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L' apport de l'arbitrage à  la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA


par BIKOI Jacques delor
Université de Yaoundé 2 - Master professionnel en Droit privé/option Droit, pratiques juridiques et judiciaires  2016
  

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A. L'absence d'éthique chez l'arbitre

Il arrive parfois que dans l'espace OHADA, des procédures arbitrales connaissent des dérives qui poussent à se demander si le droit applicable à l'arbitrage communautaire suffit à lui seul à assurer une sécurité optimale aux investisseurs ou mieux encore, s'il n'est pas préférable de l'associer à d'autres normes telles que la morale ou l'éthique. Cette interrogation n'est pas anodine quand l'on conçoit, pour reprendre Pascal DIENER, que « le droit, tout le droit, même dans ses aspects les plus techniques est dominé par les lois morales dans sa fonction normative »364.

Bien qu'étymologiquement, la morale et l'éthique soient des synonymes365, certains auteurs les distinguent en raison de la connotation passéiste ou confessionnelle que la morale pourrait véhiculer366 car étant essentiellement tournée vers le for intérieur de l'individu, sa transgression ne peut être sanctionné que par la conscience. À contrario, l'éthique serait tournée vers l'extérieur, elle distingue clairement le bon du mauvais et en cela elle est considérée comme une morale collective. Le Doyen Cornu l'entendait d'ailleurs comme étant « l'ensemble des principes et valeurs guidant les comportements sociaux et professionnels, et inspirant les règles déontologiques où juridiques »367. L'éthique peut donc être considérée non seulement comme un parent proche de la morale du fait de leur rapprochement étymologique, mais également comme une amie de la déontologie368 en ce sens qu'elle renvoie à un ensemble de devoirs inhérents à l'exercice d'une activité

364 P. DIENER, Ethique et droit des affaires, Rec. Dalloz Sirey, 1993, chr. n° 2, p. 17.

365 Le mot `'éthique» découle du grec ethikos qui signifie moral qui lui découle de ethos qui renvoi aux moeurs

366 Ch. JARROSSON, « Ethique, déontologie et normes juridiques dans l'arbitrage », in L'éthique dans l'arbitrage, Guy KEUTGEN (Dir.), Actes du colloque de Francarbi du 09 Décembre 2011, Bruylant, 2012, p. 3.

367 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 11e Ed., Mise à jour, P. 423.

368 K. AGBAM, H. B. MOUZOU, « L'éthique dans l'arbitrage OHADA : Etude à la lumière du nouvel Acte Uniforme relatif au droit de l'Arbitrage et du nouveau Règlement d'Arbitrage de la CCJA », Article publié sur www.ohada.com, Consulté le 14 Août 2019 à 23h50, p.1.

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professionnelle et le plus souvent établis par un ordre professionnel369. L'éthique est donc, pour reprendre le Professeur Pierre TERCIER, « ce qui se fait ou ce qui ne se fait pas, ce qui doit se faire ou ne pas se faire »370.

Dans l'espace OHADA, la question de l'inter normativité entre le système normatif arbitral communautaire et l'éthique pris au sens de la morale collective ne se pose pas, étant entendu que le législateur africain a consacré des obligations auxquelles tout arbitre OHADA devrait se soumettre. C'est notamment le cas de l'obligation d'indépendance et d'impartialité, de révélation371, de disponibilité372 et même de diligence373 qui est spécialement prévue par l'article 4.1.2 du NRA/ CCJA et qui à notre avis impliquerait certainement des obligations tacites de disposer des qualités requises ainsi que d'agir dans l'intérêt des parties374. Ce qui permet de soutenir que ce n'est pas la prise en compte de l'éthique par le droit communautaire arbitral qui fait problème, mais plutôt son application sur le terrain de la pratique où on observe très souvent des dérives à trois niveaux à savoir l'obligation de révélation, de disposer des qualités requises et d'agir dans l'intérêt des parties.

S'agissant de l'obligation de révélation, il arrive que son respect pose des problèmes. Tout récemment encore, la CCJA s'est vue saisir d'un pourvoi en cassation dirigé contre une décision de la Cour d'Appel de Douala ayant annulé une sentence arbitrale pour violation par l'arbitre de son obligation de révélation, ce qui lui donna l'occasion de rappeler qu' « il est de jurisprudence que l'arbitre doit révéler toute circonstance de nature à affecter son jugement et à provoquer dans l'esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités d'impartialité et d'indépendance qui sont de l'essence même de la fonction arbitrale »375.

S'agissant de l'obligation de disposer des qualités requises, elle suppose, comme l'explique le Professeur TERCIER, qu'au moment où il est approché par les parties, il doit être à même de déterminer suivant les informations qui lui sont remises s'il correspond au profil recherché. Ce qui lui donne l'occasion de ne pas accepter l'affaire et de s'excuser au cas

369 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 8ème éd., op.cit., p.292.

370 P. TERCIER, « L'éthique des arbitres », in L'éthique dans l'arbitrage, op.cit., p. 19.

371 V. supra.

372 L'obligation de disponibilité est tacitement consacrée à l'article 7 al.2 NAUA qui prévoit que « L'arbitre s'engage à poursuivre sa mission jusqu'au terme de celle-ci à moins qu'il justifie d'un empêchement ou d'une cause légitime d'abstention ou de démission », et par l'article 4.1.2 NRA/ CCJA dont il ressort que l'arbitre « doit poursuivre sa mission jusqu'à son terme avec diligence et célérité ».

373 L'obligation de diligence s'attache au soin avec lequel tout professionnel est tenu d'exécuter sa mission. Ce soin s'entrevoit à travers la rapidité et l'efficacité de son action.

374 P. TERCIER, op.cit., pp.31-34.

375 Recueil de jurisprudences de la CCJA, arrêt n° 151/2017 du 29 juin 2017.

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où il n'y répondrait pas376. Cette exigence est à notre avis d'une indéniable nécessité dans la mesure où l'arbitre qui dispose suffisamment de compétence en droit, qui maitrise la langue de procédure et qui dispose d'une bonne expérience pratique est plus aguerri pour rendre une bonne sentence dans les délais raisonnables. Malheureusement, la pratique nous révèle que tel n'est pas toujours le cas, certains arbitres acceptant souvent des missions portant sur des questions qui ne ressortent pas toujours de leurs compétences intellectuelles. Ce qui conduit dans certains cas au dépassement des délais prévus à l'avance, du fait pour ces derniers de rechercher en cours de procédure, des compétences dont ils ne disposaient pas avant d'accepter leur mission. Cette situation permet de constater que certains arbitres acceptent leur mission non pas dans le but de rendre un service juridictionnel nécessaire pour la bonne marche des affaires, mais plutôt dans le but de se faire de l'argent. Nous pensons qu'il est possible de remédier à cette difficulté si le législateur faisait du devoir de compétence, une exigence à laquelle tout arbitre OHADA devrait répondre. Pour parvenir à ce résultat, nous suggérons que soit étendue l'obligation de révélation à toute situation de nature à créer un doute sur la compétence intellectuelle de l'arbitre.

S'agissant enfin de l'obligation d'agir dans l'intérêt des parties, elle implique le devoir pour l'arbitre de faciliter la solution du litige en jouant préalablement un rôle d'apaisement377 . Il implique également que les arbitres doivent se préoccuper de l'aspect financier de la procédure. Aussi ne doivent-ils pas « gonfler artificiellement les coûts engendrés par leurs prestations, ni accepter des paiements d'une partie, à moins que cela n'ait été convenu où admis »378. Le constat est parfois regrettable dans l'espace OHADA où certains arbitres, le plus souvent, ad hoc réclament des honoraires exorbitants aux parties, ce qui le plus souvent décourage certains. Il est également arrivé que dans un arbitrage CCJA, les arbitres se trouvent en cours d'instance, entrain de renégocier leurs honoraires avec une partie, en violation de la décision No 004/ 99/ CCJA du 03 Février 1999 relative aux frais d'arbitrage et du règlement d'arbitrage de Cour379. De pareilles situations ne sauraient crédibiliser le système d'arbitrage de l'OHADA. Mais que faire ?

En effet, comme le relevait le Professeur Charles JARROSSON380, s'il est vrai qu'au sein des institutions d'arbitrage on retrouve des prémisses de règles disciplinaires en matière

376 P. TERCIER, op.cit., p.31.

377 Op.cit., p.34.

378 Ibid., p.35.

379 CCJA, Arrêt N°139/2015 du 19 novembre 2015, Aff. République de Guinée c/ GETMA international.

380 Ch. JARROSSON, « Éthique, déontologie et normes juridiques dans l'arbitrage », op.cit.

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d'éthique, l'absence d'organisation centrale ou de corporation à l'image des avocats ou des autres professions juridiques restreint la possibilité pour le droit d'imposer des règles générales. Par conséquent, les sanctions disciplinaires ne peuvent être efficacement pratiquées dans l'arbitrage. Toutefois, nous pensons que ce qui paraît difficile ailleurs est faisable dans un espace juridique intégré où les règles de droit transcendent les Etats pris individuellement, comme c'est le cas avec l'OHADA. Nous suggérons donc que soit créé un ordre des arbitres de l'OHADA, régi par un Code d'éthique et de déontologie à valeur supra nationale. Ainsi, toute personne désirant exercer entant qu'arbitre professionnel devra y être inscrit et soumis audit code d'éthique et de déontologie. Il devra s'agir d'une obligation générale. À notre avis, le faire permettrait de résoudre au maximum le problème de la violation de l'éthique par les arbitres dans l'espace OHADA. Toutefois, il ne faudrait pas oublier l'éthique des parties, car la pratique arbitrale nous renseigne qu'elles peuvent être également à l'origine de la décadence de cette valeur dans l'arbitrage.

B. L'absence d'éthique chez les parties

Pointer un doigt accusateur sur les arbitres comme étant toujours responsables de la déchéance de l'éthique en matière arbitrale serait sans doute commettre une erreur, car en vérité, les parties y ont également une part non négligeable de responsabilité. Ainsi, il arrive souvent que les parties adoptent des comportements visant à bloquer ou à retarder indument la procédure arbitrale. Sans être exhaustif, c'est le cas lorsqu'elles introduisent des demandes de récusation à répétition, changent d'avocat dans le seul but de gagner du temps, mettent en oeuvre des actions pénales dans l'optique de neutraliser la procédure arbitrale, créent des situations de litispendance à des fins dilatoires381, ne se présentent pas lors des audiences ou ne présentent pas leurs conclusions dans les délais. Ces comportements déloyaux et contraires à l'éthique ne peuvent que contribuer à jeter l'opprobre sur le système d'arbitrage communautaire. Le législateur africain prenant acte de cette réalité, a tenté de solutionner ce problème en faisant peser sur les parties l'obligation de loyauté lors du processus arbitral. C'est ainsi qu'on peut lire à l'article 14 alinéas 4 et 5 NAUA que « Les parties agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de la procédure et s'abstiennent de toutes mesures dilatoires.

Si, sans invoquer de motif légitime :

381 J. LEVY-MORELLE, « L'éthique des parties », in L'éthique dans l'arbitrage, op.cit., p. 87.

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a) le demandeur ne présente pas sa demande, le tribunal arbitral met fin à la procédure arbitrale ,
·

b) le défendeur ne présente pas sa défense, le tribunal arbitral poursuit la procédure arbitrale sans toutefois considérer ce défaut en soi comme une acceptation des allégations du demandeur ,
·

c) l'une des parties omet de comparaître à l'audience ou de produire des documents, le tribunal arbitral peut poursuivre la procédure et statuer sur la base des éléments de preuve dont il dispose ». Le règlement d'arbitrage de la Cour fait également peser ladite obligation sur les parties dans un arbitrage CCJA382. Dès lors, si on remarque bien que l'intention du législateur est de sanctionner les écarts à l'éthique et les attitudes déloyales venant des parties dans les procédures arbitrales, force est de constater que les mesures prises, bien que bonnes, ne peuvent pas entièrement résoudre le problème qui, à notre avis, réside dans les mentalités, ce qui appelle un traitement préalablement préventif qui ne peut être véritablement effectif que s'il est mis à la disposition des parties un Code de bonne conduite qui, a priori, inspirera les comportements de ces derniers.

Il ressort en définitive qu'antérieurement à la sentence arbitrale, plusieurs difficultés pratiques peuvent entraver la sécurité des parties. Observées tant au moment de la mise en oeuvre que lors du déroulement des procédures arbitrale, ces difficultés se traduisent tout d'abord par le coût important de l'arbitrage qui n'est pas à la portée de tous les opérateurs économiques. Ensuite, elles se matérialisent par l'attitude réfractaire qu'ont certains juges étatiques à l'égard de l'arbitrage, et enfin par la déchéance de l'éthique qui remet en cause les caractères qui font de l'arbitrage une justice bien meilleure que celle de l'État. Dès lors, une meilleure promotion de l'arbitrage communautaire, la consécration et l'encadrement du tiers financement383, la mise en place d'un code de bonne conduite arbitrale à destination des États parties et enfin, l'érection d'un code d'éthique et de déontologie à valeur supra nationale, pourront sans doute contribuer à l'amélioration de l'arbitrage OHADA et par conséquent, à la sécurité judiciaire des activités économiques. Quid des difficultés qui naissent postérieurement au rendu des sentences arbitrales ?

382 L'article 19.1.7 de ce règlement prévoit que « Si l'une des parties, quoique régulièrement convoquée, ne se présente pas, le tribunal arbitral, après s'être assuré que la convocation lui est bien parvenue, a le pouvoir, à défaut d'excuse valable, de procéder néanmoins à l'accomplissement de sa mission, le débat étant réputé contradictoire ».

383 V. Supra, pp. 98-99.

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Section 2 : Les difficultés post sententiam

Par difficultés post sententiam, il faut entendre celles qui se présentent une fois qu'une sentence arbitrale a été rendue. En effet, dès lors que le tribunal arbitral a vidé sa saisine en rendant sa sentence, celle-ci est appelée à être exécutée. Seulement, il arrive que l'efficacité attendue soit compromise par un certain nombre de difficulté. On parlera dans ce cas de difficultés d'exécution de la sentence arbitrale. Celles-ci sont en général liées soit à la reconnaissance de la sentence (Paragraphe 1), soit à l'impossibilité totale d'exécuter cette dernière (Paragraphe 2).

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld