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La carte nationale d'identité dans l'Adamaoua: 1960-2013

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par Gabana Jean Francis
Université de Ngaoundéré - Master Recherches en Histoire 2013
  

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III-Obstacles liÉs À l'établissement et À l'obtention des cartes

nationales d'identité dans l'Adamaoua.

Comme nous l'avons évoqué précédemment, l'identification des citoyens qui inclut aussi bien le fonctionnement de l'administration que la mise en oeuvre des politiques publiques ne se résume pas seulement à des phénomènes de « pouvoir de, pouvoir sur », de domination ou de contrôle de corps. Il s'agit en même temps de forme de gestion du service d'identification. Cette dimension de la politique d'identification au Cameroun a souvent été oubliée. L'administration en général, les agents, les dispositions d'identification au Cameroun sont perçues comme un processus des structures caractérisées par la corruption, le népotisme, le clientélisme, le manque

17 Cette information a été relayée par la CRTV-Radio, station de l'Adamaoua à l'émission « Gazette régionale » à 19 h 15 minutes, en date du 05 mai 2013.

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de professionnalisme etc. Or, quand bien même ce serait vrai, partiellement, le service d'identification au Cameroun, assure plus ou moins bien efficacement, sa mission qui est celle d'identifier les citoyens. Il importe de préciser que la délivrance de la carte nationale d'identité au Cameron est assurée conjointement par la délégation générale à la sûreté nationale (DGSN), la société d'assistance et de conception en électronique (SACEL)18 et la société THALES. Le service d'identification pris dans cette situation, constitue, un champ semi-autonome qui n'est certes pas indépendant de la nature de services. Diverses recherches ont été menées depuis plusieurs années sur l'identification et ont en effet, mise en évidence la convergence des difficultés de l'identification des citoyens. Aux trajectoires des pratiques d'identification assez similaires à celles de la France, au Cameroun depuis l'institutionnalisation, l'établissement et la délivrance des cartes nationales d'identité, connaissent de nombreuses difficultés. Pour examiner les

origines des difficultés, il faut remonter la période coloniale. C'est en effet la
colonisation qui non seulement a mise en place l'État en Afrique, particulièrement, au Cameroun, mais aussi, à y regarde de prêt à également jeter les bases de la forme contemporaine d'identification. Ainsi, le système d'identification au Cameroun semble être inadapté dans les sociétés régies par des valeurs traditionnelles. La présente partie devrait contribuer à une meilleure connaissance des obstacles qui plombent l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. Ces obstacles se situent à plusieurs niveaux : administratif, politique, économique, géographique, professionnel etc.

1. Barrières administratives, politiques et économiques.

La majorité des pays colonisés par la France sont dotés des mécanismes d'identification des populations. Par ailleurs, bon nombre de citoyens au Cameroun, dans l'Adamaoua précisément, n'ont pas accès aux postes d'identification. Pour comprendre une telle situation, il s'agit d'analyser les obstacles administratifs, politiques et économiques.

18Société française issue du Groupe Fabre

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1-1. Les obstacles administratifs.

Sur le plan administratif, il se pose un problème au niveau de la relation entre bureaucrates et usagers. En effet, l'on remarque que les pratiques de l'administration coloniale ont introduit une très grande marge de l'arbitraire dans la rationalité procédurale de la bureaucratie classique de la métropole officiellement importé dans les colonies en Afrique. Jean-Pierre Olivier de Sardan le remarque si bien en ces termes :

Il n'y a pas eu de rupture importante entre l'administration coloniale et l'administration postcoloniale, bien au contraire. Avec les indépendances, les nouveaux États se sont construits dans une logique de continuité et d'amplification du modèle colonial. Les innovations postcoloniales ont plutôt été dans le sens d'un élargissement ou d'un approfondissement du modèle colonial que de sa transformation ou de son abolition.19

De ce qui précède, l'on constate qu'il y a une continuité des pratiques de l'administration coloniale dans l'administration postcoloniale au Cameroun. En fait, au-delà du mépris souvent affiché de beaucoup de fonctionnaires européens pour les administrés africains pendant la colonisation, ce sont des générations d'auxiliaires et de commis africains qui ont appris auprès des colonisateurs à édifier une barrière entre eux même et les populations locales, à multiplier les signes affirmant leur statut de « privilégiés », à construire la supériorité par l'affirmation de l'infériorité des autres et à user de l'arbitraire.

S'inscrivant dans le même sillage, il faut noter que, les services d'identification dans l'Adamaoua sont caractérisés par une bureaucratie de mépris, des pratiques de corruption, de népotisme et même de clientélisme. L'on note à la fois une sous-administration qui perdure malgré l'évolution du système d'identification et un décalage entre normes et usages locaux et usages officiels. Diverses formes de sous-traitance, de clientélisme et d'informalité loin des règles officielles d'identification telles que définies par les textes, font le quotidien des postes d'identification de l'Adamaoua. Cette situation débouche sur les négociations et l'intermédiation se traduisant par des multiples arrangements et sans doute à l'origine des premières formes de corruption faisant la part belle aux « démarcheurs » presque omniprésents dans les postes d'identification.

19 Intervention de J.P. Olivier de Sardan au colloque IRG/ARGA, janvier 2007, Bamako(Mali).

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Le clientélisme bureaucratique dans les postes d'identification de l'Adamaoua se manifeste par le comportement des personnels. En effet, pendant les périodes d'affluence dans les postes d'identification, certains personnels accordent des faveurs à leurs protégés comme ceux avec qui ils partagent le même groupe ethnique ou ceux qui les rendent peut être des services ou encore à leurs parents et connaissance20.

Par ailleurs, l'un des principaux problèmes de l'identification dans l'Adamaoua est celui de la couverture de services sur l'ensemble de la Région. En effet, l'on a l'impression, sans risque de se tromper, que les postes d'identification de l'Adamaoua ont été créés sur une base discriminatoire. Les zones urbaines telles que les chefs- lieux de département ont été mieux couvertes par des postes d'identification que les zones rurales. Jusqu'ici, les zones rurales de l'Adamaoua tels que Belel, Ngaoui pour ne citer que celles-là, n'ont pas de poste d`identification. L'absence de poste d'identification dans ces zones est un obstacle non seulement pour la population mais aussi pour l'administration. Le constat de ce manquement se traduit par les propos du responsable ELECAM de Belel : « Si on avait un poste d'identification dans l'arrondissement de Belel, on ne serait pas dernier de la classe des inscrits sur les listes électorales dans la région de l'Adamaoua »21.

Bien plus, l'on note une absence de surveillance et de supervision adéquates qui assureraient le respect des lois relatives à l'établissement des cartes nationales d'identité. Souvent, les informations essentielles ne sont pas scrupuleusement enregistrées sur les formulaires. Des informations frauduleuses telles que la limitation d'âge, des changements illégaux de noms, prénoms lieu de naissance sont enregistrés sur les formulaires.

En somme, la corruption, le clientélisme, les fraudes, l'inertie et le laxisme qui caractérisent l'administration camerounaise sont autant d'obstacles qui plombent l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. Cependant, la question d'identification au Cameroun relève surtout de la volonté du politique. Il se

20 Entretien avec Djouldé Thomas, cultivateur, Tignere, 13 août 2014.

21 Entretien avec Mohamadou Hassan, responsable d'antenne ELECAM de Belel, Ngaoundéré, 20 aout 2014.

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trouve donc que dans l'Adamaoua, l'établissement des cartes nationales d'identité se heurte aux barrières politiques.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand