miniers et pétroliers passés par le régime de François Bozizé. En bloquant l'activité de CNPC, la Séléka remet RSM sur le devant de la scène.

Par ailleurs, le président tchadien Idriss Déby Itno a toujours considéré comme un faiseur de roi à Bangui et les velléités d'exploration pétrolière de la Centrafrique pourraient l'indisposer. Pour Bangui, les réserves pétrolières du pays étant à cheval sur la frontière, toute activité dans la zone ne pourra être menée qu'en commun avec le Tchad dont l'oléoduc Doba-Kribi permettra le transport. Mais Ndjamena, qui a dix ans d'avance en la matière sur Bangui, préfère exploiter ses ressources sans partage. Pour lever l'hypothèque tchadienne, les rebelles de la Séléka veulent négocier au plus vite un accord pétrolier avec Ndjamena, condition sine qua non à leurs yeux pour la mise en valeur du pétrole centrafricain. Le contexte est d'autant plus favorable qu'Idriss Déby a pris ses distances avec le régime de François Bozizé et, quelques semaines avant l'offensive de la Séléka, a rapatrié la centaine de soldats tchadiens qui servait de garde présidentielle à Bangui depuis 2003.

En outre, le régime du président Bozizé était soutenu, contre les rebelles de la Séléka, par un contingent de 200 militaires sud-africains. La présence des troupes de Pretoria devait beaucoup à l'entregent de l'homme d'affaires Didier Pereira, ex-patron du groupe minier Inala en Centrafrique et qui vit désormais en Afrique du Sud. En protégeant Bozizé, le président sud-africain Jacob Zuma souhaitait également développer les intérêts des firmes sud-africaines dans ce pays aux ressources pétrolières et minières encore largement inexploitées. Ainsi, le groupe Dig Oil d'Andrea Brown a obtenu une concession à la frontière entre le Centrafrique, le Cameroun et le Congo-B)8.

5 Ces sites sont situés dans le bastion des groupes rebelles de la Coalition Séléka.

6 La CNPC est la même multinationale chinoise qui réalise des exploitations du pétrole notamment au Tchad et au Soudan.

7 http://centrafriquenligne.over-blog.com/article-en-bref-le-petrole-jaillira-bientot-du-sol-centrafricain-65018114.html La sentence arbitrale doit être confirmée en appel (les débats se sont clos début janvier 2013).

8 Cf. Africa Energy Intelligence (AEI n°687).

4

Et la France dans tout cela ?

En dehors de l'uranium de Bakouma qui est exploité par Areva, la RCA, aurait un intérêt géostratégique très faible pour la France. Mais il est certain que sans cette crise, personne ne saurait ce qui se passe réellement autour de l'exploitation des richesses minières et du fameux pétrole de la République Centrafricaine. Aujourd'hui, F. Bozizé est le seul à brandir à tout vent le dossier du pétrole et ses proches concluent que le coup d'état réalisé par les rebelles de la Séléka est une conspiration étrangère9.

La gouvernance démocratique

Lors des négociations ayant abouti à l'accord de Libreville, l'opposition démocratique et les politico-militaires ont présenté un mémorandum contenant les griefs suivants formulés contre Bozizé:

1. Des engagements non tenus par le général François Bozizé

V' Le non-respect de l'engagement pris à Bangui en 1998 en sa qualité de chef d'état- major général des armées dans le cadre de la "Conférence de réconciliation nationale" tenue à Bangui du 26 février au 5 mars 199810 ;

V' Le non-respect des engagements pris à Libreville en 2003 après son Coup d'état du 15 Mars 200311 de se retirer de la scène politique après installation d'un nouveau régime ;

V' Le non-respect des engagements pris par le général François Bozizé, devenu président de la République relatifs à l'exécution des recommandations fortes du Dialogue national de 2003 ;

V' Le non-respect des engagements pris lors du Dialogue Politique Inclusif (DPI) de 2008.

2. violations de la constitution par le général François Bozizé

V' Violation du serment constitutionnel par le général François Bozizé,

V' Cumul de fonctions par le président de la république en violation de l'article 23 de la constitution. Le Général François BOZIZE cumule les fonctions de commandant en chef de l'armée et de ministre de la défense. Il est en même temps Ministre des Mines, Ministre de l'Aviation Civile, Ministre chargé des pôles de développement, Député, Président du Comité de trésorerie (donc Agent comptable principal de l'Etat), Président du Conseil de Surveillance des Entreprises publiques donc leur Président de Conseil d'Administration de fait.

3. Les graves violations des droits de l'homme perpétrés par le régime de François Bozizé

Les crimes commis pendant que le général F. Bozizé était aux commandes du pays : Le Capitaine Koyangao (abattu au PK 12 à Bangui en 2004) ; Le Lieutenant Assombélé (assassiné dans son bar à Bangui en 2005); Le Lieutenant Marzane Apollinaire (assassiné, et son corps jeté dans la rivière M'poko,en 2006); Le Sergent-chef Sanzé (qui s'était réfugié au BONUCA suite à une rixe mortelle avec le Lieutenant Yango Kapita) ; Maître Ignace Bandassa, Avocat (décédé suite aux bastonnades des éléments de la Sécurité Présidentielle le 12 février 2006 à l'aéroport Bangui-M'poko) ; Exécution sommaire en décembre 2006 de Zacharia Rizégala, un ex-parlementaire, devant ses parents à

9 Patrick Besson : BANGUI LA CROQUÉE ; http://www.lepoint.fr/ presse du vendredi 11 octobre 2013-Publié le : 11 octobre à 00 h 08 min

10 A l'issue des travaux de cette conférence, les participants ont adopté un Pacte de Réconciliation Nationale dont l'article 2 stipule: « Les parties signataires du présent Pacte s'engagent solennellement à utiliser la voie des urnes comme seule voie légale d'accès au pouvoir de l'Etat et décide de bannir l'utilisation des armes et de la force comme méthode et moyen d'accès au pouvoir de l'Etat. Elles renoncent à utiliser les forces armées pour déstabiliser un régime démocratique et semer la terreur au sein de la population aux mépris de principes démocratiques, des droits de l'Homme et de la loi fondamentale du pays. Elles s'opposent fermement à toutes formes de dictature et exhortent les pouvoirs publics à être à l'écoute de la population, à respecter les droits de la minorité ». Le Général François BOZIZE, alors Chef d'Etat-major des Armées a apposé sa signature au bas de ce document historique, en même temps que les autres Autorités Nationales. Malgré cet engagement, le Général François BOZIZE prendra les armes le 2 Novembre 2001, le 25 Novembre 2001, puis le 15 Mars 2003 pour venir à bout d'un régime démocratiquement élu.

11 Ajouter à cela le non-versement de la somme négociée d'un million de francs CFA par combattant, somme débloquée mais encore détenue en partie par le Ministre délégué à la Défense, Jean Francis Bozizé.

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Ouandja ; Assassinat sur la route de Pk 22 du taximan Obam par des éléments de la garde présidentielle ; Les commissaires de Police Daniel Sama et Hervé Séthé Trepassé ont été assassinés en 2009 ; Charles Massi, Pharmacien Colonel et ancien ministre du Général François Bozizé, en désaccord avec celui-ci, sera arrêté au Tchad en 2009 et remis aux autorités centrafricaines qui, l'ont fait disparaître; etc..

Un détachement de la Garde présidentielle a perpétrés sur des crimes odieux de guerre et crimes contre l'humanité sur des populations civiles au village "Zakoumba" ou Soukoumba et l'incendie des maisons d'habitation ainsi que la mosquée centrale d'Akroub-Soulback dans le Bamingui Bangoran.

Les fils-Bozizé Papy, Jojo et Rodrigue et les cousins et proches parents dont les terrifiants Oliviers Koudémon alias "Gbangouma" et le général Jules-Bernard Ouandé arrêtent, torturent et séquestrent impunément des dizaines d'innocents à Bangui et en provinces où ils règnent en roitelets.

On ne citera pas :

y' L'affaire en décembre 2007 du Pasteur Thomas Touangaye de l'Eglise Protestante de Kina12,

y' L'affaire de l'incendie du magasin Rayan,

y' L'affaire des diamants et or, argent liquide et autres biens spoliés par le gouvernement en 2008,

y' Gabegie totale dans la gestion opaque des 100 bus pour le transport interurbain de la Sonatu

octroyés par le gouvernement indien13,

y' L'expulsion du directeur général de la banque BSIC,

y' Des arrestations et séquestrations arbitraires14,

y' La sinistre prison spéciale du Général François Bozizé : "Guantanamo de Bossembélé"15 ; etc.

Arrestation et détention arbitraire des journalistes (Jean-René Bengba, Samba, Marcel Mokoapi, etc.). Interdiction sauvage des meetings de l'opposition (Fare), à la Place Marabéna, le samedi 27 août 2011 par des militants du parti au pouvoir. Plusieurs cas similaires de graves violations de droits de l'homme restant impunis à ce jour sont enregistrés aussi bien à Bangui qu'en Province.

4. La gouvernance économique

Malgré d'importantes potentialités naturelles (ressources minières immenses : Diamant, Or, Uranium, forêt, réseau hydrographique dense, ...etc.). Le Centrafrique est un pays pauvre très endetté. Avec un taux d'incidence de 67,2 % (c'est-à-dire 2 618 000 personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté) dont 72 % en milieu rural et 59 % en milieu urbain16, la pauvreté y est très sévère, profonde et généralisée. L'affairisme, la corruption et la gabegie, sont devenues monnaie courante notamment l'affaire des deux chèques Ecobank de 150 millions de francs cfa émis par Télésoft Gateway au bénéfice de l'état centrafricain. Chèques déchargés par le Ministre délégué aux finances mais jamais

12 A la suite du décès du pasteur ancien, l'Eglise baptiste de Kina est entrainé quatre ans durant dans des querelles et discordes suscitées par le Pasteur Thomas Touangaye (alias Nabuchodonosor) qui lui a succédé. Le conseil des anciens de l'église l'a suspendu de service. Mécontent, le pasteur va orchestrer des violences qui ont abouti à la fermeture de l'église. Deux tentatives de réouverture de l'église se sont soldées par la mort de quelques fidèles. En décembre 2007, le chef de l'état, F. Bozizé, en personne, est intervenu pour demander aux jeunes du quartier d'incendier leurs maisons et de `'doroko`' (charcuter) les pasteurs et diacres opposant à la reprise de service de son parent le pasteur Touangaye.

13 Les 100 bus Sonatu sont le fruit de la coopération indo-centrafricaine d'une valeur de 29,5 millions de US dollar.

14 Une dizaine de douaniers, relaxés par la Cour d' Appel de Bangui, étaient toujours, sur instructions de Bozizé, maintenus plusieurs mois au Camp de Roux. Le capitaine David Ngaïtoua son pilote d'hélicoptère est devenu son prisonnier personnel et croupit à la Gendarmerie depuis le 14 mai 2012, sans aucune inculpation ; etc.

15 C'est dans ce Guantanamo de Bossembélé que croupissait Serge Magnan, enlevé depuis 5 mois sans que ses proches aient des nouvelles de lui ; y croupissaient également 6 douaniers arrêtés arbitrairement à Bouar par le fils Bozizé dit Papy (Commandant de la compagnie de la gendarmerie de Bouar).

16 Bangui, la capitale, concentre 16 % de la population du pays et près de 12 % des pauvres. Le milieu urbain compte environ 60 % de pauvres.

6

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parvenus au Trésor public. Cette situation a eu pour conséquences les crises sociopolitiques, la persistance du taux élevé de la pandémie du VIH/Sida et la misère sociale.

5. Tribalisme, népotisme et politique d'exclusion

Les germes du tribalisme étaient déjà distillés au sein de la monarchie impériale de JB Bokassa. Mais « C'est avec le général d'armée André Kolingba, président de la République entre 1981 et 1993, que la politique d'exclusion basée sur le népotisme et le tribalisme se révéla au grand jour »17.

Quand le général Kolingba devient président en 1981, il met en cause la politique de recrutement de l'administration basée sur les ethnies. Kolingba était un membre de la tribu Yakoma venant du sud du pays qui compose approximativement 5 % de la population. Durant son mandant, les membres de la tribu Yakoma bénéficièrent de toutes les positions clés de l'administration et constituèrent la majorité de l'armée. C'est ce dernier fait qui eut des conséquences désastreuses quand Kolingba fut remplacé par un membre d'une tribu du nord: Ange-Félix Patassé.

Président démocratiquement élu, Patassé, sous prétexte de rééquilibrage régional, va s'appuyer sur des gens de la même origine ethnique ou régionale que lui. Sur la base des accords de Bangui, Patassé va créer une nouvelle garde prétorienne18. Les Yakoma de la garde présidentielle furent ainsi renvoyés de l'armée régulière au profit des unités originaires du Nord, frontalier du Tchad, et plus particulièrement issues de son propre groupe ethnique, les Sarah ainsi que les tribus voisines, les Kaba et les Gbaya.

Arrivé au pouvoir, le général F. Bozizé a accentué l'ethnicisassions de l'armée ; La présidence de la République, la haute hiérarchie de l'administration, et singulièrement la garde présidentielle étaient constituées exclusivement des Gbaya, une ethnie du nord. Le dernier recrutement dans l'Armée Nationale a abouti à une grande manifestation spontanée de colère des jeunes contre le tribalisme et le clanisme le 2 Août 2012. Les manifestants ont démonté et enseveli le buste du Général François Bozizé.

L'arrivée au pouvoir de la Coalition Séléka marque un tournant et une dérive dans cette pratique de l'ethnicisation de la vie publique en Centrafrique. En effet, composée majoritairement de groupes islamiques, la Séléka va rentrer de plain-pied dans la pratique de tout tribal. A la présidence de la République, les gbaya sont tous remplacés par des musulmans et les Rounga (ethnie du Président M. Djotodja) ; L'armée (la Coalition Séléka) est à dominance Rounga, Goula et Banda N'Délé.

Les 'GP'' de F.Bozizé

Les éléments de la Séléka

Les forces de défense et de sécurité (militaires, polices nationale et municipale, douanes, gardes nationales et forestiers, etc.), principales garantes de la sécurité des personnes et des biens et de l'intégrité du territoire, manquant cruellement de ressources, ont été ainsi placées, par le régime de F. Bozizé et ensuite par la Coalition Séléka, dans l'impossibilité d'assumer la plénitude de leurs missions.

17 Les proches du général et de son groupe ethnique, les Yakoma du Sud-Est, trustaient la garde présidentielle, unité d'élite de l'armée qui lui servait de garde prétorienne.

18 La suppression du Centre national de Recherches et d'Investigations (CNRI) et de la Section d'Enquêtes, de Recherches et de Documentation (SERD) de la sécurité présidentielle a permis la création de la Force Spéciale pour la Défense des Institutions républicaines (FORSDIR), forte d'environ 1.500 éléments.

6. Des mutineries successives de l'armée centrafricaine

De 1996 à 1997, la RCA a connu trois mutineries de l'armée. Les différentes mutineries militaires ont été l'occasion de violences exercées de part et d'autre, se soldant par la mort de dizaines de personnes.

1. La mutinerie du 18 avril 1996

Peu après les élections de 1993, Patassé devient impopulaire au sein de l'armée, non pas à cause de son incapacité à payer le salaire des militaires (en partie due à la mauvaise gestion économique mais aussi à la cessation soudaine par la France de son aide économique pour le salaire des soldats). Une autre raison expliquant cette irritation de l'armée vient du fait que la majorité des soldats viennent de la même ethnie que Kolingba, les Yakoma.

Le sentiment d'avoir été écartés du centre de décision du pouvoir et de ses avantages matériels, s'ajoutant aux revendications corporatistes liées aux arriérés de salaires et aux conditions de travail, va mobiliser les anciens éléments de la garde présidentielle pour le déclenchement de la première mutinerie, le 18 avril 1996. Des fractions de l'armée (200 à 300 soldats) entrèrent en confrontation avec la garde présidentielle (l'Unité de sécurité présidentielle ou USP) et les milices loyales à Patassé.

Les forces françaises intervinrent en soutien (opération Almandin I) et agissent en tant que négociateurs. La révolte prend fin quand les soldats reçoivent finalement leur salaire par la France et le président accepte de ne pas lancer de procédures judiciaires contre les soldats

2. La mutinerie de mai-juin 1996

Le 18 mai 1996, soit un mois plus tard, jour pour jour, une deuxième mutinerie conduite par 500 soldats qui refusent d'être désarmés et contestent l'accord signé en avril éclatera à Bangui. Cette deuxième mutinerie est liée au non-paiement des soldes et à la discrimination dont les soldats Yakoma se sentaient victimes. Cette deuxième mutinerie a politisé les revendications initiales d'ordre corporatiste lorsqu'une grande partie de l'opposition et les mutins vont réclamer la démission du Président Patassé.

Les forces françaises sont une nouvelle fois appelées par Bangui (c'est l'opération Almandin II) et soutenues par des militaires tchadiens et gabonais. L'intervention des troupes françaises stationnées en RCA a permis de sauver le régime et contraindre les parties en conflit à négocier le retour à la légalité. Le 26 mai, un accord de paix fut signé entre la France et les mutins. Ces derniers ont la promesse d'une amnistie leur permettant de garder leurs armes tandis que leur sécurité est assurée par les militaires français. La mutinerie prend fin le 5 juin, à la suite de l'adoption d'un protocole d'accord politique (PAP)19.

3. La mutinerie de novembre 1996 à janvier 1997

Du 19 août au 9 septembre 1996, se sont tenus à Bangui les États Généraux de la Défense Nationale (EGDN). Cependant, faute de moyens financiers, la plupart des recommandations de cette conférence n'ont pas été appliquées. Leurs attentes n'ayant pas été satisfaites, les FACA se soulèvent encore le 15 novembre 1996 et 1 500 soldats français sont envoyés pour assurer la sécurité des étrangers présents sur le sol centrafricain. Les mutins demandent la démission du président. Cette troisième mutinerie sera la plus longue et la plus dramatique. Les tensions ethniques vont encore une fois se manifester, tant au sein de l'armée que de la population civile, notamment des regroupements des résidents de Bangui suivant leur région d'origine. La ville se divisa en deux zones antagonistes. Cette situation a duré jusqu'à la fin de la mutinerie avec la signature, le 25 janvier 1997, d'un accord préalable prévoyant un pacte de réconciliation nationale, dont l'ensemble des dispositions constituent "les accords de Bangui".

19 Le PAP avait prévu, entre autres une loi d'amnistie générale pour les mutins, la formation d'un gouvernement d'union nationale et un Programme minimum commun (PMC) de gouvernement.

8

La gouvernance militaire

Les Forces armées centrafricaines (FACA) sont nées après l'indépendance en 1960. Avec comme 10 000 éléments (août 2009), soit 5 500 sans la gendarmerie et les forces de police, elles sont composées de l'Armée de terre, la Composante aérienne, la Gendarmerie nationale et la Police nationale. En 2009, elles représentent en termes de Pourcentage du PNB 0,9 % du Budget national.

L'armée centrafricaine a été dominée par les soldats de l'ethnie Yakoma depuis l'époque de Kolingba. De fait, elle a été considérée comme déloyale envers les deux présidents Patassé et Bozizé venant du nord du pays. Ces deux derniers ont équipé et dirigé leurs propres milices indépendantes de l'armée. Les militaires ont aussi prouvé leur déloyauté durant les mutineries de 1996-1997. Bien que François Bozizé a le soutien de l'armée (il en a été le chef d'état-major de 1997 à 2001), il a été prudent en gardant le portefeuille de la défense puis en nommant son fils Jean-François Bozizé directeur du cabinet chargé de la gestion du ministère de la défense. Il a gardé son vieil ami le général Antoine Gambi comme chef d'état-major. Du fait de l'échec de l'endiguement de la rébellion profonde au nord du pays, Gambi a été remplacé en 2006 par un ancien ami de Bozizé de l'académie militaire, Jules Bernard Ouandé.

Aujourd'hui, les Forces armées centrafricaines souffrent d'un manque d'institution et dépendent de l'aide internationale. Son manque de loyauté envers le président est mis en évidence par les mutineries de 1996 et 1997 et même depuis cet évènement, elles font face à des problèmes internes.

Les forces assistant Bozizé, en s'emparant du pouvoir en 2003, n'ont pas été payées comme cela avait été promis. Alors, elles se sont mos à commettre des pillages, terrorisant et tuant les citoyens. Des exécutions sommaires ont lieu avec l'accord implicite du gouvernement. La situation se détériore à partir du début de l'année 2006 et l'armée régulière ainsi que la garde présidentielle exercent des exécutions régulières, de la torture, des meurtres, et d'autres violations des droits de l'homme.

En dehors des Faca, il y a des milices telles que

I Les "libérateurs": Ce sont les ex-rebelles qui ont accompagné Bozizé quand il prend le pouvoir en mars 2003. Ils font maintenant partie de la garde républicaine avec des soldats tchadiens.

I Les Milice du MLPC: Le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) est l'ancien parti politique du président Patassé. Sa milice était déjà active durant les élections de 1993 mais elle est renforcée après les mutineries de 1996 et 1997 (en particulier la milice Karako). Le noyau dur de ses membres consiste en des membres de la tribu Sarah provenant du Tchad et de la République centrafricaine mais durant les mutineries, elle a aussi recrutée de nombreux jeunes gens de Bangui.

I La milice du RDC: Le rassemblement démocratique centrafricain (RDC) est le parti du général Kolingba lorsque celui-ci est au pouvoir durant les années 1980. Sa milice a déclaré avoir des camps à Mobaye et des liens avec la famille Mobutu en RD. Congo.

7. Les rebellions armées

Les rebellions en Centrafrique sont de deux ordres : Les troupes rebelles étrangères et les troupes rebelles nationales. Les rebellions armées nationales sont nées des impacts sur les populations de la pauvreté et de la mauvaise gouvernance.

1. Les troupes rebelles étrangères

I Baba Ladé et le Front populaire pour le redressement (FPR) du Tchad

Au même moment, Baba Ladé (chef rebelle tchadien, général autoproclamé) annonçait le retour de son Front populaire pour le redressement (FPR) en Centrafrique pour négocier avec les autorités de Bangui (et de N'Djamena), et se rendait effectivement à la Force multinationale de l'Afrique Centrale (Fomac) quelques jours plus tard.

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? Joseph Kony et l'Armée de résistance du Seigneur de l'Ouganda

Joseph Kony (né en 1961 à Odek, dans le Nord de l'Ouganda) est le chef des rebelles de l'Armée de Résistance du Seigneur (ou Lord Resistance Army - LRA) qui opèrent entre l'Ouganda et le Soudan du Sud, avec pour principal but de renverser le Président ougandais Yoweri Museveni, et d'installer un système théocratique fondé sur les principes de la Bible et des Dix Commandements. D'origine acholi, Joseph Kony se dit aussi « médium spirituel », et est parfois considéré comme prophète par ses hommes de main.

Son groupe est accusé d'enlèvements d'enfants pour en faire des soldats (on estime que 80 % de la LRA est composée d'enfants soldats), les réduire en esclavage (souvent sexuel pour les jeunes filles) ; mais aussi de nombreux massacres de civils, d'exactions et de nombreuses destructions et pillages réalisés par les troupes de chocs, composées d'enfants soldats.

Le 4 août 2006, après 18 ans de combats dans le Nord du pays, la LRA annonce la cessation unilatérale des hostilités. Depuis, elle ne commet plus d'action en Ouganda, ses éléments ayant été repoussés hors des frontières. Mais ils attaquent les populations en République Centrafricaine, au Soudan du Sud et en République Démocratique du Congo où un massacre de 321 civils a été perpétré mi-décembre 2009 dans la région de Makombo.

Human Rights Watch avait adressé, le 28 mai 2012, une lettre officielle20 au ministre de la Justice centrafricain dans laquelle Human Rights Watch rapporte de nombreux témoignages de Centrafricains ayant été victimes des attaques de la LRA. Le 6 juin, le médecin-chef de la ville d'Obo, dans l'extrême est de la Centrafrique, a été assassiné avec son chauffeur. Traversant une forêt avec sa cargaison de vaccins contre la poliomyélite, leur voiture a été mitraillée puis brûlée. Depuis le lancement de sa nouvelle campagne de violences en 2008, «la LRA a tué plus de 2.400 civils, en a enlevé 3.400 autres, dont beaucoup d'enfants, et a été à l'origine du déplacement de plus de 400.000 personnes de leur domicile», selon HRW, qui dénonce: «Les armées nationales et les Casques bleus des Nations unies ont bien trop souvent laissé des civils terrifiés faire face seuls à la menace».

Joseph Kony

Les lieutenants de la LRA

Les combattants LRA

Joseph Kony, est visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, délivré en 2005. Le 1er juin 2006, le siège d'Interpol publie ses notices le concernant ainsi que quatre autres individus soupçonnés de s'être livrés à des crimes de guerre et à des crimes contre l'humanité.

20 En voici un qui montre à quel point les membres de l'organisation sont dangereux, et dépourvus de scrupules: «A Lengo, à 10 kilomètres de Bakouma, des combattants de la LRA ont tué un pêcheur près de la rivière le 23 juin. Le même jour, ils ont frappé un charpentier âgé avec une baïonnette avant de le décapiter. Alertée par des coups de feu, sa femme est sortie en courant de la maison et a trouvé le corps de son mari. Alors qu'elle pleurait à côté du corps, les combattants de la LRA sont revenus, ils ont battu la vieille femme et l'ont forcée à les conduire jusqu'à sa maison où ils ont pillé tous les biens. Les combattants l'ont ensuite obligée, ainsi que trois hommes de Lengo, à transporter les biens volés dans la forêt. Elle a, plus tard, réussi à s'échapper.»

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Le 24 septembre 2013, les autorités centrafricaines et le Secrétariat général des Nations-Unies ont annoncé que les rebelles de la LRA de Joseph Kony ont décidé d'arrêter leur rébellion.

2. La coalition "Séléka21"

Il s'agit d'une coalition de plusieurs mouvements politico-militaires connus et de groupes de création plus récente. Tous ces mouvements politico-militaires ont pour objectif commun la chute du président François Bozizé. Ils se sont ainsi très récemment rassemblés dans la tristement célèbre "coalition "Séléka" qui est coiffée par une structure composite dans laquelle siègent des mouvements rebelles venus d'horizons différents.

La "coalition Séléka", une organisation dont on sait assez peu de choses, compterait environ 25 000 combattants, dont 10 000 ralliés de la dernière heure au moment du stationnement à Damara et de la prise de Bangui le 24 mars 2013. Nombre de ces hommes n'obéissent qu'à leurs chefs directs, qui se sont taillé des fiefs en province et à Bangui. Le chef qui fait la différence au sein de ce mouvement est Michel Djotodia, ancien diplomate et fondateur de l'UFDR, ainsi que son porte-parole Djouma Narkoyo et Eric Massi, le fils de Charles Massi, un ministre du président Bozizé ayant fait défection et tué. Ces personnes ne sont pas connues sur la scène politique centrafricaine. Ce sont des personnalités à la marge, qu'on imagine mal s'installer dans la capitale dont ils ne connaissent pas les élites.

En principe, les zones d'occupation des différentes factions rebelles étaient à l'origine les suivantes : y' Les préfectures de l'Ouham-Pendé, Nana-Gribizi et Ouaka étaient occupées par l'APRD, le FDPC et le FPR),

y' Les préfectures de Bamingui-Bangoran, Vakaga et Haute Kotto étaient occupées par l'UFDR22 et le CPJP),

y' Les préfectures de Mbomou et de la Haute Kotto étaient sous la coupe de la LRA,

21 Séléka : coalition, en sango (la langue usuelle en République centrafricaine)

22 L'UFDR est composée en majorité des combattants de l'ethnie goula.

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Autour de ces différentes factions rebelles, gravitent : La Convention Patriotique du Salut du Kodro (CPSK)23, et l'Alliance pour la Renaissance et la Refondation (A2R). Certaines troupes comptent dans leurs rangs des combattants centrafricains (civils et ex-militaires) mais également des archers peulhs et des mercenaires soudanais et tchadiens.

V' La Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix

Créée à la fin de l'année 2008, la CPJP24 est présidée par le général Noureddine Adam. Le mouvement opérait pour l'essentiel dans le Nord-Est. Son aile politique était dirigée par le médecin militaire Charles Massi25. Son fils Eric Neris Massi fait office, depuis Paris, de porte-parole et coordonnateur international de la Seleka. Aujourd'hui, la troupe est fractionnée en six tendances dont l'aile Mahamat Sallet, l'aile Habakar Hussein, etc.

Noureddine Adam

V' Le Front Démocratique du Peuple Centrafricain

Le FDPC, du très controversé chef de guerre Martin Koumtamadji (alias Abdoulaye Miskine). Ce proche de l'ancien président Ange-Félix Patassé qui s'était rapproché ces dernières années de Bozizé a, semble-t-il, hésité avant de rallier la Séléka, le 21 décembre dernier. Le FDPC s'est fait connaître à la fin de l'année 2008 et début 2009 en lançant des attaques meurtrières contre les Forces armées centrafricaines (FACA).

Abdoulaye Miskine

V' L?Union des Forces Démocratiques pour le Rassemblement

Créée en septembre 2005, l'UFDR opérait essentiellement, avant la dernière offensive vers Bangui, dans les préfectures arabophones de Vagata et Haute Kotto, dans le Nord-Est. Son commandement opérationnel était assuré par le "capitaine Yao", de son vrai nom Damane Zacharia, aujourd'hui brouillé avec son patron Michel Am Nondroko Djotodia26. On retrouve dans l'UFDR certains des hommes qui ont aidé François Bozizé à renverser Ange-Félix Patassé en 2003, mais que les promesses non tenues du pouvoir et le non-respect des accords de paix de 2007 ont mécontentés.

23 Kodro signifiant pays, en sango

24 La CPJP est constituée essentiellement des combattants d'ethnie rounga.

25 Ancien ministre, mort probablement sous la torture en janvier 2010, quelques semaines après avoir été arrêté à la frontière avec le Tchad et livré aux autorités centrafricaines

26 Leader de l'UFDR, Michel Djotodia est un ancien fonctionnaire du ministère du Plan, puis des Affaires étrangères, et ex-consul à Nyala (capitale du Sud-Darfour au Soudan).

Michel Am Nondroko Djotodia

V' La Convention patriotique du salut du kodro

La CPSK a été créée en juin 2012. Son fondateur, Mohamed-Moussa Dhaffane, en est devenu le président. Le général autoproclamé Dhaffane fut président ad hoc de la Croix-Rouge centrafricaine, puis membre de la CPJP, qu'il quitta pour créer son propre mouvement.

 

Mohamed-Moussa Dhaffane

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V' L?Alliance pour la Renaissance et la Refondation

L'A2R est une structure clandestine, regroupant des vrais officiers de la FACA, des cadres et acteurs économiques, hostiles au régime Bozizé. L'A2R s'est adhérée à la coalition vers la fin décembre 2012.

La Coalition Séléka a très vite réussi à contrôler des villes dans le nord du pays car l'appareil d'Etat n'est pas présent, surtout dans l'est du pays. Fort de ses victoires, le mouvement a été rallié par des groupes marginaux, une partie de la garde présidentielle composée de Tchadiens postés dans la zone frontalière ayant longtemps vécu en Centrafrique ainsi que des rebelles soudanais du général Moussa Assimeh qui a rejoint la coalition Séléka en novembre 201227. La Séléka a réussi à traverser le pays en direction de la capitale. Depuis le déclenchement des hostilités le 10 décembre 2013, la Séléka a progressé sans rencontrer de résistance. Les victoires se sont enchaînées jusqu'à la conquête du pouvoir de Bangui, le 24 mars 2013. Avant de prendre d'assaut la ville de Bangui, la capitale de la RCA, la Séléka a, occupé successivement les villes de :

1. Ndélé et Bamingui (dans la préfecture de Bamingui-Bangoran),

2. Bria et Sam- Ouandja (dans la préfecture de la Haute-Kotto),

3. Ouadda (dans la préfecture de la Vakaga),

4. Kabo et Batangafo (dans l'Ouham),

5. Mbrès et Kaga-Bandoro (dans la Nana-Gribizi),

27 Le général Moussa Assimeh est l'un des chefs militaires rebelles ayant aidé Michel Djotodia à renverser le pouvoir de François Bozizé le 24 mars. Il se réclame de nationalité centrafricaine, mais est en réalité un ancien colonel soudanais au Darfour (vaste province occidentale du Soudan en proie à un long conflit armé avec le pouvoir de Khartoum), recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. A Bangui, il avait installé son camp dans la base des sapeurs-pompiers centrafricains qu'il occupait depuis l'entrée de l'ex-rébellion de la Séléka à Bangui. Par la suite, Michel Djotodia lui avait confié la responsabilité des opérations de désarmement et de réquisition des véhicules volés par les ex-éléments de la Séléka dans la ville de Bangui. Plusieurs sources le décrivent comme le "chef des bandits" et le principal orchestrateur du pillage de la ville. A la dissolution de la Séléka, il a opté de quitter Bangui pour s'installer à Birao (nord) accompagné de 15 éléments de sa garde. La France a exigé son rapatriement et celui de tous ses combattants vers le Soudan.

6.

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Bakala, Yppi, Bambari, Kouango (dans la Ouaka),

7. Sibut et Dékoa (dans la Kémo),

8. Alindao et Kembé (dans la Basse-Kotto), et enfin

9. Bangassou (dans le Haut Mbomou).

Le 29 mai 2013, le Procureur de la République a annoncé un mandat d'arrêt international contre Bozizé, qui a fui la RCA. Des informations récentes indiquent qu'il se trouve à Paris en France après avoir transité par le Cameroun.

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L'AMPLEUR DE LA CRISE

Le 24 mars 2013, les populations centrafriques sont passées du mal au pis.

Sous le règne du général-président F. Bozizé

La question sécuritaire en République centrafricaine sous le régime du Général François Bozizé a atteint un niveau de préoccupation jamais égalé28. Les dysfonctionnements et l'état de délabrement avancé de l'armée nationale ont favorisé la déroute des FACA et par conséquent la prise de pouvoir d'Etat à Bangui par les rebelles de la Coalition Séléka.

Selon le classement de Transparency International sur la perception de la corruption dans le monde, la RCA a occupé le 154e rang sur 178 pays en 2010. Des pans entiers de l'économie échappent au fisc et sont gérés par des oligarques inféodés au pouvoir. Aucun secteur de notre économie n'est épargné par la mauvaise gouvernance :

y' L'agriculture s'est effondrée, forçant des centaines de milliers de paysans à un retour à l'économie de troc ;

y' Le secteur minier est devenu le lieu privilégié de pratiques illicites au profit de la nomenklatura intiment liée au pouvoir.

En mars 2012, une mission d'évaluation sanitaire conduite par l'International Médical Corps (IMC) à Birao (nord-est de la RCA) avait annoncé que dans les régions visitées, les maladies endémiques telles que le paludisme, la diarrhée, les infections respiratoires aiguës (IRA), les infections sexuellement transmissibles (IST/VIH), la malnutrition aiguë, les complications de grossesses sont les causes du taux de mortalité estimé à 0,07 décès pour 10 000 habitants. A cause de l'absence de stratégies de contrôle, les maladies de l'enfance pouvant être prévenues par la vaccination, comme la méningite aiguë, avait causé quatre décès en deux mois (janvier et février 2012) dans cette région.

Les indicateurs sociaux placent la RCA parmi les pays les moins développés au monde. Le Rapport mondial 2009 sur le développement humain du PNUD classe la RCA au 179e rang sur 182. En outre, les données les plus récentes en provenance des enquêtes auprès des ménages indiquent que 62 % de la population vivaient sous le seuil de pauvreté en 2008. La moyenne nationale masque d'importantes disparités, l'incidence de la pauvreté étant plus élevée (69,4 %) dans les zones rurales qui rassemblent 62,8 % de la population. Cette tendance se reflète dans d'autres indicateurs de santé : l'espérance de vie est passée de 50 ans dans les années 90 à 45 ans en 2007. La mortalité maternelle, estimée à 543 pour 100 000 naissances vivantes en 2007, reste très élevée ; le taux de prévalence du VIH/SIDA, de 6,2 % en 2005 pour la tranche d'âge des 15-49 ans, est important même s'il est très inférieur aux taux de plus de 10 % observés dans plusieurs autres pays d'Afrique méridionale ; les taux de mortalité infantile et maternelle ont progressé au fil du temps.

Les exactions des Faca (forces Armées Centrafricaines)

Un Article du quotidien Médias Plus N°689 du Mardi 12 Février 2013 rapportant un extrait du rapport de Human Rights Watch relate : « Depuis décembre 2005, les forces gouvernementales, en particulier la GP (garde présidentielle) ont été pratiquement les seules responsables de l'incendie de plus de 10.000 habitations dans le nord-ouest de la RCA. Des centaines de villages ont été détruits à travers de vastes étendues du nord-ouest du pays. Les troupes arrivent dans les villages et tirent au hasard sur la population civile, forçant les habitants à fuir avant de réduire en cendres leurs maisons, les pillant parfois au préalable.

28 Selon l'opposition politique : « Pourtant à la tête de l'Armée centrafricaine depuis plusieurs années avant de devenir Président de la République, le Général François Bozizé a, plus que tous, montré les limites de ses capacités à restructurer l'armée et à la rendre opérationnelle. Les maux qui gangrènent aujourd'hui notre armée, à savoir le tribalisme, le clanisme, la politique, l'affairisme, la corruption et la distribution complaisante des grades sont de sa responsabilité sinon de son fait ».

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En décembre 2005, les forces de la GP ont incendié de 500 à 900 maisons dans la région de Markounda. Dans la région de Batangafo-Kabo-Ouandago-Kaga Bandoro, Human Rights Watch a recensé 2.923 habitations incendiées, dont plus de 1 000 rien que dans le large bourg de Ouandago. A certains endroits, chaque maison de chaque village avait été incendiée, sans exception. De même, des destructions à grande échelle peuvent être constatées tout autour de la ville de Paoua, sur toute la route vers l'est menant à Nana Barya soit des centaines de kilomètres de villages détruits par les forces de sécurité gouvernementales.

La tactique de représailles et de contre-insurrection des forces de sécurité centrafricaines a affecté la vie de plus d'1 million de personnes, et on estime à 212 000 le nombre de civils forcés d'abandonner leurs habitations situées en bord de route et d'aller vivre au plus profond de la brousse, trop effrayés de retourner dans leurs villages incendiés en cas de nouvelles attaques. Soixante-dix-huit mille (78.000) autres ont cherché refuge dans les pays voisins, le Tchad et le Cameroun. Le degré de peur qui règne parmi les civils dans le nord de la RCA est palpable. Dans bon nombre de zones, on n'aperçoit tout simplement personne, les habitants se cachant bien loin. Au son des voitures qui approchent, tous prennent la fuite, laissant sur place leurs biens, abandonnant même parfois des bébés dans leur précipitation. Les conditions de vie des déplacés sont extrêmement déplorables. Ils n'ont pas accès à l'eau propre, manquent souvent cruellement de denrées alimentaires, et leurs abris fortement dispersés se trouvent hors d'atteinte de la communauté humanitaire. Les infrastructures éducatives ont été fermées et hormis les cliniques mobiles gérées par des organisations internationales dans certaines régions, les soins de santé sont inexistants.

Les exactions des rebelles

Dans le nord-ouest, les rebelles de l'APRD se sont livrés à des extorsions généralisées, à la perception forcée d'impôts, à des enlèvements pour réclamer une rançon et à des passages à tabac de civils, en particulier dans la région de Batangafo-Kabo-Ouandago située dans la province d'Ouham. Dans cette zone, surtout sur l'axe Batangafo-Ouandago, presque tous les villages ont été systématiquement dépouillés de tout leur bétail, et les chefs de village ont fréquemment été enlevés en vue d'une rançon. Les rebelles de l'APRD comptent également un grand nombre d'enfants soldats dans leurs rangs, dont certains n'ont pas plus de 12 ans. Des commandants de l'APRD ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils étaient prêts à démobiliser les enfants soldats si la sécurité de ces enfants après la démobilisation pouvait être garantie. Lors de ses recherches sur le terrain, Human Rights Watch a relevé une exécution sommaire imputable à l'APRD (celle de Mohammed Haroon en juin 2006, à Gbaïzera) mais aucun cas de maisons incendiées par le groupe n'a été identifié29. Le 11 juin 2007, des rebelles de l'APRD ont tiré sur un véhicule de l'organisation internationale humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF), tuant Elsa Serfass, une infirmière de MSF30. Les recherches effectuées par Human Rights Watch ont révélé que dans le nord-est, les rebelles de l'UFDR ont perpétré des exactions généralisées à l'encontre de la population civile. Lors d'attaques de villages et de villes, ils ont souvent tiré aveuglément sur les civils en fuite, abattant ainsi des personnes illégalement.

Parallèlement, des rebelles de l'UFDR se sont rendus responsables d'exécutions sommaires de civils capturés. D'octobre à décembre 2006, les rebelles se sont livrés massivement au pillage des biens et du bétail de la population civile dans les zones qu'ils contrôlaient. Des allégations de viol ont également été lancées à l'encontre des rebelles de l'UFDR. Mais Human Rights Watch n'a pu documenter qu'un seul cas, celui d'une femme violée par cinq rebelles de l'UFDR lors de leur capture de Birao pendant une courte période en mars 2007. De même, l'UFDR compte des enfants soldats dans ses rangs dont certains d'entre eux avaient été recrutés de force ».

29 Human Rights Watch n'a reçu aucun autre élément crédible émanant d'organisations locales ou internationales de défense des droits humains ou de journalistes à propos d'exécutions sommaires ou d'incendies de villages imputables aux rebelles de l'APRD.

30 Certes, l'APRD a immédiatement présenté ses excuses pour l'incident, déclarant qu'il s'agissait d'une «erreur», mais il n'en reste pas moins que les personnes responsables devraient répondre de leurs actes.

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Sous la "Coalition Séléka"

Aux dires de certains observateurs internationaux : « Ce n'est pas encore la Somalie, mais il est clairement établi que les seigneurs de guerre s'organisent en fiefs et prélèvent des taxes sur les pauvres populations, sur les ressources disponibles, sur les services de l'Etat ». En effet, en dehors de la capitale, Bangui, où elle reste néanmoins fragile, l'autorité de l'État a pratiquement cessé de s'exercer dans le pays.

Une situation socioéconomique alarmante

Le Centrafrique a aujourd'hui la 2e espérance de vie la plus faible du monde (47 ans) et un taux de mortalité trois fois supérieur au seuil qui définit une urgence humanitaire.

En juin 2013, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) a dénombré 206.000 personnes déplacées et près de 50.000 Centrafricains réfugiés en RD. Congo (RDC), au Tchad et au Cameroun. Ce qui provoque une situation sanitaire très difficile dans la sous-région.

Les déplacés de Centrafrique

Monsieur Mego Terzian, Président de l'ONG internationale Médecins Sans Frontières (MSF) a rapporté que : « Les Centres médicaux (en RCA) sont abandonnés et il n'y a plus d'approvisionnement en médicaments y compris pour les traitements de base contre la diarrhée et le paludisme. De plus, plusieurs patients séropositifs ne sont plus soignés, faute de traitement disponible »31. Les maladies comme le paludisme, la diarrhée, les infections respiratoires aigües, la malnutrition, sont signalées dans toutes les grandes villes du pays. Plusieurs cas de décès chez les mineurs dont l'âge varie entre zéro et cinq sont enregistrés.

Une situation alimentaire chaotique

Sur le plan alimentaire, la majorité des Centrafricains ne mangent qu'une seule fois par jour, à cause de la cherté de la vie. Au début du mois de mai 2013, plus de 45 000 personnes ont été victimes d'une crise alimentaire dans la préfecture de la Vakaga (nord-est). Mais seulement environ 11 000 personnes ont bénéficié d'une aide alimentaire de la part des ONG internationales et des agences du système des Nations-Unies. L'ONG internationale Action contre la faim (ACF) évoque une situation alimentaire déplorable, par la voix de son directeur régional Alain Coutant: "Nous recensons deux fois plus d'admissions dans nos Centres nutritionnels en 2013." Un constat partagé par Bérangère Tripon de l'ONG Solidarités international (SI) qui évoque "un élargissement des populations touchées par la précarité alimentaire dans un contexte de mauvaise récolte et de pillage des semences". Si bien que les réserves alimentaires des populations sont réduites à un mois. En cas de pénurie, elles mangent les semences telles quelles.

31 Plusieurs Centres de santé ne disposent pas de matériels adéquats et des médicaments pour prendre en charge certaines maladies.

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Crise humanitaire

Situation sanitaire

Selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), toute la population de République centrafricaine subit une crise humanitaire. Environ 173.000 Centrafricains ont été déplacés depuis décembre 2012 ; 49.000 se sont réfugiés dans les pays voisins.

Le Monde.fr et AFP du 04 janvier 2013, publient : « Un nombre croissant d'enfants sont recrutés par les rebelles mais aussi par les milices progouvernementales en Centrafrique. Selon monsieur Souleymane Diabaté, représentant de l'Unicef en Centrafrique, environ 2.500 enfants (filles et garçons) se retrouvaient déjà dans des groupes armés avant même que le conflit n'éclate. Depuis lors, cette pratique, qui constitue "une grave violation des droits des enfants", a pris de l'ampleur. Ces jeunes, notamment ceux séparés de leurs familles, sont obligés de combattre, de transporter des fournitures ou abusés sexuellement. Pour l'Unicef, « plus de 300.000 enfants ont déjà été affectés par les violences, ce qui les rend plus vulnérables aux enrôlements comme soldats ».

En mars 2013, l'ONU dénombrait 3,2 millions de personnes privées d'accès aux soins sanitaires et 80.000 touchées par la malnutrition.

L'insécurité et le manque de paix

Selon Kristalina Georgieva, Commissaire européenne à l'aide humanitaire : « Je me trouvais en République centrafricaine, à Kaga Bandoro, une localité de 26.000 habitants qui vivent encore dans la peur après le soulèvement de la Séléka (une coalition de factions de rebelles dont certaines recrutent des enfants soldats) au début de cette année. La zone a été mise à sac, des femmes ont subi des viols et des meurtres ont été commis. Pour ces 4,6 millions de personnes, l'avenir est incertain ».

Dans un rapport intitulé « `'Je peux encore sentir l'odeur des morts`' : La crise oubliée des droits humains en République centrafricaine » de Human Rights Watch32, publié le 18 septembre 2013, on peut y lire que la Séléka a tué plusieurs dizaines de civils non armés. Elle a également participé à la destruction de nombreux foyers et villages. Le Rapport décrit les meurtres délibérés de civils - y compris de femmes, d'enfants et de personnes âgées - entre mars et juin 2013, et confirme la destruction délibérée de plus de 1 000 maisons dans la capitale, Bangui, ainsi que dans les provinces33.

32 Human Rights Watch a mené des recherches approfondies dans le pays du mois d'avril au mois de juin, dont de nombreux entretiens avec des victimes, des proches de victimes et des témoins. Les chercheurs ont réuni des témoignages détaillés d'attaques à l'encontre de civils à Bangui et dans les provinces.

33 Selon Human Rights Watch, à Bangui:

I La Séléka a tué 17 personnes dans le quartier Damala de Bangui le 27 mars 2013 ;

I Le 13 avril, un véhicule de la Séléka a foncé dans un cortège funèbre. Les personnes en deuil, furieuses, ont jeté des pierres sur la Séléka, dont les membres ont ouvert le feu sur la foule, tuant au moins 18 civils sur le pont de Ngaragba près des quartiers d'Ouango et de Kassai ;

I Les 13 et 14 avril, la Séléka a mené une vaste opération de pillage dans le quartier Boy-Rabe de Bangui, tuant des dizaines de civils, dont des enfants ;

I Le 15 avril, les forces de la Séléka ont contraint 09 hommes suspectés d'être d'anciens soldats à monter dans un véhicule et les ont conduits à la rivière M'Poko, à l'extérieur de Bangui. Des membres de la Séléka ont sommairement exécuté 05 d'entre eux. Les survivants ont décrit à Human Rights Watch étape par étape comment ils ont été conduits à

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De nombreux villageois ont dû fuir leurs foyers et vivent dans la brousse, craignant de nouvelles attaques. Human Rights Watch a documenté les décès d'un grand nombre de personnes suites à des blessures, à la faim ou à la maladie. Toutes les écoles ont fermé leurs portes. La situation empire depuis avril 2013, laissant le pays s'engluer dans l'instabilité politique. Monsieur Jens Lenke, un porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), affirme que « Quelque 316.000 personnes vivent dans les régions touchées par les violences, et environ 700.000 autres à Bangui risquent de se voir affectées par une escalade des combats. Des informations font aussi état de la fuite de personnes qui se réfugient au Cameroun et en République démocratique du Congo (RDC) ».

La Séléka34 n'a pas enquêté sur les exactions commises par ses propres membres ni n'a poursuivi ces derniers en justice. Au lieu de cela, elle a cherché à obtenir justice pour des crimes commis par l'ancien gouvernement35.

Risque de conflit confessionnel

Selon un Rapport du PNUD36 de 2005, la population de la de RCA est estimée à 4,2 millions d'habitants, divisée en près de 80 groupes ethniques, la plupart ayant leur propre langue en dépit du développement du sango comme langue véhiculaire commune, et en quatre groupes religieux principaux. Après la traite des esclaves qui a sévi en Centrafrique entre le XVIe et le XIXe siècles, la cohabitation entre le christianisme (85 % de la population), l'islam (10 % de la population) et l'animisme (3 % de la population) a commencé depuis le XIXe siècle, avec l'arrivée des colons français en 1897 dans les parties Nord et Nord-Ouest de l'Oubangui Chari. Depuis ce temps, les communautés issues de ces confessions religieuses ont mené une vie sociale et culturelle pacifiques et conviviales malgré leurs divergences confessionnelles, socioculturelles et des frictions sporadiques.

Certes, la majorité des détenus de Guantanamo à Bossembélé étaient des musulmans du nord accusés d'être des rebelles. Mais c'est depuis le changement politique intervenu dans le pays le 24 mars 2013 que la tension et les affrontements confessionnels ont pris une tournure plus inquiétante. Pour la première fois, la cohabitation confessionnelle a dégénérée entre la minorité musulmane (dont est issue la majorité du commandement de la Séléka) et les chrétiens.

Tout à commencer le 11 janvier 2013 par des affrontements à Batangafo (Nord de la RCA) entre chrétiens et musulmans. Ensuite, les 7, 8 et 9 février 2013 par la mise à sac et la profanation des églises catholiques de Mobaye ensuite de Bangassou (Sud-Est de la RCA) par une colonne de la Coalition Séléka. Ensuite, les tueries, pillages et viols ne semblent être perpétrés par les rebelles de la Séléka que contre les populations bantoues et contre les chrétiens ; En dehors des minorités peulh dont les enfants et parents sont régulièrement kidnappés en vue de demande de rançon, les populations musulmanes ne sont que très rarement inquiétées.

la rivière, mis en ligne et préparés pour l'exécution jusqu'à ce qu'un membre de la Séléka se rende compte que les hommes n'avaient en fait pas été soldats sous Bozizé et épargne ceux qui n'avaient pas encore été tués.

À l'extérieur de la capitale et hors de portée de la petite force de maintien de la paix de l'Union africaine :

? Plus de 1 000 maisons ont été détruites dans au moins 34 villages dans le nord du pays, entre février et juin ;

? Une autorité autoproclamée de la Séléka a coordonné les meurtres de 05 hommes qui ont été ligotés avant d'être exécutés.

34 Human Rights Watch : « Les dirigeants de la Séléka ont promis un nouveau départ pour le peuple de la République centrafricaine, mais au lieu de cela ils ont mené des attaques à grande échelle contre des civils, se livrant à des pillages et à des meurtres. Pire encore, la Séléka a recruté des enfants, dont certains n'ont pas plus de 13 ans, pour commettre certains de ces actes horribles. La République centrafricaine connaît véritablement une crise ignorée en ce qui concerne la situation humanitaire et des droits humains. Chassés de leurs foyers par la Séléka, un nombre incalculable de personnes vivent dans la brousse dans des tentes fabriquées à partir d'arbustes et de feuilles. »

35 Lors d'entretiens avec Human Rights Watch, des représentants du gouvernement de transition, dont beaucoup d'anciens dirigeants de la Séléka, y compris le président par intérim, Michel Djotodia, ont minimisé l'ampleur des massacres, affirmant que la plupart étaient l'oeuvre de "faux Séléka" ou des partisans de Bozizé.

36 PNUD, Rapport mondial sur le développement humain. La lutte contre le changement climatique : un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé, rapport 2007-2008 (chiffres de 2005).

La goutte d'eau qui a fait déborder le vase se sont les récents évènements de la province de Bossangoa (à 250 km au nord-ouest de Bangui - fief de l'ex-président F. Bozizé).

En effet, lors d'une déclaration au palais présidentiel à Bangui, le Chef de l'Etat de transition, Michel Djotodia37, a évoqué la situation dans la région de Bossangoa où de violents affrontements entre forces du nouveau régime et partisans du général Bozizé ont fait près de 100 morts. Selon lui : « Il n?y a eu aucun combat dans la région de Bossangoa. Les assaillants sont plutôt venus avec un objectif précis : s?en prendre à un groupe donné de la population et faire des civils des boucliers humains en cas de riposte des forces de défense et de sécurité ».

« Des familles de confession musulmane ont été massacrées, des maisons et des greniers incendiés, poussant la population civile à fuir, pour se réfugier en brousse. En représailles, des personnes innocentes ont été tuées », s'est insurgé le Premier Ministre, Me Nicolas Tiangaye, lors d'une conférence de presse.

Michel Djotodja Nicolas Tiangaye

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Afin de faire face à ce risque de guerre de religion, lorsque la Coalition Séléka dans sa progression vers Bangui avait été bloquée par la ligne rouge fixée à Sibut (Centre-Est), une délégation des religieux avait pris le devant des choses pour prêcher la paix et la concorde nationale. Cette initiative a été suivie par des campagnes et des séminaires de sensibilisation des populations, des leaders d'opinion et des autorités locales. Par la suite, un appel pour la « paix et la réconciliation nationale en République centrafricaine » a été signé à Rome entre la Communauté de Sant'Egidio, et des membres du gouvernement de transition, responsables religieux et représentants de la société civile de Centrafrique. Ce "pacte républicain", une sorte de code éthique selon le président de Sant'Egidio, Marco Impagliazzo, sera présenté dans les prochains jours, à Bangui, au président et au chef du gouvernement centrafricain pour être approuvé. Il met l'accent sur la sécurité des citoyens, subordonnée au nécessaire désarmement des Séléka.

En réalité, il n'y a pas un conflit confessionnel en Centrafrique mais plutôt des affrontements intercommunautaires que les certains hommes politiques ont tenté la récupération. Tous les rebelles de la Séléka ne sont pas des musulmans et tous les musulmans ne sont pas des rebelles de la Séléka. Mis à

37 Michel Djotodia est le premier Président musulman d'un pays très majoritairement chrétien.

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part son objectif affiché, la chute du président F. Bozizé, la crise qui prévaut n'a aucun contenu confessionnel, ni idéologique, meme si certains évoquent la présence dans les rangs de la Coalition Séléka des éléments salafistes liés à l'alqaida.

Risque de contagion de la sous-région

Les troubles et crises en RCA sont susceptibles de non seulement de traverser les frontières des pays voisins, mais aussi d'ameuter les djihadistes et autres mercenaires.

Au niveau de la sous-région d'Afrique centrale, il y a déjà trois zones de risques :

V' Au Nord, la situation du Tchad, qui a déjà connu des périodes de conflits, bien que calme pour l'instant, est menacé par tous ces conflits à ses frontières: Libye, Mali, Nigeria et Soudan du Sud ; V' A l'Ouest, le Cameroun essuie régulièrement les contrecoups de cette crise ;

V' Au Sud, la RDC (Congo Démocratique) est une vaste étendue presque totalement non gouvernée.

Les chefs d'état d'Afrique centrale

Les problèmes de la République centrafricaine sont certes considérables, mais ils n'ont pas la même ampleur que ceux de son gigantesque voisin congolais, ce qui devrait inciter à y remédier maintenant, pour faire en sorte que le cancer du non-droit ne se propage pas au-delà d'autres frontières. Dans ces circonstances, les forces et le mandat de la MICOPAX étaient manifestement insuffisants pour assurer la protection de la population. Parmi ses 1000 éléments présents en RCA au moment de la mission, le contingent tchadien le plus important en nombre ne rassurait pas la population. Et les seules trois garnisons de province, à Paoua, Kaga-Bandoro, et Ndele, avaient un rayon d'action territoriale beaucoup trop limité. Quant aux soldats français de l'opération Boali, ils ne patrouillaient qu'à Bangui et leur mandat est restreint à la sécurité de l'aéroport et des ressortissants français. Le déploiement annoncé des 3650 éléments de la MISCA en remplacement de la MICOPAX est salué par la population comme un véritable effort de l'Union africaine pour s'attaquer au problème de la RCA. Mais en l'absence d'implication de la communauté internationale dans son ensemble, il ne peut en l'état satisfaire les exigences liées à la sécurité de la population.

Comment vit-on aujourd'hui en Centrafrique ?

La situation en République centrafricaine (RCA) aujourd'hui se caractérise par l'effondrement de l'Etat dû à l'insécurité, le manque de paix et la misère sociale38.

Les institutions de la République existent : Le pouvoir exécutif composé d'un Présidence de la République de transition et d'un gouvernement d'union nationale et de transition dirigé par un Premier Ministre, Me Nicolas Tiangaye. Le pouvoir législatif, dénommé Conseil National de Transition (CNT)

38 http://www.rfi.fr/afrique/20130414-rca-boy-rabe-pillage-seleka-population

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est mis en place. Une Charte de la transition (Loi fondamentale du pays pour cette période transitoire) a été adoptée par le CNT. Tous les observateurs s'accordent pour reconnaitre que l'entente est minée entre le Chef de l'Etat de transition et son Premier Ministre. C'est ainsi que (1) plusieurs décrets émanant de la présidence de la République ne portent pas le contreseing du Chef du gouvernement comme le prévoit la Charte de la transition (Loi fondamentale du pays pour cette période transitoire) ; (2) Les évènements de Boy-Rabé (des tueries commises par des éléments de la Séléka sur les habitants accusés d'être acquis au président déchu F. Bozizé) ont mis en lumière les couacs qui persistent à la tête de l'exécutif.

L'Administration fonctionne au ralenti. Elle presqu'inexistante dans les provinces. Les moyens des forces de l'ordre centrafricaines sont insignifiants. "C'est l'indigence totale. La police a quatre véhicules dont deux en panne, la gendarmerie en a quatre opérationnels, nous avons cinq talkies-walkies et pas une armurerie digne de ce nom", déclare Josué Binoua39, le nouveau ministre de la sécurité40. Faute de sécurité, les fonctionnaires hésitent à regagner leurs postes d'affectation. Les bureaux administratifs sont occupés par les éléments de la Séléka. Les écoles, les hôpitaux et les services publics sont désertés. Beaucoup entreprises privées ont été systématiquement pillées ; Les autres fonctionnent a minima. Les infrastructures sociales (routes, ponts, etc.) sont abandonnées en état de délabrement. Les services sociaux de base n'existent presque plus. Le cout de la vie ne cesse de renchérir alors que la pauvreté monétaire et la pauvreté humaine se généralisent davantage.

Le 20 août 2013, à Boy-Rabé (dans le 4e arrondissement de Bangui), sous couvert d'une opération de désarmement, les anciens rebelles de la Séléka ont opéré une véritable razzia. Ils ont mis les notables du quartier à genoux, les a menacé de leurs armes avant de piller de nombreux domiciles : Argent, matelas, télévision, vivres, téléphones portables, réfrigérateur, etc. ils ont tout a été emporté. Le pillage a été systématique mais, plus grave, il a été accompagné d'exécutions sommaires. La nuit venue, ces éléments mènent des "opérations hiboux". Un chef de quartier raconte41 : « Il y a une semaine, les Séléka sont venus en civil pour enlever un jeune militaire. Quand ses parents sont allés à la police, on lui a dit qu'il avait été déporté chez un certain colonel Ali qui demande une rançon pour le libérer. Aujourd'hui encore, il n'est pas réapparu ».

Face à la multiplication des exactions commises par les ex-rebelles, une partie de Bangui a commencé à réagir. Le 27 août, environ 5 000 résidents du quartier Boeing (dans le 5e arrondissement de Bangui) ont envahi l'aéroport pourtant sécurisé par 400 soldats français. "Le président Djotodia a senti le coup de semonce, que le ras-le-bol général de la population pouvait l'emporter", raconte un officier africain.

Aeroport de Bangui envahi

Les réfugiés dans l?Evêché de Bossangoa

39 Ce transfuge de l'ancien régime, il occupait les mêmes fonctions sous François Bozizé, déborde d'énergie, n'est jamais avare d'un bon mot, mais ses changements de cap laissent pantois.

40 En janvier, José Binoua accusait les rebelles, qui sont dans leur immense majorité musulmans, d'être des terroristes d'Al-Qaida et aujourd'hui, il coordonne les opérations de désarmement des combattants de la Séléka avec le général Moussa Assimeh, un ancien colonel de l'armée soudanaise devenu général centrafricain.

41 LE MONDE | Mis à jour le 25.09.2013 à 21h30 | Par Cyril Bensimon (Bangui, envoyé spécial)

A l'intérieur du pays, la situation humanitaire est déplorable et les chefs de guerre, qui, le plus souvent, ne répondent qu'à eux-mêmes et ne se soucient que de leur propre intérêt, font régner leur loi dans le sang. Michel Djotodia, qui devra théoriquement rendre le pouvoir à un président élu début 2015, se retrouve désormais face à une équation quasi insoluble. Si ce dernier ne prend pas ses distances avec "ses généraux", la Centrafrique continuera de plonger dans le chaos mais, comme le souligne un diplomate, "sa position est fragile et ceux qui l'ont fait roi peuvent le déposer à tout moment".

Selon Mme Anne-Marie Cluckers, Directrice pays du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) : « le constat est amer. Les bâtiments administratifs dans cette localité sont dévastés, vandalisés et pillés. La population est soumise à des formalités consistant à leur extorquer de l'argent sur les barrières illégales. Ces populations sont également victimes des traitements inhumains et dégradants lorsqu'elles ne parviennent pas à apporter faire face aux amendes imposées. Et cette situation a provoqué chez la population une psychose généralisée. Environ 200 maisons habitations ont été brûlées à Bangassou, Raphaï et Ouango surtout qui est une localité inaccessible par la route. Au regard de témoignages enregistrés sur place, les populations sont soumis aux traitements cruels tels que les coups et blessures, racket, intimidation, etc » 42.

Les populations déplacées Marche pour la paix à Bangui Les anti-Balaka (miliciens)

Nombreux sont les hommes politiques, les responsables des ONGs des droits de l'homme et les cadres et leaders syndicaux qui ont pris le chemin de l'exil au Cameroun pour la plupart, mais également en France et au Bénin. Certains ont trouvé refuge au camp Fomac (Forces Multinationales de l'Afrique Centrale), à l'entrée de l'aéroport international de Bangui M'poko ; D'autres, par des actions clandestines ou publiques, dénoncent sans cesse les pillages, les tueries et autres violences sexuelles dont sont victimes les populations civiles. Mais en fait, les activités politiques et syndicales sont au ralenti. Le dialogue politique et le dialogue social se résument aux concertations sur l'urgence de l'heure : à savoir les questions de sécurité et de paix.

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42 Point de presse, mercredi 18 septembre 2013, à Bangui

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LES PISTES DE SOLUTION

Les centrafricains doivent se parler et s'unir pour reconstruire la paix dans leur propre pays

Les éléments de l'ancienne Coalition Séléka doivent de gré ou de force mettre fin immédiatement aux meurtres et aux pillages, et être intégrés dans le programme DDR. Les autorités doivent prendre leur responsabilité en vue rétablir l'ordre et la sécurité sur l'ensemble du territoire.

L'accompagnement de la communauté internationale

Depuis le déclenchement de la crise en RCA, on assiste à un certain désintérêt de la communauté internationale43. L'insécurité est invoquée pour justifier l'inertie de la communauté internationale. En effet, "Les locaux des Nations Unies ont été pillés et leurs agents malmenés". Outre les bureaux de l'ONU, les "ONG sont pillées et les exactions se multiplient". L'atrocité des combats et la chute de Bangui, la capitale du pays, ont brièvement propulsé la République centrafricaine au coeur de l'actualité internationale. Pourtant, c'est la quasi-invisibilité de ce petit pays situé au milieu d'un océan de troubles et de conflits qui est à l'origine de ces souffrances.

? Jusqu'à quel point la situation doit-elle se dégrader avant que nous n'agissions? ? Comment le reste du monde a-t-il fait pour nous oublier?

Ce sont là quelques questions que se posent régulièrement les centrafricains et centrafricaines qui vivent dans la peur de la mort, qui travaillent sans être payés dans des hôpitaux, sans électricité et sans médicaments, qui n'ont pas de nourriture pour leurs enfants sous-alimentés, et qui sont nombreux à avoir perdu tout espoir.

Et la France ?

Les populations s'indignent de l'inaction française: "Où est la responsabilité de protéger ? C'est bien sous cette bannière que sont intervenus les Français en Lybie et au Mali. Les troupes sont sur place mais les instructions envoyées par Paris les cantonnent à une action a minima. Les Centrafricains sont des citoyens comme les autres, ils doivent être traités comme tel."

En avril 2013, le président Michel Djotodia a appelé la France au secours pour restaurer la stabilité dans le pays. Mais contrairement à celui de son homologue malien, Dioncounda Traoré, lancé en janvier 2013, le sien est resté lettre morte. Lors de la cérémonie d'investiture du nouveau président du Mali, le Président français F. Hollande a reconnu que la guerre contre les djihadistes au Nord-Mali avait empêché le gouvernement français d'agir plus rapidement en Centrafrique.

Pourquoi la communauté internationale n'agit-elle pas?

L'ONU, au Soudan, depuis 2010, a doublé son financement en faveur du renforcement des capacités sécuritaires nationales pour gérer la crise humanitaire au Darfour et au Kordofan. Cela porte sa contribution pour 2013 à 20 millions d'euros. En 2012, au Sahel, alors que 10 millions de personnes étaient confrontées à une pénurie alimentaire (soit deux fois plus qu'en RCA), l'Europe a débloqué plus de 330 millions d'euros. C'est-à-dire 15 fois plus que celle apportée en RCA. Mr Jeffrey Feltman, Secrétaire général-adjoint aux Affaires politiques de l'ONU s'était rendu à Bangui en avril 2013. Résultat : Rien, aucune aide concrète !

Comment expliquer ces différences de traitement ?44

Pour Philippe Hugon, la France n'intervient pas à cause du "caractère interne de la crise, à la différence du Mali où se trouvait plusieurs éléments étrangers." La réalité est peut-être plus prosaïque:

43 Rafik Bedoui de Médecins du Monde (MdM) : "réinvestir l'espace humanitaire"

44 La France s'engage faiblement en RCA. Entre 2006 et 2010. Les engagements de l'Agence Française de Développement (AFD) sont élevés à 37.5 millions d'euros ; A titre de comparaison, au Togo, ils ont atteint 131 millions d'euros entre 2005 et 2011.

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"Ce petit pays enclavé représente un intérêt géostratégique très faible." En dépit de quelques ressources minières, la RCA est très pauvre, explique le chercheur.

A dire vrai, la RCA ne semble pas être la « priorité de l'agenda international ». Trop d'insécurité pour la communauté internationale mais également pour les bailleurs de fonds. Plusieurs partenaires au développement ont prétendu qu'ils hésitent à apporter une aide qui sera potentiellement détournée ou volée. Cependant, plusieurs pays, comme la Libye et le Soudan, gangrenés par la violence ont bénéficié d'une aide importante des Nations Unies.

La route est longue depuis Alep (en Syrie) jusqu'aux jungles de Kaga-Bandoro et Bossangoa (en Centrafrique), où la moitié de la population vit encore cachée, ne subsistant, à grand peine, qu'à l'aide de racines et de feuilles de manioc.

Face à la dégradation sévère de la situation humanitaire, la communauté internationale paraît enfin se réveiller :

y' Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'inquiète «du niveau d'insécurité sans précédent» du pays, lors de la première réunion du Groupe de contact international sur la RCA, le 3 mai 2013. Il a rappelé l'exigence de mettre fin aux violations des droits de l'Homme de toutes sortes (viols, enrôlement d'enfants...).

y' L'ONU a annoncé une aide d'urgence de 7 millions d'euros en juin 2013 afin de répondre à la crise humanitaire ;

y' L'UE quant à elle, va débloquer une aide supplémentaire de huit millions d'euros, nous apprend Kristalina Georgieva, Commissaire européenne à la Coopération Internationale et à l'Aide Humanitaire ;

y' La France, lors de l'assemblée générale des Nations Unies, en septembre 2013, à New York, a appelé pour une intervention rapide en Centrafrique.

La 68e Assemblée générale des Nations Unies et la crise en RCA.

Le 25 septembre 2013, en marge de la 68e Assemblée générale des Nations unies, un mini-sommet s'est penché sur la situation en RCA. L'objectif, dans un premier temps, est d'amener l'ONU a adopté un mandat autorisant l'intervention et d'apporter un soutien logistique et financier à la Mission Internationale de Soutien en Centrafrique (MISCA) qui doit déployer 3 500 hommes en RCA.

Hollande et Déby à l'Elysée Barack Obama Ban Ki Moon, SG de l'ONU

La détermination de la France a eu raison de l'indifférence générale concernant la République centrafricaine (RCA), qui sombre dans l'anarchie depuis le renversement du président Bozizé en mars dernier par la coalition rebelle la Séléka. En effet, le jeudi 10 octobre 2013, le Conseil de sécurité des Nations Unies a finalement adopté à l'unanimité une résolution45 ouvrant la voie, d'ici à quelques mois, au déploiement de casques bleus dans ce pays en proie à des tensions interconfessionnelles.

45 La résolution se contente pour l'instant de soutenir les efforts de l'Union africaine (UA), engagée à sécuriser le pays. Les quelque 2 500 soldats africains de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique).

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery