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Une agriculture urbaine durable a Kigali (Rwanda)

( Télécharger le fichier original )
par Felicien SEBUHINJA
Universite du Maine (France) - Master's degree en politiques territoriales et developpement durable 2010
  

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V.2. De l'émergence de la question d'agriculture urbaine durable

ØAgriculture urbaineØ est une expression qui semble assez paradoxale au premier abord la ville étant définie en dehors de l'agriculture. Pourtant, l'association de ces deux termes a priori antinomiques désigne une pratique bien réelle et qui prend sa source au coeur d'anciennes civilisations. Des fouilles archéologiques ont ainsi révélé de vastes systèmes agricoles (réseaux d'irrigation, systèmes de rotation des cultures, potagers et vergers) au sein d'importantes zones urbaines, qu'ils s'agissent de cités grecques du IVème siècle avant J.C., de villes fortifiées de l'Europe médiévale ou de métropoles aztèques datant de plus de quatre mille ans ( Oboulo.com, 2008). Il y a 4000 ans, dans les villes semi désertiques de perse, une forme d'agriculture intensive y était pratiquée et elle utilisait les déchets de la communauté comme terreau (Vijoen A., et al. 2005, p.IX).

5 On entend par agriculture durable une agriculture qui, dans ses processus de développement, est économiquement viable, socialement vivable et qui préserve les ressources écologiques, pour le présent et pour le futur (notion de solidarité intergénérationnelle issue du rapport Bruntland « Our Common Future » de 1987).

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En 1600, des citadins d'Angleterre ont été incités à cultiver en ville afin de contrer une possible invasion espagnole. L'idée fut reprise lors des deux guerres mondiales alors que les gouvernements américain et britannique ont fait pression sur leurs citoyens pour que ceux-ci transforment tous les espaces inutilisés de la ville en « Victory Garden » afin de supporter l'effort de guerre (Keven Boutin , 2009).

En 1943, deux ans à peine après le début de la guerre, 20 millions de jardins de la victoire produisaient 30 à 40% des légumes consommés dans le pays. Des milliers de terrains abandonnés en ville étaient défrichés et cultivés collectivement par les habitants du quartier. Le Bureau de la Défense Civile encourageait et habilitait ces initiatives, mais ce phénomène se mettait en place sans cela parce que les citoyens qui n'étaient pas au front voulaient participer à l'effort de guerre, et le jardinage était, finalement, une façon très agréable de servir la patrie (Chip WARD, 2009).

Désignant ainsi une pratique ancestrale, l'expression est cependant récente. On accorde à Pierre Vennetier, par son enquête sur l'agriculture urbaine au Congo à la fin des années 1950, le mérite d'avoir ouvert ce domaine d'étude et la création de l'expression en question. Ce chercheur utilise en effet le terme de « vie agricole urbaine » en 1961.

Si certains auteurs affirment que c'est depuis les années 1970 que le terme d'agriculture urbaine est clairement utilisé, d'autres comme Pierre Donadieu et André Fleury avancent que le terme d'agriculture urbaine, utilisé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), semble avoir été inventé à la fin des années quatre vingt pour rendre compte de processus émergents dans les villes pauvres de la zone tropicale (Donadieu et Fleury, 2004, p.18). Les tenants des années 1970 partent sans doute du constat que c'est depuis la fin des années 1970 que l'agriculture urbaine progresse dans bien des régions du monde. En effet, durant cette période, on rapporte une résurgence de l'agriculture urbaine dans les villes comme Bogota, Madrid, Moscou, New York, Vancouver et dans beaucoup d'autres coins du globe ((Vijoen A. et al. 2005, p.IX). Une enquête des Nations Unies conduite dans 20 pays à travers le monde et les bibliothèques en 1991-1993 conclus qu'un nouveau système alimentaire urbain était en train d'émerger (idem).

La reconnaissance de l'agriculture urbaine comme activité productive a démarré de façon très fragmentée: un chercheur intéressé ici, un projet de développement là. C'est vraiment à partir de 1990 que cette reconnaissance s'est étendue, grâce à l'émergence rapide d'un maillage plus

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cohérent à différentes échelles (Nasr J., De Bon H., Dubbeling M.. 2005). Le processus de transformation, y compris divers efforts de mise en réseau (certains plus aboutis que d'autres) sera opéré à travers la mise place de deux centres de ressources et têtes de réseaux (UAN et RUAF) ainsi que le rôle important de soutien du CRDI canadien et du gouvernement hollandais. Ensuite, d'autres réseaux plus régionaux seront créés: en Amérique latine et Caraïbe, le réseau AGUILA a été le premier à apparaître comme tel; en Asie du sud, le réseau est une des composantes d'un projet axé sur l'approvisionnement des villes; enfin au Moyen Orient et en Afrique du Nord, le réseau passe actuellement à l'état émergent, avec une phase d'incubation.

De 1975 à 1985, les autorités d'au moins 22 pays ( 10 en Asie, 6 en Afrique et 6 autres en Amérique latine ) appuyaient dans ce domaine des initiatives qui visaient à fournir des terrains et autres intrants pour la production, des initiatives d'aide technique, de production et de distribution de denrées alimentaires domestiques, de phytotechnie en arboriculture et de zootechnie en élevage de petits animaux, de remplacement des importations alimentaires, de nutrition et de distribution, d'entreposage et de conservation d'aliments ( Wade, 1987, p. 38- 41 cité par Mougeot, 2005).

Malgré l'essor qu'elle connaît et sa prise en compte croissante tant par des programmes internationaux, des travaux de recherche, des politiques publiques ou encore des associations visant à la promouvoir, force est de constater que ce type d'agriculture reste dans le domaine de l'informel et doit faire face à nombre de préjugés et de contraintes. Beaucoup de villes ont probablement fourni les moyens d'encouragement et les terrains d'essai grâce auxquels on a puisé les innovations de systèmes agricoles plus intensifs et plus productifs. Par contre, d'autres l'ont harcelé même en période de crise alimentaire (Mougeot, 2005).

De plus, il est à noter un point central, des différences fondamentales existent au sein de l'agriculture urbaine selon qu'elle est pratiquée dans le « Nord » ou dans le « Sud ». Ces différences font référence aux formes mêmes que prend cette agriculture, mais avant tout au rôle de celle-ci. Tandis qu'au « Nord », à l'époque contemporaine, elle connaît un essor surtout en tant que pratique récréative pour répondre à un besoin grandissant de nature de la part des citadins, en lien avec la place croissante des préoccupations environnementales dans les sociétés occidentales (agriculture d'agrément) ; au « Sud », elle relève souvent avant tout de

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la simple survie en particulier dans les villes pauvres de la zone tropicale où un jardinage à finalité nourricière s'est développé ( agriculture de crise).

Plus tard, de nouvelles fonctions relationnelles recomposant son lien à la ville lui seront reconnues. Des formes originales seront développées (agriculture de toit en Amérique du Sud ou en Asie ou fermes urbaines en Amérique du Nord). Des finalités de convivialité de quartiers, d'insertion sociale (de malades, de réfugiés, de délinquants, etc.) ou parfois plus politiques comme à New-York (green guerillas) et des objectifs particuliers, propres au groupe social concerné lui seront attribués.

C'est pourquoi la production alimentaire urbaine est devenue une industrie complexe et florissante. Selon le PNUD (1996 cité par Donadieu P., 2003 ), 800 millions de personnes sont, surtout pour des raisons alimentaires, directement concernées par l'agriculture urbaine, ainsi que 200 millions d'agriculteurs, souvent à temps partiel.

Dans un récent rapport (CESE, 2004, cité par Peltier, 2006), le Conseil économique et social européen a pris position pour l'intégration de la question de l'agriculture urbaine et périurbaine dans le cadre de la préparation de la nouvelle PAC pour 2007-2013. L'European conference on city and countryside organisée le 21 octobre 2004 à La Haye a permis le croisement des différents réseaux et l'adoption de la motion PURPLE19 (idem).

Deux lignes s'en dégagent : une ligne « pays du Nord » soucieux plutôt d'une agriculture entrepreneuriale, adaptée à la « nature en ville » et assurant un entretien des espaces ouverts à des coûts raisonnables; une ligne « pays du Sud » plutôt soucieux d'une agriculture familiale, de promouvoir les produits de qualité et l'identité culturelle de l'agriculture périurbaine.

Au coeur même de la justification de la promotion de ce changement d'attitude, il y a les indications qui se multiplient sur la contribution qu'apporte l'agriculture urbaine à la sécurité alimentaire des villes.

Cependant, un des changements les plus remarquables de ces évolutions, sera l'inversion des valeurs traditionnelles. L'agriculture prend un sens urbain très fort. Le maintien de son espace est devenu si nécessaire qu'il doit devenir durable (Fleury A. et Donadieu P., 2004).

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Récemment haïssable pour ses défauts (FAO, 1996, cité par SEBUHINJA, 2009) :

- pollutions et autres nuisances spécifiques à l'agriculture ;

- ponction des ressources naturelles (terre, eau, sol, etc.) ;

- risques pour la santé (eau potable, contamination par le plomb, hygiène);

- détérioration écologique (usure des sols, risque de contamination de la nappe phréatique);

- besoins en infrastructures ou adaptation des équipements;

- criminalité due aux vols ;

- conflits sociaux dus à une utilisation mixte des terres,

elle a entrepris la reconquête de son image : elle apprend à être productive sans nuisances. La totalité de ses productions doit être reconnue, et pour cela, elle doit tirer un profit de la production d'un bien rare, le paysage (Fleury A. et Donadieu P., 2004, p.14).

Ce sont les problèmes alimentaires mais aussi de création d'emplois et de revenus et d'amélioration du cadre de vie que vivent des millions de citadins à travers le monde qui ont favorisé la réflexion sur l'intégration de l'agriculture à la ville (AWA, 2007).

Deux facteurs ont cependant joué en faveur de la réinsertion de l'agriculture dans la logique urbaine (Roland Vidal et André Fleury, 2009) :

- Le premier est que, dans les pays de vieille culture agraire comme en Europe du Nord-Ouest, ou en Amérique du Nord (Nouvelle Angleterre, Nouvelle France), l'agriculture reste une constituante essentielle de l'identité nationale ; ainsi, à Ottawa, la ceinture de verdure rend hommage à l'eau, à l'agriculture et à la forêt comme éléments fondateurs du pays. Il en est de même en France où son retrait, matérialisé par la friche, est néanmoins davantage vécu comme un recul de la civilisation que comme retour de la nature.

- Le second facteur, d'émergence récente, est la conscience croissante du coût environnemental de la distance de l'approvisionnement alimentaire, avec un nouveau mot-clé, le compte des food-miles. Ce concept, apparu en Amérique du Nord, voudrait mettre en avant le fait que la protection de l'environnement passe aussi par une réduction de la distance, mesurée en miles, que parcourent les aliments avant d'arriver dans l'assiette des consommateurs.

Forts de ce constat, les praticiens de l'agriculture urbaine ont mis alors au point ou adapté une diversité remarquable de systèmes de production et de techniques de sélection de cultures. Ce

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qui leur permet en principe de tirer le meilleur parti possible du climat, de la topographie et des autres contraintes ou atouts d'ordre géographique de la trame urbaine. De la sorte, l'agriculture est devenue un bien et un service commun aux citadins et c'est ensemble qu'espaces cultivés et espaces bâtis participent au processus d'urbanisation et forment le territoire de la ville. Elle combine les traits de l'agriculture et le développement de la ville. Sa mise en valeur en zone urbaine suppose donc la remise en cause de certaines pratiques de l'aménagement urbain.

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