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La carte nationale d'identité dans l'Adamaoua: 1960-2013

( Télécharger le fichier original )
par Gabana Jean Francis
Université de Ngaoundéré - Master Recherches en Histoire 2013
  

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    FACULTÉ DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

    UNIVERSITÉ DE NGAOUNDÉRÉ

    THE UNIVERSITY OF NGAOUNDERE

    DÉPARTEMENT D'HISTOIRE
    DEPARMENT OF HISTORY
    LABORATOIRE HOMMES ET SOCIÉTÉ
    MAN AND SOCIETY LABORATORY

    FACULTY OF ARTS, LETTERS AND SOCIAL SCIENCES

    1960-2013

    Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du Master Recherche en

    Histoire

    LA CARTE NATIONALE D'IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA:

    Option : Histoire Politique et Relations Internationales

    par

    Jean Francis GABANA (09A547LF)

    Titulaire d'une Licence en Histoire
    Sous la direction de :

    David MOKAM

    Maître de Conférences

    Année académique 2013/2014

    II

    DÉDICACE

    À

    mon oncle

    Bétara Narma Paul ;

    mes parents Ninga Tenmbar Philippe et Amina Clémentine.

    Né en 1988 à Tibati dans la Région de l'Adamaoua, Jean Francis Gabana prépare une thèse de doctorat Ph/D au Département d'Histoire de l'Université de Ngaoundéré depuis mars 2015. Ses recherches actuelles sont axées sur les questions d'identité et d'identification des personnes au Cameroun. S'inscrivant dans le champ de la socio-histoire comme Gérard

    Noiriel, Vincent Denis et Pierre Piazza, Jean Francis Gabana consacre surtout ses recherches sur le mode d'identification de type africain et celui de type occidental dans le but de dégager l'état-de lieu, les enjeux et les écueils du fichage des personnes au Cameroun.

    III

    REMERCIEMENTS

    La réalisation de ce travail est le fruit de la collaboration de plusieurs personnes qui ont apporté un soutien considérable à notre entreprise de jeune chercheur en Histoire. Nous pensons au Professeur David Mokam qui, malgré ses multiples occupations tant académiques que personnelles, a accepté de nous tenir la main dans nos premiers pas dans la recherche. Il a toujours été là pour nous prodiguer les conseils et les encouragements. Sa rigueur dans le travail, son sens d'humanisme et la disponibilité dont il a fait montre durant le temps de la collecte des données et la rédaction de ce mémoire nous amène à lui témoigner notre profonde gratitude. Les observations et les critiques qu'il a formulées en vue de l'amélioration de la qualité de ce travail étaient d'un apport essentiel dans notre formation.

    Nous adressons également nos remerciements à l'endroit du corps enseignant du Département d'Histoire qui, pendant cinq ans nous a formé. Nous exprimons notre gratitude particulièrement aux professeurs Hamadou Adama, Taguem Fah Gilbert Lamblin, aux Docteurs Mbengué Nguimé Martin, Abdouraman Halirou, Fadibo Pierre, Hamoua Dalaïlou, Atoukam Liliane et Tegna Édith.

    Dans le même ordre d'idées, nous témoignons notre reconnaissance à notre grand frère Adamou Moise, enseignant à la faculté des sciences de l'université de Ngaoundéré. Son soutien de tous ordres a été salutaire durant mon cursus académique. Ces remerciements vont également à notre grande soeur Atta Sylvie, notre petit frère Ninga Jacques Tenmbar, nos petites soeurs Belbé Mélanie, Méiramdjo Marie Noèlle, Zimdo Pauline, Atta Florentine, aux Familles Bétara Narma ; Samaki Pierre et Kaigama Edjiba. Chers frères et chères dames, recevez nos sincères remerciements pour tout ce que vous avez fait pour nous.

    Nous exprimons notre profonde gratitude à Mbing Nandiba Marianne qui a été d'un grand soutien moral pour la réalisation de ce travail. Pour votre assistance durant les nuits blanches, pour vos mots réconfortants et encourageants durant les moments les plus pénibles de la recherche, trouvez dans ce travail, Marianne, l'expression de notre amour pour vous.

    iv

    Nous remercions tous nos informateurs qui ont pris les risques de répondre à nos questions et plus particulièrement Bétara Narma Paul, Personnel d'identification à Meiganga qui, en plus d'avoir répondu à nos questions, a mis à notre disposition les documents d'une grande utilité pour ce travail. Ces remerciements vont également au commissaire de la sécurité publique de la ville de Meiganga, Aimé Rémi Ndema qui a apporté une collaboration franche dans la collecte des informations. Nous remercions aussi monsieur Abbo Jean, Adjudant-chef à Yaoundé pour le soutien moral et matériel qu'il nous a apporté durant notre séjour à Yaoundé.

    Nous pensons également à notre camarade de classe Bel-Mboum Biya, décédé le 05 octobre 2014.

    C'est également le lieu de remercier l'ensemble des responsables des bibliothèques notamment ceux de la bibliothèque centrale de l'université de Ngaoundéré, du programme Ngaoundéré-Anthropos, de la bibliothèque de la FALSH et le département d'histoire.

    À nos amis Gambo Godlove Simon-Pierre, Ndommo Justin, Tassibo Mangué Georges, Tandjong Fopa Frank, Kokôo Achille Patrick, Bago Kaptel Dieudonné et Iya Dezane Thomas nous serons toujours reconnaissant pour vos apports de diverses natures dans notre évolution académique.

    Toutes nos reconnaissances à nos camarades de promotion qui durant cinq ans, nous ont apporté leur amitié et la critique nécessaire pour améliorer la qualité de ce travail. Que ceux et celles qui ne sont pas cités expressément dans cette liste de remerciement et qui ont contribué dans la réalisation de ce travail trouvent ici, l'expression de notre profonde gratitude.

    V

    RÉSUMÉ

    La carte nationale d'identité dans la région de l'Adamaoua porte sur la question de l'identification des citoyens. À partir de 1960, année de l'indépendance du Cameroun sous administration française, le Cameroun dans le but de sécuriser l'identité et la nationalité, va mettre en place un système d'identification qui est développé progressivement. Suite à la mise en place de ce système d'identification par le gouvernement camerounais, il y eut de vives réactions des populations de l'Adamaoua. Les périodes 1960, 1970 et 1980 sont caractérisées par une réticence des citoyens à l'égard de la carte nationalité d'identité dans l'Adamaoua. Ces réactions des populations de l'Adamaoua ont amené les pouvoirs publics à réagir en optant pour un contrôle systématique des cartes d'identité dans les années 1990. Cependant, à partir des années 2000, l'on constate la mise en place d'un système d'identification biométrique qui vient sécuriser davantage l'identité et la nationalité. Suite à ces mesures, l'on enregistre un taux important de demande de cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua.

    Mots clés : carte d'identité, identité, identification, Adamaoua.

    VI

    ABSTRACT

    This study focuses at the issue of national identity card in the Adamawa Region. When French Cameroon got it independence, Cameroon in order to secure the identity and nationality, of its citizens implemented an identification system which has evolued gradually. Following the implementation of the identification system by the Cameroonian government, there were various reactions of the people of Adamawa. 1960, 1970 and 1980 are characterized by the reluctance of citizens with regard to the nationality identity card in Adamawa. These reactions led the government to respond by opting for a routine inspection of identity cards in the 1990s and the development of political identification from the 2000s, with the introduction of biometric identification system. Thanks to these measures a high rate of request for national identity card in Adamawa was recorded.

    Keywords: identity card, identity, identification, Adamawa.

    VII

    SOMMAIRE

    DÉDICACE i

    REMERCIEMENTS iii

    RESUME v

    ABSTRACT vi

    LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES vii

    SOMMAIRE vii

    TABLE DES MATIERES 173

    LISTE DES PHOTOS x

    LISTE DES FIGURES xi

    LISTE DES TABLEAUX xii

    INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

    CHAPITRE 1: INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE

    NATIONALE D'IDENTITÉ AU CAMEROUN 27

    I-Historique des pièces d'identité officielles du Cameroun (1922-1960). 29

    II-Institution et évolution de la carte nationale d'identité au Cameroun de 1960 à 2007. 35

    III-Avantages et inconvénients de la carte nationale d'identité. 63

    CHAPITRE 2 : ÉTABLISSEMENT DES CARTES NATIONALES

    D`IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA. 77

    I- VIII

    Évolution de la structure administrative de l'Adamaoua et la mise en place des postes

    d'identification. 79

    II- Pratique d'identification dans l'Adamaoua de 1960 à 2013. 96

    III-Les réactions des populations à l'égard de la question d'identification. 105

    CHAPITRE 3: BILAN DE L'IDENTIFICATION DANS L'ADAMAOUA ET LES DÉFIS DE LA POLITIQUE

    D'IDENTIFICATION 120

    I-Bilan de l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. 121

    II- Impact de l'identification dans l'Adamaoua. 135

    III-Obstacles liés À l'établissement et à l'obtention des cartes nationales d'identité dans

    l'Adamaoua. 142

    CONCLUSION GÉNÉRALE 154

    SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 159

    ANNEXES 165

    ix

    LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES

    AD : Adamaoua

    AEF : Afrique équatoriale française

    CNI : Carte nationale d'identité

    CEMAC : Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale

    DSF : Délégation à la sûreté fédérale

    DGSN : Délégation générale à la sûreté nationale

    ELECAM : Elections Cameroon

    IFA : Inspection fédérale d'administration.

    MA : Équipe mobile d'identification de l'Adamaoua

    ONEL : Office National des Élections.

    ONU : Organisation des nations unies

    PI : Poste d'identification

    RDPC : Rassemblement démocratique du peuple camerounais

    SACEL : Société d'assistance et de conception en électronique

    SDN : Société des nations

    SYSTEME SENAC : Système de la sécurisation de la nationalité camerounaise

    X

    LISTE DES PHOTOS

    Photo 1: Échantillon d'une carte de résidence du citoyen de l'union française en

    métropole 35
    Photo 2: carte d'identité officielle de l'État du Cameroun délivrée le 18 juin 1960 au

    commissariat spécial de Ngaoundéré. 50
    Photo 3:carte nationale d'identité bilingue délivrée en 1981 à la sous-prefecture de

    Tibati. 53

    Photo 4: Toise en bois 56

    Photo 5: prise de la taille. 56

    Photo 7: Appareil photo (marque : Polaroid). 57

    Photo 6: Appareil photo et imprimante (marque : Sony). 57

    Photo 8 : prise de photo. 58

    Photo 9: découpage des photos. 58

    Photo 10 : Prise d'empreintes digitales. 59

    Photo 11 : Matériels de prise d'empreintes digitales. 59

    Photo 12 : une empreinte digitale. 60

    Photo 13: empreinte digitale prélevée. 60

    Photo 14: Carte nationale d'identité informatisée. 62

    Photo 15: un récépissé de demande de carte nationale d'identité. 63

    Photo 16: Poste d'identification de la ville de Meiganga. 89

    Photo 17: Poste d'identification de la ville de Tibati. 90

    Photo 18: poste d'identification de la ville de Banyo. 91

    Photo 19: les citoyens venus se faire identifier dans un poste mobile. (Hôtel de ville de

    la communauté urbaine de Ngaoundéré). 102
    Photo 20: service de retrait des cartes du poste d'identification de la ville de Meiganga

    (AD 07) 116
    Photo 21: Distribution des cartes nationale d'identité aux titulaires au poste

    d'identification de Ngaoundéré (AD01). 117
    Photo 22: cartes nationales d'identité en souffrance dans le poste d'identification de

    Banyo (AD 04) 118
    Photo 23: Des cartes nationales d'identité abandonnées au poste d'identification de la

    ville de Tibati 119

    XI

    LISTE DES FIGURES

    Figure 1: Carte de localisation de la zone d'étude. x

    Figure 2: Carte de l'Adamaoua 78

    Figure 3: carte des postes d'identification de l'Adamaoua. 95

    Figure 4: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Meiganga entre 1976 et 1978. 124
    Figure 5: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Meiganga entre 1979 et 1981. 125
    Figure 6: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Meiganga entre 1982 et 1984. 125
    Figure 7: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Meiganga 1985 et 1987. 126
    Figure 8: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Ngaoundéré entre 1976 et 1978. 128
    Figure 9: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Ngaoundéré entre 1979 et 1981. 129
    Figure 10: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Ngaoundéré entre 1982 et 1984. 130
    Figure 11: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Ngaoundéré entre 1985 et 1987. 131
    Figure 12: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Tibati entre 2001 et 2003. 132
    Figure 13: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Tignere entre 2001 et 2003. 133
    Figure 14: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de

    Banyo entre 2001 et 2003. 134

    XII

    LISTE DES TABLEAUX

    Tableau 1: données administratives de la Région de l'Adamaoua en 2010. 83

    Tableau 2: répartition de la population de la Région de l'Adamaoua 2005-2010. 84

    Tableau 3: répartition des postes d'identification de 1960 à 1995. 86

    Tableau 4 : répartition des postes d'identification dans l'Adamaoua en 2013. 92

    Tableau 5: répartition des équipes mobiles d'identification dans l'Adamaoua en 2011. 93 Tableau 6: récapitulatif de demandes de cartes nationales d'identité du poste

    d'identification de Ngaoundéré de 1976 à 1987. 127
    Tableau 7. l'évolution des inscriptions sur les listes électorales région de l'Adamaoua

    de 2007 au 10 juin 2011. 141

    XIII

    Figure 1: Carte de localisation de la zone d'étude.

    INTRODUCTION GÉNÉRALE

    2

    I-PRÉSENTATION DU SUJET DE RECHERCHE.

    Pendant la colonisation en Afrique, les puissances colonisatrices avaient mis sur pied un système juridique, créant une structure de citoyenneté dont le but était la discrimination raciale. D'un côté se trouvaient les colons européens qui étaient des citoyens à part entière avec les mêmes droits que les membres de leurs familles vivant en métropole. De l'autre côté, il y avait les autochtones africains appelés « indigènes» qui étaient des « sujets »1. Ce système juridique en vigueur pendant la colonisation était une forme d'identification des populations dans des colonies.

    L'histoire post-coloniale de l'Afrique montre combien il a été difficile de mettre en place une politique calquée sur le modèle occidental pour des populations qui avaient déjà une organisation politique endogène. Les nouveaux États se sont donc construits dans une logique de continuité et d'amplification du modèle colonial. Les populations africaines se trouvent ainsi face aux systèmes politiques et surtout juridiques hérités de la colonisation en particulier le système de l'identification. Pourtant, l'institution de la carte d'identité en Afrique s'inscrit dans une dynamique de construction des États dans ce continent qui a été successivement victime de la traite négrière, du partage arbitraire et de la colonisation.

    Si bon nombre d'auteurs ont abordé la question de l'identité, de la nationalité et de la citoyenneté en Afrique et plus particulièrement au Cameroun, l'étude sur la carte nationale d'identité du Cameroun reste encore un domaine en friche. C'est justement pour étudier le contexte d'apparition, les enjeux et les obstacles à l'identification officielle que nous avons choisi le sujet sur : « La carte nationale d'identité dans l'Adamaoua (Cameroun) : 1960-2013 ».

    II-RAISONS DU CHOIX DU SUJET.

    Plusieurs raisons ont guidé le choix de ce sujet. Premièrement, ces raisons sont personnelles. En effet, lorsque nous travaillions au poste d'identification (PI) du commissariat de sécurité publique de la ville de Meiganga en 2010, nous avions remarqué la réticence de certaines personnes à se faire identifier. Toutefois, nous nous

    1M.Mamdani, 1996, Citizen and Subject: Contemporary Africa and the Legacy of Late Colonialism, Princeton: Princeton University Press, p.30.

    3

    sommes rendu compte que dans le département du Mbéré où l'on retrouve plusieurs groupes ethniques, les Peul sont les plus nombreux à se faire identifier. À cela s'ajoute le problème de démarchage dans le processus d'établissement des cartes nationales d'identité (CNI). En fait, certains citoyens, pour se faire identifier, font recours à une personne qui assure l'intermédiation avec l'administration. Ce sont des courtiers localement appelés « Démarcheurs ». Ainsi, il est important de noter que l'intermédiation dans le processus d'établissement de la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua crée une distance entre l'administration et les demandeurs de la carte d'identité et pose un problème concernant la fiabilité des informations sur l'individu à identifier. Notre préoccupation est de comprendre les raisons d'une telle intermédiation.

    Le choix de ce sujet a aussi une motivation scientifique. Nous avons constaté que malgré les multiples études sur les questions d'identité, de nationalité et de citoyenneté, il n'y a pas jusqu'ici une analyse historienne sur la carte d'identité nationale du Cameroun en général et plus spécifiquement dans l'Adamaoua. En étudiant son contexte d'apparition, son importance et les différents obstacles qui plombent l'identification, ce travail trouve sa place particulièrement dans l'histoire de l'administration au Cameroun. Il établit précisément le lien de causalité entre les pratiques de l'administration coloniale et l'administration postcoloniale. Cette étude contribuera ainsi à enrichir l'historiographie camerounaise.

    III-CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE.

    Dans le cadre de notre étude, l'objet est de lever un pan de voile sur la question de la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua. Ainsi, comme le reconnaît J.L, Amselle., « il est nécessaire dans tout travail épistémologique de partir de notions empiriques pour déconstruire et reconstruire un autre espace plus apte à rendre compte d'une réalité donnée»2. Il est donc judicieux voire impératif de définir et de circonscrire le concept de carte nationale d'identité et les notions connexes telles que : identité et identification.

    2J.L. Amselle, 1976, Les migrations en Afrique, Paris, Maspero.p.17.

    4

    L'étude sur la question d'identité regorge assez de documents ou de directives pour guider les personnes intéressées à examiner ce domaine. Du latin Carta, la carte désigne le document imprimé officiel constatant l'identité de quelqu'un, son appartenance à un groupement, son inscription sur une liste.3 Analysant cette définition du dictionnaire Larousse, la carte, dans ce contexte, désigne en fait le certificat d'identité d'un individu confirmant son appartenance à un groupe humain ou à un État. L'identité, étymologiquement issue du latin Identitas qui dans son sens premier signifie ce qui fait qu'une chose, est exactement de même nature qu'une autre, est le caractère permanent et fondamental de quelqu'un ou d'un groupe4.

    En droit, l'identité est l'ensemble de faits et de droits, tels la date, le lieu de naissance, le nom, le prénom, qui permettent d'affirmer qu'un individu est telle personne sans confusion possible avec une autre.5 La notion d'identité est au croisement de la psychologie et de la sociologie mais intéresse aussi la géographie. La psychologie conçoit l'identité comme une sorte de sentiment d'harmonie : l'identité de l'individu est le « sentiment subjectif et tonique d'une unité personnelle et d'une continuité temporelle ».6

    La notion d'identité, en sociologie, renferme toute la problématique du rapport entre le collectif et l'individuel, le déterminisme social et la singularité individuelle. Il n'est pas possible à ce jour, de parler de cette notion sans évoquer les grands courants de la sociologie qui ont des approches différentes. L'identité personnelle « subjective », englobe des notions comme la conscience de soi et la représentation de soi. Codol7, estime qu'il ne s'agit en fait que d'une « appréhension cognitive de soi ». Elle englobe trois caractères qui vont ensemble : « constance, unité, reconnaissance du même ». Il ne s'agit cependant pas d'une constance mécanique et d'une analogie réifiée, ni de l'adhésion stricte à un contenu invariant et figé mais d'une « constance dialectique » et dynamique impliquant le changement dans la continuité, dans une dynamique d'aménagement permanent des divergences et des oppositions.

    3 Dictionnaire Universel Larousse, 1997, p.256.

    4 Petit Larousse, 1998, p.619.

    5 Ibid., p.779.

    6E. Lois-Littré, 1877, Dictionnaire de langue française, Paris, Hachette, p .205.

    7J.Codol, 2001, « Une approche cognitive du sentiment d'identité », In Information sur les sciences sociales, p.20.

    5

    Plus « objective », l'identité sociale englobe tout ce qui permet d'identifier le sujet de l'extérieur et qui se réfère aux statuts que le sujet partage avec les autres membres de ses différents groupes d'appartenance (sexe, âge, métier etc.). L'identité sociale comprend les attributs catégoriels et statutaires qui se réfèrent à des catégories sociales où se rangent les individus (groupes, sous-groupes : jeune, étudiant, femme, cadre...). C'est souvent une identité « prescrite » ou assignée, dans la mesure ou l'individu n'en fixe pas, ou pas totalement, les caractéristiques.8 Cette identité sociale situe l'individu à l'articulation entre le sociologique et le psychologique. Ainsi, souligne Henri Tajfel :

    Le rôle joué par la catégorisation sociale comprend les processus psychologiques qui tendent à ordonner l'environnement en termes de catégories : groupes de personnes, d'objets, d'évènements [...] en tant qu'ils sont équivalents les uns aux autres pour l'action, les intentions ou les attitudes d'un individu 9

    Le concept d'identité sociale développé par Henri Tajfel10 en 1981, met en exergue les processus psychologiques impliqués dans le changement social. Il intègre dans sa théorie trois processus fondamentaux : la catégorisation sociale ; l'auto-évaluation à travers l'identité sociale ; la comparaison sociale intergroupe. Ceux-ci permettent d'expliquer différentes formes de comportements groupaux. Cette théorie est devenue l'approche dominante des relations intergroupes et est utilisée comme cadre de référence pour comprendre et expliquer les concepts tels que la nationalité, la citoyenneté ou la solidarité sociale. En effet, les comportements des individus, même en situation interpersonnelle, sont toujours en partie influencés par leur appartenance à l'un ou l'autre groupe. De même, l'influence des caractéristiques individuelles n'est jamais annihilée, même dans le cadre des relations intergroupes. Néanmoins, situer les comportements sociaux sur un continuum 11 interpersonnel-intergroupe permet de considérer les caractéristiques personnelles et groupales comme deux facteurs susceptibles d'influencer une interaction entre individus, de telle sorte qu'elle se rapprochera plus ou moins de l'un des deux pôles. Cette approche nous permet, dans ce

    8Ibid., p.21.

    9 H. Tajfel, 1981, Humans groups and social categories : Studies in social psychology, Cambridge, UK :Cambridge University Press, p.72.

    10Ibid., p.74.

    11 En philosophie un continuum est un objet ou un phénomène dont on ne peut considérer une partie que par abstraction.

    6

    travail, d'analyser le comportement des citoyens de l'Adamaoua par rapport à la question de l'identification et de l'identité.

    La théorie de « l'égo » et « l'invention de soi » développée par Kaufmann, stipule que :

    Si on est entré dans « l'âge des identités » et dans la nécessité de s'inventer soi-même, ce n'est pas que les structures sociales soient devenues moins opérantes ou moins déterminantes que par le passé sous l'effet d'une émancipation magique du sujet, c'est plutôt que ces structures sociales sont devenues plus contradictoires. Face à ces contradictions, le reflet ne pouvait que se transformer en réflexion: la construction identitaire résulte ainsi d'un travail incessant de « réflexivité ». « Ego doit désormais fabriquer (avec la matière sociale disponible) la grille éthique et cognitive conditionnant son action. La construction sociale de la réalité passe par les filtres identitaires individuels »12.

    Pour Kaufmann, l'identité biographique ne se réduit pas à l'identité narrative et que les individus, du fait qu'ils ont conscience de leurs ruptures biographiques, s'attachent moins à raconter et se raconter « des belles histoires de vie complètes et limpides » en déniant toute contradiction qu'à tisser un lien entre chacune d'entre elles. Ainsi, si Kaufmann retient de l'interactionnisme symbolique le fait que l'identité ne doit pas être envisagée comme une substance mais comme un processus, il refuse de réduire la trajectoire sociale à la trajectoire biographique (ou encore à la carrière) et de négliger le poids déterminant des cadres sociaux de la socialisation13.

    En géographie, la notion d'identité est majoritairement mobilisée pour étudier la relation concrète ou symbolique des individus ou des groupes sociaux à l'espace. La principale particularité disciplinaire de la géographie réside dans sa capacité à appréhender le concept d'identité dans sa dimension spatiale. Certains géographes se sont ainsi penchés sur l'aspect multi-scalaire de l'identité, en s'intéressant aux multiples relations existant entre les différentes échelles identitaires, au niveau de l'individu, de la collectivité ou encore de l'espace mondial. Dans cette perspective, Arjun Appadurai

    12 J.C. Kaufmann, 2004, L'invention de soi. Une théorie de l'identité, Paris, Armand Colin/SEJER, p. 88.

    13 Ibid., p. 89.

    7

    s'est par exemple intéressé aux phénomènes d'hybridation ethnique et culturelle dans les conditions techno-politiques de la mondialisation14.

    La géographie a fait un usage multiple de la notion d'identité, dont on peut distinguer quatre acceptions principales : l'identité numérique, l'identité sociale, l'identité personnelle et l'identité collective. Les géographes s'étant intéressés ainsi à la notion d'identité, se sont saisis du concept de différentes manières. La notion est tantôt abordée dans une perspective essentialiste, tantôt constructiviste. Il ne s'agit pas ici de choisir parmi ces acceptions mais de tenir compte de l'ensemble de celles-ci.

    Dans son acception numérique, l'identité répond à une perspective essentialiste. Elle est vue comme un invariant universel : les êtres et les choses existent en soi et leur identité ne varie pas à travers le temps15. Sur le plan historique, on peut rapprocher cette acception aux recherches effectuées sur la singularité des entités géographiques (lieux, pays et régions) et aux conditions de leur persistance dans le temps. Si cette manière de concevoir l'identité en géographie est largement délaissée aujourd'hui, elle a été au centre de la théorie du déterminisme naturaliste, une des théories les plus anciennes et les plus répandues de la discipline. Cette approche suggère que des entités sociales découlent des entités géographiques, qui les inscrivent toutes deux dans la durée.16

    On parle d'identité sociale en géographie dès qu'un individu ou un groupe se voit attribuer une caractéristique identitaire par d'autres. Cette forme d'identification répond à une logique classificatoire dans la mesure où elle permet à un individu ou un groupe d'ordonner l'autre sur la base de critères dominants. Si cette catégorisation peut être d'ordre professionnel, sexuel, ou encore générationnel, les géographes se sont surtout intéressés à celles qui renvoient à des logiques de localisation (les quartiers ouvriers, le continent noir).17

    14A. Appadurai, 2002, « Après le colonialisme »,inCOMMposite,

    http://www.commposite.org/index.php/revue/article/view/58/57. Consulté le 22 mars 2014.

    15J. W. Lapierre, 1984, « L'identité collective, objet paradoxal : d'où nous vient-il? », Recherches sociologiques, nos 15, p.195.

    16B. Debarbieux, 2005, Prendre position : réflexions sur les ressources et les limites de la notion d'identité en géographie, Paris, CTHS, p. 341.

    17Ibid., p.343.

    8

    On pense l'identité comme un processus personnel quand on la conçoit comme le produit d'un exercice de « conscientisation » de soi : « ce que je pense, que je suis ». L'acception personnelle de l'identité suggère que bien qu'elle soit résolument collective, elle n'en reste pas moins un choix individuel, ce qui laisse à l'individu un rôle essentiel d'acteur18. Si cette acception n'a été que très peu mobilisée dans le champ de la géographie, certains chercheurs s'en sont inspirés dans des analyses sur le rôle des expériences des trajectoires individuelles et des lieux et dans la construction de cette identité personnelle. Ainsi, un lieu serait identifiable grâce au rapport qu'il a avec le passé des individus, de la société et de l'espace19.

    Dans l'optique constructiviste, l'identité collective se définit comme « le sentiment et la volonté partagés par plusieurs individus d'appartenir à un même groupe ». Ainsi, le groupe ne pourrait exister que si les individus le reconnaissent comme tel20. L'identification collective se définit par l'élévation au rang de symboles identitaires d'attributs comme la langue par exemple, qui deviennent des composantes essentielles de l'identité d'un groupe. En désignant, en combinant et en écartant tour à tour certains attributs, le groupe est en permanente reconstruction. Dans ce processus infini de sélection, ce sont les cas où des référents géographiques ou des objets matériels fonctionnent comme des marqueurs identitaires qui ont particulièrement intéressé les géographes. On parlera dans ce cas d'identité territoriale.

    Concept issu de la géographie française, l'identité territoriale est la modalité de l'identité collective la plus étudiée en géographie. Les géographes ont d'ailleurs eu tendance à systématiquement mettre en évidence le rôle que l'espace pouvait jouer dans les processus identitaires. On peut parler d'identité territoriale si on s'intéresse au rapport qui existe entre une entité géographique et les groupements humains ou les identités collectives qui travaillent ces différents groupes. Marie-Christine Fourny définit l'identité territoriale comme la « modalité à partir de laquelle une société fonde la conscience de sa singularité en la référant à un espace qu'elle institue sien »21. En tant

    18 G. Lambony, 2001, De l'usage de la notion d'identité en géographie. Réflexions à partir d'exemples sud-africains, Paris, Harmattan, p. 479.

    19Ibid., p.483.

    20G. Bertrand, 2000, Identités et cultures dans les mondes alpins et italien (XVIIIe-XXe siècle), Paris, l'Harmattan, Pp. 209-226.

    21 M. Fourny, 2005, « Identités et dynamiques territoriales. Coopération, différenciation, temporalités », Thèse d'habilitation à diriger des recherches, Université Joseph-Fournier de Grenoble, p. 122.

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    que manifestation identitaire collective, l'identité territoriale prend dès lors forme grâce à un rassemblement d'une quantité suffisante de gens par l'identification des croyances personnelles à une croyance commune. L'identité territoriale apparaît comme une forme d'identité collective dont les attributs relèvent d'une territorialité.

    Le processus de construction de l'identité nationale au sein des États africains débute après la création de ces États. Partout sur le continent africain, à compter de cette période, des normes de pouvoir sont imposées aux populations qui désormais cohabitent sur des territoires pratiquement créées22. L'État moderne se greffe ainsi sur une pseudo-entité politique et territoriale. C'est donc cette territorialisation qui donne un sens à l'identité nationale23. Cependant, la construction de l'identité nationale au Cameroun n'est pas jusqu'à nos jours un acquis, vu les regains d'intérêt des populations camerounaises à s'identifier davantage à leurs ethnies qu'à la nation camerounaise.24 Cet intérêt, selon certains auteurs comme J.F. Bayart25, P. Gaillard26, J.P.Fogui27 ou encore P.F. Ngayap28 participe du fait que, le Cameroun, bien qu'il ait réussi dans la construction de l'État, a échoué dans celle de la nation. Ainsi, au Cameroun, le débat sur l'identité a donné naissance au concept de multiculturalisme. C'est en fait la reconnaissance de la diversité culturelle du Cameroun, qu'en 1985 le colloque sur l'identité culturelle camerounaise fut organisé29.Ce concept apparaît dans le contexte camerounais de manière globalisante et plus vaste en terme spatial que celui de l'identité ethnique ou régionale.

    Nous entendons par identité dans le cadre de ce travail, le fait, pour une personne, d'être un individu donné et de pouvoir être légalement reconnue pour tel sans nulle confusion grâce aux éléments (état civil, anthropométrie) qui l'individualisent. Cette définition est similaire au bertillonnage (système d'identification des criminels,

    22 R. Pourtier, 1987, « Encadrement territorial et production de la nation », in E. Terray (éd), L'État contemporain en Afrique, Paris, l'Harmattan, p. 352.

    23 Ibid.

    24 I. Mouiche, 1996, « Mutations sociopolitiques et replis identitaires en Afrique : le cas du Cameroun », Revue africaine de Science Politique, Vol.1, n°2, Décembre 1996.

    25 J. F. Bayart, 1985, L'État au Cameroun, 2e éd., Paris, Presses de la fondation Nationale des Sciences Politiques.

    26P.Gaillard, 1994, Ahmadou Ahidjo. Patriote et despote, bâtisseur de l'État camerounais, Paris, Jeune Afrique livre.

    27 J.P. Fogui, 1990, L'intégration politique au Cameroun. Une analyse centre-périphérie, Paris, LGDJ. 28P.F.Ngayap, 1983, Cameroun qui gouverne ? De Ahidjo à Biya, l'héritage et enjeu, Paris, l'Harmattan. 29Lire à cet effet Ministère de l'information et de la culture, 1985, l'identité culturelle camerounaise, Yaoundé, Direction des affaires culturelles.

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    mis en application à partir de 1882, et fondé principalement sur l'anthropométrie)30 qui, en effet, a permis le développement du système d'identification. C'est dans ce sens que l'on peut parler de : établir, consulter, vérifier l'identité de quelqu'un à travers les papiers d'identité.

    La politique s'est, elle aussi, emparée du sujet et de nombreux débats ont lieu sur la notion d'identité et notamment sur le concept de l'identité nationale. À partir des années 1920, en France, la notion d'identité a pris une autre dimension avec l'apparition de la carte d'identité. Sous le régime de Vichy, la carte d'identité va devenir la preuve de l'appartenance à une nation et sa délivrance est particulièrement surveillée31. Enfin, c'est en 1955 que la carte nationale d'identité est instaurée, elle est la première preuve de l'identité dite formelle de l'individu par la loi. Aujourd'hui la notion de « papiers » a pris une place centrale en politique et des groupes se sont formés à partir de cette notion : les « sans-papiers » par exemple. La loi française a été adaptée et elle punit les individus qui « n'appartiennent pas » à la nation, c'est-à-dire qui n'ont pas de papiers d'identité. Elle punit également le fait de cacher son identité dans les lieux publics avec la récente loi interdisant le port de la burqa32. La notion d'identité en politique est centrale, et nous verrons à travers ce travail l'importance du rôle des pouvoirs publics dans la question identitaire.

    Dans le cadre de ce travail, la carte nationale d'identité est un document officiel qui permet à une personne physique de prouver son identité. C'est une pièce de la vie civile délivrée par l'État camerounais permettant d'identifier la personne qui en est détentrice. Elle permet à son titulaire de certifier de son identité. L'identité personnelle et l'identité comme instrument politique peuvent être rapprochées. En effet, l'identité de papier est souvent confondue avec l'identité personnelle puisque les papiers d'identité sont devenus incontournables dans notre société. La carte nationale d'identité est un objet que la majorité des Camerounais possèdent et elle est aujourd'hui incontournable dans notre vie de tous les jours. Elle sert de document de base pour la confection des listes électorales, des opérations bancaires et de conscription. Elle est également synonyme du droit à la nationalité, à la citoyenneté, au vote etc.

    30Dictionnaire universel Larousse, éd. 1997, p. 74.

    31 P. Piazza, 2004, « Septembre 1921 : la première « carte d'identité de Français » et ses enjeux, Genèse, n° 54, p. 75.

    32 Une sorte de voile recouvrant tout le visage.

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    C'est à la fin des années 1990 que la carte d'identité va être informatisée puis sécurisée à l'aide de différentes techniques telles que : le filigrane, les dégradés de couleur, un graphisme confectionné par ordinateur, etc. En un peu plus de dix ans, le gouvernement est parvenu à se doter d'un dispositif d'identification des Camerounais de plus en plus important. Progressivement unifiée, la carte nationale d'identité est aujourd'hui un moyen efficace pour vérifier l'identité des individus. De ce qui précède, il est important de noter que, les pratiques en vigueur varient d'un pays à l'autre et ont évolué selon le contexte historique propre à chaque pays.

    La première forme d'identification remonte, selon Stya Swarrio et Livingston33 à l'Égypte ancienne. Cette forme de document d'identité était en effet l'état-civil qui apparaît aux environs des années 1250 avant Jésus-Christ. C'était un document mis sur pied sous le règne du pharaon Ramsès II à des fins de fiscalité et de recrutement des jeunes pour le service militaire.

    L'identification des personnes durant l'Antiquité et le Moyen Âge en Europe est régie principalement par la « reconnaissance interpersonnelle ». Progressivement, les pouvoirs centraux instaurent un état-civil, voulant connaître leurs ressources humaines pour des questions de fiscalité, de police et pour lever des troupes militaires. Ce système d'identification, basé sur l'état-civil, est notamment tenu par l'Église au niveau du registre paroissial34.

    Au XVIIIe siècle, alors que la justice royale se substitue à la justice divine, se développent les papiers d'identité : sauf-conduit, extrait baptistaire, laissant place progressivement au passeport qui sert au contrôle par la maréchaussée des « classes dangereuses » (vagabonds et mendiants, registres de déserteurs, carnets sanitaires lors de grandes pestes, étrangers et ouvriers), parallèlement à l'essor du bertillonnage et de la dactyloscopie35.

    33Lire à cet effet, S. Swarrio et D. Livingston, 1960, Introduction aux statistiques de santé, Londres, Ltd Edimburg. Cité par R.Harouna, 2009, « L'état-civil au Cameroun de la période coloniale allemande au début du XXIème siècle », mémoire de DEA, Université de Ngaoundéré, p.8.

    34 J.P. Gutton, 2010, Établir l'identité : l'identification des Français du Moyen Âge à nos jours, Lyon, Presses universitaires de Lyon, p.212.

    35 Ibid.

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    La carte nationale d'identité existe dans tous les pays de l'Union européenne sauf au Danemark et au Royaume Uni, où il existe un registre de la population, et en Irlande. À l'exception de l'Italie, de l'Autriche et de la Lituanie, les pays qui ont institué la carte d'identité ont rendu sa détention obligatoire. Au Portugal, une seule carte d'authentification (personnelle et unique) tient lieu de carte nationale d'identité, de carte de sécurité sociale, de carte de santé, de carte de contribuable et de carte d'électeur.

    Les premières traces de papiers permettant de prouver l'identité en France apparaissent au XVe siècle. Ce sont des «passeports» ou «sauf-conduits» qui permettent souvent aux marchands et aux voyageurs de prouver leur identité durant leurs déplacements. Ils sont établis en général sur des feuilles volantes délivrés par des juges, des curés ou des secrétaires d'État. Ce n'est qu'en 1539 que l'édit de Villers-Cotterrêts renforcé en 1579 par l'ordonnance de Blois rend obligatoire la tenue de registres baptismaux, de mariages et de sépulcres et servent à prouver l'identité d'un individu. Mais le système d'identification reposait encore essentiellement sur la reconnaissance orale par des tiers, notables en général, de la commune où réside l'individu.36

    C'est en 1921 que le préfet du département de la Seine, Robert Leullier, instaure la première carte d'identité française pour remplacer la pratique qui exigeait la présence de deux témoins pour toutes démarches. Marquant une étape décisive dans la rationalisation et l'uniformisation des pratiques étatiques d'encartement des citoyens, le succès de cette carte fut mitigé : des problèmes d'ordre matériel ralentissent sa mise en place, la presse de gauche condamne la prise de l'empreinte digitale qui assimile le citoyen au délinquant37. Bien que le préfet Leullier projette de la rendre obligatoire, elle ne reste que facultative.

    Au début de la Seconde Guerre mondiale, avec la loi du 27 octobre 1940, le gouvernement de Vichy reprend l'idée, la développe et, à la suite des mesures antijuives, la rend obligatoire et l'étend en 1943 à toute la France38. Après la grande guerre, la carte d'identité disparaît partiellement et avec le décret n°55-1397 du 22 octobre 1955, elle devient facultative sur tout le territoire français incluant alors l'Algérie. En décembre

    36Ibid., p.214.

    37Piazza, 2004, p.54. 38 Ibid.

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    1995, la carte dite « sécurisée », prévue par un décret du 19 mars 1987, est généralisée et devient gratuite le 1er septembre 1998.

    En Afrique, il est hasardeux et même démesuré de soutenir qu'il existe un document d'identité avant la colonisation. Néanmoins, il existait un système d'identification des personnes soit par caste, ethnie, par le lieu de provenance (région, royaume etc.) et par généalogie. Le système d'identification a donc été introduit à partir du XIXème siècle notamment sous l'impulsion européenne. L'administration coloniale française, pour contrôler les déplacements, prélever l'impôt de capitation sur les « indigènes », prendre des mesures judicieuses contre des épidémies, des maladies et procéder au recensement de la population, développa le système d'identification, notamment l'état-civil en multipliant les centres d'état-civil au Cameroun. L'état-civil était une sorte de document d'identité permettant d'identifier les indigènes. Après les indépendances, plusieurs pays africains se sont arrimés au système d'identification dit « moderne » en instituant la carte identité. Une manière d'imiter les États modernes de l'occident qui, en concevant l'idée de l'identification de leurs populations, ont tenu compte du contexte social, politique et économique de leurs pays respectifs. Ainsi, la carte d'identité telle qu'elle est aujourd'hui dans les différents États africains, reste un plagiat de celle des Occidentaux. L'Afrique, continent où l'on retrouve une diversité de cultures, se trouve face à une identification étrangère « moderne ». En fait, le problème que nous voulons aborder ici est celui du système d'identification européen dans une Afrique régie par des ensembles traditionnels. En clair, nous voulons traiter de la question de l'acceptation de la carte d'identité nationale dans l'Adamaoua ; car elle se situe dans un contexte beaucoup plus spécifique où elle semble ne pas avoir vocation. Par ailleurs, l'existence de la carte d'identité dans la majorité des pays africains a été concrétisée par des productions législatives en la matière réglementant son organisation, ses caractéristiques, son fonctionnement etc.

    IV-CADRE GÉOGRAPHIQUE ET HUMAIN.

    Le cadre géographique et humain, retenu pour cette étude est la Région de l'Adamaoua. Le choix de cet espace géographique n'est pas fait de façon fortuite car, l'Adamaoua est l'une des Régions du Cameroun, la troisième par sa taille. Elle compte cinq départements depuis 1983 et est frontalière du Nigeria à l'ouest et de la République

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    Centrafricaine à l'est. C'est aussi l'une des Régions où l'on retrouve, jusqu'ici, des citoyens réticents à l'égard de la question d'identification. Par ailleurs, c'est également une Région qui accuse un retard en matière d'infrastructures administratives. L'évolution de la structure administrative a favorisé le développement de la politique d'identification. Ceci s'est traduit dans les faits par la création des postes d'identification dans les unités administratives et la mise sur pied des équipes mobiles d'identification dans l'Adamaoua.

    En outre, dans la Région de l'Adamaoua, se côtoient divers groupes ethniques. Ainsi, on y rencontre les Gbaya, les Mbum, les Vouté, les Dii, les Nkonja, les Ndoro, les Suga, les Mambila, les Tikar, les Kali, les Kutin et les Peul. À ces groupes dit autochtones, s'ajoutent les Bamiléké, les Bamoun, les Béti, les Nso'o, les Sawa et les Mbamois venus du Sud Cameroun. On note aussi la présence des Toupouri, Fali, Mafa, Moufou, Kapsiki, Massa, Mousgoum, Moundang et Kotoko.

    V-CADRE CHRONOLOGIQUE.

    L'historien Joseph Ki-Zerbo39 affirmait : « L'historien qui veut remonter le passé sans repère chronologique ressemble au voyageur qui parcourt dans une voiture sans compteur, une piste sans borne kilométrique ». Ce travail s'inscrit dans la fourchette chronologique allant de 1960 à 2013.

    1960 est la borne chronologique amont de notre thème. Elle correspond à l'indépendance du Cameroun sous administration française. En effet, en 1959 le Cameroun français par un nouveau statut d'autonomie interne n'était plus représenté dans les assemblées françaises et avait tous les pouvoirs de législation, d'administration et de juridiction. La même année et par ce même statut, la nationalité camerounaise fut reconnue sur le plan international. Ainsi, lorsque le Cameroun sous administration française accéda à l'indépendance le 1er janvier 1960, l'accord de tutelle approuvé par l'assemblé générale des nations unies le 13 décembre 1946 cessa d'être en vigueur40.

    39J.Ki-Zerbo, 1978, Histoire de l'Afrique noire d'Hier à Demain, Paris, éd. Hatier. p.16.

    39E.Mveng, 1963, Histoire du Cameroun, Paris, Présence Africaine, p.124 40 Ibid.

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    C'est dans cette situation que le Cameroun sous administration française indépendant en 1960 et reconnu comme territoire souverain, institua la toute première carte d'identité baptisée sous le nom de « carte identité officielle ».

    2013 qui est la borne chronologique aval, est l'année de la double élection (municipale et législative) au Cameroun. En fait, dans l'optique d'établir les listes électorales biométriques et de permettre ainsi à tous les Camerounais ayant atteint l'âge de voter de prendre part au vote, le Président de la République a rendu la délivrance de la carte nationale d'identité gratuite.

    VI-INTÉRÊT DU SUJET.

    L'identification dans les sociétés et les communautés contemporaines de par le monde est d'une importance notoire. Elle constitue l'expression de la culture qui est traduite sous diverses formes selon l'espace, la communauté, le contexte etc. Pour ce qui est de l'Afrique et singulièrement du Cameroun, la culture de l'oralité prédomine dans les sociétés qui le composent, l'avènement de l'identification de type occidental sous l'impulsion du colonisateur a permis globalement d'uniformiser les référentiels identitaires des personnes ; donc dans un premier temps à dresser l'état-civil et dans un second temps à établir la carte d'identité d'une personne. La carte d'identité traduit ipso facto l'identité de son détenteur. Dans cette perspective, la carte d'identité occupe une place importante dans la société. Comme l'a si bien fait Pierre Piazza41 en France, l'on pourrait écrire l'histoire du Cameroun à partir de la carte d`identité. L'intérêt de mener une étude sur la carte d'identité nationale est évident parce qu'il n'existe nulle part une synthèse scientifique produite sur la question de la carte d'identité dans l'Adamaoua. Le travail produit représente alors une nouvelle piste de recherche dont l'importance sur le plan historiographique est notable. Notre souci est de mettre à la disposition de la communauté scientifique, un document relatif à la structure, à l'organisation et au fonctionnement de la carte d'identité nationale du Cameroun. Les productions scientifiques sur la carte nationale d'identité du Cameroun demeurent parcellaires à cause de manque de sources.

    41 Piazza, 2004. p.55.

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    Au plan fonctionnel, la carte nationale d'identité constitue l'un des moyens les plus efficaces de contrôle de l'État. Elle aide non seulement à identifier les disparités géographiques, sociales et ethniques, mais surtout à lutter contre l'insécurité. En effet, la carte nationale d'identité permet de contrôler la mobilité humaine à l'intérieur du territoire national, de contrôler les entrées, les sorties et de sécuriser la nationalité. Elle est un outil qui permet de limiter l'immigration clandestine.

    Ce travail étudie la carte nationale d'identité qui, à notre avis a des implications sociales, économiques, culturelles et politiques évidentes sur l'histoire du Cameroun. Le gouvernement camerounais y trouvera certainement des éléments de réponse positifs à son souci de canaliser les énergies de tous aux efforts du développement national. Des actions concrètes pourraient être développées par le gouvernement camerounais pour améliorer davantage les conditions d'établissement des cartes nationales d'identité. Il met à la disposition de la délégation générale de la sureté nationale (DGSN), de l'institution chargée de l'organisation de élections au Cameroun (ELECAM)42, des organismes nationaux et internationaux un ensemble de connaissances théoriques susceptibles de motiver une restructuration de leurs programmes et de leurs méthodes d'intervention ainsi qu'une réorientation de leur action sur le terrain. Ainsi, la délégation générale à la sureté nationale chargée de l'identification au Cameroun trouvera son compte dans ce travail, dans le cadre de la sensibilisation de la population qui jusqu'ici est encore ignorante et réticente à l'identification. La carte nationale d'identité est un outil important dans une démocratie bien implantée. Les listes électorales sont établies à partir de celle-ci. La crédibilité, la transparence, la prévention des fraudes électorales et la possibilité pour tous les citoyens de participer à la vie politique passent nécessairement par l'obtention de cette pièce officielle.

    VII-REVUE DE LA LITTÉRATURE.

    Plusieurs chercheurs ont consacré des travaux à la question de l'identification et ont également traité de la pièce d'identité dans différents pays. Nous avons eu recours à certains de leurs écrits pour nous imprégner de ce qui a été déjà fait par rapport à ce travail. Certes, ces auteurs n'ont pas spécifiquement orienté leurs études sur la carte

    42Elections Cameroon.

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    nationale d'identité au Cameroun, mais la documentation disponible est d'un intérêt certain.

    Les auteurs se sont intéressés à la naissance de la pièce d'identité. Chiara Lucrezio43 Monticelli analyse de fond en comble la naissance de l'identification en France. Ainsi, Chiara précise le contexte de l'avènement de l'identification en France tout en démontrant l'influence du XVIIIe siècle comme tournant historique pour l'identification en France notamment avec des techniques et des instruments d'identification individuelle encore inédits. Toutefois, l'auteur fait une sociologie des identificateurs, étudie les pratiques d'identification et analyse les comportements sociaux face au système d'identification en place.

    Pierre Piazza44, à partir de l'exploitation de très nombreuses archives publiques souvent inédites, cerne, dans une perspective historique accordant une large place au régime de Vichy, les enjeux politiques et identitaires qui ont accompagné la mise en oeuvre en France d'une nouvelle procédure d'encartement généralisé des citoyens au travers de la diffusion de la carte nationale d'identité. Retraçant le long processus d'institutionnalisation de ce document, il décrit avec précision le rôle déterminant joué par certains acteurs dans la rationalisation des techniques et des dispositifs d'identification mobilisés par les pouvoirs publics. L'accent est encore mis sur les réactions, les débats et les multiples formes de résistances qu'ont suscitées les différentes entreprises étatiques d'encartement des nationaux.

    Nicolas Mariot et Claire Zalc45 s'intéressent également à l'identification telle qu'elle fut mise en oeuvre par le régime nazi et ses collaborateurs, mais en prenant pour « objet » les résidents juifs de la ville de Lens, sous-préfecture du Pas-de-Calais, durant la Seconde Guerre Mondiale. Au cours d'une enquête, les deux chercheurs montrent que la déclaration constituait une étape nécessaire à l'identification des Juifs comme tels par les autorités, mais que beaucoup parmi les personnes concernées s'y sont finalement

    43 C. L. Monticelli, 2008, « Naissance de l'identification », La Vie des idées, ISSN : 2105-3030, http://www.laviedesidees.fr/Naissance-de-l-identification.html. Consulté le 14 avril 2014.

    44 P. Piazza, 2004, « Septembre 1921 : la première « carte d'identité de Français » et ses enjeux », Genèses, n° 54.

    45 N. Mariot et C. Zalc, 2010, Face à la persécution. 991 Juifs dans la guerre, Paris, Fondation pour la mémoire de la Shoah.

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    soumis. Comme si elles avaient intégré le fait de ne pas se dire juif ne pouvait en rien les prémunir contre la stigmatisation et les déportations.

    L'essor des papiers d'identité est donc indissociable de celui de la mobilité. C'est ce que la contribution de Vincent Denis46 vient confirmer. Celui-ci revient en effet sur l'importance que revêt la « nébuleuse » de leurs papiers pour les pauvres au XVIIIème siècle. Vincent Denis rappelle en effet l'importance de la répression policière vis-à-vis du vagabondage et de la mendicité. Les papiers remplissent en effet, selon leur nature, deux fonctions principales : marquer l'appartenance à une communauté et l'autorisation de circuler.

    Dans un article particulièrement édifiant, Ilsen About47 retrace pour sa part l'essor de la gestion policière de l'immigration en France, qui s'est essentiellement déroulée durant l'entre-deux-guerres. C'est en effet à partir de 1917 que les étrangers installés dans l'Hexagone sont tenus de détenir une carte d'identité, une décision du ministre de l'intérieur qui entraîna corrélativement la généralisation d'une pratique devenue aujourd'hui générale : les contrôles d'identité. Ilsen About retrace ainsi les multiples modifications de la réglementation en la matière : dans la durée et les conditions de délivrance, notamment le montant de la taxe à acquitter pour sa délivrance ; du document, les différentes couleurs que pouvaient revêtir le document, matérialisation de la hiérarchie qui s'établissait - déjà- aux yeux des autorités selon l'origine géographique et le secteur d'activité du porteur.

    Marie-Annick Mattiolli48, abordant la question de l'identification en Grande-Bretagne, analyse le projet d'une introduction de la carte d'identité en Grande-Bretagne énoncé dans le manifeste du New Labour en 2005. En fait, Mattiolli commence par rappeler l'origine, en évoquant notamment les deux premières cartes d'identité qui ont vu le jour pendant les périodes de guerre, entre 1915 et 1919 pour la première et entre 1939 et 1952 pour la suivante, et, plus récemment, les diverses évocations de cartes d'identité depuis les années 1980. Ensuite elle décrit les principales caractéristiques de

    46 V. Dénis, 2008, Une histoire de l'identité 1715-1815, Paris, Champ Vallon.

    47 I. About, 2010, Histoire de l'identification des personnes, Paris, La Découverte, coll. « Repères Histoire ».

    48M. A. Mattioli, 2008, « L'introduction de la carte d'identité en Grande-Bretagne par le New Labour », Observatoire de la société britannique, URL : http://osb.revues.org/661 ; DOI : 10.4000/osb.66, consulté le 14 avril 2014.

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    cette carte, qui permettent selon l'auteur de mettre en relief les objectifs que cherche à atteindre le gouvernement travailliste avec notamment, la réintroduction de papiers d'identité sur le territoire britannique.

    Dans son ouvrage, Gérard Noiriel 49 pose logiquement le cadre général, expliquant tout d'abord que l'identification représente un nouveau paradigme en sciences sociales, succédant à celui de l'identité, tel qu'il a pu être développé notamment par l'analyse structuraliste. Après avoir rappelé l'apport décisif de la philosophie en la matière, Gérard Noiriel explique en quoi le passage de la communication orale à celle écrite comme fondement de la culture, ainsi que l'allongement des chaînes d'interdépendance mis en évidence respectivement par l'anthropologue et le socio-historien, ont constitué les facteurs décisifs pour expliquer le développement du souci étatique d'identifier les individus circulant sur son territoire.

    Ces ouvrages nous sont utiles car, d'emblée, les auteurs dressent un état ponctuel, aussi complet et précis, servant ainsi une grille de lecture pour comprendre l'identification dans son évolution et ses caractères en Europe.

    Outre ces ouvrages généraux et européens, d'autres présentent pour ce travail l'intérêt de se pencher sur la question de l'identification en Afrique et surtout au Cameroun. Le juriste camerounais s'est penché sur la question de l'identification notamment l'état-civil. Siméon Ombiono50 fait un essai de présentation des dispositions légales ayant trait à l'homme. Comme le remarque si bien l'auteur lui-même, il ne s'agit pas d'un recueil exhaustif car, ce sont des lois héritées de la colonisation française et anglaise qui ne collent pas avec le contexte et les réalités locales camerounaises. Dans son article sur les noms et prénoms en Afrique, Siméon Ombiono51 relève, dans une perspective juridique que, sur le continent, le nom a de fonctions multiples. Il permet d'individualiser la personne, de le classer dans une famille à laquelle elle se rattache et de le situer dans l'histoire.

    49G. Noiriel, 1993, « L'identification des citoyens. Naissance de l'état-civil républicain », Genèse n° 13, pp. 3-28.

    50S.Ombiono, s.d. Textes et lois relatifs à l'état des personnes, Yaoundé, Multi Media, collection documents Juridiques.

    51 S ; Ombiono, 1982, « Les noms et les prénoms »,in encyclopédie juridique de l'Afrique, Vol. 6, Droit des personnes et des familles, Abidjan, NEA, pp. 45-54.

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    Emboitant le pas au droit, la sociologie et l'anthropologie à travers les auteurs tels que Clémentine Faik-Nzuji52abordent la question des noms et prénoms contenus sur les fiches d'identification. Elle examine les différentes circonstances d'attribution des noms et leurs significations dans la société.

    Henri Tajfel 53 s'intéresse à l'identité sociale. Il s'interroge sur le contexte amenant les individus à adopter des comportements intergroupes. Selon Tajfel, le contexte social et l'identification au groupe sont à la base des comportements et conflits intergroupes. Il pense que la catégorisation sociale est aussi un outil de définition de soi. Elle définit la place de l'individu dans la société. Dans cette optique, les groupes sociaux offrent à leurs membres une identification d'eux-mêmes au niveau social. C'est en ce sens qu'il définit l'identité sociale comme les aspects de l'image de lui-même d'un individu qui proviennent des catégories sociales auxquelles il perçoit qu'il appartient.

    Turner54et al. s'interrogent sur les circonstances dans lesquelles un individu est capable de se comporter comme membre d'un groupe. Dans cet ouvrage, chaque individu se classe dans un groupe dans lequel se trouvent des références qui lui semblent identiques, similaires ou interchangeables. Ceci permet à l'individu d'organiser son expérience de l'environnement social en classifiant soi et autrui dans des catégories distinctes et exclusives.

    Dans son ouvrage, Jean Claude Kaufmann55 retient le fait que l'identité ne doit pas être envisagée comme une substance mais comme un processus. Selon lui, l'identité sociale ne devrait pas être réduite à l'identité biographique. Kaufmann prend pleinement conscience des effets négatifs que peuvent engendrer la quête, la revendication d'une identité : repli sur soi ou explosions confuses et violentes.

    En linguistique, on retrouve une grande partie d'études faites sur les noms et prénoms qui sont les premiers substantifs pour identifier une personne physique. Les

    52 C. Faik-Nzuji, 1993, La puissance du sacré. L'homme, la nation et l'art en Afrique noire, Paris, Maisonneuve &Larose.

    53H.Tajfel, 1981, Humans groups and social categories: Studies in social psychology, Cambridge, UK : Cambridge University press.

    54 Turner et al, 1987, Rediscovering the social group: a self-categorization theory, Oxford : Blackwell.

    55 J.C. Kaufmann, 2006, « L'invention de soi. Une théorie de l'identité », revue interrogation ?, n°3, pp.32-71.

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    premiers travaux sur les noms de famille sont dus au philologue et écrivain français Albert Dauzat56. Il en dégagea les grands principes de cette science dès 1925.

    Retel-Laurentin et Horvath57 s'interrogent sur les motifs de choix de nom en Afrique noire et les classent selon les champs des activités qu'ils évoquent. Cette contribution a le mérite de se pencher sur une étude comparatiste des sociétés africaines notamment les Nzakara de la République Centrafricaine.

    Sur le plan historique, les écrits sur l'identification ne manquent pas. L'article de Hamadou Adama58 analyse la transformation graduelle des patronymes négro-africains portés par les Peul en noms et prénoms musulmans avant d'aboutir à la situation caractérisée par une arabisation quasi-systématique des prénoms des nouveau-nés dans le septentrion camerounais. L'historien Haman Tukur Sa'ad59 étudie la signification et les caractéristiques des noms peules dans l'Adamawa.

    Plus fourni apparaît le document du ministère camerounais de l'information et de la culture60 sur l'identité camerounaise. Ici, la question de l'identité trouve son prolongement pratique dans le concept du multiculturalisme qui se donne pour objectif la reconnaissance des diversités ethniques, culturelles, religieuses, linguistiques, etc. Elle se trouve dans le nouveau texte constitutionnel par l'affirmation du bilinguisme égalitaire d'une part, et par la protection et la promotion des valeurs traditionnelles et langues nationales d'autre part.

    Cette documentation variée est d'un intérêt non négligeable. Ces ouvrages évoquent d'une manière ou d'une autre la question de l'identification. Cependant aucun n'étudie spécialement la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua. Ainsi, si nous avons jeté notre dévolu sur ce thème, c'est en raison de ce vide que la littérature

    56 A. Dauzat, 1925, Traité d'anthroponymie français-Les noms de famille en France, revu par son élève Marie Thérèse Morlet, réédité en 1977 par Guénégaud.

    57 R. Laurentin et Horvath, 1972, Les noms de naissance (indicateurs de la situation familiale et sociale en Afrique noire), Paris, SELAF 30.

    58Hamadou. Adama, 1997, « Les nouveaux prénoms des peuls du Nord-Cameroun : historique et essai d'interprétation », Ngaoundéré-Athropos, Révue de Sciences sociales, vol.2, pp. 19-40.

    59H.T. Sa'ad, 1987, « Reflection on fufuldetopoymy. A study of fulbe towns in old Adamawa » in Annals of Bornu, vol.4, University of Maiduguri, pp. 7- 24.

    60 Ministère de l'information et de la culture, 1985, L'identité culturelle camerounaise, Yaoundé, Direction des affaires culturelles. Ce document est publié suite à un colloque organisé à Yaoundé sur l'identité camerounaise en 1985, sous le haut patronage du Ministère de l'information et de la culture.

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    camerounaise accuse dans ce domaine. Néanmoins, ces ouvrages recensés ne rendant pas véritablement compte des épisodes saillants et de l'évolution de l'identification au Cameroun, nous ont permis tout au moins d'orienter ce travail.

    VIII-PROBLEMATIQUE.

    L'institution de la carte nationale d'identité au Cameroun après l'indépendance, s'inscrit dans une logique de construction de l'État. Cette pièce d'identité qui semble entrer par effraction dans une société hétérogène régie par les normes et les valeurs traditionnelles a été, dès son avènement, confrontée aux difficultés d'ordre social, politique et administratif dans l'Adamaoua. Difficultés auxquelles les autorités politiques et administratives n'ont pas jusqu'ici trouvé de solutions adéquates. En outre, les années 1960, 1970 et 1980 sont caractérisées par une indolence des populations de l'Adamaoua à l'égard de la carte nationale d'identité. Contrairement, les années 1990 et 2000 sont marquées par une précipitation des citoyens dans les postes d'identification. De ce paradoxe, est née la question de l'acceptation de la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua. Quelles sont les raisons qui expliquent la réticence des citoyens vis-à-vis de la carte nationale d'identité pendant les trois premières décennies de son institution et la quête d'une identité officielle à partir des années 1990 dans l'Adamaoua ? Toutefois il sera question de restituer quelques séquences de l'histoire du Cameroun à travers la carte nationale d'identité. Un accent sera également mis sur les éventuelles réactions de la population et les écueils liés à l'établissement de la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua.

    IX-OBJECTIFS DE LA RECHERCHE.

    Le choix d'un sujet comme le nôtre répond à des visées multiples et variées. Il se propose de contribuer au débat sur l'identification officielle au Cameroun avec pour perspective d'aborder une réflexion et des questions pouvant surgir, face à la frustration éprouvée devant les sources inexistantes ou très déficientes au Cameroun. Notre ambition, dans une perspective pratique, consiste à tenter de comprendre le présent à partir du passé relativement récent du Cameroun. Plus spécifiquement, il sera question de :

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    - Faire ressortir les repères historiques des pièces d'identité au Cameroun tout en étudiant le contexte d'avènement de la carte nationale d'identité et les différentes modifications qu'a connu ce document.

    - Étudier l'identification dans l'Adamaoua et analyser les différentes réactions de la population.

    -Faire un bilan de l'identification et relever les écueils de la politique d'identification dans l'Adamaoua.

    X-METHODOLOGIE.

    Thuillier et Tulard relevaient61 : « Pas d'histoire sans source... ». Nous n'avons pas failli à cette tradition. Le sujet que nous étudions s'appuie amplement sur des sources écrites et les sources orales.

    En ce qui concerne les sources écrites, nous avons exploité les documents qui ont un rapport plus ou moins étroit avec le sujet en question. Les sources écrites sont essentiellement des ouvrages, des thèses, des documents d'archives, des mémoires, des lois et décrets, des articles, des rapports et certains journaux.

    À cet effet, la recherche des documents écrits a été réalisée dans les bibliothèques de l'université de Ngaoundéré notamment à la bibliothèque centrale, à la bibliothèque de la FALSH et au programme Ngaoundéré-Anthropos. Dans la ville de Ngaoundéré, nous avons consulté les ouvrages à la bibliothèque de SawtuLinjila.

    S'agissant des documents d'archives, la collecte des données archivistiques s'est faite aux Archives Nationales de Yaoundé, dans les postes d'identification les plus anciennement créés de la Région de l'Adamaoua, dans les sous-préfectures et dans les commissariats.

    L'enquête orale a été menée dans la région d'étude auprès des autorités administratives, militaires, traditionnelles, des personnels des postes d'identification et des populations. Cette catégorisation des informateurs a facilité la collecte des données car, auprès de chaque informateur, nous savions exactement sur quoi conduire

    61G.Thuillier et J. Tulard, 1986, La méthode en histoire, Paris, PUF, p. 78.

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    l'entretien. La collecte des informations était réalisée à partir des entretiens et des interviews portant sur des questions spécifiques. Cette démarche a un avantage dans la mesure où, elle permet d'entrer en profondeur des problèmes posés afin de saisir la substance du document à étudier. Un autre avantage lié à l'entretien est celui de juger les signes physionomiques de l'interlocuteur. Durant les entretiens, le mutisme des informateurs sur certaines questions soit dit gênantes, permettait de tirer certaines conclusions dans l'attente de leur vérification. Les démarches d'entretien et d'interview étaient adaptées aux stratégies de collecte des informations sur la question de la carte nationale d'identité, les formes de résistances de certaines personnes et les difficultés liées à l'établissement et à l'obtention de cette pièce dans la région de l'Adamaoua.

    Une autre contrainte liée à l'adoption de la démarche par échantillonnage est le temps insuffisant accordé à la recherche de terrain. L'on n'a cessé de le dire, le temps du Master est extrêmement court. La péréquation entre le temps de recherche de terrain et l'espace à parcourir est disproportionnée car, la région de l'Adamaoua s'étend sur 63701km2 et compte 16 postes d'identification. Il a été donc nécessaire de procéder par échantillonnage pour réaliser ce travail. Néanmoins, les données orales collectées auprès des informateurs ont été essentielles pour la rédaction de ce mémoire de Master.

    Du point de vue de l'analyse des données, nous avons mis en exergue l'approche diachronique et synchronique. L'approche synchronique a consisté à organiser les informations ou les données collectées sur le terrain en centre d'intérêt. Ce qui a facilité dans une certaine mesure la compréhension, l'explication et l'interprétation des faits. Un autre mérite de cette démarche synchronique est qu'elle permet de simplifier les variables pour retenir comme vérité historique, le noyau dur des informations recueillies. Conscient également du fait que, la question de l'identification est un champ culturel, la démarche synchronique a permis de comparer les informations autour d'un centre d'intérêt pour ne retenir que les informations concordantes.

    L'approche diachronique a permis de situer chaque fait dans son contexte historique afin de dégager la dynamique de l'établissement des cartes nationales d'identité dans la région de l'Adamaoua. Cette analyse évolutive de l'identification a permis de placer les faits recensés dans leur contexte. De plus, nous avons également associé à la démarche susmentionnée, une approche pluridisciplinaire et

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    interdisciplinaire. Les travaux de la sociologie, d'anthropologie, de la science politique, de la géographie et du droit ont été consultés et associés à ce travail.

    Au chapitre des difficultés rencontrées dans la réalisation de ce travail, nous avons été confronté aux problèmes de la langue car, nous ne maîtrisons pas le fufuldé qui est la langue principale de communication dans la Région de l'Adamaoua. Pour pallier cette difficulté, nous avons souvent sollicité l'aide d'un interprète. Dans les centres de documentation de la région, il y a un manque criard d'ouvrages spécifiques portant sur l'identification officielle au Cameroun. Quelques travaux académiques, trouvés à Ngaoundéré-Anthropos, portent essentiellement sur l'état-civil. Pour surmonter cette difficulté, les données écrites ont été renforcées par les enquêtes orales réalisées auprès des acteurs de l'identification et auprès des autorités administratives de la région de l'Adamaoua.

    L'identification des Camerounais est assurée par la police camerounaise. Dans l'acception commune, la police est un corps muet qui ne se livre pas facilement au jeu de question/réponse qui anime tout chercheur en sciences sociales. Il a été particulièrement difficile de recueillir les informations auprès de la police car, pour qu'un agent parle, il faut au préalable, une autorisation de sa hiérarchie. Tout au départ, on envisageait passer par voie formelle, c'est-à-dire passer par voie hiérarchique notamment les commissaires de police, les chefs de poste d'identification afin qu'ils puissent mettre à notre disposition, les éléments susceptibles de nous renseigner sur les questions essentielles pour la réalisation de ce travail.

    Face à cette difficulté, nous avons réorienté notre stratégie de collecte des données en interrogeant ces personnels en dehors de leurs services et de façon individuelle. C'est ainsi qu'on a pu interroger, les agents operateurs de photographie et les chefs des postes d'identification. Une autre difficulté, pas de moindre est celle du manque des moyens de transport dans certains localités de la Région de l'Adamaoua. Ce qui rend particulièrement difficile les déplacements pour la recherche. Le mauvais état des routes reliant certaines villes de la Région et le nombre insuffisant des véhicules font en sorte que, le chercheur ne peut maîtriser son calendrier de recherche car il est soumis aux caprices des automobilistes. C'est ainsi que, nous avons mis deux jours sur le tronçon

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    Tibati/Banyo. Le piteux état des véhicules, combiné au mauvais état des routes rendent la recherche tortueuse.

    Ce travail réalisé à partir des enquêtes orales et la collecte des sources écrites, souffre du manque des données iconographiques et des synthèses de production des postes d'identification. Cependant, malgré le mauvais état dans lequel se trouvaient certaines archives, nous nous sommes quand même imprégné de leurs contenus.

    Toutefois, les données collectées à partir des sources écrites et orales ont été suffisantes pour la réalisation de ce travail. Pour mieux appréhender les données collectées sur le terrain, nous les avons organisés autour de trois chapitres :

    Le premier chapitre porte sur l'institutionnalisation de la carte nationale d'identité au Cameroun. Il analyse le contexte d'avènement de la carte d'identité au Cameroun tout en soulignant les différentes modifications qu'a connues ce document d'identité. L'analyse met en relief les procédures et les acteurs d'identification

    Le deuxième chapitre porte sur l'identification dans la Région de l'Adamaoua. Il analyse les pratiques d'identification dans l'Adamaoua. Ces pratiques sont conjoncturelles et dépendent de l'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua. Ils dépendent également de la politique d'identification au Cameroun.

    Le chapitre trois en définitive aborde le bilan de l'identification dans l'Adamaoua. Il analyse l'impact de l'identification dans l'Adamaoua et soulève les questions liées à la politique d'identification.

    CHAPITRE I:

    INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE NATIONALE D'IDENTITÉ AU CAMEROUN

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    Historiquement, les systèmes d'identification les plus anciens permettant de prouver l'identité d'une personne physique sont ceux de l'état-civil suivi de la carte d'identité classique et du passeport ordinaire. Dans ces systèmes, l'identification, qui correspond à une logique de reconnaissance juridique des citoyens par l'État, se concrétise par l'établissement administratif d'identifiants comme le nom, le prénom, la date de naissance, le sexe et le lieu de naissance, etc. et leur stockage dans des supports en papier. Délivrés par les pouvoirs publics (maires, officiers de police, etc.), les premiers documents d'identité étaient détachés dans des cahiers dont les souches sont en général gardées par l'administration. Cette conservation facilitait les vérifications en cas de contrôle et garantissait l'authentification du citoyen.

    De nos jours, les questions d'identification, qui traditionnellement étaient considérées comme des questions administratives et policières, sont devenues des enjeux majeurs pour le renforcement de l'État de droit et le développement économique d'un pays. En effet, sans possibilité de savoir avec le degré requis de certitude à qui l'on a affaire, les transactions et le contrôle de l'intégrité et de l'accès à un bien tangible ou à un service sont plus risqués et plus difficiles à réaliser. De même, il est beaucoup plus complexe pour lutter contre la fraude à l'identité et le crime. C'est pour gérer ces risques liés à la traçabilité des transactions et instaurer un véritable État de droit, ainsi que la confiance dans les échanges économiques que les gouvernements et les organismes publics et privés fournissant aux citoyens des droits et des services ont, de nos jours, fait de l'identification sans équivoque des personnes physiques une priorité majeure pour un contrôle permanent de l'intégrité et de l'accès à ces droits et services. Ce besoin d'identification des personnes physiques avec précision, a ainsi conduit la plupart des pays, le Cameroun particulièrement, à la mise en place des systèmes d'identification fiables et l'instauration de la carte nationale d'identité pour l'authentification de leurs citoyens. Ce document d'identité qui représente la preuve de l'identité du citoyen doit être présenté chaque fois que c'est nécessaire par celui-ci pour faire valoir ses droits ou avoir accès à certains biens ou services.

    Dès lors qu'elle s'inscrit dans une perspective de longue durée, de la colonisation aux récents débats autour du 11 septembre 2001, l'histoire de la carte d'identité et de l'identification s'impose avec acuité et comme un domaine de recherche aux applications nombreuses. Parallèlement, elle souffre de ses contours instables qui

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    sont sans cesse susceptibles de révision sur le plan politique, administratif, culturel et juridique. En effet, il est question dans ce chapitre de reconstruire le cadre historique pour rendre intelligible les variétés des phénomènes liés à l'élaboration d'un nouveau modèle d'identification au Cameroun. En s'inspirant du travail de Gérard Noiriel1 qui met en exergue les interactions entre institutions et sociétés, il sera question de parcourir la genèse du nouveau « savoir de l'État » à l'aune du concept d'identification. Les changements politiques et administratifs du Cameroun entre 1960/1961 et 1990 qui touchent les aspects cruciaux de l'existence de la population sont en fait précurseurs de la dynamique de la politique d'identification au Cameroun depuis 1960. Toutefois, en se penchant sur les années 1960 en étroite corrélation avec les notions de nationalité, citoyenneté et d'identification, nous allons nous imprégner de l'historiographie contemporaine et des différentes productions législatives relatives à la carte nationale d'identité pour déceler le contexte d'avènement de la carte nationale d'identité au Cameroun. Il s'agit de décrire les enjeux politiques et identitaires qui ont accompagnés la mise en oeuvre au Cameroun d'une nouvelle procédure d'encartement généralisée des citoyens au travers de la diffusion de la carte nationale d'identité. En retraçant le processus d'institutionnalisation de ce document, nous allons décrire avec précision le rôle déterminant joué par les productions législatives dans la rationalisation des techniques et des dispositifs d'identification mobilisés par les pouvoirs publics et analyser l'évolution des énonciations de la carte nationale d'identité. Tout en mettant en lumière l'historique de l'identification des Camerounais, l'organisation et le fonctionnement du système d'identification officielle du Cameroun seront examinés.

    I-Historique des pièces d'identité officielles du Cameroun (1922-1960).

    Introduite par les Allemands et développée par les Français et les Anglais, vainqueur pendant la première guerre mondiale, l'identification de la population de manière générale au Cameroun prend un tournant important à partir de 1916 et surtout en 1922 avec la présence effective de l'administration coloniale française via le mandat de la SDN.

    1G. Noiriel, 2007, L'identification. Genèse d'un travail d'État, Paris, Belin.

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    Aux termes des dispositions de l'Article 22 de la SDN2, le régime de mandat trouve son fondement dans l'incapacité reconnue aux populations camerounaises de s'administrer elles-mêmes, après le départ des Allemands. Aux termes du principal droit reconnu à la France comme puissance mandataire, elle avait plein pouvoir de législation et d'administration sur le Cameroun.

    À partir de 1923, de nombreux textes législatifs et réglementaires interviennent pour consacrer la diversité des statuts et droits privés de personnes établissant ainsi la distinction entre les français et les administrés (Camerounais). Ainsi, dans ce contexte de colonisation, le concept d'identification mis sur pied par la puissance mandataire n'est qu'en fait le fichage des caractéristiques, des traits, ou des référentiels identitaires d'une personne. En d'autres termes, il était question d'unification des faits et actes liés à l'identification d'un individu dans le but de créer « des papiers d'identité » de celui-ci. L'identification de type occidental était organisée autour de deux systèmes : l'état-civil et la carte de résidence en métropole.

    1. L'état-civil de l'époque coloniale.

    L'avènement de l'identification de type occidental au Cameroun, comme dans d'autres pays africains, s'est fait dans un contexte de colonisation. La reconstruction identitaire a constitué un instrument majeur de la domination coloniale. Pendant la période coloniale, le discours de légitimation de la colonisation s'articule, pour l'essentiel, autour de l'idée d'une entreprise de civilisation. Il ne s'agissait pas de dominer ni d'exploiter mais de tirer les peuples colonisés de la barbarie. Ce discours est porteur d'un projet élaboré de reconstruction identitaire sur le dogme de la supériorité du modèle européen de civilisation illustré par les trois vecteurs principaux de l'identité : la race, la religion et la culture. Les éléments retenus qui différencient chaque personne des autres au plan de la jouissance et de l'exercice des droits civils sont : la nationalité, le mariage, la parenté, le domicile, l'alliance, etc.3

    2 Article 22 « La colonisation constitue une mission sacré de civilisation puisqu'elle vise à assurer le bien-être et le développement des hommes. Les peuples libérés de l'occupation allemande et turque, qui ne sont pas capable de s'administrer eux-mêmes reçoivent les conseils et l'aide d'un État développé. Ce dernier intervient et agis pour le compte de la SDN... »

    3 AMC, Cameroun français, arrêté portant organisation de l'état-civil indigène, 1er mars1935.

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    Bien que les Allemands aient créé un système d'administration et un système judiciaire, l'état-civil n'était pas bien mis sur place. Ainsi après le départ de l'administration allemande du Cameroun et l'annexion immédiate de la France et de la Grande-Bretagne, l'état-civil va se mettre en place progressivement. Le Cameroun sous administration française, dont fait partie l'Adamaoua, va connaître l'implantation progressive d'un système d'identification de la population qui aboutit à la mise en place de l'état-civil dans les centres urbains essentiellement4. Il s'agit des opérations de collecte de données menées par l'administration coloniale française dont le but est de déterminer non seulement le nombre d'imposables, mais aussi renforcer davantage la politique de « diviser pour mieux régner » dans la mesure où, à cette époque, l'administration coloniale française avait organisé uniquement un état-civil pour les indigènes par les arrêtés du 30 juin 1917, du 16 mars 1935 et celui du 17 décembre 1948.

    Dans les années 1920, l'état civil pour le recrutement extérieur des citoyens français à des fins de conscription est mise en place. Les premiers centres d'état-civil sont apparus dans l'Adamaoua sous administration française dans le contexte du développement des infrastructures administratives entre les deux guerres (1914-1918 et 1939-1945)5. Les principaux centres d'état-civil de l'Adamaoua furent installés dans les chefs-lieux des circonscriptions administratives tels que, Banyo, Ngaoundéré, Tibati, Meiganga et Tignère.

    Dans les registres d'état-civil de cette période, on peut ainsi voir dans les fiches d'acte de naissance, la disposition des éléments qui fournissent des renseignements sur l'identification d'une personne. L'on a :

    -Date de naissance .

    -Sexe de l'enfant

    -Nom et prénom de l'enfant

    -Noms, prénoms, âge, profession, domicile, race de la mère et du père, ceux-ci étant substitués dans le cas des naissances hors mariage par le chef de famille

    maternelle .

    4 H. Roger, 2009, « L'état-civil au Cameroun de la période coloniale allemande au début du XXIe siècle », mémoire de DEA, université de Ngaoundéré, p. 68.

    5 Ibid.

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    -Noms, profession et domicile du déclarant et des témoins

    La notion de race, qui apparaît sur les fichiers d'état-civil, trahit la politique coloniale au Cameroun et traduit clairement la théorie de la race supérieure que prônaient les colons. Cependant, l'entrée en métropole des Camerounais pendant la période coloniale était conditionnée par un autre document d'identité. Il s'agit de la carte de résidence en métropole.

    2. La carte de résidence en Métropole.

    D'emblée, il est important de souligner pour éviter tout malentendu dans cette partie que le Cameroun colonial n'a pas connu le développement des infrastructures destinées à l'établissement de la carte d'identité. Cependant, pendant la colonisation seuls quelques Camerounais déplacés en métropole ont connu les pratiques d'identification centrées sur la carte d'identité, carte de séjour ou encore carte de résidence. En fait, après la deuxième guerre mondiale, la question de l'identification des indigènes devient celle de l'accès à la nationalité, au droit de séjour et au travail pour les migrants. L'accès à la citoyenneté, et donc au droit de vote, devient la clé de la souveraineté sur le territoire. Se mettent alors en place une succession de structures et de procédures pour établir des listes d'indigènes, citoyens français et « protégés français », en particulier autour de manipulations administratives de l'état civil. L'objectif de l'administration est alors de choisir les «indigènes» parmi la masse des demandeurs de nationalité et de citoyenneté, pour contrôler à travers la population «régulière», la situation politique locale et la présence française dans les colonies6.

    C'est dans le contexte de la régulation d'entrée et de séjour des migrants coloniaux après 1945 en France, que la carte de résidence et la carte de séjour ont été instituées pour identifier les immigrés et ceux des colonies en particulier. Ainsi, au-delà des droits politiques et civiques auxquelles elle donne accès, la citoyenneté recouvrait également dans les possessions françaises, la possibilité de se déplacer de la colonie pour la métropole tout en étant astreint de présenter un document attestant de la

    6 A.Spire, 2003, « Semblable et pourtant différents. La citoyenneté paradoxale des « Français musulmans » en métropole », Genèse, n° 53, p.56.

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    légitimité de sa présence sur le territoire7. Le droit reconnu aux colonisés de se déplacer en métropole et d'être contraints de se conformer aux pratiques policières d'identification se trouve donc au coeur de la différenciation entre les immigrants coloniaux et les Français. Il existait en France à partir de l'adoption de la constitution du 27 octobre 1946, trois catégories de migrants coloniaux : Les protégés français qui sont les Tunisiens et les Marocains, les ressortissants des territoires associés tels que les originaires d'Indochine, du Togo et du Cameroun et enfin les ressortissants des départements et des territoires d'outre-mer. Les ressortissants marocains et tunisiens ne sont pas soumis à l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers en France. Néanmoins, ils doivent être porteurs d'une carte d'identité dite de « protégé français », valable pour la durée de leur séjour en France, ceci en application du décret du 29 juin 1938 qui précise leur statut en métropole.

    Pour le cas des Camerounais qui nous intéresse dans cette partie, ils sont soumis lorsqu'ils résident en métropole, à un statut juridique plus favorable que celui des Marocains et des Tunisiens. Ils ont une nationalité propre, mais bénéficient d'une « citoyenneté de l'Union française » qui leur permet d'être électeurs et éligibles aux Assemblées politiques de l'Union française. Jusqu'à la fin de l'année 1952, ils dépendent du ministère de la France d'outre-mer puis sont soumis à l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers en France. Même s'ils bénéficient toujours d'un régime de séjour privilégié : lorsqu'ils arrivent en métropole, ils sont mis à l'obligation de détenir un document d'identification spécifique et peuvent, s'ils en font la demande, en obtenir une « carte de résidence de citoyen de l'Union française » valable pour dix ans, délivrée par la préfecture de leur lieu de résidence. Dans un premier temps, le seul obstacle que rencontrent ces migrants camerounais nouvellement promus citoyens tient au soupçon concernant l'exactitude de leur état-civil. Dans la plupart des cas, l'employé de préfecture adresse une demande de vérification au maire de la commune dont le migrant est originaire et cette procédure prend parfois du temps8.

    Cependant, une fois ces formalités remplies, ils se voient délivrer des cartes de résidence portant des mentions spéciales susceptibles de les différencier de celles des

    7Spire, 2003, p.57. 8 Ibid., pp.57-60.

    34

    autres immigrés et des Français. Sur ce document d'identification sont disposés les éléments suivants :

    -Nom (éventuellement : Épouse pour les femmes)

    -Prénom .

    -Né (e)

    -Provient de

    -Fils ou Fille de

    -Nationalité .

    -Situation familiale

    -Date d'entrée .

    -Profession

    -Adresse .

    -Signalement .
    Etc.

    Au demeurant, la carte d'identité n'était pas connue unanimement de tous les Camerounais pendant la période coloniale. Tout ce que l'on peut dire c'est que le système d'identification de type occidental en vigueur au cours de la période coloniale au Cameroun était uniquement centré sur l'état-civil indigène. Néanmoins, les immigrés camerounais en métropole ont connu la carte de résidence, un document d'identification semblable à la carte d'identité. L'obtention de cette pièce étant obligatoire pour tous les immigrés en métropole fut alors un instrument destiné à contrôler l'identité des Camerounais qui franchissent les frontières françaises. Dès lors, à partir de 1960, le Cameroun français en accédant à l'indépendance mit sur pied un système d'identification des citoyens. Il est question donc de l'institution de la carte nationale d'identité.

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    Photo 1: Échantillon d'une carte de résidence du citoyen de l'union française en métropole

    (c) : Alex Spire, 2003.

    II-Institution et évolution de la carte nationale d'identité au Cameroun

    de 1960 à 2007.

    Une minutieuse analyse formelle et matérielle des documents d'identité au Cameroun depuis la période coloniale permet de découvrir l'évolution de la carte nationale d'identité qui, de l'état-civil (acte de naissance) concédé par un officier d'état-civil dès la naissance d'un individu, se transforme en certificat durable émis par un bureau créé à cet effet : il s'agit d'un support papier sur lequel sont annotées des informations de plus en plus détaillées sur l'identité du possesseur. Bien plus tard, ce cadre informatif sera renforcé par un support plus sécurisé. Un tel changement implique nécessairement l'élaboration d'un code permettant de décrire un individu sur la base de critères esthétiques et moraux. Dans la poursuite incessante d'une objectivité maximale

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    de tels critères, ce sont surtout les caractéristiques physiques qui finissent par jouer un rôle privilégié pour signaler les personnes.

    Les années 1960 et 1990 au Cameroun marquent un tournant historique pour l'identification. C'est au cours de ces années que s'articulent et s'élaborent des techniques et des instruments d'identification individuelle. Le critère de l'appartenance à la communauté nationale défini par la constitution, avec les droits et les devoirs qui en dérivent, se greffe en réalité sur un substrat de savoirs et de pratiques qui sont peu connus de la population. Trois événements majeurs sont tributaires de l'histoire de la carte nationale d'identité : l'indépendance du Cameroun sous administration française le 1er janvier 1960 caractérisée par une réelle volonté de construction d'un État souverain, la réunification en 1961 notamment avec la question de la nationalité du Cameroun et 1990 caractérisée par l'ouverture démocratique et la lutte contre l'insécurité.

    1-Législation et conditions d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun.

    Le passage de l'identité à l'identification a permis d'ouvrir toute une série de législations. Les textes ont constitué un facteur décisif dans le développement du système d'identification au Cameroun. L'étude des textes relatifs à l'identification en général et de la carte nationale d'identité en particulier permet de mettre en relief le processus de la mise en place du système d'identification des citoyens camerounais. En effet, l'essor des papiers d'identité est indissociable de la législation mise sur pied par l'État. C'est en principe l'État qui définit la politique d'identification dans le but de sécuriser la nationalité et l'identité des personnes. La mise en place des textes relatifs à la carte nationale d'identité reste cependant intéressante à étudier. Par ailleurs, une manière de réfléchir sur le fonctionnement du système d'identification du Cameroun, il importe de faire une certaine analyse de la procédure d'établissement de la carte nationale d'identité.

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    1-1. Les décrets et les lois instituant, organisant et contrôlant la carte nationale d'identité au Cameroun (1964-2007).

    Au Cameroun, la période postcoloniale qui débute à partir de 1960, est envisagée comme une période de configuration politique et sociale particulière. Cette période présente des caractéristiques spécifiques du point de vue de la mise en oeuvre de l'action politique et juridique. C'est dans cette optique qu'est né le système d'identification par le biais des lois et décrets traduisant ainsi l'idée républicaine du politique. Il s'agit d'inventorier les textes les plus importants qui régissent l'établissement de la carte nationale d'identité, tout en analysant leurs contenus. Ainsi, avant de parler des textes régissant la carte nationale d'identité, il est important d'expliciter, au préalable, le texte de base de la nationalité, puisqu'il s'agit de la sécurisation de cette nationalité.

    Chaque État souverainement reconnu définit les lois régissant l'attribution de la nationalité et détermine ainsi qui sont ses nationaux. L'accession du Cameroun français à l'indépendance en 1960 a levé les doutes sur l'existence d'une nationalité camerounaise et a rendu indispensable l'édiction d'une législation sur cette matière. Le code de la nationalité camerounaise comme tous les codes de nationalité, consacre une série d'articles à la nationalité d'origine, c'est-à-dire à la nationalité conférée à un individu au moment de sa naissance. Le problème est de savoir quel est le critère adopté pour déterminer cette nationalité d'origine. Les techniques sont en nombre limité ou bien le législateur tient compte de la filiation (jus sanguinis) ou bien il se base sur le lieu de naissance (jus solis); ou bien encore, il combine ces deux critères. Le code de nationalité camerounaise exige que l'enfant légitime soit né de « parents camerounais » sans donner une prééminence quelconque au père. Le pluriel semblerait indiquer que le père et la mère doivent posséder la nationalité camerounaise. Mais le rapprochement des articles 7 et 20 du code de la nationalité camerounaise9 montre que le père a une prédominance absolue puisque l'enfant possède sa nationalité même si la mère est étrangère alors que la nationalité camerounaise de la mère ne suffit pas à conférer à l'enfant cette nationalité lorsque le

    9 Voir le code de la nationalité camerounaise de 1968.

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    père est étranger. Ces règles sont conformes aux coutumes en vigueur au Cameroun (soudanaises dans le nord, bantoues dans le sud et Bamiléké dans l'ouest).10

    De plus, la combinaison des deux critères dispose que l'enfant trouvé sur le territoire camerounais et dont les parents sont inconnus possède la nationalité camerounaise sauf s'il y a possibilité d'établir ultérieurement sa filiation. Par ailleurs, la nationalité camerounaise peut être acquise par effet de mariage, par déclaration de nationalité en raison de naissance, de résidence ou de l'adoption d'un enfant ou encore par réintégration des parents11.

    Dans la pratique, les magistrats de la juridiction civile sont les autorités habilitées à délivrer un certificat de nationalité camerounaise qui, en principe, constitue le document essentiel pour l'établissement et la délivrance d'une carte nationale d'identité au Cameroun. Cependant, il est judicieux d'examiner les lois et les décrets relatifs à l'institution, à l'organisation et au contrôle de la carte nationale d'identité au Cameroun.

    La loi est une disposition normative et abstraite posant une règle juridique d'application obligatoire. On distingue d'une part, les lois constitutionnelles qui définissent les droits fondamentaux, fixent l'organisation des pouvoirs publics et les rapports entre eux, les lois organiques qui structurent les institutions de la république et pourvoient aux fonctions des pouvoirs publics et d'autre part, les lois ordinaires12. Le décret quant à lui, est un acte, un arrêté, une décision du pouvoir exécutif ayant pour but d'assurer le fonctionnement des services publics et l'exécution des lois. Le décret est donc un complément de la loi, et se différencie de cette dernière du fait que les lois sont votées par les Assemblées législatives, tandis que les décrets sont rendus par les chefs d'État ou de gouvernement13. Dans le cadre de ce travail, nous allons nous appesantir sur les lois organiques qui structurent la carte nationale d'identité au Cameroun.

    10 M. Biéville, 1961, «La nationalité en Afrique : la nationalité camerounaise », Revue d'outre-mer, p. 600.

    11 Voir le code de la nationalité camerounaise, précisément le chapitre3, les paragraphes 1 ; 2 et 3.

    12 Dictionnaire Universel Larousse, 1997, p. 926.

    13 Ibid., p.431.

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    L'état-civil est le document de base pour l'établissement d'une carte nationale d'identité au Cameroun. Né des cendres des arrêtés coloniaux du 30 juin 1917, du 16 mars 1935 et du 17 décembre 1948, la loi n°68/LF/2 du 11juin 1968 portant organisation de l'état-civil dans la république fédérale du Cameroun est le premier texte relatif à l'identification officielle au Cameroun. En effet, cette loi définit les modalités et les caractéristiques d'enregistrement et d'établissement des actes de naissance qui sont les documents de preuve de la nationalité camerounaise. Dans la composition de dossier de l'établissement d'une carte nationale d'identité, l'absence de l'acte de naissance compromet la délivrance de celle-ci. C'est pourquoi un intérêt public de cette loi s'attache à ce que toute personne vivant habituellement au Cameroun, même si elle est née à l'étranger soit pourvue d'un acte de naissance, ce qui garantirait, à cet effet, sa nationalité camerounaise. Cependant, pour mieux appuyer la politique d'identification au Cameroun, la loi n°69/LF/3 du 14 juin 1969 portant réglementation de l'usage des noms, prénoms et pseudonymes complète celle sur l'état-civil. Cette loi vient ainsi sécuriser et officialiser l`identité des citoyens camerounais. Elle stipule en son article 1 que : « les agents publics sont tenus de designer les citoyens dans les actes officiels par leurs noms, prénoms et éventuellement leurs surnoms ». De ce qui précède, il faut noter que le nom est un élément essentiel pour l'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun. C'est le premier identificateur.

    Le décret n° 64-DF-394 est celui qui institua la carte nationale d'identité au Cameroun. Par ce décret, la délégation à la sûreté fédérale (DSF) est l'organe tutélaire de l'établissement des cartes nationales d'identité au Cameroun. Ainsi, ce décret précise que la carte nationale d'identité est délivrée par les commissaires et les chefs de circonscriptions territoriales auxquels le directeur de la sûreté fédérale délègue sa signature. Par ailleurs, la validité de la carte nationale d'identité est précisée dans ce décret à 10 ans14. Au cours de la même année, la loi n° 64-LF15, rend la possession de la carte nationale d'identité obligatoire pour tout citoyen camerounais ayant atteint l'âge de 18ans. Désormais, la carte nationale d'identité doit être présentée à toute réquisition de l'agent de la force de l'ordre. La contravention (falsification, cession, contrefaçon du document d'identité) à ladite loi, est punie soit d'une amende de 60000 FCFA ou d'un emprisonnement ne pouvant excéder un an. Ensuite, la loi n° 90-54 du 19

    14 Voir article 3 et 6 dudit décret.

    15 Voir la loi n° 64-LF du 13 novembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité.

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    décembre16institue le contrôle d'identité des personnes au Cameroun. En fait, l'exégèse de cette loi permet de déduire qu'il existe deux types de contrôle d'identité : le contrôle de la gendarmerie et le contrôle administratif. Elle précise dans son article premier que l'identité de toute personne peut être contrôlée dans le cadre des opérations du maintien de l'ordre publique. Ce contrôle peut être réalisé par les autorités administratives et par les agents de la force de l'ordre en vue de rétablir l'ordre public lorsqu'il est troublé. Par ailleurs, d'après cette loi, le contrôle d'identité peut également être effectué à tout moment et en tout lieu notamment au cours de la traversée d'une circonscription administrative ou par des patrouilles des militaires de la gendarmerie, et de la brigade quel que soit leurs grades et leurs qualités. Il s'agit là d'un contrôle préventif d'identité. La gendarmerie détient en permanence le droit de contrôler l'identité de toute personne rencontrée. Ce contrôle concerne aussi les automobilistes et les occupants des véhicules.17Les attributions similaires sont conférées à la police camerounaise d'assurer le respect et la protection des institutions, des libertés des personnes, du maintien de l'ordre et de la sécurité publique.

    Plus de trois décennies après l'institution de la carte nationale d'identité, le décret du 20 juillet 1999, redéfinit les caractéristiques, les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité. C'est en fait, une nouvelle procédure d'établissement qui, progressivement a été mise en place dans les postes d'identification. Ce décret fixe ainsi un délai maximum de 24 mois pour remplacer l'ancienne carte nationale d'identité. Dès lors, ce décret apporte quelques innovations dans le processus d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun. Désormais la carte nationale d'identité est établie et délivrée à partir d'un certificat de nationalité ou d'une attestation d'état-civil. Cependant, ce décret abroge celui de 1964 précédemment cité, en confiant uniquement l'établissement et la délivrance de la carte nationale d'identité à la délégation générale à la sûreté nationale. Désormais, le délégué général à la sûreté nationale est la seule autorité habilitée à signer les cartes nationales d'identité au Cameroun. Ce décret est abrogé par celui du 4 septembre 2007 qui apporte juste une légère modification au niveau de la dimension de la carte nationale d'identité.

    16 Loi n° 90-54 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l'ordre au Cameroun.

    17 Article 59 de ladite loi.

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    1-2.Les conditions d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun.

    Au Cameroun, l'on note une dynamique des conditions d'établissement de la carte nationale d'identité. En fait, les conditions d'établissement de la carte d'identité ont progressivement évolué. Le changement du système d'identification est certainement à l'origine de cette évolution. Il s'agit ici d'étudier les différentes conditions d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun de 1960 à 2013. Ainsi, pour mieux cerner l'évolution des conditions d'établissement de la carte nationale d'identité, il important d'étudier les conditions en vigueur de 1960 à 1995 et les conditions d'établissement de la carte nationale d'identité informatisée entrées en vigueur au Cameroun en 1995.

    1-2-1.Les conditions d'établissement de la carte nationale d'identité entre 1960 et 1995.

    Dans les années 1960 jusqu'au début des années 1990, pour se faire établir une carte nationale d'identité, le citoyen se présentait juste dans un poste d'identification qui peut être une sous-préfecture ou un commissariat de police muni d'un document de sa nationalité (état-civil) ou encore, s'il ne détenait aucun document du genre, il pouvait se faire accompagner par trois témoins dont, le chef de son village ou de son quartier deux personnes, membres de sa famille18. Ainsi, après audition des témoins et du demandeur de la carte nationale d'identité notamment sur son origine, son ethnie, sa situation familiale et sa filiation, la carte pouvait être délivrée le même jour par un commissaire de police ou par un chef de circonscription administrative. Par ailleurs, la délivrance de la carte au cours de ces années donnait lieu à un droit de timbre dont le montant était fixé par un décret. Le titulaire pouvait entrer ainsi en possession de sa carte nationale d'identité le même jour. Seulement, à cause de l'inertie ou de la nonchalance de certains, le demandeur mettait des jours avant d'entrer en possession de sa carte nationale d'identité. En cas de perte de cette pièce, le titulaire pouvait faire une déclaration dans un délai de quinze jours au service de délivrance, à l'autorité administrative ou à la brigade de gendarmerie la plus proche19. Ainsi, ayant une validité de dix ans, le titulaire avait la possibilité de se refaire identifié tout en présentant l'ancienne carte.

    18 Entretien avec Daagoula Ibrahim, Tibati, 04 juin 2014.

    19 Article 2 de la loi n°64 du 13 novembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité.

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    1-2-2.Les conditions d'établissement de la carte nationale d'identité informatisée (1995-2013)

    Outre la démarche en vigueur des années 1960 jusqu'à la fin des années 1990, le système d'identification au Cameroun change de condition d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité notamment avec l'avènement de la carte nationale d'identité informatisée en 199920. L'obtention de la carte nationale d'identité diffère cette fois, selon que l'individu est à sa première demande. Ainsi, pour le cas de la première demande, l'intéressé devra se rendre dans un commissariat muni des pièces suivantes : un certificat de nationalité signé du président du tribunal de première instance, une copie certifiée d'acte de naissance, une copie d'acte de mariage pour les femmes mariées, une pièce justificative de la profession, s'il y a lieu. Il fournit à l'appui de sa demande en plus, quatre photos format 4 x 4, obtenues au poste d'identification. Le demandeur de la carte nationale d'identité s'acquitte du droit de timbre au tarif en vigueur.

    Pour les cas de perte, de vol ou de détérioration, le citoyen se rend dans un poste d'identification muni de l'attestation de déclaration de perte, de vol ou de détérioration délivrée par toute autorité habilitée, comportant, outre les noms et prénoms, date et lieu de naissance, la filiation du déclarant ainsi que le numéro et la référence du poste d'identification ayant délivré la carte nationale d'identité perdue, volée ou détériorée.

    En ce qui concerne la péremption, le titulaire présente la carte nationale d'identité périmée ; l'ancienne carte nationale d'identité ; une copie d'acte de mariage pour les femmes mariées ; la pièce justificative de la profession, s'il y a lieu.

    Pour le citoyen qui décide de changer de nom, il doit présenter un document d'état-civil (copie certifiée conforme d'acte de naissance ; copie certifiée conforme d'un extrait d'acte de naissance ; copie certifiée conforme d'un jugement supplétif d'acte de naissance ; duplicata d'acte de naissance ou un livret familial signé des autorités compétentes) et une copie certifiée conforme du décret autorisant le changement de nom

    20 Voir le décret n°099/154 du 20 juillet 1999 fixant les caractéristiques et les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun.

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    ou sa rectification, une copie d'acte de mariage pour les femmes mariées et la pièce justificative de la profession, s'il y a lieu.

    Pour le cas de changement de filiation le citoyen présente les documents suivants : l'extrait de jugement ayant établi le changement de filiation ; l'ancienne carte nationale d'identité ; une copie d'acte de mariage pour les femmes mariées ; la pièce justificative de la profession, s'il y a lieu.

    La délivrance de la carte nationale d'identité aux personnes réintégrées est conditionnée par la présentation des documents suivants: un document d'état-civil (une copie certifiée d'un acte de naissance ou une copie certifiée conforme d'un extrait d'acte de naissance ou une copie certifiée conforme d'un jugement supplétif d'acte de naissance ou un duplicata d'acte de naissance ou un livret familial signé des autorités compétentes ); une copie du décret de réintégration; une copie d'acte de mariage pour les femmes mariées ; la pièce justificative de la profession, s'il y a lieu.

    Enfin, pour les étrangers naturalisés, les documents suivants sont présentés : une copie certifiée conforme d'un acte ou d'un extrait de naissance signée des autorités compétentes ; une copie du décret de naturalisation conformément au code de nationalité ; le bulletin n° 3 du casier judiciaire spécial ; l'extrait d'acte de mariage pour les femmes mariées ; la pièce justificative de la profession, s'il y a lieu21.

    Dès lors, la comparution personnelle du demandeur au poste d'identification est exigée lors du dépôt du dossier de demande de carte nationale d'identité non seulement pour le recueil de sa signature et le relevé de l'empreinte digitale mais aussi pour vérifier son l'identité .Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un demandeur se trouvant dans l'impossibilité de se déplacer au poste d'identification pour des motifs médicaux graves attestés par un certificat médical et en l'absence d'amélioration prévisible de l'état de sa santé et si la délivrance de la carte est indispensable et ne peut attendre, les personnels du poste d'identification , le cas échéant, se déplacent auprès de cette personne et l'identifient sur place22.

    21 Voir à cet effet, le décret n°2007/254 du 4 septembre 2007 fixant les caractéristiques et les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun.

    22 Entretien avec Nanawa Sylvain, personnel d'identification, Tibati, 05 juin 2014.

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    Par ailleurs, la décision de refus de délivrance d'une carte nationale d'identité par la délégation générale à la sûreté peut résulter de :

    -l'accomplissement incomplet ou non satisfaisant des formalités exigibles (photos non conformes, absence de preuve de la nationalité camerounaise, acte de l'état civil ne concordant pas avec les informations mentionnées sur le formulaire de demande, absence de justification de domicile, ou divergence entre les informations portées sur le formulaire de demande et celles figurant sur les pièces justificatives produites, défaut des empreintes digitales...).

    - l'existence d'une inscription du demandeur au fichier des personnes recherchées pour opposition à la délivrance de titres d'identité. Il peut s'agir des cas dans lesquels il est avéré que le demandeur ne peut se prévaloir de la nationalité camerounaise (obtention frauduleuse d'un document d'état civil ou de nationalité camerounaise, perte de la nationalité à la suite d'une décision judiciaire ayant acquis autorité de la chose jugée et constatant son extranéité, décision de répudiation, de déclination, décret d'opposition à l'acquisition de la nationalité camerounaise à raison du mariage etc. Il peut s'agir également des cas dans lesquels, le demandeur a déjà tenté d'obtenir frauduleusement une carte nationale d'identité ou un passeport en produisant des documents faux ou contrefaits ou a tenté d'usurper l'identité d'un tiers. Toute décision de refus de délivrance d'une carte nationale d'identité est motivée et notifiée sur le formulaire que le service de délivrance renvoie au poste d'identification émetteur de la demande. Il appartient dans ce cas au demandeur de compléter son dossier en fournissant les pièces originales demandées.

    Au demeurant, il est important de noter que la procédure d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun a évolué. L'on constate dès lors qu'au cours de la période allant de 1960 à 1999, il fallait juste avoir 18 ans accomplis et se présenter dans un commissariat ou une circonscription territoriale munie d'un acte de naissance ou encore être accompagné par quelques témoins pour se faire établir une carte nationale d'identité 23 . Cependant, au cours des années 2000, la procédure d'établissement et délivrance de la carte nationale d'identité se renforce. Désormais, la carte nationale d'identité est délivrée sur production d'actes authentiques de l'état-civil et d'autres documents selon le type de demandeur de la carte nationale d'identité. Il

    23 Entretien avec Bétara Narma Paul, Meiganga, 13 juillet 2014.

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    appartient donc aux services d'identification d'apprécier cas par cas les documents présentés à l`appui de la demande d'une carte nationale d'identité. Contrairement à l'ancienne procédure d'identification, le demandeur ne peut immédiatement entrer en possession de sa carte d'identité. En attendant l'étude de la demande et la délivrance de la carte nationale d'identité par la délégation générale à la sureté nationale, le demandeur se contente d'un récépissé valide pour trois mois.

    Par ailleurs, il faut noter que le changement de procédure d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun a tout de même influence les acteurs de l'identification.

    1-3.Les acteurs de l'identification

    L'on ne peut parler de carte nationale d'identité sans évoquer les acteurs. Ces acteurs, de par leur rôle ont d'une manière ou d'une autre, fait avancer le processus d'identification via la production des cartes nationales d'identité ceci sur toute l'étendue du territoire camerounais. En effet, entre 1960 et 2013, l'on note une substitution des acteurs de l'identification au Cameroun. Au cours des trois premières décennies de l'institution de la carte nationale d'identité, l'on distingue deux structures administratives chargées d'établir et de délivrer la carte nationale d'identité. Il s'agit des circonscriptions territoriales et les commissariats. À partir de 1995, la centralisation des services d'identification notamment avec l'avènement du système d'identification biométrique, l'on note un changement remarquable au niveau des acteurs de l'identification. Notre ambition ici est d'étudier les acteurs de l'identification de 19601995 et 1995-2013.

    1-3-1.Les acteurs de l'identification entre 1960 et 1995.

    De 1960 jusqu'à la fin des années 1990, la Direction de la Sûreté Fédérale (DSF) était le principal acteur de l'établissement et la délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun. Ainsi, la carte nationale d'identité est établie dans les commissariats de police et les circonscriptions territoriales. Le Directeur de la Sureté fédérale délègue donc sa signature aux préfets, aux sous-préfets et aux commissariats de police24.

    24 Voir le décret n°64-394 du 29 septembre 1964 instituant la carte nationale d'identité au Cameroun.

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    Concrètement, les acteurs qui participaient dans la chaîne de l'établissement et

    de la délivrance de la carte nationale d'identité au cours de ces années sont les suivants :

    -le préfet ou le sous-préfet ;

    -le commissaire de police ;

    - l'opérateur photo ;

    -le calligraphe ;

    - le secrétaire25.

    Les préfets/sous-préfets et commissaires étaient chargés de contrôler les services d'identification et de signer les cartes nationales d'identité. L'opérateur photo quant à lui, produisait les photos d'identité (en noir et blanc). Le calligraphe étant une personne qui a une belle écriture, était chargé de remplir le formulaire de la carte. La tâche du secrétaire consistait à reporter les demandes de cartes nationales d'identité dans un registre selon l'ordre de passage des demandeurs26. Cependant, l'avènement du système d'identification à la fin des années 1990, a eu une influence sur les acteurs de l'identification.

    1-3-2. Les acteurs de l'identification de 1995 à 2013.

    L'avènement du nouveau système d'identification au Cameroun à permit de réaménager les acteurs de l'identification. La Délégation à la Sûreté Fédérale (DSF) devenue Délégation Générale à la Sûreté Nationale (DGSN) 27 demeure l'acteur principal de l'établissement et de la délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun, mais est assistée dans cette tâche parla SACEL (société d'assistance et de conception en électronique) et THALES.

    Comme nous l'avons souligné précédemment, la Délégation Générale à la Sûreté Nationale (DGSN) est le principal responsable de la carte nationale d'identité au Cameroun. En fait, au sein de cette structure, le système SENAC (système de sécurisation de nationalité camerounaise) est chargé de la gestion, de l'organisation, de production des cartes nationales d'identité au Cameroun. Particulièrement, le système SENAC est chargé de la vérification de la conformité des dossiers des demandeurs.

    25 Entretien avec Daagoula Ibrahim, ancien personnel d'identification, Tibati, 07 juin 2014.

    26 Entretien avec Daagoula Ibrahim, ancien personnel d'identification, Tibati, 07 juin 2014.

    27 Voir le décret n°94/034 du 1er mars 1996 portant création d'une délégation générale à la sûreté nationale.

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    Par ailleurs, la Délégation Générale à la Sûreté Nationale est chargée de :

    -assurer la tutelle de l'identification ;

    -la création des postes d'identification ;

    -la nomination des chefs de postes d'identification ;

    -coordonner et contrôler les activités des postes d'identification ;

    -la vérification, l'authentification et la délivrance de la carte nationale d'identité au

    Cameroun.

    Dans sa tâche, la délégation générale à la sûreté nationale est assistée par les sociétés privées françaises SACEL et THALES en partenariat avec le gouvernement camerounais dans l'émission de la carte nationale d'identité .Celles-ci, respectivement, sont chargées de fournir les matériels d'identification tels que les appareils photos, les pellicules pour l'établissement des demandes dans les postes d'identification et de traiter les demandes, une fois acheminées au centre de délivrance.

    Les personnels sont constitués des fonctionnaires de la police et des opérateurs photos. En outre, le chef de poste d'identification peut être un commissaire de police, un officier de police ou un inspecteur de police nommé par le délégué général à la sûreté.

    En clair, il est important de noter que les chefs des circonscriptions territoriales et les commissaires de police entre 1960 et 1999 pouvaient, se prononcer sur la nationalité du citoyen. Concrètement, ils pouvaient refuser de délivrer la carte nationale d'identité à un citoyen car la forme de services d'identification à cette époque était décentralisée. Les cartes nationales d'identité étaient établies et délivrées dans les postes d'identification disséminés sur tout le territoire du Cameroun. Cependant, avec la centralisation des services d'identification au Cameroun, leurs rôles sur la question d'identification sont restreints. Désormais, les commissaires de police/officier de police sont chargés de vérifier les dossiers relatifs à l'identification. Néanmoins, ils ont la possibilité de signer les récépissés de demandes, valides de trois mois. Ils sont également chargés de faire les bordereaux généraux d'envoi ou de transmission de ces dossiers au service central d'identification. Près de ceux-ci, les opérateurs photos restent incontournables dans le processus d'identification au Cameroun. Mandaté par la SACEL, ils sont essentiellement chargés de la production des photos et d'en vérifier la

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    qualité de ces photos qui seront agrafées sur les formulaires des demandes correspondants à chaque demandeur.

    Au début des années 2000, les chefs de circonscription tels que, les préfets et les sous-préfets changent de rôle. Désormais, ils n'interviennent plus directement dans l'établissement de la carte nationale d'identité, mais ils sont chargés de délivrer des attestions d'état-civil. Autrement dit, lorsque le demandeur d'une carte nationale d'identité ne dispose pas d'acte de naissance, celui-ci doit au préalable se faire établir une attestation d'état-civil auprès d'un chef de circonscription. Cette attestation fait office d'un acte de naissance. Ainsi, elle est délivrée en la présence de trois témoins dont le chef du village ou du quartier et deux membres de la famille du demandeur.

    2.Évolution des énonciations de la carte nationale d'identité.

    Pour mieux comprendre l'action d'individualisation identitaire, il importe de procéder à une brève lecture historique du Cameroun. En effet, le Cameroun a subi une double administration pendant la période coloniale : le Cameroun français administré par la France et le Cameroun anglais administré par la Grande Bretagne depuis le Nigeria. À la veille de l'indépendance, le problème de nationalité et de l'identité camerounaise se posait avec acuité. C'est dans ce contexte que survient l'idée d'un plébiscite dont l'issue devait décider de la situation du Cameroun. Dans la suite logique des choses, la Résolution 1608 (XV) du 21 avril 1961 (Assemblée Générale de la SDN) prend acte des résultats. Son article 4, alinéa 9 stipule que « le Cameroun septentrional s'unira à la Fédération du Nigéria en tant que province séparée de la région du nord du Nigéria ». L'article 5 par contre invite l'autorité de tutelle ainsi que les gouvernements du Southern Cameroons et de la République du Cameroun à entamer d'urgence des pourparlers afin de parachever avant le 1er Octobre 1961 les accords de mise en oeuvre des politiques convenues et déclarées par les parties intéressées en vue de l'union du Southern Cameroons et de la République du Cameroun pour former une « République Fédérale Unie du Cameroun »28. Ceci marque le début d'un processus d'uniformisation de l'identité camerounaise et par là, l'encartement de la nationalité camerounaise. De là, l'on est donc dans l'optique du bilinguisme ou du multiculturalisme qui est mis en exergue dans les documents officiels du Cameroun. L'examen des différentes énonciations de la carte nationale d'identité

    28Mveng, 1985, p. 257.

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    permettra certainement de connaitre et de comprendre l'évolution de la carte nationale d'identité.

    2-1.Carte d'identité établie entre 1960 et 1964.

    Comme nous l'avons dit précédemment, la forme d'identification introduite par l'administration coloniale dans notre société a permis globalement, l'assemblage des faits et des actes liés à l'identité d'une personne. Le premier souci du Cameroun sous administration française indépendant le 1er janvier 1960 fut la mise en place des nouvelles institutions qui lui permettront de vivre son indépendance. C'est alors en 1960 qu'une politique d'identification sera mise sur pied. Animé par un souci de sécurisation de la nationalité camerounaise, le gouvernement du Cameroun sous administration française institue la toute première carte d'identité29. Cependant, cette carte d'identité connue sous le vocable de « carte d'identité officielle », n'a pas connu de succès au niveau de la population qui, à cause des affres de la récente colonisation se méfiait encore de la nouvelle administration30. Ainsi, cette carte d'identité était énoncée comme suit :

    -Nom

    -Prénoms .

    -Surnoms .

    -Fils de/et de

    -Né le

    -Village

    -Sous-préfecture

    -Préfecture

    -Nationalité

    -Situation familiale
    Etc.

    De ce qui précède, force est de constater que malgré le fait que cette carte d'identité porte toutes les informations relatives à l'identité d'une personne dans les moindres détails, elle était l'exclusivité des hommes dans la mesure où il n'est

    29 Nous ne sommes pas entrés en possession de la loi ou du décret instituant cette carte d'identité, mais les entretiens menés auprès des personnes ressources confirment cette information.

    30 Entretien avec Hamadou Malloum, marabout, Meiganga, 15 juillet 2014.

    mentionné nulle part sur cette carte « Fille de » ; « Né(e) à » ou encore « est de sexe ». Cette exclusivité découle de la politique d'identification des Camerounais pendant la période coloniale qui privilégiait les hommes dans l'optique de les enrôler plus facilement pour des travaux forcés et pour les prélèvements d'impôts de capitation. Ainsi, telle qu'elle est énoncée, la carte d'identité officielle de l'État du Cameroun fut l'exclusivité du Cameroun oriental jusqu'en 1964, année qui marque un tournant important pour l'histoire des institutions en général et de la carte d'identité en particulier au Cameroun.

    Photo 2: carte d'identité officielle de l'État du Cameroun délivrée le 18 juin 1960 au commissariat spécial de Ngaoundéré.

    50

    (c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.

    51

    2-2. Carte nationale d'identité bilingue établie de 1964 à 2013.

    Pour comprendre les différentes modifications sur la carte d'identité établie à partir de 1964, il est important d'interroger le contexte politique du Cameroun à partir de 1961. L'année 1961 marque au Cameroun un tournant décisif pour l'édification de l'État camerounais. C'est précisément pendant la conférence de Foumban (du 16 au 21 juillet1961), que le débat autour de la nationalité fut lancé. La délégation du Sud-Cameroun optait pour une double nationalité tout en conservant la nationalité du Sud-Cameroun, alors que celle de la République du Cameroun optait pour la nationalité camerounaise tout simplement. Ainsi, la constitution qui sanctionna cette rencontre apportait quelques modifications aux suggestions de la délégation du Sud-Cameroun. Les citoyens du Sud-Cameroun et de la République du Cameroun acquéraient une seule nationalité dont la nationalité camerounaise et non une nationalité du Sud-Cameroun et une autre de la République Fédérale.31 C'est ainsi que pour promouvoir et sécuriser cette nationalité camerounaise, le décret n°64-DF-394 du 29 septembre 1964 instituant la carte nationale d'identité et la loi n°64-LF du 13 novembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité sont mises en place. En plus, la réunification de la République du Cameroun et du Sud-Cameroun britannique en 1961 est une première étape vers la création d'un État unitaire. Après la fin de l'UPC, Ahmadou Ahidjo alors président qui trouvait le système fédéral trop dispendieux pour le Cameroun entreprit la transformation d'un État fédéré à un État unitaire.

    De ce qui précède, il est tout à fait important de noter que, le bilinguisme (langues française et anglais) est le piédestal de l'identité culturelle camerounaise. Toutefois, à partir de 1972, dans la logique de la promotion de cette identité culturelle camerounaise, le bilinguisme égalitaire se manifeste dans tous les nouveaux textes constitutionnels et sur tous les documents importants du Cameroun. En fait, l'évolution du Cameroun a une influence sur la carte nationale d'identité. Ainsi, au recto des cartes nationales d'identité délivrées entre 1964 et 2013, l'on note les dispositions en français et en anglais suivantes :

    -« RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU CAMEROUN » et « FEDERAL REPUBLIC OF CAMEROON » sur les cartes délivrées entre 1964 et 1972.

    31ANY, VCB/B, 1961/2, Foumban conference 17th Jully-21th 1961.

    52

    -« RÉPUBLIQUE UNIE DU CAMEROUN » et « UNITED REPUBLIC OF CAMEROON »sur les cartes délivrées entre1972 à 1984 (voir photo 3).

    -« REPUBLIC DU CAMEROUN » et « REPUBLIC OF CAMEROUN »sur les cartes délivrées entre 1984 et 2013.

    Ce bilinguisme influence également les énonciations de la carte nationale d'identité. Ainsi, au verso elle est énoncée de manière suivante :

    -Délivrée le
    Issued on

    At

    -Nom

    Name

    -Prénoms

    Surnames

    -Né(e) le

    Born on

    -Fils/Fille

    Son/daughter Etc.

    53

    Photo 3:carte nationale d'identité bilingue délivrée en 1981 à la sous-prefecture deTibati

    (c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.

    De ce qui précède, il ressort que contrairement à la première carte d'identité qui était l'exclusivité des hommes, cette nouvelle carte nationale d'identité énoncée en français et en anglais inclut les femmes notamment avec l'apparition des rubriques « Fille de » ; « Né(e) à ». Cependant, cette pièce d'identité qui demeure en vigueur jusqu'au début des années 2000, n'était pas suffisamment sécurisée dans la mesure où elle était sur un support carton. Pour les mesures de sécurisation de la nationalité et de l'identité des citoyens camerounais, une nouvelle forme de carte nationale entra en vigueur à la fin de ces années 1990. Cette nouvelle forme est celle qu'on a appelée expressément « carte nationale d'identité informatisée ». Toutefois, sur ce nouveau modèle de la carte nationale d'identité, aucune modification des énonciations n'est observée. Les mêmes énonciations en français et en anglais demeurent, sauf que les modifications sont observables au niveau des rubriques et caractéristiques.

    54

    2-3. Les rubriques et caractéristiques de la carte nationale d'identité informatisée.

    Avec l'essor des technologies de l'information et de la communication qui ont rendu les identités mouvantes, donc insaisissables, le mécanisme d'identification par la carte d'identité au Cameroun est aujourd'hui capable d'acquitter convenablement la fonction d'identification des individus avec certitude. C'est donc pour apporter une solution à cette quête de l'identification sans équivoque des personnes physiques, face à la fluidité et la complexité pour lutter contre la fraude à l'identité et le crime, que le Cameroun a fait recours aux techniques biométriques d'identification à partir des années 1990. Ces techniques sont considérées comme les outils scientifiques les plus efficaces du moment pour identifier et authentifier les citoyens avec certitude.

    Le Cameroun s'est inscrit résolument dans cette dynamique de recherche de la certitude dans l'identification et l'authentification des personnes physiques, source de renforcement de l'État de droit et d'une meilleure traçabilité des transactions, en adoptant les technologies biométriques d'identification pour ses systèmes d'émission de cartes nationales d'identité et de passeports. L'année 1999 marque une étape importante pour le système d'identifiication au Cameroun. En fait, par le décret presidentiel32 de la meme année, la carte nationale d'identité est subtituée par la carte nationale d'identité informatisée.Trois étapes ont marqué la mise en place de cette nouvelle carte d'identité. Premièrement la phase du démarrage qui débute en 1995 par la signature du contrat de service entre le secretariat d'État à la sécurité interieure et la société THALES,une filiale de THOMSON.

    La seconde étape commence à partir de 1998 avec le recentrage des activités de service de délivrance au sein des directions techniques de la délégation générale à la sûreté nationale, ainsi que la codification des procedures de la délivrance. Desormais, les cartes nationales d'identité sont établies dans les postes d'identification installés dans toutes les dix Régions du Cameroun, mais délivrées par les directions techniques de la délégation générale à la sûreté nationale. Ainsi, les rubriques de cette nouvelle forme de carte nationale d'identité sont disposées ainsi qu'il suit :

    32 Voir le décret n°99/154 du 20 juillet 1999 fixant les caractéristiques et les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité.

    55

    - Le nom et le prénom : toute personne possède un nom de famille (appelé patronyme ou nom patronymique). Ce nom figure sur l'acte de naissance. Il peut s'agir par exemple du nom du père. Le nom patronymique est reproduit sur la carte en lettres majuscules. Le prénom figure en majuscules sur une ligne différente de celle comportant le nom patronymique. Il est précédé de la mention «Prénom» en lettres minuscules.

    Il est néanmoins autorisé aux femmes mariées de porter le nom de leur conjoint sur la carte nationale d'identité. C'est la raison pour laquelle l'on observe sur certaines cartes nationales d'identité, surtout appartenant aux femmes mariées la mention « épouse » juste sous la mention « Nom ». Ainsi, on peut utiliser soit le nom de l'époux ; soit un double nom (le nom de l'intéressée accolé à celui de son époux dans l'ordre souhaité). Pour faire figurer le nom de son conjoint, l'intéressée en question doit fournir, comme nous l'avons souligné plus haut, la copie intégrale ou la photocopie de l'acte de mariage. Exemple :

    Nom : Amina Épouse Tenmbar Philippe ;

    Prénom : Clémentine

    Pour celles qui n'ont pas de prénom, rien n'est mentionné sur la rubrique « Prénom » ;

    -la date de naissance : en principe, les dates inscrites dans les actes de l'état civil sont celles du calendrier Grégorien. Elle est indiquée en chiffres (ex. 26.07.1988). Le jour et le mois sont indiqués par un nombre de deux chiffres; les dates de 1 à 9 sont précédées d'un zéro. Ces chiffres sont suivis d'une barre. Pour ceux dont la date exacte de naissance n'est pas connue, seule l'année de naissance est mentionnée ;

    - le lieu de naissance : le lieu de naissance est recopié intégralement selon les informations qui figurent sur l'acte de l'état civil du demandeur produit, qu'il soit dressé ou transcrit. A cet égard, le nom de localité, de la ville est mentionné tel qu'il existait au moment de la naissance du demandeur ;

    - le sexe : le sexe qui est mentionné sur l'acte de naissance est indiqué par la lettre M (masculin) ou F (féminin) ;

    - la taille : la taille peut dans certains cas être un élément d'identification important. Elle est mentionnée avec exactitude. ;

    Photo 5: Toise en bois Photo 4: prise de la taille.

    56

    (c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.

    -la signature du titulaire : la signature du titulaire qui figure obligatoirement sur la carte nationale d'identité est celle qui a été apposée par le demandeur sur le formulaire de demande. Sont à exclure les signatures formalisées par un symbole tel, le rond, la croix, le trait vertical ou horizontal ; en effet, la signature doit être la plus personnalisée possible dans la mesure où elle constitue un élément de l'identification de la personne33 ;-la photographie : Une photographie d'identité est un type de photographie représentant le visage d'un individu de manière relativement neutre, utilisée pour établir son identité sur certains documents, notamment officiels (carte d'identité, passeport, permis de conduire, etc.). Elle est réalisée au Cameroun par un photographe de la SACEL. Elles sont généralement tirées par planches de plusieurs clichés identiques, destinées à être découpées. Leurs caractéristiques, en particulier leurs dimensions et leur cadrage, font l'objet de normes et standards. Numérisées, elles peuvent permettre d'utiliser des technologies de biométrie par le biais de reconnaissance faciale34. Les photos de carte nationale d'identité au Cameroun doivent respecter une dizaine de critères. Ces critères sont les suivants :

    33 Entretien avec Bétara Narma Paul, Meiganga, 05 aout 2014.

    34 Entretien avec Nolla Roger, Ngaoundéré, 03 septembre 2014.

    57

    V' Elles mesurent 3,5 cm de large sur 4,5 cm de haut ;

    V' La taille du visage doit mesurer de 3,2 cm à 3,6 cm. La zone des yeux doit être

    sur le second tiers ;

    s la photo ne doit présenter ni sur-exposition, ni sous-exposition. Elle doit être

    correctement contrastée, sans ombre portée sur le visage ou en arrière-plan ;

    V' une photo en couleurs est fortement recommandée ;

    V' le fond doit être uni, de couleur claire. Le fond blanc est recommandé ;

    V' la tête doit être nue sans chapeau, foulard, serre-tête ou autre objet décoratif ;

    V' la tête doit être droite et le visage dirigé face à l'objectif ;

    V' Le sujet doit fixer l'objectif. Il doit adopter une expression neutre et avoir la

    bouche fermée ;

    V' Le visage doit être dégagé. Les yeux doivent être parfaitement visibles et

    ouverts.

    V' La photographie reproduite sur la carte est numérisée et fait partie intégrante du

    support papier. Elle est visible dans la partie gauche de la carte35.

    Photo 7: Appareil photo (marque : Polaroid).

    Photo 6: Appareil photo et
    imprimante (marque : Sony).

    (c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.

    35 Entretien avec Boudié Jacques, Yaoundé, 20 juillet 2014.

    58

    Photo 8 : prise de photo.

    (c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.
    Photo 9: découpage des photos.

    (c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.

    -L'adresse : l'adresse doit comporter les éléments essentiels notamment le lieu de résidence du titulaire de la carte.

    59

    -L'empreinte digitale : une empreinte digitale ou dactylogramme est le résultat de l'apposition d'un doigt sur un support après encrage de celui-ci. Le dessin formé sur le support est constitué de dermatoglyphes. Les empreintes digitales sont uniques et caractéristiques de chaque individu. Même les vrais jumeaux présentent des empreintes digitales différentes. C'est avec le criminologiste Alphonse Bertillon en octobre 1902, que les empreintes digitales sont devenues l'une des principales preuves lors des enquêtes policières et d'identification36. Au Cameroun, lors de l'établissement de la carte nationale d'identité, les empreintes digitales du citoyen sont prélevées, mais celle du pouce droit est représentée sur la carte en question.

    Photo 11 : Matériels de prise

    d'empreintes digitales. Photo 10 : Prise d'empreintes digitales.

    (c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.

    36 J.M. Berlière, 2005, «L'affaire Scheffer : une victoire de la science du crime ? La première identification d'un assassin à l'aide de ses empreintes digitales », in Cahiers de la sécurité, n°56, p. 350.

    Photo 12 : une empreinte digitale. Photo 13: empreinte digitale prélevée.

    60

    (c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014

    -La zone de lecture optique : dans la zone de lecture qui se trouve au verso de la carte nationale d'identité l'on retrouve :

    ? La durée de validité et la date de délivrance de la carte : la date d'expiration de la carte est calculée à partir de la date de saisie ; la date de délivrance correspond à la date de remise mentionnée dans le système lors du retour de la carte du centre de production.

    ? La signature de l'autorité : les cartes nationales d'identité sont signées au Cameroun par le délégué général à la sûreté nationale.

    ? Le numéro de la carte : elle figure au verso. Ce numéro qui figure également dans la zone de lecture au début de la seconde ligne, est attribué par le centre de gestion par série, par rapport au lieu de délivrance, à la date de demande et à la date de naissance du titulaire.

    Dans la zone de lecture optique située au recto, le bandeau inférieur blanc a pour objet d'accélérer la vérification de l'identité lors du passage à la frontière, notamment dans les aéroports ainsi que dans tous les lieux publics, en cas de contrôle d'identité par les services de police et de gendarmerie. Nous avons les indications suivantes :

    61

    ? IDCMR 1167382730<<<<<<<<<<<<<<<<<<<AD 07

    ? 88O7261M2312190<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<0

    ? GABANA<<JEAN<FRANCIS<<<<<<<<<<

    La mention « IDCMR » signifie identité.

    CMR est l'abréviation du Cameroun.

    Les chiffres 1167382730 représentent le numéro de la carte.

    Les signes « < » sont des caractères de remplissage de l'espace vierge jusqu'à la fin de

    la ligne ;

    AD0737signifie Adamaoua 07 et représente le code du poste d'identification émetteur de

    la demande.

    Les chiffres « 880726» représentent, respectivement, l'année, le mois et le jour de la

    naissance du titulaire. (1988/juillet/ le 26).

    La lettre « M » signifie masculin et les Chiffres « 231219» représentent la date de

    péremption. (Cette carte se périme le 23 décembre 2019).

    La mention « GABANA<<JEAN< FRANCIS<<<<<<<<<< » représente le nom du

    titulaire.

    Ces informations permettent, lors de la lecture automatique, d'interpréter sans erreur l'identité d'un citoyen. Cependant, sur cette même carte d'identité figurent d'autres caractéristiques qui paraissent anodines pour les non-initiés. En fait, il faut prêter beaucoup d'attention pour pouvoir les remarquer et les interpréter. La carte nationale d'identité du Cameroun épouse la dimension de la carte bancaire. Elle mesure desormais 85mm de long et 54 mm de large. Ainsi, la sécurisation de la nationalité camerounaise est davantage garantie, dans la mesure où la carte en carton, suceptible d'etre falsifiée et de se désagréger au contact de l'eau est remplacée par une autre en format plus solide (Teslin). Dès lors, les postes d'identifiication clandestins de délivrance des cartes d'identité sont automatiquement inoperants. Ainsi, Elle porte les caractéristiques suivantes au recto :

    - les nom (s) et prénom (s);

    - les dates et lieu de naissance;

    - la filiation;

    - le sexe;

    37 Nous y reviendront à la partie réservée aux postes d'identification.

    - l'adresse;

    - la profession;

    - la photographie, la signature, le signalement et l'empreinte digitale du titulaire;

    - le sceau de l'État qui fait corps avec la photographie du titulaire et le montant du droit

    de timbre.

    Au verso :

    - la mention "République du Cameroun", en caractères gras, de couleur verte;

    - le numéro de la carte nationale d'identité;

    - la date de délivrance;

    - la signature, les noms et prénoms de l'autorité signataire;

    - le drapeau du Cameroun du côté supérieur droit;

    - le Mont Cameroun surplombant le pont sur le Wouri38.

    Photo 14: Carte nationale d'identité informatisée.

    62

    38 Voir le décret n°2007/254 du 4 septembre 2007 fixant les caractéristiques et les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun.

    63

    Photo 15: un récépissé de demande de carte nationale d'identité.

    (c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.

    L'introduction de cette biométrie a permis de construire à ce jour une base de données biométriques d'identification de la population. Ce système biométrique d'émission de cartes nationales d'identité camerounaise et de passeports rend difficile la falsification et permet de déceler toute tentative de fraude à l'identité, grâce aux éléments de sécurité physique intégrés dans la carte d'identité et au triple système de contrôle basé sur la recherche dans la base de données biométriques d'identification de la population.

    III-Avantages et inconvénients de la carte nationale d'identité.

    L'identification, en fait le besoin de s'identifier, n'est pas un fait nouveau propre au Cameroun. Mais la transformation du style de vie, l'anonymat des grandes villes, la situation économique de même que l'évolution fulgurante de la technologie sont autant de facteurs qui donnent à cette question une acuité considérable. L'expérience a démontré que le besoin de s'identifier est né de deux objectifs poursuivis tant par le secteur public que par le secteur privé :

    64

    - identifier une personne pour s'assurer de son éligibilité à un bien ou à un service;

    - retracer les fraudeurs ou les personnes qui ne s'acquittent pas de leurs obligations sociales ou financières.

    Différents documents d'identité ont différentes raisons d'être et le renseignement à fournir en vue d'obtenir chaque document correspond à la finalité intrinsèque de ce document. On utilise un passeport pour contrôler les entrées et les sorties dans tous les pays. Le permis de conduire permet de contrôler l'utilisation des véhicules motorisés qui circulent. Le numéro d'assurance sociale, dans les pays occidentaux permet de contrôler la perception de l'impôt et le payement des indemnités. Supplantant tous ces documents d'identité qui laissent une mesure de choix et d'anonymat, la carte nationale d'identité permet d'identifier une personne dans les moindres détails. L'objectif fonctionnel de la carte nationale d'identité consiste à exercer un certain contrôle sur des personnes tout en protégeant l'identité de celui-ci de manière à ce que toute autre personne ne puisse utiliser facilement les informations qui y figurent. Boudié Jacques par ailleurs, chef du centre de la cellule d'authentification des demandes, le justifie en ces propos :

    Qui dit identité dit authenticité. Il s'agit d'un processus d'authentification. Nous voulons savoir qui est la personne en face de nous sans avoir à lui poser une foule de questions, un point c'est tout. [...] On ne peut toutefois contrefaire les empreintes digitales de nos dix doigts, car cela nécessite un calcul mathématique, pas simplement une reproduction [...] je pense que, fondamentalement, la biométrie dans le système d'identification au Cameroun à raison d'être39.

    Ces propos traduisent manifestement l'avantage de la carte nationale d'identité informatisée précisément en ce qui concerne la question de sécurisation et d'authentification de l'identité des citoyens et la nationalité camerounaise.

    Dans le processus de construction de l'État camerounais, il fallut au préalable se donner les moyens de connaître l'identité civile des personnes. Il est vrai que les registres d'état-civil sont utilisés dans ce but, mais l'avènement de la carte nationale d'identité en 1960, confirme non seulement le statut d'État souverain, la reconnaissance de la nationalité camerounaise sur le plan international, la sécurisation de cette

    39Entretien avec Boudié Jacques, chef du centre de la cellule d'authentification, Yaoundé, 28 juillet 2014.

    65

    nationalité quoique faillible, mais sert également d'un outil efficace de contrôle et d'unité nationale. Il faut souligner sans risque de se tromper que la carte nationale d'identité fut au Cameroun au lendemain de l'indépendance le dénominateur commun d'un pays divisé par la colonisation. La réflexion consiste ici à appréhender les multiples avantages et inconvénients de la carte nationale d'identité. Il s'agit en clair d'analyser les avantages sociaux et politiques de la carte nationale d'identité et de souligner les méfaits de cette pièce d'identité sur la vie privée des citoyens camerounais.

    1. La carte nationale d'identité : un outil de contrôle de l'État.

    Enclenché en Europe, l'historicité du processus d'identification qui met en rapport l'individu et l'État est essentiellement une pratique de l'État. Éventuellement, il est important d'aborder la question du contrôle de l'État sous l'angle de rapport entre le face à face et le contrôle à distance. Ainsi, les contrôles varient en fonction des espaces, du temps et des lieux. Cependant une tendance générale s'est dessinée au fur et à mesure de l'affirmation des États puis des États-Nations40. Qu'il soit légalement obligatoire ou non de la détenir ou de la porter, la carte nationale d'identité se distingue des autres pièces d'identité par la réunion de trois conditions: elle est émise par l'autorité politique; elle vise des fins d'identification générale et des usages spécifiques; et elle contient des renseignements qui, en comparaison des autres pièces d'identité, en font un document privilégié pour identifier les individus.

    La carte d'identité est, d'abord et avant tout, un outil de contrôle. A cet effet, Alain Bernard, juriste français écrivait: « La carte nationale d'identité permet, certes, d'établir l'identité dans les relations privées mais elle sert surtout lors des contrôles et des vérifications d'identité dans des procédures d'interpellation menées par la police »41. Il est donc admis que son premier but est de servir les besoins de l'État. Ainsi, du point de vue de l'État camerounais, le premier avantage de rendre la carte nationale d'identité obligatoire consiste à faciliter les contrôles policiers. L'obligation pour l'individu de produire sa carte d'identité dans certaines circonstances est pratiquement inséparable du concept même de la chose. La carte d'identité confère à la police des pouvoirs discrétionnaires énormes. Les contrôles de police représentent en fait un aspect du

    40 G. Noiriel, 1999, Les origines républicaines de Vichy, Paris, Hachette, p.62.

    41 A. Bernard, 1997, « Le regard du droit », In Science Humaines, hors-série, p. 16.

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    contrôle administratif auquel se prête la carte nationale d'identité. Ce n'est pas un hasard qu'elle soit plus répandue dans les pays, notamment les pays européens où la tradition de l'État administratif est plus ancienne et plus prégnante.

    Un autre aspect fonctionnel de la carte nationale d'identité pour l'État réside dans le fait qu'elle contribue au contrôle administratif de l'État sur les citoyens à la fois parce qu'elle réduit le coût de l'information nécessaire au contrôle et parce qu'elle resserre les mailles du quadrillage administratif42. Elle réduit le coût de l'information en facilitant le croisement des bases de données gouvernementales. La carte nationale d'identité diminue le coût des croisements de plusieurs manières. Elle porte un numéro ou une autre forme d'identifiant unique. À tout le moins, elle contient des informations, incluant normalement l'adresse et la date de naissance de son titulaire, qui permettent de construire un identifiant composite. A cet effet Eméguidé François affirme que: « Il y a peu de chances qu'un monsieur tel, né telle date, qui habite à telle adresse, et dont la carte nationale d'identité a été émise tel jour, soit confondu avec une autre personne »43.

    Le caractère obligatoire de la carte d'identité signifie sans doute que celui qui change de nom, ou rend autrement périmées les informations qui y figurent, doit en informer l'autorité émettrice. Ceci permet à l'État camerounais d'assurer son contrôle sur tous les citoyens à l'intérieur et hors du territoire national. Toutefois, il suffit que la carte nationale d'identité fournisse un identifiant unique pour que cet identifiant soit utilisé par d'autres services gouvernementaux comme par exemple le ministère du transport (pour l'obtention d'un permis de conduire), le ministère de la justice (pour l'audition d'un suspect), la police (pour enquête policière) etc.

    Notons aussi que la carte nationale d'identité a permis de construire une base de données biométriques. La constitution de la base de données biométrique de la population permet de mettre à la disposition des services publics et privés camerounais (ELECAM, l'Institut Nationale de Statistique...) une base de données de référence sur laquelle ils peuvent s'appuyer pour personnaliser leurs documents d'identité et leurs recherches sans avoir recours à de nouvelles collectes et de ressaisies de gros volumes de données, souvent source d'énormes erreurs pouvant porter préjudice au principe

    42 Entretien avec Hamadjida Oumarou, Meiganga, 08 juillet 2014.

    43 Entretien avec Eméguidé François, personnel d'identification, Yaoundé, 25 juillet 2014.

    67

    d'unicité des données d'identification de base des personnes (nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance, ...) qui doivent être strictement les mêmes pour tous Camerounais quel que soit le document d'identité qu'il présente comme preuve de son identité.

    Comme nous l'avons dit plus haut, la carte nationale d'identité, permet au gouvernement camerounais de faire des quadrillages administratifs en vue de lutter contre l'insécurité et de contrôler la mobilité des personnes au Cameroun. Les acteurs de l'insécurité ont de plus en plus de difficulté à passer à travers les mailles du filet des éléments des forces de l'ordre dont l'une des missions principales est de contrôler l'identité des personnes à l'intérieur du territoire comme au niveau des frontières du Cameroun. Cependant, au-delà de cette importance qu'elle représente pour l'État du Cameroun, il n'en demeure pas moins que l'on souligne les avantages sociaux, juridiques et statistiques de la carte nationale d'identité.

    2. Multiples avantages de la carte nationale d'identité.

    Lorsqu'un système d'identification ou d'établissement des cartes d'identité fonctionne adéquatement et normalement, il constitue une source précieuse d'information. L'établissement de la carte d'identité présente pour tout citoyen un intérêt direct, car sauvegarde par-là, l'identité même du citoyen. En effet, la carte nationale d'identité est le moyen essentiel d'identité des individus, quand les données figurant sur ledit document en particulier le nom et les prénoms empêchent la confusion avec quiconque.

    Parlant du nom, il constitue un moyen d'identification des individus. C'est l'appellation servant à designer une personne sociale et juridique en vue de l'exercice de ses droits et l'accomplissement de ses devoirs. Il est aussi un élément de la personnalité. À ce titre, il ne relève pas seulement de l'identification, mais de l'identité même de la personne44. Au Cameroun, la définition ainsi formulée diverge sensiblement suivant les sociétés et les réalités culturelles et religieuses. Dans la partie septentrionale du Cameroun par exemple, précisément chez les Peul, les définitions des noms et

    44 F. Terré et D. Fenouillet, 1996, Droits civils : les personnes, la famille, les incapacités, 6e édition, Paris, Dalloz, p.127.

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    prénoms varient sensiblement suivant le degré d'islamisation atteint par chaque groupe clanique sédentaire.45 Le droit à un nom est proclamé pour la première fois avec l'avènement de l'identification occidentale et plus tard après l'indépendance. Ainsi, la loi n° 69/LF/3 du 14 juin 1969 sur l'usage des noms et prénoms au Cameroun stipule en son article 1 que personne ne doit porter de nom, de surnom, de prénom que ceux exprimés dans ses documents d'identité officielle et renchérie par l'article 4 que les agents publics, les administrateurs sont ténus de désigner les citoyens, rigoureusement par les noms et prénoms et les surnoms (s'il existe) figurant sur leurs documents d'identité officiels46.

    Juridiquement, l'établissement de la carte nationale d'identité attribue le droit à la nationalité camerounaise. Dans la plupart des États, la nationalité est conférée par le jus soli (c'est-à-dire qu'elle dépend du lieu de naissance) ou par le jus sanguinis (découlant de la nationalité des parents) ou encore selon la combinaison des deux principes. En fait, la question de la nationalité est l'une des questions les plus sensibles et complexes liées à l'établissement de la carte nationale d'identité, et elle peut compromettre l'identification des demandeurs d'asile ou de refuge, ou encore de ceux qui appartiennent à des groupes minoritaires ou ethniques victimes de la discrimination. Le refus d'établir les cartes nationales d'identité aux Mbororo par l`État du Cameroun en 1964 est un exemple patent47. Leurs difficultés à s'intégrer dans la société moderne justifieraient sans doute le recours à l'inégalité compensatrice en vue de faciliter la jouissance de leurs droits fondamentaux et de protéger leur identité. En effet, ces derniers se trouvent confrontés au problème d'identification dans l'Adamaoua car ils n'ont aucune notion du concept de nationalité et de citoyenneté. En somme, l'établissement de la carte nationale d'identité est en règle générale une condition pour jouir de la nationalité. La carte nationale d'identité aide le citoyen à assurer son droit à ses origines, à un nom ou souvent à l'exercice d'autres droits humains.

    Bien plus, certains citoyens qui sont à la recherche d'un emploi dans le secteur privé ou public, sont confrontés à de nombreuses formalités administratives encore plus

    45 Hamadou Adama, 1997 « Les nouveaux prénoms peuls du Nord-Cameroun : historique et essai d'interprétions » Ngaoundéré-Anthropos, revue des sciences sociales, vol. 2, p. 21.

    46 Articles 1 et 4 de la loi n° 69/LF/ du 14 juin 1969 portant réglementation de l'usage des noms et prénoms au Cameroun.

    47C. Madjile, 2005, « Les minorités au nord- Cameroun : le cas des Mbororo », mémoire de DEA, université de Ngaoundéré, p.80.

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    sélectives. Dans ce cas, on peut aussi bien avoir besoin de la carte nationale d'identité du citoyen, pour l'ouverture de son dossier. Elle fournit aussi la preuve de la nationalité lors d'une demande d'emploi. C'est ainsi qu'on trouvera sur les arrêtés fixant organisation des concours d'entrée à la fonction publique camerounaise les prescriptions suivantes : pour l'école nationale d'administration et de la magistrature (ENAM) et l'institut nationale de la jeunesse et de sport (INJS), parmi les pièces à fournir, l'on a : une carte nationale d'identité, un copie certifiée conforme de l'acte de naissance, un certificat de nationalité, etc. Bien plus, sur la fiche de demande d'inscription, figurent bel et bien la nationalité, le nom, le prénom et le lieu de naissance.

    La carte nationale d'identité est un document de la vie civile rendue obligatoire à tous les citoyens camerounais dès son institution en 1964. L'importance de ce document réside certainement sur le plan social. Au-delà de sa fonctionnalité sécuritaire, elle est demandée pour l'obtention d'un passeport ou d'un permis de conduire, pour se marier, pour ouvrir un compte en banque, pour solliciter un emploi ou pour hériter. Sa nécessité peut être perçue voire connue que par ceux qui sont susceptibles de se déplacer en dehors de leur circonscription administrative. De manière pratique, il est important de noter que :

    - La carte nationale d'identité facilite l'identification des citoyens pour l'accès aux services publics.

    - La carte nationale d'identité fournit une confirmation rapide et valide de l'adresse du détenteur.

    - La carte nationale d'identité est utile lors de transactions commerciales et bancaires ainsi que pour obtenir des biens à crédit ou pour un paiement par chèque.

    - La carte nationale d'identité facilite le travail des institutions financières pour l'identification des clients lors de l'ouverture d'un compte ou les opérations de change.

    - La carte nationale d'identité permet d'éliminer la fraude ou le double paiement dans les programmes sociaux (prêts étudiants, prestations de la sécurité sociale).

    - La carte nationale d'identité élimine l'utilisation de cartes comme le permis de conduire, la carte professionnelle ou la carte d'étudiant/scolaire comme moyen d'identification.

    70

    - La carte nationale d'identité peut réduire les fraudes ou les infractions aux lois en permettant aux policiers de procéder rapidement à l'identification de personnes suspectes ou recherchées.

    - La carte nationale d'identité peut faciliter le travail des commerçants qui doivent valider l'âge de leurs clients lors de la vente d'alcool, de tabac ou pour la location de matériel pour adultes avertis.

    - La carte nationale d'identité peut faciliter l'accès à des services réservés à certains groupes d'âges.

    - La carte d'identité peut faciliter la gestion des programmes sociaux en permettant aux fournisseurs de services l'accès au registre central de la carte d'identité afin de vérifier l'éligibilité des personnes aux programmes et retracer les personnes qui ne s'acquittent pas de leurs obligations. L'accès au registre central permet également aux fournisseurs de services de faire la mise à jour de leurs banques de données et améliorer l'exactitude des données qu'ils détiennent. Le détenteur de la carte y trouve également un avantage puisqu'il n'a plus à signifier son changement d'adresse à chacun des organismes avec qui il fait affaires, mais seulement à l'autorité émettrice de la carte48.

    Du point de vue statistique, elle peut être un outil de recensement de la population et surtout d'établissement des listes électorales et de vote. L'identification enregistre les événements au fur et à mesure, permet aux autorités de repérer les tendances à des intervalles beaucoup plus courts, de l'ordre de l'année, du trimestre voir du mois. Comme nous l'avons souligné plus haut les études spéciales, les enquêtes ponctuelles et autres techniques d'échantillonnage coûtent chers et se révèlent pourtant rentables.

    Au-delà de la question touchant la démographie la carte nationale d'identité est un document essentiel dans une démocratie bien implantée. Les listes électorales sont établies au Cameroun à partir de ce document d'identité. La crédibilité, la transparence, la prévention des fraudes électorales et la possibilité pour les citoyens d'exercer leur droit démocratique sont par conséquent conditionnées par la possession d'une carte nationale d'identité en cours de validité. Dans le même ordre d'idées, la base des données de l'identification qui permet approximativement de connaître le nombre des

    48Campaigns of Opposition to ID Cards Schemes, Privacy International, en ligne sur http// www. Privacy. org ./idcard/campaigns.htwl.

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    citoyens, est un préalable pour la constitution d'un fichier électoral. De tels renseignements sont utiles pour le système électoral en ce qu'ils fournissent des listes à jour des personnes à voter. La carte nationale d'identité telle qu'elle est sécurisée aujourd'hui au Cameroun, est un avantage pour l'établissement des listes électorales et même à la bonne organisation et au suivi satisfaisant des élections. Ainsi, le « Guide du président et des membres de la commission de vote au Cameroun » Stipule que :

    L'identification se fait à l'aide d'une pièce d'identité officielle (carte nationale d'identité), de la carte d'électeur.... L'électeur titulaire de sa carte nationale d'identité et dont le nom ne figure sur la liste électorale du bureau de vote est autorisé à voter même s'il ne dispose pas d'une carte d'électeur. Par contre, l'électeur titulaire d'une carte d'électeur mais sans carte nationale d'identité doit se faire identifier en plus par des témoins inscrits sur la liste du bureau de vote49.

    Par ailleurs, la carte nationale d'identité comporte les avantages suivants :

    -Une forme fiable d'identification;

    -La confirmation de l'inscription de l'électeur;

    -La capacité pour l'électeur de prouver qui il est car la carte comprend une

    photographie, une signature, des empreintes digitales, etc.;

    -Une manière efficace d'identifier un électeur qui n'a pas d'adresse fixe;

    -Un outil qui facilite la prise du vote d'un électeur dans une région où il n'est pas connu

    personnellement.

    On peut toutefois souligner que, les informations relatives à la carte d'identité ne seraient pas consignées dans un fichier central, puisque l'absence d'un tel fichier réduirait grandement les avantages éventuels de la carte d'identité par rapport aux autres pièces d'identité qui existent actuellement. Le problème que prétend officiellement résoudre la carte d'identité est celui de la fraude par substitution de personne ou autre forme de fausse identification. On doit admettre que la carte d'identité contribue à réduire la fraude à la marge, c'est-à-dire dans des activités où les avantages du fraudeur sont trop faibles pour justifier l'obtention d'une fausse carte d'identité. Le cas des élections est le plus patent à cet égard.

    49Elections Cameroon, 2011, Guide du président et des membres de la commission locale de vote. p. 10.

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    Dans les relations privées, la carte nationale d'identité invoque la facilitation des transactions électroniques. Idée bien étrange encore que celle-là, puisque le cyberespace s'est développée et continue de se développer à marches forcées sans attendre la sollicitude administrative des pouvoirs publics. Plusieurs méthodes, dont le cryptage, sont apparues pour assurer la sécurité des transmissions et garantir la signature des correspondants. Le projet de jumeler la carte d'identité avec une signature électronique serait, manifestement et efficacement la lutte contre la cybercriminalité.

    En somme, si la carte nationale d'identité contient des informations sur les citoyens et est reliée à un fichier central accessible aux organismes publics et aux personnes privées, elle facilite la prévention de la fraude et la recherche des fraudeurs. Elle doit donner accès à un fichier central qui aide à retracer les individus. Il est clair que la carte nationale d'identité occupe une place importante dans un pays qui se veut démocratique. Elle est importante tant pour l'État que pour les citoyens du point de vue politique, sécuritaire, administratif et social. Cependant, l'utilité d'une telle carte doit être mise en balance avec ses dangers majeurs pour la protection de la vie privée et la liberté individuelle.

    3-Inconvénients de la carte nationale d'identité.

    Plusieurs auteurs ou organismes privés ou publics rapportent les difficultés les plus fréquentes que l'on rencontre avec les moyens actuels d'identification. Au niveau du nom de chacun des individus, il faut bien constater que plusieurs individus peuvent porter le même nom; plusieurs résidents sont appelés à déménager sur une base régulière ce qui rend aléatoire l'adresse qui figure sur leurs cartes d'identité. La carte nationale d'identité camerounaise a été rendue obligatoire pour tous les citoyens en 1964.De ce caractère obligatoire, il s'ensuit des pénalités encourues par ceux qui ne pourraient l'exhiber une fois interpellés par un agent des forces de l'ordre ; donc, en tout temps, un citoyen peut se voir demander par un policier, sa carte nationale d'identité ; s'il ne l'a pas, l'agent des forces de l'ordre peut lui dresser une contravention et même l'amène au poste de police pour enquête. De même si un citoyen oubliait d'avertir l'Administration de son changement de nom, encore là, on pourrait lui dresser une contravention50. L'instauration d'un tel système serait de nature à amener de

    50 Entretien avec Woulkane Norbert, tailleur, Banyo, 15 juin 2014.

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    nombreux excès et acheminer la société vers le harcèlement policier, créant une névrose collective d'État policier.

    Par ailleurs, il faut noter qu'il existe des points d'ombre concernant l'utilisation de carte nationale d'identité. L'officier de police d'un commissariat de la région de l'Adamaoua soulignait que dans de très nombreux cas, les renseignements personnels concernant les citoyens sont fichés à leur insu pour des fins qu'ils ignorent sans qu'ils en soient postérieurement informés et sans qu'ils puissent donc s'y objecter efficacement51. La multiplication de données personnelles détenues dans le secteur privé et public est susceptible de brimer ou de porter atteinte à la vie privée des citoyens. Comme l'ont souligné avec justesse Edith Deleury et al :

    La vie privée participe de la dignité humaine. La vie privée permet à l'individu de s'épanouir par l'affirmation de ses singularités, d'acquérir un sens de soi à l'abri de l'indiscrétion ou du jugement d'autrui. Le développement d'une personnalité propre et unique passe obligatoirement par le respect d'une sphère individuelle au travers de laquelle l'individu assume et cultive ses différences52.

    La vie privée est donc intimement liée à l'autonomie individuelle et constitue l'essence même de notre société libre et démocratique. Il y a en Europe une résistance réelle à l'idée d'une carte d'identification universelle, d'une carte d'identité obligatoire. Parmi les valeurs qui sont remises en question par une carte d'identité, on retrouve notamment les suivantes : l'autonomie individuelle, l'autodétermination en matière d'information, l'accès exclusif au contrôle de la sphère privée de l'individu, le droit à l'anonymat et à la solitude. Ainsi, Simon Rogerson justifiait par ailleurs que l'instauration d'une carte d'identité obligatoire est susceptible d'affecter les rapports entre l'État, la police et les citoyens, entre les demandeurs de renseignements personnels et les personnes concernées53.

    51 Cet informateur a requis l'anonymat

    52 E. Deleury, 1997, « Mémoire sur la carte d'identité et la protection de la vie privée », présenté à la commission de la culture de l'Assemblée nationale du Québec, Québec, Barreau du Québec, p. 7.

    53There are many countries where it's become almost impossibly inconvenient not to have an ID card, because so many benefits and services depend on it. And by inexorable logic of «nothing to hide nothing to fear anyone not in possession of an ID card, or unwilling to produce one could easily become an object of suspicion-for a range of officials, from police to bank clerks. So even a voluntary scheme could easily increase the risk of harassment of minority groups.

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    Par ailleurs, Simon Rogerson 54 renchérit que les groupes démunis et les minorités subissent davantage les inconvénients et le coût social de ces technologies. Ainsi concrètement :

    - La carte nationale d'identité peut engendrer des abus quant à l'obligation pour le détenteur de la produire à tout moment à toute personne qui la requiert ;

    - La carte nationale d'identité obligatoire pourrait altérer les relations entre les citoyens et policiers, si ceux-ci l'exigent en tout temps sans raison valable ;

    - En plus, la carte d'identité porte un numéro unique permanent rattaché au détenteur, le fichier peut devenir l'objet de convoitise de beaucoup d'entreprises et d'organismes. Les entreprises et organismes voudront avoir accès au fichier afin de comparer les données qu'ils détiennent avec celles contenues dans le fichier pour vérifier l'éligibilité des citoyens aux services et programmes ou pour retracer ceux qui ne s'acquittent pas de leurs obligations. Le fichier pourrait également servir à la constitution de profils sur la consommation de services. Dans certains cas, la comparaison peut se faire à l'insu de la personne concernée et lui causer des préjudices si, à la suite de la comparaison, la personne se voit retirer un service ou une prestation sans qu'on lui ait donné la possibilité de se faire entendre55.

    - La carte nationale d'identité peut s'avérer un document attrayant pour les criminels et favoriser la fraude et le crime en développant un marché pour cartes volées ou contrefaites.

    - La carte nationale d'identité est onéreuse pour le gouvernement qui l'émet ou pour le citoyen qui doit se la procurer et la renouveler.

    - la non-possession prive les citoyens de certains services publics et privés.

    -Elle peut s'avérer très coûteuse à produire et à mettre à jour. Tel n'est pas toujours le cas, mais les coûts augmentent à mesure que s'ajoutent des éléments de sécurité et que la carte s'impose comme la principale pièce d'identité du citoyen.

    -La production de la carte exige une structure administrative importante.

    54We live in age where citizens are becoming more and more dependent on digital icons, such as credit card, national insurance numbers and PIN numbers, in order to live and work. Those not in possession of such icons will fin did difficult to exist and will become increasingly disadvantaged. The identity car did see as yet another icon but on which more embracing and having greater potential to alter society radically. S.Rogerson, 1995, « The Green paper on Identity cards, A response from the Center for Computing and social responsability »,United Kingdom, Center for Computing and social Responsibility, p. 1.

    55Deleury, 1997, p.8.

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    -Elle doit être produite avec une technologie appropriée. S'il n'y a pas d'électricité là où l'établissement se fait et où les cartes sont délivrées.

    En somme. Bien qu'elle soit obligatoire, la carte nationale d'identité n'est pas à la portée de tous les citoyens à cause de son coût. Certaines minorités assument les conséquences de façon plus sensible que les autres citoyens. Une réglementation efficace de la transmission des renseignements personnels pose aussi un réel défi. Tout Camerounais résidant au Cameroun est, sous peine des sanctions prévues à l'article 370 du Code Pénal, tenu de déclarer à l'officier d'état-civil territorialement compétent les naissances, et plus tard à l'âge de 18 ans de se faire établir une carte nationale dans un poste d'identification de sa localité. Ceci concourt à l'identification de la personne physique. Ainsi, il y a trois manières de concevoir la carte nationale d'identité : il y a d'abord cet angle subjectif qui est celui de l'individu, et qui peut relever de la déclaration de l'identité individuelle. Là, on va précisément parler d'identité. Puis, il y a le point de vue de l'État qui, lui va se fonder plutôt sur des critères objectifs, voire des critères scientifiques qui sont aujourd'hui au centre de débats politiques et là, on va plutôt parler d'identification. La première conception débouche sur la sécurisation de l'identité et la seconde sur la base de données de population. Un troisième pan, qui va retenir notre attention est sa fonction d'ordre social. L'état des personnes recense donc des mesures de police prises pour identifier les personnes, pour assurer leur unicité. Pour cette raison, la carte nationale d'identité est constituée de règles d'ordre public et un instrument de contrôle et régulation de la sécurité, d'où la déclaration de Thierry Braspenning56,

    L'institutionnalisation de l'identité et de la menace apporte, paradoxalement, la sécurité. Lorsque l'objet de la peur a été clairement identifié, on sait mieux ce qui est menacé et quelle attitude, quelle stratégie peut aider à s'en prémunir. La survie est une question d'identification. Elle est une interrogation sur le « qui », le « quoi », le « pourquoi » et le « comment ». Qui ou qu'est ce qui est menacé ? Par qui ou quoi ? Pourquoi ? Comment en sortir ? Les représentations sociales que sont les institutions insèrent la peur dans un cadre qui sécurise l'environnement systémique.

    56T. Braspenning, 2000, « Group identity and the disintegration of the modern link between Security and fear », contribution présentée à l'occasion de la graduate conference in Political Theory à l'Universitéd'Essex du 12 au 13 mai 2000, p.12.

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    Ces propos traduisent l'importance de la carte nationale d'identité dans la lutte contre le phénomène de l'insécurité.

    Après avoir étudié le contenu de la carte nationale d'identité et appréhendé les différents éléments que le droit civil considère pour distinguer les personnes, il en ressort que l'autorité publique aurait intérêt à ce que ces différents éléments ne disparaissent pas pour que l'individualisation d'une personne ne puisse être reproduite sans autorisation, sauf usage personnel. En tout cas, le droit civil a toujours organisé un système de constatation de l'identité malgré les multiples contentieux qui l'émaillent.

    CHAPITRE II :

    ÉTABLISSEMENT DES CARTES NATIONALES D`IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA.

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    Réalisée par Alpha Ndanga et Jean Francis Gabana.

    Figure 2: Carte de l'Adamaoua

    «Nom, profession, origine». Cette trilogie ou ces composants qu'on pourrait dire élémentaires constituent le noyau dur de l'identification. Longtemps inscrits dans l'oralité, ils vont être combinés à des supports écrits. Cette innovation, retravaillée et affinée, est la source d'une transformation durable et structurante dans notre société. Il faut également retenir que la question de l'identification portée par les administrateurs de tout poil ne saurait s'analyser parle seul prisme des populations dites mobiles mais

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    font corps avec le contrôle de la population urbaine et rurale. Notre ambition dans ce chapitre est de montrer que les changements survenus au niveau politique et administratif sont cependant loin d'être insignifiants pour la question d'identification dans l'Adamaoua. L'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua constitue sans nul doute un enjeu pour le gouvernement camerounais. Il sera question de montrer l'impact des ajustements administratifs et des innovations techniques sur les conditions d'établissement des cartes nationales d'identité au Cameroun en générale et dans l'Adamaoua en particulier. En faisant d'une certaine manière le portrait d'une histoire de l'identification, il s'agit d'explorer les conditions pratiques de ces transformations dans l'Adamaoua entre 1960 et 2013.

    I- evolution de la structure administrative de l'Adamaoua et la mise

    en place des postes d'IDENTIFICATION.

    L'Adamaoua représente la complexité et la pluralité camerounaises. Ces caractéristiques sont par une dialectique animée d'un côté par une volonté persistante de bien marquer son identité, sa différence par rapport aux voisins avec lesquels bien des péripéties de l'histoire contemporaine ont été partagées. Il s'agit dans cette partie d'analyser la dynamique de la mise en place des postes d'identification. Nous insisterons surtout sur les données administratives, dans la mesure où l'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua a considérablement influencé la mise en place des postes d'identification dans cette Région.

    80

    1. Évolution de la structure administrative de l'Adamaoua.

    Après 1911, l'Adamaoua qui faisait partie des territoires conquis par l'Allemagne, avait deux chefs-lieux de districts que sont Banyo et Ngaounféré. En 1916, la France retire les territoires cédés à l'Allemagne en 1911 et intègre le Cameroun à l'Afrique Équatoriale Française (AEF). Elle remanie l'organisation administrative et forme les Régions, les subdivisions et les postes administratives. C'est dont dans ce sillage que la Région de l'Adamaoua naît. Suite au découpage de 1941, l'Adamaoua devint Région et eu comme subdivisions Ngaoundéré, Banyo, Tibati, Meiganga, Tignère.

    Avec l'indépendance et la mise en oeuvre d'une nouvelle organisation du territoire, la Région disparait au profit de la province. L'organisation administrative du Cameroun connu des changements entre 1959, 1983 et 2008 1 . En fait, après l'indépendance, les Régions et les districts sont devenus les départements regroupés en inspection fédérale d'administration (IFA). Le décret n°59/138 du 08 août modifie les dénominations des circonscriptions. Ainsi, on peut lire dans l'article premier de ce décret :

    Les circonscriptions administratives de l'État du Cameroun désignées sous l'appellation de Régions, subdivisions et postes administratifs prennent respectivement les dénominations de départements, arrondissements et districts. Les délégués du gouvernement prennent le titre d'Inspecteurs généraux de l'Administration2.

    Dans cette optique, la «Région du Nord » devient la « province du Nord » en intégrant le territoire de l'Adamaoua. L'Adamaoua qui fit donc partie de ce nouveau découpage administratif, devint ainsi « département de l'Adamaoua » avec cinq arrondissements notamment Banyo, Tignere, Tibati, Meiganga et Ngaoundéré comme chef-lieu dudit département. Cette dénomination perdure jusqu'en 1983.

    L'année 1983 est caractérisée au Cameroun par la création de nouvelles provinces

    et de nouveaux départements. Le décret n°83-390 du 22 aout 1983 a créé cinq (05)

    1Hamadou Adama et al, 2014, De l'Adamawa à l'Adamaoua. Histoire, enjeux et perspectives pour le Nord-Cameroun, Paris, l'Harmattan, p.10.

    2 Article Premier du décret n°59/138 du 08 Aout 1959 du Premier Ministre, chef du gouvernement camerounais.

    81

    nouvelles provinces en son article2, parmi lesquelles la province de l'Adamaoua. Le décret n°83-392 de la même année quant à lui, crée neuf (09) nouveaux départements. Les articles premier et 2 dudit décret stipulent que :

    Sont et demeurent abrogées les dispositions du décret n°81-251 du 11 décembre 1981 portant réorganisation administrative dans province du Nord. (Sic)

    Il est créé dans les ressorts territoriaux des actuels départements de Mbam-et- Djerem, d'Adamaoua, de la Bénoué des départements suivants :

    -le département du Mayo Banyo : chef-lieu Banyo -le département du Djerem : chef-lieu Tibati

    -le département du Mbéré : chef-lieu Meiganga -le département de la Vina ; chef-lieu Ngaoundéré -le département de Faro-et- Déo chef-lieu Tignere... Art.2. Les départements sont composés des

    arrondissements et districts suivants :

    a) Département de Mayo Banyo Arrondissement de Bankim Arrondissement de Banyo

    b) Département du Djerem

    Arrondissement de Ngaoundal

    Arrondissement de Tibati

    c)Département du Mbéré

    Arrondissement de Meiganga

    District de Djohong érigé en arrondissement

    d) Département de la Vina

    Arrondissement de Ngaoundéré

    District de Belel érigé en arrondissement

    e) Département de Faro- et-Déo

    Arrondissement de Tignere

    District de Mayo-Baléo érigé en arrondissement District de Galim-Tignere unité créée rattachée administrativement à l'arrondissement de Tignere3...

    En 2008, le Cameroun passe des provinces aux régions administratives. Deux décrets du Président de la république ont refondu complètement l'organisation administrative du Cameroun et le régime des attributions des chefs de circonscriptions administratives. Ce remaniement était attendu, car il était nécessaire de tenir compte des dispositions de la révision constitutionnelle de 1996 qui prévoit la décentralisation administrative et la création des régions.

    3 Article 1 et 2 du décret n°83-392 du 22 aout 1983 portant création de nouveaux départements et arrondissements.

    82

    La principale innovation de ces textes tient donc au remplacement des provinces par des Régions, mais également à la disparition des districts. L'organisation administrative est essentiellement hiérarchisée. Son étude suppose que l'on sache quelles sont les différentes circonscriptions administratives créées dans l'Adamaoua, leur nombre, leur dénomination et surtout l'impact de la création de ces unités administratives sur la mise en place des postes d'identification. La Région, il faut le noter, constitue en même temps une circonscription administrative qu'une collectivité territoriale décentralisée (comme une commune), deux notions à ne pas confondre.

    Le décret de 2008 transforme, comme nous l'avons souligné plus haut, les dix (10) provinces en Régions et érige les districts en arrondissement. Dès lors, en son article 5, ledit décret stipule que :

    La Région de l'Adamaoua, dont le chef-lieu est

    Ngaoundéré, comprend les départements suivants :

    -Département du Djerem ;

    -Département du Faro-et Déo ;

    -Département du Mayo Banyo ;

    -Département du Mbéré ;

    -Département de la Vina4.

    Ce faisant, l'Adamaoua passe de onze (11) arrondissements à 21 arrondissements. Elle compte cinq (05) départements et vingt-et-un (21) arrondissements. Ainsi, les départements du Faro-et-Deo et du Mbéré comptent chacun 4 arrondissements, le Mayo-Banyo trois (03) arrondissements, la Vina huit (08) arrondissements et le Djerem deux (02) arrondissements (voir tableau 1). Cependant, il ressort que dans ce découpage administratif, la Vina est le département le plus vaste et le Faro-et Déo est le moins dense. Le département du Mayo Banyo est à la fois le moins vaste et le plus dense (voir tableau 2).L'on constate dès lors que, cette évolution des structures administratives au Cameroun, trahit en principe, la volonté des pouvoirs publics de rapprocher davantage l'administration des populations. L'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua de 1959 au récent décret de 20085 a un impact considérable sur la mise en place des postes d'identification.

    4Décret n°2008/376 du 11/12/2008 qui transforme les 10 Régions et érige les districts en arrondissements. 5 Ibid.

    83

    Tableau 1: données administratives de la Région de l'Adamaoua en 2010.

    Départements

    Chefs-lieux

    Superficie

    Arrondissements

    Vina

    Ngaoundéré

    17 196

    Ngaoundéré 1er, 2eme et

    3eme

    Belel

    Mbe

    Ngan-ha Martap

    Nyambaka

    Mbéré

    Meiganga

    14 267

    Meiganga Djohong Dir Ngaoui

    Mayo Banyo

    Banyo

    8 520

    Banyo Bankim Mayo Darlé

    Djerem

    Tibati

    13 283

    Tibati

    Ngaoundal

    Faro et Déo

    Tignère

    10 435

    Tignère Galim-Tignère Mayo-baléo Kontcha

    Total

    05

    63 701

    21

    Source : MINEFI/Division Économique de l'Adamaoua/ Rapport Économique de la Région de L'Adamaoua, Exercice 2010/2011.

    84

    Tableau 2: répartition de la population de la Région de l'Adamaoua 2005-2010.

     

    Djerem

    Faro
    -et-
    Deo

    Mayo Banyo

    Mbere

    Vina

    Adamaoua

    Cameroun

    Superficie

    13283

    10435

    8520

    14267

    17196

    63701

    466050

    2005

    Population

    124948

    82712

    187066

    171670

    317888

    884289

    1746383

    Densité

    9,4

    7,9

    22,0

    12,0

    18,5

    13,9

    37,5

    Tx

    urbanisation

    /

    /

    /

    /

    /

    38,8

    48,8

    2010

    Population

    143505

    95002

    214849

    197166

    365100

    1.015622

    19.406.100

    Densité

    10,8

    9,1

    25,2

    13,8

    21,2

    15,9

    41,6

    Tx

    urbanisation

    /

    /

    /

    /

    /

    /

    /

    Source : Ministère de l'Économie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire/ Rapport régional de progrès des objectifs du millénaire pour le développement/Région de l'Adamaoua, exercice 2010.

    Les données des tableaux précédents permettront de mieux analyser la mise en place ou encore la disposition des postes d'identification et de mieux étudier l'évolution des demandes de cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua.

    2-La mise en place des postes d'identification.

    L'on ne saurait parler de carte nationale d'identité dans l'Adamaoua sans toutefois évoquer le processus qui a rendu faisable l'établissement même de cette pièce d'identité aux citoyens. La mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua s'est faite de manière progressive. En outre, les postes d'identification sont nés au rythme de l'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua et au rythme de la croissance

    85

    de la population de ladite Région. C'est en fait un processus qui a débuté en 1960, avec la présence de quelques postes d'identification installés uniquement dans les localités les plus importantes de l'Adamaoua. Avec l'ouverture démocratique des années 1990 et l'augmentation de la population de l'Adamaoua, plusieurs postes d'identification sont créés dans toutes les circonscriptions administratives de la Région de l'Adamaoua.

    2-1.Les premiers postes d'identification de l'Adamaoua.

    La période post-coloniale au Cameroun est caractérisée par la mise en place de la nouvelle administration et plus particulièrement la création des postes d'identification. Ces postes d'identification, dans leur contexture actuelle dans la Région de l'Adamaoua, se singularisent par une répartition relativement inégale. La région de l'Adamaoua, depuis l'indépendance du Cameroun, connaît une mise en place progressive des postes d'identification dont la cartographie donne une lecture plus aisée.

    L'analyse de la mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua, prend en compte les éléments factuels qui expliquent pourquoi certaines zones ne sont pas dotées de postes d'identification ou encore ont bénéficié tardivement d'un poste d'identification. Dès l'indépendance du Cameroun sous administration française en 1960, les premiers postes d'identification ont été créés dans le but d'identifier les citoyens de cette Région frontalière à la République Centrafricaine et au Tchad réputés pour une instabilité et pour une émigration de leurs citoyens vers le Cameroun. En effet, la mobilité des citoyens camerounais et l'immigration des personnes de nationalités diverses ont justifié la création des postes d'identification surtout dans les chefs-lieux des circonscriptions territoriales de l'Adamaoua. Ainsi, les sous-préfectures et préfectures étaient à cet effet, considérées comme les postes d'identification. L'Adamaoua au cours des années 1960, comptait comme nous l'avons souligné plus haut cinq (05) arrondissements. Dans ces arrondissements furent donc installés les services d'identification.

    La création des structures administratives a fait également naître les commissariats dans l'Adamaoua. En effet, dans leurs missions, les circonscriptions territoriales sont accompagnées par les commissariats. Ainsi, au Cameroun, les commissariats, tels que définies par le décret de 1964 instituant la carte nationale

    d'identité6 dans son article 3, sont des postes d'identification. Ainsi on peut lire : « La carte nationale d'identité est établie par les commissaires de police et les chefs de circonscriptions territoriales auxquels le Directeur de la Sureté fédérale délègue sa signature ».

    Dans la dynamique de la création des postes d'identification au Cameroun, on note une mise en place de manière discriminatoire des postes d'identification dans la Région de l'Adamaoua. On dirait que certaines localités de l'Adamaoua ont été carrément écartées de la politique d'identification des citoyens camerounais. Ce sont par exemples les localités stratégiques telles que Djohong et Ngaoui dans le Mbéré, Bankim dans le Mayo Banyo, Ngan-ha et Belel dans la Vina, Ngaoundal dans le Djerem, Konctha dans le Faro-et-Déo. Des localités stratégiques du point de vue de leurs positions frontalières aux pays voisins du Cameroun et aussi du point de vue démographique. Ces localités n'avaient, au cours des années 1960 et 1970, aucun poste d'identification.

    Dès lors, dans les différentes circonscriptions territoriales, il eut deux postes d'identification seulement dans les centres urbains. Ainsi, le tableau suivant fait ressortir la répartition des postes d'identification dans l'Adamaoua de 1960 à 1995.

    Tableau 3: répartition des postes d'identification de 1960 à 1995.

    Villes

    Postes d'identification

    BANYO

    Sous-préfecture de Banyo et le commissariat de la ville de Banyo

    NGAOUNDÉRÉ

    Sous-préfecture de Ngaoundéré et le commissariat

    spécial de la ville de Ngaoundéré

    86

    6 Décret n°64-DF-394 du 29 septembre 1964 instituant la carte nationale d'identité.

    87

    TIBATI

     

    Sous-préfecture de Tibati et le commissariat la ville de Tibati

    MEIGANGA

    Sous-préfecture de Meiganga et le commissariat de la ville de Meiganga

    TIGNERE

    Sous-préfecture de Tignere et le Commissariat la ville de Tignere.

    Source : Tableau réalisé à partir des archives de la délégation régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua.

    Au regard du tableau de la répartition des postes d'identification dans l'Adamaoua, il est important de noter que, par rapport à la couverture du territoire de l'Adamaoua, les postes d'identification sont insuffisants. Ainsi, pour une superficie de 63 701Km2 l'Adamaoua comptait dix (10) postes d'identification installés uniquement dans les villes importantes.

    2-2. Répartition des postes d'identification dans l'Adamaoua à partir de 1995.

    L'année 1995 est marqué la mise en place d'un nouveau système d'identification au Cameroun et surtout par l'ouverture de près de 100 postes d'identificatification à travers le Cameroun. Le Cameroun, au début des années 2000, compte 350 postes d'identification7. Suite à cette réalisation de la délégation générale à la surété nationale, la Région de l'Adamaoua, bénéficia de nouveaux postes d'identification. Ainsi, pour pallier les difficultés d'établisssement des cartes nationales d'identité que connaissent les services d'identification et les citoyens demandeurs, dans certains centres urbains comme Ngaoundéré, Banyo et Meiganga, de nouveaux postes d'identification on été créés pour renforcer ceux qui existaient déjà. Par ailleurs, la mesure prise par le délégué générale à la sûreté nationale, responsable principal de l'identification au Cameroun, a permis aussi de créer les postes d'identification dans certains arrondissements et localités de l'Adamaoua, ceci pour rapprocher davantage les sercvice d'identification des populations.

    7 Entretien avec Boudié Jacques, Chef de la cellule d'authentification des demandes de cartes d'identification, Yaoundé, 20 juillet 2014.

    88

    Chaque département de la région dispose désormais de deux (02) à cinq (05) postes d'identification, chargés d'établir les cartes nationales d'identité aux citoyens camerounais qu'on retrouve dans ces unités administratives. Sur le plan régional, la délégation régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua assure la tutelle des postes d'identification. Elle est chargée d'acheminer les matériels d'identification dans ces postes. Cependant, il est important de remarquer que, la nouvelle répartition des postes d'identification dans l'Adamaoua tient compte de la densité de la population et même de la position des circonscriptions administratives. Ce faisant, nous avons la répartition suivante :

    Le département de la Vina compte cinq (05) postes d'identification dont : le poste d'identification de la délégation régionale de sûreté nationale de l'Adamaoua ; le poste d'identification du commissariat central ; le poste d'identification deMbé ; le poste d'identification de Nyambaka et le poste d'identification de Martap.

    Dans le département du Mbéré, nous avons : le poste d'identification du commissariat de sécurité publique de la ville de Meiganga ; le poste d'identification du commissariat central de la ville de Meiganga, mais installé à Meidougou ; le poste d'identification de Djohong et le poste d'identification de Dir

    Dans le département de Mayo Banyo ils sont les suivants : le poste d'identification de Banyo, le poste d'identification de Bankim et le poste d'identification de Mayo-Darlé.

    Dans le département du Faro-et Déo, l'on a : Le poste d'identification de Tignere et le poste d'identification de Galim-Tignere

    Dans le département du Djerem, l'on : le poste d'identification de Tibati et le poste d'identification de Ngaoundal.

    Au totale, l'Adamaoua est passé de dix (10) à seize (16) postes d'identification. Au cours des périodes 1960 ; 1970 et 1980 les postes d'identification étaient logés dans

    89

    les structures de l'administration territoriales (préfectures et sous-préfectures).La mise en place du système d'identification biométrique en 1995 a permis de centraliser les services d'identification. Désormais, les services d'identification sont logés dans les structures de la délégation générale de la sûreté nationale (commissariats).

    Photo 16: Poste d'identification de la ville de Meiganga.

    (c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014

    Ce poste d'identification qui fut dans l'enceinte de la sous-prefecture de Meiganga entre 1960 et 1994, est logé dépuis 1995 dans le commissariat de la sécurité publique de Meiganga.

    Photo 17: Poste d'identification de la ville de Tibati.

    (c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.

    Ce poste d'identification fut l'unique du département du Djerem jusqu'en 1983, année de création de la sous-prefecture de Ngaoundal, par conséquence, la création d'un nouveau poste d'identification dans le Djerem. C'est l'un des postes de l'Adamaoua qui, jusqu'ici, produit le moins de demandes de cartes nationales d'identité par rapport au autres postes d'identification. Le responsable dudit poste justifie que la plupart des citoyens de ce département vivent dans les campagnes et sont préoccupés par les activés de pêche, par de activés champêtres et par des activités pastorales8.

    90

    8 Entretien avec MohamadouSalissou, chef de poste d'identification AD 06, Tibati, 03 juin 2014.

    Photo 18: poste d'identification de la ville de Banyo.

    (c) : Jean Francis Gabana, juin 2014

    Le poste d'identification de Banyo fut le tout premier dans le département de du Mayo Banyo. Logé dans l'enceinte du commissariat de sécurité publique de la ville de Banyo depuis 1995, ce poste reçoit aujourd'hui, en moyenne 20 à 30 demandeurs par jour. À cause de l'étroitesse de l'espace, les demandeurs attendent à l'extérieur leur tour. Monsieur Baino Pagoah, responsable de ce poste d'identification, explique que, lors des campagnes d'identification, l'établissement des cartes nationales d'identité se fait à l'extérieur (à l'aire libre), car le bâtiment ne peut contenir plus de 10 personnes9. Une représentation de ces postes d'identification dans un tableau permet de faire une lecture aisée des services d'identification dans l'Adamaoua.

    91

    9 Entretien avec Baino Pagoah, chef de poste d'identification, Banyo, 14 juin 2014.

    92

    Tableau 4:répartition des postes d'identification dans l'Adamaoua en 2013.

    Code du poste

    d'identification

    Ville ou Localité

    Localisation

    AD 01 : DRSN/AD

    NGAOUNDERE

    Délégation générale de la

    sûreté nationale de
    l'Adamaoua

    AD02 : MAYO-DARLE

    MAYO-DARLE

    Commissariat central de

    Mayo- Darlé

    AD03 : BANKIM

    BANKIM

    Commissariat central de

    Bankim

    AD 04 : BANYO

    BANYO

    Commissariat de sécurité

    publique de Banyo

    AD05 : CIAT CENTRAL

    NGAOUNDERE

    Commissariat central de

    Ngaoundéré

    AD06 : TIBATI

    TIBATI

    Commissariat Spécial de

    Tibati

    AD07 : MEIGANGA

    MEIGANGA

    Commissariat de sécurité

    publique de Meiganga

    AD08 : TIGNERE

    TIGNERE

    Commissariat de sécurité

    publique de Tignere

    AD09 : NGAOUNDAL

    NGAOUNDAL

    Commissariat central de

    Ngaoundal

    93

    AD10 : MBE

     

    MBE

    Commissariat central de Mbé

    AD11 : DIR

    DIR

    Commissariat central de Dir

    AD12 : GALIM- TIGNERE

    GALIM-TIGNERE

    Commissariat central de

    Galim-Tignere

    AD13: DJOHONG

    DJOHONG

    Commissariat central de

    Djohong

    AD14 : MEIDOUGOU

    MEIDOUGOU

    Commissariat central de

    Meiganga

    AD15 : NYAMBAKA

    NYAMBAKA

    Commissariat central de

    Nyambaka

    AD 16 : MARTAP

    MARTAP

    Commissariat central de Martap

    Source : Archives de la délégation régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua.

    Tableau 5:répartition des équipes mobiles d'identification dans l'Adamaoua en 2011.

    Code

    Départements

    Localité de travail

    MA

    01

    VINA

    Belel; Bakari Bata; Tchabal ; Idool ; Tello ;Belel-Dibi etc.

    MA 05

    MA04

    MAYO-BANYO

    Sambolambo ; Nyamboyan ; Mbamti,

    Kontcha etc.

    94

    MA06

     

    DJEREM

    Mbakaou ; Allat Mingat ; Tongo. Ngatt ;Pangar ; Kawtal 1 et 2, Danfili ; Djondé ;Koundé etc.

    MA09

    MA07

    MBERE

    GbatouaGodolé ; Kombo Laka ; Yarmbang ; Ngaoui ; Lokoti ;Dankalé ;Mbarang ; Zaoro-Fio ; BékaGuiwan.

    MA14

    MA08

    FARO ET DEO

    Almey ;Wogomdou ; Mayo Lewa ;Lompta etc.

    Source : Archives de la délégation régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua.

    À la suite de ces tableaux, il est important de noter que dans chaque département de l'Adamaoua, en plus des postes d'identification fixes, les équipes mobiles d'identification furent créées. Ces équipes mobiles d'identification se déploient surtout à la veille des échéances électorales dans le but de pallier aux nombreuses difficultés que connaissent les citoyens des zones rurales et surtout pour permettre aux citoyens en âge de voter de se faire inscrire sur les listes électorales. Ces équipes mobiles déployées au cours de la période des opérations foraines de l'établissement des cartes nationales d'identité, ont couvert plusieurs zones rurales de l'Adamaoua permettant ainsi à plusieurs citoyens de se faire identifier. Une représentation des postes d'identification sur une carte permet de mieux cerner la disposition des services d'identification dans l'Adamaoua.

    95

    Figure 3: carte des postes d'identification de l'Adamaoua.

    À la suite de cette carte, force est de constater que les départements de la Vina et du Mbéré ont respectivement cinq (05) et quatre (04) postes d'identification. Dans le département de la Vina, les arrondissements de Nganha-ha et de Belel ne sont pas, jusqu'ici, dotés de postes d'identification. Dans le département du Mbéré, l'arrondissement de Ngaoui manque de poste d'identification. Les arrondissements de Tibati et Ngaoundal dans le département du Djerem ont chacun un poste d'identification. Dans le département du Mayo Banyo, tous les trois arrondissements

    96

    sont dotés des postes d'identification. Dans le département de Faro et Déo, deux (02) arrondissements (Galim-Tignere et Tignere) sont dotés des postes d'identification. Les arrondissements de Kontcha et de Mayo-Baléo n'ont pas jusqu'ici de postes d'identification. La disposition de ces postes d'identification dans l'Adamaoua, ne permet pas à certains citoyens d'accéder facilement aux services d'identification.

    II- Pratique d'identification dans l'Adamaoua de 1960 À 2013.

    La mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua et le développement de la politique d'identification au Cameroun ont un impact direct sur l'établissement des cartes nationales d'identité dans cette unité administrative. Les périodes 1960, 1970 et 1980 sont caractérisées par un faible taux d'identification. Cependant, à partir des années 2000, avec l'avènement du nouveau système d'identification au Cameroun, l'action des pouvoirs publics, l'on constate une amélioration des conditions d'identification dans les postes d'identification repartis dans l'Adamaoua. Ainsi, pour une bonne compréhension de la pratique d'identification dans l'Adamaoua, il importe d'étudier l'établissement des cartes nationales d'identité uniquement dans les centres urbains de1960 à1999 et le déploiement des postes d'identification dans les zones rurales à partir des années 2000.

    1-Établissement des cartes nationales d'identité de 1960 à 1999.

    La politique d'identification au Cameroun s'est développée de manière progressive. En fait, au cours des périodes 1960, 1970 et 1980, les cartes nationales d'identité étaient délivrées dans les commissariats et sous-préfectures. La structure administrative de l'Adamaoua ne fut pas en marge de cette pratique d'identification. En effet, au cours des années 1960 cette unité administrative ne comptait que quelques postes d'identification qui, étaient logés dans les sous-préfectures et quelques commissariats disséminés sur l'étendue dudit territoire10. C'est dire donc qu'à cette époque, comme partout au Cameroun, les cartes nationales d'identité étaient délivrées par les chefs de circonscriptions territoriales et par des commissaires de police. Cependant, il faut noter que les postes d'identification qui étaient logés dans les sous-préfectures et commissariats ne pouvaient que par conséquent être dans les centres

    10 Entretien avec Daagoula Ibrahim, ancien personnel d'identification, Tibati, 08 juin.

    97

    urbains de la Région de l'Adamaoua. Toutefois, les populations de localités environnants ces centres urbains, pour se faire établir leurs cartes nationales d'identité, se rendaient dans ces sous-préfectures et commissariats. Ainsi, pratiquement, les demandeurs de cartes nationales d'identité de ces époques se faisaient souvent accompagner de deux à trois témoins. Selon monsieur Daagoula, l'absence des pièces pouvant prouver la nationalité d'un quelconque citoyen demandeur de la carte nationale d'identité, faisait aussitôt intervenir les témoins qui peuvent être le chef du village ou du quartier et deux à trois membres de famille. La présence de ceux-ci n'était donc pas fortuite dans la mesure où ils étaient chargés de justifier le lieu de naissance, le domicile et surtout la filiation du citoyen à identifier.

    Par ailleurs, la manière dont les postes d'identification étaient repartis dans l'Adamaoua (au cours de 1960 jusqu'à la fin des années 1990) ne pouvait pas permettre aux citoyens des zones rurales de l'Adamaoua d'obtenir aisément leurs cartes nationales d'identité11. C'est par exemple, le cas des populations de Djohong, Gbatoua-Godolé, Fada, Ngaoui, Lokoti etc. qui se rendaient, souvent à pieds, à la sous-préfecture de Meiganga pour se faire établir leur carte nationale d'identité.

    À partir des années 1980, l'identification des citoyens dans l'Adamaoua fit une légère une avancée. L'on note dès lors, le déploiement des services d'identification de Ngaoundéré et de Meiganga dans les zones rurales. Cependant, cette politique d'identification ne porta pas de fruit, car selon un ancien personnel d'identification, les populations des zones reculées étaient encore méfiantes et la politique d'identification avait manqué de financement et d'appui de la part des autorités politiques et administratives de la région12.

    De manière générale, l'identification dans l'Adamaoua de 1960 à 1990 est caractérisée par une faible production. En effet, la procédure d'identification durant ces années semblait facile par rapport à celle d'aujourd'hui, car le demandeur pouvait entrer en possession de sa carte d'identité le même jour de la délivrance. Ceci devrait plutôt attirer bon nombre de citoyens de l'Adamaoua à se faire identifier. Mais,

    11 Nous en parlerons amplement dans la partie réservée aux obstacles liés à l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. Toutefois, nous soulignons cet aspect dans cette partie juste pour expliciter la pratique d'identification en vigueur dans l'Adamaoua des années 1960, 1970 et 1980.

    12 Cet informateur requis l'anonymat.

    98

    paradoxalement, l'on constate plutôt le contraire car plusieurs citoyens ne connaissaient pas le bien-fondé de l'identification. Tout de même, il ressort que, l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua dans les trente premières décennies a manqué d'une politique viable et de l'appui du gouvernement. Même en exemptant à un certain moment les frais d'identification, peu de citoyens se faisaient établir leurs cartes d'identité. Néanmoins, quelques postes d'identification furent relativement actifs. C'est notamment les postes d'identification de Ngaoundéré et de Banyo, premièrement à cause de leur position stratégique (villes frontalières au Tchad et au Nigeria), deuxièmement à cause de leur potentiel démographique (voir tableau 2) et enfin à cause de l'ancienneté de ces postes d'identification installés. De manière générale, les départements de la Vina et du Mayo Banyo sont, en fait, les deux premiers départements les plus peuplés de l'Adamaoua et suivant la logique de l'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua, les postes d'identification ont été d'abord créés dans les chefs-lieux de ces deux départements en occurrence Ngaoundéré et Banyo. Ce sont les postes qui recevaient en moyenne vingt à trente demandeurs par jour. Par ailleurs, la position de ces deux départements comme carrefours d'une part (Ngaoundéré) et d'autre part, zones frontalières aux pays voisins du Cameroun a un impact important sur l'établissement des cartes nationales d'identité dans les postes d'identification de ces deux villes. Les postes d'identification de Tibati, Tignère furent peu productifs à cause du retard de la mise en place des infrastructures d'identification.

    2-Le déploiement des postes d'identification à partir des années 2000.

    La principale raison qui explique le déploiement des postes d'identification dans les années 2000 est surtout politique. En effet, les stratégies variées ont été mises sur pied pour permettre à tous ceux qui n'ont pas de carte d'identité d'en posséder puisque, sans carte d'identité personne n'est autorisé à s'inscrire sur une liste électorale. C'est dans cette optique que le président de la République a pris une série de mesures visant à permettre aux citoyens de disposer d'une carte d'identité. En fait, l'ONEL (Office National des Élections) avait proposé au gouvernement le maintien de la validité de la carte nationale d'identité en carton pour les inscriptions lors des élections législatives et municipales de 2002. Répondant à cette proposition, par décret n°2002/023 du 23/01/2002 le président de la République décida de proroger la validité de la carte d'identité en carton jusqu'au 31 décembre 2003. Par un autre décret, il prorogea à

    99

    nouveau ledit délai13. L'objectif une fois de plus, était de permettre à un maximum de citoyens camerounais d'avoir une carte nationale d'identité et de s'inscrire sur les listes afin d'exercer, le moment venu, leur droit de vote. Ainsi, des mesures allégeant les formalités en matière d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité informatisée sont entreprises par le chef de l'État. Par décret, il ordonna la réduction de moitié les frais d'obtention de la carte, la faisant passer désormais de 5000f à 2500f14. Avant de la rendre totalement gratuite, chaque citoyen concerné par un problème d'identification ne devait dépenser que la somme de 2800 FCFA au total, à raison de 1800 FCFA pour la photo d'identité et 1000 FCFA pour la taxe spéciale d'identification. Toute exigence financière allant au-delà de cette somme est donc réputée illicite et de ce fait, interdite. Elle devra par conséquent, le cas échéant, être portée à la connaissance du délégué général à la sûreté nationale. De la même façon, aucun paiement ne saurait être exigé lors du retrait de la carte nationale d'identité15.

    Bien plus, du 03 janvier au 30 avril 2011, le Président de la République rend l'établissement des cartes nationales d'identité gratuite, afin de pallier leur coût élevé et encourager dans la foulée les inscriptions sur les listes électorales. Ces mesures qui

    furent valables jusqu'au 19/05/2011, portaient sur les points suivants :
    - l'exemption des frais de timbre lors de la signature par les autorités administratives des pièces d'état-civil exigées pour la constitution des demandes d'identification en vue de la délivrance desdites cartes;

    - l'exemption du droit de timbre et de la redevance du greffe lors des demandes et de la délivrance des certificats de nationalité, en vue de l'établissement des cartes ;

    - la gratuité des imprimés de demandes et de certificats de nationalité auprès des Tribunaux de Première Instance territorialement compétents ;

    -la mise en place et le déploiement physique des équipes mobiles d'identification, notamment en milieu rural au bénéfice des populations éloignées des postes fixes d'identification ;

    - le renforcement des équipes de travail dans les centres d'identification et les centres de production et d'authentification ;

    -la dotation des équipes mobiles d'identification en matériel roulant conséquent ;

    13Cameroon Tribune n° 8918/5117, du 23 Aout 2004, p. 10.

    14 Ibid.

    15 Déclaration du ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakary, lors du point de presse donné à Yaoundé le 10 janvier 2011.

    100

    - le renforcement des centres d'identification et de production en fournitures et matériel photographique et en consommables divers ;

    - la mobilisation des ressources nécessaires à la facilitation de l'ensemble de ces opérations.

    Les mesures qui viennent d'être énoncées visaient à accroître l'efficacité du système d'identification déjà existant sur l'ensemble du territoire national, dont le maître d'oeuvre est le délégué général à la sûreté nationale en étroite complémentarité d'action avec le Ministère de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation et le Ministère de la Justice.

    D'une manière générale, la stratégie d'identification des populations camerounaises comporte deux (02) volets opérationnels :

    -l'identification spontanée qui se fait dans les trois cent cinquante (350) postes fixes ouverts dans les zones de grandes agglomérations disséminées sur l'ensemble du territoire national ;

    -l'identification de proximité par le déplacement des équipes mobiles d'identification, en direction des populations situées en zones reculées et d'accès souvent difficile. Dans le contexte des mesures prescrites par le Chef de l'État, les postes d'identification fixes ont connu une amélioration de leur fonctionnement avec d'avantage de professionnalisme, de célérité, de rigueur et de courtoisie. Ces postes d'identification restaient donc ouverts au public, de lundi à vendredi, de 7h30 à 17h30 et le samedi de 7h30 à 12h30.

    S'agissant des équipes mobiles d'identification, leur mise en mouvement fut assurée par le délégué général à la sûreté nationale et s'effectua à la demande des autorités administratives, des élites locales et des responsables des partis politiques. La particularité de ces équipes tenait pour l'essentiel à la rapidité du travail effectué et au raccourcissement des délais entre la collecte des demandes et la mise à disposition des cartes sur le lieu initial d'identification. Afin d'atteindre le plein objectif visé par ce moyen d'identification, il était recommandé aux postes d'identification de faire en sorte que les dossiers à instruire soient accompagnés des précisions relatives aux points physiques des rencontres d'identification, au nombre des personnes à identifier par

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    session d'identification ainsi qu'à la mise à jour préalable de leurs demandes respectives.

    Au total, les mesures prescrites par le Chef de l'État permettent de réduire de près de 50% la dépense effectuée par tout citoyen en période normale, pour l'établissement d'une carte nationale d'identité. Ainsi, Issa Tchiroma Bakary16 justifie la mesure du président de la République en ces termes :

    La mesure prise par le Président de la République, afin de faciliter à titre exceptionnel l'établissement et la délivrance des cartes nationales d'identité aux citoyens Camerounais en âge de voter, notamment de par l'incidence de près de trois (03) milliards de FCFA qu'elle crée sur le budget de l'État, indique donc, s'il en était encore besoin, la ferme détermination du Chef de l'État à tout mettre en oeuvre, pour assurer une participation optimale des Camerounais aux prochaines échéance électorales.

    S'inscrivant dans la dynamique entreprise par le chef de l'État, outre la création des équipes mobiles d'identification dans les zones rurales, le délégué général à la sûreté nationale entreprit des mesures pour accompagner la décision du chef de l'État. C'est ainsi que l'on a observé dans l'Adamaoua, les actions des services d'identification suivantes :

    - Le déploiement des équipes mobiles d'identification chargées chacune de couvrir au moins un département du territoire de l'Adamaoua.

    - L'identification de proximité par la mise en mouvement des groupes mobiles d'identification gravitant autour des centres d'identification pour se rapprocher le plus possible des demandeurs de cartes nationales d'identité.

    - L'amélioration du fonctionnement des postes d'identification fixes existants, disséminés sur l'ensemble du territoire régional pour un rendement qualitatif et efficient.

    - Le renforcement des équipes de travail dans les postes d'identification.

    - L'intensification de la distribution de proximité des cartes nationales d'identité en souffrance.

    16 Déclaration du ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakary, lors du pont de presse donné à Yaoundé le 10 janvier 2011.

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    Dans tous les cas, les mesures liées à la carte nationale n'ont pas parfois suffi car, il s'est souvent posé le problème du défaut d'actes de naissance suscitant dans la foulée la prise de certaines dispositions. C'est ce qui a motivé l'établissement des actes de naissance à ceux qui n'en n'avaient pas. Ainsi, la mesure présidentielle du 31 décembre 2012, instaurant la gratuité de la carte nationale d'identité au Cameroun, a mis à nu la difficulté des habitants de Belel, Ngaoui, Danfili, Sambolambo etc. Faute de poste d'identification, les habitants de ces localités se sont rués vers les villes proches pour obtenir leurs pièces d'identité.

    Photo 19: les citoyens venus se faire identifier à l'hôtel de ville de la communauté urbaine de Ngaoundéré pendant la campagne d'identification.

    (c) : Ndjobdi Pierre, juillet 2014.

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    3-Le démarchage dans le processus d'identification.

    Au cours des quatre premières décennies de l'institution de la carte nationale d'identité au Cameroun, la pratique du démarchage dans le processus d'identification n'était pas réellement perceptible. Une lecture historique de la pratique d'identification dans la Région de l'Adamaoua révèle que le démarchage dans le processus d'identification s'est accentué à partir des années 2000. En fait, l'avènement de la carte nationale d'identité informatisée à la fin des années 1990, suscita la curiosité des citoyens de la Région de l'Adamaoua et par conséquent augmenta les demandes de cartes nationales d'identité. En effet, contrairement aux années précédentes, l'on constate une forte demande de la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua. Désormais devant certains postes d'identification de la Région l'on observe de nombreux citoyens en quête de leur identité officielle. Souvent en rang ou encore assis dans les salles d'entente du service d'identification, ces citoyens attendent avec impatience leur tour. Cependant, certains citoyens, pour éviter des longues attentes font recours aux démarcheurs.

    De ce qui précède, il est important de noter que l'affluence dans les postes d'identification a permis le développement du démarchage dans le processus d'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. Toutefois, il faut noter que cette pratique n'est pas officiellement reconnue par le gouvernement camerounais, mais les écarts constatés entre normes et comportements de certains personnels d'identification semblent relever de la mauvaise application des conditions d'établissement de la carte nationale d'identité. En fait, pour monsieur Ndjobdi Pierre, un démarcheur est « cet individu qui s'est autoproclamé personnel d'identification et qui assure l'intermédiation entre le poste d'identification et le demandeur de la carte d'identité surtout dans le but de tirer un profit du service rendu»17.

    C'est précisément en 2002, année qui correspond à la toute premières opération foraine d'établissement des cartes nationales d'identité informatisée que le phénomène de démarchage s'amplifie dans la Région de l'Adamaoua. En effet, il faut répartir aux actions des élites politiques de l'Adamaoua qui, à la veille des échéances électorales, conduisaient certains citoyens aux postes d'identification, pour mieux comprendre la

    17 Entretien avec Ndjobdi Pierre, personnel d'identification, Ngaoundéré, 15 septembre 2014.

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    pratique du démarchage qui fait le quotidien de certains postes d'identification de l'Adamaoua. Certains proches des personnels d'identification, ou ceux qui ont noués des relations avec ceux-ci sont devenues au lendemain des années 2000, des acteurs de l'identification qui, il faut le souligner, ne sont pas reconnus par l'État. Ces derniers semblent être incontournables pour certains citoyens dans le processus d'identification. Pour se faire établir leur carte nationales d'identité, certains citoyens font recours à ces démarcheurs qui, font authentifier à leur place, leur acte de naissance, leur certificat de nationalité et les conduisent dans le poste d'identification18.

    Cette pratique semble être récurent chez les Peul. Monsieur Bétara remarquait que la plupart des Peul qui viennent se faire établir leur carte nationale d'identité, se font accompagnés par un démarcheur.19Les raisons d'une telle intermédiation avancées par quelques citoyens rencontrés résident, selon eux, au fait que les démarcheurs connaissent le « Ngomna »20 et maitrisent mieux qu'eux la procédure d'établissement de carte nationale d'identité.

    Dès lors, cette intermédiation dans le processus d'identification semble être une norme dans la conscience de certains individus. Le démarchage a amplifié certaines pratiques qui existaient déjà dans les services d'identification. Ainsi, l'on note la surenchère du tarif d'identification, la corruption et le népotisme dans certains services d'identification de la Région de l'Adamaoua. Monsieur Hamadou Malloum témoignait que la première fois qu'il voulait se fait établir sa carte nationale d'identité informatisée en 2001, le démarcheur lui avait demandé la somme de 30.000 f21. Les démarcheurs profitent également des périodes d'affluence dans les postes pour encaisser frauduleusement de l'argent. Toutefois, des mesures drastiques ne sont pas, jusqu'ici, prises à l'encontre des démarcheurs, qui constitues une entrave à l'identification.

    18 Entretien avec Nanawa Sylvain, personnel d'identification, Tibati, 08 juin 2014.

    19 Entretien avec Bétara Narma Paul, personnel d'identification, Meiganga, 03 août 2014.

    20 Terme utilisé en Fufuldé pour désigner l'administration.

    21 Entretien avec Hamadou Malloum, marabout, Meiganga, 26 mai 2014.

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    Iii-Les réactions des populations À l'Égard de la question
    d'identification.

    Au cours de l'histoire, l'autorité politique imposa fréquemment aux gens ordinaires l'exigence de laissez-passer, de documents d'identité ou d'autorisation de circuler. De même, les esclaves américains avaient besoin d'un passeport intérieur pour circuler. La majorité des pays africains après l'indépendance en se dotant du système d'identification basé sur la carte d'identité, ont imposé la possession de ces pièces de la vie civile à leurs citoyens. Ainsi, le Cameroun n'est pas en marge de cette pratique. La finalité de cette partie est d'analyser les comportements des populations de l'Adamaoua vis-à-vis de la question de la carte nationale d'identité. De manière concrète, il s'agira d'examiner les formes de résistance des populations, les raisons d'une ruée dans les postes d'identification à un moment précis et enfin il sera question d'analyser les mobiles de l'abandon des cartes nationales d'identité dans les postes d'identification de l'Adamaoua.

    1. Une passivité des populations à l'égard de la carte nationale d'identité.

    En Afrique en général, la question d'identification n'est pas universellement perçue comme un droit fondamental. De ce fait, il ne lui est accordé qu'une infime priorité. Au Cameroun et dans l'Adamaoua particulièrement, la possession de la carte nationale d'identité n'est pas considérée comme une priorité par certains citoyens. Un tel comportement est justifié par l'ignorance et la méconnaissance des droits relatifs à l'établissement des cartes nationales d'identité et l'ignorance même de ce document d'identité comme pièce officielle. C'est dans cette optique que Jean Marie Adiaffi met en exergue dans son oeuvre un dialogue entre un agent de la force de l'ordre le personnage Malédouman en ces termes :

    -« Ta carte d'identité ! Ta carte d'identité ! »

    -« Qu'est-ce que cette histoire de carte d'identité ? Regardez-moi bien. Sur cette joue, cette marque que vous voyez, c'est ma carte d'identité » « ...carte d'identité, quel drôle de mot ! (...) Cela ne veut rien dire (...). Seul le sang, la famille identifient réellement. Seule l'histoire identifie réellement. Seul le temps identifie réellement ».22

    22J.M.Adiaffi, 1980, La carte d'identité, Paris-Abidjan-CEDA, coll. Monde Noir Poche, p. 28 et 29.

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    Ce dialogue traduit combien de fois la carte d'identité est étrangère pour l'Africain qui ne trouve dans ce document aucune importance. En effet, dans les zones rurales de l'Adamaoua, l'établissement des cartes nationales d'identité n'est pas considéré comme important par les citoyens qui sont préoccupés dans leur survie au jour le jour. La valeur de la carte nationale d'identité est négligée face à des problèmes plus immédiats et plus tangibles, en oubliant son potentiel.

    Le problème majeur qui se pose ici, est l'absence de rapports entre le citoyen et les services d'identification. Dès l'institution de la carte nationale d'identité, le gouvernement camerounais a manqué à mission qui est celle d'informer et de sensibiliser la population. Il se trouve donc que certains citoyens dans l'Adamaoua, face à cette situation, ne pouvaient que manifester une réticence vis-à-vis de la carte nationale d'identité. Ainsi, à cause des affres de la colonisation européenne l'on note tout de même un climat de méfiance des populations au cours des années 1960 à l'égard de toute entreprise de l'État. En fait, il est important de noter que la notion d'identification, qui a été introduite par l'autorité coloniale était en général mal perçue. Les populations y voyaient une pratique étrangère qu'on leur imposait et non un service dont il bénéficiait. L'on pouvait souligner à cette époque la méfiance des populations à l'égard de tout fichage, en raison de son usage pour l'établissement de l'assiette de l'impôt et des listes des imposables. Cette image a perduré chez certains citoyens de l'Adamaoua qui, pendant les années 1960, percevaient en la carte nationale d'identité une pratique étrangère destinée à les asservir. Il ressort donc que, l'une des raisons qui explique par ailleurs, la réticence ou la passivité des populations de l'Adamaoua est le manque de sensibilisation des citoyens au sujet du bien-fondé de la carte nationale d'identité.

    Par ailleurs, l'identification dans l'Adamaoua est ignorée en tant qu'institution. En dehors d'une franche infime d'intellectuels ou de professionnels de l'identification, certains citoyens des zones rurales de l'Adamaoua n'ont pas la moindre idée du sens ou du bien-fondé de la carte nationale d'identité. Ils perçoivent mieux l'identification comme quelques formalités bureaucratiques que l'on doit remplir dans certaines circonstances de la vie, sans trop de question. L.Tart et M. Francois, analysant l'état-civil en Afrique, justifient cette ignorance en ces termes :

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    En Afrique..., une telle méconnaissance ne peut être que la règle, dans la mesure où la notion d'État moderne représente plus une superstructure ajoutée comme « pièce rapportée » à la vie courante, qu'un élément intégré à celle-ci. On pourrait donc dire que, dans les mentalités, l'état-civil n'existe simplement pas : il y a juste là une émanation de l'Administration, des « gens des bureaux » (Ngomna), qui impose quelques contraintes dans une série de circonstances en rapport avec les exigences de la modernité, mais ce n'est nullement porteur de sens propre23.

    De ce qui précède, il ressort que les législations qui ont été conçues pour l'identification ont été transposées dans un contexte où elles n'avaient pas vocation à s'appliquer. Toutefois, les législateurs de la carte nationale d'identité du Cameroun n'ont pas tenu compte de la culture et des réalités quotidiennes des communautés locales. Ces textes sont donc entrés par effraction chez les populations du Cameroun et de l'Adamaoua en particulier.

    De même, il faut souligner la légèreté des autorités administratives dans l'Adamaoua au cours des années 1970 en ce qui concerne la gestion de la question d'identification des citoyens. En outre, la loi n° 64 du 13 septembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité combinée à l'article 59 du décret de la gendarmerie instituant le contrôle d'identité n'a pas été scrupuleusement appliquée. Dans l'Adamaoua, à cette époque, les citoyens se déplaçaient d'une localité à une autre sans en permanence présenter leur carte nationale d'identité à un agent de la force de l'ordre. Ainsi, Madame Diza Inès témoigne en ces termes :

    Au cours des années 1970, il n'existait presque pas de contrôle rigoureux de pièce d'identité dans les postes de contrôle routier. Les femmes n'étaient même pas interpellées pour une question de carte nationale d'identité. C'est souvent les femmes mariées aux « hommes en tenue » et celles qui occupaient des postes de responsabilité qui généralement, détenaient la carte nationale d'identité24.

    Dès lors, il faut dire que la passivité des populations de l'Adamaoua vis-à-vis de la question de la carte nationale d'identité réside surtout dans la méconnaissance du bien-fondé de cette pièce de la vie civile. Cette passiveté résulte également du manque de sensibilisation de la population par l'administration. La carte nationale d'identité

    23L.Tart et M. François, 1999, État-civil et recensement en Afrique francophone pour une collecte administrative de données démographiques, Paris, Les documents et manuels du CEPED n°10, p.196. 24 Entretien avec Diza Inès, ménagère, Ngaoundéré, 12 aout 2014.

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    avait été instituée sans aucune campagne de sensibilisation de la population camerounaise. Cependant, l'ouverture démocratique au Cameroun notamment les différentes échéances électorales fut à l'origine de la ruée des populations dans les postes d'identification. Aussi, pour atteindre sa mission d'identification des citoyens, l'État camerounais a pris des mesures coercitives envers les citoyens, en instituant des contrôles systématiques d'identité.

    2. La ruée des citoyens dans les postes d'identification à partir des années 1990.

    Les mobiles qui justifient la ruée des citoyens dans les postes d'identification de l'Adamaoua sont une conjugaison de plusieurs faits. En fait, depuis l'institution de la carte nationale d'identité, des mesures coercitives n'étaient pas aussi prises par l'État à l'endroit des citoyens réticents et/ou récidivistes. Il fallut attendre les années 1990, caractérisés par l'ouverture démocratique et la montée fulgurante de l'insécurité dans cette Région frontalière avec la République Centrafricaine, le Tchad et le Nigeria pour assister aux contrôles systématiques des documents. Cette mesure a amené plusieurs citoyens à prendre d'assaut les postes d'identification repartis dans la Région.

    La montée de l'insécurité dans l'Adamaoua est caractérisée par l'émergence du gangstérisme urbain et rural et la grande criminalité. Face à cette situation l'autorité mit en place la politique « du tout répressif »25. Dans le but de reconstruire l'ordre public, la sécurité et la stabilité dans cette Région, le contrôle d'identité dans les centres urbains et même les frontières de l'Adamaoua fut résolument la méthode employée par l'État pour mettre hors d'état de nuire les acteurs de l'insécurité et amener les citoyens qui ne disposaient pas de carte nationale d'identité à s'en procurer. En effet, le contrôle d'identité est une opération de police visant à établir l'identité de la personne contrôlée. Le droit distingue le contrôle d'identité de police judiciaire, qui s'effectue dans le contexte d'une infraction, et le contrôle d'identité de police administrative, qui peut avoir pour objectif de prévenir des infractions, et non simplement de les réprimer. Les contrôles ne peuvent se faire sur le seul fondement de l'apparence extérieure, ni non plus sur le seul fait de parler une langue étrangère26. Dès lors, des patrouilles mixtes et les opérations de rafle ont été organisées dans tout l'Adamaoua. L'une des principales

    25Nteanjignigni Yaya, 2011, « L'impératif sécuritaire dans l'Adamaoua (Cameroun) : 1990-2010 », mémoire de master recherches en Histoire, université de Ngaoundéré. p. 77.

    26 Entretien avec Henri Sanama, Commissaire de Police Principal, Meiganga, 28 mai 2014.

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    missions est de contrôler autant d'identité des personnes dans la Région. Contrairement aux périodes 1960 ; 1970 et 1980 où il y avait quelques contrôles sporadiques d'identité au niveau des postes de contrôle de gendarmerie, de police et au niveau des frontières de l'Adamaoua, il eut cette fois-ci de la rigueur dans les postes de contrôle de l`Adamaoua et des multiples descentes des agents de la force de l'ordre dans les zones rurales. Madame Amina Clémentine rapporte que :

    Les militaires de Ngaoundal, de Ngaoundéré et les gendarmes de Tibati descendaient à Mbakaou. Les villageois étaient surpris à partir de 4 heures du matin, ceci pour que personne n'échappe au contrôle des cartes nationales d'identité. Ceux qui ne disposaient pas de carte nationale d'identité, étaient immédiatement conduits à Tibati située à 40 Km où ils iront s'expliquer devant un commissaire ou un commandant de brigade et ne regagneront le village que s'ils se sont fait établir leurs cartes d'identité27.

    De ce qui précède, il est à noter que la répression de la force de l'ordre est la base même de la ruée des citoyens dans les postes d'identifications. Il était dont difficile que les récidivistes et les malfrats passent entre les mailles du filet de la police. La seule issue fut donc d'aller dans les postes d'identification se faire établir leur carte nationale d'identité pour éviter toute tracasserie de la police dans les centres urbains et lors des déplacements d'une localité à une autre. Ainsi, comme les postes d'identification étaient insuffisants au début des années 1990, ce fut donc la bousculade au niveau de quelques postes.

    Par ailleurs, l'avènement de la carte nationale informatisée en 1998, a augmenté les demandes des cartes nationales d'identité dans la région de l'Adamaoua. En plus de la répression policière dont sont victimes les citoyens, la nouvelle carte nationale d'identité en format teslin 28 a suscité la curiosité des citoyens de l'Adamaoua. Toutefois, de nombreux citoyens se sont dirigés dans les postes d'identification soit pour remplacer l'ancienne carte en format carton (pour ceux qui s'étaient déjà fait identifier), soit pour une première demande (pour ceux qui avaient atteint l'âge requis pour avoir une carte nationale d'identité)29. Bien qu'elle soit chère au début pour les citoyens camerounais moyens, plusieurs citoyens de la région de l'Adamaoua surtout

    27 Entretien avec Amina Clémentine, Tibati, 06 juin 2014.

    28 Voir le décret n° 2007/254 du 4 septembre définissant les caractéristiques et les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité.

    29 Entretien avec Baino Pagoah, chef de poste d'identification de Banyo, Banyo, 14 juin 2014.

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    les Mbororo qui sont généralement installés dans les zones rurales ont mis les moyens en jeu pour se faire établir leurs cartes nationales d'identité informatisée. En masse et surtout accompagnés des démarcheurs, ceux-ci ne désemplissaient pas les postes d'identification30.

    Cependant, le monisme ne pouvant expliquer un fait en histoire, la répression de la force de l'ordre et l'avènement de la nouvelle carte nationale d'identité ne sont pas les seules causes de la ruée des populations dans les postes d'identification de l'Adamaoua. Il faut également prendre en compte les raisons politiques. En fait, le citoyen est celui qui bénéficie des droits politiques31. Par le biais du vote il désigne des personnes à qui il confie les différents pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). L'État camerounais et les Camerounais en cela ne dérogent donc pas à la règle. La citoyenneté étant un vecteur d'identité nationale. Les citoyens souhaitant s'inscrire sur les listes électorales doivent accomplir un certain nombre d'actes car si le droit de s'inscrire est reconnu aux citoyens en âge de voter (20 ans)32, il n'a de sens que si d'autres formalités sont remplies. Dans le cas contraire, le citoyen (n'ayant pas accompli ces autres formalités) n'a pas droit à l'inscription sur les listes électorales. C'est ainsi que le citoyen n'a pas droit à l'inscription s'il ne possède pas de carte nationale d'identité. La possession de la carte nationale d'identité est cruciale dans l'inscription sur les listes et c'est justement pour cette raison que ceux qui ne l'ont pas ne sont pas autorisés à s'inscrire.

    Cependant, la carte nationale d'identité en cours de validité, constitue le document de base permettant de faire inscrire un citoyen sur les listes électorales. Monsieur Ndjobdi, rapport que :

    En 2004, à cause de l'échéance électorale, le poste d'identification de la délégation régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua (AD 01) et celui du commissariat central de Ngaoundéré (AD 05) ne désemplissaient pas des demandeurs de carte nationale d'identité. Il a fallu renforcer l'équipe d'identification pour mener à bout l'identification en cette période. Par jour le poste d'identification AD 01 à lui seul, produisait en moyenne 350 à 400 demandes de cartes nationales d'identité.33

    30 Entretien avec Mohamadou Salissou, chef de poste d'identification de Tibati, Tibati, 06 juin 2014. 31D.Schnapper, 2000, Qu'est-ce que la citoyenneté, Paris, Gallimard, p. 105.

    32 Lire l'article 11 du code électoral Camerounais.

    33 Entretien avec Ndjobdi Pierre, Personnel d'identification, Ngaoundéré, 03 septembre 2014.

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    La gratuité de l'établissement des cartes nationales d'identité et l'action des hommes politiques de l'Adamaoua expliquent également la ruée des citoyens dans les postes d'identification. Pendant les campagnes d'identification gratuite de 2002, 2004, 2011 et 2013, la sensibilisation mené par les élus locaux de l'Adamaoua a permis aux citoyens des zones périphériques et même aux femmes du Saaré34de se rendre dans les postes d'identification. L'exemption des frais d'identification par le président de la République à la veille des échéances électorales a permis aux citoyens démunis de se rendre en masse dans les centres d'établissement des cartes nationales d'identité. Au-delà de ces raisons, La dimension économique explique aussi la ruée de la population dans les postes d'identification.

    À partir des années 2000, les entreprises bancaires de transfert d'argent en occurrence EXPRESS UNION, EXPRESS EXCHANGE, MONEYGRAM etc. s'installèrent dans la région de l'Adamaoua. Sans publicité, avec l'évolution de la technologie de l'information, ces entreprises permettent en même temps de transférer et recevoir, en toute discrétion, de l'argent à l'intérieur et à l'extérieur du Cameroun. C'est en effet, une manière de déjouer les braqueurs et les coupeurs de route qui jadis avaient l'habitude d'opérer dans les centres urbains et sur les voies publiques. Ainsi, pour bénéficier de leurs services, il faut au préalable posséder une carte d'identité en cours de validité. Vu cette exigence, les citoyens qui ne possédaient pas de carte nationale d'identité ne pouvaient que se rendre dans les postes d'identification pour se faire identifier. Mvuti Pauline explique en ces termes :

    Pour bénéficier de nos services tout usager doit posséder une carte d'identité permettant de l'identifier. Ce document nous permet de connaître le bénéficiaire, sans confusion avec une autre personne et le destinataire. Nous n'acceptons pas par conséquent les cartes d'identité arrivées à expiration dans nos services ceci pour prévenir les fraudes35.

    Dès lors, le délégué régional de la sûreté nationale de l'Adamaoua fait un bilan de l'identification. Selon ce responsable de l'identification dans l'Adamaoua, les statistiques sont impressionnantes : « Au niveau des postes fixes, la région de

    34 Les femmes cloitrées

    35 Entretien avec Mvuti Pauline, agent EXPRESS UNION de Ngaoundéré, Ngaoundéré, 28 septembre 2014.

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    l'Adamaoua a établi 87 517 cartes. Au niveau des postes mobiles, ils ont établi 26 166 cartes. Ce qui donne un total de 113 683 cartes nationales d'identité établies gratuitement dans la région de l'Adamaoua entre avril et juin 2013 »36.

    3. Abandon des cartes nationales d'identité dans les postes d'identification.

    Après la ruée des citoyens dans les postes d'identification de l'Adamaoua dans le but d'obtenir une carte nationale d'identité, de nombreux citoyens finissent par abandonner leur carte nationale d'identité dans lesdits postes. Il existe, dans les postes d'identification de l'Adamaoua, des milliers de cartes nationales d'identité en souffrance. Dans les commissariats de police, ces pièces officielles encombrent l'espace. Les armoires de rangement sont surchargées. Les cartes s'empilent dans certains commissariats. Certaines cartes nationales d'identité sont de retour dans les postes d'identification depuis 2002. Évidemment, elles ont eu le temps d'atteindre la date d'expiration de leur validité.

    Dès lors, l'on pose la question de savoir : où vivent les potentiels propriétaires? Les citoyens camerounais de cette Région brillent de plus en plus par un penchant à négliger même ce qui est important. Les prétextes se multiplient donc pour esquiver la carte nationale d'identité. Sauf lorsque, pour une transaction financière, pour tracasserie policière ou pour la présentation d'un concours, ils se trouvent contraints de venir auprès des postes d'identification les ayant reçus pour enfin entrer en possession de leur carte. A la faveur d'une vérification des pièces personnelles, il se trouve toujours un passager qui perd l'usage de sa langue devant l'insistance de l'agent de police ou d'un gendarme qui veut l'identifier. Le plus souvent, ce sont les quolibets des autres occupants du véhicule contre les agents publics qui mettent un terme à la confrontation. Le voyage se termine dans certains cas au poste de police. Parfois, on donne des conseils et la randonnée peut reprendre. Tout se passe en tout cas comme si certains citoyens avaient horreur d'être en règle. A un moment, lorsque la sécurisation de ce document a opéré le passage du simple carton à la version informatisée, des voix se sont élevées pour pointer du doigt, le coût élevé de la carte nationale d'identité. La version miniaturisé a ensuite été introduite, sans forcément que les mauvaises habitudes

    36 Entretien avec Seke Colomban, délégué régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua, Ngaoundéré, 30 septembre 2014.

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    changent.

    Puis, il y a eu les années électorales. Les politiques ont pu demander et obtenir de la plus haute autorité du pays, la gratuité de la carte nationale d'identité. Le chef de l'État a accédé à cette demande malgré le fait que cela ait coûté au trésor public. Les populations de l'Adamaoua ont envahi, des journées entières, les postes d'identification. Le responsable régional de la police avait demandé du renfort en ressources humaines à sa hiérarchie, les récépissés ont été délivrés. Mais après cet emballement, très peu de citoyens sont repassés vers les postes d'identification pour retirer gratuitement ces pièces d'identité.

    En 2012, les députés ont interpellé le vice-Premier ministre, en charge des Relations avec les Assemblées. La gratuité de la carte nationale d'identité est revenue comme doléance. En réponse, le vice-premier a fait allusion à des centaines de milliers de cartes abandonnées à travers le pays qu'il fallait d'abord retirer, mais Amadou Ali a promis de transmettre la doléance des élus du peuple à qui de droit37.

    En dehors de l'Assemblée Nationale, certains partis politiques qui font l'expérience de la biométrie, ont souhaité que le chef de l'État accorde encore la gratuité de la carte nationale d'identité aux populations en 2012. Une fois de plus, le Président de la République a accédé à cette demande, en incitant cependant ses compatriotes à aller massivement s'inscrire sur les listes électorales.

    Pour l'heure, même les autorités locales de l'Adamaoua ne peuvent expliquer les véritables raisons de cet abandon affiché par certains individus au bénéfice desquels le chef de l'État a accordé l'obtention gratuite de la carte nationale d'identité. Après investigation auprès de quelques citoyens et personnels d'identification de l'Adamaoua, il ressort que l'abandon des cartes nationales d'identité dans cette région est dû à l'ignorance d'une part et d'autre part à la mobilité des demandeurs.

    En effet, nombreux sont ceux-là qui abandonnent leur carte nationale d'identité dans les postes d'identification par ignorance. D'aucuns, après établissement de la

    37 Informations relayées par le site www. Camer.be.cm,consulté le 28 septembre 2014.

    114

    demande, oublient qu'il faut revenir au poste d'identification après un délai de quatre à cinq mois (qui correspond au traitement de la demande et à la date de validité du récépissé) entrer en possession de leur carte. Ceci tout simplement parce que l'agent identificateur n'a pas pris la peine d'expliquer au demandeur la procédure de délivrance de ladite pièce. Toutefois, le citoyen demandeur n'a aucune idée du lieu d'acheminement de sa demande et du délai de retour de sa carte d'identité.

    D'autres citoyens abandonnent leur carte nationale d'identité par négligence. Le patriotisme peut se jauger à ce niveau. Certains jeunes qui se lancent dans la vie active n'ont plus selon eux, le temps à accorder à autre chose que leur activité.

    Les épouses cloitrées abandonnent leur carte nationale d'identité dans les postes d'identification, attendant que leur époux ou leurs démarcheurs qui les avaient accompagnées se faire identifier, aillent eux-mêmes les retirer. Cette ignorance qui inclut la négligence et même la sous-scolarisation met en évidence la lassitude des citoyens camerounais et de l'Adamaoua en particulier.

    Dans le même sillage de l'abandon des cartes nationales d'identité dans les postes d'identification de l'Adamaoua, il faut également considérer comme cause la mobilité des demandeurs. En fait, la plupart des cartes nationales d'identité en souffrance dans les postes d'identification de l'Adamaoua appartiennent aux Mbororo, nomades par excellence. Du fait de la transhumance pour leurs bétails auquel ils accordent plus d'importance qu'à autre chose, les Mbororo, après avoir reçu le récépissé de demande, ne reviennent pas toujours retirer leur carte nationale d'identité. Ils se contentent juste du récépissé, qui n'a qu'une durée de validité de trois mois, comme pièce à conviction sans laquelle ils auront des ennuis avec les agents de la police38. En outre, ils préfèrent refaire une autre demande de carte une fois arrivé dans la localité d'accueil abandonnant ainsi, la première carte de retour dans le poste d'identification qui les avaient reçus.

    Par ailleurs, certains citoyens se trouvent contraints d'abandonner leur carte nationale d'identité dans les postes d'identification pour des raisons professionnelles. Certains fonctionnaires affectés dans une Région ou une ville autre que celle où les

    38 Entretien avec Adamou Djaodji, berger, Tignere, 13 août 2014.

    115

    demandes de leurs cartes nationales d'identité avaient été établies, se voient obligés de les abandonner. Les élèves et les étudiants également délaissent leurs cartes nationales d'identité dans les postes d'identification parce qu'ils doivent aller continuer les études ailleurs. Parfois ces derniers se contentent soit du récépissé, soit de la carte scolaire ou la carte d'étudiant pour des voyages et des opérations bancaires.

    Outre la raison de la mobilité des citoyens, certains demandeurs abandonnent leur carte du fait que les personnels d'identification les renvoient à chaque fois qu'ils se pointent au poste d'identification, ceci pour la simple raison que leurs cartes nationales d'identité ne sont pas encore délivrées et que la décision de la délivrance de cette carte ne dépend pas d'eux mais du service central de traitement de demandes basé à Yaoundé39. Ces derniers se lassent et ne reviennent que lorsqu'ils sont bousculés par la police ou lorsqu'il y a un impératif administratif ou économique.

    Compte tenu de l'augmentation des cartes dans les bureaux et de l'étroitesse de l'espace destiné à contenir toutes les cartes, c'est dans les postes d'ELECAM, établis à quelques encablures de ces services, que les autorités du commissariat ont choisi de déverser ces documents. Cette alternative préconisée par les responsables de la police aurait pour objectif voilé de permettre aux individus de s'inscrire sur les listes électorales lors du retrait de leurs pièces d'identité40.

    Cette situation d'abandon des cartes d'identité aux postes d'identification inquiète non seulement les responsables d'ELECAM mais aussi les partis politiques. L'engouement affiché au départ par la population a été considérablement réduit. Les raisons invoquées pour justifier cet état de choses seraient la longue file d'attente. « Il faut passer 2 à 3 jours et, avec nos occupations, il est impossible d'aller passer des semaines aux postes d'identification », argue Jonathan Djock41, commerçant au centre commercial de Ngaoundéré. La ville de Ngaoundéré regorge près de 70 000 cartes nationales d'identité en souffrance dans les postes d'identification42.

    39 Entretien avec Bétara Narma Paul, Personnel d'identification du poste d'identification de la ville de Meiganga, Meiganga, 03 aout 2014.

    40 Entretien avec Dadjé Jacques, responsable d'ELECAM, Tibati, 04 juin 2014.

    41 Entretien avec Jonathan Djock, Ngaoundéré, 08 septembre 2014.

    42Information relayée par le site www. Camer.be.cm, consulté le 28 septembre 2014.

    116

    Photo 20: service de retrait des cartes du poste d'identification de la ville de Meiganga (AD 07)

    (c) : Bétara Narma Paul, juillet 2014.

    En mai 2014, le poste d'identification de Meiganga avait 4223 cartes nationales d'identité en souffrance. Le chef de poste a trouvé comme stratégie de faire des communiqués-radio pour sensibiliser les potentiels titulaires de venir retirer leurs cartes. Cette politique a porté plus ou moins de fruits, car la plupart des titulaires de ces cartes ne sont plus dans la ville de Meiganga ou encore d'autres ne vivent plus. En septembre 2014, nous avons comptabilisé 3015 cartes nationales d'identité dans ce poste.

    117

    Photo 21: Distribution des cartes nationale d'identité aux titulaires au poste d'identification de Ngaoundéré (AD01).

    (c) :Ndjobdi Pierre, mai 2013.

    Vu le nombre des cartes nationales d'identité dans les postes d'identification de la ville de Ngaoundéré et l'approche des échéances électorales (municipales et législatives) de 2013, les autorités administratives et politiques entreprirent de distribuer le maximum possible des cartes aux potentiels titulaires. Ainsi, pour ce faire, le personnel d'identification fut renforcé avec le recrutement des agents chargés de la distribution. Certaines cartes furent délocalisées pour les postes d'ELECAM. Ceci concourt à la politique des inscriptions sur les listes électorales. L'usager qui vient retirer sa carte nationale d'identité se fait immédiatement inscrire sur place.

    118

    Photo 22: cartes nationales d'identité en souffrance dans le poste d'identification de Banyo (AD 04)

    (c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.

    3425 cartes d'identités sont abandonnées dans ce poste d'identification en juin 2014. Il y a 420 cartes nationales d'identité expirées et 3005 cartes nationales d'identité en cours de validité. Le responsable du poste d'identification explique que malgré les communiqué-radio faites à l'endroit des titulaires, la moyenne journalière de retrait varie entre 15 et 20 cartes.

    119

    Photo 23 : Des cartes nationales d'identité abandonnées au poste d'identification de la ville de Tibati

    (c) : Jean Francis Gabana, juin 2014

    C'est l'un des postes qui a moins de cartes abandonnées par rapport aux autres postes. En juin 2014, nous avons comptabilisé dans ce poste d'identification 789 cartes nationales d'identité. Les propriétaires, selon le chef de poste d'identification sont dissimulés dans les campagnes du département du Djerem43.

    Au demeurant, l'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua et l'accroissement de demande de cartes nationales d'identité ont influencé la mise en place et la multiplication des postes d'identification dans l'Adamaoua. De 1960 jusqu'à la fin des années 1990, l'on note une faible demande de cartes nationales d'identité par contre, l'on note une ruée des citoyens dans les postes d'identification au début des années 2000. Toutefois, la ruée des populations dans les postes d'identification et les opérations foraines d'identification ont permis d'établir des milliers de demandes de carte nationale d'identité. Cependant, plusieurs cartes sont abandonnées dans les postes d'identification de l'Adamaoua.

    43 Entretien avec Mohamadou

    Salissou, chef de poste d'identification, Tibati, 03 juin 2014.

    CHAPITRE III:

    Bilan DE l'identification DANS L'ADAMAOUA ET LES DÉFIS DE LA POLITIQUE D'IDENTIFICATION

    121

    De la carte nationale d'identité en carton en vigueur de1960 à la fin des années 1990 à la carte nationale d'identité informatisée en 1995, qui a permis de sécuriser davantage l'identité des citoyens et la nationalité camerounaise, le système d'identification des citoyens camerounais connaît jusqu'ici des difficultés. En effet, malgré les différents ajustements de la politique d'identification au Cameroun, les populations de l'Adamaoua ont du mal à se faire établir leur carte nationale d'identité. Les raisons d'un tel obstacle découlent certainement des facteurs inhérents au contexte politique, administratif, économique camerounais. Ainsi, l'allègement des conditions d'obtention de la carte nationale d'identité s'imposait à la veille des échéances électorales, au regard des demandes des citoyens. En baissant le coût de la pièce de moitié et en rendant gratuit la délivrance de la carte nationale d'identité, le chef de l'État a permis à des milliers de Camerounais d'avoir non plus seulement la possibilité, de s'inscrire sur les listes électorales, mais aussi simplement, une identité officielle. Cependant, cette mesure salutaire contrairement aux objectifs de la politique d'identification des citoyens camerounais, a rendu de plus en plus fragile l'identité et la nationalité camerounaise à cause des trafics d'identité et l'acquisition illicite de la nationalité camerounaise par les étrangers présents. Il s'agit dans ce chapitre, dans un premier temps, de faire un bilan de l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua à partir des archives. Puis dans un second temps, de faire ressortir l'impact de l'identification dans l'Adamaoua. En fin, il sera question de faire un inventaire des problèmes liés à l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. L'examen de ces problèmes permettra de souligner les limites de la politique d'identification du Cameroun.

    I-BILAN DE L'ÉTABLISSEMENT DES CARTES NATIONALES
    D'IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA.

    Le bilan de l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua est mitigé. En effet, démarrée nonchalamment à partir de 1960, la production des cartes nationales d'identité a pris une vitesse de croisière à partir des années 2000. Au cours des périodes1960, 1970 et 1980, le faible taux de demandes de cartes nationales d'identité est justifié comme nous l'avons souligné ailleurs, par l'absence de sensibilisation des populations sur la question d'identification et par l'inefficacité des

    122

    contrôles d'identité dans cette Région. Les raisons du changement de comportement des populations à l'égard de la question d'identification, découlent de la pression de l'ordre gouvernant sur les citoyens, notamment avec les contrôles systématiques des pièces d'identité dans les centres urbains comme dans les zones rurales de l'Adamaoua.

    Ainsi, pour besoin d'une étude statistique, nous allons nous appuyer sur les productions des postes d'identification de la Région de l'Adamaoua de 1976 jusqu'au début des années 2000. Ainsi, il est judicieux de choisir deux postes d'identification de la Région l'Adamaoua, notamment le poste d'identification de Ngaoundéré et le poste d'identification de Meiganga, pour analyser l'état-de-lieu de l'identification au cours de la période allant de 1976 à 1987. Ce choix n'est pas hasardeux, dans la mesure où ce sont les deux postes d'identification les plus actifs par rapport aux autres postes de la Région de l'Adamaoua. Pour les années 2000, les productions des postes d'identification de Tibati, Banyo et Tignere seront étudiées. Notre analyse sera accompagnée des tableaux et diagrammes, ceci pour mieux cerner l'évolution des demandes et les disparités entre de les productions dans les postes d'identification.

    1. Récapitulation des productions de cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua de 1976 à la fin des années 1980.

    Installés dès 1960, les postes d'identification, comme nous l'avons souligné ailleurs, furent d'abord installés dans les centres urbains de la Région de l'Adamaoua. En fait, les postes d'identification étaient implantés dans les villes de Meiganga ; de Ngaoundéré ; de Tibati ; de Tignere et de Banyo. Les populations des localités environnantes se rendaient dans ces villes, se faire établir leurs cartes nationales d'identité. Bien plus, les archives des plus anciens postes d'identification de l'Adamaoua révèlent que la période comprise entre 1976 et 1987 est caractérisée par un faible taux de demandes des cartes nationales d'identité. Les postes d'identification produisaient chacun moins de 2000 cartes nationales d'identité par an. L'étude de l'identification par mois et par an, de deux postes d'identification (Meiganga et Ngaoundéré) permet de cerner davantage l'état-de-lieu de l'identification dans l'Adamaoua de 1976 à 1987.

    123

    Tableau 6: récapitulatif de demandes de cartes nationales d'identité établies au poste d'identification de Meiganga de 1976 à 1987.

    Années

    Jan

    Fév

    Mars

    Av

    Mai

    Jn

    Juil

    Aout

    Sept

    Oct

    Nov

    Déc.

    Totaux

    1976

    83

    74

    72

    66

    79

    81

    89

    77

    64

    71

    69

    66

    890

    1977

    79

    67

    66

    79

    81

    59

    71

    79

    /

    /

    70

    81

    732

    1978

    71

    67

    57

    71

    69

    54

    74

    81

    97

    71

    79

    57

    848

    1979

    101

    68

    67

    75

    81

    89

    61

    71

    77

    57

    69

    /

    816

    1980

    69

    73

    103

    120

    97

    101

    79

    59

    67

    75

    82

    83

    1008

    1981

    70

    74

    71

    69

    61

    68

    69

    67

    61

    76

    71

    76

    833

    1982

    66

    77

    104

    99

    89

    86

    77

    69

    77

    70

    79

    71

    963

    1983

    50

    57

    65

    69

    77

    55

    89

    79

    66

    54

    79

    81

    821

    1984

    81

    89

    91

    97

    71

    69

    72

    68

    65

    102

    67

    92

    983

    1985

    91

    73

    78

    61

    59

    68

    71

    101

    79

    120

    71

    89

    961

    1986

    102

    79

    89

    91

    77

    67

    51

    59

    73

    60

    71

    79

    898

    1987

    /

    74

    78

    61

    67

    79

    69

    79

    81

    84

    91

    69

    832

     

    10585

    Source : Tableau réalisé à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.

    Entre 1976 et 1987, les demandes de cartes nationales d'identité dans le poste d'identification de Meiganga sont comprises entre 732 et 1008. En une dizaine d'années, ce poste d'identification a produit 10585 cartes nationales d'identité. L'on comprend dès lors que, beaucoup de citoyens de ce département s'intéressaient peu à la question de l'identification parce qu'il y avait moins de motivation comme par exemple,

    124

    les élections. L'on note aussi une inefficacité des contrôles d'identité au cours de ces années. Les digrammes ci-dessous, réalisés à partir des données du tableau précédent, explicitent encore mieux l'état-de-lieu des demandes de carte nationales d'identité dans ce département.

    Figure 4: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1976 et 1978.

    120

    100

    40

    80

    60

    20

    0

    Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov Déc

    Année 1976
    Année 1977
    Année 1978

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.

    L'analyse de ce diagramme nous permet de déduire que, au cours des années 1976 ; 1977 et 1978 les productions mensuelles de cartes nationales d'identité dans le poste d'identification de Meiganga n'excédaient pas 120. Cependant, la chute que l'on constate au cours des mois de septembre et d'octobre, est dû au fait que nous ne sommes pas rentré en possession des données correspondant à ces deux mois (même explication pour les figures 5 ; 8 ; 9 et 11)

    125

    Figure 5: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1979 et 1981.

    140

    120

    100

    40

    80

    60

    20

    0

    Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov Déc

    Année 1979
    Année 1980
    Annéé 1981

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.

    Les productions mensuelles des cartes nationales d'identité entre 1979 et 1980 dans ce poste d'identification variaient entre 59 et 120. Les productions au cours de l'année 1981 ont été particulièrement linéaires par rapport aux deux autres années. Ceci semble être le moment où les citoyens commençaient à s'intéresser à la question d'identification.

    Figure 6: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1982 et 1984.

    100

    80

    60

    40

    Année 1982
    Année 1983
    Année 1984

    20

    0

    Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov Déc

    120

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.

    126

    L'on constate à la suite de ce diagramme, l'évolution des demandes de cartes nationale d'identité dans ce poste. Toutefois, au cours de ces trois années, les productions n'avaient toujours pas dépassées 120.

    Figure 7:courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1985 et 1987.

    140

    120

    100

    40

    80

    60

    20

    0

    Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov Déc

    Année 1985
    Année 1986
    Année 1987

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.

    Ces courbes représentent en effet les demandes de cartes nationales dans le poste d'identification de Meiganga de 1976 à 1987. Ils représentent une dizaine d'années de production de cartes dans l'unique poste d'identification du Mbéré. L'étude des productions de cartes nationales d'identité laisse déduire que les demandes ont évolué. Ainsi, si l'on divise la période allant de 1976 à 1978, l'on a le résultat suivant :

    - Entre 1976-1978 : 2470 cartes établies ;

    - Entre 1979-1981 : 2653 cartes établies ;

    - Entre 1982- 1983 :2691 cartes établies ;

    - Entre 1984-1986 : 2767 cartes établies (voir tableau6).

    127

    Tableau 6: récapitulatif de demandes des cartes nationales d'identité du poste d'identification de Ngaoundéré de 1976 à 1987.

    Années

    Jan.

    Fév.

    Mars

    Av.

    Mai

    Jn .

    Juil.

    Aout

    Sept

    Oct.

    Nov

    Déc.

    Totaux

    1976

    106

    /

    77

    69

    58

    103

    112

    67

    115

    78

    85

    98

    968

    1977

    95

    173

    104

    99

    71

    109

    120

    57

    /

    /

    89

    140

    1057

    1978

    166

    155

    102

    75

    114

    79

    171

    99

    89

    175

    81

    103

    1409

    1979

    171

    160

    132

    120

    116

    101

    106

    95

    104

    /

    106

    108

    1319

    1980

    79

    171

    75

    99

    81

    169

    170

    81

    150

    91

    89

    159

    1414

    1981

    65

    170

    181

    /

    79

    85

    92

    109

    106

    104

    /

    68

    1059

    1982

    92

    109

    103

    112

    89

    97

    109

    79

    99

    71

    139

    141

    1240

    1983

    93

    103

    144

    79

    112

    69

    99

    /

    59

    97

    121

    151

    1127

    1984

    102

    79

    89

    122

    131

    78

    89

    92

    105

    140

    133

    139

    1289

    1985

    135

    71

    79

    81

    97

    104

    121

    99

    89

    85

    139

    71

    1171

    1986

    86

    101

    145

    78

    134

    90

    71

    89

    130

    79

    /

    175

    1178

    1987

    182

    160

    92

    171

    123

    181

    103

    142

    102

    69

    73

    177

    1575

     

    14806

    Source : tableau réalisé à partir des archives du poste d'identification de Ngaoundéré

    Dans le poste d'identification de Ngaoundéré, les demandes de cartes nationales d'identité variaient entre 968 et 1575. 14806 cartes nationales d'identité ont été établies entre 1976 et 1986. Les diagrammes ci-dessous réalisés à partir du tableau ci-dessus, renseignent mieux sur les tendances de demandes de cartes nationales d'identité dans le

    128

    poste d'identification de Ngaoundéré et permettent de souligner la différence avec le poste de Meiganga.

    Figure 8: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1976 et 1978.

    200

    180

    160

    140

    120

    100

    40

    80

    60

    20

    0

    jan fév mars avril mai juin juil. Aout sept Oct Nov Déc

    Année 1976
    Année 1977
    Année 1978

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de

    Ngaoundéré.

    Le poste d'identification de Ngaoundéré depuis les années 1960, produit plus de cartes nationales d'identité que les autres postes de la Région de l'Adamaoua1. Cependant, les productions mensuelles au cours de ces trois années n'atteignaient pas 180. La plus grande production est celle du mois d'octobre, notamment avec 175demandes.

    1 Entretien avec Ndjobdi Pierre, personnel d'identification, Ngaoundéré, 17 octobre 2014.

    129

    Figure 9: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1979 et 1981.

    200

    180

    160

    140

    120

    100

    40

    80

    60

    20

    0

    Jan Fév marsAvril Mai Juin juil Aout Sep Oct Nov Déc

    Année 1979
    Année 1980
    Année 1981

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de

    Ngaoundéré.

    D'après le diagramme ci-dessus, l'on note une chute de production au cours de l'année 1979 et par contre une croissance des demandes au cours de l'année 1980. Au total, 1414 cartes ont été établies en 1980, tandis 1319 et 1059 cartes ont été établies respectivement en 1979 et en 1981(voir tableau 7).

    130

    Figure 10: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1982 et 1984.

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de Ngaoundéré.

    À la suite du diagramme ci-dessus, il faut retenir que les productions au cours des années 1982 ; 1983 et 1984 sont restées constantes. En trois ans, 3656 cartes ont établies au cours de ces trois années. Ainsi, en 1982, l'on note1240 cartes produites. En 1983, 1127 cartes ont été produites .En fin, en 1984, 1289 cartes ont été établies.

    131

    Figure 11: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1985 et 1987.

    200

    180

    160

    140

    120

    100

    40

    80

    60

    20

    0

    Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov Déc

    Année 1985
    Année 1986
    Année 1987

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de Ngaoundéré.

    Les demandes mensuelles des cartes nationales d'identité au cours de l'année 1985 sont comprises entre 71 et 135, tandis qu'en 1986 les demandes vont de 86 à 177. En 1987, les demandes vont de 69 à 177.

    À la suite de l'étude de l'évolution des demandes de carte nationale d'identité dans les postes d'identification de Meiganga et de Ngaoundéré, force est de constater que la question d'identification, dans l'ensemble du territoire de l'Adamaoua de 1976 à la fin des années 1980 n'était pas partagée par tous les citoyens. Certains citoyens trouvaient en cette pratique du gouvernement une simple formalité bureaucratique sans aucune importance. En fait, pour d'autres citoyens, il n'y avait aucune motivation d'aller se faire établir une carte nationale d'identité, dans la mesure où à cette époque, excepté le voyage, cette pièce servait moins les citoyens. Seuls quelques citoyens émancipés s'intéressaient à la question d'identification dans cette Région.

    132

    2. Bilan d'identification dans l'Adamaoua de 2000 à 2013.

    À partir des années2000, les demandes des cartes dans les postes d'identification de l'Adamaoua se sont multipliées à un point où certains postes d'identification de la Région ne désemplissent pas des citoyens, voulant par tous les moyens avoir leurs cartes nationales d'identité. Désormais les postes d'identification produisent deux à trois fois plus de cartes nationales d'identité que jadis. Ce changement est, dû à l'augmentation de la population de l'Adamaoua et aux exigences politiques et économiques survenues dès 1990.L'avènement de la carte nationale d'identité informatisée à la fin des années 1990 a aussi accéléré les demandes de cartes nationales d'identité. En effet, c'est exactement à partir des années 2001 que les postes d'identification connaissent l'affluence des demandeurs de cartes nationales d'identité. Les diagrammes ci-dessous permettent de mieux souligner les différences entre les périodes.

    Figure 12:courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Tibati entre 2001 et 2003.

    400 350 300 250 200 150 100

    50

    0

     
     
     
     

    Année 2001 Anneé 2002 Année 2003

    jan fév mars avril mai juin juil août sept oct nov déc

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de Tibati (AD06).

    La plus grande production au cours de ces trois années est celle du mois d'août 2001 avec 375 demandes (voir figure 12). Les productions mensuelles de l'année 2002 varient entre 212 et 341 demandes de cartes nationales d'identité. Tandis qu'au cours de

    133

    l'année 2003 les demandes varient entre 235 et 297.Le poste d'identification de Tibati (AD 06) produit 200 à 300 demandes depuis 20112.

    Figure 13: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Tignere entre 2001 et 2003.

    350

    150

    100

    50

    0

    jan fév mars avril mai juin juil août sept oct nov déc

    300

    250

    200

    Année 2001
    Année 2002
    Année 2003

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de Tignere (AD 08).

    Le poste d'identification de Tignere depuis 2012, produit mensuellement entre 200 et 300 demandes3. En 2001, ce poste d'identification a produit 2268 demandes de cartes nationales d'identité. En 2002, 2537 demandes ont été établies dans ce poste. En 2003, l'on note une évolution des demandes de cartes nationales d'identité avec une production de 2912 demandes.

    2 Entretien avec Mohamadou Salissou, chef de poste d'identification, Tibati, 04 juin 2014.

    3 Entretien avec Moussa François, chef de poste d'identification, Tignere, 12 aout 2014.

    134

    Figure 14: courbes représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de Banyo entre 2001 et 2003.

    450

    400

    350

    300

    Année 2001
    Année 2002
    Anneé 2003

    250

    200

    150

    100

    50

    0

    jan fév mars avril mai juin juil août sept oct nov déc

    Source : diagramme réalisé à partir des archives du poste d'identification de (AD 04).

    Le poste d'identification de Banyo (AD 04) produit depuis les opérations foraines d'identification de 2011, 350 à 450 demandes4. Cependant, en 2001 les productions mensuelles variaient entre 292 et 330 demandes. En 2002, les demandes variaient entre 292 et 341 et enfin 2003, les productions mensuelles variaient entre 301 et 343.

    En ce qui concerne les productions du poste d'identification de Meiganga (AD 07), monsieur Bétara Narma Paul expliquait par ailleurs que, depuis le début des années 2000, ce poste produit mensuellement 450 et 500 demandes de cartes nationales d'identités5. Quant au poste d'identification de Ngaoundéré (AD 01), depuis 2000, les productions mensuelles sont comprises entre 550 et 700 demandes6.

    Dès lors, il important de retenir après cette étude statistique que, les demandes de cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua ont évolué et varient selon la taille de la population de chaque département. L'on note une prise de conscience des populations

    4 Entretien avec Baino Pagoah, chef de poste d'identification, Banyo, 16 juin 2014.

    5 Entretien avec Bétara Narma Paul, personnel d'identification, Meiganga, 03 aout 2014.

    6 Entretien avec Enama Justine Rose, chef de poste d'identification, Ngaoundéré, 15 septembre 2014.

    135

    de la Région de l'Adamaoua à partir des années 2000, manifestement par l'affluence dans les postes d'identification. Ainsi, la carte nationale d'identité qui est un document de la vie civile, attire de plus en plus les citoyens camerounais aujourd'hui qu'avant. Qu'en est-il donc de l'impact de l'identification dans l'Adamaoua ?

    II- Impact de l'identification dans l'adamaoua.

    L'identification est une entreprise publique, visant à contrôler les personnes et de lutter efficacement contre une éventuelle insécurité. Ainsi, la carte nationale d'identité a un caractère ambivalent. Il ne s'agit pas de donner les avantages et les inconvénients de cette pièce dans cette partie. Il est question ici de relever les effets et les apports de l'identification sur la vie sociale des citoyens de l'Adamaoua.

    1. Fragilisation de la nationalité camerounaise et trafic d`identité.

    Les pièces officielles actuellement les plus officieuses au Cameroun sont l'acte de naissance, le certificat de nationalité et, malheureusement, la carte nationale d'identité. Ces pièces font l'objet de tant de tripatouillages, au point qu'elles sont délivrées à des expatriés soit pour des raisons politiques, soit encore pour des buts purement mafieux. On a ainsi vu des Tchadiens, des Centrafricains et des Nigérians dans l'Adamaoua, brandir des cartes nationales d'identité camerounaises, obtenues grâce à l'influence et à la duplicité de l'élite politique et administrative de la zone, pour gonfler les listes électorales et se constituer des armes politiques lors des échéances dont les issues sont incertaines très souvent. Les cas de duplicité dans les concours administratifs et d'autres compétitions pour l'accès à la fonction militaire ou aux diplômes sont des histoires de tous les jours.

    L'opération de délivrance gratuite de la carte nationale d'identité donne des idées à certains ressortissants des pays voisins. Ils sont coupables des cas de substitution d'identité et de fausses nationalités. Un faux sans précédent s'est installé dans les commissariats de police de la capitale régionale de l'Adamaoua. En effet, la délivrance gratuite de la carte nationale d'identité décidée par le chef de l'État Paul Biya suscite par enchantement des convoitises les plus inattendues. De fait, il y a comme une volonté

    136

    manifeste d'être camerounais à part entière de la part de beaucoup de citoyens étrangers7.

    La plupart des étrangers veulent s'arroger le statut de «Camerounais» sans passer par la procédure en vigueur8. Selon les révélations faites par certains personnels d'identification dans l'Adamaoua, il y aurait des tentatives irrégulières de détention de la carte nationale d'identité. Les étrangers candidats à ce précieux sésame usent de toutes sortes de ruses pour obtenir cette pièce. À plusieurs reprises, les agents les sortent des rangs pour une raison ou une autre. Le stratagème est simple et désormais connu de tous. Pour parvenir jusqu'au poste d'identification, ces « candidats » négocient avec des autorités locales pour disposer d'un acte de naissance en bonne et due forme. Ironie du sort, certains n'arrivent pas souvent à situer les villages dont ils sont soit disant originaires sur la carte du Cameroun. Pour ces derniers, l'acte de naissance suffit pleinement à ne plus éveiller des soupçons. Le cafouillage provoqué par la forte demande et la saturation des agents de police est un facteur facilitant pour échapper à la vigilance. Fidèle à la tradition du flair de l'argent facilement gagné, des démarcheurs traînent dans les parages, dans le but de glisser des dossiers irréguliers dans le système. Très souvent, ils ne réussissent pas toujours à corrompre toute la chaîne de délivrance du précieux document. Pour autant, les fameux intermédiaires disposent de plusieurs tours dans leurs poches. Et ils finissent parfois à réussir leur coup. C'est le cas, confie un inspecteur de police dans le département de la Vina, de ce monsieur venu établir des cartes à une liste de personnes sous la couverture d'un opérateur économique de la place, avec des actes de naissance trafiqués9.

    L'on s'interroge sur des mesures prises pour éviter cette situation. Les responsables parlent de plus de vigilance. Pourtant, ils sont nombreux les Tchadiens et Centrafricains à bénéficier illégalement de la gratuité. La culture de la double carte d'identité est réputée dans la région de l'Adamaoua. Ici les frontières sont poreuses, donnant lieu à la perméabilité de nationalité. Des doubles, voire triples identités et nationalités, qui varient en fonction de l'activité, du lieu et de la circonstance par un simple geste de main dans la poche. Ce n'est pas un Tchadien qui démentira ou une

    7 Entretien avec Bétara Narma Paul, personnel d'identification, Meiganga, 04 aout 2014.

    8 Entretien avec Enama Justine Rose, Chef de poste d'identification, Ngaoundéré 14 octobre 2014.

    9 Cet informateur a requis l'anonymat.

    137

    Centrafricaine qui niera les faits, puisque jouissant de ces facilités bon marché. « Avec l'entrée en vigueur de la libre circulation des hommes et des personnes en zone CEMAC, il serait patriotique pour tous de préserver leur identité véritable »10s'exclame ce haut cadre rencontré au cours de notre enquête. A quoi servent donc les passeports et visas s'il suffit d'une pirouette pour changer d'identité ?

    C'est un fait courant et « normal » que de posséder la carte nationale d'identitéì de plusieurs pays : celles du Cameroun, du Tchad, de la RCA ou du Nigeria, notamment parce que cela facilite l'obtention d'un emploi. Un exemple d'acquisition de cartes d'identitéì a étéì observé lors des audiences foraines organisées de manière expéditive dans les Régions frontalières par le Cameroun afin de procéder à l'identification des populations. Les populations de l'ethnie Sango installées à Ngaoui11, par exemple, pourtant reconnues comme exclusivement centrafricaine, ont pris massivement la nationalitéì camerounaise tout en conservant naturellement leur citoyennetéì centrafricaine.

    À part la circulation régionale pour le commerce ou le travail, par exemple, ces cartes d'identitéì permettent à des bandits de dissimuler leur véritable identitéì et de se soustraire à la police ou à la justice. De ce fait, il semble difficile voire impossible de les poursuivre lorsqu'ils se cachent dans les pays voisins, faute d'accords d'extradition ou « par souci de préserver une certaine tranquillitéì diplomatique ». À défaut de la mise en circulation du « passeport C.E.M.A.C » tant annoncé pour une intégration régionale ordonnée des populations et des économies, à un usage des cartes nationales identités à des fins de trafics transfrontaliers, ce que favorise la mauvaise gestion de l'état- civil.

    Des candidats, munis de fausses cartes d'identité établies sur la base d'actes de naissance appartenant à des tiers et moyennant des rémunérations la plupart du temps, ont régulièrement été pris en flagrant délit dans des salles d'examens. Plusieurs fonctionnaires, militaires, policiers et cadres d'entreprises ont réussi à passer cette épreuve, en faisant composer des tiers lors des concours et sont actuellement en fonction. De même que des étrangers, sous l'effet non pas de l'attrait que le Cameroun exerce sur leur personne, mais par les effets d'une municipalité et d'une police

    10 Entretien avec Henri Sanama, commissaire de police Principal, Meiganga, 03 Aout 2014

    11 Entretien avec Deke Gabriel, agent de la Mairie de Ngaoui, Meiganga, 06 Aout 2014.

    138

    corrompue, brandissent avec fierté des cartes nationales d'identité camerounaises parce que, très souvent, un Camerounais de naissance et de souche leur a vendu l'acte de naissance d'un parent décédé. Cet acte de naissance d'un frère déjà décédé permet, avec une autre somme d'argent si nécessaire, de s'établir une carte d'identité, un passeport, voire de se présenter à des concours administratifs. Or, l'article 341 du code pénal camerounais condamne l'atteinte à la filiation. Toute violation à la loi est réprimée conformément à l'article 134 relatif à la corruption. Une corruption de la nationalité camerounaise est actuellement exacerbée par la gratuité de l'établissement de la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua.

    Pourtant, un tribunal spécial a été créé, et c'est une instance juridique qui a pour mission, de délivrer des actes de naissance à tous ceux qui en étaient dépourvus. Cette grâce s'obtenait après accomplissement d'une condition unique: le témoignage de deux ou trois membres de la famille du demandeur, attestant que ce dernier était bel et bien de la famille, du village, du département, de la région et pourquoi pas du pays. C'est ainsi que des commerçants nigérians, nigériens, maliens et tchadiens ont acquis la nationalité camerounaise dans la région de l'Adamaoua. Contre des sommes d'argent versées à des «témoins», payés pour avoir attesté de la «camerounité» de ces étrangers12.

    A ce sujet, plusieurs Nigérians, Tchadiens, Nigériens et centrafricains se sont fait établir un premier acte de naissance et ont obtenu par ricochet la nationalité camerounaise. Une situation gravissime qu'un maire de la Région de l'Adamaoua a dénoncée, faisant état de ce que les Centrafricains étaient en train d'acquérir illégalement la nationalité camerounaise13. S'il est vrai que les autorités camerounaises, conscientes de la présence massive des ressortissants des pays voisins sur le sol camerounais, ont pris des mesures conséquentes pour éviter quelque imbroglio, il n'en demeure pas moins vrai que poussé par la hantise de la refonte biométrique, l'État du Cameroun ouvre de fait les vannes à ces étrangers qui verront par ailleurs certaines des tracasseries policières qu'ils essuyaient prendre un terme. Dans ce contexte, plusieurs étrangers établis dans les localités de Djohong, Ngaoui, Meiganga... finissent par ces stratagèmes d'acquérir des noms camerounais en pseudonyme ou en se mettant en

    12Cet informateur a requis l'anonymat. 13 Cet informateur a requis l'anonymat

    139

    couple avec des Camerounaises ou des Camerounais pour tromper la vigilance des autorités. La conséquence est aisément visible. La question de la gratuite de la carte nationale d'identité, et celle des actes de naissance pour tous, remet au goût du jour l'épineux problème de la naturalisation au Cameroun. Car au regard de ce qui précède, il est un fait que nos jours, des Tchadiens, Nigérians, Centrafricains et autres peuvent devenir Camerounais du jour au lendemain. Cette autre trouvaille du gouvernement camerounais, ouvre le débat sur la double nationalité au Cameroun. Car comment comprendre, qu'un étranger puisse devenir facilement camerounais, alors que les Camerounais qui ont la double nationalité n'ont pas la possibilité d'exercer les droits civiques.

    Dans tous les cas, dans la suite, les maires et les officiers de police dans les commissariats n'avaient qu'à fermer les yeux ou faire semblant de n'est rien voir quand il fallait légaliser des pièces ou établir des cartes nationales d'identité. Les maires récemment portés à la tête des municipalités à travers l'Adamaoua devront donc veiller à l'état-civil. En attendant la venue d'un système moderne et intelligent de centralisation et de gestion du fichier de l'état-civil national, le Cameroun doit être habité par des Camerounais et des étrangers bien accueillis et respectueux des lois de leur pays d'accueil. Sinon, un ressortissant tchadien pourrait engager un litige foncier avec un Gbaya, originaire du Mbéré, en brandissant la carte nationale d'identité attestant qu'il est bel et bien Camerounais et de surcroît du Mbéré. Néanmoins, l'identification a permis aux citoyens de l'Adamaoua de participer aux échéances électorales.

    2. La participation aux échéances électorales.

    L'identification des électeurs consiste à vérifier l'éligibilité des électeurs potentiels et à inscrire leurs noms et autres renseignements justificatifs sur une liste électorale. Le processus doit être juste, exhaustif et inclusif. Cette opération nécessite que l'on adopte des mesures efficaces pour que les électeurs potentiels connaissent le processus d'inscription et aient la possibilité de l'utiliser. Par exemple, on procède à des campagnes d'éducation électorale qui soulignent l'importance de l'inscription, expliquent les responsabilités de l'électeur et fournissent des renseignements sur la façon de s'inscrire. Cependant, l'inscription sur les listes électorales, comme nous

    140

    l'avons souligné est conditionnée par la possession d'une carte nationale d'identité qui atteste que la personne à inscrire est de nationalité camerounaise. En effet, dans les années 1990, l'Adamaoua enregistrait un nombre faible des citoyens inscrits sur les listes électorales. L'une des principales causes de cette situation fut le défaut de carte nationale d'identité. A cet effet, monsieur Ngozo Jean déclare que : « Notre principal problème fut le défaut de carte nationale d'identité et particulièrement dans les zones rurales et pour ceux qui en ont, elles ne sont plus valides. D'ailleurs, certains citoyens ne possédaient même de carte.»14

    L'on comprend alors que le défaut de carte est préjudiciable aux inscriptions sur les listes électorales, puisque certains citoyens de zones rurales malgré leur volonté, ne peuvent s'inscrire. Ce défaut de cartes est parfois lié à celui du défaut d'actes de naissance étant donné que, dans les zones rurales certains citoyens n'ont pas d'actes de naissance surtout ceux qui ne sont pas nés dans les centres de santé. Cette situation fut observée dans la Région de l'Adamaoua. Or, on ne peut se faire établir de cartes sans actes de naissances. En réalité, le coût élevé de la carte d'identité ne les mettait pas à la portée de toutes les bourses (5000F.cfa et parfois plus). De même, l'éloignement des lieux d'identification constituait un autre obstacle majeur aux inscriptions. C'est par exemple le cas dans la localité de Belel où les citoyens sont obligés de parcourir des kilomètres après avoir déboursé 2000F.cfa pour le transport seulement lorsque la route est praticable avec le risque de ne jamais entrer en possession de ladite carte. Par ailleurs, on ne s'inscrivait pas officiellement avec le récépissé de la carte sauf si on y joignait son acte de naissance15. En conséquence, l'obstacle majeur aux inscriptions sur les listes électorales résidait dont au niveau de l'obtention de la carte nationale d'identité. C'est ce que confirme d'ailleurs monsieur Ngozo Jean, lorsqu'il déclare que « le potentiel électoral est en principe les jeunes en âge de voter et les femmes, mais malheureusement, ils étaient peu à s'inscrire justement parce qu'ils ne possédaient pas de cartes nationales d'identité16 ».Ainsi, pour remédier à cette situation, à partir de 2002, les opérations foraines d'établissements des cartes nationales d'identité à l'approche des échéances électorales furent organisées sur l'ensemble du territoire national. Cette politique a trouvé un écho fort dans la Région de l'Adamaoua. C'est dans cette optique

    14 Entretien avec Ngozo Jean, ex-maire de la ville de Tibati, Tibati, 07 juin 2014.

    15 Entretien avec Dadjé Jacques, responsable ELECAM, Tibati, 08 juin 2014. 16Entretien avec Ngozo Jean, ex-maire de la ville de Tibati, Tibati, 07 juin 2014.

    141

    que des milliers des cartes nationales d'identité ont été établies aux citoyens dans cette région pour permettre à ceux-ci de voter. Le déploiement des postes d'identification accompagnés par la défunte ONEL et aujourd'hui ELECAM dans les zones rurales a permis d'avoir un nombre important des inscrits sur les listes électorales. Des inscriptions massives sur les listes électorales dans l'Adamaoua s'est fait de manière progressive suivant l'allégement des conditions d'établissement des cartes nationales d'identité au Cameroun. Le tableau suivant met en exergue l'évolution des inscriptions sur les listes électorales dans la région de l'Adamaoua.

    Tableau 7: l'évolution des inscriptions sur les listes électorales région de l'Adamaoua de 2007 au 10 juin 2011.

    Région

    Population totale

    Population électorale

    Inscrits en 2007

    Électeurs à inscrire

    Électeurs inscrits depuis Aout 2010

    Nombre total

    d'inscrits

    de 2007

    au 10

    juin 2011.

    Adamaoua

    1015622

    457029

    262180

    194849

    136485

    398665

    Source : www.Elecam.Cm.

    À la suite de ce tableau, il faut noter que, dans le but était de remédier aux difficultés qu'éprouvent les citoyens des zones rurales de l'Adamaoua, les autorités des villes de Meiganga, Ngaoundéré, de Banyo, de Tibati et de Tignère se sont vues obligées de prendre des mesures parallèles pour décanter le flux des demandeurs dans les postes d'identification. Ainsi, les personnels judiciaires sur le ont été envoyés sur les terrains pour effectuer des jugements supplétifs aux habitants n'ayant pas d'actes de naissance.

    L'opération des « audiences foraines » a permis à une fraction de la population d'obtenir des actes de naissance et par le fait même, de se faire établir sur place, des cartes nationales d'identité grâce à un poste d'identification provisoire, mis en place

    142

    dans chaque localité par les équipes d'identification mobiles. Une initiative entreprise pendant des semaines avec pour corollaire, l'accroissement du nombre des inscrits sur les listes électorales. L'absence d'un poste d'identification est un coup dur vécu non seulement par la population de ces localités, mais aussi les responsables administratifs qui veulent produire des résultats probants à la veille des échéances électorales. En conséquence, on peut constater que depuis le décret ordonnant l'établissement gratuit des cartes d'identité, les commissariats de la Région de l'Adamaoua ne se désemplissent pas de monde. L'argumentaire de son coût élevé comme cause importante de la non-possession prend donc tout son sens, étant donné que, même avant la gratuité de la carte nationale d'identité, plusieurs responsables du parti au pouvoir organisaient déjà les campagnes d'établissement de celle-ci dans plusieurs localités du pays. Ce qui avait permis l'établissement de milliers de cartes nationales à de nombreux citoyens. C'est ainsi, que dans la région de l'Adamaoua, les leaders politiques responsables du comité du RDPC chargés des inscriptions sur les listes électorales dans la Vina ont établi 3000 cartes nationales d'identité afin de permettre aux citoyens de s'inscrire sur les listes électorales17. Il est donc clair que toutes les actions qui ont été entreprises, furent au profit de la carte nationale d'identité. Ces différentes mesures ont pour objectif de favoriser les inscriptions sur les listes, ce qui semble porter des résultats. Cette quête effrénée aux potentiels électeurs n'est pas neutre car, elle vise à faire participer un maximum de citoyens aux élections, avec pour objectif la légitimation de l'élu.

    III-Obstacles liÉs À l'établissement et À l'obtention des cartes

    nationales d'identité dans l'Adamaoua.

    Comme nous l'avons évoqué précédemment, l'identification des citoyens qui inclut aussi bien le fonctionnement de l'administration que la mise en oeuvre des politiques publiques ne se résume pas seulement à des phénomènes de « pouvoir de, pouvoir sur », de domination ou de contrôle de corps. Il s'agit en même temps de forme de gestion du service d'identification. Cette dimension de la politique d'identification au Cameroun a souvent été oubliée. L'administration en général, les agents, les dispositions d'identification au Cameroun sont perçues comme un processus des structures caractérisées par la corruption, le népotisme, le clientélisme, le manque

    17 Cette information a été relayée par la CRTV-Radio, station de l'Adamaoua à l'émission « Gazette régionale » à 19 h 15 minutes, en date du 05 mai 2013.

    143

    de professionnalisme etc. Or, quand bien même ce serait vrai, partiellement, le service d'identification au Cameroun, assure plus ou moins bien efficacement, sa mission qui est celle d'identifier les citoyens. Il importe de préciser que la délivrance de la carte nationale d'identité au Cameron est assurée conjointement par la délégation générale à la sûreté nationale (DGSN), la société d'assistance et de conception en électronique (SACEL)18 et la société THALES. Le service d'identification pris dans cette situation, constitue, un champ semi-autonome qui n'est certes pas indépendant de la nature de services. Diverses recherches ont été menées depuis plusieurs années sur l'identification et ont en effet, mise en évidence la convergence des difficultés de l'identification des citoyens. Aux trajectoires des pratiques d'identification assez similaires à celles de la France, au Cameroun depuis l'institutionnalisation, l'établissement et la délivrance des cartes nationales d'identité, connaissent de nombreuses difficultés. Pour examiner les

    origines des difficultés, il faut remonter la période coloniale. C'est en effet la
    colonisation qui non seulement a mise en place l'État en Afrique, particulièrement, au Cameroun, mais aussi, à y regarde de prêt à également jeter les bases de la forme contemporaine d'identification. Ainsi, le système d'identification au Cameroun semble être inadapté dans les sociétés régies par des valeurs traditionnelles. La présente partie devrait contribuer à une meilleure connaissance des obstacles qui plombent l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. Ces obstacles se situent à plusieurs niveaux : administratif, politique, économique, géographique, professionnel etc.

    1. Barrières administratives, politiques et économiques.

    La majorité des pays colonisés par la France sont dotés des mécanismes d'identification des populations. Par ailleurs, bon nombre de citoyens au Cameroun, dans l'Adamaoua précisément, n'ont pas accès aux postes d'identification. Pour comprendre une telle situation, il s'agit d'analyser les obstacles administratifs, politiques et économiques.

    18Société française issue du Groupe Fabre

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    1-1. Les obstacles administratifs.

    Sur le plan administratif, il se pose un problème au niveau de la relation entre bureaucrates et usagers. En effet, l'on remarque que les pratiques de l'administration coloniale ont introduit une très grande marge de l'arbitraire dans la rationalité procédurale de la bureaucratie classique de la métropole officiellement importé dans les colonies en Afrique. Jean-Pierre Olivier de Sardan le remarque si bien en ces termes :

    Il n'y a pas eu de rupture importante entre l'administration coloniale et l'administration postcoloniale, bien au contraire. Avec les indépendances, les nouveaux États se sont construits dans une logique de continuité et d'amplification du modèle colonial. Les innovations postcoloniales ont plutôt été dans le sens d'un élargissement ou d'un approfondissement du modèle colonial que de sa transformation ou de son abolition.19

    De ce qui précède, l'on constate qu'il y a une continuité des pratiques de l'administration coloniale dans l'administration postcoloniale au Cameroun. En fait, au-delà du mépris souvent affiché de beaucoup de fonctionnaires européens pour les administrés africains pendant la colonisation, ce sont des générations d'auxiliaires et de commis africains qui ont appris auprès des colonisateurs à édifier une barrière entre eux même et les populations locales, à multiplier les signes affirmant leur statut de « privilégiés », à construire la supériorité par l'affirmation de l'infériorité des autres et à user de l'arbitraire.

    S'inscrivant dans le même sillage, il faut noter que, les services d'identification dans l'Adamaoua sont caractérisés par une bureaucratie de mépris, des pratiques de corruption, de népotisme et même de clientélisme. L'on note à la fois une sous-administration qui perdure malgré l'évolution du système d'identification et un décalage entre normes et usages locaux et usages officiels. Diverses formes de sous-traitance, de clientélisme et d'informalité loin des règles officielles d'identification telles que définies par les textes, font le quotidien des postes d'identification de l'Adamaoua. Cette situation débouche sur les négociations et l'intermédiation se traduisant par des multiples arrangements et sans doute à l'origine des premières formes de corruption faisant la part belle aux « démarcheurs » presque omniprésents dans les postes d'identification.

    19 Intervention de J.P. Olivier de Sardan au colloque IRG/ARGA, janvier 2007, Bamako(Mali).

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    Le clientélisme bureaucratique dans les postes d'identification de l'Adamaoua se manifeste par le comportement des personnels. En effet, pendant les périodes d'affluence dans les postes d'identification, certains personnels accordent des faveurs à leurs protégés comme ceux avec qui ils partagent le même groupe ethnique ou ceux qui les rendent peut être des services ou encore à leurs parents et connaissance20.

    Par ailleurs, l'un des principaux problèmes de l'identification dans l'Adamaoua est celui de la couverture de services sur l'ensemble de la Région. En effet, l'on a l'impression, sans risque de se tromper, que les postes d'identification de l'Adamaoua ont été créés sur une base discriminatoire. Les zones urbaines telles que les chefs- lieux de département ont été mieux couvertes par des postes d'identification que les zones rurales. Jusqu'ici, les zones rurales de l'Adamaoua tels que Belel, Ngaoui pour ne citer que celles-là, n'ont pas de poste d`identification. L'absence de poste d'identification dans ces zones est un obstacle non seulement pour la population mais aussi pour l'administration. Le constat de ce manquement se traduit par les propos du responsable ELECAM de Belel : « Si on avait un poste d'identification dans l'arrondissement de Belel, on ne serait pas dernier de la classe des inscrits sur les listes électorales dans la région de l'Adamaoua »21.

    Bien plus, l'on note une absence de surveillance et de supervision adéquates qui assureraient le respect des lois relatives à l'établissement des cartes nationales d'identité. Souvent, les informations essentielles ne sont pas scrupuleusement enregistrées sur les formulaires. Des informations frauduleuses telles que la limitation d'âge, des changements illégaux de noms, prénoms lieu de naissance sont enregistrés sur les formulaires.

    En somme, la corruption, le clientélisme, les fraudes, l'inertie et le laxisme qui caractérisent l'administration camerounaise sont autant d'obstacles qui plombent l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. Cependant, la question d'identification au Cameroun relève surtout de la volonté du politique. Il se

    20 Entretien avec Djouldé Thomas, cultivateur, Tignere, 13 août 2014.

    21 Entretien avec Mohamadou Hassan, responsable d'antenne ELECAM de Belel, Ngaoundéré, 20 aout 2014.

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    trouve donc que dans l'Adamaoua, l'établissement des cartes nationales d'identité se heurte aux barrières politiques.

    1-2.Les barrières politiques.

    L'identification peut se heurter à un obstacle aussi important que la volonté politique. En effet, Il existe jusqu'ici des personnes qui ne connaissent pas ce que c'est qu'une carte nationale d'identité et à quoi sert-elle. Les efforts des politiques ne suffisent pas jusqu'ici pour pallier aux difficultés. Certaines populations sont ignorantes et réticentes à la question de l'identification dans l'Adamaoua. La sensibilisation relève de la tâche du politique. Cependant, les mesures prises par le politique pour remédier à ce genre d'obstacle ne sont que conjoncturelles frustrant ainsi certains citoyens. Le cas des Mbororo de l'Adamaoua est patent. Ces derniers ne connaissent pas grand-chose de l'administration et ne cherchent pas à le savoir. D'ailleurs, dans les années 1960, le refus d'établir les cartes nationales d'identité aux Mbororo, trahit l'attitude discriminatoire du politique.

    1-3.Les barrières économiques.

    Bien que la possession d'une carte nationale d'identité soit un droit fondamental les Camerounais, l'établissement de cette pièce est payant. Pour les citoyens pauvres, le coût de l'établissement d'une carte nationale d'identité est inimaginable puisqu'ils doivent d'abord pallier les besoins urgents. Au-delà du prix d'établissement, le problème vient aussi du fait que les services publics sont souvent centralisés. Pour se faire établir une carte nationale d'identité, certains citoyens des zones rurales doivent se rendre dans le centre urbain le plus proche ou ils peuvent se retrouver face à un bureau fermé. C'est par exemple le cas dans le département du Djerem où les citoyens de l'arrondissement de Ngaoundal, doivent obligatoirement se rendre à Tibati situé à 100 km pour obtenir leur certificat de nationalité avant de se rendre au poste d'identification. Le coût de ce voyage et le fait que, durant le voyage, aucun revenu familial ne rentre, forme assurément un obstacle supplémentaire à l'établissement d'une carte nationale d'identité. Ce constat justifie en fait le faible taux d'identification dans ce département.

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    2. Les obstacles infrastructurels, professionnels et géographiques.

    Il s'agit de présenter les arguments matériels, économiques et géographiques qui font obstacle à l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. Ainsi, sans ignorer les handicaps des pratiques politiques et administratives, il est judicieux de chercher ailleurs la justification au manque du désir spontané de l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. L'explication réside certainement dans les facteurs matériels techniques et géographiques.

    2-1. Les obstacles infrastructurels.

    Dans l'Adamaoua en général, beaucoup reste encore à faire au niveau des infrastructures administratives. Sans sous-estimer les efforts ménagés par le gouvernement dans la création des infrastructures administratives dans l'Adamaoua, les bâtiments adéquats abritant uniquement les services d'identification manquent. Dans tous l'Adamaoua, les bâtiments qui devraient abriter les postes d'identification ne sont pas jusqu'ici construits. Ce sont parfois les maisons familiales qui servent de locaux des postes d'identification. Ainsi, ces maisons se trouvent souvent dans des mauvaises conditions. Elles sont parfois insalubres, non électrifier mettant en péril les matériels d'identification. Par ailleurs, l'on note les coupures intempestives d'électricité dans certains départements rendant ainsi difficile l'établissement des cartes nationales d'identité, dans la mesure où la prise des photos devient impossible. Alors, vu la situation alarmante, il ne suffit pas de créer les postes d'identification, mais de doter ces postes d'identification des matériels. Cependant, l'utilisation de ces matériels nécessite aussi un professionnalisme.

    2-2. Manque de professionnalisme.

    Le manque de professionnalisme des personnels de l'identification dans l'Adamaoua est obstacle à prendre au sérieux dans le processus d'établissement des demandes de carte nationale d'identité. La plupart des personnels rencontrés dans les postes d'identification de l'Adamaoua ne sont pas des professionnels du métier. Or

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    l'identification des citoyens est un domaine sensible et délicat pour lequel il faut des hommes du métier maitrisant tous les contours de cette pratique. En effet, depuis la mise en place du système d'identification biométrique au Cameroun, nombre de citoyens ont du mal à obtenir la carte nationale d'identité informatisée, ceci à cause des erreurs commises sur les formulaires par les personnels au moment de l'établissement de la demande. Le système d'identification biométrique rejette purement et simplement les demandes de carte nationale d'identité non conformes. Les raisons d'un tel rejet peuvent être les suivantes :

    -les noms mal orthographiés ;

    - l'absence ou la mauvaise qualité des empreintes digitales ;

    -la mauvaise qualité des photos ;

    -les demandes sans fond de dossier ;

    -l'omission volontaire ou involontaire des rubriques ;

    -l'absence de la signature du demandeur (voir annexe 4)22.

    Tous ces motifs de rejet de demandes de carte nationale d'identité relèvent de la responsabilité du personnel ayant établi la demande. Il y a lieu de relever que de nombreuses demandes de cartes nationales d'identité sont produites dans les postes d'identification de l'Adamaoua, mais certaines n'aboutissent toujours pas à la délivrance à cause des manquements ou de la non-conformité des informations sur les formulaires de demandes.

    Malgré cette situation, aucune mesure n'est prise pour l'amélioration de travail des personnels d'identification dans l'Adamaoua23. La hiérarchie ne veille pas à ce qu'ils aient un confort intellectuel permettant à ceux-ci de procéder lisiblement et fidèlement à l'établissement des demandes de carte nationale d'identité. Il faut noter qu'il y a un manque des séminaires de mise et remise à niveau des personnels d'identification. Ces séminaires pourront permettre la formation et le recyclage des personnels non formés.

    22 Entretien avec Boudié Jacques, Chef de la cellule d'authentification des demandes de carte nationale d'identité, Yaoundé, 27 juillet, 2014.

    23 Entretien avec Nanawa Sylvain, operateur photo, Tibati, 05 juin 2014.

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    2-3. Barrières géographiques.

    La distance qui sépare les zones rurales et les postes d'identification dans l'Adamaoua représente un handicap pour l'identification. D'une superficie de 63701 Km2 et 1015622 de citoyens en 201024, l'Adamaoua compte aujourd'hui seize postes d'identification reparties sur le territoire. En matière de couverture, l'Adamaoua est peu couvert par des services d'identification, rendant ainsi difficile l'accès aux citoyens des zones rurales. En fait, plus la distance est grande, plus la tâche est difficile et couteuse pour ceux qui veulent se faire établir leur carte nationale d'identité. Il arrive souvent que certains personnes parcourent plus de 30 km à pieds pour se faire établir une carte nationale d'identité et ne réussissent pas à cause soit du manque des matériels d'identification qui doivent être acheminés de Yaoundé pour Ngaoundéré et de Ngaoundéré pour les postes d'identification de la Région de l'Adamaoua. Certains départements comme celui du Mayo Banyo et celui du Faro-et-Déo où les routes sont presque impraticables pendant la saison des pluiespeuvent passer 5 jours voire une semaine sans matériel d'identification25.

    De plus, le fait que les services de fabrication de la carte nationale d'identité au Cameroun soient centralisés et basés uniquement à Yaoundé dans un seul lieu constitue un handicap pour l'identification et pour les citoyens situés dans les périphéries du pays.

    En fait, le constat montre que, après l'établissement des demandes de carte nationale d'identité la plupart des demandeurs doivent atteindre quatre (04) à cinq (05) mois voire plus avant d'entrer en possession de leur carte nationale d'identité. D'autres encore se contentent du récépissé de demande parce que la carte elle-même n'est pas de retour au poste d'identification les ayant reçus.

    Par ailleurs, par confusion ou manque d'attention des personnels du service central de délivrance renvoient certaines cartes nationales d'identité dans un autre poste que celui qui a émis la demande. C'est ainsi que nous avons retrouvés les cartes nationales d'identité dont la demande a été établie au poste d'identification de

    24 MINEFI/Division Économique de l'Adamaoua : Rapport Économique de la Région de l'Adamaoua, Exercice 2010 /2011.

    25 Entretien avec Baino Pagoah, chef de poste d'identification, Banyo, 16 juin 2014.

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    Ngaoundal (AD 09) dans le poste d'identification de la ville de Meiganga (AD 07). Tous ces faits participent de la distance entre certains citoyens et les postes d'identification et l'écart entre service central de délivrance et les postes d'identification émetteurs des demandes de cartes nationales d'identité.

    3. Les limites de la politique d'identification du Cameroun.

    La question sur l'amélioration de la sécurité des documents et la carte d'identité nationale pour tous les Camerounais demeure jusqu'ici un domaine en friche. Depuis l'institution de cette pièce, aucun débat n'a été ouvert pour saisir les enjeux et les problèmes que connaissent la politique d'identification au Cameroun. La présente partie devrait contribuer à une meilleure connaissance des limites de la politique d'identification des citoyens camerounais.

    Il n'y avait pas assez de documentation, de recherche ou de directives pour guider les personnes intéressées à examiner cette question d'importance nationale. L'examen de cette question exige soit un niveau de connaissance élevé du système actuel de documents d'identité gouvernementaux, soit une connaissance de l'industrie biométrique de pointe ou une connaissance du succès ou de l'échec des programmes actuels d'identification du gouvernement camerounais, des travaux de recherche sur l'expérience des autres pays où il existe une carte nationale d'identité ainsi qu'une connaissance des problèmes de sécurité liés à la collecte de données biométriques du gouvernement.

    Le débat sur la carte nationale d'identité soulève en même temps un débat sur une politique nationale sur l'identité. Étant donné que la carte nationale d'identité ne représente qu'une méthode possible d'établir une politique nationale, il fallait élaborer et établir la politique avant d'examiner toute mesure de mise en application. Le Parlement devait adopté une politique nationale sur l'identité ainsi que des principes directeurs fondamentaux après avoir demandé l'opinion de la population et de l'avoir consultée, avant que toute stratégie particulière de mise en place ne soit examinée, y compris la mise en oeuvre d'une carte nationale d'identité.

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    Au cours de la période d'élaboration d'une politique nationale sur l'identité, le gouvernement n'a pas proposé les différentes stratégies d'identification aux citoyens. En introduisant le système d'identification biométrique aucune mesure n'a été prise pour expliquer clairement aux Camerounais pourquoi ce changement est nécessaire et pourquoi le système actuel répond à la politique élaborée à l'échelle internationale.

    Le Cameroun doit être en mesure d'établir l'identité des Camerounais, même à l'échelle internationale. Le gouvernement est signataire d'ententes et d'engagements internationaux qui exigent que les Camerounais qui voyagent et désirent entrer dans d'autres pays puissent être identifiés. Au Cameroun, les départements ministériels se partagent la responsabilité d'émission des documents d'identité : les certificats de naissance et de décès par exemple relèvent de la compétence du ministère de l'administration territoriale et de la décentralisation alors que les cartes nationales d'identité et les cartes de résidence sont émises par la délégation générale à la sûreté nationale. Différents documents d'identité ont différentes raisons d'être, et les renseignements à fournir en vue d'obtenir chaque document correspondent à la finalité intrinsèque de ce document. Toutefois, on devrait élaborer une politique nationale uniforme sur les documents d'identité fondée sur des principes fondamentaux.

    L'objectif et la conception d'un système d'identification nationale camerounaise devraient être à l'image de la population camerounaise, et non motivés par des pressions internationales.

    L'identité est personnelle à chaque personne. Avant que le gouvernement n'intervienne en vue d'établir une politique nationale sur l'identité, qui concerne tous les citoyens, il devait expliquer clairement le but de l'identification. Étant sans doute le plus important détenteur de renseignements personnels, le gouvernement camerounais a reconnu l'importance de la protection de la vie privée des Camerounais en établissant un commissariat de police qui veille à la protection des citoyens et de leur vie privée. Ce commissariat doit prendre le devant en ce qui concerne la protection des renseignements personnels en introduisant, en faisant promulguer et en mettant en application la loi sur la protection des renseignements personnels et les documents d'identité.

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    De plus, la politique d'identification devrait participer activement à éliminer les préoccupations en matière de sécurité nationale et internationale au Cameroun et non permettre aux acteurs de l'insécurité d'avoir illicitement la carte nationale d'identité, lors de opérations foraines d'identification.

    Toutefois, pour répondre aux préoccupations sur la réticence et l'ignorance de certains citoyens camerounais en ce qui concerne la question d'identification, le gouvernement devrait expliquer ouvertement et honnêtement les obligations que le Cameroun tente de respecter en apportant tout changement aux politiques d'identification. Les citoyens sont en droit de connaître l'étendue de cette politique d'identification.

    Le gouvernement camerounais n'a jamais ouvert un débat public sur des questions touchant les valeurs fondamentales, notamment l'identification des Camerounais, ou encore présenté un livre blanc afin de connaître les points de vue de citoyens sur la politique d'identification qui, pourront permettre de fournir les renseignements appropriés. C'est souvent à l'approche des échéances électorales que les politiques présentent souvent l'importante question d'identification nationale. Toutefois aucune documentation, des travaux de recherche ou un objectif clairement défini n'est présenté au public. Il est important d'informer le public à ce sujet et lui donner l'occasion de s'exprimer sur des questions capitales comme celle-ci. C'est le moins que l'on puisse faire pour garder la confiance du public tout au long du processus.

    Une politique sur l'identité nationale devrait renforcer la sécurité nationale. Cette politique devrait être élaborée par et pour les Camerounais. Elle doit inspirer une fierté quant à la nationalité et à la citoyenneté camerounaises. Cela ne veut pas dire que l'État du Cameroun ne doit pas tenir compte des obligations et des engagements internationaux. Cela ne veut pas dire également que le gouvernement camerounais ne doit pas consulter ses alliés et ses voisins pour connaître leurs préoccupations lorsqu'ils tentent d'identifier et de trouver des Camerounais ou qui voyagent à l'étranger. Cela signifie toutefois que la politique et les méthodes mises en oeuvre soient probablement mieux adaptées pour satisfaire les Camerounais.

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    En clair, Il était question dans ce chapitre d'analyser l'évolution des productions des cartes nationales d'identité. Ainsi, il ressort de cette analyse que dans l'Adamaoua, au cours des trois premières décennies de l'institution de la carte nationale d'identité,les postes d'identification ont connus un taux de demandes relativement faible. Par ailleurs, depuis le début des années 2000, les postes d'identification de l'Adamaoua enregistrent chacun de nombres important de demandes de cartes nationales d'identité. Cependant, malgré les efforts du gouvernement, l'identification dans l'Adamaoua fait face à plusieurs difficultés dont les principales sont d'ordre politique, économique, professionnel, infrastructurel etc.

    CONCLUSION GÉNÉRALE

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    Au demeurant, il était question tout au long de ce travail portant sur « la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua», d'examiner les attitudes des citoyens à l'égard de la question d'identification. Au terme de ce travail, il ressort que la carte nationale d'identité a été instituée d'abord au Cameroun oriental indépendant en 1960, puis par la concrétisation de productions législatives, elle a été généralisée en 1964 après la réunification. Avec l'unification des deux Cameroun cette pièce a connu des modifications au niveau des énonciations. Elle est passée d'une énonciation en français pour une énonciation bilingue, justifiée par la promotion l'identité culturelle camerounaise. Ce changement a marqué une étape important pour la politique d'identification du Cameroun dans la mesure où il s'agissait de mettre fin aux idées de double nationalité qui animait certains citoyens du Cameroun Occidental. La carte nationale d'identité dans son évolution est passée de support papier (carton) en vigueur jusqu'aux années 2000 à un support plus sécurisé (Teslin), pour ainsi résoudre le problème de sécurisation de l'identité et de la nationalité et de s'arrimer aux normes internationales d'identification.

    La carte nationale d'identité donne au citoyen sur le territoire national une identité établie et véritable et un signe d'appartenance à une communauté, à une nation où le citoyen à sa place. Elle est la clé qui permet d'accéder à certains services, comme par exemple des services bancaires qui offrent une sécurité et une discrétion dans les transactions. Elle garantit au citoyen pendant toute sa vie, le droit de prendre part à la vie sociale et politique de son pays.

    L'accent a été aussi mis l'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua. Cette évolution a eu un impact sur la politique d'identification dans cette Région, notamment en ce qui concerne la mise sur pied des postes d'identification. L'étude de la mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua a permis de cerner les pratiques d'identification. L'identification mieux, l'établissement des cartes nationales d'identité de 1960 au début des années 2000, se faisait uniquement dans les postes d'identification répartis sur le territoire de l'Adamaoua. Dans l'Adamaoua, la politique d'identification a été mise sur pied de manière progressive, avec l'évolution de cette structure administrative. D'abord présent dans les chefs-lieux de départements et d'arrondissement, les postes d'identification furent multipliés à partir de 1995, notamment avec la mise sur pied du système d'identification biométrique. À partir des

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    années 2000, il y a eu changement dans la politique d'identification. Non seulement, à l'approche de chaque échéance électorale les frais d'identification étaient diminués et souvent même exemptés, mais les équipes mobiles d'identification se déployaient dans les zones qui ne disposent pas de postes d'identification pour identifier sur place les citoyens. Ce fut une manière de permettre aux Camerounais de participer à la vie politique de l'État et de sécuriser leur identité et la nationalité camerounaise.

    Avec la politique de campagne d'identification (l'allègement des conditions d'établissement des cartes nationales d'identité, exemption des frais d'identification) débutée en 2002, il été révéler dans ce travail, le déploiement des équipes mobiles d'identification dans certains localités de l'Adamaoua, permettant aux populations de Belel, Ngaoui, Yargbang, Gbatoua Godolé, Kombo Laka, Danfili, de Mbakaou etc. de se faire identifier.

    Par ailleurs, il s'agissait également dans ce travail d'analyser les différentes réactions des populations de l'Adamaoua à la question d'identification. Toutefois, il ressort de cette analyse que dès son institutionnalisation, la carte nationale d'identité n'a pas aussitôt été acceptée de tous les citoyens. Les trente (30) premières années ont été marquées par l'ignorance ou la réticence des citoyens vis-à-vis de la carte nationale d'identité. Plusieurs citoyens des zones rurales et même de centres urbains ont été réticents vis-à-vis de la question de la carte nationale d'identité à cause d'un manque de communication, de sensibilisation ou d'information de la part du gouvernement. La carte nationale d'identité fut introduite sans une consultation des citoyens camerounais.

    Les raisons d'une politique nationale d'identification des citoyens n'avaient pas été clairement explicitées aux Camerounais. L'inefficacité des contrôles d'identité, l'inadaptation et la méconnaissance des lois relatives à l'identification par les citoyens de l'Adamaoua sont quelques raisons importantes qui expliquent les faibles taux d'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua au cours des périodes 1960 ; 1970 et 1980. Les périodes 1990 et 2000 ont été marquées par une ruée des citoyens dans les postes d'identification de l'Adamaoua. Cette ruée est liée à l'ouverture démocratique du Cameroun, à l'implantation des services bancaires et surtout aux contrôles systématiques d'identité dans cette Région qui accueille de nombreux immigrés centrafricains, tchadiens et nigérians. Toutefois, l'allègement des conditions

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    d'identification et les opérations foraines d'établissement des cartes national d'identité ont permis d'établir et délivrer des milliers de cartes nationales par les postes d'identification de la Région de l'Adamaoua. À la suite de ces opérations, de nombreuses cartes nationales d'identité ont été abandonnées dans les postes d'identification. Il a été question dans ce travail de mettre en lumière, les mobiles qui expliquent l'abandon des cartes dans les postes d'identification. Ces raisons découlent de la mobilité des titulaires d'une part et d'autre part de l'ignorance du mécanisme d'identification par certains citoyens.

    Le bilan d'identification dans l'Adamaoua renseigne sur l'évolution de demandes des cartes nationales. Ce bilan a permis de souligner les disparités entre les postes d'identification de l'Adamaoua. Les données collectées dans les postes d'identification ont permis de conclure que le poste d'identification de Ngaoundéré produit plus de cartes que les autres postes d'identification de la Région de l'Adamaoua. Bien que la politique d'identification ait permis à plusieurs citoyens de l'Adamaoua d'avoir une identité officielle et de participer à la vie politique, il a été question de souligner l'impact de l'identification sur le plan sociopolitique.

    Par ailleurs, les fraudes qui font le quotidien de certains postes d'identification et de l'Adamaoua et les opérations foraines d'identification ont permis aux étrangers (immigrés) en présence dans l'Adamaoua d'acquérir illicitement la nationalité camerounaise fragilisant et rendant ainsi faillible le système de sécurisation de la nationalité camerounaise.

    Étant un document incontournable dans les services administratifs du Cameroun, elle a permis à plusieurs citoyens de se faire inscrire sur les listes électorales. Le pourcentage des inscrits sur les listes électorales dans l'Adamaoua, a considérablement évolué à cause de la campagne d'identification gratuite instituée par le chef de l'État dès 2002.

    Un travail sur la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua ne pouvait se faire sans analyser les écueils qui plombent la politique d'identification dans cette Région. Les obstacles de la politique d'identification dans l'Adamaoua sont d'ordres administratif, politique, économique, infrastructurel, professionnel et géographique. Sur

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    le plan administratif, le népotisme, le clientélisme et l'inertie caractérisent les postes d'identification de l'Adamaoua. Le manque de volonté des politique de développer les infrastructures notamment les bâtiments pouvant abriter les postes d'identification et les routes reliant les localités enclavées de l'Adamaoua participe à rendre plus difficile la tâche aux citoyens et rend également pénible la pratique d'identification dans l'Adamaoua. Le manque de professionnalisme des personnels d'identification demeure un problème dont le gouvernement doit apporter des solutions, en organisant par exemple des séminaires de formation, de remise à niveau ou de recyclage. Cela permettra à ceux-ci de faire moins d'erreur sur les formulaires de demandes de cartes nationales d'identité.

    En fin il a été question de souligner les manquements de la politique d'identification. La politique d'identification du Cameroun, bien qu'elle ait évolué présente des limites. D'emblée, dès l'institution, le gouvernement n'a pris aucune disposition pour informer les citoyens sur les véritables raisons de la mise sur pied de la carte nationale d'identité. L'une des raisons de la mise sur pied du système d'identification biométrique était de lutter contre le vol d'identité et l'acquisition illicite de la nationalité camerounaise. L'on constate que dès la mise en la place du nouveau système d'indentification, les postes d'identification clandestins ont automatiquement disparu laissant place aux nouvelles stratégies de vol d'identité et d'acquisition de la nationalité. Tout se passe comme si les autorités administratives ignoraient ce qui se passe dans les centres d'état-civil et dans les postes d'identification où les documents d'identité sont souvent délivrés frauduleusement aux étrangers. Ce qui remet en cause les objectifs de la politique d'identification au Cameroun qui sont entre autres, protéger et sécuriser l'identité des citoyens camerounais et sécuriser la nationalité camerounaise.

    SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES A-Sources

    1. Archives

    -ANY, 2AC1513, Loi n°68-LF-3 du 11 juin 1968 portant code de la nationalité camerounaise.

    -ANY, J.O 67/3, décret n°099/154 du 20 juillet 1999 fixant les caractéristiques et les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun. -ANY, J.O 64/22, loi n° 64-LF du 13 novembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité.

    -ANY, J.O 69/3, loi n° 69/LF/ du 14 juin 1969 portant réglementation de l'usage des noms et prénoms au Cameroun.

    -ANY, 2AC8746, loi n° 90-54 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l'ordre au Cameroun.

    -ANY, J.O 64/22, loi n°64 du 13 novembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité.

    -ANY, VCB/B ?1961/2, Foumban conference 17th Jully-21th 1961.

    -Loi n° 1990/043 du 19 décembre 1990, fixant les conditions d'entrée et de sortie du territoire Cameroun.

    -Loi n°715 du 10 décembre 1960 portant sur le maintien de l'ordre public

    -Loi n°90-54 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l'ordre

    -Décret n°64-DF-394 du 29 septembre 1964 instituant la carte nationale d'identité. -Décret n°83-392 du 22 août 1983 portant création de nouveaux départements et arrondissements

    -Décret n°2007/254 du 4 septembre 2007 fixant les caractéristiques et les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun.

    -Décret n°2008/376 du 11/12/2008 qui transforme les 10 Régions et érige les districts en arrondissements.

    159

    .

    160

    2. Sources orales

    Noms et âge

    Profession

    Ville d'entretien

    Date

    d'entretien

    01

    Amina Clémentine

    40 ans

    Ménagère

    Tibati

    06 juin 2014

    02

    Baino Pagoah 49 ans

    Chef de poste d'identification

    Banyo

    16 juin 2014

    03

    Bétara Narma Paul

    41 ans

    Personnel

    d'identification

    Meiganga

    04 août 2014

    04

    Boudié Jacques /

    Personnel

    d'identification

    Yaoundé

    20 juillet 2014

    05

    Dadjé Jacques

    37 ans

    Responsable antenne communale d'ELECAM

    Tibati

    04 juin 2014

    06

    Daagoula Ibrihim /

    Ancien personnel d'identification

    Tibati

    04 juin 2014

    07

    Deke Gabriel 32 ans

    agent de la Mairie

    Meiganga

    06 août 2014

    08

    Djaodji Adamou

    38 ans

    Berger

    Tignere

    13 août 2014

    09

    Djouldé Thomas

    Cultivateur

    Tignere

    13 août 2014

    10

    Eméguidé François /

    Personnel

    d'identification

    Yaoundé

    25 juillet 2014

    11

    Enama Justine Rose /

    Chef de poste d'identification

    Ngaoundéré

    07 octobre 2014

    12

    Diza Inès 48 ans

    Menagère

    Ngaoundéré

    12 août 2014

    13

    Hamadjida Oumarou /

    Officier de Police

    Meiganga

    08 juillet 2014

    161

    14

     

    Hamadou Malloum 81 ans

    Marabout

    Meiganga

    15 juillet 2014

    15

    Jonathan Ndjock

    36 ans

    Commerçant

    Ngaoundéré

    08 septembre 2014

    16

    Mohamadou Hassan

    37 ans

    Responsable de l'antenne communale d'ELECAM

    Ngaoundéré

    15 août 2014

    17

    Mohamadou Salissou

    53 ans

    Chef de poste d'identification

    Tibati

    03 juin 2014

    18

    Moussa François /

    Chef de poste d'identification

    Tignere

    12 août

    19

    Mvuti Pauline 23 ans

    Agent EXPRESS UNION

    Ngaoundéré

    28 septembre 2014.

    20

    Nanawa Sylvain 37 ans

    Personnel

    d'identification

    Tibati

    05 juin 2014

    21

    Ndjobdi Pierre 39 ans

    Personnel

    d'identification

    Ngaoundéré

    17 octobre 2014

    22

    Ngozo Jean 56 ans

    Ex-maire

    Tibati

    07 juin 2014

    23

    Nolla Roger /

    Chef d'antenne SACEL

    Ngaoundéré

    03 septembre 2014

    24

    Sanama Henri

    54 ans

    Commissaire de police

    Meiganga

    07 juin 2014

    25

    Seke Colomban /

    Commissaire divisionnaire

    Ngaoundéré

    07 octobre 2014

    26

    Souley Febadi 39 ans

    Inspecteur de police

    Meiganga

    03 aout 2014

    27

    Woulkane Norbert 48 ans

    Tailleur

    Banyo

    15 juin

    2014

    162

    B-RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

    1. Ouvrages

    -About, I., 2010, Histoire de l'identification des personnes, Paris, La Découverte. -Adiaffi, J.M., 1980, La carte d'identité, Paris-Abidjan-CEDA, Monde Noir Poche. -Amselle, J.L, 1976, Les migrations en Afrique, Paris, Maspero.

    -Bayart, J. F., 1985, L'État au Cameroun, 2e éd., Paris, Presses de la fondation Nationale des Sciences Politiques.

    -Bertrand, G., 2000, Identités et cultures dans les mondes alpins et italien (XVIIIe-XXe siècle), -Paris, L'Harmattan.

    -Debarbieux, B., 2005, Prendre position : réflexions sur les ressources et les limites de la notion d'identité en géographie, Paris, CTHS.

    -Dénis, V., 2008, Une histoire de l'identité 1715-1815, Paris, Champ Vallon.

    -Fogui, J.P., 1990, L'intégration politique au Cameroun. Une analyse centre-périphérie, Paris, LGDJ.

    -Gaillard, P., 1994, Ahmadou Ahidjo. Patriote et despote, bâtisseur de l'État camerounais, Paris, Jeune Afrique livre.

    -Gutton, J.P., 2010, Établir l'identité : l'identification des Français du Moyen Âge à nos jours, Lyon,Presses universitaires de Lyon.

    -HamadouAdama et al, 2014, De l'Adamawa à l'Adamaoua. Histoire, enjeux et perspectives pour le Nord-Cameroun, Paris, L'Harmattan.

    -Kaufmann, J.C., 2004, L'invention de soi. Une théorie de l'identité, Paris, Armand Colin/SEJER.

    -Ki-Zerbo, J., 1978, Histoire de l'Afrique noire d'Hier à Demain, Paris, éd. Hatier. -Lambony, G., 2001, De l'usage de la notion d'identité en géographie. Réflexions à partir d'exemples sud-africains, Paris,Harmattan.

    -Mamdani, M., 1996, Citizen and Subject: Contemporary Africa and the Legacy of Late Colonialism, Princeton: Princeton University Press.

    -Mariot, N., et Zalc, C., 2010, Face à la persécution. 991 Juifs dans la guerre, Paris, Fondation pour la mémoire de la Shoah.

    -Ministère de l'information et de la culture, 1985, L'identité culturelle camerounaise, Yaoundé, Direction des affaires culturelles.

    -Mveng, E., 1963, Histoire du Cameroun, Paris, Présence Africaine.

    -Ngayap, P.F., 1983, Cameroun qui gouverne ?De Ahidjo à Biya, l'héritage et enjeu, Paris, l'Harmattan.

    163

    -Noirel, G., 2007, L'identification. Genèse d'un travail d'État, Paris, Belin.

    -Noiriel, G., 1999, Les origines républicaines de vichy, Paris, Hachette.

    -Schnapper, D., 2000, Qu'est-ce que la citoyenneté, Paris, Gallimard.

    -Tajfel, H., 1981, Humans groups and social categories : Studies in social psychology,

    Cambbridge, UK : Cambridge University Press.

    -Tajfel, H., Turner J., 2001, Anintergrative theory of intergroup conflict. Intergroup

    relation : Essential readings, New York, US : PsychologyPress.

    -Thuillier, G., Tulard, J., 1986, La méthode en histoire, Paris.

    2-Articles

    -Appadurai A., 2002, « Après le colonialisme »,

    http://www.commposite.org/index.php/revue/article/view/58/57. Consulté le 30 mai 2014.

    -Berlière, J.M., 2005, «L'affaire Scheffer : une victoire de la science du crime ? La première identification d'un assassin à l'aide de ses empreintes digitales », in Cahiers de la sécurité, n°56, pp.15-42.

    -Bernard A., 1997, « Le regard du droit », In Science Humaines, hors-série, pp. 34-68. -Biéville, M., 1961, «La nationalité en Afrique : la nationalité camerounaise », Revue d'outre-mer, pp. 592-631.

    -Hamadou Adama, 1997, « Les nouveaux prénoms des peuls du Nord-Cameroun : historique et essai d'interprétation », Ngaoundéré-Athropos, Revue de Sciences sociales, vol.2, pp. 19-40.

    - Kaufmann,J.C., 2006, « L'invention de soi. Une théorie de l'identité », Revue interrogation ?, n°3, pp.32-71.

    - Mattioli, M.A., 2008, « L'introduction de la carte d'identité en Grande-Bretagne par le New Labour », Observatoire de la société britannique, http://osb.revues.org/661 ; DOI : 10.4000/osb.66, consulté le 14 avril 2014.

    -Monticelli, C. L., 2008, « Naissance de l'identification », La Vie des idées, ISSN : 2105-3030, http://www.laviedesidees.fr/Naissance-de-l-identification.html. Consulté le 14 avril 2014.

    -Mouiche, I., 1996, « Mutations sociopolitiques et replis identitaires en Afrique : le cas du Cameroun », Revue africaine de Science Politique, Vol.1, n°2, pp.63-88.

    -Noiriel, G., 1993, « L'identification des citoyens. Naissance de l'état-civil républicain », in Genèse n° 13, pp.75-89.

    164

    - Ombiono, S., 1982, « Les noms et les prénoms », in encyclopédie juridique de l'Afrique, Vol. 6, Droit des personnes et des familles, Abidjan, NEA, pp. 45-54.

    -Piazza, P., 2004, « Septembre 1921 : la première « carte d'identité de Français » et ses enjeux», Genèses, n° 54, pp.68-91.

    -Pourtier, R., 1987, « Encadrement territorial et production de la nation », in Terray E. (éd), L'État contemporaine en Afrique, Paris, l'Harmattan, pp. 352-391.

    -Spire, A., 2003, « Semblable et pourtant différents. La citoyenneté paradoxale des « Français musulmans » en métropole », Genèse, n° 53, pp.48-68.

    3-Mémoires et Thèse

    -Fourny, M., 2005, « Identités et dynamiques territoriales. Coopération, différenciation, temporalités », Thèse d'habilitation à diriger des recherches, Université Joseph-Fournier de Grenoble.

    -Harouna, R., 2009, « L'état-civil au Cameroun de la période coloniale allemande au début du XXIème siècle », mémoire de DEA en Histoire, Université de Ngaoundere. -Madjile, C., 2005, « Les minorités au nord- Cameroun : le cas des Mbororo », mémoire de DEA, université de Ngaoundéré.

    4-Dictionnaire

    -Dictionnaire Universel Larousse, 1997.

    -Lois-Littré E., 1877, Dictionnaire de langue française, Paris, Hachette. -Petit Larousse, 1998.

    5-Journaux

    - Jeune Afrique économie, 1995, n°190, pp. 13-17

    - Cameroon Tribune n° 8918/5117, du 23 Aout 2004.

    - Cameroon tribune, n°4790 du 20 décembre 1990.

    - Cameroon tribune, n°2508 du lundi 4 novembre 1996.

    6-Sites internet consulté

    - http://www. Camer.be.cm,

    - http://www.fri.fr/actu fr/articles/ - http://www.camerooninfos.net

    ANNEXES

    165

    ANNEXE 1 : décret définissant les caractéristique et les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité informatisée du Cameroun.

    166

    Source : Archives du Ministère de l'administration territoriale et de la décentralisation.

    167

    ANNEXE 2 : désignation des chefs de postes d'identification de la Région de l'Adamaoua (avril 2014).

    Source : Archives de la délégation régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua.

    168

    ANNEXE 3 : Procès-verbal de ramassage des demandes du poste d'identification de Meiganga (AD 07)

    169

    ANNEXE 4 : fiches de rejet des demandes de cartes nationales d'identité

    170

    171

    172

    173

    TABLE DES MATIERES

    DEDICACE i

    REMERCIEMENTS iii

    RESUME v

    ABSTRACT vi

    LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES vii

    SOMMAIRE vii

    TABLE DES MATIERES 173

    LISTE DES PHOTOS x

    LISTE DES FIGURES xi

    LISTE DES TABLEAUX xii

    INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

    CHAPITRE 1: INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE

    NATIONALE D'IDENTITÉ AU CAMEROUN 27

    I-Historique des pièces d'identité officielles du Cameroun (1922-1960). 29

    1. L'état-civil de l'époque coloniale. 30

    2. La carte de résidence en Métropole. 32

    II-Institution et évolution de la carte nationale d'identité au Cameroun

    de 1960 à 2007. 35

    1-Législation et conditions d'établissement de la carte nationale d'identité au

    Cameroun. 36

    174

    1-1. Les décrets et les lois instituant, organisant et contrôlant la carte nationale

    d'identité au Cameroun (1964-2007). 37

    1-2.Les conditions d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun. 41

    1-3.Les acteurs de l'identification 45

    2.Évolution des énonciations de la carte nationale d'identité 48

    2-1.Carte d'identité établie entre 1960 et 1964. 49

    2-2. Carte nationale d'identité bilingue établie de 1964 à 2013. 50

    2-3. Les rubriques et caractéristiques de la carte nationale d'identité informatisée. 54

    III-Avantages et inconvénients de la carte nationale d'identité. 63

    1. La carte nationale d'identité : un outil de contrôle de l'État. 65

    2. Multiples avantages de la carte nationale d'identité. 67

    3-Inconvénients de la carte nationale d'identité. 72

    CHAPITRE 2 : ÉTABLISSEMENT DES CARTES NATIONALES

    D`IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA. 77

    I- Évolution de la structure administrative de l'Adamaoua et la mise

    en place des postes d'identification. 79

    1. Évolution de la structure administrative de l'Adamaoua. 80

    2-La mise en place des postes d'identification. 84

    2-1. Les premiers postes d'identification de l'Adamaoua. 85

    2-2. Répartition des postes d'identification dans l'Adamaoua à partir de 1995. 87

    II- Pratique d'identification dans l'Adamaoua de 1960 à 2013. 96

    1-Établissement des cartes nationales d'identité uniquement dans les centres urbains

    (1960-1999). 96

    2-Le déploiement des postes d'identification à partir des années 2000. 98

    3-Le démarchage dans le processus d'identification. 103

    III-Les réactions des populations à l'égard de la question

    d'identification. 105

    1. Une passivité des populations à l'égard de la carte nationale d'identité. 105

    2. La ruée des citoyens dans les postes d'identification à partir des années 1990. -- 108

    3. Abandon des cartes nationales d'identité dans les postes d'identification. 112
    CHAPITRE 3: BILAN DE L'IDENTIFICATION DANS

    L'ADAMAOUA ET LES DÉFIS DE LA POLITIQUE

    D'IDENTIFICATION 120

    I-Bilan de l'établissement des cartes nationales d'identité dans

    l'Adamaoua. 121

    1. Récapitulation des productions de cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua de

    1976 à la fin des années 1980. 122

    2. Bilan d'identification dans l'Adamaoua de 2000 à 2013. 132

    II- Impact de l'identification dans l'Adamaoua. 135

    1. Fragilisation de la nationalité camerounaise et trafic d`identité. 135

    2. La participation aux échéances électorales. 139
    III-Obstacles liés à l'etablissement et à l'obtention des cartes nationales

    d'identite dans L'Adamaoua. 142

    1. Barrières administratives, politiques et économiques.

    143

     

    1-1. Les obstacles administratifs.

     

    144

    1-2.Les barrières politiques.

     

    146

    1-3.Les barrières économiques.

     

    146

    2. Les obstacles infrastructurels, professionnels et géographiques.

    147

     

    2-1. Les obstacles infrastructurels.

     

    147

    2-2. Manque de professionnalisme.

     

    147

    2-3. Barrières géographiques.

     

    149

    3. Les limites de la politique d'identification du Cameroun.

    150

     

    CONCLUSION GÉNÉRALE

     

    154

     

    175

     

    SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 159

    176

    ANNEXES 165

    177






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe