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Une agriculture urbaine durable a Kigali (Rwanda)

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par Felicien SEBUHINJA
Universite du Maine (France) - Master's degree en politiques territoriales et developpement durable 2010
  

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CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS

Au final, ce travail montre que l'agriculture urbaine et ses espaces à Kigali sont bel et bien pris en compte et protégés par les documents réglementaires de la ville ;

Alors que le master plan lui donne un rôle plutôt multifonctionnel, le plan stratégique abonde dans le sens d'économie agricole. Il y a donc diversité de vues des acteurs sur le programme à adopter pour l'agriculture urbaine et périurbaine.

Au regard du postulat qui prédit la disparition à long terme de l'agriculture de la ville de Kigali, on se pose alors la question si le master plan et l'inscription au cadastre offrent-ils une protection suffisante? Vont-ils conduire à une agriculture urbaine durable ?

Ce master plan devrait jouer un rôle de dispositif de gouvernance, c'est-à- dire permettre à l'ensemble des utilisateurs de l'espace d'élaborer des projets, de partager un langage commun, d'imaginer des procédures de consultation et de dialogue entre les différentes parties prenantes et de définir des règles de coordination et d'apprentissage. Cependant à partir de la diversité de vues entre les acteurs de l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de l'agriculture urbaine et périurbaine, on peut craindre que ce rôle risque de ne pas être pleinement joué.

Les principaux acteurs vont créer des routines défensives là où il faut innover pour aborder réellement le problème des relations entre agriculture et ville et entre agriculture et développement urbain durable, en les centrant d'abord sur la perception des enjeux réels. Cette ambition est éloignée de la simple préoccupation d'adapter un dispositif, potentiellement novateur, à une réalité inchangée car l'intérêt du changement n'est pas perçu et compris. La restriction des débats sur l'agriculture urbaine aux seules parties actives tel que nous l'avons constaté à Kigali, quand certains individus abordés hésitaient à nous donner des rendez-vous pour un entretien sur l'agriculture urbaine, masque des enjeux globaux ou des enjeux locaux de parties non actives en particulier les acteurs que nous avons qualifiés d'acteurs absents. Des jeux de pouvoirs ou des détournements des dispositifs mis en place peuvent se produire au profit de quelques acteurs coalisés. Sans volontés politiques originales, les capacités des acteurs aujourd'hui actifs pour tracer la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine se trouveront limitées.

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La forme à donner aux débats devrait dépasser les enjeux catégoriels et l'approche par filière. Il faudrait dépasser l'enfermement sur les enjeux strictement agricoles et prendre en compte la multiplicité des usages des ressources territoriales. Bien que le master plan soit un document réglementaire, force est de constater qu'il n'est pas légalement contraignant par lui-même et l'inscription au cadastre bien qu'elle atteste la reconnaissance de la propriété sur un espace donné est plutôt plus orientée vers la fiscalité.

D'autre part, le meilleur moyen de protéger les espaces agricoles étant de maintenir la rentabilité de l'agriculture de sorte que les exploitations restent en activité, il a été constaté que, à Kigali, la rentabilité est compromise par des contraintes topographiques et environnementales.

Ainsi, au-delà du projet de master plan, les dynamiques futures des espaces et activités agricoles dépendent des choix politiques qui seront faits par les élus de la ville et les acteurs de l'environnement. La multiplicité des enjeux se doublant de celle des acteurs, c'est bien un dialogue permanent qu'il faudrait favoriser entre le monde urbain (ses élus, ses techniciens, ses habitants) et les représentants du monde agricole dans sa diversité. Cette concertation construite dans des rapports de confiance entre élus, acteurs et usagers devrait être accompagnée d'une production agricole organisée.

Néanmoins, les questions de l'adaptation des organisations professionnelles agricoles traditionnelles face aux « nouvelles problématiques territoriales» et de leur représentativité dans les dispositifs de concertation développés par les nouveaux modes de gouvernance territoriale restent posées. La légitimité des organisations de producteurs urbains apparaît, en particulier, problématique sur leur capacité à porter les formes d'agricultures innovantes, souvent à développer par de nouveaux acteurs, hors des sentiers battus du monde agricole ? traditionnel?.

Quel développement durable est-il alors envisageable pour cette activité ?

La durabilité de cette agriculture se pose en termes d'aménagement et de gouvernance. En termes d'aménagement, les documents de planification des dernières décennies ont montré qu'il ne suffisait pas de préserver le foncier pour assurer la pérennité de ces espaces. Il est également indispensable de garantir les conditions permettant un développement économiquement viable des activités agricoles et un fonctionnement durable des écosystèmes. La législation et la

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planification doivent évoluer vers une prise en compte de ces logiques. Ce qui implique nécessairement une transformation en termes de gouvernance. Celle-ci suppose : la création des organisations ou des institutions territoriales efficaces, l'élaboration des politiques d'aménagement performantes en matière d'économie d'espace et, enfin, la mise en oeuvre raisonnée du projet agricole dans le territoire urbain. Ces trois étapes doivent être soutenues par des volontés politiques originales.

Dès lors, les recommandations suivantes peuvent être formulées pour une agriculture urbaine durable de Kigali:

1. Reconnaître que l'agriculture urbaine est différente de l'agriculture rurale et qu'elle peut contribuer à la sécurité alimentaire, à la sécurisation environnementale et sociale

A Kigali, l'analyse de la perception des acteurs sur l'agriculture urbaine montre qu'elle est perçue par rapport à son marché (le marché existe), à ses produits (produit de haute valeur ajoutée) et ses espaces (marais et bas-fonds et autres espaces à caractère rural). Elle est méconnue par rapport à la diversité de ses systèmes culturaux et ses technologies alors que ce sont ces divers systèmes d'exploitation et ses diverses technologies qui la permettront de résister à la pression urbaine, de s'adapter et d'occuper un énorme créneau dans l'écosystème urbain. Comme elle se fait en milieu inhospitalier où elle est en concurrence avec d'autres activités, reconnaître cette différence permettrait de lui allouer les ressources nécessaires.

2. Développer les capacités des acteurs autour de la question agricole

L'agriculture urbaine à Kigali est un concept nouveau qui, pour être accepté pleinement nécessite une vulgarisation soutenue. Il est donc indispensable de sensibiliser les différents publics (élus, agriculteurs, citoyens urbains, chambre d'agriculture, syndicats agricoles, associations locales de développement agricole, presse,...) en construisant un argumentaire spécifique pour que chacun de ces acteurs du territoire se mobilise, comprenne les enjeux d'une bonne prise en compte de l'agriculture et participe activement tout au long du processus, dans le cadre de la concertation, à la construction du projet de territoire.

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3. Créer une instance de dialogue autour de la mise en oeuvre du master plan dans lequel les acteurs agricoles sont associés

Le fait que la question agricole ne soit portée aujourd'hui que par les seuls services agricoles et le projet PAPUK constitue en soi une menace. Une instance de dialogue éviterait l'enfermement en approche par filière préjudiciable à l'avenir de l'agriculture. Les attendus de cette instance seraient : dialogue et coordination, production de normes et régulation pour la mise en oeuvre des règles et règlements.

4. Développer de nouvelles formes d'agriculture

L'inscription de nouvelles formes d'agricultures dans les tissus sociaux et économiques passe par une activation de ressources nouvelles. En effet, l'environnement urbain encourage la maximisation de la production à partir de surfaces minimales (Prain, Henk de Zeeuw, 2008) :

- cultures hors saison à fort rendement économique moyennant une irrigation et/ou

recouvrement des cultures...,

- adoption de variétés à haut rendement, application de pratiques de maraîchage bio intensives et de permaculture.

- une utilisation maximale des ressources naturelles disponibles lorsque celles-ci n'étaient pas préalablement utilisées pour l'agriculture. Cela inclut l'utilisation des eaux usées comme source d'eau mais aussi comme source de nutriments (Buechler et al., 2006 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008 ), l'utilisation de déchets solides urbains compostés (Cofie and Bradford, 2006 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008) et l'utilisation de parcelles de terre abandonnées ou marginales

- Une utilisation intensive d'espaces verticaux limités (utilisation de terrasses, de toits, de caves et de balcons ; l'usage de divers types de systèmes de conteneur et de paniers suspendus, la culture sur murs, cascades, ou pyramides);

- l'utilisation de systèmes sans substrats terrestres comme l'agriculture hydroponique (Marulanda et Izquierdo, 2003 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008) et organoponique (Premat, 2005 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008 ), aéroponique, aquaponiques et autres technologies à utilisation «d'espace limité, sans utilisation d'espace».

- Des projets de fermes verticales.

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Pour ce faire, la recherche devrait se saisir du problème et imaginer ces nouvelles formes d'agriculture plus esthétiques et plus à même de répondre aux exigences du master plan quant à la zone urbaine.

5. Développer de nouveaux modes de gouvernance de l'agriculture urbaine

L'agriculture devrait servir comme un des outils de gestion des espaces ouverts de la ville de Kigali.

6. Privilégier des engagements d'agriculteurs assortis d'aides publiques

Les enjeux environnementaux des espaces réservés à l'agriculture sont tellement forts que sans engagements assortis d'aides publiques, l'agriculteur seul ne parviendrait pas à préserver les équilibres environnementaux nécessaires. En effet, l'exploitation agricole devrait contribuer à la préservation des ressources naturelles et à l'occupation et l'aménagement de l'espace urbain en vue notamment de lutter contre l'érosion, de préserver la qualité des sols, la ressource en eau, la biodiversité et les paysages. Cet objectif ne peut pas être atteint sans aides publiques destinées entre autres à compenser le manque à gagner au titre de la protection environnementale.

7. Privilégier une forme d'organisation professionnelle qui donne un statut d'agriculteur en nom propre

L'option coopérative privilégiée aujourd'hui ne donnera pas, à mon humble avis des résultats probants dans un futur proche, à cause des problèmes de gestion de ces coopératives. L'expérience collective n'est pas encore totalement acquise. Dès lors, il faut plutôt créer des groupements totaux (regroupement des exploitations) ou partiels (regroupements des fruits du travail pour les vendre par exemple) pour exploiter les espaces agricoles à délimiter.

8. Privilégier des aménagements économes d'espaces

La priorité devrait être accordée au renouvellement urbain et à la densification de l'habitat

10. Soumettre tout grand projet à la rédaction d'un porter à connaissance

Cela éviterait des délocalisations ultérieures

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PERSPECTIVES

Cette recherche ayant été placée dans une approche prospective, il aurait été nécessaire d'établir des scénarios possibles en fonction des variables identifiées ou à identifier. Cela n'a pas été possible. En outre, alors qu'initialement, il était prévu d'étudier la perception de tous les acteurs -actifs ou inactifs- sur l'agriculture urbaine afin de cerner les représentations qu'ils se sont fait de la problématique, la descente sur le terrain a coïncidé avec la période des élections présidentielles au Rwanda. II était alors difficile voire impossible d'obtenir un rendez-vous d'une quelconque autorité non directement concernée par l'agriculture. On s'est alors limité aux seuls acteurs actuellement actifs et à caractériser sommairement les autres acteurs à partir des informations trouvées dans les documents officiels en place.

Néanmoins, ce travail aura appris qu'inscrire l'agriculture dans une perspective de développement durable appelle indéniablement une nouvelle vague d'innovations et particulièrement des innovations technologiques vis-à-vis de la société. L'agriculture n'est plus un secteur bien délimité, qui ne concernerait que les producteurs eux-mêmes, mais bien une affaire de société. De nouvelles exigences lui sont exprimées par l'industrie, les consommateurs et la société toute entière. Des interactions se multiplient entre nature, société et science. Ce qui place l'agriculture à l'interface d'enjeux globaux (sécurité alimentaire, changement climatique, concurrence entre production alimentaire et énergétique) et locaux (approvisionnement, circuits courts, lien social, gestion des paysages). Face aux enjeux environnementaux et territoriaux, les démarches déjà utilisées avec succès dans la phase «productiviste» sont devenues inopérantes.

De nouveaux modèles d'agriculture urbaine et périurbaine pouvant contribuer au développement durable des villes doivent donc être constamment recherchés plus particulièrement pour des villes comme Kigali. A Kigali, l'urbanisation y est inéluctable et la possibilité de développer le secteur agricole classique de la zone périurbaine et celui des zones humides est limitée par les contraintes physiques et environnementales.

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