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La responsabilisation du secteur privé dans le contrôle des exportations de défense en France. Quelles perspectives pour la commercialisation d'armements ?

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par Yann Wendel
Université Panthéon-Assas Paris II - Master 2 Défense et Dynamiques Industrielles 2016
  

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2. La mise en place d'une approche « risques » : l'attribution des contrôles les moins stratégiques au secteur privé

Afin de faire face efficacement aux nouveaux enjeux découlant des changements industriels en Europe, l'Etat doit faire évoluer ses modalités de contrôle et donc se recentrer sur les points durs de sa compétence régalienne dans une logique « risques », en déléguant les procédures les moins sensibles aux acteurs privés, l'entreprise devenant l'échelon le plus pertinent pour le contrôle de base. Le mouvement de privatisation des entreprises régaliennes, mais également la baisse progressive des budgets de l'Etat, ont constitué une opportunité pour ce dernier de rationaliser ses moyens, en reportant sur les entreprises le coût induit par le contrôle et en prenant un rôle d'accompagnement du secteur privé dans ses missions. Les moyens de l'Etat dans le contrôle se sont donc ajustés dans une logique de modernisation et de simplification de l'action publique (dans la droite ligne de la Révision Générale des Politiques Publiques108 débutée en 2007), dans la mesure où il est préférable pour ce dernier d'être un bon régulateur qu'un mauvais acteur du contrôle109. Ainsi, le désengagement de l'Etat dans le contrôle ne s'effectue pas sur le fond, mais sur la forme, dans la mesure où le contrôle a posteriori remplace un contrôle systématique a priori par un principe d'échantillonnage.

Dans les faits, les licences sont désormais presque toutes délivrées sans problème. A titre d'exemple, en France en 2015, sur 5346 licences notifiées, 5208 ont été traitées par voie numérique ; le passage en réunion plénière CIEEMG ne concerne donc que 5% des licences notifiées. Les licences générales de transfert, quant à elles, regroupent, rationnalisent et fluidifient les opérations les plus simples, en les soustrayant au contrôle systématique de l'Etat dans tous les cas et en les soumettant au contrôle de l'entreprise. Le contrôle administratif s'effectue donc sur l'entreprise dans son ensemble plutôt que sur les opérations individuelles, ce qui demande un dialogue permanent entre secteur privé et puissance publique. Ainsi, pour s'aligner avec les intérêts stratégiques de la France tout en permettant

108 Révision Générale des Politiques Publiques.

109 MIGEON F-D. (2010), La méthode RGPP : placer le changement au coeur de l'administration, Revue française d'administration publique, 2010/4 n°136, pp.944-985

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une fluidité du marché de l'armement à des fins économiques, les entreprises de défense se voient attribuer la part des contrôles les moins stratégiques, l'Etat se concentrant à travers le passage en CIEEMG sur les opérations les plus risquées au moyen de conditions restrictives associées aux licences, qui concernent environ 39% des licences délivrées actuellement110.

En France, la prééminence des prérogatives étatiques dans le contrôle export se manifeste à travers le contrôle de la destination finale (CNR111), qui formalise l'engagement de l'acheteur à respecter les réserves de destination émises par le vendeur ; ainsi qu'avec le contrôle de l'utilisation finale du bien vendu (CUF112), qui peut être, au même titre que le CNR, une obligation à part entière du contrat que le client doit remplir, et qui identifie le type, la quantité, la valeur du matériel, le nom et l'adresse des contractants, et la destination finale du matériel. L'industriel se chargeant de récupérer localement ces documents auprès de l'Etat importateur et de les faire authentifier par les autorités françaises, le secteur privé reste maître de sa relation commerciale, tout en rendant des comptes à l'Etat du fait d'enjeux sécuritaires induits. Ces conditions sont en effet nécessaires dans la mesure où le contrôle export français, contrairement à celui des Etats-Unis avec les règles ITAR113 et EAR114 « de minimis », n'a pas une application extraterritoriale automatique. Dans le cas de matériel spécifié ITAR, le gouvernement acheteur doit en effet demander l'autorisation aux Etats-Unis avant d'utiliser son système d'armes, ce qui assure un contrôle permanent de la part de l'exportateur américain.

A cet effet, la généralisation de la clause attrape-tout est particulièrement révélatrice. Destinée au contrôle des biens à double usage qui ne sont pas identifiés sur les listes, elle permet aux entreprises qui, de par leur expertise de leur produit et leur connaissance du client, sont à même d'alerter le pays avec lequel elles sont en affaire, en cas de risque de détournement du produit exporté, afin de lutter contre la prolifération d'armes chimiques, biologiques ou nucléaires. L'entreprise devient donc un acteur du contrôle à part entière et joue un rôle dans la sécurité des pays.

De manière similaire, les licences globales fournissent un meilleur cadre réglementaire au contrôle à des fins de sécurité collective, tout en donnant une plus grande liberté aux industriels. Les modalités applicables à ces dernières sont toutefois très strictes et bien

110 Chiffres du séminaire « Contrôle export » de la DGA du 13 mai 2016.

111 Certificat de non-réexportation.

112 Clause d'utilisation finale.

113 International Traffic in Arms Regulations.

114 Export Administration Regulations.

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délimitées, ce qui compense la réduction des contrôles. Les entreprises doivent, quel que soit le type de licence utilisé, tenir des registres de leurs exportations et en rendre compte chaque semestre, l'entreprise devenant un acteur à part entière de la détection de partenaires commerciaux ne respectant pas les règles115. Ainsi, l'Etat ne se désengage pas du contrôle, mais entreprend une redéfinition de ses rapports avec l'entreprise, en redistribuant de manière plus collaborative les périmètres de contrôle entre les deux secteurs.

115 GIACOMETTI M. (2006), L'évolution des dispositifs de contrôles des exportations de produits de défense de l'Europe : conséquences sur les relations entre Etats et entreprises, Presses Universitaires de France, pp.358

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