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Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).

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par Eric FARGES
Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013
  

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Le rapport Chodorge du Haut comité de la santé publique : les conditions de production d'une expertise légitimante

Une personne extérieure au HCSP est choisie pour présider la mission : Gilbert Chodorge, un directeur d'hôpital proche de Gérard Vincent qui connaît bien la Direction des hôpitaux (DH) où il a travaillé sept ans1879(*). Initialement restreint, le groupe de travail s'étoffe au fil des travaux de la commission qui s'étalent entre septembre et janvier 1993. Etrangement, celle-ci ne comporte aucun représentant du ministère de la Santé, à l'exception de Guy Nicolas, alors que les membres de la DAP sont très présents (quatre des sept membres actifs de la commission). Ainsi, tous ceux qui sont réticents à l'idée d'un transfert de tutelle sont écartés de la mission. Les trois médecins pénitentiaires qui en sont membres, récemment arrivés, réfutent l'appellation de « médecine pénitentiaire »1880(*). Un infirmier psychiatrique est appelé à participer à la commission alors même qu'il vient d'arriver en poste depuis quelques mois et qu'il ne connait pas le milieu carcéral1881(*). Tous les soignants amenés à participer aux travaux appartiennent ainsi au segment de praticiens arrivés durant les années quatre-vingt et hostiles à une médecine pénitentiaire spécifique.

L'objet de la commission n'est par conséquent pas tant d'évaluer la pertinence d'une réorganisation des soins que de légitimer une décision déjà prise. C'est ce que souligne un des membres de la mission Chodorge : « Le transfert était déjà décidé. Il n'a fait que confirmer ce qui avait été décidé. Ce n'était pas du tout un rapport sur l'opportunité du transfert »1882(*). Destiné à convaincre, le rapport adopte une tonalité alarmiste. En l'absence de statistiques fiables sur la santé des détenus1883(*), il multiplie les chiffres approximatifs, qui seront repris par la presse1884(*). Celui qui est alors Conseiller technique au cabinet du ministre de la Justice observe que certaines statistiques, notamment en matière de troubles psychiatriques1885(*), étaient « discutables », tout en justifiant néanmoins cette stratégie : « N'empêche que c'est exactement ce qu'il fallait ! Un rapport sec et nerveux qui donnait les éléments. C'est exactement ce qu'il fallait ! »1886(*).

La mission Chodorge aboutit à un pré-rapport diffusé à tous les services concernés en décembre 1992 en prévision d'une réunion entre les cabinets des ministères de la Santé et de la Justice. En préparation de cette réunion, la Sous directrice de l'organisation des soins à la DGS demande confirmation à Jean-François Girard d'une position conditionnant l'intervention d'équipes hospitalières à la prise en charge par la Sécurité sociale : « Un transfert global de responsabilité au "profit" du Ministère de la Santé n'est pas dissociable de la résolution du problème du financement »1887(*). Au cours de la réunion du 22 décembre 1992, où tous les services sont représentés à l'exception de la Direction de la sécurité sociale1888(*), est adoptée l'idée d'une prise en charge hospitalière soumise néanmoins à un arbitrage du Premier ministre prévu pour le mois de janvier1889(*). Probablement autant par conviction idéologique que par stratégie politique, il est convenu que la réforme soit adoptée dans les derniers jours du gouvernement de Pierre Bérégovoy. La forme que prend alors la réforme du fait de l'urgence des législatives s'avérera insuffisante et donnera lieu à un projet de loi du nouveau gouvernement, grâce à l'engagement notamment de Simone Veil.

* 1879 Guy Nicolas, ancien vice-président du Haut Comité à la Santé Publique et Conseiller technique auprès de la Direction des Hôpitaux. Entretien réalisé le 15/06/2005 à Paris. Durée : 2h20.

* 1880 Il s'agit uniquement de médecins-chefs nommés afin de réformer l'organisation des soins : les Dr Emmanuelli à Fleury-Mérogis, Tuffelli à Fresnes et Galinier-Pujol aux Baumettes (Cf. Chapitre 6. Section 2-1 : « L'arrivée de médecins-chefs réformateurs : une même médecine entre le dedans et le dehors ? »).

* 1881 Denis, cadre infirmier du Service médico-psychologique régional (SMPR) de Loos-lès-Lille, membre du rapport du Haut comité de la santé publique. Entretien réalisé le 14/02/2007 au téléphone. Durée : 1H.

* 1882 Jacqueline Tuffelli, médecin-chef de la Maison d'arrêt de Fresnes de 1986 à 2003, membre du Rapport du Haut comité à la Santé publique. Entretien réalisé les 20 et 22/06/2005. Durée : 5H00.

* 1883 Le pré-rapport du HCSP sera soumis à la critique de Jeannine Pierret, sociologue de la santé, membre du Haut Comité, qui observe que ce dernier « souffre, d'une façon générale, d'un manque de données et de connaissances pour étayer l'argumentation » (PIERRET Jeannine, « Notes de son intervention sur le pré-rapport relatif à l'amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus », 23/11/1992, p.3. Archives DGS).

* 1884 A titre d'exemple, Le Monde observe à partir du rapport : « Son constat est accablant : 15% des détenus sont toxicomanes, 30% sont alcoolo-dépendants ; 30% prennent régulièrement des médicaments ; 80% nécessitent des soins dentaires. Le taux de contamination par les virus de l'hépatite B ou C sont très élevés. La proportion de personnes infectées par le virus du sida est dix fois plus élevée en prison que dans la population générale. Les tuberculeux y sont trois fois plus nombreux et les équipes médicales manquent cruellement de moyens » (LM, 16/08/1993).

* 1885 Le rapport relève l'absence « d'études épidémiologiques fiables » avant de noter que « cependant, il est communément admis que 20% des détenus relèvent de soins psychiatriques ». HCSP, op.cit., p.52.

* 1886 Jean-Paul Jean, magistrat, Conseiller technique des ministres de la Justice Henri Nallet puis Michel Vauzelle de mai 1991 à avril 1992. Entretien réalisé le 6/07/2005 à Paris. Durée : 2h00.

* 1887 DGS/3S, « Note à l'attention de M. Girard » datée du 13/12/1992. Archives internes DGS.

* 1888 La Direction des hôpitaux est également à ce stade de la réforme peu impliquée directement puisque assiste à la réunion seulement Joseph Alos, le directeur du Centre hospitalier de Laon avec lequel une convention a été signée. Gilbert Chodorge assure cependant une fonction de relais importante avec la Direction des hôpitaux.

* 1889 Cabinet du ministre de la Santé, « Réunion du 22 décembre 1992. Médecine pénitentiaire » daté du 11/01/1993. Archives internes DGS.

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