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Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).

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par Eric FARGES
Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013
  

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2. La « boîte noire » de la médecine pénitentiaire à l'épreuve de la rationalisation de l'organisation des soins

« La première réforme bien avant 94 a consisté avec le fameux "Programme 13.000", d'abord, à créer des services médicaux j'allais dire polyvalents [...] Puisque ça a été décloisonné complètement, on s'est dit : "On va mettre en place un vrai service médical. Avec des médecins temps plein, un psychiatre, un généraliste, des infirmiers. Et surtout un vrai service pharmaceutique avec un pharmacien, des préparateurs en pharmacie qui véritablement...". Voilà, c'est là où on a essayé de remédier à toutes les lacunes du système [...] On était beaucoup parti du rapport de l'IGAS. A partir des préconisations qu'ils nous avaient faites » 1519(*).

La réforme de 1983 inaugure le droit de regard du ministère de la Santé sur l'organisation des soins en prison. Celui-ci reste cependant limité à un pouvoir de contrôle et d'inspection. En dépit de l'existence du Comité Santé/Justice, la médecine pénitentiaire repose encore sur des principes formulés il y a bien longtemps. Bien que placée sous la seule responsabilité du ministère de la Justice, la mise en oeuvre du « Programme 13.000 » s'effectue d'emblée sous le regard des services de la Santé, du fait des liens établis entre administrations. En témoigne la rédaction du cahier des charges ayant lieu entre 1987 et 19891520(*). Bien que n'ayant pas été saisi formellement, ce que regrette la DGS, le ministère de la Santé formule alors un certain nombre de recommandations sur le chapitre « santé », « très court, insuffisant et rédigé trop vite »1521(*). Pièce spécifique pour le cabinet dentaire ou pour le stockage des médicaments, infirmerie équipée de lits, dossiers médicaux semblables à ceux de l'Assistance publique, concertation avec les DDASS : le ministère de la Santé propose de nombreuses modifications au projet1522(*). Même au niveau local, les DDASS apportent leur contribution à la planification des nouveaux établissements. Ayant pris connaissance du projet de l'équipe médicale de la future M.A de Villepinte, le MISP de Seine-Saint-Denis suggère une « intégration au système de santé local pour faciliter l'accessibilité des détenus aux équipements sanitaires et sociaux existants et favoriser la continuité des soins », notamment avec les services de psychiatrie et de toxicomanie ou avec l'établissement hospitalier local1523(*). Commentant le temps de présence médicale (1h30 par place et par an), il recommande d'ajouter un temps supplémentaire « non clinique » destiné à assurer les tâches administratives.

La participation du ministère de la Santé à la mise en place des nouveaux établissements est, d'autre part, plus formelle dans le cadre de l'évaluation des candidatures réalisée en novembre 1987. Le groupe santé-hygiène formé à l'occasion est composé, outre un magistrat, d'une infirmière pénitentiaire et d'un psychiatre SMPR, du Dr Tchériatchoukine de l'IGAS, et de deux MISP. Ces derniers remarquent, lors de l'évaluation, les carences du cahier des charges de l'appel d'offre : « Il se fondait, en effet, essentiellement, sur le fonctionnement actuel des établissements pénitentiaires sans prévoir d'évolutivité des normes. Ce qui conduit à une insuffisance grossière de personnel médical et paramédical [...] Les locaux et matériels prévus apparaissent peu réalistes, à la fois au plan des surfaces nécessaires et du recours à des techniques dépassées en particulier dans le domaine de la radiologie »1524(*). Afin d'évaluer les projets, le groupe rédige deux grilles de notation, l'une en matière de santé et l'autre relative à l'hygiène. Les futurs établissements sont jugés sur les critères des établissements de santé les plus modernes.

La plupart des douze candidatures se révèlent très fragiles, souvent « bâclées »1525(*). Un projet prévoit la mise en place d'un dépistage obligatoire du sida, un autre annonce le transfert systématique des patients en hôpital à la charge de l'Administration pénitentiaire. Beaucoup sont qualifiés d'« irréalistes », l'un prévoyant par exemple la présence d'un seul infirmier au lieu de sept tandis qu'un autre envisage le recours à du personnel bénévole. Ce travail d'évaluation permet également de mettre à jour les propositions les plus innovantes en matière de prise en charge médicale des détenus. Un projet prévoit la présence d'un cardiologue ainsi qu'une formation pour tous les personnels sanitaires, un autre annonce la présence d'un interne de nuit1526(*). Deux projets s'avèrent très satisfaisants dont celui de Dumez jugé « remarquable, innovant et cohérent avec l'ensemble du traitement pénal ». Il propose la mise en place d'un coordinateur médical sur toute la zone. Les effectifs en personnel dépassent « largement » le cahier des charges1527(*). Enfin, il repose sur une collaboration avec « Hôpitaux de Paris International », filiale de l'Assistance publique de Paris.

Le ministère de la Santé est associé de façon beaucoup plus étroite à la conception des nouveaux établissements à partir de septembre 1988, date à laquelle un groupe de travail est consacré à cette question au sein du Comité Santé/Justice réactivé depuis peu. Outre un magistrat, une infirmière et un médecin pénitentiaires, y assistent un inspecteur de l'IGAS et plusieurs membres de la DGS, notamment du Bureau 3A de la Sous-direction de l'organisation des soins. Au sein du groupe de travail est mis en place un projet de « comité santé » au sein de chaque établissement 13.000, devant réunir le personnel médical de l'établissement, et d'une « commission consultative médico-administrative » réunissant les différentes administrations locales en charge de la santé1528(*). La DGS s'avère, au cours des négociations, très soucieuse du statut des personnels sanitaires. En attestent les propos d'un membre du Bureau 3A retranscrits dans les notes d'une réunion : « Le salariat crée un problème de dépendance ; problème de la liberté de prescription »1529(*).

Comme gage d'indépendance, le ministère de la Santé réussit à obtenir l'élaboration d'un contrat-type par le Conseil de l'Ordre censé « garantir l'indépendance des praticiens face aux multiples interlocuteurs (Justice, opérateurs privés, gestionnaires des questions sanitaires) », avant que ce dernier ne se rétracte1530(*). Le ministère de la Santé est, d'autre part, très soucieux de la dotation en personnel sanitaire des nouveaux établissements : « Il y a tout lieu de redouter que le ministère de la Justice ne retienne qu'un personnel médical et paramédical en nombre assez restreint dans les centres de détention. Il faudra veiller à l'introduction de clauses permettant le remplacement du personnel durant ses congés »1531(*). Le ministère de la Santé se heurte cependant aux réticences de l'Administration pénitentiaire à communiquer le cahier des charges définitif fixant le nombre d'heures allouées au personnel, document finalement transmis en décembre 1988.

Sans détailler précisément le contenu de chaque équipe médicale, précisons que le cahier des charges impose pour les Centres pénitentiaires (CP) de six cents détenus un généraliste temps plein, un mi-temps psychiatre, un infirmier psychiatrique et quatre infirmiers1532(*). Les Maisons d'arrêt (M.A) de six cents détenus, dotées initialement de centres pour toxicomanes, sont mieux pourvues avec un généraliste temps plein, un mi-temps psychiatre, deux infirmiers psychiatriques, quatre infirmiers, un aide-soignant et deux psychologues. Les établissements sont en outre dotés de secrétaires médicaux mettant ainsi fin au recours aux détenus et aux surveillants-auxiliaires. Les professionnels de santé pénitentiaires, jusque-là isolés et surchargés de travail, cèdent le pas à des équipes médicales structurées. Ce personnel initialement défini selon la capacité théorique des établissements est finalement calculé, à la demande du ministère de la Santé, « en fonction du nombre réel de détenus, ceci afin d'éviter les surcharges de travail produites par la suroccupation des prisons »1533(*). Les nouveaux établissements disposent, en outre, de locaux neufs et spacieux dont un cabinet dentaire et une salle de radiologie.

Tous ces moyens semblent avoir été mis en place, comme le souligne le rapport d'évaluation annuel de l'Administration pénitentiaire de 1991 : « Il apparaît que les moyens mis en place tant en personnel qu'en matériel, sensiblement supérieurs à ceux dont sont généralement dotés la plupart des établissements classiques, permettent dans chaque établissement le fonctionnement d'un service médical de qualité »1534(*). C'est particulièrement le cas dans la zone Nord confiée à GEPSA où un projet médical fut rédigé par un ancien urgentiste, le Dr Dominique Mynard, avec l'aide du Dr Xavier Emmanuelli, médecin-chef à la prison de Fleury-Mérogis. Une généraliste recrutée comme médecin-coordinateur de la M.A de Villepinte, avant de devenir directrice médicale de GEPSA, expose les conditions de travail très favorables :

« Leur idée, c'était quand même de faire faire un bond à la médecine pénitentiaire, de faire évoluer les choses. Et je me suis rendue compte qu'il y avait des moyens [...] Moi, je n'ai jamais été limitée sur mes dépenses. Je peux même vous dire qu'à l'époque où l'accès à la trithérapie était limité à l'extérieur... Je ne dis pas dans des prisons, je dis bien à l'extérieur... On passait directement par les labos [...] On avait notre propre pharmacie gérée par un pharmacien. On avait un préparateur en pharmacie. Au début on avait un plein temps, puis après on a eu un plein temps et demi. On passait commande auprès des laboratoires et on avait des tarifs préférentiels [...] On avait un plein temps et demi de médecin généraliste [au lieu d'un]. On avait ajouté pour la qualité des soins un plein temps d'assistant dentaire. On a rajouté un mi-temps de préparateur en pharmacie [...] Au niveau des cabinets dentaires, on était au-delà des normes. C'est-à-dire que pour la stérilisation, on avait mis un appareil qui n'est, je crois, toujours pas obligatoire à l'extérieur. C'était la souplesse du privé, il suffisait de convaincre le patron que c'était utile et on l'obtenait »1535(*).

Outre les moyens mis à disposition, le « Programme 13.000 » constitue sans nul doute une amélioration de la qualité des soins du point de vue de la déontologie médicale. Si la distribution des médicaments est désormais confiée aux infirmières, c'est non seulement en raison des moyens mis en place mais également du fait de la volonté des nouveaux directeurs médicaux soucieux de l'éthique médicale1536(*). De même dans l'objectif de responsabiliser les patients, il est mis fin dans certaines zones, comme celle gérée par GEPSA, à la forme diluée des médicaments, rendant ainsi plus concrète la notion de « responsabilité du patient vis-à-vis de son propre corps »1537(*). L'instauration de nouvelles règles du jeu s'explique par le fait que les médecins-chefs nouvellement arrivés ignorent tout du système pénitentiaire et de sa médecine dont ils souhaitent se distinguer. Le directeur médical de GEPSA, le Dr Dominique Mynard, élabore une charte déontologique qui stipule que « la dénomination "médecine pénitentiaire" n'est pas conforme à l'éthique médicale. Seules les contraintes imposées par l'environnement pénitentiaire permettent d'identifier cette pratique médicale particulière »1538(*). De même est mis fin à l'usage selon lequel les praticiens assuraient le soin des détenus, explique un cadre de GEPSA devenu Directeur général : « Contractuellement ça n'était pas dû et parce que, pour des raisons déontologiques, ils considéraient que leurs patients étaient des détenus et le fait de ne pas soigner le personnel était un élément important pour pouvoir être en confiance avec les patients et établir une relation médicale qui ne soit pas perturbée par le contexte carcéral »1539(*). L'utilisation des psychotropes dans un objectif de maintien de l'ordre cède le pas, selon Madeleine Akrich et Michel Callon, à une politique de « démédicamentalisation » avec un recours moindre à la pharmacopée1540(*).

Ce renouveau des pratiques professionnelles se heurte néanmoins à plusieurs contraintes carcérales. En dépit de la nouvelle dotation en personnel, les exigences pénitentiaires rendent difficile la distribution individualisée de tous les médicaments sous forme sèche, si l'on en croit cette note du responsable médical de la zone Est : « Effectivement le mélange est aberrant d'un point de vue pharmaceutique et médical. Toutefois, il sera inévitable lorsque les prisons auront leur effectif au complet en raison du problème technique de préparation et de distribution »1541(*). L'autonomisation des praticiens travaillant en prison se traduit par des tensions entre les groupements privés et l'Administration pénitentiaire, du fait des enjeux liés aux questions de santé. En témoigne le directeur de GEPSA :

« C'est vrai que ça été la question la plus délicate, et c'est là où il y a eu le plus d'enjeux de pouvoir avec les directeurs d'établissements pénitentiaires au moment de la mise en place. Parce que la santé pouvait être dans certains cas un instrument parmi d'autres de régulation de la détention ou une source d'information pour le chef d'établissement. Il y avait sans doute certaines habitudes qui étaient prises... La modernité exigeait que ça change [...] Et donc certains directeurs auraient bien aimé parfois que le médecin fasse un effort pour la paix sociale et quand il y a des médecins qui ne voulaient pas la faire, on a eu des situations où le ton est monté [...] Par exemple, le fait que le personnel insistait pour avoir le signalement des détenus contagieux... Sachant que la position des services médicaux c'était : "Je vous signale les mesures de précautions qui sont à prendre mais jamais je ne vous dirai si c'est la tuberculose ou la galle ou autre chose". En plus, c'était au moment où il y avait toute une psychose sur le sida et le VHC au début des années quatre-vingt-dix »1542(*).

Certaines questions sensibles sont à l'origine d'affrontements entre l'Administration et les praticiens. C'est par exemple le cas des certificats médicaux de compatibilité avec le placement en quartier disciplinaire. Soucieux d'apporter son soutien aux médecins placés sous sa responsabilité, le directeur de GEPSA admet la position inconfortable dans laquelle se trouve le praticien dans de telles situations : « C'est vrai que par rapport au Code de déontologie et par rapport à la relation entre le médecin et son patient, c'est vrai que c'est gênant ! C'est gênant, parce qu'en délivrant un certificat qui permet de mettre le type au mitard, le médecin s'associe à une procédure qui est totalement disciplinaire »1543(*). Si la plupart des altercations sont réglées par le biais de rapports très fréquents entre les directeurs pénitentiaires et les groupements privés, ils peuvent parfois prendre une dimension plus importante.

C'est le cas à Villepinte où exerce depuis 1991 une généraliste, auparavant libérale, très attachée au respect de l'éthique médicale et refusant de signer les certificats médicaux de compatibilité ou de procéder à des injections destinées à calmer certains détenus agités1544(*). L'arrivée en 1993 d'un nouveau directeur moins conciliant se traduit par un important blocage. « C'était conflictuel partout, si ce n'est que dans cet établissement ça a pris des proportions démesurées », reconnaît le médecin en question. Suite à des pressions (« Je crois que c'est allé jusqu'au garde des Sceaux. Parce qu'ils voulaient absolument se débarrasser de moi »), la direction de GEPSA propose au praticien d'être affectée dans un autre établissement. Face à son refus, on la menace de licenciement. Grâce à l'intervention d'un JAP, elle apprend alors « qu'il était urgent de ne rien faire », le directeur étant sur le point d'être muté : « Et c'est effectivement ce qu'il s'est passé. Quand je suis revenue, c'était encore l'ancien directeur et puis un nouveau directeur est arrivé et avec lui les choses se sont totalement apaisées ».

Dotés d'une autonomie accrue, les médecins échappent très largement au contrôle de l'Administration pénitentiaire1545(*). C'est ce dont atteste un incident survenu au sujet du comportement d'un autre praticien du groupe GEPSA1546(*). Informé par le directeur du CP de Longuenesse, le DRSP de Lille attire en juillet 1992 l'attention du directeur général de la société sur le comportement du médecin-chef de l'établissement. Ce dernier aurait, au cours d'une réunion, provoqué une « altercation » au sujet de la libération de deux détenus libérés sans que le service médical en soit informé1547(*). Dans sa réponse à l'Administration pénitentiaire, le DG fait valoir qu'il ne s'agit que « d'un conflit de personnes ne mettant pas en cause le bon fonctionnement du service médical. Il leur appartient donc de régler ensemble ce problème, dont ni vous ni moi-même, nous ne devrions avoir eu connaissance »1548(*). Plus qu'un conflit de personnes, l'altercation serait en partie liée, selon une note interne de la société, au refus des médecins de « rédiger les certificats médicaux demandés par le Chef d'établissement »1549(*). Un mois plus tard, le directeur de l'Administration pénitentiaire intervient directement auprès du PDG de GEPSA, auquel il fait part de « vives préoccupations » quant au comportement du praticien et lui demande de « bien vouloir faire procéder dans les meilleurs délais au remplacement de ce praticien »1550(*). Le DG déclare en retour être « très étonné par [cette] requête », les problèmes de personnel étant de la seule compétence du groupement privé. Le conflit s'aggrave quelques mois plus tard quand, suite à la suppression du poste de directeur santé au siège de GEPSA, le médecin-chef de Longuenesse est nommé médecin-coordinateur de la zone Nord. Le DAP décide en effet de refuser la demande d'habilitation du praticien en raison de « manquements à certaines dispositions du Code de procédure pénale »1551(*). Le DG de la société émet alors un recours auprès de Philippe Léger, directeur de cabinet du garde des Sceaux. Remarquant qu'au terme du cahier des charges « la notification au co-contractant du refus ou du retrait d'habilitation d'un agent est écrite : elle mentionne les éléments de droit ou de fait qui motivent la décision administrative » (CCATP article 38-2), le DG de GEPSA se demande pourquoi l'Administration pénitentiaire n'a jamais effectué une demande de retrait d'habilitation auparavant si celle-ci était justifiée1552(*).

Cette altercation illustre la perte de contrôle, issue du « Programme 13.000 », que l'Administration pénitentiaire était habituée à exercer à l'égard des praticiens. Le renouvellement du personnel et les nouvelles méthodes de travail impliquent un dessaisissement de la DAP de certaines prérogatives clefs dans le fonctionnement de la détention. C'est notamment le cas de la distribution des médicaments qui permettait éventuellement aux surveillants qui en étaient chargés d'exercer des pressions à l'égard de certains détenus1553(*). La décision de confier aux infirmières la distribution des médicaments transforme les rapports de pouvoir entre personnels sanitaires et surveillants. « De maîtres du jeu, ils se transforment en simples gardes du corps », soulignent deux sociologues dans leur étude du « Programme 13.000 »1554(*).

L'apparition des établissements à gestion semi-privée a permis un meilleur respect de la déontologie médicale du fait de l'autonomie conférée au personnel sanitaire au regard de la direction pénitentiaire. En revanche, il n'en fut pas de même à l'égard des groupements gestionnaires, plusieurs fois accusés d'avoir limité les prescriptions médicamenteuses. L'attitude des opérateurs privés en matière pharmaceutique varie fortement d'une région à une autre. De même que dans la zone Nord, où l'accès au médicament était facilité, un médecin ayant travaillé à l'établissement de Luynes (zone Sud) déclare ne s'être jamais heurté à des restrictions budgétaires :

« Je peux pas vous donner de chiffres, mais dans le système privé on n'était pas limité par le catalogue de l'Assistance publique. L'Assistance Publique fonctionne à partir d'un catalogue de médicaments qui sont remboursés par la Sécurité sociale. On ne peut pas sortir de ce catalogue. Dans le système privé, on pouvait prescrire des médicaments hors nomenclature, c'est-à-dire des médicaments remboursés à 20%, voire pas remboursés du tout. Donc, on avait un peu plus de choix que dans le système public. On avait un accès très facile aux médicaments »1555(*).

Toutefois certains opérateurs ont parfois été amenés à limiter certaines prescriptions, notamment en matière de traitements VIH du fait de leur coût. En témoigne la lettre d'un MISP alertant l'IGAS au sujet des problèmes survenus dans une M.A de la zone Sud suite à l'arrivée d'un médecin hospitalier effectuant des prescriptions coûteuses : « Le responsable privé estime qu'il ne peut accepter une telle évolution financière liée à une évolution des pratiques. Or, il est nécessaire que les prescriptions soient effectivement suivies [...] Actuellement, le médecin qui en a fait la demande n'a pas obtenu satisfaction. Dans quelle mesure peut-on obliger le privé à faire une telle acquisition et à délivrer les traitements puisque son intérêt financier est plutôt de faciliter les extractions ? »1556(*). C'est ce que confirme une étude consacrée à la santé en prison au sujet d'un autre établissement1557(*). Il s'agit là d'un « effet pervers » du cahier des charges, en vertu duquel les journées d'hospitalisation donnant lieu à un « acte lourd » (K80 en chirurgie, B100 en biologie et Z50 en radiologie) étaient à la charge de la DAP. Ces seuils étant bas, cela concernait la quasi-totalité des hospitalisations, les opérateurs étant ainsi incités à hospitaliser les détenus.

La mise sur le marché des traitements AZT, pris en charge par les groupements privés dans la limite de 6% de la population pénale, pose avec acuité la question de la rentabilité des contrats. Cette charge financière aurait été accrue par une pratique développée par la DAP consistant à affecter les détenus malades vers les établissements 13.000 afin de leur transférer délibérément ce coût1558(*). C'est dans ce contexte que les Hôpitaux de Paris international, prestataire de service en charge du secteur médical pour la zone Est, se retire du marché de fonctionnement en 19921559(*). La rentabilité quasi-nulle apparaît moins problématique pour les groupements où la prise en charge est globale, comme pour la zone Nord :

« On était déficitaire sur la santé. Pas au début, bien sûr, mais on l'a été avec l'histoire du VIH. On était déficitaire mais ils gagnaient de l'argent sur autre chose. C'était compensé par le travail par exemple. Mais ça faisait partie, pas des blagues, mais des discussions en interne : "Tout est pour le médical !". Ils avaient vraiment l'impression qu'on était privilégié. Et j'avais des collègues qui me disaient :"Je bosse pour toi !". Parce qu'effectivement, c'étaient les autres services qui comblaient les pertes du médical. Ça devait être en 92/93 qu'on a eu les trithérapies et c'est vrai qu'on n'a jamais été limité sur les examens complémentaires [...] Mais il n'y a jamais eu de tentative de limitation des soins... Jamais, jamais, jamais ! Il y avait vraiment une volonté de bien faire, de bien soigner... Et de gagner l'argent ailleurs, effectivement, pour faire fonctionner le médical »1560(*).

Au final, la prise en charge de la santé par les établissements à gestion semi-privée semble avoir permis, malgré les pressions exercées dans quelques établissements, une nette amélioration de la qualité de la prise en charge médicale des détenus1561(*). Si ce système a été considéré comme satisfaisant avant la réforme de 1994, qu'il a en partie rendu possible, il n'en fut pas de même lorsque le transfert au service public hospitalier est devenu effectif. En dépit d'un rapport préconisant le maintien de cette délégation, pouvant apparaître comme une émulation avec la prise en charge hospitalière, les pouvoirs publics décidèrent en 2001 d'étendre la loi de 1994 aux établissements « 13.000 » afin d'homogénéiser les services sanitaires en prison1562(*).

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Pour reprendre les termes de Madeleine Akrich et de Michel Callon, le « Programme 13.000 » se traduit par l'ouverture de la « boîte noire » de l'organisation des soins en prison1563(*). Pensé comme une alternative au « décloisonnement » par le gouvernement de droite, le recours aux opérateurs privés devient, du fait de l'alternance de 1988, une étape supplémentaire dans la réorganisation de la médecine pénitentiaire. Mais plus qu'une simple amélioration de la qualité des soins, la délégation de la santé à des groupements privés a constitué une émulation pour l'ensemble de la médecine pénitentiaire. « En plaçant très haut le niveau de ses exigences contractuelles en matière de santé, l'Administration pénitentiaire s'est implicitement engagée à aligner l'ensemble de son système de soins sur les prestations offertes dans les établissements 13.000. Dans le cas contraire, l'inégalité créée entre les détenus serait en effet inacceptable », conclut un rapport des élèves de l'ENA sur la gestion mixte1564(*).

Opposés idéologiquement au projet de « privatisation », les magistrats de l'Administration pénitentiaire proches du Syndicat de la magistrature ambitionnent de faire du « Programme 13.000 » un moyen permettant de transformer l'ensemble des établissements par le biais d'une émulation entre les deux systèmes1565(*). « Le choc du programme 13.000 va ébranler tout le système pénitentiaire et le contraindre sous peine de devoir gérer "des prisons à deux vitesses", à entreprendre, une modernisation complète de ses structures et de ses modes opératoires », note un rapport de l'Administration pénitentiaire à ce sujet1566(*). C'est notamment le cas en matière de santé, comme le confirme le compte-rendu d'une réunion du groupe de travail Santé/Justice consacrée aux prisons à gestion semi-privée : « Ces nouvelles prisons ne doivent pas être une exception parmi les établissements pénitentiaires, ce qui conduirait à des problèmes dans l'avenir pour la répartition des détenus dans l'un ou l'autre type d'établissement ; les autres établissements devront à plus ou moins longue échéance avoir les mêmes ratios de personnels »1567(*).

La disproportion de moyens en matière de santé entre les établissements du parc classique et ceux à gestion semi-privée est fragrante1568(*). Elle sera ainsi source de critique pour l'Administration pénitentiaire. Un militant de la cause carcérale s'étonne ainsi avant même l'ouverture des établissements « 13.000 » de cette différence de traitement imposée aux détenus : « Si tout cela est réalisable aux coûts prévus, il est permis de se demander pourquoi l'Etat ne généralise pas de tels moyens dans les autres établissements »1569(*). Le nouveau dispositif de santé des prisons à gestion mixte amène l'Administration pénitentiaire à s'interroger sur les carences des établissements du parc classique. En témoigne cette note interne datant de 1990 : « La mise en place des établissements 13000 a permis un recalage des ratios qui a été fait. Il existe des personnels médicaux et infirmiers (dans le 13.000, il semble y en avoir trop). Surpaye les médecins. Dans le programme classique, compte tenu du 13.000, il faut redéfinir les moyens en personnel infirmer et médical. Amélioration de la rémunération des personnels »1570(*).

Les effets du « Programme 13.000 » rendus possibles par la mise en oeuvre qui en a été faite explique que même des magistrats réticents à cette privatisation s'accordent à reconnaître en entretien, mais pas toujours publiquement, l'impact positif du « Programme 13.000 » sur l'ensemble de l'organisation des soins :

« Alors les établissements "13.000" ont eu des conséquences très positives parce que ça a fait monter le niveau des normes en matière de santé. Ça a vraiment permis de faire avancer les choses et c'était prévisible. Comment l'Administration pouvait instaurer des normes pour le privé et ne pas se les imposer à elle-même... C'était évident que si l'Administration pénitentiaire voulait conserver son contrôle, il fallait augmenter les normes »1571(*).

« Pour autant, je pense que la fonction santé a été bien assurée dans les prisons "13.000". Donc je n'ai pas craché dans la soupe... Euh... je l'ai peut-être fait une ou deux fois. Je n'ai pas pu m'en empêcher [rires] Ça a dû m'arriver un jour dans un article de journal. J'ai dû lâcher que je préférais que ce soit le service public plutôt que les opérateurs privés... Mais pour autant j'avais pensé qu'ils s'en sortaient plutôt pas mal »1572(*).

Les propos de ce membre du Syndicat de la magistrature, amené à jouer un rôle important dans la réforme, traduisent la difficulté pour de nombreuses personnes ancrées politiquement à gauche à reconnaître les bienfaits de la réforme Chalendon. Symbole de la logique de privatisation voulue par la droite et tant critiquée par la gauche, les établissements « 13.000 » ont représenté un véritable progrès en matière de prise en charge sanitaire qu'il était pourtant difficile d'assumer pour ces magistrats. C'est pourquoi, ils développèrent un contre-projet fondé sur le service public hospitalier qui aboutit à la réforme de 1994.

L

a mise en oeuvre de la politique de décloisonnement consacrée au début des années quatre-vingt se traduit par une progressive remise en cause des règles qui régissaient jusque-là l'exercice médical en prison. Le non-respect des vacations, l'insuffisance des conditions matérielles ou la non-qualification des personnels sont ainsi mis à l'index des services d'inspection du ministère de la Santé. Suite à la décision d'Albin Chalandon d'engager les prisons à gestion semi-privée, le transfert de la prise en charge sanitaire des détenus auprès d'opérateurs privés permet que s'exerce pour la première fois une médecine non-pénitentiaire, indépendante de l'Administration et disposant des moyens nécessaires. Malgré cette autonomisation croissante des services médicaux à l'égard des contraintes carcérales, les médecins, notamment au sein des établissements du parc classique, demeurent encore largement soumis au respect des spécificités de l'exercice médical en milieu pénitentiaires. En témoignent, par exemple, les conditions de licenciement de quelques praticiens (Cf. Encadré).

UNE FRAGILE AUTONOMIE DES PRATICIENS DURANT LES ANNEES QUATRE-VINGT : LE RENVOI POUR INSUBORDINATION ADMINISTRATIVE

Les conditions dans lesquelles ont été licenciés plusieurs médecins à la fin des années quatre-vingt pour ne pas avoir respecté certaines contraintes pénitentiaires attestent de la fragile autonomie dont disposent alors les services de santé.

Exerçant depuis 1975 au Centre de détention d'Eysses, Patrick semble donner satisfaction, bien qu'il refuse de signer certains placements au quartier d'isolement1573(*). Son attitude se modifie à l'été 1987 suite à la nomination d'un nouveau chef d'établissement qui, comme le remarque le DRSP « dans ce domaine comme sur d'autres plans, a dû procéder à une remise en ordre de situations antérieures fort contestables »1574(*). Le directeur retire, par exemple, à tous les personnels de santé les clefs leur permettant d'accéder aux cellules et impose la présence d'un surveillant durant la consultation1575(*). Le surveillant-auxiliaire affecté à l'infirmerie reproche alors au médecin de l'avoir rabaissé face à des détenus, et de refuser systématiquement de signer les placements au mitard dont il remet en cause, en outre, l'utilisation : « De plus, devant le personnel de surveillance en poste au Quartier des punis, il critique ouvertement le placement des détenus affectés, deux par deux, dans les cellules, alors que certaines d'entr'elles sont vides »1576(*). A ces reproches, le directeur de l'établissement ajoute, dans une lettre adressée au DRSP dans laquelle il demande le retrait de l'agrément du praticien, « une augmentation des prescriptions d'examens radiologiques sans avoir eu de demandes de la part des détenus » ainsi que la prescription de « médicaments n'existant pas en stock et devant faire l'objet d'achat particulier, alors que leur composition médicamenteuse, leurs effets et posologie sont identiques à ceux dont dispose la pharmacie de l'établissement »1577(*).

Avant de prononcer une sanction, la Direction de l'Administration pénitentiaire décide en décembre 1987 de saisir la DDASS Garonne afin de recueillir son avis sur ces dysfonctionnements. Après enquête, le MISP ne remet pas en cause le comportement du médecin pour « tous les faits de nature médicale reprochés » et constate, de la part de la direction, une « interprétation erronée de certaines situations du fait de certains aspects techniques médicaux »1578(*). Tout en se déclarant hostile au retrait de l'agrément, le MISP explique la situation par une « incompatibilité d'humeur » entre le praticien et le chef d'établissement :

« Le premier supportant très mal la rigueur administrative du nouveau responsable, lequel reproche au Médecin son individualité voire son "indiscipline" [...] Monsieur le Docteur pense préjudiciable à la relation médecin-patient la présence de plusieurs personnes au cours de ses consultations médicales. C'est pourquoi, il a décidé d'exclure les infirmières et l'Auxiliaire sanitaire [surveillant] de ses consultations ».

Au même moment, le directeur de l'établissement multiplie les avertissements, faisant remarquer que « la population pénale profitant de la très grande "compréhension" de ce médecin n'hésite pas à exhiber des certificats médicaux cocasses : prescription d'un régime "végétarien" le 16/11/1987 »1579(*). Dans un courrier adressé à l'inspection pénitentiaire, ce même directeur reproche au praticien d'« inspire[r] et [de] conseille[r] certains détenus pour émettre des plaintes non fondées à l'égard du service sanitaire et du fonctionnement de l'établissement », et ce à partir des insinuations du surveillant-auxiliaire : « Certains détenus viennent se porter consultants auprès du médecin sans raisons médicales apparentes et ceci peut-être pour d'autres fins, du moins nous pouvons le supposer car l'infirmière comme moi-même nous sommes toujours exclus des visites médicales »1580(*). Ces multiples griefs semblent convaincre l'Inspecteur des services pénitentiaires, Philippe Chemithe, qui demande le retrait d'agrément du praticien, licencié en mai 19881581(*).

Un autre praticien exerçant à la M.A de Saintes depuis 1972 est licencié en 1989 en raison de son attitude à l'égard du personnel pénitentiaire. Dans un courrier adressé au DRSP de Bordeaux, le directeur de l'établissement lui reproche d'avoir refusé d'examiner un surveillant ayant été « agressé » par un détenu, en s'exclamant : « Vous m'emmerdez avec vos histoires d'agressions »1582(*). Le surveillant a alors consulté son médecin généraliste qui « a conclu à de multiples contusions sans avis d'arrêt de travail »1583(*). Un mois après, le directeur de la M.A souligne, après avoir rappelé qu'« il s'agit là d'une attitude tout à fait inacceptable venant d'un Médecin », les multiples fautes qu'aurait réalisé ce praticien depuis l'incident (retard dans le contrôle des clichés radiologiques, détenu libéré sans avoir pu bénéficier des soins) : « Il faut ajouter à cela des abords assez distants, même avec le personnel, les rapports sont pratiquement inexistants »1584(*). Une procédure de licenciement est alors engagée à l'encontre de ce praticien.

Ces deux exemples soulignent qu'en dépit d'une politique globale de décloisonnement et les déclarations publiques qui sont faites, le respect de l'autonomie médicale demeure fragile dans plusieurs établissements. Certaines pratiques subsistent : l'obligation pour le praticien d'effectuer des certificats médicaux de non-contradiction avec la mise au quartier disciplinaire, les consultations faites en présence de surveillants, les pressions afin que le médecin délivre des arrêts de travail aux surveillants ayant reçus des coups. Ces pratiques, variables selon les établissements, attestent que la primauté des impératifs pénitentiaires n'est pas fonction du clivage politique. Ils semblent davantage dépendre de l'autonomisation d'une administration qui aurait développé un système de valeurs propres où les obligations de service prévalent sur la déontologie médicale. La tutelle hiérarchique exercée par la Pénitentiaire sur les soignants demeure une limite forte l'autonomie de travail de ces derniers.

La progressive remise en cause des spécificités carcérales ne fait, d'autre part, pas l'unanimité de certains médecins pénitentiaires, notamment ceux travaillant depuis longtemps en prison. En atteste le cas d'un praticien exerçant depuis 1968 à la M.A de Saintes et qui, suite à un contrôle de son temps d'activité, a vu sa rémunération diminuer de 37% en 19871585(*). Dans un courrier adressé à Albin Chalandon, ce généraliste s'indigne d'avoir appris « que les médecins étaient "pointés" comme de vulgaires subalternes »1586(*). Après avoir mis en garde le ministre face à la décision d'augmenter les consultations de spécialistes, qui selon lui se traduiront par une hausse des extractions médicales, le praticien regrette la disparition du Médecin-inspecteur qui avait, selon lui, permis à la médecine pénitentiaire de « faire un bond énorme »: « Actuellement depuis la disgrâce regrettée de Solange Troisier, le médecin de prison est assis entre deux chaises. Je veux dire par là que sa position est très inconfortable car il n'est pas bon d'avoir deux maîtres : celui qui rémunère, c'est-à-dire votre ministère, et par ailleurs celui envers qui le médecin est déontologiquement responsable, c'est-à-dire la DDASS [...] Pour ma part, je me suis toujours senti intégré dans la grande famille pénitentiaire ». Ce praticien, titulaire de la médaille pénitentiaire et ayant une identité professionnelle carcérale très marquée, réaffirme quelques mois plus tard au ministre de la Justice son souhait de voir l'organisation des soins demeurer sous la tutelle de l'Administration pénitentiaire1587(*). Outre des perspectives partisanes, le médecin justifie sa position en faisant valoir le dérapage des dépenses médicales auquel conduirait la politique de décloisonnement :

« J'ose espérer que la Médecine pénitentiaire reste partie intégrante du ministère de la Justice et qu'en conséquence qu'elle vous intéresse. Or, nous, médecins de prisons, nous en doutons [...] Nous avons perdu notre pouvoir médical, notre pouvoir de décision, qui jusqu'en 1981, relevait de notre Chef d'établissement et du Médecin inspecteur. Le parti socialiste a remplacé celui-ci par un système hiérarchisé, c'est-à-dire par une autre administration qui ignorait tout des problèmes carcéraux, qui en fait encore actuellement l'apprentissage et qui considère les problèmes médicaux en prison d'une manière différente, rompant avec la tradition et donnant l'impression de donner aux détenus de plus en plus de libéralité dans le domaine médical, ce qui ne sera pas sans conséquences financières. Pour ma part, j'ai espéré les élections. Vous avez gagné... J'en étais heureux... Mais bien vite déçu, car la politique entreprise a été poursuivie. Ce n'est pas moi qui vous apprendrai qu'on ne peut avoir deux patrons et dans notre cas : la Justice et la Santé et il n'est pas tolérable qu'un Chef d'Etablissement se voit dicter et contrôler par une autre administration.

Pour ma part, je dois appartenir à l'une ou à l'autre. Ou bien, je reste dans la pénitentiaire et je continue à soigner les détenus, comme je le fais depuis près de 20 ans, c'est-à-dire avec objectivité et en ménageant le budget, les hospitalisations, les sorties et le règlement intérieur. Ou bien, j'appartiens à la Santé et relève de la DDASS et dans ce cas, je suis amené à traiter les détenus avec une libéralité qui ne m'est pas coutumière et qui risque, aux yeux des bénéficiaires, d'être considérée comme une faiblesse et d'entraîner une exagération de la demande avec des conséquences financières. D'ailleurs, lors d'une dernière réunion, un des médecins inspecteurs ne faisait-il pas remarquer que la médecine pénitentiaire devait ressembler à la médecine scolaire [...] Il est bien évident que si le médecin de prison ne se sent pas soutenu par son Administration dont il relève financièrement, il penchera vers la seconde solution qui lui est proposée - une solution que je suis loin de récuser mis que je considère comme une remise en question de la médecine pénitentiaire, une révolution au sein de la prison, un partage de l'autorité de tutelle, donc une perte de pouvoir et en définitif, un signe de faiblesse. Je dois vous dire pour finir que je vous expose ici, très simplement des idées personnelles, que je sais aussi partagées par la plupart de mes vingt confrères de la Région [pénitentiaire] avec qui j'ai eu des contacts depuis plusieurs mois »1588(*).

Outre des motivations personnelles, comme sa baisse de rémunération, le témoignage de ce praticien traduit l'attachement qu'ont certains généralistes exerçant depuis longtemps en milieu carcéral à ce que perdure une « médecine pénitentiaire », dont l'existence même en tant que discipline est alors vivement contestée. Même si Solange Troisier poursuit alors ses enseignements en tant que Professeur de médecine pénitentiaire, sa spécificité est remise en cause. A la suite du rapport général de l'IGAS de 1984, Jean-Yves Nau observe en effet qu'« il ressort de ce constat que la médecine pénitentiaire n'existe pas en tant que telle » (LM, 10/02/1984).

S'ils ne défendent pas l'idée d'une spécialité médicale autonome, les représentants de la DAP sont néanmoins soucieux d'une prise en compte des spécificités carcérales par le corps médical. A un journaliste se demandant si « la médecine pénitentiaire ne pourrait pas s'ériger en spécialité médicale à l'instar de la médecine du travail », Myriam Ezratty répond qu'« il n'y a pas deux médecines : l'une pour la société civile, et l'autre destinée au monde carcéral. Cependant, poursuit-elle, l'exercice de la médecine en prison présente certaines particularités [...] La pratique quotidienne en prison se différencie des soins prodigués en cabinet libéral, d'où le bénéfice d'un certain enseignement complémentaire »1589(*). Le Dr Louis Albrand, Conseiller technique auprès d'Albin Chalandon , remarque pour sa part que « le médecin de prison est un médecin comme les autres, mais il doit, bien sûr, adapter son activité aux pathologies qu'il rencontre » (QDM, 26/05/1986).

Les praticiens travaillant en prison semblent partagés quant à l'existence d'une médecine spécifique. « Il faut dans tous les cas éviter une médecine des détenus, qui d'ailleurs n'a jamais existé en soi puisqu'il n'y jamais eu une pathologie carcérale bien définie », déclare le médecin-chef de Fleury-Mérogis (QDM, 24/10/1984). A l'inverse, une ancienne interne relève dans sa thèse « la fâcheuse tendance qui voudrait faire disparaître la spécificité de la Médecine Pénitentiaire qui serait uniquement dispensée dans les hôpitaux »1590(*). Elle regrette à ce titre le changement d'appellation de l'unité d'hospitalisation pour détenus de Clermont-Ferrand, qui de « service de Médecine pénitentiaire » est devenue en 1981 « centre de Soins et de consultations pour détenus ». Cette déspécialisation va, selon elle, à l'encontre du « caractère spécifique de ce genre de l'art médical [qui] demeure dans les faits : déglutition volontaire de corps étrangers, réactions psychosomatiques à l'incarcération, tentatives de suicides, grèves de la faim...»1591(*). Si cette thèse a été soutenue à Lyon, c'est probablement parce que s'y développe au milieu des années quatre-vingt un enseignement de médecine pénitentiaire poursuivant l'entreprise de Solange Troisier.

L'équipe médicale lyonnaise présente depuis les années soixante en milieu carcérale poursuit sa stratégie d'implantation au sein du système hospitalo-universitaire1592(*). En mars 1985, est ouvert à l'hôpital Jules Courmont le premier service d'hospitalisation pour détenus complètement intégré au système hospitalier1593(*). Ce service de quinze lits, composé d'un médecin, de huit infirmiers, de huit aides-soignantes et de quatre auxiliaires de service, rattaché au service de médecine légale du Pr Jacques Védrinne, est présenté par ses concepteurs comme une nouvelle étape dans le « décloisonnement » de la santé en prison mais, surtout, comme un moyen supplémentaire dans la professionnalisation de la médecine pénitentiaire. « Il est important pour nous d'être rattaché à un centre universitaire. Car il faut former des médecins à la spécialité pénitentiaire », déclare Pierre Barlet (La Croix, 15/12/1989).

Car parallèlement est créé en 1986 un certificat de « médecine pénitentiaire » qui devient en 1989 une capacité. Ce diplôme national traduit, selon le Dr Gonin, une certaine consécration de l'exercice médical en prison : « Ainsi, la médecine pénitentiaire a été reconnue au même titre que la médecine aérospatiale, l'alcoologie, la médecine du sport, etc. »1594(*). Tout comme le diplôme présidé par le Pr Troisier, cette capacité présente des enseignements médicaux et juridiques, même si ces derniers sont minoritaires (un tiers). Pourtant, c'est essentiellement l'aspect juridique de l'exercice en milieu carcéral qui justifierait, selon ses créateurs, la mise en place de cette spécialité. Le docteur Gonin en souligne, par exemple, l'importance en matière de constats de coups et blessures : « La connaissance des codes et de la pratique médico-légale est essentielle pour travailler sereinement et efficacement en détention »1595(*). Dans leur travail de définition et d'appropriation de la médecine pénitentiaire, les praticiens lyonnais présentent « la médecine pénitentiaire [comme] une médecine sociale dans la filiation d'Alexandre Lacassagne »1596(*). « Que voulez-vous, cette discipline de la médecine légale a toujours été attentive aux malheurs de la Cité », s'exclame Marcel Colin responsable de cette capacité. Le fait qu'une thèse de médecine soutenue à cette époque par une interne des prisons de Lyon développe une approche purement criminologique sur les détenus témoigne de l'enchevêtrement opéré à Lyon entre médecine pénitentiaire, criminologie et médecine légale1597(*).

L'annexion de la médecine pénitentiaire à la médecine légale n'est pas un phénomène nouveau. Elle correspond, notamment à Lyon, aux premières tentatives d'institutionnaliser l'exercice des soins en prison. « Le tournant remonte à une trentaine d'années lorsque le Professeur Roche a décidé de faire sortir les médecins légistes de la "morgue" et de les intégrer à l'hôpital », note un journaliste retraçant l'historique de l'« école lyonnaise »1598(*). L'extension de cette discipline repose, soulignent ceux qui en sont à l'origine, sur la définition donnée par Alexandre Lacassagne, à savoir que « la médecine légale a pour objet de mettre les connaissances médicales au service de l'organisation et du fonctionnement du corps social »1599(*). Pressentant la montée en puissance de l'hôpital que consacre la réforme de 1968, le Professeur de médecine légale Louis Roche tente dès le début des années soixante de pallier l'absence de service clinique par une diversification de leurs activités1600(*).

Dans la lignée d'Alexandre Lacassagne qui était membre de la commission de surveillance des prisons de Lyon, l'investissement en milieu carcéral est perçu à la fin des années soixante pour le Pr Roche comme un moyen d'étendre le secteur de la médecine légale. C'est cette dynamique que retrace le Dr Gonin :

« La médecine légale, il l'a non seulement fait revivre à Lyon mais aussi au niveau national. Il a ressuscité la Société de médecine légale, il a fait des élèves. Ce sont des choses un peu...commerciales. Et puis surtout ce qui a été fondamental, au moins ici et un peu ailleurs, c'est qu'il s'est dit que pour que la médecine légale soit vivante, il ne pouvait pas rester uniquement dans l'institut de médecine légale qui est réputé... faire des autopsies quoi ! [...]Roche disait : "Mais les expertises se font de plus en plus sur le vivant" [...] On pourrait dire qu'il a, à Lyon, intégré la médecine pénitentiaire parce que tous ceux qui allaient en prison étaient passés par là. Colin avait beaucoup recruté. Mais Roche n'avait pas scindé la médecine pénitentiaire du reste. Il voyait la médecine pénitentiaire comme une expansion, comme une antenne de l'urgence médicale, au sens de "Vous voyez, au final, les mêmes gens" »1601(*).

La spécificité lyonnaise fut le fait, d'une part, de constituer une équipe et, d'autre part, de disposer d'un rattachement universitaire, comme le souligne l'un élèves de Louis Roche :

« La chance que nous avons eue par rapport à tous les collègues vacataires des établissements pénitentiaires de France, c'est précisément ce rattachement universitaire à travers la médecine légale qui nous permettait à la fois de ne pas être seul et qui permettait un partage d'expériences et un travail de recherche. L'université était un support »1602(*).

Lui-même s'étant spécialisé initialement dans l'anthropologie médico-légale1603(*), Georges Fully qui ne bénéficiait d'aucun réseau universitaire avait trouvé un appui précieux dans la médecine légale, à travers Léon Dérobert dont il était proche1604(*). C'est grâce à son aide qu'il avait mis en place en 1965 une attestation de médecine pénitentiaire, rattachée à la chaire de médecine légale de la Faculté de Paris. Cette affiliation est poursuivie par Solange Troisier qui n'hésite pas à souligner, comme ici lors du congrès de 1978, que « la médecine pénitentiaire s'intègre parmi les préoccupations essentielles d'une médecine légale moderne »1605(*). Plus qu'une relation de subordination, s'établit alors un rapport de coopération entre ces deux disciplines médicales. Risquant de disparaître au sein du milieu universitaire, faute d'activités cliniques, la médecine légale est en effet depuis le début des années soixante à la recherche de nouveaux débouchés. L'une des hypothèses alors envisagée est d'intégrer cette spécialité à la « médecine sociale », comme en témoigne le projet d'un Diplôme d'études spécialisées en médecine sociale, option médecine légale, imaginé en 1984 par la DGS. Ce débouché universitaire est également envisagé pour la médecine pénitentiaire, parfois décrite par Solange Troisier comme une « médecine sociale »1606(*). La proposition faite lors du congrès de médecine pénitentiaire de 1978 par Etienne Fournier, Professeur de médecine légale proche du Médecin-inspecteur, à Simone Veil de regrouper médecines pénitentiaires et légales au sein d'« instituts hospitalo-universitaires de Santé publique qui auraient la charge des enseignements et des études prospectives de médecine sociale », souligne une possible alliance entre ces deux disciplines1607(*). Elle rejoint la proposition faite par un membre de la faculté de Paris en 1981 de faire de la médecine légale un « service public étatisé, exercé par des fonctionnaires indépendants, non rétribués à l'acte, inamovibles, au statut proche de celui des magistrats »1608(*).

C'est par conséquent en reprenant à leur compte l'affiliation de la médecine pénitentiaire à la médecine légale que les praticiens lyonnais entendent faire de Lyon la « capitale de la médecine pénitentiaire », qu'ils tentent de faire perdurer en tant que discipline (QDM, 7/10/1988). Ils soulignent d'ailleurs à plusieurs reprises les spécificités carcérales. Il est nécessaire de prendre en charge, souligne le Dr Barlet, « la pathologie particulière du détenu » (Le Progrès, 7/06/1985). « La pathologie carcérale n'a plus de secrets pour lui : il l'a étudiée sur le terrain pendant plus de vingt-cinq ans à la Maison d'arrêt des femmes de Montluc et y a longuement réfléchi au sein de l'école de criminologie de Lyon », note un journaliste au sujet du même praticien (La Croix, 15/12/1989). « Si l'on en croit ce médecin [le Pr Colin], les pathologies qui se développent le plus en prison sont les grèves de la faim, les tentatives de suicide mais surtout les amputations volontaires et les ingestions de corps étrangers, qualifiées de "spécialité carcérale" » (Lyon Figaro, 30/11/1989).

Cette survivance de la médecine pénitentiaire au sein du milieu universitaire est notamment l'oeuvre de Solange Troisier qui, bien que moins visible, n'en continue pas moins à promouvoir cette spécialité dans le cadre de sa chaire universitaire. Elle dirige ainsi au moins sept thèses durant les années quatre-vingt. L'une d'entre elles, consacrée aux « automutilations en milieu pénitentiaire », reçoit d'ailleurs en 1986 la médaille d'argent de la Faculté de médecine Lariboisière (QDM, 19/06/1986). L'ancien Médecin-inspecteur continue, d'autre part, à jouer un rôle important de promotion de la médecine carcérale de façon mondiale par le biais du Conseil international des services médicaux dans les prisons (CISMP), dont elle conserve la présidence lors du troisième congrès tenu à Bristol en août 19881609(*). Solange Troisier est reconduite une dernière fois à cette fonction en octobre 19891610(*). Elle est également pendant un temps réhabilitée par le garde des Sceaux, Albin Chalandon, qui lui confie une mission sur le sida.

Car à mesure que l'exercice médical en milieu carcéral se déspécialise, l'organisation des soins est confrontée à l'épidémie. La relation déjà établie avec les services du ministère de la Santé va alors produire pleinement ses effets, l'IGAS servant une nouvelle fois de conseiller médical au ministère de la Justice rappelle Jean Favard : « Heureusement qu'on avait déjà des liens avec l'IGAS qui nous a dit : "Attention, pas de panique. Il faut faire ça, etc.". On a même demandé à l'IGAS d'aller expliquer dans les structures ce qu'il en était. Parce que si nous, on avait dit : "Circulez, y a rien...", ça aurait été un peu suspect [...] Donc on a eu le bénéfice immédiat du décloisonnement. Sinon, on ne s'en serait pas sorti »1611(*). En soulignant les carences de la prise en charge médicale des détenus, l'épidémie rappelle au ministère de la Justice les nombres difficultés à gérer l'organisation des soins en même temps qu'elle légitime les partisans d'une médecine non pénitentiaire. Le sida fut ainsi un puissant instrument de réforme au service de ceux qui étaient favorables à un transfert de compétence au ministère de la Santé.

* 1519 Jacques, magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30 (Souligné par nous).

* 1520 On s'appuie ici sur les archives internes non-versées de la DGS consultées au ministère de la Santé.

* 1521 Note de la DGS à Monsieur le Chef de l'IGAS datée du 29/09/1987. Archives internes DGS.

* 1522 Lettre du ministère de la Santé au garde des Sceaux datée du 13/11/1987. Archives internes DGS.

* 1523 Avis du médecin inspecteur de la santé publique sur le projet de M.A de 600 places à Villepinte daté du 12/11/1987. Archives internes DGS.

* 1524 Compte rendu de la MISP de la DDASS de l'Essonne sur la Commission d'appel d'offre pour les prisons privées. 16/01/1988. Archives internes DGS.

* 1525 Ces informations sont extraites des synthèses d'évaluation trouvées dans les archives de la DGS internes.

* 1526 En dehors de quelques très grands établissements, les prisons ne disposent pas de personnel médical la nuit. Cette question fait encore débat aujourd'hui.

* 1527 C'est en partie parce que l'enveloppe budgétaire ne recouvrait pas les dépenses que HPI et Dumez se sont retirés du marché en question par la suite.

* 1528 DGS, compte rendu du groupe de travail relatif au service médical des nouveaux établissements pénitentiaire du programme « 13.000 » du 18/10/1988. Document manuscrit. Archives DGS internes.

* 1529 DGS, prises de notes manuscrites lors de la réunion du 8/11/1989 du groupe de travail relatif au fonctionnement médical des prisons « 13.000 ». Archives internes DGS.

* 1530 DGS, compte rendu du groupe de travail relatif au service médical des nouveaux établissements pénitentiaire du programme « 13.000 » du 8/11/1988. Document manuscrit. Archives internes DGS.

* 1531 DGS, compte rendu du groupe de travail relatif au service médical des nouveaux établissements pénitentiaire du programme « 13.000 » du 7/10/1988. Document manuscrit. Archives internes DGS.

* 1532 DAP, « Les effectifs du service médical dans les établissements du programme 13.000 », 01/1989.Bibliothèque DAP.

* 1533 Note DGS au Conseiller technique du ministre de la Santé datée du 20/01/1989. Archives internes DGS.

* 1534 DAP, Programme 13.000. Rapport de fonctionnement 1991. Bibliothèque DAP.

* 1535 Sylvie, médecin-chef à la M.A de Villepinte de 1991 à 1997 puis Directeur médical de la zone Nord GEPSA. Entretien réalisé le 17/06/2005, 2H50.

* 1536 AKRICH Madeleine, CALLON Michel, « L'intrusion des entreprises privées dans le monde carcéral français : le programme 13000 » dans ARTIERES Philippe, LASCOUMES Pierre, (dir.), Gouverner, enfermer. La prison, un modèle indépassable ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p.303

* 1537 MYNARD Dominique, « Administration des médicaments en milieu pénitentiaire : une évolution possible », document de travail GEPSA, 18/07/1990 (CAC. 20020140. Art.13 : Rapport IGAS sur les médicaments en milieu carcéral).

* 1538 « Pour un guide de conduite éthique et déontologique » in DAP, Soigner absolument ! Pour une médecine sans rupture entre la prison et la ville, actes du colloque des 4 et 5 avril, Paris, 1992, p.11.

* 1539 Hervé Dubost-Martin, cadre de GEPSA devenu DG en 1995. Entretien réalisé le 24/06/2005, 2H20.

* 1540 AKRICH Madeleine, CALLON Michel, « L'intrusion des entreprises privées...», art.cit., p.308.

* 1541 Lettre du directeur des Hôpitaux de Paris International à M. De Véricourt, PDG de GEPSA, du 24/08/1990 (CAC. 20020140. Art.13).

* 1542 Hervé Dubost-Martin, cadre de GEPSA devenu DG en 1995. Entretien réalisé le 24/06/2005, 2H20.

* 1543 Hervé Dubost-Martin, cadre de GEPSA devenu DG en 1995. Entretien réalisé le 24/06/2005, 2H20.

* 1544 Sylvie, médecin-chef à la M.A de Villepinte de 1991 à 1997 puis Directeur médical de la zone Nord GEPSA. Entretien réalisé le 17/06/2005, 2H50.

* 1545 En vertu du décret du 31 juillet 1987, l'habilitation nécessaire pour exercer en milieu carcéral ne peut être retirée que pour des raisons graves et cela suppose une démarche administrative susceptible de recours.

* 1546 On s'appuie ici sur les archives du cabinet Méhaignerie saisi de cette question (CAC. 19950466. Art.44).

* 1547 Lettre de la DRSP de Lille à J. Schmelck, DG de GEPSA, datée du 30/07/1992 (CAC. 19950466. Art.44).

* 1548 Lettre de J. Schmelck, DG de GEPSA, au DRSP de Lille du 25/08/1992 (CAC. 19950466. Art.44).

* 1549 Note interne de la société GEPSA du directeur général délégué datée du 18/02/1993 (CAC. 19950466. Art.44).

* 1550 Lettre de J.C Karsenty, DAP, à J. Gabriel, PDG de GEPSA, datée du 9/11/1992 (CAC. 19950466. Art.44).

* 1551 Lettre de J-C. Karsenty, DAP, à J. Schmelck, DG de GEPSA, datée du 6/05/1993 (CAC. 19950466. Art.44).

* 1552 Lettre de J. Schmelck auprès de Philippe Léger, directeur de cabinet du garde des Sceaux, datée du 11/05/1993.

* 1553 Une psychiatre médecin-chef du SMPR de Rouen ayant rédigé l'arrêté fixant le règlement intérieur des SMPR rappelle les enjeux de pouvoir que revêtait la distribution des fioles de psychotropes en détention ces derniers ayant une fonction d'échange : « "Si tu me dis ce qui s'est passé cet après midi à l'atelier, je te la donne, sinon je te la donne pas !". Donc, ils [les surveillants] avaient un pouvoir de maîtrise phénoménal ! C'est à dire qu'ils avaient une maîtrise, notamment sur les toxicomanes qui avaient une dépendance et qui sont totalement dépendants de leur traitement et qui donc étaient prêts à dire n'importe quoi pour avoir leur fiole » (Lucie, psychiatre, membre de la DGS de 1985 à 1988, médecin-chef du SMPR de Rouen de 1989 à 1996 et membre de la DGS de 1994 à 1996. Entretiens réalisés les 2/02/2006 et 5/05/2006, 4H et 2H45).

* 1554 AKRICH Madeleine, CALLON Michel, « L'intrusion des entreprises privées...», art.cit., p.303.

* 1555 Julien, généraliste aux Baumettes de 1992 à 1996 puis à Luynes de 1996 à 1999 puis médecin-chef de la M.A de Salon de Provence de 1999 à 2000. Entretien réalisé le 21/02/2006, 1H40.

* 1556 Lettre d'un MISP à l'IGAS du 12/08/1991. 19950229. Art.2. IGAS.

* 1557 BERUT-BERSIER Evelyne, La santé en milieu carcéral, op.cit., p.125.

* 1558 Jean-Paul Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai 1988 à mai 1991 puis Conseiller technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992. Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.

* 1559 HPI, filiale à 50% de l'Assistance publique de Paris, aurait également fait l'objet d'une mauvaise gestion interne ce qui expliquerait en partie cette décision. La société sera liquidée peu de temps après et fera l'objet d'un rapport de la Chambre régionale des comptes d'IDF (Communiqué APM, « Villefranche-sur-Saône : HPI ne veut plus assumer les soins médicaux de la prison "privée" », 29/04/1992).

* 1560 Sylvie, médecin-chef à la M.A de Villepinte de 1991 à 1997 puis Directeur médical de la zone Nord GEPSA. Entretien réalisé le 17/06/2005, 2H50.

* 1561 C'est la conclusion à laquelle aboutit également le rapport effectué par un groupe de travail de l'Ecole nationale d'administration en 1994 : « La délégation des prestations de santé a constitué une réponse appréciable aux insuffisances flagrantes de la santé en milieu carcéral [...] L'existence d'une fonction médicale autonome a permis une transformation des pratiques médicales au sein de l'établissement. La distribution des médicaments est systématiquement prise en charge par les infirmières et non plus par les surveillants. Le respect du secret médical est assuré avec davantage de vigueur » (ENA, La gestion de nouveaux établissements pénitentiaires dans le contexte du programme pluriannuel pour la Justice, Bilan de la promotion René Char, séminaire décembre 1994, p.7).

* 1562 FARGES Eric, La gouvernance de l'ingérable. Quelle politique de santé publique en milieu carcéral ? Analyse du dispositif soignant des prisons de Lyon et perspectives italiennes, op.cit, pp.61 et suiv.

* 1563 AKRICH Madeleine, CALLON Michel, « L'intrusion des entreprises privées...», art.cit., p.297.

* 1564 ENA, La gestion de nouveaux établissements pénitentiaires..., op.cit., p.7.

* 1565 C'est dans cet objectif que Pierre Arpaillange retire de la gestion semi-privée quatre établissements destinés à faciliter la comparaison entre les deux systèmes sur des bases comparables.

* 1566 Ministère de la Justice, Nouvelles prisons - le programme 13.000, 1990. Bibliothèque DAP.

* 1567 DGS, prises de notes manuscrites lors de la réunion du 27/01/1989 du groupe de travail relatif au fonctionnement médical des prisons « 13.000 ». Archives internes DGS.

* 1568 En 1992, le coût moyen des dépenses médicales pour un détenu s'élève à 12,50 francs par jour dans un établissement public classique contre 29 francs dans un établissement « 13.000 » (Chouquet Sylvie, « 2 737 500F : c'est le coût d'un détenu condamné à 30 ans », Le quotidien de Paris, 14/10/1993).

* 1569 DELTEIL Gérard, Prisons : la marmite infernale, Paris, Syros Alternatives, 1990, p.200.

* 1570 Lettre de la section des affaires économiques de la DAP aux sous directeurs du 24/08/1990 sur le bilan de la gestion 1988 et 1989, 3 pages dactylographiées. Archives internes DAP.

* 1571 Jean-Paul Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai 1988 à mai 1991 puis Conseiller technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992. Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.

* 1572 Michèle Colin, magistrate, chef de Bureau de l'action sanitaire et de la lutte contre la toxicomanie à la direction de l'Administration Pénitentiaire de 1990 à 1994. Entretien réalisé le 6/01/2006 à Paris. Durée : 1H50.

* 1573 Les informations suivantes sont extraites du dossier de carrière de Patrick consulté au CAC de Fontainebleau.

* 1574 Note du DRSP Bordeaux à la DAP datée du 8/02/1988 (CAC. 19940511. Art. 96. Dossiers de carrière des médecins ayant cessé leurs fonctions en 1981-1989).

* 1575 Note du directeur du CD d'Eysses au DRSP de Bordeaux datée du 16/09/1987.

* 1576 Lettre du surveillant auxiliaire sanitaire au directeur du CD d'Eysses datée du 28/08/1987.

* 1577 Note du directeur du CD d'Eysses au DRSP de Bordeaux datée du 16/09/1987.

* 1578 Lettre du MISP Garonne à la DAP datée du 22/01/1988.

* 1579 Note du directeur du CD d'Eysses à la DAP du 28/01/1988.

* 1580 Note du directeur du CD d'Eysses à l'Inspection des services pénitentiaires datée du 23/03/1988.

* 1581 Note du avis du service d'Inspection de la DAP au Chef du Bureau du personnel et des statuts du 1/04/1988.

* 1582 On rappelle que le personnel effectuait parfois des pressions auprès des médecins pénitentiaires dans la détermination du nombre de jours d'arrêts de travail permettant de qualifier la nature de l'infraction.

* 1583 Lettre du chef de la M.A de Saintes au DRSP de Bordeaux datée du 28/10/1987 (CAC. 19940511. Art.92).

* 1584 Lettre du chef de la M.A de Saintes au DRSP de Bordeaux datée du 23/11/1987 (CAC. 19940511. Art.92).

* 1585 Les informations suivantes sont extraites du dossier de carrière de ce médecin consulté au CAC.

* 1586 Lettre manuscrite du médecin de la M.A de Saintes à Albin Chalandon datée du 20/04/1986, 7 pages (CAC. 199405111. Art 90).

* 1587 Ce médecin met en avant à plusieurs reprises le fait que son père intervienne depuis cinquante deux ans à la M.A en tant que dermatologue ainsi que le fait qu'il soit diplômé de médecine pénitentiaire. Il est d'ailleurs l'un des rares à faire figurer ce diplôme sur ses feuilles d'ordonnance.

* 1588 Lettre manuscrite du médecin de la M.A de Saintes à Albin Chalandon datée du 11/11/1986, six pages (CAC. 199405111. Art 90).

* 1589 « Pour Myriam Ezratty, directrice de l'administration pénitentiaire : "Il n'y a pas deux médecines : l'une pour la société civile, l'autre pour le monde carcéral" », Panorama du médecin 1984.

* 1590 GUION Pascale, L'hospitalisation des détenus, op.cit., p.90.

* 1591 Ibidem, p.90.

* 1592 Cf. Encadré : « L'intégration de la psychiatrie pénitentiaire dans le secteur hospitalo-universitaire : l'exemple lyonnais ».

* 1593 « Des lits civils pour la médecine pénitentiaire », Libération, 8-9/06/1985.

* 1594 GONIN Daniel, La santé incarcérée, op.cit., p.254.

* 1595 Ibidem., p.74.

* 1596 « Lyon va proposer la seule capacité de médecine pénitentiaire en France », Le Quotidien du médecin, 26/05/1988.

* 1597 MICHELLAND Françoise, Les délinquants à l'entrée en prison : les caractéristiques culturelles, familiales, sociales et pathologiques de cette population, thèse de médecine, Faculté de Lyon, 1987.

* 1598 « Médecine légale : l'école lyonnaise au premier rang », Libération, 2/06/1991.

* 1599 COLIN Marcel, LE GUEUT Jean, MARIN André, ROCHE Louis, « La médecine légale. Domaine, organisation, fonctionnement », RSCDPC, 1961, n°4, p.705.

* 1600 Cf. Annexe 32 : « La crise de la médecine légale : une difficile intégration hospitalo-universitaire et sa nécessaire reconversion ».

* 1601 Daniel Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les 25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.

* 1602 Pierre Barlet, médecin aux M.A de Lyon depuis 1966 puis responsable du service des détenus de l'hôpital Lyon Sud depuis 1985. Entretiens réalisés le 18/04/2003 et le 30/04/2008. Durées: 2H15 et 2H00.

* 1603 Georges Fully avait développé, avec le Dr Pineau, une méthode de reconstitution du squelette qu'il avait développée lors de son travail d'identification des corps au sein des camps de concentration.

* 1604 Professeur de médecine légale, de droit médical et de déontologie médicale à l'université René Descartes (Paris V), Léon Dérobert (1910-1980) fut pendant longtemps le directeur de l'Institut médico-légal de Paris (1962-1979).

* 1605 DAP, Premier congrès mondial de médecine pénitentiaire, op.cit, p.22-23.

* 1606 TROISIER Solange, « Médecine pénitentiaire et droits de l'homme », Bulletin de l'académie nationale de médecine, 1993, 177, n°6, 999-1012, 29/06/1993.

* 1607 DAP, Premier congrès mondial de médecine pénitentiaire, op.cit, p.312.

* 1608 DURIGON Michel, Pour une réforme profonde de la médecine de légale en France, faculté de médecine de Paris, juillet 1981, p.3.

* 1609 A ce sujet, les services de l'ambassade de France à Londres, soucieux de la représentation française à l'étranger, racontent comment : « Le monde anglo-saxon y était nettement dominant, les participants de sensibilité francophone n'étant guère qu'une dizaine, dont deux seuls Français, Madame le Professeur Solange Troisier et le Docteur Lamothe. Seul l'anglais était utilisé et sans traduction. Ce qui est notable, c'est que dans un tel contexte, Madame Troisier ait pu, après de savantes manoeuvres de couloirs et ayant évité un vote réel, se maintenir pour 1988 à la Présidence du CISMP, dont le siège, en France, n'est pour l'instant pas contesté. [...] Mais il est probable, qu'après la conférence de fin 1988 du Bureau du Conseil, il sera difficile à madame Troisier de se maintenir à la Présidence du CISMP » (Compte rendu du 3ème congrès mondial du CISMP tenu à Bristol en 08/1988 par le service des Affaires sociales de l'Ambassade de France à Londres. Archives internes DGS).

* 1610 TROISIER Solange, « Médecine pénitentiaire », Le Figaro, 14/12/1989.

* 1611 Favard Jean, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien réalisé le 10/012008, 3H00.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery