WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

S'exposer et souffrir. Blessures et nudité dans la performance féminine contemporaine. Avatars et dérives d'une fonction politique.

( Télécharger le fichier original )
par Naura Kassou
Université de Lorraine (site de Metz) - Maîtrise d?Arts et culture (mention Arts plastiques) 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.2 - Portraits d'artistes en Héautontimorouménos

Comme nous l'avons remarqué, les performeuses qui soumettent leur corps à la souffrance et à l'automutilation sont rares. Mais en matière de pratiques, l'imagination est protéiforme. Les outils employés vont du fouet à la flamme et de la lame de rasoir à ... la sangsue. Il n'est pas dans notre intention de tenter un quelconque classement des artistes par accessoire, qui pourrait donner à penser que ces derniers sont choisis plus en fonction de la douleur infligée que de leur utilité fonctionnelle ou de la symbolique qu'ils véhiculent. Les accusations de masochisme primaire, comme d'exhibitionnisme pur et simple, ont été suffisamment répandues pour que nous ne donnions pas l'impression de nous joindre à la curée. Nos recherches porteront essentiellement sur l'analyse d'artistes emblématiques, souvent plagiées, très rarement égalées, et, en particulier, sur les motivations avouées par ces dernières ou prêtées par le nécessaire cortège de commentateurs.

« C'est dire que, contrairement à ce qu'affirment souvent ses contempteurs, l'art contemporain n'est nullement vide de sens : il en est plein, car il est empli des significations que lui attribuent ceux qui écrivent sur lui. « Donner prise » à des interprétations est le passage obligé de l'intégration d'une proposition artistique au monde de l'art contemporain, comme l'explique bien le sociologue Morgan Jouvenet : « Ce sont aussi les artistes qui orientent la compréhension de leurs travaux dans les cercles

91

d'experts, présentant, au gré des ``feedbacks réciproques» qui guident le choix des uns et des autres, des saillies «intéressantes» pour les commissaires. »78

Nous débuterons par la plus singulière d'entre-elles, celle dont le parcours pour le moins multiforme et les actions79 parfois sibyllines, ont été à l'origine de multiples exégèses souvent enflammées, quelquefois confuses ou hermétiques, mais très rarement univoques. Gina Pane, puisqu'il s'agit d'elle, est un kaléidoscope d'exacerbations variées, travesti en moniale. Mais le résultat est instable : il arrive à chacun des éléments de prendre le dessus sur l'autre. La peinture et la sculpture minimaliste ont été ses premiers moyens d'expression. Puis, en 1968, à la suite d'une promenade dans les environs de Turin, elle entame une série d'actions proches du Land Art américain débutant, et conduites au sein du paysage naturel. Mais c'est en 1970 qu'elle réalise dans son atelier la première des actions douloureuses80, au cours desquelles et seulement jusqu'en 1981, elle soumettra son corps aux violences qui sont l'objet de cette étude.

78 N. Heinich, « Le paradigme de l'art contemporain. Structure d'une révolution artistique », op. cit., p.186.

79 Au terme de performance, qu'elle hésitait à utiliser en raison de son côté trop théâtral, Gina Pane préférait celui d'action.

80 Blessures théoriques, 1970. Trois photographies témoignent de trois utilisations d'une lame de rasoir : découper un papier, fendre un tissu, inciser un doigt.

92

Rapidement, d'autres performances, celles-ci publiques, vont suivre. Les commentaires qu'en font la majorité des observateurs sont plus que mitigés.

« Dans les années 1970, l'oeuvre de Gina Pane a suscité des rejets. Sur un mode ironique et critique, les observateurs de l'époque ont rapidement assimilé les protagonistes de l'art corporel à deux séries de figures, les martyrs et les fous, en envisageant leurs gestes à l'aune d'un cadre tantôt religieux (« posture messianique ») tantôt pathologique et médical (« masochisme », « repli sur soi », complaisance au morbide »). »81

Ce sont certainement ces conformistes qui sont pointés du doigt dans la Lettre ouverte qu'elle publie dans Artitudes International n°24-26 de juin-septembre 1975 pour dénoncer ceux qui font d'elle : « LA MARGINALE que la POLICE DES INITIÉS détourne de la VIE DES ARTS pour paralyser la déflagration de ses ACTIONS, car on en parle de ses ACTIONS comme d'un acte sexuel des plus dénaturé. »82 Il faut dire que ses actions, justement, sont loin d'engendrer la monotonie : elle se lave les mains dans du chocolat chaud, se coupe le visage, les mains, les pieds et le ventre avec une lame de rasoir, lape du

81 J. Bégoc, 2010, « La vraie image selon Gina Pane. Quelques réflexions pour une anthropologie des images de l'art corporel », communication réalisée dans le cadre de la journée d'études « Les fluides corporels dans l'art contemporain » organisée à l'INHA, Paris, le 29 juin 2010, p.1, source citée : http://hicsa.univ-paris1.fr/documents/pdf/PublicationsLigne/La%20vraie%20image.pdf (consulté le 16/12/2015).

82 G. Pane, « Gina Pane. Lettre à un(e) inconnu(e) », Paris, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2012, p.19.

93

lait et de la menthe dans des éclats de verre, ou escalade une échelle dont les barreaux ont été hérissés de pointes tranchantes. Plusieurs constantes accompagneront son parcours : elle ne sera jamais nue (tout au plus dévoilera-t-elle un sein au cours de Psyché 1974), ses blessures ne mettront jamais sa vie en danger, et ses actions feront l'objet d'une préparation et d'une mise en scène dont la méticulosité s'étendra jusqu'au travail et au choix des photographies qui en documenteront la trace.

« Un an avant sa disparition, Gina Pane (1939-1990) faisait une déclaration qui suffit à définir le statut qu'elle accordait à ses grands montages photographiques dénommés « constats d'action ». « La mise au mur était donc déjà intégrée dans l'action, affirme-t-elle. L'action corporelle n'a jamais été pensée comme une oeuvre éphémère, mais comme une composition murale réalisée en trois temps. » Ces trois temps - préparation (story-boards), action et prises de vue, puis montage -, désignent un processus maîtrisé dans lequel la photographie travaille à l'accomplissement iconique de la performance »83

Par ailleurs, ses actions feront souvent l'objet d'une surinterprétation dramatique qui en desservira la sincérité et le bien-fondé. On oubliera trop vite la femme révoltée et très déterminée, sous la dimension ritualisée et proche de l'iconographie chrétienne mutilante de certaines d'entre-elles. On confondra pudeur avec pudibonderie. L'extrême minutie

83 J. Hountou, 2008, « Le corps au mur. La méthode photographique de Gina Pane », Études photographiques, source citée : http://etudesphotographiques.revues.org/229 (consulté le 15/01/2016).

94

avec laquelle elle travaillera et le silence qui accompagnera ses oeuvres pourront, à tort, donner l'impression d'une maîtrise des sens et des objets un peu glaçante. On occulte de cette façon une part importante de sa personnalité. Celle qui lui fait écrire « Je rends hommage à VAN GOGH qui a donné un formidable coup de pied au cul des ronds de cuir. »84, ou encore « L'humour et le dérisoire sont aussi des éléments associatifs de l'imaginaire qui soulignent, avec force, le peu de réalité de la réalité. »85 Certes, on ne peut s'affranchir de certaines exégèses prestigieuses, comme celle86 où « en s'allongeant sur une structure de métal sous laquelle brûlent des bougies, elle métaphorise la souffrance de la femme qui accouche »87 qui côtoie, pour la même action, « la structure métallique sur laquelle Gina Pane s'allonge, garnie de douze bougies dont les flammes lui frôlent le dos, a souvent été comparée aux structures primaires omniprésentes dans l'art des années 1970. Mais elle renvoie également au gril du martyre de Saint Laurent, dont on trouve encore des

84 G. Pane, « Gina Pane. Lettre à un(e) inconnu(e) », op. cit., p.19.

85 G. Pane, « Gina Pane. Lettre à un(e) inconnu(e) », ibid., p.111.

86 Il s'agit de : Action Autoportrait(s) 1973. Galerie Stadler, Paris.

87 D. Le Breton, « Body Art : la blessure comme oeuvre chez Gina Pane » in C. Biet et S. Roques (dirs.), « Performance. Le corps exposé », op. cit., p.104.

95

exemplaires exposés dans les musées italiens. »88 Pourtant, le plus évident ne serait-il pas de s'imprégner des propres termes de l'artiste ?

« L'action avait pour but de transposer l'autocréation en signe autonome de la femme. Mise en condition - activité pulsionnelle et activité du monde extérieur, articulées à deux niveaux : sur la variation de l'intensité de l'énergie globale, sa répartition sur la chair : feu (désir/affect) et sur l'esprit : DOULEUR (déchirement), FANTASMES : réactions (conditionnées par une soumission historique de la femme à l'homme). »89

Le feu n'y est-il pas clairement rapproché du désir et de la chair ? Et le fantasme y apparaît-il religieux ? Dans ce style quasi télégraphique si facilement identifiable, où le jaillissement des idées semble buter sur les mots, on perçoit bien toute l'ambiguïté et la sensualité que Gérard Mayen devait pressentir sous « l'apparence d'une intégrité physique trop sage pour

88 J. Bégoc, 2010, « La vraie image selon Gina Pane. Quelques réflexions pour une anthropologie des images de l'art corporel », op. cit., p.7.

89 G. Pane, ACTION AUTOPORTRAIT(S), Notes, JANVIER 1973, GALERIE STADLER, PARIS, « GINA PANE. TERRE-ARTISTE-CIEL », dossier de presse, Paris, Centre Pompidou, (16 février-16 mai 2005), p.18, source citée : http://www.geifco.org/actionart/actionart01/entidades_01/CENTROS_CULTURALES/CentrePompidou/gi napane/1%20DP%20Gina%20Pane.pdf (consulté le 05/01/2016).

96

ne rien cacher. »90 On a écrit que ses performances étaient « [...] souvent insupportables pour le public. »91 Mais, la France du début des années 1970 ne pouvait lui proposer, au mieux, qu'un public à l'image de son président, Georges Pompidou, moderne et décalé certes, mais aussi élitiste. Plus prompt, en matière d'art contemporain, à s'enthousiasmer pour Pierre Soulages, Jean Dubuffet ou Yves Klein qu'à ouvrir grand les yeux devant les entailles que s'infligeait Gina Pane. Alors, effectivement, ses actions ont pu être anxiogènes pour celles et ceux qui n'y ont vu que la marque d'un « masochisme pur »92 ou d'un « délire mystique »93.

Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer Marina Abramovic dans le chapitre que nous consacrions à la nudité. Nous l'avons qualifiée d'incontournable et de parangon de la nudité performantielle. Et s'il était nécessaire de résumer en quelques mots sa place et son influence dans le monde de la performance mutilante, nous pourrions employer les mêmes

90 G. Mayen, « Qu'est-ce que la performance ? », op. cit., p.9.

91 D. Le Breton, « Body Art : la blessure comme oeuvre chez Gina Pane » in C. Biet et S. Roques (dirs.), « Performance. Le corps exposé », op. cit., p.106.

92 D. Watteau, 2004, « « Regarde-moi » : les appels muets des femmes dans l'art contemporain. », Savoirs et clinique 1/2004 (n°4), source citée : www.cairn.info/revue-savoirs-et-cliniques-2004-1-page-108.htm (consulté le 17/01/2016).

93 D. Watteau, 2004, « « Regarde-moi » : les appels muets des femmes dans l'art contemporain. », ibid.

97

termes. Plus encore que pour la nudité, il existe en elle un inextinguible besoin de se confronter à ses limites mentales et physiques et l'ambiance de certaines ses performances, même les moins sanglantes, confine autant à celle de la réalisation d'une oeuvre d'art puissante, qu'à celle d'une des compétitions sportives auxquelles notre société nous a habitué.

« Dans une société de performance extrême, le sport n'est plus seulement une activité corporelle : il devient un état d'esprit marqué par le goût du dépassement des limites. Au lieu qu'un exploit soit réalisé, mettant au défi autrui de l'égaler, le record devient sans cesse « à battre ». Et l'ennemi devient plus soi-même que l'autre. Il s'agit de « se » battre, et de se dépasser soi-même chaque fois plus. »94

Marina Abramovic est l'exemple type d'un formatage éducatif familial basé sur la discipline, le contrôle du corps et des sentiments, et le respect des règles politiques et religieuses dont les performances représenteront les exutoires partiels et temporaires. Car rien n'est définitivement réglé pour elle, et chaque performance, en solo ou en couple avec son compagnon Ulay, remet en cause un acquis antérieur. Ainsi, l'étoile soviétique qui a marqué son enfance par son omniprésence et sa symbolique totalitaire, puis a manqué de l'asphyxier dans une de ses premières performances : Rhythm 5 (Rythme 5) 1974, elle l'a

94 P. Baudry, « Le Corps Extrême. Approche sociologique des conduites à risque », Paris, Éditions L'Harmattan, 1991, p.85.

98

transformée en glace avant de s'y coucher en y opposant une source radiante de chaleur, puis l'a gravée à plusieurs reprises sur son ventre avec une lame de rasoir : Lips of Thomas (Lèvres de Thomas) 1975 (reproduite plusieurs fois avec quelques variantes). De même, chacune de ses performances en couple avec Ulay, a donné le spectacle d'une confrontation physique frontale et violente, ou s'est faite l'écho d'une relation autant fusionnelle que nécessairement explosive. Dans Relation in Space (Relation dans l'espace) 1976, ils se percutent, nus, et de plus en plus rapidement, pendant une heure, et Light/Dark, (Lumière/Ténèbres) 1977, leur permet de se gifler respectivement et de plus en plus fort, en cadence. Les problématiques soulevées sont limpides. Et le besoin de confrontation ouvertement exprimé.

« Dans notre civilisation occidentale, nous sommes si pleins de peur, contrairement aux cultures orientales, que nous n'avons jamais développé de techniques qui puissent déplacer les limites physiques. La performance a été pour moi une forme qui a rendu possible ce saut mental. Initialement, lorsque je travaillais toute seule, ou dans les premières phases de mon travail avec Ulay, l'élément du danger, la confrontation avec la douleur et l'épuisement des forces physiques étaient très importants,

99

car ce sont les états de la «présence» totale du corps, états qui maintiennent une personne sur le qui-vive et consciente. »95

La même année, Marina Abramovic et Ulay apparaissent dans Relation in Time, dos à dos, prisonniers en quelque sorte d'une queue de cheval commune qui caractérise parfaitement l'aspect carcéral autant que fusionnel de leur couple. Breathing In - Breathing Out (Inspirant - Expirant) 1977, les retrouve, accolés à pleine bouche, échangeant leur souffle et s'asphyxiant mutuellement petit à petit. Dans AAA-AAA 1978, ils sont encore face à face, hurlant de plus en plus fort jusqu'à extinction de voix. Jusque dans leur ultime performance commune, The Lovers, The Great Wall Walk (Les amoureux, La marche sur la Grande Muraille) 1988, où après avoir marché l'un vers l'autre, pendant quatre-vingt-dix jours et sur quatre mille kilomètres de la Grande Muraille de Chine, ils mettent fin à leur couple et à leur collaboration par une longue poignée de main, Marina Abramovic affirme l'inexistence, pour elle, de la notion de certitude et le mirage des acquis. Elle est bien dans la « vraie réalité » évoquée dans le premier chapitre. Elle l'a été, à son paroxysme, dans Rhythm 0 (Rythme 0) 1974, qui relègue le Cut Piece (Pièce découpée) 1965, de Yoko Ono au rang de bluette conceptuelle : Pendant six heures, et à l'aide d'un ensemble hétéroclite

95 Marina Abramovic citée dans, C. Morineau et Q. Bajac avec la collaboration de M. Archambault, « elles@centrepompidou », op. cit., p.20.

100

d'outils, mis par elle à la disposition du public qui était autorisé à en faire un libre usage, son corps a été déshabillé, palpé, incisé, attaché, souillé, peint, couronné d'épines et même menacé d'un revolver chargé. Une partie du public avait alors demandé l'arrêt de la performance. Mais à un tel degré d'interaction entre le public et l'artiste, on peut légitimement se demander si le premier n'avait pas, à un certain moment, pris le rôle du second.

Depuis quelques années, elle apparait plus apaisée :

« Dans les années 1970, la performance permettait aux gens d'exprimer la violence qu'ils avaient en eux. Aujourd'hui cette violence est omniprésente dans nos sociétés. Sur Internet, on voit des hommes en décapiter d'autres. Il n'est donc pas nécessaire que l'art en rajoute. Dans un monde contemporain aussi dur, dans un monde d'injustice où aucun pays ne peut plus servir de modèle, il est plus important d'offrir un amour inconditionnel. »96

Sans la précision de certains de ses propos, on pourrait la croire impassible, rendue indifférente à force de dureté supportée et infligée. Cependant, mythifiée, elle devient plus

96 Entretien avec M. Abramovic réalisé par Y. Youssi, 2012, « Marina Abramovic, la grand-mère kamikaze de l'art contemporain », Télérama, source citée : http://www.telerama.fr/scenes/marina-abramovic-la-grand-mere-kamikaze-de-l-art-contemporain,90368.php (consulté le 08/04/2016).

101

difficile à cerner. Même Ulay avoue lui-même ne pas savoir si elle a ou non joué l'émotion lors de leur rencontre sur The Artist is Present (L'artiste est présente) 2010.97 Il reste certainement, dans la grand-mère de l'art-performance, plus de la tueuse qu'il n'y parait.

Aux deux totems que sont Gina Pane et Marina Abramovic, il apparaitrait logique de rajouter la Française ORLAN qui leur est souvent associée.

« De In Mourning and in Rage, de Suzanne Lacy et Leslie Labowitz, aux expériences d'« ordeal art » (art de l'épreuve) entreprises par Gina Pane, Linda Montano, Marina Abramovic, Angelika Festa et Orlan, l'art féministe a beaucoup parlé des formes de violence physiques subies par les femmes dans un monde masculin et de leurs conséquences. »98

Pourtant, s'il est exact que les cicatrices qui marquent le corps de ces trois artistes proviennent d'outils quasiment identiques (lames de rasoir, couteaux ou scalpels), leurs motivations réciproques et le rapport qu'elles entretiennent avec la douleur, sont, eux fondamentalement différents. De plus, les métamorphoses que subit le corps d'ORLAN,

97 Entretien avec Ulay réalisé par E. Lequeux, 2016, « Las d'être masqué par Marina Abramovic, Ulay sort du bois », Le Monde, source citée :

http://www.lemonde.fr/acces-

restreint/culture/article/2016/02/06/95187bc925dee51b9c995fe49d3a2397_4860544_3246.html (consulté le 07/02/2016).

98 Essai de P. Phelan in H. Reckitt (dir.), « Art et féminisme », op. cit., p.44.

par le biais d'interventions de chirurgie esthétique, ne peuvent être, à proprement parler, qualifiées de blessures auto-infligées puisque, seul le geste du chirurgien, lui-même contraint par le respect de protocoles médicaux stricts, construit le projet d'ORLAN. Ces transformations et marquages divers sont effectués, certes à la demande de l'artiste, mais par procuration. Le résultat obtenu est proche, mais l'implication volontariste est différente. Quant au rapport à la douleur, il est évacué par la performeuse, en termes triviaux d'une grande franchise :

« J'essaie que ce travail soit le moins masochiste possible, mais il y a un prix à payer : les piqûres d'anesthésiques ne sont guère agréables - je préfère boire du champagne ou un bon vin avec mes amis que me faire opérer. Cependant, tout le monde connaît cela, c'est comme chez le dentiste, on fait la grimace pendant quelques secondes. Il y a nécessairement plusieurs piqûres, donc je fais plusieurs grimaces. Mais comme je n'ai pas payé mon tribut à la nature en connaissant les douleurs de l'enfantement, je m'estime heureuse après les opérations. C'est plus ou moins inconfortable, plus ou moins douloureux, je prends donc, comme tout le monde le ferait dans ce cas, des analgésiques. »99

Pour justifier ces métamorphoses chirurgicales, l'artiste évoque l'idée de se créer un autre visage, une nouvelle image, un nouveau corps, avec lesquels elle entreprendrait la réalisation de nouvelles oeuvres. Elle s'élève, non contre la chirurgie esthétique, mais

102

99 ORLAN, « ORLAN, de l'art charnel au baiser de l'artiste », Paris, Éditions Jean-Michel Place, 1997, p.41.

103

contre les standards de beauté. Elle fustige la religion et la psychanalyse qui, selon elle « s'accordent pour dire qu'il ne faut pas attaquer le corps, qu'il faut s'accepter soi-même. »100 Comme Marina Abramovic, elle défend la véracité de la performance par rapport à l'artificialité du théâtre, et soutient le rôle d'actante de la performeuse. Elle assume ses engagements féministes :

« Si tout avait changé et si les femmes avaient un statut comparable aux hommes, il n'y aurait pas ce travail à faire. Un effort certes a été fait. Des choses ont changé. Pour ma génération la contraception n'existait pas, les filles qui ont dû avorter, comme moi, étaient chassées comme des sorcières. Si on était attrapée, les conséquences étaient graves. »101

Elle oeuvre donc pour sa liberté et il s'agit bien pour elle d'une démarche émancipatrice, comme l'a remarqué Claire Lahuerta :

« La démarche d'Orlan est bien alors au-delà du corps et repose sur la notion de corps caduque qui est, semble-t-il, au coeur de ce que l'artiste nomme le «carnal art», l'« art charnel ». Ici le corps ouvert

100 ORLAN, « ORLAN, de l'art charnel au baiser de l'artiste », ibid.

101 Entretien avec ORLAN réalisé par S. Roques, 2013, « Les préjugés ébranlés par L'Art-Action » in C. Biet et S. Roques (dirs.), « Performance. Le corps exposé » op. cit., 226.

104

donne accès au projet d'émancipation de l'artiste, dans une perspective que l'on peut aisément appliquer à toutes les pratiques de modifications corporelles : piercing, implants, scarifications. »102

Kira O'Reilly occupe, elle aussi, une position particulière, en raison de l'ambivalence de sensations et de sentiments qu'elle suscite dans son public, ou, plus exactement, dans cette part du public qu'elle choisit, parfois, de traiter en collaborateur actif. Ses oeuvres sont souvent répulsives et magnifiques à la fois. Dans l'une de ses performances les plus perturbantes, Succour (Secours), sorte de work in progress commencé en 1998, et poursuivi, au cours de sept étapes ultérieures jusqu'en 2005, il arrive qu'elle reçoive, assise sur une chaise et nue, un membre du public qu'elle place à côté d'elle, et à qui elle demande de lire le message contenu dans l'enveloppe close qui lui a été remise avant son entrée. Ce message est une invitation à pratiquer une courte incision sur sa peau, qui viendra compléter toutes celles qui, par centaines, y figurent déjà, et qu'on ne peut manquer de voir dès qu'on l'aperçoit. Déjà cicatrisées, en voie de l'être, ou encore entachées de sang frais, elles composent un motif hypnotique et traumatisant que l'invité(e) décidera, peut-être, d'actualiser. En complément de cette mise en scène troublante, un grand écran de télévision

102 C. Lahuerta, « Quand le corps parle. Les mots de l'art » in M. Laforcade et V. Meyer (dirs.), « Les usagers évaluateurs ? Leur place dans l'évaluation des « bonnes » pratiques profesionnelles en travail social » op. cit., p.84.

105

retransmet, en direct, le déroulement de la performance. Les actants se retrouvent spectateurs des gestes insolites qu'ils ont acceptés d'accomplir et se sentent psychologiquement écartelés entre leur potentielle fonction de bourreau et le désir qu'ils pourraient avoir de soigner et de consoler. La situation dans laquelle ils sont plongés est à la fois anxiogène et frustrante. Mais c'est dans ce moment partagé, qui remplace un dialogue empêché, que Kira O' Reilly, place la performance :

« Les performances extraordinaires de O'Reilly sont nourries par le désir de : [...] créer quelque chose de réel qui dépasse la simple représentation [...] au sujet de choses que je n'arrive pas à exprimer par des mots [...] comme si le langage me trahissait [...] ou les mots me manquaient [...]»103

Dans un entretien accordé en 2008 à Patrick Duggan, Kira O'Reilly évoque le pouvoir d'éloquence de la blessure :

« Toutes les blessures parlent. Elles sont toutes le signe que quelque chose vient d'arriver ; cette chose arrivée à temps comme une sorte de pause pour le meilleur ou pour le pire. En ce sens elles sont performatives. Mais je pense que, de toute façon, il est vraiment important pour moi qu'elles puissent exister dans un continuum. Le contexte en est vraiment la clé. Il existe une différence entre quelque

103 R. Zerihan, 2005, « Dites quand », esse arts + opinions, Dérives II (n°55), source citée : http://esse.ca/fr/article/55/Zerihan (consulté le 18/05/2015).

106

chose qui arrive parce que quelqu'un n'a pas le choix, et quelque chose qui arrive à un moment et à un endroit clairement déterminés comme ceux d'une action artistique. »104

L'oeuvre globale de cette artiste très singulière, souvent occultée par ses performances les plus sanglantes, mériterait à elle seule un long mémoire. Mais nous nous limiterons à rappeler qu'outre le scalpel dont elle a usé dans certaines de ses actions, et toujours dans le projet de marquer le corps mais aussi, cette fois, de dénoncer les méthodes par lesquelles on soignait, à l'époque victorienne, les femmes hystériques ou prétendues telles, il lui est arrivé d'utiliser deux sangsues qu'elle se laissa appliquer dans le dos. Nous évoquerons, pour l'anecdote, que c'est également une sangsue que la performeuse polonaise, Angelika Fojtuch, utilise dans Wyprowadzona (Extrait) 2014, en la positionnant, cette fois, sur son front, mais avec une signification qui reste obscure.

Plus évidentes sont les motivations des quatre artistes avec lesquelles nous conclurons ce parcours dédié aux mutilations auto-infligées :

104 P. Duggan, 2009, « The touch and the cut : an annotated dialogue with Kira O'Reilly », Studies in Theatre and Performance 29 : 3, source citée : https://www.academia.edu/210296/The_touch_and_the_cut_an_annotated_dialogue_with_Kira_O_Reilly (consulté le 28/06/2016).

107

« C'est une performance personnelle et politico-sensuelle qui concerne les limites invisibles et sous-cutanées qui enveloppent le corps activement et infiniment ».105 C'est par ces mots que l'artiste israélienne, Sigalit Landau, définit Barbed Hula (cerceau en barbelé) 2000, performance au cours de laquelle, nue, sur une plage proche de Tel Aviv, elle fait du hula hoop avec, en lieu et place du cerceau traditionnel, un cercle fait d'un épais fil de fer barbelé. Si sensualité il y a, elle est létale : la vidéo, prise en gros plan, tourne en boucle ; elle est cadrée sur le ventre et les hanches de la performeuse et montre, dans une terrible frontalité, les pointes acérées du barbelé arrivant en vagues continues sur la chair de l'artiste, la perforant et la déchirant sans peine, dans un lancinant mouvement de danse sacrificielle. Le soleil qui se lève et la mer infinie en fond d'image, apportent une impression fugitive de loisirs et de liberté que vient immédiatement effacer la vision d'un corps que l'on meurtrit inexorablement. On pense aux libertés enchaînées, aux humains parqués, aux frontières et aux camps, aux horizons désormais limités. Le message politique est clair et va bien au-delà des seules problématiques israéliennes. Comme certaines des performances sanglantes que nous avons évoquées et qui touchent à l'intégrité du corps en

105 Sigalit Landau citée par J. Perrin, « Le nu féminin en mouvement » in C. Biet et S. Roques (dirs.), « Performance. Le corps exposé » op. cit., p.180.

interrogeant, en nous, la dualité désir/dégoût, Barbed Hula nous contraint à ré-étalonner notre rapport à la beauté. Comme le suggère Julia Peker, s'inspirant de Kant, face au dégoût, notre équilibre esthétique est ébranlé :

« L'aversion ressentie face à l'immonde ne s'exerce pas différemment dans l'art et dans la nature, car la puissance de l'émotion est telle qu'elle ruine tout accès à la beauté, tout dépassement de l'aversion spontanée. Sur ce point, l'artiste est impuissant à agir : il touche un réel qui certes se donne en spectacle, au sens où il attire le regard, mais qui ne peut-être contemplé comme un spectacle. Les beaux-arts savent mettre en scène les pires horreurs, [...] mais le dégoût menace l'équilibre même de la représentation. »106

Ebranlé également, nous ne pouvons que l'être devant la peau scarifiée de Mary Coble dont le résultat de la performance Blood Script (Écriture de sang) 2008, recouvre le corps en entier. Cette artiste américaine, vivant et enseignant en Suède, est une militante féministe particulièrement engagée dans la défense des minorités LGBT. En 2008, elle décide de se faire scarifier soixante-quinze des insultes homophobes les plus usitées. La performance dure seize heures, pendant lesquelles la souffrance est intense. Sur chaque mot fraîchement scarifié et encore sanguinolent, Mary Coble applique une feuille de papier qui en recueille l'empreinte inversée. Toutes ces feuilles réunies font ensuite l'objet d'un affichage géant. D'emblée, et avant même de s'interroger sur les raisons d'un tel travail

108

106 J. Peker, « Cet obscur objet du dégoût », Lormont, Le Bord de L'eau éditions, 2010, p.148.

109

dont la portée politique est évidente, et sur le courage qu'il a fallu pour accepter de le subir, nous sommes frappés par la recherche esthétique effectuée sur les lettres tracées, dont la taille et l'élégance font d'autant plus ressortir la haine dissimulée dans les mots qu'elles composent. Un ensemble d'images confuses apparaissent ensuite dans notre esprit : celle des flétrissures de l'Ancien Régime, par lesquelles étaient marqués au fer mendiants, voleurs et galériens, celle du numéro tatoué sur l'avant-bras des prisonniers des camps de concentrations ; à chaque fois la marque se voulait infamante, honteuse et déniant toute humanité107. Puis s'insinue l'image du bouc émissaire de la tradition rabbinique, chargé symboliquement des péchés des hommes. Pourtant, il n'a certainement pas été dans l'intention de Mary Coble de donner une portée sacrée à son oeuvre, de sanctuariser son corps ; mais plutôt de le désacraliser, ce qui ne veut pas dire de le dévaloriser. Il devient le vivant miroir de nos possibles intolérances et, comme pour Kira O'Reilly, c'est un peu comme si chacun de nous avait tenu le scalpel.

107 Mary Coble anime, en collaboration avec Bergen Academy of Art and Design (Norvège), la Valand Art Academy (Suède) et la Funen Art Academy (Danemark), un workshop sur les connexions reliant la honte et les performances.

110

L'oeuvre de l'artiste guatémaltèque, Regina José Galindo, est toute entière dédiée à la cause des femmes, et notamment, à la dénonciation de toutes les violences et exactions dont les femmes guatémaltèques ont été victimes de tout temps, mais particulièrement durant les trente-cinq années de la dernière guerre civile. Arrestations arbitraires, tortures, viols, exécutions sommaires, de la part des militaires et des services de polices, venaient se surajouter aux violences domestiques, ancestrales et quotidiennes. C'est dire à quel point chacune de ses performances est à la fois édifiante et édificatrice d'un devoir de mémoire comme d'un travail de deuil. Fustigeant les systèmes de pouvoirs quels qu'ils soient, elle représente certainement à elle seule, l'éventail le plus important des pratiques corporelles dans la performance actuelle. Attaché, dénudé, exhibé, plâtré, suspendu, battu, enterré, ensaché, noyé, autopsié, opéré, électrocuté, compissé et, bien entendu, lacéré, son corps gracile trace, à seulement quarante-deux ans, dans l'histoire de la performance et à travers le monde entier, un sidérant parcours qu'il sera difficile d'égaler. Sa force de conviction indiscutable, le choix de ses cibles et sa fureur combattante, en font l'une des plus proches héritières des pionnières historiques. Son oeuvre, loin de nous transporter vers les rives d'un esthétisme délicat ou onirique, nous saisit immédiatement à la gorge et nous contraint à regarder la réalité en face. La réflexion est salutaire à défaut d'être poétique. Et son image est terriblement persistante.

111

Nous souhaitions terminer cette courte galerie de portraits par la présentation de la performance paradoxale de l'artiste chinoise He Chengyao : 99 Needles (99 aiguilles) 2002. Elle présente en effet la particularité de consister en une réalisation de micro-blessures douloureuses qui, en réalité, devaient constituer un acte médical, destiné à soigner et non à meurtrir. L'acupuncture est en effet une des cinq branches de la médecine traditionnelle chinoise qui, en agissant sur les méridiens par le biais de fines aiguilles insérées sous la peau et à des points précis, permet de traiter, souvent en association avec d'autres pratiques médicales, un ensemble de maux courants. En la circonstance, cette performance retrace plutôt l'histoire du calvaire de la mère de l'artiste. Cette dernière, se trouva enceinte alors qu'elle n'était pas encore mariée, dans la Chine des années 1960. En opposition avec les directives gouvernementales, les futurs parents décidèrent de garder l'enfant et perdirent, en conséquence, leur emploi. Deux enfants suivirent. Le scandale et le stress provoquèrent, chez la mère de He, de fréquentes crises de nerfs que les proches décidèrent de soigner en usant de fréquentes et douloureuses séances d'acupunctures non maîtrisées. Le père de He disparut dans les geôles chinoises. La mère glissa alors dans la folie.

« Ma mère ne savait pas où elle était. Elle n'avait pas de travail, pas d'argent, pas de mari et trois enfants. [...] Par deux fois dans la rue, je fis semblant de ne pas la reconnaître. Une fois, plus tard,

112

elle fut rassemblée avec d'autres et emmenée dans une autre ville.[...] Elle était perdue.[...] J'avais cinq ans, je regardais, et je ne pouvais rien faire »108

En souvenir de ce drame, et pour tenter de comprendre et de ressentir ce que sa mère a subi pendant ces années, He Chengyao a décidé de se faire poser quatre-vingt-dix-neuf aiguilles d'acupuncture sur tout le corps de manière aussi arbitraire. 99 Needles, est un hymne à la maternité, une ode douloureuse et silencieuse destinée à illustrer le combat des femmes pour leurs libertés. C'est une oeuvre qui stigmatise également les comportements inhumains dans leur plus grande banalité. En cela, et malgré son apparente simplicité, elle représente l'archétype de la performance douloureuse et engagée.

108 D. K. Tatlow, 2014, « «She. Herself. Naked. » : The Art of He Chengyao », The New York Times, http://sinosphere.blogs.nytimes.com/2014/01/20/she-herself-naked-the-art-of-he-chengyao/?_r=0 (consulté le 05/07/2016).

113

Figure 25 : Gina Pane, Blessures théoriques, 1970.

114

Figure 26 : Gina Pane, Psyché, 1973
·
Azione Sentimentale, 1975
·
Le corps pressenti, 1974
·
Psyché,

1974.

Figure 27 : Gina Pane, Transfert, 1973.

Figure 28 : Gina Pane, Escalade non anesthésiée, 1971.

115

Figure 29 : Gina Pane, Le corps pressenti, 1975
·
Jo mescolo tutto, 1976
·
Manipulation d'humus, 1970.

116

Figure 30 : Gina Pane, Action Autoportrait(s) - mise en condition / contraction / rejet, 1973.

117

Figure 31 : Marina Abramovic, Lips of Thomas, 1975-1993
·
Lips of Thomas, 1976
·
Rhythm 5,
·
Lips of Thomas, 1975
·
Ibid.
·
Lips of Thomas, 1975-1993
·
Lips of Thomas, 1993.

118

Figure 32 : Marina Abramovic et Ulay, Breathing In - Breathing Out, 1976
·
AAA - AAA, 1978
·
The
Lovers, The Great Wall Walk
, 1988.

Figure 33 : Marina Abramovic et Ulay, Relation in Space, 1976
·
Light / Dark, 1977
·
Relation in Time,

1977.

119

Figure 34 : Marina Abramovic, Rhythm 0, 1974.

120

Figure 35 : ORLAN, Couture et suture, 4ème chirurgie, Opération réussie, 1991.

Figure 36 : Kira O'Reilly, Wet Cup, 2000
·
Succour, 2002
·
Wet Cup, 2000.

Figure 37 : Kira O'Reilly et Manuel Vason, Post-Succour, 2001.

121

Figure 38 : Kira O'Reilly et Manuel Vason, Wet Cup, 2000.

122

Figure 39 : Angelika Fojtuch, Performance interwencyjny, 2013.

Figure 40 : Sigalit Landau, Barbed Hula, 2000.

123

Figure 41 : Mary Coble, Blood Script, 2008.

Figure 42 : He Chengyao, 99 Needles, 2002.

124

Figure 43 : Regina José Galindo, Perra, 2005
·
Vertigo, 2005
·
Hilo de Tiempo, 2012.

125

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci