Quête bigmaniaque et légitimation politique locale des élites urbaines au Cameroun. Cas de l'arrondissement de Zoétélé.par Julio Herman Assomo Université de Yaoundé 2 - Master en Sciences politiques 2013 |
CHAPITRE 4 :IMPACT SOCIO-ECONOMIQUE DE LA QUETE BIGMANIAQUE DANS L'ARRONDISSEMENT DE ZOETELEBien qu'étant un élément davantage mobilisé en politique, la quête bigmaniaque est aussi porteuse d'effets du point de vue socioéconomique. Au-delà des débats politiques, des batailles et rivalités divers, le facteur concurrentiel ou non du bigmanisme contribue à influencer plus ou moins cet arrondissement. Le but du présent chapitre est de questionner l'apport socioéconomique de la redistribution sous le prisme du bigmanisme dans ses différentes dimensions (évergétisme, concurrence, etc.) dans l'arrondissement de Zoétélé d'une part (section 1), ensuite de montrer dans quelle mesure cet apport contribue à faire rayonner cette localité, bien que les rivalités entre les élites nuisent quelques fois la dynamique évolutive de ce développement d'autre part (section 2). SECTION 1 : IMPACT DE LA QUETE BIGMANIAQUE SUR LE DEVELOPPEMENT DE L'ARRONDISSEMENT DE ZOETELEDans un contexte social, économique et politique marqué par l'impact de la crise économique et des effets de l'ajustement structurels des années 1990, l'Etat Camerounais s'est heurté à de nombreuses difficultés quant à la poursuite de son processus de développement153(*) face à son incapacité d'assurer son rôle d'Etat providence. C'est à cet effet que des personnes, dont des élites de divers horizons, disposant de ressources diverses se sont « appropriées » ce développement, contribuant ainsi à soutenir tant bien que mal l'Etat dans son périple vers la modernisation et le développement. S'activant davantage dans leurs terroirs, les élites urbaines entre autres, contribuent à influencer plus ou moins le progrès desdits terroirs.154(*)Il en est ainsi de l'arrondissement de Zoétélé où les élites urbaines influencent la dynamique socioéconomique tant à travers un apport certain en infrastructures diverses que par l'influence de l'activité économique, grâce à leurs investissements. Paragraphe 1er : Un apport infrastructurel non négligeableLe bigmanismesous toutes ses formes dans la localité de Zoétélé est porteur d'une certaine influence sur le développement infrastructurel. Autrefois un petit village, cette localité érigée en district en 1958, puis en arrondissement en 1962 a connu un développement plutôt lent. Comme la plupart des villes de cet acabit, Zoétélé a évolué, du point de vue infrastructurel dans ses premières années après sa création au rythme des infusions de l'Etat, autrefois seul pourvoyeur d'infrastructures et seul véritable contributeur au développement social et économique. Cette exclusivité sera amortie par la récession survenue dans les années dites de crise, soit vers le milieu de la décennie 1980. Dès lors, de nouveaux acteurs s'inviteront dans le processus de développement de l'arrondissement de Zoétélé, aux côtés de l'Etat dont l'action aura été plus ou moins limitée. En effet, « à côté de l'Etat qui avait jusque-là joué le rôle de principal et d'unique promoteur du développement local, des acteurs privés et autres organisations non gouvernementales se verront de plus en plus sollicités pour insuffler une dynamique nouvelle dans le processus de développement [...] ».155(*) Cet état des faits se consolidera par la libéralisation qui aura suivi cette situation de crise. C'est dans ce contexte qu'entreront en scène des acteurs tels que les élites urbaines souvent à cheval entre l'entrepreneuriat économique et l'entrepreneuriat politique, d'où l'aspect bigmaniaque lié à leurs investissements, dans la mesure politique. Loin des contextes occidentaux où les politiques de développement des localités sont pensées et construites sur des bases mobilisationnistes des divers acteurs sociaux156(*) : mobilisation ayant pour objectif non seulement d'avoir une certaine maitrise des ressources disponibles (ou à pourvoir), mais aussi d'impliquer tous les différents acteurs au développement, le développement infrastructurel dépend des efforts diffus des divers acteurs privés, dont les élites urbaines. Ici, l'initiative desdites élites est de nature privée et généralement construite selon la totale liberté de l'initiateur, créant ainsi un développement quelque peu anarchique de la localité comme le souligne le Maire de Zoétélé, faisant état de l'étroitesse de la ville, liée à un développement non maitrisé : « L'endroit où est bâtie la ville en ce moment commence à être étroit. Il faut donc penser à reconstruire la ville ailleurs, [...] à la sortie. »157(*) Cela étant, on observe avec une certaine aisance des réalisations faites par des élites urbaines. Dans cette perspective, nous pouvons citer à titre d'exemple la menuiserie fort sollicitée par les populations locale mise sur pied par le sénateur Calvin ZANG OYONO, un site hôtelier établit par Rémy ZE MEKA, un site touristique aménagé par NDOUDOUMOU, un foyer ouvert pour accueillir les élèves venus des villages et d'ailleurs pour les études, oeuvre de MENGUE NKILI, etc. Cependant, il est important de relever le fait selon lequel « bien que le [processus] de développement [fasse] intervenir une multitude d'acteurs sociaux »158(*), une grande partie de ces acteurs sont des élites urbaines ; souvent doublées du statut de big man, et du fait qu'elles soient dans une concurrence quasi incessante, ces élites font ainsi de l'opportunité du développement infrastructurel de l'arrondissement de Zoétélé « un lieu d'affrontement politique ».159(*) Au-delà des divers dons ponctuels (infrastructures et accessoires scolaires et sanitaires, etc.) que les élites urbaines offrent fréquemment à la localité, il est observable qu'elles participent effectivement à son développement infrastructurel. * 153 MIMCHEH ; NELEM B ; NJOYAMAMA M. 2006.« Les Elites Urbaines et le développement local... » Op.cit. * 154 MOUICHE I. 2004, « processus... ». Op.cit. * 155 MIMCHE H ; NELEM B ; NJOYA MAMA M. 2006. Supra. * 156 TEISSERENC Pierre. 1994. « Politique de développement local : la mobilisation des acteurs ». In : Sociétés contemporaines N°18-19, juin/ Septembre. Langage en pratique. Pp. 187-213. * 157 Interview donné au magazine « kingzock » n° zéro. Consulté le 30 juin 2015 sur le site www.zoeteleactu.com * 158 Olivier de Sardan J.P. 1993. « Le développement comme champ politique local », Bulletin de l'APAD [En ligne] mis en ligne le 10 mars 2008, consulté le 08 juillet 2015. URL://apad.revues.org/2473 * 159 Ibid. |
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