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De la diversité culturelle, linguistique et migratoire à  l’établissement du locuteur en langue franà§aise. Cas d’adultes migrants à  Bruxelles.


par Stéphanie NASS
Université de Bourgogne - Master 2 Recherche didactique du franà§ais  2014
  

Disponible en mode multipage

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UFR de Lettres et Philosophie :
Université de Bourgogne
Master 2 Recherche didactique du français
2013-2014

De la diversité culturelle,
linguistique et migratoire à
l'établissement du locuteur en
langue française.
Cas d'adultes migrants à Bruxelles.

Comment se réalise l'installation du sujet parlant en langue française ?

Sous la direction de M. Samir Bajriæ

Stéphanie Nass

25/09/2014

1

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS 1

INTRODUCTION 2

PARTIE 1 : ÊTRE LOCUTEUR LANGUE(S) IN POSSE EN BELGIQUE 13

Chapitre 1 : Situation actuelle des locuteurs migrants en Belgique 14

1.1.Approche historique succincte 14

1.2.Une typologie des locuteurs migrants 16

1.3.Le cas de la région Bruxelles-Capitale 19

Chapitre 2 : L'appropriation du Français Langue in posse : enjeux socioculturels et

psycholinguistiques 19

2.1. Les complexités de compréhension de la langue française et les répertoires langagiers 23

2.2. Les traits d'union entre l'Être et l'Esprit ou les représentations 28

2.3. Réflexion terminologique autour de la linguistique-didactique 29

PARTIE 2 : DEVENIR ANONYME LANGUE(S) IN POSSE A BRUXELLES 34

Chapitre 1 : Démarche et protocole d'enquête auprès de locuteurs migrants 35

1.1. Problématique originelle 35

1.2. Cadre épistémologique 37

Chapitre 2 : Délimitations du terrain de recherche 39

2.1. Sélection et introduction du contexte 39

2.2. La démarche de rencontre 44

2.3. Choix et développement de l'échantillon 45

Chapitre 3 : La collecte des données 47

3.1. Le questionnaire exploratoire 48

2

3.2. L'échange « naturel » 48

3.3. Les sources écrites 53

3.4. Les entretiens 55

3.4.1. Les entretiens collectifs 56

3.4.2. Les entretiens individuels 57

Chapitre 4 : La transcription des données 59

PARTIE 3 : POUVOIR S'ETABLIR EN LANGUE FRANCAISE : ANALYSES

QUALITATIVES ET PROPOSITIONS DIDACTIQUES 59

Chapitre 1 : Analyse détaillée des profils des locuteurs ou le modus

operandi 60

1.1. Présentation des résultats issus des questionnaires exploratoires .61

1.1.1. Les représentations « initiales » 64

1.1.2. Les représentations « médianes » 66

1.2. Présentation des résultats issus des entretiens collectifs 68

1.2.1. Les représentations « finales » 69

Chapitre 2 : Justification des données d'intelligibilité des comportements

psycholinguistiques 74

2.1. Quand « la cartographie de l'intime » est alternée 74

2.2. Les signes et les comportements linguistiques se renouvellent 85

Chapitre 3 : Les catalyseurs pour une démarche didactique au sein de l'association 90

Chapitre 4 : Retour sur la méthodologie et impact sur la formation de l'apprentie-

chercheure . 92

CONCLUSION CIRCONSTANCIEE ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE ..94

3

BIBLIOGRAPHIE

 

.99

TABLE DES ANNEXES

109

TABLE DES ILLUSTRATIONS

274

REMERCIEMENTS

Si ce travail est la moisson de rencontres et partages semés, alors je ne vois pas d'autre façon, pour exprimer ma gratitude, que de laisser parler la « mémoire de coeur ».

Je tiens à remercier Monsieur Samir Bajriæ pour avoir été un directeur réfléchi et sécurisant sur mon parcours vers la recherche initiale. Je remercie également Monsieur Luca Nobile pour ses précieux conseils d'ordre méthodologique. Je remercie Madame Goï pour me soutenir de manière continue depuis le Master 1.

Je remercie chaleureusement la directrice de notre terrain d'enquête, Madame D. ainsi que son assistante de direction Madame M. pour leur présence, leur générosité ainsi que pour cette transmission altruiste qui les caractérise tant. Je remercie aussi les formatrices de l'association et particulièrement, tous les apprenants pour leur philosophie humaniste de la vie en toute circonstance. Que cet humble écrit vous rende hommage.

Bien entendu, je ne pourrais terminer cet exposé de reconnaissance sans mentionner les Êtres qui composent ma « mémoire affective ». Je remercie ma famille ainsi que tous mes amis de France et d'ailleurs. Michelle, Marie, Flo, Alain, Marielle et Martine, ce vadémécum est le nôtre, telle une pierre blanche témoin de nos amitiés. Merci.

Enfin, je remercie Mattias: por ti, ese camino se volvió en una superación de mi misma.

4

Bagnols-sur-Cèze, France, août 2014

5

INTRODUCTION

Dans une ville flamande de Belgique, une universitaire française entreprend un module débutant de néerlandais 1 . La distance phonologique entre la langue française et celle à comprendre la décourage tout à fait. La locutrice n'y reconnait aucune sonorité familière. Néanmoins, à la fin du niveau 1.2 2, pour des raisons professionnelles et personnelles, l'universitaire projette de s'installer durablement dans le pays. Pour ce faire, elle juge indispensable de s'établir également dans cet idiome original. Studieuse et motivée, son parcours d'accès à l'idiome germanique s'accomplit dans le temps. Un temps, un peu trop infini à son goût. Les actes locutoires en néerlandais lui semblent difficiles à gérer, notamment au travers de la construction phrastique. La nouvelle reconfiguration des mots au sein de l'énoncé exigée par la langue germanique, lui pose problème. La professeure évoque alors sa situation avec un de ses collègues néerlandophones :

- Hoe gaat het met het Nederlands?

- Pffffff....Pour l'écrire ça va. Mais l'oral... Quand je veux faire une phrase, il faut que je réfléchisse dix minutes. Et puis, j'ai des difficultés pour comprendre. J'écoute le début de la phrase et quand on arrive au verbe, j'ai oublié le début...

- (Rires). C'est normal. Alors avec ton copain, vous parlez flamand et ça va t'aider.

- Ah non, on ne parle pas flamand entre nous. On s'est rencontrés en Espagne, donc on parle en espagnol.

1 Le néerlandais est une langue germanique qui est la langue officielle des Pays-Bas et l'une des trois langues parlées en Belgique. En Flandre, on y parle aussi le flamand ou le Vlaams qui sont des dialectes. Sources

électroniques : Page officielle du « Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3693290205, page officielle de « l'Ethnologue » : http://www.ethnologue.com/country/BE/languages

2 Niveau de langue pour un locuteur non confirmé établi par le Cadre Européen Commun de Référence (CECR). L'outil réalisé par le Conseil de l'Europe en 2001, définit les compétences à atteindre dans l'apprentissage d'une langue étrangère. On dénombre six niveaux de compétences allant de A1 à . La durée moyenne d'un module varie entre 8 et 12 semaines.

6

- Vraiment ! Quelle histoire ! Mais c'est vraiment dommage... Tu as la chance d'être dans un environnement flamand et...

- Oui je sais mais quand il me dit des mots... des mots...bon ben en flamand, c'est bizarre. Je sais pas. Et puis, je ne veux pas perdre l'espagnol3.

Cet échange, en État fédéral belge, entre deux adultes aux répertoires langagiers variés, révèle certains aspects linguistiques intéressants. Tout d'abord, il pointe le concept large et complexe de langue. Les idiomes employés par l'énonciateur néerlandais surprennent par leurs idiotismes, mettant en exergue les valeurs qu'ils véhiculent. En tant que locuteur confirmé de français, l'étudiante a-t-elle identifié la portée symbolique du français en Belgique4 ? Et comme énonciateur non confirmée de néerlandais, prend-elle conscience de la diversité linguistique et culturelle environnante ? Connaît-elle le lien antagoniste entre langue et politique dans ce Royaume (Soutet, 2011:19) ? Les commentaires prononcés par l'universitaire au regard du néerlandais expriment quelques représentations personnelles sur la langue de Flandre. Tout comme, sans nul doute, sa vision cognitive, voire psychique des situations dans cet idiome. En réalité, les remarques de chacun des énonceurs5 nous amènent à une réflexion sur la manière d'être dans une nouvelle langue (Bajriæ, 2013: 44).

Dans le cadre du Master 2 Recherche Didactique du Français, nous avons choisi de nous impliquer dans un travail universitaire à l'intérieur de la filière Français Langue Étrangère (FLE). Comme le note Dabène, les méthodologies d'enseignement des langues demeurent de plus en plus directives (Dabène, 1994 : 87). Ces difficultés s'expliquent dans un premier temps, par les nombreuses structures langagières et culturelles que l'on retrouve dans le contexte de la classe de langue. Les profils de locuteurs se diversifiant, l'encadrement

3 Ce dialogue est extrait du journal de bord de chercheure débutante que nous avons tenu entre le 29.10.13 et le 20.06.14. Il s'agit d'une véritable conversation avec un confrère flamand (langue in esse : néerlandais ; langues in fieri : français et anglais). L'échange, qui n'est pas cité dans sa totalité, s'est déroulé le 23.04.14, dans les locaux d'une école de langues pour adultes d'Anvers (Région flamande).

4 État multiculturel depuis 1830, la Belgique est le fruit de l'assemblage de deux communautés catholiques, les Wallons francophones et les Flamands néerlandophones, contre la suprématie hollandaise protestante (Delacroix, Bertaux, 2012 : 87).

5 Par l'emploi de cette expression, nous rejoignons la thèse d'Hagège pour qui le locuteur est un « énonceur psychosocial ». C'est-à-dire, qu'il est capable de communiquer.

7

didactique reste malaisé à établir. Et face à l'hétérogénéité des publics, l'enseignant demeure peu préparé à ces nouvelles situations pédagogiques. Deuxièmement, les récentes réflexions en didactique ont démontré, notamment au travers du référentiel européen des langues (le CECR), que l'appropriation des langues distingue deux compétences originales. L'une praxéologique, qui regroupe des compétences générales non inhérentes à la langue, soit des habiletés d'ordre socio-culturel. Le locuteur devient un acteur capable de questionnement, voire d'émettre des solutions adéquates aux problèmes sociaux rencontrés. L'autre, à caractère linguistique, qui se réfère à une compétence de communication langagière. Cette dernière renvoie à des capacités de type sociolinguistiques et pragmatiques certes, mais aussi à une dextérité d'ordre linguistique. Tel le concept de genre de discours qui inscrit dans la langue certaines formes stabilisées d'action sociale.

De fait, lors de la rédaction du rapport de stage correspondant au Master 1 Didactique des Langues, spécialité FLE (DiL-FLE), nous nous sommes passionnément référée 6 à la sociolinguistique7. Compte tenu de son approche microlinguistique, cette science humaine m'a paru la plus adéquate pour comprendre mes situations de classe. En conséquence, nous avons établi le diagnostic des structures sociales réelles au sein de notre groupe de locuteurs non confirmés, étudié les facteurs socio-historiques de leur immigration et réalisé un type de planification linguistique. Évidemment, une telle démarche m'a permis de mesurer l'évolution des répertoires langagiers des énonciateurs et parallèlement, a contribué à démontrer l'influence des représentations sociales sur la compréhension d'une langue. En somme, les apports de la sociolinguistique favorisent la prise de recul non seulement vis-à-vis de sa propre méthodologie, mais également, vis-à-vis de la progression des étudiants. Néanmoins, l'analyse conversationnelle, qui en est la méthode d'investigation phare, s'avère multiple et unique à la fois. Cela signifiant qu'elle reflète une situation de classe particulière, prise sur le moment. En cela, elle représente donc une interaction figée et exemplaire. Rapidement, les actions psychologiques mises en jeu dans le « parler une langue» (Tesnière, 1982 : 19)8 sont

6 Le participe passé prend la marque du féminin singulier attendu que le « nous » se réfère à l'auteure dudit mémoire.

7 Sur cette question, on lira avec profit les ouvrages fondateurs de Vendryes (1923) et de Frei (1929).

8 Source électronique : Bajriæ S., 2005, « Questions d'intuition », Persée revues scientifiques, http://persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_2005_num_147_1_6860, visité le 23. 08. 2014.

8

apparues nécessaires. Me menant de manière intéressée, vers l'étude comportementale9, grâce à la sensibilité en matière d'alternance linguistique. « Les situations n'ont pas le monopole du sens. Ce qui fait également sens, c'est la construction progressive de la personne en tant qu'être complexe» (Roegiers, 2010: 286).

C'est pourquoi, notre questionnement initial est assurément associé à l'évolution des courants et des idées en didactique des langues, avec comme valeur ajoutée, l'ensemble des questions relatives au locuteur pleinement réalisé linguistiquement. Les problématiques mouvantes et variées du domaine cité marquent les perspectives sociales et humaines en devenir. Pour Meillet, « [...] on ne peut rien comprendre aux faits de langue sans faire référence au social et donc sans faire référence à la diachronie, à l'histoire » (Calvet, 2006: 7). On s'aperçoit donc qu'avec les colonisations, les langues apparaissent tel un moyen favorisant l'acculturation, allant jusqu'à marginaliser la civilisation des locuteurs indigènes. Avec les régimes autoritaires (tels que l'Allemagne, la Russie) ou à forte tradition centralisatrice (la France, la Belgique Flamande), les langues ont unifié de manière politique les nations grâce à leur caractère officiel. Aujourd'hui, les idiomes servent l'intégration active et sociale des individus. Ainsi, la mobilité géographique implique une réelle compétence d'adaptation au travers de la maîtrise de la langue du pays d'accueil. La restructuration incessante des frontières ainsi que la crise financière actuelle génèrent des profils de locuteurs inédits. Ces derniers pour être reconnus en tant que citoyens doivent répondre de compétences langagières avérées, autant dans le domaine public que privé puisque les mariages mixtes n'ont de cesse de se multiplier. Indubitablement, l'appropriation des langues participe à une nouvelle extension, voire un réaménagement, des relations humaines. C'est pourquoi, les concepts de diversité culturelle et comportementale d'une part, et de locuteur en français d'autre part, ont constitué l'exorde de mes réflexions. Les prospections réalisées autour de la « panoplie personnelle de programmes mentaux » (Hofstede, 1994: 20) dont dispose tout énonciateur, ajoutées aux lectures en linguistique-didactique, m'ont permis de délimiter davantage notre champ d'investigation. Cette science définie comme « l'étude scientifique du lien entre le langage et l'acquisition des langues » (Bajriæ, 2013: 25), nous supposons que l'apprentissage

9 Les termes de « comportemental » ainsi que de « comportement » recouvrent, dans cet ouvrage, les mécanismes cognitifs qui relèvent du processus d'appropriation d'une langue nouvelle.

9

d'une langue relève d'un certain comportement culturel, linguistique et cognitif. Qu'il soit forcé, désiré, opportun ou naturel (telles les langues en contact), la composition du répertoire langagier apparaît animé. Il entraine en cela une restructuration de l'identité humaine : soit l'expérience personnelle en tant qu'énonceur confirmé. Avec la perte des valeurs familiales et historiques des langues ainsi que l'émergence des politiques linguistiques, il paraît difficile, pour les locuteurs en langue nouvelle, de se positionner linguistiquement. D'autant plus que la diversité s'avère être autant une composante intrinsèque des langues que des étapes de vie.

En réalité, lors d'entretiens exploratoires antérieurs, nous avons remarqué les appréhensions de locuteurs immigrés à se repérer langagièrement, notamment avec la peur d'oublier leur langue au profit de la langue du pays d'accueil. On pressent un conflit interne entre la culpabilité de parler un nouvel idiome et la volonté de s'intégrer. Par ailleurs, le jugement de valeur accordé à leur individualité semble déterminant dans l'amorce du procédé identitaire. En outre, il ressort de ces échantillons que le concept de diversité linguistico-culturelle accentue les difficultés à affirmer son être en terme d'héritage. Qui plus est dans une société moderne où le concept de personnalité unique est prôné. Pourtant, une première analyse des informations recueillies rend manifeste que c'est dans l'émergence de la diversité culturelle, linguistique et comportementale que réside une approche rationaliste du locuteur confirmé. Autrement dit, un énonciateur qui emploie une langue dans laquelle il existe véritablement et dont il maîtrise l'intuition grammaticale correspondante.

Nous nous proposons de mieux comprendre ces phénomènes par l'écriture du mémoire : « De la diversité culturelle, linguistique et migratoire à l'établissement du locuteur en langue française. Cas d'adultes migrants à Bruxelles ».

Ce travail de recherche consiste par conséquent à réfléchir sur les questions suivantes : quels observables linguistico-didactiques, actes de langue et actes d'appropriation, constituent des étapes dans la construction identitaire du locuteur migrant en langue française ? Comment cette identité, culturelle, discursive et comportementale s'établit-elle ? En termes didactiques, quelles stratégies préférentielles privilégier pour aider les migrants à accéder au statut de locuteur confirmé ?

10

Afin d'apporter des éléments de réponses complémentaires à ces problématiques, le projet de recherche prend appui sur un contexte particulier : celui de migrants de l'association de quartier Avenir, de la région Bruxelles-Capitale. La méthode d'investigation reposera sur une approche anthropologique de l'énonciateur. « L'identité d'un personnage est donc son histoire, laquelle n'est accessible qu'à travers la médiation d'un récit ».10 C'est pourquoi, les entretiens collectifs et individuels autobiographiques semi-directifs, en idiome français, nous semblent les plus pertinents. Nous souhaitons y relever des entités syntaxiquement et sémantiquement interprétables dans l'objectif de définir un ensemble de contenus cognitifs caractérisant la vision du monde du locuteur. D'autre part, étant dans une recherche sociologique, nous privilégions une démarche qualitative par le biais de l'examen des sources écrites des locuteurs migrants, ainsi que par l'observation de classe et l'apport des « échanges naturels » avec les formateurs. Une place de choix sera accordée à l'analyse de la gestion de l'interculturalité des comportements linguistiques ainsi que des significativités discursives par les principaux acteurs. In fine, le tissu textuel du travail respectera, dans un souci de cohérence épistémologique, la terminologie correspondant à la linguistique-didactique de Bajriæ (2013 : 36).

« ancienne terminologie nouvelle terminologie

apprenant ; étranger locuteur non confirmé

Français ; locuteur natif locuteur confirmé

langue cible ; langue étrangère langue in posse

interlangue langue in fieri

langue source, (...) maternelle, (...) de départ langue in esse »

Si l'on réalise un état des lieux récent sur le sujet abordé, on se rend compte que le concept d'identité reste un postulat. On le retrouve dans de nombreux ouvrages de sciences humaines, influençant autant les politiques publiques que les mutations sociales. Nous nous référons plus particulièrement :

10 Blanchet P., 2004, « L'approche interculturelle en didactique du FLE », Licence 3ème année Didactique du Français Langue Étrangère, service Universitaire d'Enseignement à Distance, Université Rennes 2, p.9.

11

- aux identités nationales à l'échelle continentale. Ainsi, la création d'une organisation interétatique telle que la Commission Européenne démontre la volonté de construire une particularité, voire une communauté d'individus d'Europe,

- aux identités politiques attachées à certaines idéologies : le système fédéraliste de la Belgique par exemple,

- aux identités migrantes comme celles venues du Maghreb, de Turquie ou d'Afrique subsaharienne, majeures au Royaume belge,

- aux identités linguistiques, avec la gestion du bilinguisme à l'intérieur du même pays.

Ces précisions nous semblent nécessaires puisque notre recherche sera à l'intersection de ces différentes définitions. En effet, que ce soit Brousseau, Vinsonneau ou Mucchielli (2003 : 4), tous s'accordent sur ce point : « ce qui fixe les formes et détermine le développement, ce sont les conditions sociales où se trouvent les sujets parlant »11. En ce sens « les appartenances sociales sous-tendent largement les identités [...].» (Vinsonneau, 2012: 7). On pourrait donc penser que les actes de langage facilitent la compréhension du phénomène identitaire. Or, selon Brousseau, « La langue n'est pas un matériau essentiel dans la construction identitaire » (ibid.). Pourtant, tel Ricoeur, nous pensons que le meilleur moyen d'accéder à ces phénomènes passe par la mise en récit. Les identités qu'elles soient nationales, politiques, ethniques ou linguistiques reposent sur des écrits, eux-mêmes issus de l'observation compréhensive des individus, de leurs actions et témoignages. De fait, l'étude scientifique, sous les angles discursifs et anecdotiques, nous paraît la plus appropriée.

Dans cette perspective, notre travail d'étude se divise en trois parties. La première partie, comme son intitulé l'indique, présente le cadre des investigations en Belgique. Elle propose une vision générale des locuteurs migrants ainsi que des enjeux socioculturels et psycholinguistiques du FLE.

La seconde partie met en exergue la problématique de recherche ainsi que la démarche de constitution du recueil de données. Elle brosse également, à partir d'observations positives, un portrait particulier des informateurs, agents indispensables à notre enquête.

11 Brousseau A.-M., mars 2011, « Identités linguistiques, langues identitaires : synthèse », Arborescences : revue d'études françaises, département d'études françaises, n°1, Université de Toronto, pp. 1-33.

12

La troisième partie invite à une réflexion linguistique à la fois comme une analyse interprétative mais aussi comme une proposition de pistes didactiques afin de mettre en relation notre mémoire avec les considérations relatives à la recherche en science du langage.

13

PARTIE 1 : ÊTRE LOCUTEUR LANGUE(S) IN POSSE EN BELGIQUE.

En classe, la maîtresse avait la voix douce, et je comprenais presque tout. Quand je me trompais, elle disait : « Non, pas comme ça », et je reprenais en langue du dehors, sans difficulté. Mais mes condisciples ne faisaient aucun effort, j'étais larguée. Ils parlaient à toute vitesse, savaient des tas de chansons, de jeux, de comptines que moi j'entendais pour la première fois. Je les admirais de connaître tant de choses, surtout dans la langue de dehors. Les mots, de l'école, de la rue, servaient à parler aux autres enfants, aux inconnus, à affronter les difficultés de la vie. Une langue un peu sèche, presque hostile, comme une arme pour se défendre.

(Alonso I., 2006, L'exil est mon pays, p. 84).

Ce projet de recherche a pour objet d'analyser les processus cognitifs que les locuteurs migrants, en Belgique, entretiennent avec la langue française. Préalablement, nous préciserons deux points élémentaires. Tout d'abord, nous avons adopté la dénomination de « locuteur » au lieu de celle d' « apprenant ». Ce choix renvoie de façon cohérente, au raisonnement du linguiste-didacticien. Il affirme l'idée selon laquelle l'appropriation d'un idiome requiert une certaine intuition et maestria linguistique. Nous croyons qu'il existe une forte corrélation entre le discours des individus et leur intériorisation d'une langue. Les énoncés, tel que l'extrait ci-dessus, suggèrent des appartenances linguistiques en quête d'une entente culturelle au sein d'un nouveau cadre de référence. D'autre part, lorsqu'on parle de langue in posse, nous faisons allusion à la langue française de la Communauté12 française de Belgique. Sur le plan diatopique, cette dernière a évincé les langues régionales (le wallon, le picard et le lorrain) en devenant l'idiome fédérateur. La question du français à Bruxelles est à concevoir dans une situation de bilinguisme, généralement divergent, puisque la capitale représente un espace francophone en territoire néerlandophone. Pareillement, en tant que métropole européenne, Bruxelles relève d'un espace riche des répertoires plurilingues de ses habitants.

12 « Les Communautés : déterminées par un critère culturel et linguistique, elles sont également au nombre de trois (flamande, française et allemande) ». Cité dans Thibault A., 2013, « Francophonie et variété des français », séminaire Master 1 et 2, Université de Paris-Sorbonne, p. 2.

14

Afin de mieux comprendre l'établissement du locuteur en Français Langue in posse, nous présenterons dans cette première partie, une vision générale des locuteurs migrants ainsi que les enjeux socioculturels et politiques de l'appropriation du français en Belgique.

Chapitre 1 : Situation actuelle des locuteurs migrants en Belgique

Dans ce premier chapitre, nous aborderons le domaine conceptuel de la migration. Cette dernière sera utilisée comme l'un des outils d'analyse de nos entretiens autobiographiques. Il est bon de rappeler que les processus linguistiques sont autant associés à l'histoire qu'au phénomène de l'immigration. « Cette exploration dans l'univers sensible des mondes de la diversité s'impose aujourd'hui dans un contexte national [...] » (Bencharif, 2006: 63) attendu que le flou référentiel identitaire est au coeur de notre problématique.

1.1. Approche historique succincte

Depuis toujours, les individus ont tenté d'accéder à un manifeste espoir de mieux-être. De la préhistoire à aujourd'hui, par la primauté qu'ils ont généralement octroyée à l'existence d'un ailleurs prospère, les migrants se sont inscrits dans un paradigme nomadique trans-situationnel. Ces formes de déplacement des pays d'origine au(x) pays d'accueil dévoilent des réalités différentes les unes des autres. Les déplacements dans l'espace public belge en constituent un exemple digne d'intérêt. La genèse des migrations en Belgique correspondant au « poids de l'histoire » (Martiniello, Rea, 2012: 7), s'amorce dans l'après-guerre, avec le recrutement de travailleurs venus de nations étrangères. Ces derniers ont pour lourde mission de remporter « la bataille du charbon » 13 au sein des charbonnages. Les conventions

13 La période qui succède immédiatement à la Deuxième Guerre mondiale exige une

reconstruction intensive ; en découle la nécessité de renforcer les capacités industrielles et donc énergétiques. Il s'agit de la «bataille du charbon» : l'objectif consiste à produire, comme avant 1940, plus de 100.000 tonnes de charbon par jour. Cité dans : http://www.blegnymine.be/PDF/La%20Bataille%20du%20Charbon.pdf, p.20, visité le 16.07.14.

15

bilatérales14 fixées entre 1956 et 1970, avec l'Espagne, le Maroc, la Turquie, la Tunisie et l'Algérie accélèreront le mécanisme du départ. Concomitamment une immigration pour nécessités démographiques est organisée. « La population belge avait tendance à décroître. Démographes et économistes préconisent, pour faire face à cette situation, l'évolution d'une politique d'immigration centrée sur l'importation de main-d'oeuvre [...] » (ibid. : 15). D'un point de vue social, cet intérêt s'est concrétisé par des interventions étatiques variées : aides financières à la migration familiale (allocations familiales, sécurité sociale), respect de la liberté religieuse. La fin des années soixante est marquée par l'émergence de l'Europe. « Une nouvelle législation organisant l'attribution du permis de travail est adoptée ; elle vise à mieux contrôler et à réguler les flux d'entrées d'immigrés au regard des besoins économiques » (ibid. : 18). Les migrants de Belgique seront alors catégorisés de la façon suivante : ceux issus de pays européens et ceux provenant d'états non-membres de l'Union Européenne. Ces derniers ne bénéficieront donc pas des droits occidentaux. En cela, « Ce changement juridique implique aussi une modification de leur identité dans la mesure où [...] » (ibid. : 20) les populations d'origine européenne sont assimilées comme européennes et non comme italiennes par exemple. Contrairement aux habitants des pays tiers15 qui se voient, à double titre, enracinés dans une désignation de migrant. Aujourd'hui, et même si la transplantation ethnique est inscrite dans l'espace commun belge, les nouveaux arrivants ne s'avèrent pas considérés mais plutôt affectés. Nous notons en effet que, au cours de l'histoire, les discours médiatiques ou politiques les assignent d'identités grammaticalement individuelles et indéterminées : « autres de l'intérieur », « immigrés », « personnes d'origine étrangère » (ibid. : 49). Pourtant selon Xhardez16 la région de Bruxelles-Capitale a toujours oeuvré pour une politique d'intégration universaliste. Elle se concentrerait moins sur le public migrant que sur

14 Une convention bilatérale est un contrat signé entre deux États et dans lequel sont repris les fruits d'une négociation sur divers sujets. Les conventions bilatérales des migrations portent par exemple sur la durée après laquelle un travailleur peut faire venir son épouse s'il est marié, le nombre de migrants accepté par an, les modalités de recrutement de la main d'oeuvre. Cité dans Martiniello et Rea, 2012: 62.

15 Les « pays tiers » regroupent tous les autres pays du monde qui ne sont pas compris dans l'UE-27.

16 Présentation sur L'accueil des primo-arrivants à Bruxelles : vers une politique régionale ?, tenue le vendredi 28 mars 2014 à l'université Saint-Louis de Bruxelles.

En partenariat avec les Midis de l'IRIB (Institut de Recherches Interdisciplinaires sur Bruxelles). Animé par le directeur de thèse de l'université Saint-Louis : Vanderborght Y. Intervenante : Xhardez C., doctorante en sciences politiques à l'université Saint-Louis.

16

la lutte contre le racisme et la langue. D'ailleurs le phénomène le plus notable est incontestablement l'apparition, dès 1966, des premières associations d'immigrés. Ces dernières, conformément aux convergences politiques en vigueur, sont financées pour les activités d'insertion sociale qu'elles dispensent. Ainsi, les nouveaux arrivants se sentent moins isolés et se fédèrent autour d'une identité commune. En général, les associations de migrants reproduisent à l'identique la structure des établissements de leur communauté. Pensées comme provisoires, elles travaillent en relation avec le pays d'origine.

Ce bref examen diachronique nous a permis d'appréhender la structuration de l'immigration au sein de la zone sociolinguistique de la capitale belge. Encore davantage, ce premier point exprime aussi la dualité entre immigration choisie et immigration subie. Les populations migrantes, sous l'effet des bouleversements modernes, oscillent entre la notion de terre d'accueil, d'asile ou d'entraide. Mais qui sont-ils, ces locuteurs du voyage ? En vue d'esquisser le visage multiculturel de la Belgique, il faut avant toute chose, décrire la taxinomie récente des sujets parlant17 qui la constituent.

1.2.Une typologie des locuteurs migrants

Au cours des dernières années, le phénomène de la migration a été caractérisé par différentes typologies. Ce qui rend compte de la pluralité des contextes de mobilité. En nous intéressant à cet aspect, notre objectif est de sortir du cadre étroit de l'inventaire des migrations en termes d'espace, de milieu ou de civilisation (Dumont, 1995).

Mais la meilleure typologie est sans doute celle qui, loin d'être construite artificiellement autour de critères abstraits, a une valeur explicative utilisable pour le contexte que l'on étudie. À l'heure de la mondialisation, une typologie distinguant les formes, les facteurs et les objectifs de la mobilité est peut-être la plus pertinente (Wihtol de Wenden, 2001: 12).

Aborder le concept de locuteur non confirmé depuis la perspective migratoire revient à s'interroger sur les agents qui engendrent cette expérience, les desseins envisagés et la nature des déplacements. Nous l'avons évoqué, la migration « c'est une recherche d'équilibre, dans

17 Dans le sens où l'entend Benveniste c'est-à-dire un sujet qui est conscient de la nature et de la signification de son activité langagière.

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un monde où le bien-être, la sécurité, les ressources, les droits, sont inégalement répartis » (CIRE, 2012: 4). Grâce aux lectures et aux investigations de terrain réalisées, nous avons repéré sept facteurs propices au voyage.

- économique : les migrations liées aux usages du commerce et du tourisme, à la planification budgétaire actuelle, aux situations d'indigence des pays tiers ;

- professionnel : les déplacements en vue de l'obtention d'un emploi vital ou amélioré ; - familial : les liens affectifs tels que le mariage exogame ou le rapprochement parental ; - de genre : les mobilités qui sont les corollaires de la condition féminine dans certains

pays du Maghreb ;

- de sécurité publique : les situations de conflits ainsi que l'instabilité politique qui
touchent plusieurs nations ;

- de formation / apprentissage : les convictions des migrants qui organisent leurs projets professionnels et humains à l'horizon d'une migration de retour ;

- utopique : l'attrait culturel et linguistique qui empaquette le pays d'accueil comme une référence à « la volonté nue de l'homme » (Lacroix, 1994: 105).

En pratique, on constate que les multiples causes du départ s'entrecroisent, avec une tendance à la superposition des raisons qui conduit à ce choix. Vis-à-vis de cette étape de vie, il y a à la fois une idéalisation incontestable et une angoisse de la nouvelle société nourricière. Alors vers quoi tendent les nouveaux nomades18 ? Telle est la question que pose la récurrence des mouvements de populations.

Dans le rapport à autrui et pour l'estime de soi, pour s'expatrier, il faut émettre des objectifs valables, ou à défaut, être confiant en ses projets. Voilà donc un élément qui pèse dans la balance : celui du projet en tant qu'être social qui facilitera, ultérieurement, l'« être » en langue in posse.

Si l'on reprend la logique précédente, nous relevons sept intentions de mobilité :

- aspirer à une vie économiquement décente ;

- acquérir des compétences professionnelles, obtenir un ou plusieurs emplois ;

18 Dans la mesure où un groupe humain ne se déplace plus au rythme des saisons, de façon permanente et organisée, mais selon les aléas des conjonctures modernes.

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- retrouver l'unité avec ses proches au travers du regroupement familial ;

- s'émanciper en tant que femme, en termes d'indépendances sociale et affective ;

- vivre sans la peur du régime politique en vigueur ;

- se préparer en terre d'accueil pour un retour triomphant chez soi ;

- échapper à son identité et se réinventer dans un espace physique où tout reste encore

possible.

« Immigrer vers quoi ? » apparaît comme une expression chargée d'émotions, de déterminations, de croyances et d'espoirs. Elle s'inscrit dans un tissu de représentations liées au vécu collectif et individuel. Néanmoins, la décision de partir s'effectue envers cette réalité, au motif qu'il n'y a plus d'autres options envisageables et cela se décèle dans les diverses natures de migrations rencontrées.

L'exode international va de pair avec les évènements économiques, politiques, démographiques et sociaux. Est-ce la structure des déplacements qui permet au locuteur de s'intégrer ou est-ce que ce sont les intérêts du pays amphitryon qui engendrent les troubles identitaires des nouveaux arrivants ? On ne saurait le dire. Cependant il est certain que le mouvement des peuples ne s'exprime pas de façon unilatérale en Belgique. En liaison avec les besoins de main d'oeuvre, une migration comprenant surtout des travailleurs s'est développée. Se déplaçant tout d'abord isolément, les immigrés, après avoir stabilisé leur situation, ont permis la venue en terre d'accueil de leur femme et de leurs enfants. On parle alors de regroupement familial, la démarche la plus notable en matière d'accès au Royaume. De nos jours, ce sont majoritairement les Guinéens, les Camerounais et les Ougandais qui sollicitent cette procédure. À présent, la loi s'est durcie et de nouvelles conditions d'ordre économique et familial sont entrées en vigueur19. Un autre aspect de la mobilité se rapporte à la dualité voyage choisi/voyage subi. L'asile politique est le second recours pour peu que l'on réponde aux critères liés à cette situation particulière c'est-à-dire craindre pour sa vie et celle de ses proches dans son pays natal. Ainsi, en 2013, les demandeurs Russes étaient, en général, déboutés du droit d'asile alors que les Afghans, les Guinéens, les Congolais et les Syriens

19 International Organization for Migration (IOM) Country Office for Belgium and Luxembourg, 2012: 14.

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bénéficiaient du statut20. Quant au visa de courte durée (de trois mois) dit « touristique », il reste difficile à acquérir si l'on vient d'un pays de l'hémisphère Sud. Enfin, la forte migration illicite actuelle concerne des personnes qui ne possèdent pas de document de séjour en règle (« les sans-papiers ») ainsi que des individus qui ne remplissent pas les conditions nécessaires pour accéder au territoire (« les irréguliers »). Les principaux citoyens touchés sont ceux en provenance des continents d'Afrique subsaharienne, d'Europe de l'est et d'Asie de l'ouest (Vause, 2014: 154).

Du reste, certains entretiens à réaliser pour notre travail de recherche impliquaient des sujets parlant aux origines et répertoires langagiers divers. Arrivés d'Algérie, du Liban ou de Slovaquie, en situation irrégulière, ils furent expulsés en novembre 2013 vers des hébergements d'urgence ou vers l'Office des Étrangers 21. En effet, ils occupaient, avec quelques deux cents personnes, un ancien couvent du quartier Saint-Josse. Ces locuteurs « illicites » s'étaient inscrits dès septembre, à l'association Avenir, avec le projet d'apprendre le français.

Certes, le nombre de ressortissants étrangers n'a de cesse de croître en Belgique mais force est de constater qu'il s'accélère fermement à Bruxelles.

1.3. Le cas de la région Bruxelles-Capitale

La typologie explicative qui va être exposée dresse le décor de notre milieu d'investigation. Elle est destinée à ancrer les profils des locuteurs de la région Bruxelles-Capitale, en les

20 Source électronique : page officielle du « Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides » : http://www.cgra.be/fr/Actualites/bilan_des_statistiques_d_asile_2013.jsp, visitée le 10.07.14.

21 L'Office des Étrangers est chargé de la gestion de la population immigrée en Belgique. Il travaille en étroite collaboration avec d'autres instances, telles que les ambassades et consulats, les administrations communales, les services fédéraux de police, l'inspection sociale, etc.

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situant par rapport aux vecteurs, buts et aspects des mouvements migratoires. Auparavant, il faut rappeler que le voyage est par définition une épreuve initiatique même si parfois il ne procure pas toutes les joies escomptées. En effet, l'itinérant doit apprendre de l'autre, qu'il y soit préparé ou non. Derrière le migrant qui s'éveille aux nouvelles terres, il y a la famille mais aussi les autochtones. Ainsi, l'individu novice devient l'émissaire de lui-même, de ses proches ainsi que de son héritage culturel. Une situation complexe qui se joue au coeur de la capitale européenne.

De prime abord, il faut constater que par son statut de métropole cosmopolite, Bruxelles est le passage obligé de l'immigration internationale dans le pays. Des études quantitatives récentes (Hermia, mars 2014) démontrent que la concentration de nouveaux arrivants est plus marquée dans cette Région du Royaume. Selon Lucchini (2006 : 117-118), on dénombre trente-six communautés migrantes dont le numéro de langues reste indéterminé car l'évaluation linguistique est illicite en Belgique depuis 196222. La ville telle que nous la connaissons aujourd'hui est le résultat de toute une série de flux migratoires historiques. La population de Bruxelles constitue dès lors un paysage culturel et linguistique très hétéroclite. Elle accueille, par ordre décroissant, des Français, des Marocains, des Italiens, des Roumains et des Polonais. Au vu des analyses des trajectoires et dynamiques migratoires, on se rend compte que la mobilité la plus importante, en matière d'initiatives, demeure celle du peuple marocain (Frennet-De-Keyser, 2004 : 329-354). Contrairement à ses voisins européens, l'État Fédéral belge n'a jamais eu de colonies au Maghreb. C'est par le biais des conventions bilatérales de 1964, corollaires aux besoins ouvriers, que se tissent des liens abscons entre les deux pays. Pour ce faire, une brochure « Vivre et travailler en Belgique »23, promettant une vie meilleure, est alors répandue en Afrique du Nord. Graduellement, à partir des années quatre-vingts, l'abandon du projet de retour vers le pays d'origine a entraîné d'importantes modifications sociales. En réalité, l'installation irréversible en terres belges s'est accompagnée du désir d'une qualité de vie supérieure. Les Marocains aspirent à une sécurité financière, urbanistique

22 Le dénombrement des langues maternelles est interdit dans un souci de prévention des antagonismes linguistiques. De la même manière, la typologie des communautés linguistiques est bannie depuis 1947. Cf. Boudreau, Dubois, Maurais, Mc Connel (2002 : 275).

23 Brochure « Bienvenue en Belgique », 1964, Ministère de l'Emploi et du Travail, Bruxelles.

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et relationnelle. Nonobstant, l'absence de politique publique d'hospitalité envers les récents arrivants était flagrante. Ce sont donc les syndicats ainsi que les associations qui reprendront le rôle de l'État. De nombreuses initiatives voient le jour et celle qui retiendra, dans le cadre de ce travail universitaire, toute notre attention, est portée par un immigré marocain : Mohamed El Baroudi.

Se décrivant tel un « exilé politique », El Baroudi est un intellectuel maghrébin venu en Belgique dès 1966. Très rapidement, il se sent le devoir de venir en aide à ses compatriotes fraîchement débarqués en « gare de l'espoir »24. Ces nouveaux voyageurs viennent en général des campagnes ou des montagnes du Maroc. Là où l'on vit aux rites musulmans, bercés par les arabes littéraire et dialectal. Autant dire que leurs connaissances de la citoyenneté belge et de la langue française étaient inexistantes. Dans ce contexte, El Baroudi se livre à l'organisation des travailleurs migrants au travers de structures syndicales. En outre, il s'investira dans la création d'Écoles De Devoirs (EDD) 25 et d'alphabétisation « Lire et Écrire »26. Parallèlement, il fondera, à la fin des années soixante-dix, les Écoles de quartier l'Avenir 27 à Saint-Gilles, Schaerbeek, Molenbeek et Saint-Josse. 28 Encore une fois, El Baroudi croyait que les Associations Sans But Lucratif (ASBL) seraient temporaires : la migration de retour vit dans tous les esprits.

Tout travail de recherche exige l'explicitation, d'un point de vue définitoire, de sa théorie contextuelle. C'est pourquoi, une présentation historique des migrations en territoire belge a été proposée afin de mieux appréhender le parcours de vie des locuteurs. Et également,

24 La « gare de l'espoir » correspond à la gare de Bruxelles-midi. Située sur la commune de Saint-Gilles, c'est là qu'arrivait la plupart des immigrés. L'expression entre guillemets est extraite d'un témoignage de migrant marocain que nous évoquerons ultérieurement (cf. entretien individuel 3).

25 Les EDD sont nées en Wallonie et à Bruxelles dès 1973 suite à une expérience menée en Italie. Elles ont pour missions d'aider les élèves (généralement d'origine étrangère) dans leur parcours scolaire mais aussi citoyen, afin de réduire les inégalités sociales.

26 Spécificité belge en termes d'apprentissage du français, l'association a été créée en 1983 à Bruxelles. Unie avec le mouvement ouvrier, elle prône l'égalité des chances au travers de l'alphabétisation.

27 Avec le concours de l'Union Nationale des Étudiants du Maroc (UNEM) et du Regroupement Démocratique Marocain (RDM). Source : Khoojinian M., 2014, « Des Écoles de l'Avenir au Centre Interculturel de Formation par l'Action (CIFA), un soutien scolaire citoyen et participatif », Les Cahiers du Fil Rouge - L'immigration marocaine, 50 ans d'histoire associative à Bruxelles, n°20, Bruxelles, ASBL Collectif Formation Sociale, p.75.

28 Quartiers stratégiques où étaient installés les travailleurs immigrés à leur arrivée. En effet, ils se situent au carrefour du canal de Charleroi, de la voie de chemin de fer et des industries.

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d'observer que « la grande histoire est reliée à la petite histoire »29. Par la suite, nous avons privilégié une typologie illustrative des mouvements migratoires, inspirée par C. Wihtol de Wenden pour son caractère contemporain percevable par notre expérience. Enfin, nous avons ciblé la Région de Bruxelles-Capitale en matière de mobilité pour démontrer en quoi elle constituait le point d'ancrage de notre étude.

Chapitre 2 : L'appropriation du Français Langue in posse : enjeux socioculturels et psycholinguistiques30

Aussi vrai que nous ne choisissons pas nos langues in esse et (souvent) in posse, il nous est malgré tout possible (en tant qu'individu rationnel) de nous responsabiliser et « de prendre en main » notre « destin linguistique » (Caron, 2005). Cela suppose d'accepter que se modifie notre rapport au monde et à nous-mêmes. La langue, en tant qu' « espace d'appropriation symbolique » (Hagège, 1985: 386), implique aussi des bouleversements qui rendent compte de l'intériorisation d'un nouvel idiome. Par conséquent, dans ce deuxième chapitre, c'est l'approche interdisciplinaire des langues qui sera favorisée.

29 Thématique de la formation « Travailler l'histoire et la mémoire de l'immigration » organisée les 24, 29 avril et 6 mai 2014, par l'ASBL Collectif Formation Société (CFS) de Bruxelles. L'association organise des formations continuées à l'intention des travailleurs du secteur associatif bruxellois dans le cadre des décrets Cohésion sociale et Éducation permanente.

30 Le terme fait référence à la psycholinguistique cognitive issue de la théorie générativiste de Chomsky.

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2.1. Les complexités de compréhension de la langue française et les répertoires langagiers

La langue française est généralement dite « difficile » parce que « incompréhensible » phonologiquement et scripturalement. Ce qui frappe l'énonceur non spécialiste quand il tente de la comprendre ou de la lire, c'est son herméticité. Cela va de soi, car l'appropriation d'une nouvelle langue impose une certaine gestion mentale. Or, peut-être qu'à examen langagier égal, la langue in posse s'avère moins ou autant complexe que celle in esse. Cette évaluation hésitante résulte de l'emploi référentiel, par l'énonciateur expert, de l'instantanéité de l'idiome. En effet, plus on comprend une langue, plus elle apporte du sens à notre être et plus, on sait la vivre. De plus, à l'oral, le locuteur français in esse recourt à des discours moins spécialisés qu'à l'écrit. Cela signifiant, qu'en général, il utilise peu de longues phrases subordonnées. Par ailleurs, la méconnaissance du système phonétique de quelque langue suscite bien des vicissitudes et détresse linguistique. Par exemple, si l'on reprend la citation d'Alonso, préambule à notre première partie, le code langagier est éventuellement perçu comme virulent. En somme, la complexité, entendue dans le sens extraordinaire ou curieux, n'est pas une particularité qui caractérise tout idiome in posse. Le tiraillement cognitif réside plus dans les interdépendances que le nouvel arrivant entretient avec les langues qui constituent son répertoire langagier que dans la structure de l'idiome à acquérir. Entre les deux, nous supposons que l'on ait affaire à une linguistique en gestation. Qui sont alors les locuteurs en langue in fieri ?

En premier lieu, il convient de fournir quelques précisions quant au syntagme clé de notre recherche, celui de « locuteur ». Son éclaircissement nous facilitera grandement la tâche lors de l'examen des développements oratoires. Selon Soutet (2011 : 146), il définit l'individu qui produit un discours. Le linguiste le rapproche du terme d' « énonciateur » en ce sens où la personne garantit la littéralité de ses propos. Pour Salcedo, le locuteur se définit conformément à sa « langue initiale », à son système maternel de lecture/écriture ainsi qu'à l'idiome utilisé lors des échanges. Ailleurs, Courthiade ajoute qu'un locuteur pour exister,

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doit être rattaché à un territoire 31 . Le concept relève donc d'une question de liaisons linguistiquement construites à l'écologie humaine. A priori pas seulement, puisque Bajriæ (2013: 313) l'identifie à l'aide de caractéristiques cognitives telles que « le sentiment linguistique » ou « la maîtrise de la langue ». Les trois chercheurs mettent ainsi en exergue le fait que le système locutoire repose sur un code linguistique certes, mais aussi culturel et langagier. Le locuteur suit, de ce fait, des règles renvoyant à des fonctions de communication et de socialisation. Pourtant, sa portée langagière n'a pas de limites naturelles (on peut dire des idiomes potentiels autant qu'on le souhaite) et s'apprécie par l'indice linguistique. Seul le comportement de l'énonciateur permet de déterminer quand et jusqu'où il y a appropriation d'une langue. Un signe de cette manifestation se retrouve dans l'utilisation correcte et réfléchie du répertoire langagier. De fait, parler plusieurs idiomes et variétés de langue constitue le « répertoire verbal » d'un locuteur si l'on se réfère à une communauté linguistique (Fishman, 1971:17). Dabène préfère le terme de « répertoire communicatif » attendu qu'elle adjoint au « répertoire verbal », les paramètres non verbaux de la communication (1994: 153). Les langues qui composent le répertoire langagier sont nommées, en sociolinguistique, langue maternelle, langue seconde et langue étrangère.

Nous ne participerons pas au débat qui entoure la dénomination de ces locutions nominales. Nous effectuerons plutôt un nouveau cadrage sous l'angle du champ qui nous intéresse, celui de la linguistique-didactique. Bajriæ met en avant l'importance de parler comme « être, au sens le plus philosophique du terme ». Lorsque nous possédons un « degré très élevé de sentiment linguistique », nous possédons une réalité (2013: 61). En cela, la langue maternelle ou langue in esse résulte de la nature même de l'Être32 et non pas d'une action externe, tel que l'enseignement par exemple. L'homme ayant le souci de « l'étant », soit de son existence, c'est au travers des mots qu'il se révèle au monde (Heidegger, 1927). Un macrocosme ontologique qui nous invite à reprendre la théorie d'Aristote selon laquelle « les sons émis par la voix sont les symboles des états de l'âme » (Auroux, Deschamps, Kouloughli, 2004: 83).

31 Extraits du Colloque International sur les « Gestions des minorités linguistiques dans l'Europe du XXI° siècle », organisé par le laboratoire DIPRALANG, à l'université Paul Valéry de Montpellier, les 10 et 11 janvier 2013.

32 Nous utilisons expressément la majuscule pour souligner le sens philosophique du nom.

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Au-delà de la relation idéologique dont nous la revêtons, la langue in esse détient une tangibilité organique qui se traduit par les figures symboliques de la terre et de la mère. Cordon ombilical, tel un glottonyme du répertoire langagier, l'idiome initial procure un sentiment d'appartenance ainsi que d'auto-protection qui la rend légitime (Puolato, 2013)33. Exemplairement, pour la communauté Rom, « Celui qui a honte de la langue, a honte de sa mère » (Karamagiola, 2013).34

Dans son ouvrage, Cuq exclut la langue française du concept de langue seconde vu que la finalité du locuteur migrant, en France, réside dans un monolinguisme comportemental et linguistique (1991: 140) c'est-à-dire un individu capable de parler une langue et d'utiliser un système de rationalisation35. Toutefois, si l'on situe cette notion en Belgique, c'est-à-dire, en contexte francophone36, d'autres paramètres d'ordre relationnel et social sont à retenir. En soi, la langue seconde s'établit comme un idiome « à valeur ajoutée » (Cuq, 1991: 133) puisqu'elle favorise l'intégration professionnelle et humaine en pays d'accueil. C'est pourquoi, en linguistique-didactique, on la qualifie d'in posse. Cela signifiant une langue dans laquelle on ne peut ni s'exprimer de manière phonologique ni « être » mais qui sera susceptible de s'inscrire au sein du répertoire langagier. Les énonciateurs francophones ont donc l'opportunité de jouir d'une attitude psycholinguistique plurielle étant donné que la langue française est composante du plurilinguisme belge.

Ce faisant, pour Dabène, l'idiome étranger se définit comme « un objet potentiel d'apprentissage » (1994: 29). Par conséquent, elle rejoint la théorie de Bajriæ selon laquelle la langue in posse, tel un élément brut, peut être éventuellement, identifiable phonologiquement

33 Extraits du Colloque International sur les « Gestions des minorités linguistiques dans l'Europe du XXI° siècle », organisé par le laboratoire DIPRALANG, à l'université Paul Valéry de Montpellier, les 10 et 11 janvier 2013.

34Ibid.

35 En France métropolitaine, l'idéologie monolingue reste dominante et pourtant, on dénombre dans le pays plus de quatre cent langues in esse (Source : enquête famille de l'INSEE). En Guyane, par exemple, département d'outre-mer français, prime la philosophie de la mosaïque des langues. De fait, une langue officielle unique n'induit pas l'existence d'un seul idiome in esse, ni même sa popularité.

36« Se dit d'un pays où le français est langue officielle, seule ou parmi d'autres, ou bien où il est l'une des langues

parlées ». Source électronique : page officielle de l'encyclopédie « Larousse » :
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/francophone/35064?q=francophone#35034

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par un individu. Sous-entendu que l'intuition linguistique et comportementale est méconnue et qu'elle sera donc comprise par le biais d'activités cognitives.

Finalement, n'est-ce pas rendre les locuteurs non confirmés responsables de leur trajectoire linguistique que de leur faire établir leur propre répertoire langagier ? D'une biographie ordonnée, où chaque idiome s'exprime par un rang (langue première, langue seconde), nous accédons à une composition de ressources naturelles (soit innées : la ou les langue(s) in esse) et idéales (telle l'appropriation parfaite de la langue in posse : la langue in fieri). De ce fait, pour vivre un état puis l'autre, l'énonciateur consent à dépasser son « Être » sensible pour aller au-delà des achoppements psychologiques.

D'ordinaire, les chocs initiaux face à une nouvelle langue se rapportent à ses origines. Le français, par exemple, est un idiome qui appartient à l'ensemble des langues indo-européennes telles que l'albanais, le néerlandais ou l'espagnol. Plus précisément, elle est une langue italique qui se rattache aux langues d'oïl37, tels que le picard et le wallon. Les idiomes indo-européens présentent des spécificités structurelles et stylistiques comme la déclinaison à six cas, deux formes du verbe communes, passives et actives ou encore des analogies étymologiques. D'autres familles linguistiques comme la chamito-sémitique 38 , d'où proviennent les langues berbères39, possèdent un système différent. On y dénombre vingt-sept phonèmes consonantiques et seulement trois timbres vocaliques : a, i, u. Son système verbal repose sur la notion immanente du temps et non sur sa manifestation. La valeur chronologique y est secondaire (Cohen, 1968: 1307). Mais voyons au-delà de la seule conception biologique.

37 « Ensemble des dialectes romans parlés dans la moitié nord de la France. Le phénomène majeur propre à cet ensemble linguistique (francien) est que, sur la base des parlers de la région parisienne située au centre de la zone d'oïl, s'est élaboré le français ». Source électronique : Page officielle de l'encyclopédie « Larousse » : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/langue_do%C3%AFl/74630

38 Dénommées également afro-asiatiques ou afrasiennes, les langues dites « chamito-sémitiques » n'ont pas été établies par la linguistique historique tels que les idiomes indo-européens. Source : Colloque International sur les « Gestions des minorités linguistiques dans l'Europe du XXI° siècle », organisé par le laboratoire DIPRALANG, à l'université Paul Valéry de Montpellier, les 10 et 11 janvier 2013.

39 Langues arabes du Maroc fragmentées en une trentaine de variétés. Les idiomes berbères sont reconnus comme seconde langue officielle du pays. Source électronique : page officielle de « l'Ethnologue » : http://www.ethnologue.com/country/MA/status , visitée le 23.07.14.

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D'un point de vue descriptif, et pour reprendre la classification typologique de Bajriæ 40, la langue française est, dans son ensemble, tels l'anglais ou le chinois, une langue analytique. C'est-à-dire qu'à l'aide de différents mots (prépositions, pronoms, auxiliaires), elle organise les relations grammaticales. L'analyse des procédés de construction mentale sont donc indispensables. En revanche, une langue agglutinante reste difficilement analysable. Comme le turc, les vocables se conglutinent (ainsi dans un même mot peuvent se combiner le pronom et le verbe) générant des structures phrastiques complexes (Saussure, 1960: 242).

A la pluralité des idiomes correspond une variété de communautés linguistiques. Depuis que la langue est devenue un moyen politique et idéologique de construction identitaire, on est passé du spirituel au fait. Soit de l'étude des processus mentaux à l'étude du langage. En Belgique, État fédéral, trois langues officielles cohabitent : l'allemand, le français et le néerlandais. Par opposition à la France, les Belges se reconnaissent dans la richesse véhiculaire de leur pays. Le concept d'union nationale reste quelque peu éloigné de la pensée des autochtones ce qui illustre l'hétérogénéité de groupes de langues au coeur d'un même État, si petit soit-il.

Que penser alors de la mosaïque des langues qui caractérisent le Maroc ? Le Royaume, comme d'autres pays ayant enduré le protectorat français, connaît une politique linguistique différentialiste. Constitutive des situations plurilingues, le territoire demeure en mal identitaire sous le joug d'une langue unificatrice, l'arabe classique, qui contraste avec la reconnaissance récente par la Constitution, des langues berbères (2011)41.

La pluralité originelle, taxinomique et sociétale des idiomes met en évidence la richesse des rencontres d'ordre langagier et comportemental qui se profilent dans la langue in fieri. Cependant, ce chemin n'est pas sans obstacle, en ce sens où il s'avère abondant en dispositions conscientisées. En effet, comment sinon le locuteur non confirmé pourrait-il s'approprier une langue in posse (si) éloignée de celle in esse ? Comment maintenir au mieux l'équilibre du maillage cognitif entre deux idiomes porteurs d'histoire, d'hérédité et de

40 Bajriæ S., 2012, « Plurilinguisme », Master 2 Recherche Didactique du Français, C.F.O.A.D. « La Passerelle », Université de Bourgogne, 16D593/3, p.66.

41 Source électronique : page officielle « Le Figaro » : http://www.lefigaro.fr/international/2011/06/30/01003-20110630ARTFIG00748-l-identite-berbere-enfin-pleinement-reconnue.php , visitée le 23.07.14.

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cultures particulières ? L'approche de la langue française et de quelques migrantes, sous forme d'analyse, met en relief les représentations linguistiques qui sous-tendent la compréhension de tout nouvel idiome. Ces dernières sembleraient également traverser le répertoire langagier du locuteur. Difficile alors de ne pas glisser vers un « échiquier linguistique » (Benzakour, 2012)42, source de véritables perceptions paradoxales.

2.2. Les traits d'union entre l'Être et l'Esprit ou les représentations

Qu'est-ce qu'une représentation ? Au fil de nos lectures, nous avons remarqué qu'une terminologie étoffée, polymorphe, voir philosophique est souvent assimilée à son acception. Constituant un domaine important de la réflexion en linguistique-didactique, il nous semble au préalable pertinent, de colliger le concept de représentation à la discipline des sciences du langage.

Les sciences du langage ont évolué au cours des siècles, passant de l'étude du « langage naturel » à « la nature et le rôle du locuteur dans l'expression linguistique » (Auroux, Deschamps, Kouloughli, 2004: 237). Issue des raisonnements de l'Antiquité, la discipline recherche à décrire et comprendre la production du langage ainsi que la transition d'un idiome à l'autre. On s'intéresse dès lors à la référence triadique du signe linguistique, initiatrice de la tripartition sémiotique (syntaxe/sémantique/pragmatique). Ce théorème, plus souple que celui dichotomique de Saussure 43 , suppose un phénomène de commutation. Ladite triadique aristotélicienne met en contraste la parole et l'écriture (Signe) face aux concepts universaux de l'intellect et de l'image (Concept) (Rastier, 2008)44. Rappelons le modèle

42 Benzakour F., novembre 2012, « Le français au Maroc. De la blessure identitaire à la langue du multiple et de la copropriation », Repères-Dorif, autour du français : langues, cultures et plurilinguisme, http://www.dorif.it/ezine/ezine_articles.php?id=47 , visitée le 23.07.14.

43 Saussure privilégie une schématisation dyadique linguistique qui distingue un « signifiant » et un « signifié ». Le concept saussurien synchronie-diachronie a largement participé aux théories contemporaines du mouvement en linguistique.

44 Rastier F., 2008, «La triade sémiotique, le trivium et la sémantique linguistique», Actes Sémiotiques, http://epublications.unilim.fr/revues/as/1640, visité le 24.07.2014.

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Concept

Signe Chose

(Signifiant) (Référent)

FIGURE 1 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON ARISTOTE.

Au XIXème siècle, la triade sera réutilisée par le logicien Peirce qui y apportera quelques modifications (Rastier, 2008) :

Interprétant

Representamen Objet

FIGURE 2 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON PEIRCE.

Confirmant l'aspect transcendantal du langage, Peirce propose une théorie sémiotique dont la construction intellectuelle en base trois nous interpelle. Au cours de ses réflexions, Peirce a donc considéré le signe linguistique comme un élément « qui prend appui sur les trois catégories du sentiment, de l'existence et de la médiation » (Bourdin, 2005)45 explicitant, en conséquence, l'entendement de l'individu dans son rapport au monde. En d'autres termes, Peirce schématise la tri-unité du langage et des langues qui résulte de la jonction de 1 et de 2, produit dans ce cas de l'association du Representamen et de l'Objet, où l'Interprétant, tel un

45 Bourdin D., 2005, « Logique, sémiotique, pragmatisme et métaphysique », Cairn.info, www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2005-3-page-733.htm, visité le 25.07.14.

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trait d'union, fournit au locuteur une représentation du milieu environnant. Une

phénoménologie originale qui prétend recouvrir l'ensemble des facultés psychiques de l'homme. Nous réactualiserons donc le polygone comme suit (Everaert-Desmedt, 2011).

Tiercéité (médiation)

Priméité Secondéité

(sentiment) (existence)

FIGURE 3 : ÉVOLUTION DE LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON PEIRCE.

Cette théorie de Peirce paraît intéressante à éliciter ici, dans le sens où elle fait ressortir le concept de représentation comme un signe cognitif interne. De fait, le signe linguistique afin d'être appréhendé par le locuteur détermine « un interprétant, qui est un Representamen à son tour et renvoie, par l'intermédiaire d'un autre Interprétant, au même objet que le premier Representamen [...] » (ibid.). Un processus imparfait où de nouveaux « Interprétants » et « Representamen » servent d'intermédiaire entre l' « Interprétant » et l' « Objet ». Nous le transposerions en linguistique-didactique en termes de « méta-représentation » (Bajriæ, 2007: 22). Cependant, et pour revenir à l'intérêt intellectif des sciences du langage, précisons que le nombre d'entremises reste influencé par la subjectivité du locuteur confirmé. Car c'est lui qui réinterprète et reconstruit l'idée de l'Objet qui concomitamment entraîne sa propre ré-interprétation et re-construction ontologique. Comme le résument Auroux, Deschamps et Kouloughli dans leur thèse sur Heidegger, en tant qu'usager du langage et des idiomes, le sujet parlant est dans une « situation existentiale » (2004: 240). En cela, les représentations du signe linguistique sont constitutives de la structure ontologique de l'existence. Elles s'inscrivent dans l'historialité du Dasein, de l'« être-là » (Gelven, 1987: 224). C'est pourquoi,

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reflet de notre méthodologie de recherche, le point de vue définitoire des représentations se situe dans « une logique de l'identité46 (très ancrée sur la philosophie analytique du langage) et non une logique du signe » (Bourdin, 2005)47.

Pourquoi la linguistique-didactique qui se donne d'abord, comme sujet de réflexion, la relation entre le langage et la compréhension des langues porte-t-elle aussi de l'intérêt aux représentations ? Tout d'abord, parce que d'après Castellotti (2001: 23), les imaginaires instaurent « un élément essentiel et structurant du processus d'appropriation langagière [...] ». Les particularités langagières et cognitives que doit affronter le locuteur non confirmé interfèrent avec son soi intime. L'accès à la nouvelle langue se réalise par l'intériorisation de ces phénomènes subjectifs internes. Par conséquent, « à la jonction du subjectif [...] et du social [...] » (Maurer, 2013: 25), les représentations « endoctrinent »48 les attitudes ainsi que les discours. Amont des perceptions naïves de l'individu et du groupe, les imaginaires sociaux favorisent le maintien fonctionnel du système cognitif lors de l'interlocution en langue in fieri. Conception intellectuelle de l'Être et du monde49, la représentation engage dans son entièreté le locuteur, permettant à notre recherche d'atteindre et discerner l'équilibre mis en jeu dans la construction identitaire. D'ailleurs, le fait que le groupe d'énonciateurs migrants, sur lequel porte nos travaux existe, pour des motifs d'appropriation du français, confère à l'idiome une position symbolique exclusive50.

En insistant sur la notion de représentation linguistique et sociale, il nous semble que le processus psychique d'établissement en idiome in posse n'est pas simplement l'interprétation de deux univers sinon la perspective d'une création de soi. L'imaginaire est porteur d'une influence dialectique interne/externe du Dasein qui s'inscrit dans le cadre de la linguistique-didactique.

46 Cf. Ricoeur (1990).

47 Bourdin D., 2005, « Logique, sémiotique, pragmatisme et métaphysique », Cairn.info, www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2005-3-page-733.htm, visité le 25.07.14.

48 La « représentation » sociale chez Moscovici est au demeurant qualifiée de « doctrine ». Cf. Maurer (2013: 38).

49 Les représentations ne garantissent pas des manières d'agir. En effet, « les locuteurs ne parlent pas toujours comme ils disent qu'ils parlent », Morsly D., 2011, « Sociolinguistique pour l'enseignement des langues », Master 1 Didactique des Langues Français Langue Étrangère (FLE), Université d'Angers, p.3.

50 Thèse de Moliner, Rateau, Cohen-Scali reprise par Maurer (2013: 101).

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2.3. Réflexion terminologique autour de la linguistique-didactique

Voilà comment Soutet introduit la linguistique-didactique dans la préface de l'ouvrage de Bajriæ : [...] « ni une linguistique avec un appendice didactique, ni une didactique des langues avec quelques miettes de linguistique », (2013: 8). Cette discipline n'est effectivement pas une juxtaposition de théories morcelées. En réalité, elle fait figure de médiation entre les sciences humaines et cognitives.

Tout d'abord, de par ses considérations lexicales vis-à-vis de la pluralité des langues. Nous retenons la nouvelle terminologie, présentée en introduction, qui attribue une certaine équité autant aux sujets parlant qu'aux idiomes. De ce fait, le locuteur est défini tel « tout individu », la langue, quant à elle, comme « naturelle » (Bajriæ, 2013: 313). Les verbes d'action en corrélation avec la didactique des langues ne caractérisent plus l'énonceur. Sont apparues plus précisément, des ressources ontologiques qui engagent l'implication linguistique du locuteur : « sentiment linguistique », « maîtrise de la langue » (ibid.) reprenant de ce fait, les bases de la sociolinguistique interne. Par ailleurs, les langues sont considérées en tant que substances vivantes puisqu'elles sont marquées par l' « être » (in esse), le « devenir » (in fieri) et le « pouvoir » (in posse). La portée de cette modification, en termes de pensée, résulte de la conception psychomécanique de Guillaume qui établit la théorie du mouvement des langues. Les trois idiomes synchronisent alors avec la mouvance des images mentales du locuteur, qui en parlant, les saisit (Boone, Joly, 2004: 99-101). C'est pourquoi, l'énonciateur se décline sous la trichotomie suivante : locuteur confirmé, non confirmé et naïf (Bajriæ, 2013: 313-314). En outre, ce dispositif interne appartient à la linguistique humboldtienne car le langage est assimilable à une impulsion génératrice (Chabrolle-Cerretini, 2007: 83), antinomique donc avec une vision mécaniste de l'univers. Et partant, empreinte d'une théorie saussurienne cinétique (Boone, Joly, 2004 : 99-101) la linguistique-didactique s'enquiert sur la dynamique entre le langage et l'installation dans un nouvel idiome. Pour comprendre cette énergie, une des notions centrales de la discipline sont les schèmes psycholinguistiques que met en place un individu dans sa vie de locuteur et qui favorise, ou non, sa « création ». Dans l'appropriation d'une langue, le comportement langagier ainsi que l'intellection expriment les

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changements mentaux qui y sont catalysés, nous orientant, en tant qu'apprentie-chercheure, vers la causalisation. Attendu que, selon Guillaume, « La langue, en soi, n'exprime rien : elle représente, elle est représentation » (Wittwer, 1997: 10).

De ces prolégomènes à la linguistique-didactique, nous attirons l'attention en premier lieu, sur les concepts philosophiques et psychologiques sur lesquels repose notre étude de cas. Au travers de la nature de cette discipline, nous réalisons que la seule observation « externe » du corpus ne saurait pleinement répondre à notre problématique. En second lieu, nous avons remarqué qu'analyser les comportements psycho-discursifs (mécanismes mentaux et faits de langue) du locuteur permet l'accès à la manière ou aux manières d'exister dans un idiome. Tout bien considéré, l'ambition de « cette nouvelle branche de la linguistique » (Soutet, 2013: 8) concerne une tangibilité psychosystématique des sciences du langage.

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PARTIE 2 : DEVENIR ANONYME LANGUE(S) IN POSSE À BRUXELLES

FIGURE 4 : KAHLO F., 1932, AUTOPORTRAIT À LA FRONTIÈRE ENTRE LE MEXIQUE ET LES
ÉTATS-UNIS
, MEXIQUE.

Nous nous retrouvons à présent dans la deuxième partie de ce mémoire, consacrée à la problématique de recherche ainsi qu'à la méthodologie utilisée pour réaliser nos investigations. L'autoportrait de Frida Kahlo, ci-dessus, vient sustenter le titre de notre section puisqu'il illustre la motilité statique du nouvel arrivant. Lorsque le « devenir » n'est pas toujours synonyme d'évolution. Dans un premier temps, nous attirerons l'attention sur la conception d'un objet de recherche dont les objectifs et hypothèses tiennent d'un travail antérieur. Ensuite, nous nous pencherons sur la « contextualisation »51 institutionnelle avec les profils particuliers des locuteurs migrants et des formatrices de français qui composent notre terrain d'enquête. Enfin, nous examinerons les caractéristiques du recueil de données en

51 La notion de « contextualisation » a notre préférence par rapport à celle de contexte. La première a l'avantage de s'entendre dans le sens de Rispail et Blanchet, soit en tant que « processus » (2011: 68).

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y précisant son importance comme outil dans l'élaboration de notre corpus. Les questions méthodologiques et techniques à résoudre tout au long dudit projet, et qui compliquent, voire limitent notre travail, seront explicitées chemin faisant.

Chapitre 1 : Démarche et protocole d'enquête auprès de locuteurs migrants

Après avoir présenté la genèse de notre projet de recherche, nous commenterons l'approche sociologique privilégiée.

1.1. Problématique originelle

L'origine de la présente étude s'inscrit dans une certaine cohérence avec un travail académique précédent : un rapport de stage de Master 1 Didactique des Langues FLE achevé en mai 2012. Ce dossier visait une réflexion personnelle sur nos pratiques d'enseignement du français en contexte scolaire52. Une expérience universitaire et professionnelle qui nous a amenée à définir la matière de nos investigations : comprendre, dans une perspective sociolinguistique, la construction de soi en tant que locuteur de langue française. Pour être tout à fait honnête, mes suppositions d'alors relevaient de la didactique pure : (1) éventualité d'une méthode pédagogique à visée communicative efficace, (2) éventualité des effets facilitateurs du contact langagier et culturel au sein de la classe. Les entretiens qui suivirent auprès des jeunes locuteurs non confirmés étaient orientés par les questions suivantes :

52 En l'occurrence, les travaux d'observations et de réflexions de ce premier terrain étaient contextualisés dans un collège public français du Vaucluse. Le stage a été réalisé durant l'année scolaire 2011/2012, de novembre à mai, au sein d'une classe d'élèves allophones en Dispositif d'Aide et d'Intégration (DAI). Le corpus complet se composait d'environ quatre heures de situations de classe dispensées par trois professeures (nous y compris) ainsi que de deux heures environ d'entretiens semi-directifs auprès des élèves.

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- Quelles langues parles-tu ? Où, quand et pourquoi ?

- Dans quelles disciplines te sens-tu à l'aise ?

- Comment comprends-tu le français à l'école et à l'extérieur ?

- Comment vis-tu ton installation en France ?

- Qu'est-ce qu'il te manque ici ?

- Est-ce que tes parents parlent le français ?53

Les quatre conversations d'étude effectuées concernaient un public d'adolescents pour qui la France représentait le pays de la première migration. Qu'ils soient d'origines arménienne, espagnole ou italienne, chacun exprimait un sentiment d'insécurité linguistique en rapport notamment avec l'image de la mère et du pays. En outre, lors d'une discussion filmée entre trois locuteurs de langues in esse différentes, les notions de construction identitaire et du rapport à autrui en langue in posse se sont avérées pertinentes à examiner. Enfin, la contextualisation de la migration, nouvelle à nos yeux, a permis d'exécuter nos premiers pas dans le domaine de la sociolinguistique.

C'est avec notre sujet actuel que nous sommes entrée dans le processus de recherche afin de déterminer, catégoriser et expliciter des phénomènes d'alternance linguistique et produire de nouveaux acquis (Blanchet, Chardenet, 2011 : 63). Dans la perspective d'une recherche orientée54, nous avons observé et analysé des comportements de locuteur que nous n'avions jusque-là pas exploré. Ces derniers suggèrent des orientations vers des aspects impliquant le mouvement psychologique du discours.

53 Les entretiens, facultatifs, ont été réalisés durant le mois de février 2012. Les onze élèves qui constituaient cette classe ont tous souhaité participer.

54 « Terminologie récente, unissant recherche fondamentale et recherche appliquée. C'est une recherche issue des besoins sociaux, impliquant une orientation de la solution à trouver, mais commandée par un problème concret à résoudre ». Dans notre cas, l'établissement du locuteur migrant en langue française. Cf. Université Coopérative de Paris, Petit vocabulaire de recherche en sciences humaines et sociales, http://www.ucp-paris.org/ressources-recherche/petit-vocabulaire-de-recherche-en-sciences-humaines-et-sociales/, visité le 03.07.14.

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1.2. Cadre épistémologique

Notre étude ayant de l'intérêt pour les rapports mentaux que maintiennent les énonciateurs migrants avec la langue française, nous nous proposons de répondre aux questions suivantes :

- (a) Quels signes linguistico-cognitifs marquent les périodes temporelles de la construction identitaire du locuteur non confirmé en langue française ?

- (b) Quel est le modus operandi qui crée l'installation du sujet parlant en idiome in posse ?

- (c) Quelles techniques didactiques privilégier dans le domaine des sciences du langage ?

Pour ce faire, nous avons mené notre étude sur un terrain précis avec l'objectif d'observer et de s'enquérir sur un groupement de personnes : les membres de l'association dans laquelle nous sommes bénévoles. En cela, nous nous prévalons d'une démarche ethnographique puisque notre tâche consistait à écouter attentivement des récits de vie qui dans leurs «dimensions référentielles » (Jeanneret, Pahud, 2013 : 16) transforment le récit en un positif identitaire « lui donnant de nouveaux contours » (Blanchet, Chardenet, 2011 : 460). Parce que nous voulons comprendre le mouvement langagier du sujet parlant « dans une perception du temps humain, et en construisant une identité » (de Robillard, 2011 : 21), nous avons opté pour l'étude et l'enregistrement des entretiens réalisés auprès des informateurs. De même, les comportements étant consubstantiels à l'instantanéité discursive, le groupe de discussion-poste d'étude dialogique entre la langue et les attitudes psychiques- nous a semblé une technique pertinente pour leurs observations (Chardenet, 2011 : 77). La façon dont nous avons rendu compte de cet « instant de conscience vive » 55 induit la transcription des narrations selon des items précis (cf. Annexes 15-19) qui relèvent de l'analyse linguistique et comportementale (a). Par ailleurs, nous aspirons à une vision croisée des actes de langue et des actes d'appropriation au travers des pratiques. En effet, afin de ne pas dériver vers un portrait uniformisant de la réflexivité en langue in fieri et conscient que la construction

55 Expression de Guillaume reprise par Soutet dans sa préface à l'ouvrage de Bajriæ (2013 : 9).

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identitaire reste indissociable de l'acte d'écrire (Molinié, 2011 : 144), nous avons choisi de recourir à l'assemblage des données provenant des groupes de discussion ainsi que celles collectées auprès des sources écrites produites par les informateurs eux-mêmes (b). D'un point de vue didactique, afin de prendre en compte le versant culturel de la situation, l'usage du journal de terrain ainsi que les échanges « naturels » avec les formateurs de l'ASBL nous ont paru pleinement complémentaires (c).

Certains ouvrages consultés nous ont confortée dans l'approche ethnologique que nous avons choisie. De fait, loin d'assouvir un simple appétit de notions en sciences du langage, notre travail s'ancre dans un examen à visée humaine (Société d'ethnographie, 1860 : 23) qui grâce aux apports de la linguistique théorique tend à donner pour certains les schèmes relationnels entre « le mental et le vécu » (Monod Becquelin, Vapnarsky 2001 :155), dans la compréhension d'un idiome in posse. Une telle position épistémologique nous amène vers une reconnaissance de la manière dont les discours et les interactions des nouveaux arrivants sont parlés en rapport avec leur profil langagier. Ce que Dabène nomme « la conscience ethnolinguistique » (1994 : 103). Au-delà de l'aspect sémantique de la narration, Huver et Springer (2011 : 244) présentent « la dimension ethnolinguistique » comme un élément constitutif des habiletés culturelles qui servent à s'approprier l'alternance intellective ainsi que la conduite verbale des langues. C'est pourquoi, nous sommes convaincue que les entretiens ainsi que les écrits biographiques d'adultes migrants, au répertoire multilingue, sont à même de nous dévoiler les transpositions cognitives qui déterminent les énoncés des locuteurs non confirmés.

Jusqu'ici nous n'avons pas franchement défini le concept de « transposition mentale », de « rapports mentaux » ou encore de « processus cognitifs ». Or, il est une idée-force sollicitée dans la compréhension des processus identitaires en langue in posse. Parmi la grande diversité des expériences auxquelles un sujet est exposé au fil de sa vie sociale, notamment, au fil des migrations, se trouvent les variables des langues. L'appropriation d'un idiome est un vécu unique qui se matérialise dans une contextualisation spécifique : une institution. Cette conjoncture implique des déterminants culturels, temporels et cognitifs qui façonnent les identités au coeur des discours. Digne héritière de la dichotomie structure acquise/structure

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apprise de Krashen (1981), la linguistique-didactique distingue l'immanent du transcendant des langues, le locuteur confirmé de l'énonciateur non confirmé. La langue in esse est le résultat de procédés intériorisés en situations naturelles. L'appropriation, quant à elle, relève d'un mécanisme réfléchi sur l'idiome potentiel et qui se contextualise géographiquement et temporellement. En cela, l'aporie réside plus dans la cognition que dans le cadre contextuel. Selon le linguiste américain, la principale action correspondant à la compréhension d'une langue est le « monitor », en d'autres termes la maîtrise, la régulation du discours. L'intention arrêtée d'effectuer des modifications sur les énoncés réalisés, en l'occurrence dans un échange en langue in fieri, nous renvoie vers des processus cognitifs conscients. C'est lorsqu'on utilise la régulation des variations dans les output- compris comme le résultat d'une production langagière- que l'on peut argumenter que tout individu revêt le statut de locuteur non confirmé. Cela dit, si l'on considère le mot « monitor » dans sa définition stricto sensu, il est évident que la théorie de Krashen ne peut s'apparenter à un mécanisme, cela concerne plutôt une approche psycho-sociologique. Il nous semble donc que les interfaces mentales sont des modérateurs qui permettent aux locuteurs adultes de conscientiser leurs erreurs à l'intérieur de leur production. En effet, qu'il soit acte ou état d'esprit, le fait de se tromper occupe une place prépondérante dans l'acceptabilité d'une langue. Qualifiée d'émancipation linguistique dans le cas du locuteur confirmé, l'erreur devient le symbole de l'insuffisance langagière du nouvel énonciateur (Bajriæ, 2013 : 144-152). Pourtant il est une voix parmi les linguistes qui se veut plus élémentaire (Frei, 1929 : 291-292) lorsqu'il s'agit de caractériser la langue française, le concept étant que cette dernière n'a aucune réalité. Frei déclare que ce qui fait véritablement sens, ce sont les idiomes français et leurs utilisations : la norme autant que la pratique habituelle d'un groupe. La considération de l'erreur restera donc à l'appréciation de chacun, en se rappelant néanmoins que, par la présente étude, nous l'inscrivons dans la dynamique de l'intellection. D'autre part, nous envisageons les relations cognitives comme des indicateurs de l'interculturalité des comportements linguistiques, notamment au travers des originalités du « vouloir-dire » des langues, c'est-à-dire des idées psychiques qui représentent les communautés langagières (Bajriæ, 2013 : 110-116). Enfin, comme nous l'avons noté précédemment, le dire d'un idiome catalyse la réciprocité entre des sujets parlant éventuels ainsi que l'intériorisation respective de leur subjectivité. À notre sens, cet angle définitoire a

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permis de dessiner notre première hypothèse concernant les éléments verbaux in fieri comme facteurs de processus de reconfiguration identitaire.

La deuxième hypothèse postulée se rapporte au concept pléomorphe et mouvant d'identité (Mucchielli, 2003 : 4). En la définissant tel un processus de sélection à la fois intime et socio-collectif, Vinsonneau (2012 : 26) expose le versant idiosyncrasique de cette notion. En effet, chaque individu possède une lecture du « sentiment d'être », la capacité que l'autre a à se détacher de soi pour reconnaître socialement quelqu'un d'autre (Mucchielli, 2003 : 71-72). La relation de contigüité constitue donc une entité intégrée dans le système identitaire qui se distingue en premier lieu par sa contextualisation, puis par les niveaux de valeurs accordés à la personne. Elle se caractérise par ailleurs dans son rapport à l'espace à travers le phénomène de la migration où l'assimilation positive s'avère encouragée par la légitimation de l'autre (Gohier, 2006 : 153). Il n'est donc pas question d'évoquer le concept sans en mettre en avant la nature « dynamique » (Vinsonneau, 2012 : 81). C'est ce que Baroni et Jeanneret (2009 : 78) signalent vis-à-vis de l'incomplétude et du renouvellement perpétuel de l'ego que les biographies trahissent. Selon les didacticiens, les récits de vie revendiquent d'abord la narration qui ensuite crée à nouveau le récit, impliquant la distance métaphorique comme une structure récurrente dans la démarche d'énonciation. En cela, le mécanisme identitaire ne peut se comprendre en l'absence de temporalité. Reste à considérer une troisième remarque relative à un versant dissolutif de l'identité : l'anomie. L'identité est ce qui permet à l'individu de se reconnaître, d'accéder à son soi intime et donc à sa liberté telle une médiation signifiante entre l'univers et l'homme. C'est l'espace- entendu comme la distance entre deux objets ou deux points- où toute personne se recompose et développe des stratégies conformément aux situations vécues. Compénétré par l'Histoire et la conjoncture sociale actuelle, le concept d'identité, dans sa définition moderne, serait dès lors, plus avant la référence ontologique qui nous détermine, un mérite et une vertu essentiels56. De ce fait, la « désertion » (Le Crest, 2013 : 60) de soi ne saurait être sans danger car elle confronte l'individu à des circonstances expérimentales anomiques. Comment atteindre, dans son unité, l'être en situation de migration prolongée, lorsque l'ordre environnant relève d'une

56 À ce sujet, Orsenna (2003 : 22-23) dans son roman Madame Bâ, évoque l'identité comme étant catégorisée et non prise dans sa globalité.

compréhension non confirmée ? Là réside toute la problématique qui convertit, par exemple, des exilés espagnol et portugais tels Alvaro, en anonyme ouvrier ou Piedade, en anonyme ibérique (Camilleri, 1990 : 155-160). L'individu est ré-inventé au gré des désignations sociales- « socionyme »- et ethniques- «ethnonyme »- (Bres, 1993 : 17) conduisant à une dépersonnalisation où tout un chacun est contraint de puiser dans sa « boîte à outil »57 (Camilleri, 1990 : 46) identitaire.

In fine et à la lumière de ces deux postulats, nous envisageons des propositions didactiques adaptées à condition donc, qu'elles valorisent et encouragent la création linguistique du locuteur non confirmé. Il s'agit de penser, grâce à notre « métaposition » (Blanchet, 2011 : 19) de chercheure néophyte, à la façon de concrétiser cet objectif sur le terrain afin d'obtenir une valeur ajoutée en termes d'appropriation du français.

Ces remarques justifient l'importance particulière que nous accordons aux signes et aux comportements linguistiques dans l'examen du corpus. La caractérisation antérieure des opérations mentales (le « monitor », l'erreur et le « vouloir-dire ») ainsi que l'articulation de trois des composantes de l'identité (l'ontologie, la dynamique et l'anomie), nous servira pour l'analyse des entretiens autobiographies des adultes migrants que nous dirigeons. Chaque élément s'avère être en mesure d'offrir un poste d'observation hautement intéressant. Notamment en ce qui concerne la compréhension de la langue française grâce aux témoignages des acteurs de l'ASBL.

Voyons à présent l'ensemble circonstanciel qui nous a semblé particulièrement fécond en vue de cette étude scientifique.

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57 Expression de Devereux (1972) reprise par Camilleri.

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Chapitre 2 : Délimitations du terrain de recherche

Le travail préalable à notre recherche, nous a amenée à la constitution d'une bibliographie représentative sur le propos concerné. Nous avons considéré, à parité, des ouvrages issus des domaines de la sociologie, de la psychologie sociale ainsi que de la linguistique. Les tâtonnements autour de l'élaboration de cet outil de référence nous a permis de mieux cibler notre zone d'enquête. C'est pourquoi, de manière parallèle, nous avons prospecté des terrains susceptibles de nous accueillir, telles les différentes institutions dispensant des cours de français en Flandre et en Région Bruxelles-capitale. Nous étions d'avis que les associations, en tant que « lieux centraux de la sociabilité immigrée » (Molina Màrmol, 2014 : 17), mettraient en perspective les diversités culturelles, linguistiques et migratoires des nouveaux arrivants de Belgique.

2.1. Sélection et introduction du contexte

La définition du paradigme ethnographique présentée par Blanchet (2011 : 18) confirme la ligne de conduite de notre méthode de recherche :

- une orientation constitutive du réel car nos travaux s'appuient sur des questionnaires et enregistrements ordonnés ;

- une orientation empirique réflexive qui rend compte, sous la forme d'un « corpus restitutif » (Blanchet, 2011 : 10-12) des phénomènes langagiers par les informateurs : journal de terrain, sources écrites, échanges non dirigés.

Pour ce faire, les prémices de notre étude s'amorcent dès novembre 2013 auprès de l'ASBL Avenir, domiciliée quartier Saint-Josse, au Nord-Est de Bruxelles. Concomitamment, nous

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étions entrée en contact avec une école de langues publique pour adultes à Lierre 58 . Nonobstant, le terrain à forte autorité scolaire, le profil hagiographique stable des informateurs ainsi que notre condition de locutrice non confirmée en néerlandais, nous fit privilégier le cadre associatif de la Région Bruxelles-capitale. Comme nous l'avons souligné précédemment, l'association Avenir est la juste descendante des Écoles de quartier fondées par Mohamed El Baroudi (Partie 1,§ 1.3). Devenue ASBL en novembre 1992, Avenir relève d'un symbole migratoire structuré autour d'une identité marocaine commune 59 . Elle correspond donc à une association dite de migrants, cela signifiant qu'elle est établie et dirigée par les immigrés eux-mêmes. Autant dire que l'identité ethnique ainsi que la fidélité au groupe est un trait élémentaire de l'existence de ce type d'institution (Lanly, 2001 : 5-7). Aujourd'hui, Avenir offre un visage différent puisqu'elle est administrée par un personnel de direction non migrant et, qui plus est, qui n'a aucune origine marocaine. Tout comme d'ailleurs, depuis 2009, le tiers des immigrés inscrits désireux de suivre des cours de langue française. En tant qu'offre de proximité, l'association propose des activités d'aide aux devoirs et extra-scolaires pour les enfants jusqu'au secondaire et bien entendu, des cours intensifs d'alphabétisation ainsi que de FLE pour les adultes migrants, à raison respectivement de neuf et quinze heures par semaine60.

L'amplitude temporelle de notre recherche couvre la période du 8 novembre 2013 au 20 juin 2014. A l'origine notre assiduité était hebdomadaire : chaque vendredi matin, de 9h50 à 13h25, nous assistions en tant qu'observatrice au déroulement des cours de FLE. C'est à partir du 10 janvier 2014 que nous commençons l'observation participante en tant que formatrice bénévole FLE, à raison d'une fois par semaine, auprès de la même classe. Puis, durant le mois de mars, nous avons eu l'opportunité d'alterner les deux modes d'investigation par le suivi d'étudiants stagiaires61et la co-planification des modules d'enseignement.

58 Ville néerlandophone située en Région flamande dans la Province d'Anvers.

59 Saint-Josse était un des quartiers où était installée une forte population de travailleurs immigrés marocains.

60 Pour plus d'informations, consulter la page du « Portail de l'Alpha » :
http://bruxelles.alphabetisation.be/article58.html.

61Étudiants stagiaires FLE de 1ère et de 3ème année de la Haute École de Bruxelles Defré.

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2.2. La démarche de rencontre

Au dire d'Agier (2004 : 35-36), « Pas de connaissance intime du sujet sans connaissances dans le milieu. Pas de savoir sans relations donc »62. L'organisation du travail de recherche de Master en sciences du langage implique certaines déterminations d'ordre personnel, situationnel et éthique qui concourent à l'accomplissement de procédures codifiées. Ainsi, ce sont nos tâtonnements d'apprentie-chercheure, jalonnés de rencontres, qui ont ouvert ce parcours scientifique. Il nous semble donc judicieux de l'incorporer au corps de l'actuelle étude.

Après des échanges fructueux par mail fin octobre 2013, nous rencontrons début novembre Madame D63., directrice de l'ASBL Avenir au sein même de l'association. Nous avons aussitôt la possibilité d'observer son cours de FLE et d'être présentée- dans un premier temps, en tant qu'éventuelle formatrice bénévole - aux locuteurs adultes en présence. Déontologiquement parlant, nous avons apprécié le fait que Madame D. légitime de manière formelle et adaptée notre présence, ce qui, pensons-nous à ce moment-là, favorisera notre intégration graduelle (Blanchet, 2011 : 73-74). Le premier contact, somme toute conciliant avec la directrice-formatrice, nous permet de lui décrire notre situation de chercheuse débutante sous tutelle française. Nous lui présentons également les particularités des observables que nous pensons mettre en place, soit des enregistrements de classe, des dispositifs de production d'écrit ainsi que des entretiens auprès d'elle, des formatrices et du public de l'ASBL. Favorable au projet, Madame D. nous donne son accord et nous suggère la mise en place d'une planification ce qui nous laisse supposer qu'elle reçoit régulièrement des observateurs extérieurs. Nos perspectives d'approches n'étant pas encore suffisamment claires et la méconnaissance des énonciateurs adultes évidente, nous nous mettons d'accord sur une période transitoire d'observation et de rencontre de novembre à décembre 2013. Ce temps décéléré - que nous estimons plus que nécessaire - nous permet de nous immerger confortablement dans ce nouveau terrain, d'en appréhender les différents acteurs et, en

62 Cité par Lambert (2011 : 368).

63 Dans un souci du respect de leur volonté, nous n'avons pas mentionné les identités des informateurs. Elles sont par conséquent remplacées par la première lettre, et parfois la seconde, de leur nom ou de leur prénom.

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conséquence, de clarifier le cheminement de nos recherches (Lambert, 2011 : 370-371). Quant à l'ensemble de l'équipe éducative, les prises de contact ainsi que l'exposé du projet ont été facilités par l'introduction de Madame la directrice. De fait, dans le cadre de ses fonctions, cette dernière a organisé, début décembre, une manifestation de loisir64 qui a permis de confirmer, aux yeux de tous, ma position en tant qu'enseignante bénévole de français. Par cette admission officielle débutait notre entrée dans les aléas du processus de recherche : hypothèses, négociations et documentations des circonstances linguistico-didactiques.

Maintenant que nous avons contextualisé notre travail d'étude à l'aide des quatre paramètres social, situationnel, temporel (Blanchet, 2011 : 18) et relationnel (Lambert, 2011 : 367), nous sommes en mesure de dresser le profil des informateurs enquêtés.

2.3. Choix et développement de l'échantillon

Si tant est que « le vrai territoire d'une langue est le cerveau de ceux qui la parlent » (Cerquiglini, 1999), nos choix heuristiques se doivent d'être pragmatiques et donc, concerner les énonciateurs non confirmés de l'association. En outre, ayant inscrit notre problématique au coeur des sciences du langage, nous conserverons encore une cohérence relative en nous intéressant aux formateurs de français.

Les étapes de la constitution de notre échantillon se sont réalisées dans les locaux de l'association même et ont intégré deux types d'informateurs : les énonciateurs migrants et les formateurs de l'ASBL. En ce qui concerne les locuteurs non confirmés, nous avons commencé par la consultation des dossiers d'inscription en FLE des adultes, en janvier 2014, afin d'obtenir a minima les critères suivants :

- des origines géographiques variées ; - un répertoire langagier varié ;

64 Chaque premier dimanche du mois, l'ASBL organise un petit-déjeuner où sont conviés tous les membres de l'association ainsi que leur famille.

46

- une connaissance suffisante du français oral et écrit pour comprendre et interagir en situation d'entretien semi-directif et produire des traces écrites qui font sens.

Ce premier travail sélectif, à partir d'une base de données de quarante-cinq personnes répertoriées, déboucha sur l'élaboration d'une liste de treize informateurs éventuels, répartis dans deux classes. Les treize locuteurs ont reçu positivement l'intention d'entretien mais pour autant ils n'ont pas été tous retenus. En effet, certains n'ont pas donné suite, soit pour cause d'absences répétées aux cours, soit pour motif d'abandon65. Il est à rappeler ici que le statut des énonciateurs migrants est varié : bénéficiaire social du Centre Public d'Action Sociale CPAS66 (50%), mère au foyer (20%) sans emploi (10%), réfugié (10%)67. Au total, cinq locuteurs non confirmés adultes ont participé aux enquêtes semi-directives et aux activités de composition écrites, quinze au groupe de discussion. Du côté des informateurs « passeurs d'informations », le profil des trois éducatrices qui composent l'équipe de l'ASBL nous intéressait de manière analogue, attendu que nos critères relevaient de l'objectivité :

- l'âge,

- le sexe,

- la formation initiale et continue,

- le répertoire langagier,

- les locuteurs que la professionnelle a en charge.

Toutes ont, à l'unanimité, répondu positivement à nos observations de classe ainsi qu'à la participation au questionnaire d'enquête. Néanmoins, seule une formatrice nous a retournée le formulaire complété. En terrain associatif, il faut veiller à prendre en compte les deux catégories de la population éducative : les formatrices qui ont un contrat de travail et celles

65 Nombreux sont les migrants qui viennent s'inscrire seulement pour obtenir une attestation de formation qui leur facilite l'accès aux aides sociales : selon Madame D. entre 25 et 30%. En général, cette typologie de migrants est peu ou pas assidue aux cours.

66 « Un CPAS, ou "Centre Public d'Action Sociale", assure la prestation d'un certain nombre de services sociaux et veille au bien-être de chaque citoyen. Chaque commune ou ville a son propre CPAS offrant un large éventail de services ». Source électronique : page officielle du « Portail Belgium », Informations et services officiels : http://www.belgium.be/fr/famille/aide_sociale/cpas/, visitée le 19.08.14.

67 Les 10% restant ne jouissant d'aucun statut particulier.

47

qui ont un contrat de bénévole. Dans cette deuxième catégorie, les exigences de formation socio-culturelle sont moins exigées que dans la première.

En définitive, l'échantillon d'informateurs au moment du recueil des données, est composé de huit personnes dont les variantes stables sont la migration et la profession. Ils sont âgés de 23 à 61 ans et le groupe des 33-47 ans est le mieux représenté. La majorité des informateurs sont des femmes : 6 femmes pour 2 hommes. Si l'on regarde de plus près le tableau en Annexe 1, on remarque que certains informateurs ont contribué à la collecte de divers éléments, ce qui offre une analyse plus large.

Lié à l'exil et donc à une compréhension de recherche singulière, le terrain associatif de migrants requiert une expérimentation nouvelle de notre part. Aussi, avec l'objectif d'encourager la polyphonie des discours, nous avons opté pour une diversité des procédés dans le recueil des données.

Chapitre 3 : La collecte des données

L'étude ethnologique et psychosociologique du sujet parlant dont se revendique notre méthode de recherche, justifie notre appréhension de l'installation du locuteur en langue in posse. À notre sens, et pour reprendre l'idée de Hagège (1998 : 26), l'énonciateur est la manifestation concrète, historiquement située et socialement déterminée de la compréhension d'un idiome. Voici le concept véhiculaire suivant lequel nous construisons notre corpus et à partir duquel nous donnons du sens à nos résultats. Dans cette perspective, nous examinerons l'intérêt relationnel du questionnement préliminaire tout comme l'angle épistémologique original généré par les échanges naturels. Puis, nous définirons les deux outils essentiels de notre étude : les sources écrites ainsi que les entretiens individuels et collectifs.

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3.1. Le questionnaire exploratoire

Outil servant « de guide et d'orientation dans une enquête »68, le questionnaire exploratoire a été créé spécifiquement pour les locuteurs migrants et délivré durant la phase d'observation participante. Inspiré du formulaire réalisé lors de notre première mission, il contient des items d'ordre langagier, sociolinguistique et psycholinguistique de la compréhension du français (cf. Annexe 4) : le répertoire langagier du locuteur (les idiomes qui le composent), les méta-représentations (relatives à la langue française et à ses locuteurs belges), la situation de bilinguisme (individuelle, à l'âge adulte). Quatre autres paramètres en fin de questionnaire ont pour objectif de documenter l'âge, le sexe, la durée de formation en langue française ainsi que les éventuelles migrations. Le questionnaire ad hoc a été proposé aux neufs informateurs locuteurs répondant aux critères explicités précédemment. Quant au questionnement pour les informateurs « passeurs d'informations », il s'articule autour des domaines du langage et de la linguistique-didactique des langues : le répertoire langagier du formateur (les idiomes qui le composent), les représentations (inhérentes à l'appropriation d'une langue in posse), les réflexions didactiques (par rapport aux locuteurs de leur classe). Quatre variables distinctes en fin de questionnaire s'intéressent également à l'âge, au sexe, aux migrations potentielles et à la formation professionnelle.

En tant que « questionnaire pré-codé » (Mucchielli, 1993 : 23), notre enquête initiale s'avère un instrument de première utilité pour qui veut instaurer des relations de confiance avec les individus qui constituent le terrain. Effectivement, les caractéristiques objectives sélectionnées pour élaborer notre questionnaire ne sont ni quantitatives, ni qualitatives mais plutôt corrélatives à la prise de contact. C'est pourquoi le formulaire se revendique anonyme et accessible d'accès en termes de remplissage69, afin de prédisposer les informateurs à notre recherche (ibid.). En outre, la référence large aux langues dans le questionnaire pour les éducateurs traduit notre prudence quant aux idéologies didactiques de chacun. Le questionnaire a été soumis à l'attention des trois formatrices. Pour l'ensemble des

68 Source électronique : Page officielle du « Trésor de la Langue Française » :

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995 ; r=1 ;

69 Pour rappel nous avons affaire, pour les informateurs migrants, à des locuteurs non confirmés de français.

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informateurs (hormis Madame D.), le formulaire correspondait à notre première approche en tant que professeure FLE bénévole.

Les réponses recensées nous ont donné la possibilité de dresser un bref portrait introductif des locuteurs non confirmés, que nous esquisserons, de façon plus précise, ultérieurement (cf. Partie 3, Ch. 1) :

- l'ensemble du groupe informateur possède un idiome in esse différent du français ;

- sept d'entre eux disposent d'une langue in esse en commun (le turc et l'arabe dialectal) ;

- leur durée de formation en français au sein de l'ASBL s'avère variable, entre six mois et deux ans ;

- le français est qualifié par tous comme langue « importante/ efficace » nommément, cinq le motive comme langue du pays d'accueil, quatre le justifient encore par le travail et quatre par les interactions quotidiennes. L'un reconnait le français comme un idiome qu'il ne « connait » pas. En conséquence, il souhaite « comprendre ce qu'on dit » ;

- le français est considéré, par ordre croissant, comme un idiome : beau pour six d'entre eux, utile pour cinq, facile pour deux et un à valeur sociale ;

- chacun s'accorde sur les « efforts » et le « temps » nécessaire à l'appropriation de l'idiome, deux élicitent le facteur de « l'âge » ;

- à l'unanimité s'établir en langue in posse revient à maîtriser la lecture-écriture, une place prépondérante est donnée aux fautes de langue 70, l'un insiste sur l'écrit, un second sur « la connaissance de la culture de l'autre » ;

70 Nous observons un décalage avec notre première enquête de terrain. Là, les informateurs âgés entre 11 et 17 ans ne stigmatisaient pas autant les erreurs de langue qu'ils qualifiaient de « normales ».

- à mi-chemin, quatre locuteurs adultes considèrent que l'appropriation préalable d'une autre langue in esse ou fieri, facilitent la compréhension du français, quatre le contraire. L'un d'entre eux s'est abstenu sur le sujet ;

- une partie des énonciateurs se sent également «exister » en idiome français, l'autre en idiomes français et arabe. Parmi eux, un sujet parlant déclare « être » en langue turque.

Informateurs

Langues du répertoire

AL

gula, français

E

albanais, français

I

arabe dialectal, français, anglais

J

arabe dialectal, français, espagnol,
néerlandais

M

arabe dialectal, français, espagnol

50

TABLEAU 1 : LANGUES DES REPERTOIRES LANGAGIERS DES LOCUTEURS MIGRANTS

51

Informateurs

Langues du répertoire

L

français, néerlandais, anglais, catalan

M-L

français, anglais, arabe dialectal

W

arabe, français

TABLEAU 2 : LANGUES DES REPERTOIRES LANGAGIERS DES FORMATRICES71

L'attention portée aux échanges ponctuels de la journée s'est présentée à nous telle une continuité. Nous nous sommes rendue compte que, par ce biais, nos relations gagnaient en caractère, le questionnaire strictement individuel rendant la proximité insuffisante, voire impossible. D'un point de vue humain, cet outil a développé le tissage de liens plus sincères.

3.2. L'échange « naturel »

L'étude des actes illocutoires (dans le sens de l'analyse en linguistique-didactique) porte à la fois sur les narrations stimulées (les entretiens autobiographiques) et sur les narrations libres (procédé autonymique). Si le premier genre de discours nous permet de comprendre les rapports mentaux subordonnés au locuteur et son appropriation de la langue in fieri, le second nous autorise des entrées affranchies de contraintes dans l'espace discussif des informateurs (Traverso, 1996 : 131-132).

Concept (ibid.) ou corpus (Morel, 2004)72, la conversation ou l'échange peu dirigé présente des caractéristiques spécifiques qui complètent notre interprétation des questionnaires

71 Les informations concernant M-L et W ont été recueillies à l'occasion des observations de classe et des échanges « naturels » (cf. Partie 2, § 3.2.).

72Morel M.-A., 2004, « Intonation et regard dans la structuration du dialogue oral », in Interactions orales en contexte didactique, Lyon, PUL, pp. 335-348.

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exploratoires. D'un point de vue définitoire 73 , nous sommes face à une situation de communication équilibrée et mutuelle, inscrite dans le réel qui, en transcendant le sensible, laisse place à la subjectivité de l'énonciateur. Contrairement aux variables de Cosnier et Kerbrat-Orecchioni (1991 : 7-8), les échanges naturels que nous visons demeurent indépendants de tout appareillage thématique, spatial, temporel ou relationnel. Seule la chercheure débutante assure une praxis interlocutive circonspecte et se garde bien d'effectuer des coupures « ex abrupto » (ibid.), laissant ainsi la matière locutoire s'établir par paliers (Traverso, 1996 : 131).

Bon nombre d'échanges ont été consignés dans notre journal de chercheure débutante, de manière régulière, sous forme de bribes ou de dialogues partiels. Après les avoir organisés par objet, nous avons relevé quelques observations liminaires. Voici celles relatives aux locuteurs de langue in fieri :

- les échanges se réalisent en début, en fin de cours et à la pause, à l'occasion des manifestations de loisir ;

- dès le mois de novembre, les informateurs en sont les initiateurs. Par la suite, les prises d'initiative sont plus spontanées et s'équilibrent mieux entre les informateurs et l'apprentie-chercheure ;

- les thèmes récurrents sont par ordre croissant : la famille, les communautés, l'apprentissage du français, la connaissance de l'autre, des questionnements sur la construction des énoncés en langue in fieri pour un usage externe.

Et pour ce qui est des formatrices :

- les échanges se réalisent en début, en fin de cours et à la pause, à l'occasion des repas du midi, lors des réunions pédagogiques ;

- les conversations sont équilibrées avec la directrice, plus sporadiques avec les éducatrices, et ce jusqu'à fin mai74 ;

73 Source électronique : Page officielle du « Trésor de la Langue Française » :

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?27;s=2506786680;r=2;nat=;sol=1 ;

74 Des relations « compliquées » lient les éducateurs de l'ASBL. En tant que nouvelle venue, il n'a pas toujours été simple d'entrer en contact franc avec les deux formatrices de français.

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- les thèmes récurrents sont par ordre croissant : les vicissitudes de la profession (en l'occurrence les planifications des cours et le calendrier des stagiaires), ses aspects pédagogiques et didactiques, le manque d'assiduité et le niveau en français des apprenants, la connaissance de l'autre.

En nous appuyant sur le questionnaire et l'échange naturel auprès des informateurs de l'association Avenir, nous envisageons le terrain au travers de représentations émiques. En effet, nous avons constaté des rapports co-mobilisateurs dans lesquels éducateurs et énonciateurs non confirmés tendent à un résultat commun qui est l'appropriation de la langue française. Cependant, les relations entre locuteurs et formateurs se révèlent dissymétriques, ces derniers revêtant une position institutionnelle supérieure à celles des énonciateurs. De plus, entre les migrants, on perçoit une asymétrie culturelle due aux origines communautaires de chacun75.

Au vu de ce bilan et comme nous étions dans une perspective de collecte d'éléments écrits, une séquence sur la « relativisation culturelle » (Blanchet, Chardenet, 2011 : 461) nous a paru congruente.

3.3. Les sources écrites

Les sources écrites en ont fait l'objet de nombreuses études, notamment chez les chercheurs français, québécois et suisses. Récemment Molinié (2011 : 144), comme nous l'avons signalé plus haut, a pensé le processus identitaire comme consubstantiel de l'acte d'écrire. Précisons : Blanchard (2006 : 201) fournit des éléments de réponse en attestant que la production écrite se réalise en fonction « des connaissances, des usages et des représentations », c'est-à-dire selon les particularismes individuels. Ce qui, mis en relation avec notre première partie (cf. § 2.2), renvoie aux phénomènes intériorisés de la compréhension d'un idiome in posse. Alors, si la réflexivité est le « Potentiel que le sujet développe et qui fait partie de son identité »

75 Les deux communautés les plus représentées au sein de l'association sont les marocaine et turque.

54

(Desmarais, 2006 : 137), l'écriture expressive76 en langue in fieri apparaît comme un moyen légitime de repérage des organisations mentales sous-jacentes. Nous adhérons donc à une certaine transférabilité des recherches sur les corpus oraux aux corpus écrits, aux niveaux :

- notionnel du syntagme d'identité, le locuteur / scripteur estime les compositions linguistiques et crée une figure de soi (Onillon, 2008 : 142) ;

- psycholinguistique, la quintessence de l'acte d'écrire pénètre la conscience individuelle de tout énonciateur (Capdevielle-Hounieu, 2011 : 27) et sert l'interprétation des mondes de la réalité et de l'imaginaire (Sartre, 1964 : 117).

Du reste, le moment avéré de bilinguisme77 ne renferme pas les mêmes habiletés à travers la langue orale et écrite (Paulin, 1994: 125), ce qui nous permet d'appréhender un éventail additionnel de schémas intellectifs. À notre sens, la « conquête » de l'intuition grammaticale par le locuteur non confirmé relève de rapports mentaux d'ordre qualitatif. Continuum de notre postulat, le projet interculturel, mené d'avril à juin 2014, auprès des locuteurs FLE a pour but d'éliciter « [...] l'identité mouvante, susceptible de métamorphoses » (Capdevielle-Hounieu, 2011 : 27).

Nous concluons l'exposition et la justification d'un de nos deux outils de recherche essentiels, par la présentation même des sources écrites. Ces dernières se révèlent de trois sortes et sont issues de l'ouvrage pédagogique réalisé par l'ASBL Alpha de Bruxelles78 (2010 :15-28) :

- une description de soi et une description d'une autre personne de la classe, qui sont la première étape dans l'item du livre « moi et moi-même » ;

- un calligramme, qui correspond à la seconde étape du même item ;

- un schéma commenté, qui relève du deuxième item « moi et mon environnement ».

L'ensemble de ces productions, réalisé en classe de FLE, a donné lieu à la création d'un livret sur l'identité qui, après nos prises de notes, ont été remis à leur créateur.

76 Par opposition à l'écriture graphique.

77 L'expression est à concevoir selon la théorie de Bajriæ « pour désigner tout locuteur qui [...] entame un apprentissage quelconque de deux langues [...]» (2013 : 160).

78 Centre de documentation du Collectif Alpha ASBL, 2010, Identité culturelle. Se connaître soi pour comprendre l'autre, Bruxelles.

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Nous sommes d'avis que ces travaux écrits sont une passerelle transitoire vers les entretiens collectifs et individuels. Ce franchissement recueille la façon originale dont les locuteurs se figurent le moment au cours duquel, a priori, se débat, se co-définit et définit l'identité en langue in posse.

3.4. Les entretiens

En matière d'entretien il importe de souligner que des qualités de description, de fonctionnalité et de compréhension scientifiques (Blanchet, 2011 : 74) sont requises. L'entretien se détermine autant par sa propriété d'outil méthodologique des identifiables que par sa faculté à soumettre et proposer des thèmes d'étude. En ce sens, il souscrit à la mise sur pied d'une démarche efficace dont l'objectif est d'acquérir une certaine représentativité du sujet traité. Pour parvenir à sa réalisation, le chercheur doit au préalable se représenter intelligiblement la situation de terrain et prendre connaissance des possibilités offertes en termes d'enquête. C'est ce que nous avons modestement tenté de réaliser.

Nous sommes en février 2014 - date à laquelle débutent nos entretiens généraux- et il va de soi qu'à ce stade de notre recherche, notre statut de chercheure débutante est explicité de manière honnête. Nous adhérons à la théorie de Blanchet (2011 : 73-74) qui nous fait reconnaître les agents de terrain non pas tels « des cobayes » mais tels des « producteurs de savoirs ».

56

3.4.1. Les entretiens collectifs

Après avoir défini le déroulement succinct des entretiens collectifs, nous expliciterons les techniques d'élaboration des identifiables choisies ainsi que nos prudences quant à la préparation. Enfin, nous commenterons la part apportée de pareils entretiens à notre travail d'étude.

Les entretiens collectifs se sont déroulés sur une période de deux mois, entre les mois de mars et avril 2014 dans les locaux mêmes de l'association Avenir, avec une fréquence mensuelle. En effet, nous avons dû tenir compte des contraintes institutionnelles comme la venue de stagiaires FLE79 ou le calendrier scolaires des vacances de Pâques80. L'activité catalyseur reposait sur le concept d'identité culturelle tiré de l'ouvrage de l'association Collectif Alpha vu plus haut. Le groupe classe que nous avons animé se compose officiellement de vingt-huit adultes inscrits. En constatant le nombre élevé et dans un souci d'exemplarité optimale de notre cas d'étude, nous avons spontanément pensé à une réorganisation groupale planifiée. En réalité, lors de la mise en place des groupes de discussion nous n'avons recensé que quinze participants au total. Ce nombre n'évoluera pas durant cette période de l'année, nous l'avons signalé, les absences sont fréquentes. À la suite de cette première phase de travail, nous avons préparé nos deux questions ouvertes : « Comment est-ce que vous vous voyez ? À votre avis, comment vous voient vos camarades ? ». Ces dernières répondent aux exigences formulées par la recherche sur les connaissances du locuteur, favorisant le jaillissement des imaginaires en langue in fieri. Les discussions enregistrées n'ont pas dépassé trente minutes et se sont déroulées en plusieurs étapes : la présentation d'un camarade, la présentation de soi avec un espace de parole pour les questions relatives au regard des autres. En effet, en conclusion de la discussion, il faut veiller à mener un débriefing intelligent où l'apprentie-chercheure doit relever en priorité les différenciations entre les faits, les opinions et les sentiments de chacun, sous peine de dériver vers un conflit de groupe.

79 Les étudiants FLE que l'ASBL reçoit doivent, pour valider leur année, exercer en tant qu'enseignant stagiaire pour une durée globale de quinze heures de cours.

80 L'association Avenir, comme la plupart des associations de migrants de Bruxelles, calquent ses vacances sur celles des enfants de l'école primaire et secondaire afin d'encourager la fréquentation régulière des locuteurs.

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L'objet précis de cet outil réside dans le développement spontané des interactions verbales au travers d'un thème psychosocial pour observer et relever les représentations in esse dans un autre cadre que celui du récit de vie. Un tel poste d'étude autorise un regard nouveau sur les comportements qui constituent le terrain.

Informateurs

Date

Lieu

Durée

A , AI, AS, E, EL M,
F, FB, I, J, R

28 mars 2014

Local de l'ASBL
Avenir

29 min 02 s

A, AL, E, G, IM, J,
JU, M, R

4 avril 2014

28 min 40 s

Total : 57 min 42 s

TABLEAU 3 : DEROULEMENT DES ENTRETIENS COLLECTIFS.

3.4.2. Les entretiens individuels

De la même manière, après avoir défini le déroulement succinct des entretiens individuels, nous expliciterons les techniques d'élaboration des identifiables choisies ainsi que nos prudences quant à la préparation. Enfin, nous commenterons la part apportée de pareils entretiens à notre travail d'étude.

Les entretiens individuels se sont déroulés sur une période de trois mois, de février à fin avril 2014 dans les locaux mêmes de l'association Avenir, à raison de une à deux fois par mois, les

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contraintes institutionnelles restant identiques à celles des entretiens collectifs. Les rendezvous avec les six informateurs ont été fixés le matin, dans une petite salle de cours adjacente à la salle de classe FLE. Aucun réaménagement de l'espace n'a été nécessaire attendu que le locuteur pouvait s'accommoder à son aise. À chaque fois, l'interviewé(e) s'asseyait face à la chercheure débutante. À la suite de cette première phase de travail, une grille d'entretien semi-directif a été élaborée répondant aux exigences formulées par la recherche mais cette fois orientée sur l'expérience du locuteur, encourageant ainsi l'émergence de la « trajectoire d'appropriation » (Jeanneret, Pahud, 2013 : 14) identitaire en langue in posse. Ainsi les récits de vie mettent en exergue les étapes nodales du parcours identitaire de chacun. Les entretiens enregistrés n'ont pas dépassé une heure et se sont déroulés en plusieurs étapes : la description succincte du narrateur, sa situation avant la migration, son installation en Belgique, son apprentissage du français. Aussi après chaque interview, une fiche de synthèse a été complétée, tenant compte des conditions techniques, des temps forts et de l'intérêt linguistico-didactique. Ici, l'objet rigoureux de cet outil réside dans la cartographie des transpositions intellectives possibles effectuées par l'énonciateur adulte en idiome in fieri (Partie 2 §1.2.).

Par la suite, nous avons procédé à la retranscription des entretiens, et collectifs et individuels, étape essentielle à la pérennité de notre travail.

59

Informateurs

Date

Lieu

Durée

AL

11 février 2014

Local de l'ASBL
Avenir

42 min 03 s

E

25 avril 2014

1 h 04 min

I

25 mars 2014

32 min

J

4 février 2014

47 min 55 s

M

11 mars 2014

35 min 22 s

Total : 3 h 41 min 20 s

TABLEAU 3 : DEROULEMENT DES ENTRETIENS INDIVIDUELS.

Chapitre 4 : La transcription des données

La première direction analytique de cette étude s'établit en rapport avec les activités écrites et orales des énonciateurs non confirmés. De fait, nous avons considéré les productions écrites comme les échanges naturels. Les données obtenues à partir des textes et des notes consignés dans notre journal de bord.

Après quoi, la seconde direction analytique de la recherche s'est ajustée aux énoncés des énonciateurs migrants. Voilà pourquoi, nous avons envisagé les interactions de classe comme les récits de vie personnels. Les données obtenues à partir d'enregistrements audio ont été converties en transcriptions. Celles-ci s'avèrent être de deux natures :

- les entretiens collectifs ont été transposés, pour des raisons de clarté au niveau du décodage, à la manière de l'analyse conversationnelle (Ten Have, 2007) (cf. Annexe 7) ;

- les entretiens individuels antithétiques aux premiers, ont été traités de façon dialogique, sous forme de conversation accompagnée des signes typographiques de norme française.

60

L'ensemble hétéroclite des documents relatifs à notre étude explique que nous n'ayons pas été assistée par des logiciels de traitement de texte. Grâce à ce dispositif de transcription, l'articulation entre s'écrire et se dire en langue in fieri a été réalisable. En continuité avec notre problématique, notre proposition cherche à rendre plus large le modus operandi de l'appropriation du français.

Dans cette seconde partie nous avons vu la procédure par laquelle nous avons élaboré la méthodologie de notre enquête. Ceci a donné lieu à des rétrospectives universitaires générant la présentation de notre problématique actuelle et de son cadre épistémologique. Par ailleurs, nous avons orienté notre terrain de recherche en précisant le début et la fin de l'espace physique et temporel ainsi que les informateurs visés. Enfin, nous avons explicité le recueil des données et justifié leur conversion en corpus.

Analyse

Compréhension

Enquête

Méthodologie

Phénomène langagier d'étude :

les rapports mentaux en langue in fieri

Observation

Terrain d'étude propice au recueil d'identifiables

Résultat

61

FIGURE 5 : LES ETAPES DE NOTRE METHODOLOGIE DE RECHERCHE.

Nous voilà à présent disposée à aborder le coeur de notre étude : l'analyse linguistique et comportementale des locuteurs adultes non confirmés, accompagnée de propositions didactiques subordonnées.

62

PARTIE 3 : POUVOIR S'ÉTABLIR EN LANGUE FRANÇAISE : ANALYSES QUALITATIVES ET PROPOSITIONS DIDACTIQUES

FIGURE 6 : TITIEN, 1548-1549, SISYPHE, MADRID.

Alors que l'apophtegme de Bajriæ (2013 : 40) concernant la langue in fieri suppose « une concordance mentale entre le code linguistique et le code cognitif », on y pressent, dissimulée, l'essence même de la nature humaine. En effet, tel un locuteur imparfait attendu qu'il s'avère inhibé face au génie de l'idiome potentiel, le nouvel arrivant se retrouve confronté à sa « défaillance » (Levivier, 2011 :77) intellective, « privé des spécialisations qui permettent à chaque espèce de survivre » (ibid.). Ce que le linguiste-didacticien nomme la « néoténie linguistique »81, n'est autre que la caractérisation de l'évolution langagière de l'Être au travers d'une trajectoire temporelle. En cela, tout énonciateur paraît passer d'une situation in esse à une situation in fieri via un état ralenti dit « foetal » (Bolk, 1961 : 248) : la condition in posse. En conséquence, l'aspect fragmentaire des langues, dû à une matrice linguistique embryonnaire, catalyse des représentations ainsi que des attitudes fondatrices

81 Cf. Bajriæ, 2013 : 36-44.

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d'identité (Mudry, 2005 : 34), relevant du problématique phénomène de Sisyphe (Baroni, Jeanneret, 2009 : 8)82.

Chapitre 1 : Analyse détaillée des profils des locuteurs ou le modus operandi

Avec ce premier chapitre, nous ouvrons la partie « concrète » de notre travail c'est-à-dire que nous nous immergeons dans la réalité physique, et bien entendu linguistique, de notre cas d'étude. Notre dessein consiste donc à parcourir les données matérielles provenant de nos outils méthodologiques afin de rendre compte de l'orientation cognitive des énonciateurs. Ce cheminement s'efforcera de démontrer la « trajectoire » temporelle et linguistique mis en jeu. Néanmoins il nous faut signaler que notre analyse n'a finalement pas pu inclure les éléments provenant des sources écrites. La principale raison implique la tangibilité restreinte des signes produits par les locuteurs. A l'heure de l'analyse proprement dite, nous nous sommes rendue compte que les sources écrites n'étaient pas exploitables. En réalité, cela s'explique par le statut de scripteur débutant des sujets. C'est pourquoi, nous avons décidé de les écarter sous leur forme matérielle et avons opté pour une « retranscription », par le biais de l'examen des entretiens collectifs. De fait, ces derniers à thématique interculturelle concernaient les activités autour de ces écrits.

L'analyse du recueil de données est soumise à une méthode tripartite qui rappelle nos objectifs de recherche (cf. Partie 2, § 1.2.) :

- (b) le modus operandi de l'établissement du sujet en langue in posse, qui a pour point de départ les questionnaires à l'attention des locuteurs, et qui est déterminé par le biais des entretiens collectifs ;

- (a) la désignation des signes linguistico-cognitifs, qui sera définie, en conséquence, par le contenu des entretiens individuels ;

82 « Les mythes sont faits pour que l'imagination les anime. Pour celui-ci, on voit l'effort d'un corps tendu pour soulever l'énorme pierre, la rouler et l'aider à gravir une pente cent fois recommencée ; on voit le visage crispé, la joue collée contre la pierre, le secours d'une épaule qui reçoit la masse couverte de glaise, d'un pied qui la cale, la reprise à bout de bras, la sûreté tout humaine de deux mains pleines de terre. Tout au bout de ce long effort mesuré par l'espace sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe regarde alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde inférieur d'où il faudra la remonter vers les sommets." (Camus, 1942 : 165).

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- (c) les actions didactiques orientées, qui seront précisées grâce au bilan des analyses des deux objectifs antérieurs ainsi qu'aux observations de classe et aux échanges naturels avec les formatrices.

Compte tenu de l'ampleur de notre exemplier d'observables, intimement lié à l'investigation sociologique, nous avons souhaité mener un travail d'herméneute basé sur « l'expérience humaine » et « le savoir produit par ces enquêtes » (Paillé, Mucchielli, 2012 : 86). En témoigne, en Annexe 6, notre « canevas investigatif » (ibid. : 207-229)83. En outre, l'examen des questionnaires initiaux ainsi que des groupes de discussion nous a amenée naturellement vers l'analyse thématique, déterminante et comparative, qui nous permet très justement de « dégager un portrait d'ensemble » (ibid. : 17) du corpus.

1.1. Présentation des résultats issus des questionnaires exploratoires

Outil de «guide et d'orientation »84 dans notre recherche, le questionnaire exploratoire nous a procurée, dans un premier temps, la possibilité de dresser un portrait introductif des locuteurs non confirmés (cf. Partie 2, § 3.1.). Il est donc tout à fait à propos dans notre démarche qualitative, en tant que soubassement, pour éprouver notre seconde hypothèse (b). Notre objectif est de mettre à jour, pour notre cas d'étude, le processus d'appropriation de la nouvelle langue. Notre dessein reste également à identifier les rapports manifestes entre les représentations du sujet parlant et la compréhension de l'idiome français. Pour mémoire, notre échantillon se constitue d'éléments relatifs à neuf énonciateurs adultes, relevés entre les mois de novembre et décembre 2013.

D'une manière globale, les réponses au questionnaire sont toutes chargées de représentations de sens langagier (in posse), de compréhension de l'idiome (in fieri), ou de symbolisme

83 Cf. Annexe 4.

84 Source électronique : Page officielle du « Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995 ; r=1 ;

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identitaire (in esse). Ainsi, nous avons identifié les imaginaires par un diagramme à thématique temporelle85.

85 Le diagramme est organisé selon la genèse de l'image mentale du temps, en langue française, du linguiste Guillaume. Les nominations des trois images font référence au cours de Bajriæ (2012, 16D593/4 : 79). Ces dernières font référence à l'oeuvre picturale de Kahlo.

"INITIALES"

"MEDIANES"

"FINALES"

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FIGURE 7 : LES REPRÉSENTATIONS DES LOCUTEURS NON CONFIRMÉS.

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1.1.1. Les représentations « initiales »

Dans une empreinte de langue nouvelle, la connaissance sociolinguistique échappe et le locuteur ne voit rien du lien logique qui pourrait le colliger à certains signes. Si nous examinons le diagramme précédent bas en haut, nous discernons trois moments. Pour le premier relatif aux représentations « initiales », nous le rapprochons des explications comme suit :

- « Importance/efficacité dans le travail et la vie quotidienne ». Élément cité à l'unanimité par les neuf informateurs migrants sondés, nous y reconnaissons la marque de la richesse, voire de la production appliquée au concept de langue française. Nous constatons donc une parenté frappante entre l'idiome in posse et les activités humaines susceptibles de parvenir à l'appropriation et/ou à la satisfaction d'un objet. En outre, le nom porteur de qualité, « efficacité », mérite une attention spéciale, qui entendu dans le sens d'accroissement, participe à l'action d'exister, de générer ;

- « Beauté, utilité, facilité, à valeur sociale ». Autres substantifs abstraits, ces derniers étaient proposés sous forme d'adjectifs qualificatifs à la carte et, par conséquent, sont le résultat d'un choix pondéré 86 . Cette sélection spontanée repose sur un code personnel qui assigne ou non une propriété à une chose, ici l'idiome français, sans que nous puissions saisir la loi de son processus. Il semble qu'elle appartienne à l'identité de l'énonciateur ;

- « Appartenance du territoire belge ». La locution renvoie aux phrases des sujets parlant telles que : « J'habite en/à Belgique » « Je suis de/de la Belgique ». D'après ces signes phrastiques constatés dans les réponses, nous voyons que la langue française renvoie aussi à un objet « ayant une existence propre » (Grevisse, 2009 : 86). Qui plus est, qui ne convient qu'à un seul espace géographique restreint, en témoigne

86 Les expressions envisageables comme complexes dans le questionnaire, ont été, à la demande de l'apprentie-chercheure, reformulées par les locuteurs adultes eux-mêmes.

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l'emploi du nom propre « Belgique ». Nous y retrouvons la théorie de Courthiade selon laquelle un locuteur pour exister doit être rattaché à un territoire (Partie 1, § 2.1.) ;

- « Incompréhension : volonté de maîtrise » ou « Je (ne) connais pas », « Je (ne) comprends pas », « Je (ne) sais pas ». À côté des déterminations de l'idiome nouveau, nous percevons une nuance d'évolution dans la représentation langagière. Avec la question 2 de la première partie du questionnaire, les locuteurs se précisent comme des individus à l'aide du pronom personnel « je » à déclinaison nominative. En ce sens, les imaginaires deviennent mieux contextualisés et les actions subordonnées les caractérisent davantage. Aussi, cette quatrième catégorie recouvre-t-elle des verbes dans ce cas intransitifs, attendu que le sujet de l'action est signalé par la situation : « connaître », « comprendre » et « savoir » pourvoient à la compréhension des énoncés. Il est dans notre Partie 1, § 2.1., une théorie selon laquelle la pluralité originelle, taxinomique et sociétale des idiomes met en évidence la richesse des rencontres d'ordre langagier et comportemental. En l'occurrence, l'aspect définitoire des verbes laisse se profiler des sentiments tels que la peur, l'incapacité ou le refus.

Par un premier relevé de ces représentations in posse, nous devinons leur influence quant à la compréhension de la langue française. Dès que le locuteur n'a plus la capacité à percevoir les choses, à construire du sens, à exprimer sa façon d'être, à se rappeler son soi intime, il offre des schémas naïfs à son intellect. Après tout, peut-être que cette « catégorisation » qui « met donc de l'ordre [...] en permettant de nous orienter » (Azzi Assad, Klein, 2013 : 13) favorise l'établissement de l'adulte migrant en français.

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1.1.2. Les représentations « médianes »

Toute appropriation d'un idiome non naturel se ramène à une remise en question cognitive. Même si les comportements n'en sont que des signes psycholinguistiques, ils n'en présentent pas moins les embryons de l' « Être » en français. Les catégories relatives aux représentations in fieri suggèrent une certaine suite d'idées précises :

- « Efforts/temps ». À cette première question de la deuxième partie du questionnaire, les neuf informateurs ont répondu à l'unisson : « tout à fait d'accord ». Les « efforts » tout comme le « temps » sont mesurables et fractionnables. Néanmoins les deux notions ne doivent pas être confondues. « L'effort » nécessite un prime actant tandis que le « temps » rituel, cyclique et nécessaire suit sa propre « espiral torcida » (Gonzàlez, 2011 : capítulo 9). La dichotomie contrôlable/incontrôlable rappelle à l'énonciateur sa lutte psychologique contre soi-même et ses représentations langagières ainsi que l'ascendant temporel de l'âge sur le phénomène de compréhension ;

- L' « emprise de l'âge » renvoie au concept de Bajriæ (2013 : 143) selon lequel l'énonciateur adulte est un sujet arrivé au terme de son anthropogénie, contrairement au sujet enfant. Avec cette remarque de deux individus « accomplis » migrants, on a là encore cette conception du temps qui, malgré l'âge du locuteur en formation, démontre le besoin d'une permanence- soit continuité et stabilité - au coeur de l'établissement en langue in posse. Âgés de 23 à 61 ans, les informateurs paraissent voir le temps comme un obstacle à leur condition actuelle ;

- «Maîtrise lecture-écriture-expression/Fautes de langue ». À en juger par ces réponses majoritaires aux questions 3 et 4 de la deuxième partie du formulaire, le choix des expressions fait écho à notre discours antérieur (Partie 2, §1.2.) sur l'erreur langagière, comme le symbole de l'insuffisance énonciative (Bajriæ, 2013 : 144-152). Le souhait commun du contrôle de la transmission vocale et de la représentation graphique en français, sous-tend la volonté de vaincre l'erreur en langue in fieri. Cette dernière est

très souvent vécue comme une dissimulation de l'idiome à comprendre, une imperfection, voire une contrevérité87 ;

- « Connaitre et comprendre la culture de l'autre ». La locution appartient à l'informateur AL, il est le seul à cocher cette case. Nous avons ici, croyons-nous, la schématisation de la découverte de l'autre par le biais de l'intelligence et de la bienveillance. Ceci se verra confirmé par l'entretien individuel et les échanges naturels où AL aboutit à des désirs d'expérimentation des caractères d'un groupe linguistique original ;

- « Aisance ou non (en français) due à l'appropriation d'un autre idiome ». Le manque d'agilité linguistique est signifié par les énoncés : « Parce que la langue est différente », « Parce que c'est pas la même phonétique ». A l'inverse, la commodité langagière revêt les formes phrastiques : « Parce que je l'ai connu/ je la connais », « Parce que ce sont presque pareilles », « Par exemple, je sais espagnol et le français il été plus facile », « Parce que ça ressemble ». Les cinq phrases ne livrent pas tout à fait les mêmes appréhensions, notamment à cause de la dénomination du sujet même si quel que soit le contexte, l'énonciateur se focalise sur l'objet langue. Ce point de vue est dû à l'usage des pronoms démonstratifs « ce » ou « ça » ainsi qu'à l'indépendance psycholinguistique du pronom personnel « je». Encore une fois, la charge en subjectivité est différenciée selon que l'on ait affaire à l'un ou à l'autre. Ce qui leur est commun, c'est le procès des verbes (« connaître »/ « savoir », « être », « ressembler ») qui dénote un état : une description de la condition actuelle du locuteur non confirmé. En d'autres termes, nous possédons alors une transposition directe de la vision du monde que l'idiome occasionne à l'énonciateur migrant. Nous la gloserons ainsi : dans la compréhension d'une langue nouvelle, aucun signe assimilé et exécuté ne se produit ex-nihilo. La thématique de la comparaison entre les idiomes in esse et/ou in fieri et ceux in posse signalée ici, renvoie à la souvenance linguistique c'est-à-dire à la mémoire du propre répertoire langagier en association avec l'appropriation en cours.

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87 Idée qui repose sur les échanges naturels avec E, J et F, durant les mois de mars à mai 2014.

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À l'examen des représentations in posse et in fieri issues des questionnaires exploratoires, nous considérons comme indéniable leur contribution à notre recherche. De fait, la construction du locuteur non confirmé s'expliquerait mal sans leur observation. En ce sens, les deux types d'imaginaires se distinguent de façon réciproque. D'un côté, par des variables dirigeant le comportement sociolinguistique et, plus communément le déséquilibre identitaire (in posse), d'un autre côté, par des attitudes psycholinguistiques qui recouvrent des réalités d'adaptation intellective (in fieri).

Qu'en est-il alors des perceptions in esse ? Le questionnaire nous en procure une première vision d'ensemble par le biais de la nomination de la langue naturelle, du sentiment d'exister en tel ou tel idiome ainsi que par le parcours motile de chacun. Toutefois, force est de constater que ces appréciations demeurent incomplètes dans la mesure où l'on ne peut dire quels facteurs déterminent le comportement ontologique du sujet parlant. Nous tenterons donc de le définir par le biais des groupes de discussion, grâce à une deuxième fonction de l'analyse thématique : la perspective comparative (Paillé, Mucchielli, 2012 : 232).

1.2.Présentation des résultats issus des entretiens collectifs

Pour rappel, l'objet précis de l'outil qu'est l'entretien collectif, réside dans le développement spontané des interactions verbales au travers d'un thème psychosocial : celui du concept d'identité culturelle. En cela, il permet d'observer et de relever les représentations in esse dans un autre cadre que celui du récit de vie (Partie 2, §3.4.1.). Il faut dire que les pensées idiosyncrasiques exprimées sont susceptibles d'alimenter l'articulation linguistico-didactique de notre étude. Le code utilisé pour la transcription des échanges observés est en accord avec les conventions exposées en Annexe 7. Nous avons mis en gras certains éléments des discours qui nous paraissent importants pour notre analyse.

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1.2.1. Les représentations « finales »

Une autre source de malaise, ou du moins d'influence, au coeur de l'établissement en langue nouvelle reste manifeste car intrinsèquement liée à la nature de tout individu. Nous faisons bien entendu référence aux imaginaires brutes de l' « être », soit les valeurs et les attitudes élaborées après la naissance, par le bain linguistico-culturel environnant. Dévouées et constitutives des multiples façons d'exister en ce monde, les représentations in esse sont porteuses d'une forte dimension philosophique qui justifie les perpétuations des comportements cognitifs ancestraux.

Qu'ils soient monolingues ou plurilingues, les quinze locuteurs adultes non confirmés de l'ASBL, présents lors des entretiens collectifs, se définissent comme des personnes uniques et indivisibles. En utilisant l'explétif « vous » dans nos deux questions ouvertes (cf. Partie 2, §3.4.1.), nous avons souhaité solliciter l'attention de l'énonciateur sur l'existence des individus de la classe pour faire émerger, en langue française, le concept de l' « Être ».

I : Curieux il est gentil un peu curieux ce que j'aime chez lui heu ::: il respecte tout le monde. Et ::: il est généreux et sociable j'aimerais savoir s'il a une femme ++ et si ++ il a ++ des enfants...

J : C'est R.

I : Je crois que c'est R.

[...]

E : (Rires) un peu curieux ! C'est R !

I : Non elle est pas curieux, elle est généreux elle est respectueux. Je crois c'est R.

Dans cet extrait provenant de l'entretien collectif 1, nous trouvons le fondement de la représentativité individuelle qui se décide et, par la subjectivité de chacun et, par la position linguistique des locuteurs. En accédant à l'espace de l'autre c'est-à-dire au sujet grammatical et idéologique, les discours produits relèvent de l'idiosyncrasie. Dans ce cas illustré, R acquiert une intériorité inédite par l'idiome français ainsi que par les croyances dûes à sa

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personne et à son rapport à l'écologie humaine. À notre sens, les propriétés psychologiques de I affichent toute une série d'entités lexicales pour déterminer la personnalité de R. Les éléments « curieux », « généreux », « sociable » sont des attributs qui participent à la construction identitaire de R en français. Ces syntagmes véhiculent la part d'imaginaire de I, soit son aspect intime de la langue. En outre, les échanges générés par la discussion accentuent la pluralité des attitudes des sujets parlant en rapport avec la compréhension du français. De fait, la reprise de E permet à I d'affiner sa recherche en termes de formes linguistiques : l'énoncé « il respecte tout le monde » a alors évolué vers l'attribut « respectueux ». Nous passons de l'expression d'un état à l'expression d'une nature. Il est évident que face à « la langue de dehors » (Alonso, 2006 : 84), le locuteur mette du temps à traduire sa pensée profonde. Comment dire alors ce que l'on est sans être trahi par l'idiome français ?

S : Oui ? Tu veux que je lise celui-là ? Alors on lit celui d'El M. On va essayer de voir qui est-ce. Alors, je je suis euh ::: alors ++ +++ euh ::: je crois que c'est je suis dynamique, sociable et volontaire. Dynamique parce que je suis toujours prêt à faire tout ce qu'il faut dans la vie quotidienne. J'espère non j'enseigne non j'essaye d'être bien avec tout le monde. J'aime j'aime bien euh ::: être ++ euh ::: ++ +++ alors oui du coup j'aime bien être je ne sais pas. Une personne sociable ce que j'aime chez moi euh :: c'est ++ mes cheveux et ma volonté pour aider les autres. Ce que je donne aux autres ++ c'est ::aider tout le monde ? Vous savez qui c'est ? Donc qui est-ce ?

L'établissement dans une langue s'avère capitale lorsqu'il s'agit de parler de soi. Se dire, se raconter, s'affirmer sont les aspirations essentielles de tout migrant en pays d'accueil. Si nous la transposons en termes intellectifs, cette finalité mire, à travers le français, en direction du langage intérieur. Énonciateur « médian », E utilise le pronom personnel « je » car on suppose qu'elle souscrit naturellement à être un sujet parlant par le biais de cette personne grammaticale. Néanmoins, E demeure soumise à une acceptabilité linguistique française qui, nécessairement, dénature sa subjectivité. Traduttore, traditore, voilà comment nous pourrions résumer le phénomène. Le proverbe italien met en lumière les données exclusives et, par extension partiales, que le locuteur doit introduire pour marquer son discours. La présence des paires adjectifs/pronom-nom, « ma/mes »/ « autres »-« le monde », n'est pas sans intérêt. A l'aide d'une valeur ajoutée ontologique, l'énoncé de E distingue son « moi » des « autres ». On assiste à une interaction psycholinguistique entre les pronoms « je »/ « moi », les adjectifs possessifs « ma »/« mes » et le pronom indéfini et le nom « les autres »-« le monde » : E

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concentre ses propos sur son « être ». Seulement voilà, l'informateur nous traduit un message à nous apprentie-chercheure, qui sommes une interlocutrice « initiale » pour la langue in esse de E. Par conséquent, le français peut-il exprimer ses représentations « finales », sans les tronquer ? En tant que locuteur non confirmé de français, E a-t-elle tous les outils pour réaliser une traduction convenable ? Peut-être que ces suppléments langagiers d'appréciation dont E fait usage, révèlent la manière de concevoir le monde dans son propre idiome.

Le langage est assimilable à une impulsion génératrice (Chabrolle-Cerretini, 2007: 83), c'est pourquoi nous envisageons les relations cognitives comme des indicateurs de l'interculturalité des comportements linguistiques, notamment au travers des originalités du « vouloir-dire » (Bajriæ, 2013 : 110-116).

A : Euh ::: cette photo-là ça attends explique xx xxx

S : C'est toi A ?

AL : C'est toi ?

E : T'as fait ça parce que c'est TOI. Moi je vous l'ai dit : il a pas compris.

A : Eh ben, c'est ::::: xx xxx c'est Monsieur A ! J'ai mis mes chaussures eh ::: femme. Une sac pour femme et ::: je en bas une bouche, femme aussi. Moi je pense c'est un travesti.

S : Donc c'est pas toi A ?

A : Euh :::: si te plaît tu diras pas à ma femme ! S : Tu as dessiné un personnage alors ? A : Oui. Moi j'ai dessiné un personnage.

Avec l'analyse précédente, nous avons admis que les visions du monde portées par les différentes langues du répertoire langagier de l'énonceur a des résultantes sur la grammaticalité in fieri. Ainsi, le morceau choisi ici, extrait des entretiens collectifs 2, est régi par une acceptabilité linguistique extra-discursive, entendue comme atypique. L'emploi du dipôle nom/pronom- (« Monsieur A »/« Moi » /« je ») présentatif (« c'est un travesti »-« c'est un personnage ») démontre les choix langagiers opérés par A ainsi que l'énonciation privilégiée au vu de la situation de classe. Il semblerait que notre énonceur ait voulu « brouiller » les pistes de l'affabilité ontologique en sélectionnant des syntagmes de la langue

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française dotés d'un sens particulier à ses yeux88. L'usage du doublet « Moi »-« je » affiche une emphase pronominale qui densifiée par la subjectivité traduit une focalisation précoce, pré-phrastique et pré-explicative du portrait de A : « Moi je pense que c'est un travesti ». En outre, on suppose à la position syntaxique du dipôle « Je »-« c'est.... » que A expose non pas son identité psycholinguistique mais plutôt, son avatar langagier de sujet parlant non confirmé :

S : Tu as dessiné un personnage alors ?

A : Oui. Moi j'ai dessiné un personnage.

Assiste-t-on à un changement existentiel : lorsque les représentations « finales » sont introduites dans l'idiome in fieri et se changent en imaginaires « médians » ? Est-ce une exemplarité du comportement intuitif humain face à l'appropriation d'une langue différente ?

Aussi vrai qu'en linguistique, « La conscience de soi n'est possible que si elle s'éprouve par contraste » (Benveniste, 1966 : 260), les intersubjectivités exolingues développent les facultés du locuteur à s'affirmer comme sujet en langue nouvelle, et conséquemment, laissent éclore l'alter et le nobis.

E : Euh ::: ben, tout ce que moi je peux voir, ce qu'elle a dit, ce que j'ai compris, ce qu'elle présente c'est la sourire, ça je sais par exemple. Ça on peut le voir. Et si xx xxx les voyages, je peux pas savoir si elle aime. Et qu'elle aime bien ::: euh ::: la nature. C'est vrai plus ou moins on l'aime tous, c'est tout. Et si qu'est-ce que t'as présenté ? Les oreilles ?

Nous sommes encline à observer dans le discours de E, des énoncés à l'agrammaticalité illégitime jalonnés d'hésitations et de mots incompréhensibles. Malgré tout, nous comprenons, en tant que chercheure débutante, qu'elle s'exerce à fournir une identité (en l'occurrence ici) à J. Pour ce faire, E introduit dans ses phrases sa part de représentations langagières en articulant la paire pronominale « je »-« elle », ce qui fait naître de cette congruence linguistique les dissemblances entre l'ego et l'alter. Une inimitié thétique qui entraîne l'expansibilité de tout énonceur en tant que modèle original, indépendamment du fait que dans notre cas d'étude, c'est la langue française qui réunit les informateurs. Toutefois, dans une même production, les interprétations peuvent prendre des formes variables. Dans

88 Pour avoir reformulé avec lui la consigne de l'activité, nous sommes convaincue que A avait compris ce qui lui était demandé c'est-à-dire se présenter à l'aide d'un schéma commenté.

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ledit passage, E crée un jeu de communication entre elle et les personnes présentes lors des entretiens. Le phénomène est permis grâce à la cohésion qu'elle établit entre les formes et les comportements linguistiques. Cela signifiant que E en plus de sa propre subjectivité, approvisionne celle des locuteurs de la classe de français. En choisissant de l'exprimer par le dipôle pronominal personnel et représentant « je »-« on »/« tous », E concourt à la production d'une connexité forte entre sa propre « conscience » d'exister et celle du nobis subordonnée à la discussion en cours. En d'autres termes, E procure une « intersubjectivité totale » à un observable à l' « intersubjectivité partielle » (Bajriæ, 2013 : 104-106).

Cerner et comprendre le modus operandi de l'établissement en langue française n'est pas chose simple. La nature de son objet- l'individu - étant incomplète, la capacité d'observation de l'apprentie-chercheure demeure limitée par les frontières linguistiques relatives aux langues in esse des informateurs. Adhérant à l'idéologie humboldtienne selon laquelle chaque idiome implique une représentation particulière du monde, nous réalisons que l'interprétation des résultats demeure imparfaite. Voilà pourquoi, il nous a été nécessaire de puiser au coeur de champs disciplinaires variés telle que la philosophie du langage. Néanmoins, loin de remettre en cause le bien-fondé de notre analyse, nous pensons que les apports de données issues des questionnaires exploratoires ainsi que des entretiens collectifs ont conduit à l'élaboration de notions judicieuses. De fait, l'appropriation de la langue française a été définie comme une trajectoire temporelle régie par les images mentales de l'espace dans lequel s'entremêlent les évènements et se vivent les existences : le temps. Grâce à l'analyse détaillée des profils des énonceurs de l'ASBL, nous avons dégagé trois types de représentations en accord avec le processus exposé ci-dessus et avons retracé l'influence des imaginaires ontologiques et langagiers comme des éventuelles ressources de compréhension du français. Enfin, l'établissement en idiome in fieri a été assimilé à un ensemble d'éléments d'ordre mental qui relève de la subjectivité du locuteur ainsi que de toute langue naturelle.

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Chapitre 2 : Justification des données d'intelligibilité des comportements psycholinguistiques

«L'intérieur de l'homme est un cadenas dont la langue est la clé », c'est avec cet adage malien que s'ouvre le livret linguistico-ludique francophone « Dis-moi dix mots » de l'année 201289. Au travers des discours de nos informateurs migrants, nous allons tenter de saisir des « clés » c'est-à-dire des positions essentielles complémentaires dans la mise en mots du soi in fieri. Par souci de recevabilité des résultats, nous procéderons à une analyse par confrontation thématique des cinq « portraits » disponibles. Leur examen individuel a été réalisé grâce à notre outil ethnologique, ledit « canevas investigatif » (cf. Annexe 6). Quant à l'ordre de leur présentation dans le texte, il est conforme à la succession temporelle des entrevues.

2.1. Quand « la cartographie de l'intime »90 est alternée

Dans les pages qui suivent nous présenterons des échanges exolingues duels dans lesquels les informateurs souscrivent à une narration de leur « Être » sans se préoccuper, croyons-nous, de la construction des unités de communication. Du moins, c'est ce vers quoi nous avons essayé d'accéder par le biais des entretiens individuels qui nous semble-t-il, favorisent particulièrement la compréhension de notre objet de recherche. Leur examen confirme et affine les idées du paragraphe 1.1.2. précédant : les déséquilibres sociologiques et identitaires autour du nouvel idiome se relayent, quel que soit l'énonciateur du discours.

89 "Dis-moi dix mots" est une opération internationale francophone de sensibilisation à la langue française qui se déroule tout au long de l'année scolaire. Elle est organisée par les ministères de la culture et de la communication de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de France, du Québec et de la Suisse romande. Dans ce cadre, les ministères de l'éducation organisent des concours de création littéraire ouvert aux collégiens et aux lycéens. Les élèves sont invités à jouer avec dix mots et à les mettre en scène sur tous les modes d'expression possibles. Ledit livret est conçu avec la collaboration de l'Organisation internationale de la Francophonie, par le réseau des Organismes francophones de Politique et d'Aménagement Linguistiques (OPALE).

90 Délégation générale à la langue française et aux langues de France, 2012, Dis-moi dix mots qui te racontent, Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, p. 2.

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Nous débuterons notre parcours analytique par l'étude du « portrait » de J, la première informatrice enquêtée au sein de l'ASBL. Face à notre question «est-ce que tu pouvais communiquer avec les gens en français ? », J déploie une attitude subjective à petit format discursif qui laisse entendre une adéquation sémantique entre institution collective, contrôle de connaissances et le statut de locuteur confirmé :

103. J : Première fois j'ai essayé, oui j'ai essayé euh j'ai été ici vingt jours et je suis venue toute seule ici à l'école, je cherche mon mari il m'a dit ici à l'école, je cherche avec ma grand, la grand-mère de mon mari, je cherche et L... euh :: pas L, W il a donné un rendez-vous, il a dit deux jours tu peux venir, je suis venue j'ai fait exam.

En tant que sujet pensant de cette interview, J se place dans l'espace matériel de l'association mais aussi dans l'espace mental de l'énonciation. L'usage de l'adverbe « ici » semble être de type réflexif, en ce sens où l'informatrice est alors identifiée comme locutrice grâce à un endroit et ses cours de langue : l'ASBL Avenir. Toutefois, la compréhension de son énoncé reste difficile dans le sens où la chaîne parlée n'est pas coordonnée par des prépositions logiques telles que « après », « ensuite». Seul l'ordinal « première fois » en début de séquence cadre chronologiquement la narration, même si l'on s'attendrait à ce qu'il soit accompagné d'un article comme « la », qui le définirait nominalement. Une autre difficulté linguistique de la langue française n'est pas surmontée par J, celle du rapport d'antériorité dans le temps qu'atteste la préposition « dans » dans l'expression « il a dit deux jours ».

Plus tard, lorsque nous lui demandons si elle « aime bien le français », J décrit son « penchant » en rapport avec un projet extra-scolaire :

203. J : Depuis que je quitter l'école, toujours j'ai dit dans ma tête il faut que je prends le français, ça fait quinze ans, et voilà, je prends le français, Dieu est grand.

On constate de prime abord, que son intention est reliée à son passé soit à son identité in esse. Puis, en précisant à l'aide du verbe impersonnel « falloir », que suivrait selon le canon linguistique français un subjonctif, J se place tel un sujet parlant en devenir, orienté vers l'accomplissement langagier. En conséquence, sa position maintient une harmonie de pensée avec la notion de genèse de l'image mentale du temps selon Guillaume. D'ailleurs, nous retrouvons, un peu plus tard dans la narration, la même occurrence à chronothèse virtuelle :

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205. J : Oui xx xxx la vérité, ça fait quinze ans, que j'ai quitté l'école, toujours j'ai dit il faut que j'apprends le français et j'apprends le français *inchallah* et c'est grâce à Dieu.

Nous remarquons que les termes lexicaux employés par J offre un aperçu de son état intermédiaire, où se répartissent de manière déséquilibrée les idiomes in esse et in fieri. La transition linguistique de J ne semble pas réalisée attendu que se succèdent dans un même mouvement cognitif situé (« avec lui ») des conditions de locuteur confirmé et de locuteur non confirmé. Par ailleurs, les tournures « ça fait quinze ans » et « toujours » manifestent davantage la position statique des potentielles de la locutrice en français. Elle ne peut se situer matériellement dans la dynamique in fieri et omet, ou méconnaît alors, le point de référence initial temporel induit par la préposition « depuis ».

251. S : Tu trouves que c'est bien de parler arabe avec lui ? Pour toi c'est bien ?

252. J : Pour prendre le français c'est pas bien d'un autre côté mais pour bien expliquer, bien comprendre aussi, je trouve ça c'est facile pour moi.

En réalité, J reprend la réflexion de la conformité intellectuelle en français que trahit notre question, et l'évalue selon ses propres appréciations. À notre estimation langagière traduite par l'adverbe « bien », J fait concorder les verbes transitifs « expliquer » et « comprendre ». En tant que locuteur francophone, nous croyons que J suggère ses propres comportements in esse : d'une part, son habileté à développer et à démontrer des notions (« expliquer »), d'autre part son état linguistique accompli qui se compose d'un nombre infini de schémas cognitifs (« comprendre »). C'est pourquoi, ces actes rendus proches dans le discours, voire peut-être familiers dans l'espace de vie, par le pronom démonstratif « ça », rendent compte des contraintes intellectives qu'implique l'établissement dans un autre idiome. De fait, une première conclusion sur ces extraits, nous laisse penser que J évolue de façon alternée entre son soi in esse et une identité in fieri qui a du mal, en situation, à trouver un équilibre.

A l'inverse, AL se trouve dans l'espace et dans le temps de la langue française : son appropriation a des caractéristiques communes avec la pétrification in esse.

186. AL : C'est la même langue. Par exemple si tu parles en allemand, c'est... pour aller il faut recommencer à zéro, parce que pour être à l'aise dans un pays, il faut parler la langue, ça c'est obligé. Tu tu tu.. moi, moi je ne peux pas quitter la Côte d'Ivoire pour aller parler les gens.. Les allemands, le français, ils vont pas, ils vont même pas me regarder, parce que la langue dont je parle il ne sait pas c'est quoi ,alors là c'est à moi de me concentrer, connaître leur langue, parce que ça va m'aider à m'intégrer, mais je peux pas quitter de la Côte

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d'Ivoire pour venir imposer ma langue en allemand, c'est impossible, c'est pourquoi j'ai vu que en Belgique on parle le français et néerlandais, et comme je suis francophone, je me suis dit que je suis bien ici.

Selon nous, trois éléments nodaux traduisent la subjectivité du locuteur : les dipôles pronominaux « j'/je »/ »moi/me »-« ils » et adjectivaux « ma »-« leur », l'emploi des expressions impersonnelles « il faut parler »/« ça c'est obligé » et la présence du verbe attributif « être ». La construction binaire pourvoit au tour de parole une valeur identitaire constructive. La position syntaxique du pronom personnel tonique « moi », antérieure à celle de l'adjectif possessif pluriel « leur », exprime la responsabilité personnelle de AL vis-à-vis de la situation extralinguistique. En outre, le signe grammatical « moi » dans la proposition infinitive « c'est à moi » accentue l'implication du sujet parlant, en décrivant une situation d'énonciation rattachée à l'idée d'appartenance. La seconde donnée procure au discours un effet emphatique qui paraît en appeler à la subjectivité de l'interlocuteur. AL déclare une opinion engagé par le biais de formes neutres, « ça c'est obligé », comme pour atténuer son statut de sujet dans l'énonciation. Au regard des tours de parole précédents, on peut supposer que l'informateur démontre une relative dépossession de soi en raison de son histoire politique personnelle. Enfin, un dernier paramètre concerne le choix de l'adjectif attribut usité par l'énonciateur dans « je suis francophone ». Privé de son terrain contextualisé, le syntagme serait rendu semblable à l'identification d'un locuteur de français confirmé tel un Canadien, un Suisse ou un Belge. Dans notre cas d'étude, la construction phrastique énonce une pensée de AL qui le conforte et l'assoit, peut-être aussi aux yeux des autres, en tant qu'ayant droit linguistique. Cette subtile variation langagière se voit renforcée dans l'énoncé par l'adverbe « bien », garant de la conformité situationnelle de notre énonceur.

164. AL : Non je me sens bien parce que dans l'association y a du monde et tout un chacun a son comportement donc il faut, il faut, il faut t'adopter, il faut pas faire comme tu es chez toi, tout un chacun a son comportement donc c'est à toi de connaître les gens à qui il faut, tu peux faire quelque chose avec lui, à qui tu dois te méfier, donc dans la société c'est toujours comme ça, mais... d'abord il faut te respecter, si tu te respectes tout le monde je pense que tout le monde peut te respecter aussi. Je me sens à l'aise ici, malgré que je suis le seul peau noire ici mais je me sens à l'aise.

Dans cet extrait, on retrouve les éléments relevants cités auparavant, notamment les récurrences emphatiques ainsi que la notion d'appartenance et de responsabilité : « il faut »,

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« c'est à toi ». Par ailleurs, la finalité de l'adverbe « toujours » correspond parfaitement à sa sémantèse originelle qui marque la durée sans discontinuité, vu qu'il est combiné avec le verbe « être » au présent. Affecté de l'idiolecte, la sentence fait connaitre les certitudes de AL quant au respect linguistique et comportemental dû au pays d'accueil.

162. AL : Métier... parce que tu peux pas avoir de l'argent sans travail et le travail aussi il faut apprendre le métier donc euh... et si tu veux voir aujourd'hui je viens le cours du français ici c'est par rapport à un métier que je voulais faire, pour faire ça, il faut être... il faut être compétent je crois dans... c'est pourquoi je suis là.

Ce passage nous interpelle pour une raison précise qui intéresse, encore une fois, la subjectivité du sujet parlant. La tournure impersonnelle persistante « il faut » s'accompagne d'un adjectif qui donne à la lexie une importance pragmatique. Dans un tout autre cadre que celui de l'association, le vocable « compétent » concerne la formulation d'aptitudes ou d'habiletés dans un domaine précis. Contextualisé dans notre cas d'étude, le même syntagme explique les savoirs linguistiques que connait tout individu en langue. En ce sens, AL offre un degré de performance tel qu'il l'entend en matière d'appropriation d'idiome.

Au vu de l'analyse de ces tours de parole, on se rend à l'évidence : AL se considère et se parle en tant que locuteur confirmé de langue française. Par conséquent, nous ne sommes point surprise de transcrire les propos suivants :

208. AL : Ben je peux dire que avec mes amis on parle le français de la rue hein, ah oui ! Si c'est sérieux maintenant on parle le français de l'école mais avec les amis, ça ça est dans notre sang.

A l'image de toute langue, le français est nanti de nombreux sens métaphorique et il en joue. En d'autres termes, la voix humaine, soit l'énonciateur confirmé, s'en délecte. D'un point de vue définitoire, la rhétorique consiste à établir une ou des analogies entre deux entités qui disparates, sont alors confondues. Une éloquence langagière qui n'est attribuée en général qu'au sujet parlant confirmé et, qui plus est, talentueux ou... compétent. En utilisant cette figure de style, AL satisfait à sa propre subjectivité dans la mesure où « ça est dans notre sang » remplit la fonction d'attestation, d'authentification de sa qualité de locuteur francophone. Concomitamment, l'énoncé extériorise le lien ontologique qui habite AL comme s'il émanait de son idiome in esse c'est-à-dire de son être transcendantal héritier d'une

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lignée. Par la même, cet exemple regagne la thèse d'Humboldt selon laquelle l'idiome est une energeia, tout comme ici elle représente par le « sang », une vitalité. Par conséquent :

175. S. : Qu'est-ce qu'il te manque alors pour bien bien bien parler français ?

176. AL : Bon.... euh... je pense que l'article me manque en français.

À l'aide d'une proposition complétive positive, AL formule ses carences linguistiques générant une certaine influence sur les pensées exprimées. De fait, le locuteur par le choix de cette tournure discursive, pose sa personnalité dans le temps mental de la compréhension in fieri. À première vue et au terme de cet examen, le changement virtuel dudit locuteur nous semble plus qu'opératif.

Avec M, nous assistons, comme pour J précédemment, à une division idéologique. Le passage qui suit contient des éléments pertinents dont un doublet pronominal « je »/ »moi »« ils »/ »elles » ainsi que la locution verbale « je suis pas d'accord ». Les deux données s'en rapportent à la subjectivité de l'énonceur.

26. M : Non.... Moi je veux pas des histoires alors tu obéis à Maroc et voilà c'est ça. Après, je viens à l'ASBL pour apprendre français et pas arabe. Je veux vivre à Belgique Saint-Josse. Tu comprends ? C'est bien oui. L'arabe moi je le sais déjà. C'est pour ça.... Quand.... Mardi.... Euh ::: ils se disputent pour pour l'arabe, je suis pas d'accord. À l'ASBL, c'est parler le français pas l'arabe. Madame L. elle a raison. Xx xxx je reste chez moi alors. Je comprends pas ça. Je crois c'est la la la chance de parler français et avoir des professeurs pour ça. Mais ... y a des personnes qui ne... mmm savent pas. Elles sont pas contentes et veulent arabe. Pourquoi ?... euh ::: je je sais pas.

Le dipôle souligné supra fonctionne en langue française comme une marque de distinction syntaxique fréquente se référant, dans le temps de l'énonciation, à la présence de tiers. En conséquence, ledit ensemble binaire peut manifester toute sorte de sentiments allant du constat à l'émotion. En outre, en son absence, l'énoncé français se réduit à une chaine parlée incompréhensible pour et par tous. Par nature, le système linguistique francophone se caractérise par ses référenciations personnelles et interpersonnelles qui traduisent une individualisation de soi. A l'instar de AL, l'énonceur produit un discours comme une objectivation dialogique du monde de l'association : « moi »/ « les autres » à laquelle il participe. On peut en effet concevoir que l'usage de la locution verbale d'état « je suis pas d'accord » veuille transmettre expressément une idée de rupture. Plus qu'une description, cette lexie reflète un trouble affectif personnel au locuteur. En réalité, le tour de parole n'est

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pas insignifiant en ce sens où il signe une séparation d'avec quelqu'un ou quelque chose. Ici, l'énonciateur non confirmé omet l'usage de la préposition relationnelle, ce qui rend la préhension de ses sentiments incomplète. En adoptant une telle expression d'opinion, M devient apte à donner son avis, à s'affirmer ontologiquement dans ce cas, au travers de la négation d'une situation : celle de l'irrespect linguistique.

Issu du même passage, les sentences suivantes :

26. M : Non.... Moi je veux pas des histoires alors tu obéis à Maroc et voilà c'est ça. Après, je viens à l'ASBL pour apprendre français et pas arabe. Je veux vivre à Belgique Saint-Josse. Tu comprends ? C'est bien

Là encore, la sémantique contextualisée fait foi pour une bonne compréhension du monologue. Le substantif « histoires » définit l'acceptabilité de l'examen de la subjectivité discursive. Le locuteur confirmé devinera le sens figuré de cet énoncé c'est-à-dire, le refus de soucis ou de problèmes quelconques. La phrase demeure alors coercible à une volonté comportementale introduite et, par les emplois habiles du verbe transitif « vouloir » et, par la négation orale « pas ». D'autre part, la réitération de ce même verbe quelques vocables plus tard, conforte l'intention ferme du sujet parlant en termes d'opinion. « Je veux vivre à Belgique Saint-Josse » met en exergue non seulement le sentiment vital d'être pour M, grâce à la forme nominale du verbe à l'infinitif mais également, la vision spatiale limitée que la locution nominale suppose. Deux possibilités peuvent être déclinées : ou l'énonceur a omis la préposition « à » après l'idiolecte « Belgique », ce qui rendrait cette portion de phrase syntaxiquement correcte, ou bien M souhaite explicitement préciser son lieu de vie comme celui du pays-quartier « Belgique Saint-Josse ». Enfin, la présence du pronom personnel sujet « je » paraît attester le statut de locuteur transcendantal de M.

Au fil de l'entretien, notre informateur passe de la paire pronominale « je »-« ils »/ « elles » au doublet du même type « je »-« eux ».

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62. M : Non. Oui.... Non, non. Pas de soleil mais le le le contact avec les gens vraiment difficile pour moi. Je ne sais pas faire comme eux euh ::: pas dehors, pas le bruit, pas la famille. Je comprends pas quand j'arrive... Mmm maintenant ça va, ça va. Un petit mieux hum.

Les entités sémantiques ont évolué vers le pronom personnel sujet de la troisième personne du pluriel. On y discerne une suite d'idées qui pourrait être honorablement endossée par un locuteur confirmé. Ici la maîtrise de la syntaxe est nécessaire. La place du pronom personnel de la troisième personne du pluriel « eux » oriente le sens du tour de parole. L'unique chose présumable est que M ait voulu se référer aux « gens » par l'utilisation de la proposition comparative « Je ne sais pas faire comme eux ». « Eux » se voit coordonné au substantif sujet « les gens ». De fait, la phrase procure à l'énonciation un renseignement inhérent aux capacités et/ou aux connaissances du locuteur concernant, supposons-nous, la langue et la culture des autochtones. De prime abord, M paraît en être au stade de représentation des éléments environnants : la langue française, la langue arabe, les apprenants de l'ASBL, les Belges. Selon Bajriæ l'énonceur en serait à la première étape sur son chemin linguistique in fieri (2013 : 128), ce qui implique qu'il lui resterait deux phases nodales à acquérir : l' « être » et le « vouloir-dire » en français.

Avant de poursuivre plus en avant notre analyse, nous souhaiterions préciser que nos commentaires émis sur les principes de la linguistique-didactique s'inscrivent dans une démarche de « cohérence du dire de la langue » (Bajriæ, 2013 : 135). Cela signifiant que notre tâche ne consiste pas à annihiler et critiquer les énoncés proposés par les locuteurs, au contraire nous nous efforçons de saisir cette energeia vers une meilleure approche de la compréhension du français. Observons à présent la narration de I.

73. S : Pourquoi tu es venue à l'ASBL ?

74. I : D'abord pour améliorer mon français parce que moi j'ai appris toute seule le français mais voilà c'est pas un jo- joli français je crois.... [...]

La sentence présente une construction syntaxiquement simple qui est considérée comme cohérente dans la mesure où la locution conjonctive « parce que » répond à notre question explicite « Pourquoi tu es venue à l'ASBL ? ». Pourtant la lexie nous met en présence d'une

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construction antithétique pronominale / adjectivale « moi je »/ « toute seule ». Elle invite à se questionner sur sa raison d'être dans la production de I. Si l'on prend en compte le vouloir-dire de la langue française, nous entendons que notre énonciatrice marque la distinction entre elle et les autres grâce à l'introduction du « moi » apposé à « je » et de l'expression « toute seule » qui insiste sur l'idée d'isolement dans un espace. Un tel idiotisme déterminant le dire du français tend à asseoir la position d'autodidacte accomplie dont se revendique I. De fait, en début d'énoncé l'informatrice use du substantif « d'abord », ce qui ajoute davantage au vouloir-dire de son discours en langue in fieri. Elle exprime un fait bien précis : la hiérarchisation de ses priorités en termes d'appropriation de l'idiome. La narration tout à fait adaptée aux circonstances de l'énonciation entraîne pourtant I vers ces propos :

74. [...] euh je voudrais parler mieux.... plus.... Plus je sais pas plus comme toi et L tu vois ce que je veux dire hé. [...]

L'énoncé est toujours censé répondre à notre question de départ. À présent, la locutrice avance des raisons formulées de façon un peu inattendue. La première de la phrase s'avère correcte attendu que l'adverbe d'appréciation « mieux » se positionne syntaxiquement ou après ou avant le verbe qu'il modifie. Quant à l'usage du mode conditionnel, il est conforme avec les canons linguistiques français si I demeure consciente qu'elle nous fait une demande, voire une exhortation vers une recherche de solutions. En ce sens, la valeur modale et donc imaginaire du conditionnel est respectée. Toutefois, l'assemblage du comparatif de supériorité « plus » et de l'adverbe de comparaison « comme » semble fortuit. Le vouloir-dire de la langue impose une sélection tranchée entre « plus que toi » ou « comme toi ». L'idiotisme de I s'avère défaillant mais interpelle puisqu'il indique la qualité supérieure linguistique que l'informatrice accorde à S et à L. En cela, nous suggérons que I parle du français tel un possible accès vers le mode in esse. Cela signifiant, qu'elle désire s'approprier la langue nouvelle autant qu'un locuteur confirmé. En réalité, cela reste de l'interprétation linguistique car l'énonceur « avoue » elle-même qu'elle demeure incapable de ce qu'exprimer plus clairement : « tu vois ce que je veux dire ? ». C'est pourquoi, elle en appelle à l'intersubjectivité de la situation extralinguistique.

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46. [...] ouais je parle français et j'aime vraiment c'est intéressant mais... mais c'est c'est pas langue en réalité. Tu vois ce que je veux dire ? C'est pas méchant ce que je dis c'est juste que c'est pas ma langue c'est tout.

À sa lecture, on observe encore un énoncé désordonné, accentué ici par le complément circonstanciel « en réalité » qui vient s'opposer canoniquement à « en principe » (l'expression ne figure pas dans l'entrevue). À cela s'intercale l'alternative catégorique construite avec l'adverbe « tout », « c'est tout », qui manifeste explicitement l'arrêt de paroles de I sur le sujet. La production de la locutrice correspond à notre interrogation concernant son bilinguisme en français : a priori il s'agit vraisemblablement d'une thématique épineuse, peut-être même douloureuse. En tout cas, cela nous fait percevoir la subjectivité de l'informatrice, notamment par le biais de la locution verbale « juste que » qui achève de légitimer sa prise de conscience langagière in esse.

Elliptiquement, la majorité des entités relevées dans le discours de I se révèlent ontologiquement interprétables, de ce fait nous estimons par extension que la locutrice appartient au temps virtuel. En effet, on la devine dans la langue par ses connaissances langagières, bien qu'on la sente nettement en prise avec l'idiome in esse.

L'ancrage dans une langue alterne entre des temporalités d'entêtement et de velléité : comme l'illustre Camus, il faut « dévaler » la pente pour pouvoir la « remonter » (1942 : 165). Tout au long de cette trajectoire verticale, l'énonciateur va être confronté autant à l'écrit qu'à l'oral d'un idiome peu ou prou incompréhensible. Et là, commence la véritable entrée dans le monde subjectif de la langue différente. Voilà en quelques mots ce que traduit l'interview de E.

231. E : [...] je sais lire et je sais écrire mais j'ai jamais eu le temps d'apprendre à écrire le français. Parce que j'ai toujours travaillé [...]

Ce fragment contient une forte conscience de soi que l'on pourrait assimiler à un comportement de locuteur confirmé en français. Ainsi, le verbe « savoir » employé avec la dextérité qu'il se doit, est un verbe de sens entier qui dote son énonciateur d'intuition

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personnelle. Il en résulte que les connaissances linguistiques de l'informatrice génère des phrases syntaxiquement correctes, pour preuve l'usage de l'adverbe « jamais » auquel aucune particule négative n'est ajoutée. E démontre une subjectivité face à la langue ainsi qu'une maîtrise du vouloir-dire tout à fait remarquable. Néanmoins, d'un point de vu sémantique le sens de la tournure dérange un peu. On s'interroge : dans quelle(s) langue(s) E sait-elle « lire et écrire » ? Dans sa langue d'origine et en français ? Ou fait-elle plutôt allusion au geste graphique de l'acte d'écrire ? Sur ce point, l'énonceur francophone a besoin d'éclaircissements mais E, en tant que sujet parlant non confirmé, n'a pas encore atteint ce moment réflexif.

159. E : [...] Ben moi (main sur le coeur), je dis que je peux écrire un livre à mon histoire. Tous les parcours que j'ai fait ici en Belgique si si si et je saurais faire étapes par étapes oh.

De nouveau E s'inscrit tel un individu transcendant dans l'absolu, avec l'apparition du « je peux » qui par la locution verbale apposée « je dis », rend compte de l'établissement de sa pensée en français. L'informatrice semble exister dans la langue in fieri d'autant plus qu'elle se propose un but, un projet, traduit par le mode conditionnel : « je saurais ». À présent, douée de sa pleine conscience de locutrice non confirmée, voilà qu'elle adhère à un éventuel défi : celui d' « écrire un livre à son histoire ». Certes, l'unité de discours surprend en ce sens où l'on s'attend à la préposition « sur » plutôt qu'à la préposition « à » puisque le substantif « histoire » est un inanimé.

153. E : [...] Je ne sais pas rester sans parler, c'est ma nature, je dois parler avec les gens et c'est comme ça que je suis rentrée en contact [...]

Avec ce passage, on reste encore agréablement surpris. E est au demeurant un sujet puissant et déterminé, en témoigne les verbes transitifs « savoir » et « devoir ». Ayant acquis simultanément et, le vouloir-dire et, la syntaxe de la langue, on l'observe employer magistralement et, qui plus est à l'oral, la négation complète « ne pas ». Elle crée l'affirmation de soi et c'est donc tout naturellement qu'elle écarte les circonstances situationnelles qui ne lui correspondent pas, à l'aide de la structure infinitive « je ne sais pas rester sans parler ». Pour finir, sa lexie comporte un belgicisme on ne peut plus habituel, celui de la traduction du verbe « pouvoir » par le verbe « savoir ». On pressent chez E une maîtrise

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et une intériorisation des formes langagières françaises vraiment admirables. Cet outil lui offre apparemment une plus large part de conscientisation de soi qui, réciproquement, favorise le génie de l'idiome.

207. E : Pour tout, c'est bizarre xx xxx non, mais les mots viennent plus facilement, tu vois quand tu veux expliquer un truc, machin, je ne sais pas moi le français vient directement et je va chercher maintenant pour l'albanais.

Bien entendu, l'appropriation d'une langue nouvelles n'est pas sans embûche linguistique, cela signifiant sans faute ni erreur, ni sans méconnaissance lexicale. Dans cet extrait E ne parvient pas à nommer la locution qui convient soit « quelque chose ». Pour pallier son insuffisance linguistique du moment, elle se rapproche d'un autre registre du français, le langage familier : « truc », « machin ». Il est communément reconnu que le locuteur francophone ait une capacité à passer d'un registre à l'autre, quoique de façon variable selon les sujets parlant, et que cette activité s'introduise dans les énoncés. Or, l'énonciateur non confirmé enclin à la traduction in esse au moindre obstacle rencontré, ne s'aventure pas spontanément vers cette stratégie énonciative. Peut-être est-ce l'idiome d'origine, ici l'albanais, qui encourage ce comportement ? On ne saurait l'affirmer. Quoi qu'il en soit, l'informatrice se sent tellement « confirmée » qu'elle se retrouve à essuyer des tentatives, parfois vaines, de se « dire » en idiome in esse : « je va chercher maintenant pour l'albanais ». Ajouté à l'adverbe « maintenant », l'idée développée relève d'un présent linguistique énonciatif c'est-à-dire que E nous explique sa nouvelle vie langagière depuis sa compréhension du français.

2.2. Les signes et les comportements linguistiques se renouvellent

[a pratique des langues en situation de plurilinguisme implique la construction d'une ou d'identités linguistiques, en l'occurrence des personnalités qui se façonnent au gré des dynamiques interculturelles environnantes. [a composante ontologique faite d'idiomes et de morceaux de soi, favorise l'intégration sociale du locuteur non confirmé. Dans le champ de la

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linguistique-didactique, on parle d'assimilation linguistique comportementale (Bajriæ, 2013 : 63). Nous tenterons donc de l'identifier dans les fragments issus des entretiens individuels.

Revenons à l'informatrice J qui n'apparaissait pas capable de nommer les choses dans leur temporalité et qui par conséquent, ne parvenait pas à s'établir dans la langue in fieri.

279. J : Non, sinon je commence à pleurer je parle pas (rires).

L'énoncé correspond à un thème cher à J, celui des échanges qu'elle entretient avec un migrant de même origine. Sur le plan syntaxique la construction reste simple et correcte si l'on prend en compte la dominante orale dont est dotée la production. Ainsi, l'absence de la particule négative « ne » finalisant le refus pourrait être recevable, autant de la part d'un locuteur francophone que de J. Ce qui nous interpelle ici c'est plutôt la polysémie du verbe « parler », qui signifie prononcer des sons, des paroles, exprimer sa pensée, communiquer. Comment l'interpréter dans son cas ? A notre sens et au vu des exemples développés auparavant, nous pensons que l'informatrice n'exprime pas sa pensée face à son interlocuteur de même langue in esse. Certes, J a ses raisons qu'elle expose, cependant d'après son entretien individuel, nous estimons que la locutrice présente une inertie identitaire qui s'introduit dans ses idiomes. On l'a observé dans le précédent paragraphe 2.1., l'énonceur réitère les mêmes constructions phrastiques aux tournures neutres : « c'est », « ça ». Son actuelle maladresse linguistique nous pousse à opiner que J est un « moi » élément de l'écologie humaine (cf. Annexe 15). En cela, nous entendons que l'énonciateur ne réussit pas à entrer dans une dynamique linguistique in fieri.

A contrario AL met en exergue un comportement de locuteur accompli, allant même jusqu'à différencier les langues françaises de son pays :

204. AL : Non non non je parle euh... tu sais en Côte d'Ivoire y a le français de la rue et y a le français de l'école... et le français de la rue voilà ils parlent entre eux, toi t'y es là [...]

Dans cette phrase AL distingue les deux types de français qu'il connait à l'aide du morphème de présentation « y a ». Une fois encore, c'est un clin d'oeil à l'usage oral de l'idiome et nous ne pouvons le reprocher à un énonciateur non confirmé. Ici l'énonceur opère un choix

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linguistique entre la variété des langues possibles en Côte d'Ivoire c'est-à-dire qu'il établit une sélection au niveau de son répertoire langagier. C'est ainsi que s'explique tout locuteur affirmé qui opte, qui fait des choix en connaissance des choses, de son « être » et du vouloir-dire de la langue. À notre sens, AL relève d'un « moi » conscientiel bien dans ses langues (cf. Annexe 16).

Confronté à une dichotomie langue in esse/ langue in fieri au sein même de l'association, M expose un comportement d'un tout autre registre.

2. M : Bien (silence)... Je suis parti du Maroc pour la Belgique car j'a ::: j'avais besoin de l'argent. L'économie était difficile là-bas à xx xxx je pensais beaucoup et après beaucoup de solutions, je je trouvais : traverser la Méditerranée !

3. S : Traverser la Méditerranée ?

4. M : Je ..... je vois pas autre solution, tu vois.... Je suis ma- je pars par la Méditerranée 1968. Et là j'arrive gare du Midi (sourire)... la gare de l'espoir on appelle (silence) avant. Je sais pas qui qui.... dit ça... mmm ça.

5. S : Ah c'est joli la gare de l'espoir

6. M : euh ::: je sais pas. On croit du bonheur, pour la famille, les enfants. On était beaucoup beaucoup beaucoup pas savoir quoi faire ou ou quelqu'un mmm mais bon.... Mon père a fait avant et je sais là là on savait trouver du travail vite.

Nous assistons ici à une interférence comportementale sachant que le discours émis par M procède d'une attitude linguistique à la française : la figure rhétorique. De manière générale, on trouve ce genre de constructions métaphoriques dans les propos d'un locuteur confirmé. Pourtant, M est le second après AL, à faire usage de ce genre de processus. Que peut-on objecter ? Selon nous la présence de substantifs au contexte métaphysique tels que « la gare de l'espoir » s'inscrit dans une certaine idéologie corrélée aux origines. En effet, il semblerait que l'informateur adhère au canon historique de la migration et en conséquence, au canon linguistique de la langue française. Soyons prudents néanmoins, supra nous avons pu constater que M n'est pas au bout de son appropriation de l'idiome in fieri. En d'autres termes, son comportement linguistique s'avère nettement modifié hors de toute interférence comportementale maîtrisée. En définitive, il nous a paru judicieux de dénommer M comme un

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« moi » perpétué (cf. Annexe 17). Son parcours linguistique est intrinsèquement corroboré à celui du voyage migratoire. Les représentations sociales sont largement véhiculées par l'usage qu'il fait de la langue.

46. I : Oui non bilingue. Non non je suis pas bilingue en français. Français je parle seulement ici en cours ou bien dans la rue ou non ben quand c'est pas Saint-Josse ou que je connais pas les gens.... (silence). Tu vois c'est... c'est un peu un peu... [...]

D'un point de vue sémantique, on saisit parfaitement l'idée générale de I qui consiste à s'affirmer en tant qu'individu appartenant à une communauté linguistique. En réalité, le pronom personnel non prédicatif « je » se rattache à des situations qui ne lui sont pas familières, dans le sens où elles concernent le domaine public : « en cours », « dans la rue », « quand c'est pas Saint-Josse ». Ces détails comportementaux au-delà de l'aspect interculturel, renseignent sur l'état langagier de l'énonceur et transforme le discours en une communication porteuse de message identitaire. « Être dans une langue » c'est aussi contrôler nos attitudes mentales, voilà pourquoi nous choisissons de définir I comme un « moi » adapté fidèle (Annexe 18).

Pour ce qui de E, il convient d'orienter l'analyse vers la théorie de l'expansibilité du temps. Imprégnés par les moeurs actuelles qui nous poussent dans la course folle contre la satisfaction, on utilise sans modération les termes « je n'ai pas le temps », « oui mais très rapidement alors», « oui mais je pourrai pas rester tard ». Ces vocables renvoient à un paradoxe humain où l'on croit à la maîtrise des durées, bien que nous soyons inaptes psycholinguistiquement à exister parmi la succession des évènements. On retrouve dans ce phénomène la problématique contemporaine de l'anomie. Cela dit, des sujets parlant telle que E, nous rappelle que le temps est cyclique et que, pour sûr, nous ne le dominons pas.

297. E : Je te dis : je peux écrire un livre. T'auras jamais fini avec moi, je te jure t'auras jamais fini. Parce que si je dois raconter, oh yayaille. [...]

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En ce qui concerne la syntaxe, la positon de l'adverbe « jamais » entre l'auxiliaire et le participe passé, donne un sentiment confirmé de l'usage de la langue. La maîtrise de ces entités favorise grandement l'appropriation in fieri et, de fait, participe à la construction identitaire de son énonciateur. E se retrouve en langue nouvelle puisqu'elle va même jusqu'à caractériser notre travail d'enquêtrice comme une tâche stérile, voire interminable : « « t'auras jamais fini avec moi ». Sa réflexion n'est pas sans nous évoquer le mythe de Sisyphe (cf. introduction, Partie 3) et l'absurdité de son activité. En cela, l'énonceur extériorise ici l'ensemble des contenus cognitifs caractérisant sa vision du monde, tout comme elle le ferait sans nul doute dans son idiome originel. Pour nous, après la prise en compte des fragments examinés dans cette partie, E s'assimile à un « moi » hypertrophié qui se pense dans le temps (cf. Annexe 19).

Si les échanges en communication possèdent une portée symbolique, il nous faut veiller en tant que professeure FLE à nos attitudes linguistiques et comportementales comme à celles des locuteurs non confirmés. Dans le contexte plurilingue de l'association Avenir de Saint-Josse, il est nécessaire de prendre conscience de la diversité linguistique et comportementale environnante. Ainsi, nous avons pu dresser le portrait, somme toute inachevé, de cinq énonciateurs bien distincts, indépendamment de la comparabilité de leurs langues in esse. « Mois » élément de l'écologie humaine, perpétué, adapté fidèle ou hypertrophié dans le temps, nous constatons que leur identité linguistique repose, en premier lieu, sur la connaissance et l'acceptation de leur propre culture humaine. Par-là, nous nous référons à l'expérience ontologique de l'énonceur en tant que sujet parlant in esse. Nous en revenons au concept d'anomie qui, à défaut de temps, entrave l'élaboration de toute histoire identitaire. Par la suite, une dynamique langagière doit se mettre en place, passant par les aléa s des erreurs, du contrôle(le « monitor ») et de la subjectivité ou du vouloir-dire de l'idiome. L'objectif réside, en évitant le « ne plus en pouvoir »91, dans la reconnaissance sociale d'une communauté de langue et de culture différente : l'altérité.

91 Nous faisons allusion à la chronogénèse de Guillaume et plus spécialement, à l'image-temps in posse telle une étape potentiellement harassante.

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Chapitre 3 : Les catalyseurs pour une démarche didactique au sein de l'association

L'association de migrants de Saint-Josse s'avère être un acteur incontournable dans l'appropriation de la langue française à Bruxelles. Si sa mission principale reste la coordination des actions de terrain, la définition des objectifs et des contenus ainsi que la formation complétée des éducateurs, l'ASBL n'en demeure pas moins un lieu de vie « à forte connexion sociale »92. Soucieuse de faire accéder les énonciateurs « en mal de français »93 à la compréhension de l'idiome, la directrice d'Avenir ne cesse de (re)canaliser les besoins des locuteurs. C'est pourquoi, elle n'a pas hésité à suivre et à accompagner notre parcours d'apprentie-chercheure pour que nous colligions, lors d'échanges naturels, nos réflexions didactiques.

Comme le démontre notre travail de recherche, nous concevons l'établissement en idiome in fieri en trois « actions » (Tesnière, 1982) :

- Pouvoir communiquer (dynamique) ;

- Pouvoir déterminer des valeurs (expérience ontologique) ; - Pouvoir se pluraliser (l'altérité).

S'inspirant des travaux de Pelfrène (1977 : 40-50), voici ce que Madame D et nous-même avons jugé bon d'envisager :

- une compréhension linguistique et sociolinguistique comprise, pour pouvoir communiquer en français. Cette remédiation vise des énonceurs tels que J ou M. Les faits de langue concernent les opérations mentales mises en jeu lors des activités de correspondance phonie-graphie ainsi que celles subordonnées à l'espace graphique. En

92 Nous citons les propos de l'informatrice Madame D, directrice de l'association.

93 Ibid.

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cela, nous nous en rapportons à la description de E qui évoquait cette problématique. Par ailleurs, nous suggérons le développement d'activités générées par les groupes de discussion, dans la perspective de pointer les erreurs, contrôles et vouloir-dire de la langue ;

- une appropriation psycholinguistique qui adhère à une certaine idée de la confiance en soi, telle que nous avons pu l'observer dans le discours de E. D'un point de vue ontologique, nous tendons vers la gestion du sentiment d'échec langagier et identitaire par un travail conjoint des énonciateurs autour du sentiment de perte de soi. . La reprise de l'ouvrage interculturel du Collectif ASBL Alpha nous paraît une bonne approche vers l'épanouissement du comportement linguistique (cf. Partie 2, §3.4.1.) ;

- un établissement idéologique en français pour pouvoir être un acteur investi, autant dans le domaine public que privé. Une perspective didactique qui a jailli des énoncés antithétiques de AL et de I. En effet, il nous semble que pour retrouver son équilibre identitaire, le locuteur a besoin de se repérer dans le « processus éminemment temporel qui se réfère au vécu, à la durée comme à l'histoire » (Ardoino, 2001 : 14) et prétendre ainsi à une energeia locutoire. En outre, toujours d'après l'analyse de l'entretien de AL, il nous a paru pertinent de familiariser les sujets parlant avec le système éducatif belge et sa politique de formation continuée, par le biais de modules sur la citoyenneté94.

In fine, et d'un point de vue personnelle, nous y rajouterions une piste langagière issue de La grammaire des fautes de Frei (1929) : l'accès au langage historique c'est-à-dire la maitrise de l'idiome sous sa forme diachronique.

94 Le parlement wallon a approuvé en mars dernier, la création d'un parcours d'intégration visant les nouveaux arrivants sur le territoire. Sa mise en pratique est prévue dès cette rentrée.

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Chapitre 4 : Retour sur la méthodologie et impact sur la formation de l'apprentie-chercheure

Comme nous l'avons fait lors de la délimitation de notre terrain de recherche (cf. Ch.2), nous tenons à contextualiser notre travail dans une perspective sociale. En réalité, nous croyons que les avancements technologiques récents, qui génèrent un trafic actif de locuteurs, ont exercé un ascendant sur notre organisation suivie. Qu'on le veuille ou non, notre étude de cas appartient à un cadre économique, politique et social altéré qui nous a, très souvent, embarrassée en termes de questionnement. Quelle place octroyer aux langues du répertoire langagier des adultes migrants : hiérarchiser ou associer ? Comment penser des dispositifs didactiques adéquats pour les énonciateurs in posse : dompter et capitaliser ou se trouver au contact de l'autre et donner ? Du côté méthodologique, quelles dispositions favorisent le développement d'un maillage scientifique : la structuration ou la distribution ?

En somme, ces réflexions ajoutées à la maïeutique de nos représentations historiques et sociétales ont largement contribué au passage du statut d'étudiante au statut d'apprentie-chercheure, ce que Gérard décrit comme un processus en trois temps : « Déstabilisation-Adaptation- Familiarisation » (2009 : 122). Nous évoquions déjà, en 2012, dans notre rapport de stage de Master 1 DiL-FLE, nos tâtonnements quant aux relations de confiance à établir avec les infomateurs, autant que nos difficultés à planifier et réaliser des entretiens. Aujourd'hui, les gênes que nous avons relevées au cours de notre travail, présentaient des similitudes certes, mais à des degrés distincts. De fait, nous sommes dans une position universitaire de « formation à la recherche par la recherche » (ibid. : 192) qui nous fait en permanence, examiner un objet subjectif par nos yeux, vers l'avenir. Dès lors, la pratique d'« expériencer » (Robillard, 2011 : 21-29) au quotidien, nous a donné l'accès à une première « familiarisation réelle » (Gérard, 2009 : 193) avec l'univers de la recherche, par le bénéfice de connaissances et de compétences nouvelles. Selon nous, ces dernières concernent des habiletés d'ordre :

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- méthodologique, par la démarcation du champ d'investigation et le suivi rigoureux d'une démarche rationnelle ;

- analytique, par l'articulation des identifiables (expériences et résultats) avec les ouvrages bibliographiques subordonnés ;

- comportemental, par le travail d'équipe, le respect de la confidentialité, de l'anonymisation et la poursuite constante de solutions.

Bien entendu, nous avons conscience que nous sommes face à des prémices scientifiques à affiner et, surtout, à confirmer, ce qui rejoint l'humilité cognitive dont nous faisons preuve au regard de notre travail.

Comprendre et justifier

Être
flexible

· "Déstabilisation

· Adaptation

· Familiarisation"

Situation
d'apprentie-

chercheure

Être
autonome

Être
rigoureux

Interagir

FIGURE 8 : REPRÉSENTATION PERSONNELLE DU STATUT D'APPRENTI-CHERCHEUR.

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CONCLUSION CIRCONSTANCIÉE ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE

Nous avons tenté, au travers de ce mémoire de Master 2 Recherche, de caractériser les rapports mentaux que cinq locuteurs adultes migrants de Saint-Josse entretiennent avec la langue française. Pour cela, notre travail s'est souscrit à une dualité logique reposant sur les paradigmes de la linguistique-didactique et de la socio-ethnographie. Nous avons proposé, en premier lieu, une vision générale des énonciateurs non confirmés du terrain bruxellois au travers notamment de l'Histoire contemporaine et de ses mouvements migratoires. Puis, nous avons ciblé la Région de Bruxelles-Capitale en matière de mobilité, pour démontrer en quoi elle constituait le point d'ancrage de notre étude. En second lieu, nous avons attiré l'attention sur les concepts philosophiques et psychologiques sur lesquels repose notre étude de cas. Au travers de la nature de la linguistique-didactique, nous avons réalisé que la seule observation « externe » du corpus ne pouvait répondre à notre problématique : c'est pourquoi, les comportements psycho-discursifs nous ont largement orienté (Partie 1). Par ailleurs, nous avons mis en perspective la conception d'un objet de recherche dont les objectifs et les hypothèses sont hérités d'une étude antérieure subordonnée au rapport de stage de Master 1 DiL-FLE. Puis, nous nous sommes penchée sur la « contextualisation » institutionnelle avec les profils particuliers des locuteurs migrants qui composent notre terrain d'enquête au coeur de l'ASBL Avenir. Enfin, nous avons explicité le recueil de données hétéroclites formées et justifié leur conversion en corpus (Partie 2).

La première partie consacrée au cadre de nos investigations ainsi qu'aux enjeux socioculturels et psycholinguistiques de l'idiome français, a favorisé la compréhension de l'établissement du locuteur en langue in posse grâce en l'occurrence, à la connaissance de la structuration de l'immigration au sein de la zone sociolinguistique bruxelloise. Les sujets parlant migrants sont apparus comme tout individu : de petites histoires personnifiées attachées à la grande Histoire (Ch.1). Si l'idiome est un « espace d'appropriation symbolique » (Hagège, 1985 : 386), son intériorisation rend compte également des bouleversements identitaires. La pluralité

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originelle, taxinomique et sociétale des idiomes met en évidence la richesse des rencontres d'ordre langagier et comportemental qui se profilent dans la langue in fieri. Voilà pourquoi, il nous a semblé opportun d'insister sur la notion de représentation linguistique et sociale. Il nous semble que le processus psychique in posse ne relève pas aisément de l'interprétation de deux univers sinon de la perspective d'une création de soi (Ch.2). En conséquence, l'analyse des comportements psycho-discursifs du locuteur adulte a favorisé l'accès aux manières d'exister en français. Finalement, la première partie de notre mémoire s'est dédiée, de prime abord, à esquisser un cadre ethnologique précieux pour l'intelligibilité de l'établissement en langue in fieri des sujets parlant de Saint-Josse. Ensuite, elle a éprouvé de mettre en lumière, les tiraillements cognitifs qui résident entre les langues qui constituent le répertoire langagier et la structure de l'idiome à acquérir.

Quant à la seconde partie de l'étude, elle s'est focalisée sur la problématique de recherche et la méthodologie employée pour réaliser nos investigations. Nous y admettons que la genèse de notre projet de recherche est due à un travail universitaire précédent, qui nous a amenée à définir la matière de nos investigations. Soit, comprendre, dans une perspective sociolinguistique, la construction de soi en tant que locuteur de langue française. Cependant, c'est avec notre sujet actuel que nous affirmons être entrée dans une détermination, catégorisation et explicitation des phénomènes d'alternance linguistique. De fait, nous nous sommes proposée de répondre aux questions suivantes :

- Quels signes linguistico-cognitifs marquent les périodes temporelles de la construction identitaire du locuteur non confirmé en langue française ?

- Quel est le modus operandi qui crée l'installation du sujet parlant en idiome in posse ? - Quelles techniques didactiques privilégier dans le domaine des sciences du langage ?

Pour ce faire, nous avons justifié l'importance particulière accordée aux signes et aux comportements linguistiques dans l'examen du corpus. Nous avons déclaré que les opérations mentales telles que le « monitor », l'erreur et le « vouloir-dire » ainsi que les composantes de l'identité (l'ontologie, la dynamique et l'anomie) ont servi à l'analyse des entretiens (Ch. 1).

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En outre, nous avons contextualisé notre travail d'étude à l'aide de trois paramètres essentiels : social, situationnel, temporel (Blanchet, 2011 : 18) et relationnel. La définition du paradigme ethnographique de Blanchet (2011 : 18) est venue confirmer notre ligne de conduite heuristique :

- une orientation constitutive du réel car nos travaux s'appuient sur des questionnaires et enregistrements ordonnés ;

- une orientation empirique réflexive qui rend compte, sous la forme d'un « corpus restitutif » (Blanchet, 2011 : 10-12) des phénomènes langagiers par les informateurs : journal de terrain, sources écrites et échanges non dirigés.

Par ailleurs, l'organisation du travail de recherche de Master en sciences du langage impliquant certaines déterminations d'ordre personnel, situationnel et éthique, il nous a semblé judicieux d'incorporer au corps de l'actuelle étude la démarche de rencontre. Cette dernière a concerné les premiers contacts établis avec Madame D., directrice de l'association (Ch. 2). In fine, nous avons justifié la collecte des données par le concept de l'association, qui comme symbole de l'exil, requiert une expérimentation nouvelle de notre part. Aussi, avec l'objectif d'encourager la polyphonie des discours, nous avons opté pour une diversité de procédés dans la collecte des données :

- le questionnaire exploratoire, qui se veut instaurer des relations de confiance avec les acteurs du terrain ;

- l'échange « naturel », qui telle une narration libre, autorise des entrées affranchies de contrainte dans l'espace discursif des informateurs (Traverso, 1996 : 131-132) ;

- les sources écrites, qui représentent une passerelle transitoire vers les entretiens. En cela, ils recueillent la façon originale dont les énonciateurs se figurent le moment in posse ;

les entretiens qui permettent d'acquérir une certaine représentativité du sujet traité, ont été de deux sortes : collectifs et individuels. Les premiers ont facilité le développement spontané des interactions verbales au travers d'un thème psychosocial, pour observer et relever les énoncés in fieri dans un autre cadre que celui du récit de vie. Les seconds relèvent eux, de la

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cartographie des transpositions intellectives possibles effectuées par l'énonciateur adulte en idiome in fieri (Ch.3). En définitive, cette deuxième partie de mémoire a fait preuve de clarté méthodologique face au terrain sociolinguistique ciblé tout en explicitant et justifiant l'élaboration du corpus (Ch. 4).

Alors même que les deux approches sont, dans le corps de notre travail, distinctes, il n'en demeure pas moins qu'elles s'avèrent étroitement liées. De fait, le parcours de recherche réalisé a démontré le relevant d'une méthodologie dirigée par la sociologie et la linguistique. Ceci apparaît comme une démarche encourageante pour nos futures recherches éventuelles autant en Belgique qu'ailleurs. Le premier chapitre de notre ultime partie a laissé place à la dimension « concrète » de notre travail. Nous nous sommes immergée dans la réalité physique, et bien entendu linguistique, de notre cas d'étude. Notre dessein a consisté à parcourir les données matérielles provenant de nos outils méthodologiques afin de rendre compte de l'orientation cognitive des énonciateurs. Ce cheminement s'est efforcé de démontrer la « trajectoire » temporelle et linguistique mis en jeu. Là, nous avons reconnu le caractère inexploitable des sources écrites prélevées. Nous avons alors expliqué les avoir écarté sous leur forme matérielle pour les retranscrire par le biais des entretiens collectifs. De fait, ces derniers à thématique interculturelle concernaient les activités autour de ces écrits. Outil de «guide et d'orientation »95 dans notre recherche, le questionnaire exploratoire nous a procurée, dans un premier temps, la possibilité de dresser un portrait introductif des locuteurs non confirmés (cf. § 1.1.). Ensuite, la présentation des résultats provenant des entretiens collectifs a permis d'observer et de relever les représentations in esse dans un autre cadre que celui du récit de vie (§1. 2.). Enfin, c'est au travers des discours de nos informateurs migrants que nous avons tenté de saisir des « clés » c'est-à-dire des positions essentielles complémentaires dans la mise en mots du soi in fieri. Par souci de recevabilité des résultats, nous avons procédé à une analyse par confrontation thématique des cinq « portraits » disponibles. Leur examen individuel a été réalisé grâce à notre outil ethnologique, ledit « canevas investigatif » (cf. Ch. 2). Le troisième chapitre invite à une réflexion linguistique

95 Source électronique : Page officielle du « Trésor de la Langue Française » :

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995 ; r=1 ;

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autour de propositions didactiques qui vise une certaine homogénéité entre les considérations relatives à la recherche en science du langage et le terrain contextualisé de l'association Avenir. En dernier lieu, nous avons tenu à contextualiser notre travail dans une perspective sociale (cf. Ch. 4).

Au terme de ce travail d'étude, nous réalisons que le terrain associatif bruxellois nous a aidée à positionner la société linguistique belge grâce à un répertoire d'évènements et d'individus historiques. Réfléchir au modus operandi in langagier in fieri à partir des productions de sujets anonymes, a élargi notre conception de l'identité. Le quartier actuel de Saint-Josse est constitué de cultures et d'idiomes hybrides, fils à la fois des traditions et de la globalisation. De la même manière, les sujets parlant évoluent à travers une constante bipolarité linguistique, comme si celle-ci était partie intégrante de leur « Être » immanent.

Cette expérience de recherche, aux côtés de l'Histoire et des histoires quotidiennes, s'est convertie en un voyage entre les paradoxes vécus sur la trajectoire de l'établissement en langue nouvelle. Nous pensons y avoir reconnu le maintien d'une frontière linguistique engendrée par le statut fédérateur de l'idiome in esse. Voilà pourquoi, nous envisageons un prochain objet d'enquête autour de l'appropriation du français en contexte communautaire.

Pour soulever un poids si lourd,

Sisyphe, il faudrait ton courage !

Bien qu'on ait du coeur à l'ouvrage,

L'Art et long et le Temps est court.

[...] Baudelaire C., 2010, Las flores del mal, «Le Guignon» p. 116.

« Sauf à parfaire »96

96 « Quel être humain raisonnable peut prétendre à la perfection ? » (Orsenna, 2003 :456).

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45

COURS UNIVERSITAIRES

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Blanchet P., 2004, « L'approche interculturelle en didactique du FLE », Licence 3ème année Didactique du Français Langue Étrangère, service Universitaire d'Enseignement à Distance Université Rennes 2.

Morsly D., 2011, « Sociolinguistique pour l'enseignement des langues », Master 1 Didactique des Langues Français Langue Étrangère (FLE), Université d'Angers.

Thibault A., 2013, « Francophonie et variété des français », séminaire de Master 1 et 2, Université de Paris- Sorbonne.

Vasseur M. T., 2011, « Interaction et acquisition des langues », Master 1 Didactique des Langues Français Langue Étrangère (FLE), Université d'Angers.

46

TABLE DES ANNEXES

Annexe 1 : Tableau récapitulatif concernant les informateurs

Annexe 2 : Synthèse tabulaire des questionnaires exploratoires et échanges naturels des

formatrices de l'ASBL

Annexe 3 : Questionnaire exploratoire à l'attention des formatrices

Annexe 4 : Questionnaire exploratoire à l'attention des locuteurs de langue(s) in posse

Annexe 5 : Grille d'entretien destinée aux locuteurs de langue(s) in posse

Annexe 6 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour les entretiens

individuels

Annexe 7 : Conventions de transcription des entretiens collectifs et individuels

Annexe 8 : Transcription entretien collectif 1

Annexe 9 : Transcription entretien collectif 2

Annexe 10 : Transcription entretien individuel 1

Annexe 11 : Transcription entretien individuel 2

Annexe 12 : Transcription entretien individuel 3

Annexe 13 : Transcription entretien individuel 4

Annexe 14 : Transcription entretien individuel 5

Annexe 15 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour J

Un « moi » élément de l'écologie humaine

Annexe 16 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour AL

47

Un « moi » conscientiel bien dans ses langues

Annexe 17 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour M Un « moi » perpétué

Annexe 18 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour I Un « moi » adapté fidèle

Annexe 19 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour E Un « moi » hypertrophié qui se pense dans le temps

48

Annexe 1 : Tableau récapitulatif concernant les informateurs

Identifiant

Informations sur les
informateurs

Type de données recueillies

 

Année de
naissance

Sexe

Pays
d'origine

Questionnaire

Échange
naturel

Entretiens
collectifs

Entretien
individuel

Sources
écrites

A

1965

M

Turquie

X

 

X

 

X

AL

1979

M

Côte
d'Ivoire

X

X

X

X

X

E

1967

F

Kosovo

X

X

X

X

X

G

1980

F

Turquie

X

 
 
 

X

I

1991

M

Maroc

X

 

X

X

X

J

1981

F

Maroc

X

 

X

X

X

L

1970

F

Belgique

X

X

 
 
 

M

1953

M

Maroc

X

 

X

X

X

MR

Non
renseigné

F

Belgique

 

X

 
 
 

R

1963

M

Turquie

X

 

X

 

X

49

SE

1980

F

Turquie

X

 
 
 

X

W

Non
renseigné

F

Maroc

 

X

 
 
 

Annexe 2 : Synthèse tabulaire des questionnaires exploratoires et échanges naturels des
formatrices de l'ASBL

Identifiant

Formation

Expérience
professionnelle

Théorie vis-à-
vis de
l'appropriation
de la langue
française

Classe
En
charge

Les méthodes
d'apprentissage

L

Licence de
mathématiques,
Didactique du
français,
Graduat
(bachelier) en
informatique

Professeure de
math,
Agent de
sécurité
système
informatique,
Professeure en
alpha/FLE

 

FLE

 

M-L

Non renseigné

Non renseigné

Non renseigné

Alpha

 

W

Non renseigné

Non renseigné

Non renseigné

Alpha

 

1

Annexe 3 : Questionnaire exploratoire à l'attention des formatrices

Pour faire connaissance, j'ai pensé vous poser quelques questions... Première partie : les langues

1. Quelle(s) langue(s) parlez-vous ?

 
 

1ère langue : . 2ème langue :

Autres :

2. Selon vous quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus belles ?

n turc

n japonais

n russe

n français

n italien

n espagnol

n albanais

n allemand

n anglais

n portugais

n arabe

aucune

Selon vous quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus utile(s) ?

n turc

n japonais

n russe

n français

n italien

n espagnol

n albanais

n allemand

n anglais

n portugais

n arabe

aucune

Selon vous quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus facile(s) ?

n turc n japonais n russe n français

n italien n espagnol n albanais n allemand

2

n anglais n portugais n arabe aucune

Selon vous quelle(s) langue(s) a (ont) un grand prestige social ?

n turc

n japonais

n russe

n français

n italien

n espagnol

n albanais

n allemand

n anglais

n portugais

n arabe

n aucune

Selon vous quelle(s) langue(s) a (ont) une culture riche ?

n turc

n japonais

n russe

n français

n italien

n espagnol

n albanais

n allemand

n anglais

n portugais

n arabe

n aucune

Deuxième partie : les compétences langagières

1. « L'apprentissage d'une langue demande beaucoup d'efforts et de temps ». Par rapport à cette affirmation vous êtes :

n tout à fait d'accord n plutôt d'accord

n plutôt pas d'accord n pas d'accord du tout

2. Est-ce que selon vous, en apprenant une langue on apprend la culture de l'autre ?

n oui n non

3

Pourquoi ?

3. Cochez (maximum deux cases) ce qui vous paraît le plus important dans la

connaissance d'une langue :

n comprendre et parler à des degrés divers

n lire et écrire à des degrés divers

n prendre part à une conversation avec aisance

n connaître et comprendre la culture de l'autre

4. « Bien connaître une langue signifie que l'on ne commet pas de fautes ». Où vous situez-vous par rapport à cette affirmation (cochez une seule case) :

n tout à fait d'accord n plutôt d'accord

n plutôt pas d'accord n pas d'accord du tout

5. Croyez-vous que l'apprentissage - ou la connaissance- d'une autre langue facilite l'appropriation d'une nouvelle ?

n oui n non

Pourquoi ?

Troisième partie : quelques informations sur vous

Prénom :

Année de naissance : Sexe : n F n M

Formation :

Expérience professionnelle :

Avez-vous visité d'autres pays ?: oui non

Avez-vous vécu durablement dans un autre pays ?: oui non

4

Annexe 4 : Questionnaire exploratoire à l'attention des locuteurs de langue(s) in posse

5

Pour faire connaissance, j'ai pensé vous poser quelques questions...

 
 

Première partie : les langues

1.

Quelle(s) langue(s) parlez-vous ?

1ère langue : . 2ème langue :

Autres : ..

2. Depuis combien de temps est-ce que vous apprenez le français ?

6 mois 1 an plus autre :

Pourquoi ?:

3. Quel niveau pensez-vous avoir à la fin de l'année scolaire ?

Très bon bon moyen autre :
Commentaire(s) :

4. Si vous avez la possibilité d'apprendre une autre langue, laquelle choisissez-vous ?

n gula

n turc

n japonais

n russe

n français

n italien

n espagnol

n albanais

n allemand

n anglais

n portugais

n arabe

n aucune

5. À votre avis quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus belles ?

 

n turc n japonais n russe n français

n italien n espagnol n albanais n allemand

n anglais n portugais n arabe n aucune

n gula

À votre avis quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus utile(s) ?

n gula

n turc

n japonais

n russe

n français

n italien

n espagnol

n albanais

n allemand

n anglais

n portugais

n arabe

n aucune

6

À votre avis quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus facile(s) ?

 
 

n turc n japonais n russe n français

n italien n espagnol n albanais n allemand

n gula

n anglais n portugais n arabe n aucune

À votre avis quelle(s) langue(s) a (ont) une grande valeur sociale ?

 

n gula

n turc

n japonais

n russe

n français

n italien

n espagnol

n albanais

n allemand

n anglais

n portugais

n arabe

n aucune

7

À votre avis quelle(s) langue(s) a (ont) une culture « incroyable » ?

 
 

n turc n japonais n russe n français

n gula

n italien n espagnol n albanais n allemand

n anglais n portugais n arabe n aucune

6. Dans quelle(s) langue (s) vous vous sentez être/ exister ?

 

n turc n japonais n russe n français

n italien n espagnol n albanais n allemand

n anglais n portugais n arabe n aucune

n gula

8

Deuxième partie : les compétences langagières

 
 

1. « L'apprentissage d'une langue demande beaucoup d'efforts et de temps ». Êtes-vous :

n tout à fait d'accord n plutôt d'accord

n plutôt pas d'accord n pas d'accord du tout

2. À votre avis, en apprenant une langue on apprend la culture de l'autre ?

n oui n non

3. Cochez (maximum deux cases) ce qui vous paraît le plus important dans la connaissance d'une langue :

n comprendre et parler

n lire et écrire

n prendre part à une conversation avec facilité n connaître et comprendre la culture de l'autre

4. « Bien connaître une langue signifie que l'on ne fait pas de fautes ». Êtes-vous (cochez une seule case) :

9

n tout à fait d'accord n plutôt d'accord

n plutôt pas d'accord n pas d'accord du tout

5. Croyez-vous que l'apprentissage - ou la connaissance- d'une autre langue rend facile l'apprentissage du français ?

n oui n non

Pourquoi ?:

Troisième partie : quelques informations sur vous

Prénom :

Année de naissance : Sexe : n F n M

Avez-vous visité des pays autres que la Belgique ? n oui n non

Avez-vous vécu, pendant des mois ou des années, dans un pays autre que la Belgique ?:

n oui n non

10

Annexe 5 : Grille d'entretien destinée aux locuteurs de langue(s) in posse

Question de lancement (histoire libre) : « Comment vivez-vous votre installation à Bruxelles ? »

? Thème 1 : La vie dans le pays d'origine

- Lieu

- École

- Métier

- Famille

? Thème 2 : La vie en Belgique

- Raisons/ motivations de l'installation

- Valorisation des répertoires langagiers : quelles incidences sur la construction identitaire du locuteur ? Comment êtes-vous bilingue ?

- Expression des difficultés, des opinions (la relation aux autres, la relation à soi)

- Les représentations du pays d'accueil et de son mode de vie : expressions des attentes (professionnelles, personnelles) et des besoins

? Thème 2 : L'apprentissage du français - Fréquence et durée des cours

11

- Type et forme d'apprentissage (en ASBL, à l'extérieur...)

- Orientation vers des partenaires extérieurs (établissement public chargé de l'emploi, bureaux d'aide social, etc.)

- Les ressentis de l'apprentissage : expression des attentes et des besoins

Annexe 6 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour les entretiens individuels 97

(a)

- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?

- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport à l'appropriation du français ?

- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à l'idiome in posse ?

- Quels sont les éléments qui distinguent les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment « ne pas la maîtriser » ?

(b)

- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours) ?

- Quels changements sont associés à la compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique, construction des unités de communication, représentations) ?

- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome et identité ?

(c)

- Quels autres comportements sont relevés ?

- Quelles techniques didactiques privilégier dans le domaine des sciences du langage ?

12

97 Notre grille de questionnement analytique est en accord avec nos trois objectifs de recherche (a), (b), (c) (cf. Partie 2, § 1.2.).

13

Annexe 7 : Conventions de transcription98 des entretiens collectifs et individuels

Transposition

Correspondance sémiotique

Incompréhensible

xx xxx xxxx

Pauses plus ou moins longues

+ ++ +++

Allongements vocaliques ou redoublement consonantique

: :: :::

Mots en langue in esse

*nnn*

Transcription phonétique

[nnnn]

Commentaires

(nnnn)

Chevauchement

{nnnn

Chevauchement

{nnnn

Amorce de mot

nnn-

Passage omis

(...)

Accent d'intensité

NNN

Hétéro-interruption

\

Auto-interruption

/

Les locuteurs sont identifiés en début de ligne par la première lettre de leur prénom. L'ajout de la lettre suivante est parfois nécessaire pour les différencier.

Annexe 8 : Entretien collectif 1

Informateurs : A, AI, AS, E, EL M, F, FB, I, J, R

Date : 28 mars 2014 Durée : 29 min 02 s

98 Les choix opérés et les symboles retenus sont empruntés à notre premier travail de terrain. Les règles de transcription du français parlé sont issues du cours de Master 1 Dil-FLE de l'université d'Angers, plus précisément de l'UE « Interaction et acquisition des langues » dirigée par M. Vasseur.

14

Lieu : Classe FLE de l'ASBL Avenir

I : Hum ::::: il est gentil et un peu sérieux qu'est ce... E : Curieux.

I : Curieux il est gentil un peu curieux ce que j'aime chez lui heu ::: il respecte tout le monde. Et ::: il est généreux et sociable j'aimerais savoir s'il a une femme ++ et si ++ il a ++ des enfants...

J : C'est R.

I : Je crois que c'est R.

S : Alors donne-lui.

E : (Rires) un peu curieux ! C'est R !

I : Non elle est pas curieux, elle est généreux elle est respectueux. Je crois c'est R.

R : (R lit) sérieux ce que j'aime xx xxx E : xx xxx xx

S : Alors on va voir donc T elle pense que c'est R xx xxx bien qui veut continuer A ? Tu veux nous lire ta description ?

A : Il est sympathique est ce que euh :: est ce que xx xxx il y a de xx

S :{Il E : {Il

A : Il était sérieux ++++ euh ::: est :::: ja :: gentil euh ::: un peu trop amus/ c'est pour moi je crois.

15

S : Il parle un peu trop ?

A : Oui surtout moi !

(Rires)

S : Il pense que c'est lui d'accord. Qui veut continuer ?

E : Moi !

S : E

E : Je vais dire bon ++

S : Oui

E : Elle est calme et souriante. C'est que j'aime chez elle c'est la ++ sé ::rio ::si ::té et la + générosité. J'aime savoir si elle est nerveuse un peu+ c'est moi. (Rires de la classe)

S : Alors tu penses que c'est qui E ? Tu penses que c'est qui ? Que c'est toi ?++++ à toi de choisir.

E : C'est une femme en tout cas.

S : Oui c'est une femme +++++ alors on dit pas sa sériosité je suis en train de penser I, on dit son sérieux son sérieux.

I : Son sérieux ?

S : Ouais c'est son sé :rieux.

E : C'est comme ça qu'on dit ?

S : Sériosité c'est une traduction de :: l'espagnol ++ son sérieux.

E : C'est vrai c'est comme ça qu'on dit ?

S : xx xxx

16

E : Je croyais que c'était qu'que chose que\

S : Non ça n'existe pas. Seriedad seriedad oui mais en espagnol en esp\

E : C'est AI alors ?

S : C'est à toi de décider c'est qui pour toi ?

E : ++ +++ ++ Humm c'est allez voilà.

S : Pour AI d'accord++ +++ euh :::::: qui continue ? AI.

AI : Il est calme ilé...

S : Il

AI : Il il est. Calme et gentil. Ce que j'aime chez cette personne cé ces personne parce qu'ils

parce qu'il est sérieux et tranquille elle parle pas beaucoup et il est bien habillé. E : Ça c'est R.

AI : J'aimerais++ connaître ses enfants et sa famille. Ça c'est R.

S : R. Bon on a deux papiers chez R xx xxx xx y en a deux pour toi.

I : Alors que moi je vais changer.

S : Non non xx xxx lui nous dira après qui il est alors deux pour toi bon euh ::::: à qui J ?

J : xx xxx Parce que moi j'ai rien compris calme sérieux.

S : Alors il ou elle ?

J : xx xxx

S : D'accord oui sérieux ++ +++ euh ::::: ++ +++ sérieux euh :::::gentil y parle pas

beaucoup++

E : Il ?

17

S : Et ça je ne sais pas et il a un xx xxx gentil calme sérieux y parle pas beaucoup xx xxx

J : Cette femme dont je pense trop fermée je pas bien connaître je crois c'est E.

S : On va voir.

E : J'ai déjà fait moi il est là mon papier y a R qui a pas encore fait hein.

S : El M non plus.

E : Ah :::: El M n'a pas encore fait.

S : El M non plus alors El M c'est à toi ++ +++ elle est fougueuse alors fougueuse ça veut

dire euh ::::: ++ +++ elle est pleine de vie.

E : C'est ça fougueuse ?

S : Voilà fougueuse elle crée elle prend des risques euh :::::

E : Ah :::::

S : Voilà elle est très très très dynamique pleine de vie prend des risques euh ::: euh ::: voilà

elle relève tous les défis.

E : Moi ça j'avais pas compris.

El M :{xx xxx très très elle j'aime j'ai assez cette euh ::: passé ::::

S : {Personne gentille.

El M : Cette personne j'en pelle c'est gelé.

S : {Elle rigole tout le temps.

El M : {Elle rigole toute le temps xx xxx xx

S : {Et ne se fâche pas.

El M : {Ne se fâche pas. Du toute j'ai aimeraisse conn-{connaître sa pays{

18

S : {Connaître

S : {Son pays. Alors elle est fougeuse elle est gentille ::: elle rigole tout le temps{ attends c'est à El M de le dire El M.

J : {xx xxx xx

S : Elle rigole tout le temps ne se fâche pas et et la personne qui voudrait connaître son pays. Alors c'est qui El M ? à ton avis + +++ dans la classe euh :::: qu'est-ce qui manque R ? Alors à toi.

R : Elle est sérieux.

S : Il ou elle ?

R : Elle

S : Elle

S : Elle est sérieux euh ::: ce que j'aime euh ::: chez chez ce camarade euh ::: + ++ c'est le connaissance ?

E : Non curiosité sa cu ::rio ::si :::té :::

R : Sa curieuse

S : Curiosité{

R : {Sa curiosité + +++ je voudrais savoir de son pays + +++

S : Qui est-ce R ? À ton avis ?

R : euh :::: euh ::: AI E : J'ai donné à AI.

R : Vous avez donné à AI ?

19

S : xx xxx xx parce que toi R tu en as eu deux dis ce que tu penses pour toi qui est cette personne ?

R : euh :::: + +++ J : Peut-être AI.

S : Chut ! Laisse-le réfléchir !

R : euh ::::::::: F ? E : Elle a déjà eu.

S : C'est pas grave xx xxx tu le donnes à F. C'est tout + +++ bon. Alors maintenant ne touchez rien++ +++ aïe qui c'est qui n'a pas ::: eu de papier ?

E : Moi !

S : E n'a pas eu de papier R en a deux + +++ bon. J : El M il l'a pas.

E : El M il l'a pas non plus.

S : El M ne l'a pas non plus hum hum bon. Alors maintenant vous allez me donner vos papiers avec votre description alors il faut que tu l'enlèves de ton cahier s'il te plaît.

E : J'ai écrit des choses dans l'autre côté.

S : Ah mais c'est pas grave.

E : C'est juste pour moi le papier voyez ce que je veux dire ?

S : E., A., ok + +++ alors là on va faire pareil : je vais mettre il reste un quart d'heure++ je vais mettre votre propre description sur la table vous allez en choisir une qui n'est pas la vôtre d'accord ? On va revenir là et on va faire pareil d'accord ? ++ +++ ++ Alors qui c'est qui veut commencer ?

20

AI : Moi ! S : AI !

AI : C'est une femme très gentille très calme fragile et j'ai je me nerve vite je pense qu'on me voit comme timide ce que j'aime chez moi calme et sincère et bien mes yeux xx xxx

S : Alors qui est-ce ?

AI : C'est J.

E : C'est J.

S : C'est J ? Alors oui oui on verra + ++ alors J, c'est toi ?

J : Oui.

S : Alors tu peux le lire ?

J : Ze euh :: je suis une femme calme et ::: fragile.{Je pleure vite (rires) et ::: je m'énerve vite c'est vrai ! Et ::: je pense qu'on me voit comme euh :: timide et tranquille ce :: que j'aime chez moi calme euh ::: sérieux et j'aime mes yeux.

S : {Hum hum

S : D'accord. Est-ce que tu peux lire donc ça c'est toi qui l'a écrit est ce que tu peux lire le papier que quelqu'un a écrit sur toi ?

J : Euh ::: ça c'est pas sur moi.

S : C'est pas sur toi ? Tu avais lequel toi ?

J : L'autre comme ça.

S : Oui. Il est où ? Alors qu'est-ce qu'elle disait cette personne ?

J : C'est trop calme sérieux euh :: + ++ euh :: je sais je sais pas c'est quoi + ++

21

S : Personne sérieuse, gentille

J : Gentille

S : Un bon caractère

J : Oh + +++

S : Alors qui est ce qui a écrit ça ? + +++ + c'est toi El M qui a écrit ? Oui ? C'était pour qui ?

El M : ça ? Pour AI.

S : Ah :::: c'était pour AI{pas pour J. D'accord alors AI tu peux lire ta propre description ?

AI :{ Merci

E : Qu'est-ce que tu as dit pour toi ?

AI : Pour moi ?{

S : {Qu'est-ce que t'as dit pour toi oui toi qu'est-ce que t'as dit ? Tu t'en rappelles ?

AI : Euh :: oui

S : Sur toi qu'est ce que tu as dit.

AI : Euh :: je suis fidèle ++ euh :: + +++{

E : Est-ce que tu {x xxx x xxx x xxx x

S : Alors vas-y je suis fidèle.

AI : Je suis fidèle je pense qu'on me voit comme une femme courageuse en même temps

timide ce que j'aime chez moi la tolérance et la comédienne.

E :{[a comédie.

S :{[a tolérance et : la comédie.{ L'humour alors peut être l'humour{

22

E : {La comédienne elle préfère ::\

AI : {Ce que je donne aux autres je crois le courage le sourire et aussi l'amour.

S : D'accord+ ++ alors est ce que El M toi tu as dit qu'elle était CALME sérieuse gentille un

bon caractère.

El M : Oui c'est AI, c'est très calme l'école c'est très calme bon caractère.

S : Hum hum d'accord+ +++{

AI : {Merci

S : {Bon euh :: alors qui continue F on t'écoute.

F : Euh ::: je suis calme je suis autre de respecter et je aime xx xxx à la maison et journal.

Et ::: j'habite l'aider aux autres personnes. S : J'aime aider autr/les autres personnes.

R : xx Aider des autres personnes.

F : J'ai adore aider les autres autres personnes.

FB : J'aime{ ça c'est pas xx xxx

F : {Ah j'aime aider autres personnes.

S : Alors qui est-ce ?

F : C'est R.

S : {R\

F: {Je le connais parce que::: comme x xx parce que :: x xxx xx

S : (Rires) d'accord c'est pour le papier que vous vous êtes reconnus.

F : En fait les traits x xxx xx seulement n'a rien effacé.

23

S : Ah :: d'accord bon alors donc donc c'est bien toi R alors donc R quel xxx est ce que tu as est ce que tu peux nous lire ce qu'avait dit les deux autres personnes {tu peux nous les lire + +++ R ?

R : {Les deux autres personnes. F : Il est calme. {

R : Il est{calme gen\il est gentil et :: c'est que j'aime chez moi cette personne parce que + +++ { parce que il est sérieux{ et tranquille et il parle pas beaucoup + +++{ il est bien il est bien bien bien habillé euh :: j'aime savoir sa femme et{ses{enfants et sa femme.

I : {Il est sérieux {tranquille {il est bien. E : {J'aime.

S : {Connaître E : {Ses enfants

S : D'accord et l'autre :: alors qui c'est qui avait écrit ça.

J : C'est moi.

S : C'est toi ? C'était pour qui ?

J : Pour R (rires).

S : R d'accord celui-là tu peux le lire ?

R : + ++{Il est gentil il a l'air sérieux {curieux {sérieux, sérieux et j'aime chez lui respecter {sérieux généreux sociable et social les :::: j'aimerais savoir si une famille et si est ce que il a des enfants.

I : {Il est gentil.

E : {CURIEUX {curieux

24

S : Curieux

E : {Respecte tout le monde.

E : Ça c'est moi qui l'a écrit.

S : Alors ça ce qui a d'écrit, c'est pour qui que tu l'as écrit ?

E : Pour El M.

S : Ah ::: c'était pas pour R !

El M : Merci

S : Je me suis trompée.

E : C'est pas grave.

S : C'est pour El M. Alors xx xxx que tu es gentil, curieux {

E : {C'est vrai qu'il est un peu curieux. Fin j'ai pensé...

S : {xx xxx que tu respectes tout le monde, que tu es sociable et il aimerait savoir si tu as une famille et des enfants. Ça c'est le tien. ++++ D'accord. Bon. Euh :::: qui veut continuer ?

E : Je vais ::: dire.... S : E ? Ouais.

E : Ce papier que je parle xx xxx je suis gentille, innocente, une fille innocente peut-être elle a voulu dire. Je pense qu'on me voit comme une charmante... fille. Aussi. Je suis aimé je je qu'est-ce que j'ai chez moi c'est mes yeux. Ce que je donne oui ce que que je donne aux autres mes yeux oui et vos coeurs peut-être. Un bon coeur. En fin c'est pas grave on y est. Ce que je donne euh ::: aux autres la gentillesse et ma... savoir, c'est ça ? ++ +++ Je sais pas... La gentillesse...

I : Attends. Ce que je donne aux autres : la désinvolture, la gentillesse et ma sourire.

25

E : Ma sourire, ah, désin- désinvolture, c'est I hein !

S : Oui ? Tu le savais avant de\ ?

E : Non. Non. Non mais si si je le savais. Parce que elle a parlé de ses yeux.

S : Oui.

E : Oui. Et puis qu'elle est un peu innocente ben c'est un truc c'est innocent (rires).

S : Donc, alors attends qu'est-ce que tu avais comme papier toi I ? Qu'est-ce qu'on t'avait écrit ?

I : Euh ::::euh ::: elle est curieuse, fougueuse. Ce que j'aime chez cette personne, c'est euh ::: la gen- la gentillesse euh ::: rigoler. Tout le temps, elle ne fâche elle ne fâche pas du tout. J'aimerais connaître son xx xxx. Je sais pas c'est qui qui m'a écrit.

S : Qui c'est qui a écrit ça ?

AS : C'est moi. C'est pour I.

S : Donc c'était bien ça, hein ? D'accord. A tu peux continuer ?

A : xx xxx

S : Alors donc, je suis réservé\

E : Encore une fois fougueuse.

S : Fougueuse ça veut dire : dynamique euh ::: qui prend des risques... voilà. Quelqu'un qui est plein de vie.

E : Parce que fougueuse j'avais pas compris comme ça. S : On relève des défis hein ?

E : Oui. Ouais, voilà.

26

S : Alors donc pour le suivant : je suis réservé. Je pense qu'on me voit comme une personne méchante. J'aime ma taille, ma pointure et mon caractère. J'aide les gens et surtout les personnes âgées. Et je donne des conseils aux personnes qui sont proches de moi. Alors c'est qui ça ?

(Silence)

S : Réservé :::, elle pense qu'on la voit ou il pense qu'on la voit comme une personne méchante...

A : Madame E possible ! (Rires)

E : Je suis méchante A ?

S : Elle pense qu'on la voit d'une façon méchante. Elle aime sa taille, sa pointure et son caractère.

(Silence)

A : C'est qui ?

F : Moi, moi. C'est moi qui ai écrit ça.

S : Alors F qu'est-ce qu'on a écrit sur toi ?

F : Cette femme euh ::: de penser trop, fermée de pas euh :::

S : Alors cette femme trop fermée.... Et après on sait pas. Cette femme trop fermée. Alors qui a écrit ça ?

A : Moi !

S : Qu'est-ce que tu as voulu dire A ? Trop fermée, qu'est-ce que tu as voulu dire ? A : Cette femme de pense, moi je pense trop elle est fermée.

27

S : Elle ne parle avec personne ? (Silence)

A : Euh ::: oui, oui. Cette femme.... Moi je pense cette femme trop fermée ++ +++ moi jusqu'après j'ai pas bien compris cette femme. C'est Madame F.

S : Tu as pas bien compris F ?

A : Oui. J'ai pas bien compris.

S : Ah ::: d'accord.

E : Il comprend pas bien F.

A : Je connais pas bien.

S : Bon. On demandera à F. Qui n'a pas lu ? I ?

I : Je suis une personne pas raciste, je respecte les gens, les femmes. Je aime pas les conflits. Je pense qu'on me voit comme une personne gentille. Euh :::: j'aide les personnes. J'aide les personnes de mon amour pour les autres.

(Silence)

S : Qui est-ce ?

I : Ça c'est un homme p'ce que... S : C'est un homme ?

I : Oui. Parce que je suis gentil, il a parlé de elle. Ça peut être euh ::::: On dirait c'est un homme qui l'a écrit ça.

E : En tout cas c'est pas moi.

S : C'est pas E. Alors qui est-ce ?

28

I : Il écrit bien. C'est El M. S a écrit pour lui. S : C'est toi El M ?

El M : Oui.

S : Oui ? Tu veux que je lise celui-là ? Alors on lit celui d'El M. On va essayer de voir qui est-ce. Alors, je je suis euh ::: alors ++ +++ euh ::: je crois que c'est je suis dynamique, sociable et volontaire. Dynamique parce que je suis toujours prêt à faire tout ce qu'il faut dans la vie quotidienne. J'espère non j'enseigne non j'essaye d'être bien avec tout le monde. J'aime j'aime bien euh ::: être ++ euh ::: ++ +++ alors oui du coup j'aime bien être je ne sais pas. Une personne sociable ce que j'aime chez moi euh :: c'est ++ mes cheveux et ma volonté pour aider les autres. Ce que je donne aux autres ++ c'est ::aider tout le monde ? Vous savez qui c'est ? Donc qui est-ce ?

F : C'est E.

S : C'est E. Alors E, qu'est-ce qu'on avait écrit sur toi ?

A : Elle est calme, souriante. Elle est calme, souriante. Euh ::: ce que j'aime chez elle c'est son c'est son sérieux. J'aimerais j'aimerais savoir si elle est nerveuse ou non.

S : Alors qui a écrit ce papier ?

I : Euh ::: moi.

S : I. Et c'était pour qui ?

I : C'est pour J.

S : Pour J. D'accord. Alors euh ::::

29

Annexe 9 : Entretien collectif 2

Informateurs : A, AL, E, G, IM, J, JU, M, R

Date : 4 avril 2014 Durée : 28 min 40 s

Lieu : Classe FLE de l'ASBL Avenir

S : Allez. Qui veut venir présenter son travail ?

A : Oui, moi.

S : A ?

A : xx xxx

S : Alors. On va écouter A. Il va nous présenter son portrait. Tu vas donc te présenter. Qui tu

es A ? On t'écoute.

(Silence)

A : Euh ::: cette photo-là ça attends explique. Xx xxx

S : C'est toi A ?

AL : C'est toi ?

E : T'as fait ça parce que c'est TOI. Moi je vous l'ai dit : il a pas compris.

A : Eh ben, c'est ::::: xx xxx c'est Monsieur A ! J'ai mis mes chaussures eh ::: femme. Une

sac pour femme et ::: je en bas une bouche, femme aussi. Moi je pense c'est un travesti.

30

S : Donc c'est pas toi A ?

A : Euh :::: si te plaît tu diras pas à ma femme ! S : Tu as dessiné un personnage alors ? A : Oui. Moi j'ai dessiné un personnage.

S : D'accord. Bon. Ok. D'accord. Du coup pour te poser des questions c'est pas évident. Bon. Ok. Des questions ?

E : Et non. Ben si c'est pas lui.

S : C'est pas lui mais on peut lui poser des questions. Bon. Ok. Merci A.

A : Oui.

S : J ?

J : (Rires)

S : Allez, viens présenter. Qui tu es J ? Alors ce qu'on va faire, c'est que vous allez regarder le portrait de J et vous allez lui poser des questions. Par rapport aux images qu'elle a collées. J va vous répondre. Qu'est-ce que vous pensez de J ? Qui elle est J ?

IM : J c'est une femme souriante. Sur cette photo, je vois les yeux d'une femme. C'est une femme qui est souriante. Qui est heureuse. Qui aime bien la nature parce y a beaucoup de nature.

E : Elle aime la mer et pis ça c'est quoi ? ++ ++++ Elle aime la fête.

J : Oui.

E : C'est ça en fait ? C'est ça que tu voulais dire ?

J : Oui : le feu d'artifice, le plage ici\

E : Tu aimes voyager ?

31

J : Oui, voyager j'aime bien. Ouais.

S : Qu'est-ce que vous voyez d'autre ?

(Silence)

S : Essaie de faire des phrases en disant je suis quelqu'un qui aime ça, ce que je n'aime pas....

Parle-nous de toi avec ces images. Commence par la tête.

J : Euh :::: moi\ (sonnerie de téléphone portable) j'aime bien la nature, j'aime bien les

montagnes.

S : C'est les montagnes que tu as mis là-bas ?

J : Oui. Y a de la neige.

S : D'accord.

J : Et j'aime bien euh ::::: voyages.

S : Oui. Alors c'est quelle image ?

J : Ici. Au coeur.

S : D'accord.

J : Je suis toujours rigoler {

E : {souriante

J : J'aime tout le temps

S : Souriante

J : Souriante

S : Oui. Et un peu plus bas, à côté du coeur ?

J : xx xxx les pieds. Aux pieds les montagnes.

32

S : Pourquoi tu les as mises aux pieds ?

J : On va on va marcher avec les pieds.

E : Ça dépend où tu vas. Il n'y a pas beaucoup de moyens de transport.

S : Est-ce que vous avez des questions pour J ?

A : Très bien !

S : Non. Des questions. Est-ce que le portrait que vous voyez de J, correspond à ce que vous voyez d'elle, tous les jours ici ?

E : Déjà, elle est souriante, très souriante.

A : Oui. Oui très souriante. Elle est gentille. Toujours très souriante, oui. J : Toujours souriante, toujours pleurer ! (rires) Toujours !

E : Elle a présenté, elle aime bien voyager. Ça c'est c'est xx xxx on peut pas tout savoir, tous ses goûts qu'elle a aussi. Voyez ce que je veux dire ? On voit une personne, on peut pas tout savoir ce qu'elle a et ce qu'elle pense. Bon qu'elle est souriante, qu'elle aime bien voyage, qu'elle aime bien aller en montagne, on peut comprendre. On peut toujours savoir de la personne non plus hein.

S : Ce que tu sais, ça se trouve sur quelle partie du corps ?

E : Euh ::: ben, tout ce que moi je peux voir, ce qu'elle a dit, ce que j'ai compris, ce qu'elle présente c'est la sourire, ça je sais par exemple. Ça on peut le voir. Et si xx xxx les voyages, je peux pas savoir si elle aime. Et qu'elle aime bien ::: euh ::: la nature. C'est vrai plus ou moins on l'aime tous, c'est tout. Et si qu'est-ce que t'as présenté ? Les oreilles ?

J : (Rires) Du manger ! Des boucles d'oreilles !

E : C'est des pommes de terre ! C'est comme G qui a présenté ses yeux au chocolat !

33

S : Alors, qui veut venir présenter son image ? Alors ne dis rien. On va essayer de savoir qui tu es. Alors JU, qui est G selon son portrait ?

JU : Alors, selon son portrait ::: elle a mis son buste xx xxx elle a mis la fête, on voit une image de fête. Donc apparemment, elle aime bien faire la fête. Et euh ::: et ses yeux sont en chocolat. Donc elle doit bien aimer le chocolat aussi. Et puis xx xxx Je suppose qu'elle aime bien prendre des photos ++ +++ bouche souriante++ +++ voilà, c'est à peu près tous les détails que je vois du portrait.

S : Alors quoi d'autre ?

A : Je pense comme JU. Euh ::: oui elle aime bien le chocolat, en bas de faire de fête. Avec euh ::: elle elle est souriante. Alors y a y a .... L'appareil photo c'est ça ? Donc faire je crois beaucoup photos.

S : C'est une personne comment ? Qu'est-ce qu'on pourrait dire ? Avec ces éléments ? A : Euh ::: une personne comme on dit.....

AL : C'est une personne qui.... aime ses souvenirs de son passé. Pour moi avec l'appareil photo, le passé on oublie pas. Moi j'ai mis l'appareil photo.

A : Elle est contente.

E : Elle est contente de sa vie.

S : Alors est-ce que toi, tu peux te présenter G ? Dis-nous qui tu es.

G : Voilà. Toujours très contente. Je sourire. Oui j'aime bien chocolat mais maintenant pas beaucoup. Euh ::: j'aime bien les parfums. Appareil photo : oui. J'adore ! Faire des photos j'adore !

S : C'est pour ce qu'a dit AL ?

G : Oui. Si je veux aller euh ::: le parc, euh ::: la plage, le jeu, c'est partout, je fais les photos. Après je fais parfois albums ou je fais sms. Voilà.

34

S : Et tu prends qui en photo ?

G : Les enfants. Toujours mes enfants.

S : Est-ce qu'en voyant ce portrait, vous avez appris des choses sur G ?

AL : Oui.

E : Ben je savais qu'elle aime bien faire des photos. Elle nous a dit.

AL : Pourquoi l'appareil photo ? Pourquoi tu aimes faire les photos ?

G : Parce que j'ai travaillé euh ::: le caméraman ++ dans télévision. J'ai travaillé j'ai fait caméraman et photos aussi de mariage... J'aime bien. Je sais pas.

JU : Tu étais caméraman ?

G : Oui.

E : Dans son pays\

G : Non ici.

E : Ah je savais/ je croyais que c'était en Turquie.

G : J'ai appris beaucoup. J'ai été au mariage....

S : Donc c'était professionnel ?

G : Non c'est pas professionnel. Pour les amis, je fais les photos, les caméras c'est moi que je fais. Voilà. C'est mon papa il adore comme ça. Moi j'ai habité avec mon papa. Toujours. Voilà. C'est tout.

S : Une dernière personne ? E : IM elle voulait se.....

35

S : IM ? Allez on dit rien. Alors M est-ce que tu veux nous présenter IM à partir des photos

qu'elle a mises ?

M : IM je la vois, c'est bien je je des fleurs... c'est jolie.

IM : Merci

(Rires)

R : Montagnes.

E : Elle aime bien les montagnes.

R : Elle aime bien les montagnes, de l'argent. Elle aime bien la mer. Elle aime bien les

ch'vaux.

E : Mais je ne comprends pas le dessin qu'elle a mis au milieu : y a trois têtes.

J : C'est elle, sa fille et son mari.

IM : Non, non.

J : Non ?

E : Non. C'est des têtes :::: c'est au milieu.

J : C'est les yeux.

E : Elle veut dire des choses avec cette image. Vous voyez ce que je veux dire ?

R : C'est personnel, non ?

IM : Oui.

E : IM c'est une personne joyeux quand même.

(...)

A : Mon avis IM comme elle mis, elle est écolo.

36

S : Pourquoi tu dis ça ?

A : Parce que elle a mis beaucoup photos avec la ::::: nature. Je sais pas. Moi je pense comme ça.

R : La photo de la femme, je pense qu'elle est fort attachée avec la photo de cette femme. G : Elle aime bien manger. Euh ::: non : voyager.

IM : Oui j'aime bien voyager mais c'est pas qu'est-ce que je veux dire.

S : Alors est-ce que tu peux nous dire qui tu es IM ?

IM : Oui. Euh ::: xx xxx cette photo pour moi, c'est la nature de mon pays : le Maroc. Et la plage, cette maison près de la plage parce que c'est ma ville. Ma ville s'appelle Tanger. Parce que je fais des photos. Euh :: des fleurs parce que y a beaucoup de fleurs dans ma ville. Le cheval blanc parce que j'aime bien el cheval blanc. Euh ::: la mosquée, c'est mon pays encore et j'ai fait xx xxx ça c'est mon papa et ma mère parce que je je aime beaucoup. Et ça c'est une jeune fille c'est pas moi. Jeune, jeune. C'est ma grande soeur encore au Maroc. C'est tout. Et ça c'est mon pays, les maisons de mon pays.

E : Elle présente en fait ::: son pays natal. IM : Parce que je me manque beaucoup.

E : moi je savais pas ces personnages qui sont au milieu qui ferment les yeux. T'vois je savais pas.

IM : Ca présente mes parents.

S : Est-ce que vous saviez tout ça d'IM avant ce portrait ?

AL : Non. Je la voyais timide. Euh ::: elle sourit tout le temps. Et.....

E : Et ::: ben le pays c'est parce que ça manque aussi. C'est parce que quand tu viens aujourd'hui, faut s'habituer, ça je sais (rires).

37

S : Autre chose à dire IM ?

IM : Non.

E : Sont ces sentiments quoi.

S : Allez AL. Alors tu ne dis rien, on va essayer de savoir qui tu es.

IM : Je vois qui y a euh ::: une femme. Je pense qui y a une couple. C'est je pense c'est euh ::: ta femme et AL. Et je vois que y a des photos... et je vois le fleuve parce qu'y a.... C'est ça...

E : La nostalgie de son pays. Et il aime la nature. Et par contre, il est la photo, il aime tout ce qui est la planète, fin les xx xxx et tout ça. Il aime bien la technologie.

S : Qui est AL d'après ce portrait ?

IM : Très familial.

A : J'ai une question AL. T'as quel âge ?

(Rires)

AL : Je suis de septante-neuf.

A : C'est-à-dire ? Trente-trois ans ? C'est .... Rien dit. Gentil. Jamais mauvais avec moi. Je sais pas.

S : Bon AL, est-ce que tu peux te présenter ? Dis-nous qui tu es ? AL : Oui. Ici, je suis avec ma femme que j'aime beaucoup. IM : Ta femme elle est pas là ?

AL : Non elle n'est pas là. Ça c'est le coeur. Et pour moi y a deux sortes de coeur. Y a le coeur vaillant, faut avoir un bon coeur pour être en couple.

E : Non j'ai pas compris AL.

38

AL : Y a le bon et le mauvais coeur. Et pour moi, faut un bon coeur pour être coupler. Moi j'ai un bon coeur. Et là euh :: y a l'appareil photo, la télévision parce que je sais que pour connaître les choses, le journal et l'appareil photo pour des souvenirs dans le passé. Et euh :: ça c'est l'information que je trouve partout où je suis. Pour savoir partout ce qui se passe dans le monde. Ça c'est la voiture xx xxx

A : Très bien AL (applaudit), très très bien.

39

Annexe 10 : Transcription entretien individuel 1

Informateur : J

Date : 4 février 2014

Durée : 47 min 55 s

Lieu : Local de l'ASBL Avenir

1. S : Alors (silence, bruit de cahier, de stylo)... J. Tu l'écris avec un J c'est ça ?

2. J : Oui, oui. Mon prénom ça veut dire jolie, belle en arabe.

3. S : Ah oui ?

4. J : Oui, oui c'est.... Voilà, c'est joli (Rires).

5. S : Tu le portes bien en tout cas !

6. J : Oui (Rires), hum...

7. S : Ma question générale est la suivante : comment est-ce que tu vis ton installation à

Bruxelles ?

8. J : La première fois euh ::: c'est difficile.

9. S : Tu es arrivée quand toi J. ?

10. J : Euh 2009 septembre vingt-huit 2009, c'était un mardi ou mercredi je pense.

11. S : Ah tu te rappelles du jour ?

12.

40

J : Oui oui oui même l'heure.

13. S : C'est vrai ?

14. J : Oui j'ai... à dix heures à Charleroi et je suis mariée xx xxx pardon avec mon mari.

15. S : Donc tu es arrivée avec ton mari ?

16. J : Oui.

17. S : Est-ce que tu avais de la famille ici ?

18. J : Euh :: oui j'ai mon frère à Knokke c'est loin.

19. S : Ah c'est pour ça que tu vas à Knokke pendant les vacances ?

20. J : Oui mon oncle à Anvers.

21. S : Ah oui c'est loin, c'est loin d'ici.

22. J : C'est tout. J'ai plusieurs fam-... plus de famille à la Hollande la famille c'est tout

que j'ai ici.

21. S : Et tu vas les voir parfois ?

22. J : Une fois.

23. S : Une fois par mois ?

24. J : Euh :: non (rires) une fois pour cinq ans, je suis invitée à un mariage là-bas, la première

fois et une dernière fois.

25. S : Et tes parents ils sont où alors J. ?

26. J : xx xxx je pense, je sais pas.

27. S : Tes parents, ton papa et ta maman,

28.

41

J : Ah mes parents ? J'ai pas compris. Mon père il est mourir, mour-, ça fait dix ans, oui, mon mère il est au Maroc.

29. S : Donc parfois tu vas au Maroc ?

30. J : Oui j'étais deux fois cinq ans j'étais deux fois.

31. S : Et ça va, c'est pas trop dur ?

32. J : Si c'est dur (pleurs).

33. S : Elle peut pas venir ta maman ?

34. J : Oui (pleurs).

35. S : Pardon J., excuse-moi.

36. J : (pleurs) C'est rien c'est rien. (Silence, mouchoirs)

37. J : Ma maman il est venu chez moi l'année passée, restée avec moi quinze jours et il est parti.

38. S : Tu peux l'appeler un petit peu ou... ? Tu l'appelles ?

39. J : Presque tous les semaines tous les ... une fois par semaine.

40. S : Excuse-moi J., je voulais pas.

41. J : Non je sais je suis comme ça.

42. S : C'est ce que tu disais dans le portrait, je suis fragile, tu n'as pas menti.

41. J : (rires)

42. S : Mais c'est une grande qualité d'être fragile J., ça veut dire que quand tu aimes les gens, tu aimes les gens.

43.

42

J : Comme j'ai dit à quelqu'un ou il vient quelqu'un chez moi pour dès qu'on voit xx xxx,

c'est difficile, je pleure, difficile, c'est comme ça.

44. S : Pourquoi est- ce que tu es partie du Maroc pour venir en Belgique ?

45. J : J'ai suivi mon mar-

46. S : Pardon ?

47. J : J'ai suivi mon mar-

48. S : Ah tu as suivi ton mari.

49. J : Oui.

50. S : Pourquoi ton mari voulait venir à Bruxelles ?

51. J : Il était là ça fait longtemps.

52. S : Donc lui est belge ?

53. J : Oui.

54. S : Mais sa famille était au Maroc.

55. J : Ma famille mais sa famille il était ici lui, belle-mère et son oncle.

56. S : Toute la famille de ton mari est ici ?

57. J : Oui.

58. S : Donc lui il n'a pas d'origines marocaines ?

59. J : Non il est marocain mais il a nationalité belge.

60. S : Et au Maroc lui n'y va pas ?

61. J : Pas toujours non sa maman il a deux soeurs ils sont ici.

62.

43

S : D'accord, tout le monde est ici. Et ça va, tu t'entends bien avec ta belle-famille ?

63. J : Ça va, ça va, que des problèmes c'est pas facile.

64. S : Quand c'est pas ta famille c'est vrai que c'est différent.

65. J : Oui, c'est pas facile.

66. S : Et tu as des enfants ?

67. J : Non j'aimerais bien mais pas encore.

68. S : Tu es jeune toi J. !

69. J : Trente et un.

70. S : Ça va, d'ici quatre cinq ans et voilà !

71. J : Oui c'est bon ça passe vite.

72. S : Oui parce que tu es arrivée il y a quatre ans ?

73. J : Cinq, presque six ans.

74. S : Presque six ans.

75. J : Oui.

76. S : Parce que donc toi tu es du Maroc, tu parles l'arabe dialectal ou l'arabe littéral ? C'est-

à-dire l'arabe de l'école ou ?

77. J : Non normal, pas d'école mais presque la même chose.

78. S : D'accord, parce qu'au Maroc, alors attends, moi j'avais des élèves, des petits élèves...

79. J : Des berbères ?

80. S : Voilà ils étaient berbères, ils avaient des drapeaux, ils étaient de...

81.

44

J : Agadir ?

82. S : Non, attends...

83. J : Rif ?

84. S : Du Rif.

85. J : Moi aussi je suis du Rif, Nador, à côté il y a l'Espagne et tout mais je parle l'arabe je

comprends le Rif mais je parle pas le Rif.

86. S : Parce que eux ils étaient très fiers, le Rif, le Rif.

87. J : Moi je suis née au Rif mais je suis grandie à côté de Rabat, Meknès, Fès.

88. S : Tu as appris le français au Maroc ?

89. J : Oui j'ai un peu pas beaucoup.

90. S : À l'école ?

91. J : À l'école oui à l'école. (Silence)

92. S : Donc quand tu es arrivée en Belgique, vous êtes arrivés directement à Bruxelles ?

93. J : Oui.

94. S : Donc ici à Saint-Josse.

95. J : À Saint-Josse oui, juste ici à xx xxx

96. S : Ah tu habites dans la rue Moulin ?

97. J : Maintenant non j'ai le très loin à xx xxx

98. S : Tu prends le bus là pour venir ?

99.

45

J : Euh :: le tram et après le bus.

100. S : Ah oui ça te fait quoi, une heure ?

101. J : Non non, une demi-heure.

102. S : Et donc tu es arrivée ici, et est-ce que tu pouvais communiquer avec les gens en français ?

103. J : Première fois j'ai essayé, oui j'ai essayé euh j'ai été ici vingt jours et je suis venue toute seule ici à l'école, je cherche mon mari il m'a dit ici à l'école, je cherche avec ma grand, la grand-mère de mon mari, je cherche et L... euh :: pas L, W il a donné un rendez-vous, il a dit deux jours tu peux venir, je suis venue j'ai fait exam.

104. S : L'évaluation ?

105. J : Examen avec les autres, il a dit oui ça va tu peux venir avec eux, j'ai été avec eux.

106. S : Et comment tu te sentais quand tu es arrivée à Bruxelles, quand tu ne pouvais pas parler ? Parce que tu ne connaissais personne ici ?

107. J : Je comprends mais par parler c'est pas facile, c'est vrai oui, la première fois toujours j'ai toujours toujours toujours c'est pas facile xx xxx j'ai l'habitude, c'est pas facile.

108. S : Donc maintenant tu as des contacts ici, tu as des amis ?

109. J : Des amis ? Mais j'ai mon frère c'est tout. Je connais une dame au Maroc, il était ici à Bruxelles, parfois je il a un magasin j'y allais je veux.

110. S : Tu vas au magasin ?

111. J : Oui, j'y vais il parle le français, comme ça moi aussi pour parler français. C'est tout j'ai pas des amis sinon.

112. S : Et pourquoi, parce que tu ne sors pas trop ou parce que... ?

113.

46

J : Non c'est pas question de ça il y a pas de confiance, je pense pas, c'est pas facile les gens ils sont difficiles pour ... tu viens, tu parles comme ça, ils sont comme ça, c'est pas facile non non non.

114. S : Et les gens c'est qui ce sont les belges ?

115. J : Non je connais pas des belges (silence) des marocains je connais une dame italienne il a déménagé il est très très gentil il est parti en Italie il a laissé les clés pour moi pour les rideaux.

116. S : Ah ? Pour que tu t'occupes de la maison ?

117. J : Pour vérifier les arbres, comment on dit ?

118. S : Les plantes ?

119. J : Pour les plantes pour arroser les plantes une semaine Il est très gentil avec moi c'est ce que je connais c'est une amie à moi, moi aussi j'aime bien la dame.

120. S : Et tu parles en français avec elle ?

121. J : Avec elle, elle comprend bien, c'est pas... je comprends bien et elle aussi, c'est ça. (Rires puis silence)

122. S : Est-ce que par exemple quand tu étais au Maroc c'était plus facile d'avoir des amis qu'ici ?

123. J : Même au Maroc j'ai pas beaucoup des amis, j'ai deux amies ils sont déménagées à l'autre ville, juste par téléphone parfois.

124. S : Donc au Maroc elles ont déménagé.

125. J : Oui mes amies ils sont déménagé oui une autre ville. Je suis... mais j'ai pas d'amis beaucoup, on dit en arabe beaucoup d'amis et une fois tu as jamais d'amis, quand tu cherches une amie, tu as pas.

47

(Rires)

126. J : Et tu trouves pas, ça c'est la vérité ou c'est vrai.

127. S : Qu'est-ce que ça veut dire ?

128. J : J'ai beaucoup d'amies mais quand j'ai besoin de quelque chose, je demande à une amie de quelque chose elle dit ah non je sais pas, tu trouves rien, beaucoup d'amis tu trouves rien.

(Rires)

129. J : Ça c'est le problème c'est vrai.

130. S : Tu l'as vécu ?

131. J : Hum..... hum..... hum

132. S : Ça c'est vrai que les relations humaines c'est difficile.

133. J : Ouais.

134. S : C'est TRES TRES difficile.

135. J : J'aime les gens, j'aime parler avec eux j'aime mais juste ici après au revoir au revoir.

136. S : D'accord. Ils ne viennent pas chez toi, tu ne vas pas chez eux.

137. J : NON NON NON NON. Comme ça c'est mieux.

138. S : Pourquoi ?

139. J : Parce que comme ça pour expliquer c'est pas facile j'ai déjà essayé, mais j'ai trouvé une fille, Maroc l'année passée, au mois d'août, le 13 août, xx xxx il était assis à côté comme ça avec moi et il commence à parler avec moi, il a dit j'ai des problèmes avec mon mari il pleurait j'ai dit moi donnez-moi votre numéro comme ça je parfois je téléphoner à toi pour

48

demander est-ce que ça va. Une fois il vient chez moi avec son mari. Mais moi aussi je suis mariée j'ai mon mari j'ai mes problèmes je sais pas c'est pas comme ça.

140. S : Elle est venue ?

141. J : Oui il dit il parle une fois il est venu il parlait il m'a téléphoné à minuit.

142. S : Minuit ?

143. J : Minuit mais c'est pas possible, j'ai dit non c'est pas possible.

144. S : Et quand elle est venue avec son mari, ça s'est bien passé, chez toi ?

145. J : Euh, j'ai dit je sais pas, mon mari il est pas là, je sais pas je, il faut pas euh c'est pas facile, pour rentrer sans mon mari c'est pas xx xxx oui mon mari il est pas là, xx xxx cherche, toute seule.

146. S : Ah ils te cherchaient ?

147. J : Oui, j'ai dit c'est pas possible comme ça. Mais plusieurs fois il a téléphoné à minuit et le dernière fois j'ai pas... raccroché le téléphone, j'ai laissé comme ça. C'est pas facile pour trouver quelqu'un de...

148. S : Correct ?

149. J : Oui, correct.

150. S : Et tu sais pourquoi elle t'appelait à minuit ?

151. J : Je sais pas, pour parler mais pas à minuit. (Rires)

152. S : Peut-être qu'elle s'était disputée avec son mari ?

153. J : Peut-être mais il faut respecter les autres aussi, moi aussi j'ai des problèmes avec mon mari c'est pas facile oui, problème sur problème, non.

154.

49

S : Est-ce que tu vas venir au cours de zumba J. ?

155. J : Je veux bien oui.

156. S : Oui ?

157. J : Oui je veux bien.

158. S : Ça sera, tu as vu on a mis une affiche, ce sera le vendredi.

159. J : À quelle heure ?

160. S : A deux heures et demie.

161. J : C'est pas sûr l'heure mais je vais essayer.

162. S : Ce qu'on peut faire, on termine à une heure et demi la classe, après on mange, on amène quelque chose, on mange là et après on descend et on peut faire la zumba. Peut-être pas tous les vendredis, enfin, moi je serai là tous les vendredis mais si tu veux venir un vendredi oui un vendredi non ou tous les vendredis.

163. J : Je vais essayer, je sais pas.

164. S : Au moins une fois que tu voies comment c'est.

165. J : Et voilà (soupir). (Rires)

166. S : Qu'est-ce que je voulais te demander ? Oui, par rapport à la Belgique, quand tu es arrivée ici, qu'est-ce que tu as pensé de la culture, des gens, qu'est-ce que tu as pensé ?

167. J : La première fois il fait gris, il fait vite noir j'ai pensé que pleurer (rires) mais ça va avec les gens, les belges, je trouve ils sont pas racistes non.

168. S : Pas racistes ?

169. 50

J : Non euh plus moi xx xxx flash mais pas le premier ou l'agent de quartier parle xx xxx

sont gentils, oui. Et ça marche comme ça, ça va, on continue ça va.

170. S : Donc tu aimes bien la Belgique ou... ?

171. J : Oui j'aime bien, c'est triste mais j'aime bien.

172. S : Pourquoi c'est triste ?

173. J : Euh le temps parfois.

174. S : Hum c'est vrai.

175. J : Quand on arrive à l'aéroport il fait triste. (Rires)

176. S : C'est vrai, quand il pleut.

177. J : Oui. (Rires)

178. J : J'étais au Maroc il fait clair, le soleil quand je suis arrivée ici, il fait cinq degrés. (Rires)

179. J : Mais ça va.

180. S : Au Maroc il fait combien de degrés ?

181. J : Euh ::: ça dépend vingt-deux, trente, trente-cinq, à Marrakech. Agadir parfois

cinquante, quarante, quarante-cinq. Euh :::

182. S : Ah oui d'accord.

183. J : A Agadir Marrakech oui mais Nador vingt deux, vingt sept à trente maximum trente.

184. S : Oui c'est pas pareil.

185.

51

J : Non c'est pas pareil mais ça va, c'est comme ça c'est pas toujours bien, non, quelque chose de bien, quelque chose de pas bien, c'est comme ça la vie, mélange (sourire).

186. S : Et qu'est-ce que tu fais quand tu dis (soupir) moi aussi ça m'arrive souvent, hein tu sais j'habite en France tu sais je ne suis pas loin mais bon la Flandre ça nous plaît pas, la langue hein, il faut parler néerlandais, je ne parle pas néerlandais moi, c'est une langue difficile...

187. J : C'est difficile.

188. S : C'est une langue TRES TRES dure.

189. J : Moi j'aime bien, quand j'entends, j'aime bien.

190. S : Le néerlandais ?

191. S : Oui j'aime bien.

192. S : Et tu comprends ?

193. J : Oui je comprends.

194. S : Oh t'as de la chance J. !

195. J : (Rires) Je comprends plusieurs mots juste comme ça dans la rue. (Échanges de mots en néerlandais)

196. S : Mais où est-ce que tu l'as appris ?

197. J : Juste dans la rue, comme ça.

198. S : Dis donc mais c'est génial !

199. J : J'aime bien, j'adore la Fla... le néerlandais. Néerlandais espagnol j'adore les deux, je comprends le néerlandais la première fois.

200. S : Ah oui si tu le comprends tu vas vite apprendre.

201.

52

J : J'aime bien.

202. S : Et le français tu aimes bien ?

203. J : Depuis que je quitter l'école, toujours j'ai dit dans ma tête il faut que je prends le français, ça fait quinze ans, et voilà, je prends le français, Dieu est grand.

204. S : Donc tu es contente d'apprendre le français ici ?

205. J : Oui xx xxx la vérité, ça fait quinze ans, que j'ai quitté l'école, toujours j'ai dit il faut que j'apprends le français et j'apprends le français *inchallah* et c'est grâce à Dieu.

206. S : Tu pensais ça ?

207. J : C'est comme ça, quelque chose est bien, quand je parle le français plusieurs langues tu trompais xx xxx quand tu parles avec les gens ou bien les gens ils parlent de quelque chose, tu fais comme... plusieurs fois tu comprends quelque chose.

208. S : Donc après tu aimerais apprendre le néerlandais ?

209. J : Oui, j'aime bien bien bien.

210. S : Est-ce que tu parles néerlandais avec quelqu'un ?

211. J : Non jamais.

212. S : Tu regardes la télé peut-être ?

213. J : Non, non juste comme ça dans la rue ou bien parfois chez les enfants de mon oncle, à Anvers ils parlent néerlandais mais, les enfants de mon frère aussi ils parlent néerlandais, à Knokke, mais ça fait très, trois, deux ans et quelque que j'ai pas parti chez mon frère, j'ai des problèmes avec mon mari, je partais pas chez eux, chez mon frère mais... j'aime bien... quelque chose... j'aime bien.

214. S : Et avec ton frère tu parles néerlandais ?

215. J : Non que l'arabe.

216. S : Et avec les enfants de ton frère ?

217. J : Euh... parfois il joue avec eux oui mais moi je parle, mais j'aime bien c'est ça que... j'ai envie d'apprendre.

218. S : Ah c'est bien, c'est très bien parce que c'est une langue difficile, c'est très bien, si tu comprends.

219. J : Mais je comprends pas toujours.

220. S : Oui mais tu reconnais les sons.

221. J : Oui oui, quand quelqu'un parle, je sais qu'il parle néerlandais.

222. S : Et l'espagnol, pourquoi ?

223. J : J'aime bien, c'est comme ça, quand j'étais petit, je lis le journal en espagnol et fais comme ça dans la télé, et parler je fais comme ça, je comprends rien mais je vois le... il bouge la bouche je fais comme ça (mimes et rires) c'est comme ça.

224. S : Tu comprends un petit peu ?

225. J : Non, juste un peu la casa, euh.... Ils sont partis (rires), non, ils sont partis tout !

226. S : Avec Fatima tu pourrais parler en espagnol ?

227. J : Oui, Fatima parle espagnol oui.

228. S : Elle serait contente de te parler en espagnol !

229. J : Oui, elle parle bien Fatima, oui, elle parle bien. Ça c'est ma histoire (rires).

230. S : Alors ton histoire c'est pas que ça, parce que toi, comme tu me disais tu fais partie du projet Home99, tu peux m'expliquer ce que c'est ?

231. J : Oui c'est euh ::: une grand maison, euh ::: sont deux, les gens qui sont malades.

53

99 Centre gériatrique de Saint-Josse.

54

232. S : Ah il y a deux personnes ?

233. J : Non plusieurs... mais moi com-... euh ::: il y a trois gens marocains qui sont pas, ils ont pas de famille ici, ils ont des familles mais ils ont pas de contacts avec eux ou bien des problèmes je sais pas exact mais moi je... j'ai visité un monsieur marocain qu'il était cinq ans, il est... il a tombé malade au Maroc, il a venu directement ici à xx xxx ou bien je pense qu'à... à l'hôpital. Après il a ... il a...

234. S : Il a déménagé ?

235. J. : Non il a pas déménagé, il a...

236. S : Il a changé de... ?

237. J : Il a changé à l'Home, à l'Home xx xxx il est, le première fois qu'il est tombé, il sait pas parler, il bouge pas, même une signature il sait pas faire parce que il a, il boit il boit beaucoup de l'alcool c'est ça qu'il a tombé, une fois, mais maintenant il ça va il est content ici, il a dit j'ai parlé avec euh ::: deux fois, il est content il a dit ici je sens comme chez moi, qu'il est... oui, il a dit je suis bien mais... il est..., il est propre, pour manger, pour les vêtements là tout, oui, tout tout tout, il a dit je suis je sens ici, je suis très bien, maintenant il part xx xxx il bouge, il euh... pour...

238. S : Il se déplace ?

239. J : Il s'est déplacé toute seule à son... de son chaise roulée, fauteuil roulé.

240. S : Oui chaise roulante.

241. J : Sur chaise roulante, oui, c'est bien, voilà monsieur.

242. S : Donc toi quel est ton rôle auprès de ce monsieur ? Quelle est ta fonction auprès de ce monsieur ?

234. J : Juste pour parler avec eux.

235. S : Tu traduis aux infirmiers ou... ?

236.

55

J : Euh quand il a quelque chose, mais il a toujours ça va, il a oui, la dame il a demandé est-ce qu'il a quelque chose de nouveau rien, j'ai dit non, xx xxx il a pas de problèmes, non, il a dit je suis bien ici.

237. S : Et toi tu parles de quoi avec lui ?

238. J : Il raconte sa vie, quand il est jeune avec sa femme, il a deux enfants, une ici une autre il est au Maroc, ils sont mariés, c'est tout, il a des amis belges et il les connait depuis l'année septante il a venu ici.

239. S : Soixante-dix ?

240. J : Septante, soixante-dix, il a venu ici comme touriste, il a prend taxi avec eux, au Maroc la première fois xx xxx et il a venu ici chez eux, il a toujours les.. même s'il vient en Belgique, les Belges il vient est parti au Maroc, ils restent des amis, depuis septante, les parents sont mourir.

241. S : Sont morts

242. J : Sont morts mais il a contact avec les petits-fils, troisième génération.

243. S : Mais ils parlent français ?

244. J : Oui le monsieur il parle français bien parce qu'il est... travail de ingénieur ou bien quelque chose... oui, c'est pas...

245. S : Pourquoi est-ce que tu penses qu'il a besoin de parler arabe avec toi ?

246. J : C'est la dame qu'il a demandé ça.

247. S : C'est qui la dame ?

248. J : Euh... Caroline, Karine, non Karine qu'il est responsable de l'Home... c'est elle qu'il a demandé, est ce que vous pouvez venir pour visiter des gens qui sont malades et ils sont par exemple pas de.. tout de... famille ici.

249.

56

S : Donc tu ne parles jamais français avec lui ?

250. J : Non que l'arabe (rires) je sais pas si...

251. S : Tu trouves que c'est bien de parler arabe avec lui ? Pour toi c'est bien ?

252. J : Pour prendre le français c'est pas bien d'un autre côté mais pour bien expliquer, bien comprendre aussi, je trouve ça c'est facile pour moi.

253. S : Pourquoi tu as accepté de faire ça ?

254. J : J'aime bien aider les gens, j'aime bien montrer quelque chose de bien pour les gens, moi je suis comme ça, peut-être deux fois chez monsieur je suis, je dis je peux rester avec toi (rires) je suis comme ça (rires).

255. S : Tu y vas toujours ?

256. J : Non, tous les quinze jours, tout mercredi, oui mercredi, peut-être je vais ramasser mes affaires xx xxx (rires) je suis comme ça.

257. S : Tu aimes aller là-bas ?

258. J : Oui j'aimerai bien, ça fait plaisir, moi aussi quand quelqu'un est malade, quand moi je suis malade, j'aime les gens ils téléphonent à moi, il vient chez moi, c'est ça que je fais, je sens, il faut quelqu'un malade, quelqu'un il est malade il faut demander, est ce que ça va, est-ce que tu veux quelque chose, est-ce que... c'est ça. Tu comprends ?

259. S : Oui je comprends, oui je comprends J., oui, c'est vrai que tu apprends à être tout seul, c'est dur d'être tout seul. C'est bien que tu aides quelqu'un.

260. J : J'aime bien.

261. S : Parce que lui quand il te voit il est content ?

262. J : Oui, aussi il est content, il pleure avec moi, il est très content, il est avec un monsieur belge, il est très très content, le monsieur.

263.

57

S : Et tu restes combien de temps avec lui ?

264. J : Même pas une heure, c'est juste ça, après on entre à midi quart et midi euh, une heure,

une heure vingt on part.

265. S : Oui parce que vous êtes trois c'est ça ?

266. J : Oui moi, F et I, IM. Il va chez une dame et F avec un monsieur aussi.

267. S : Et jusqu'à quand vous allez faire ça ?

268. J : Madame K a dit deux mois.

269. S : Donc là c'est bientôt fini non ? 23. 270. J : Oui presque... deux trois semaines.

271. S : Et après tu n'iras plus ?

272. J : Je sais pas, il faut que je demande à la dame, s'il a dit oui oui.

273. S : Oui c'est difficile pour toi et puis pour ce monsieur si tu n'y vas plus.

274. J : C'est rien (émue).

275. S : En tout cas c'est une très belle action de ta part, tu penses aux autres alors que toi tu

as aussi des problèmes et que tu n'es pas chez toi.

276. S : Tu lui en parles de ça à ce monsieur ?

277. J : Non ! De ma vie ?

278. S : Oui.

279. J : Non, sinon je commence à pleurer je parle pas (rires).

280. S : Et il a quel âge ce monsieur ?

281. J : Presque septante, je pense, septante huit.

282.

58

S : Ça pourrait être ton grand-père.

283. J : Oui oui il est grand oui.

284. S : Dans la classe tu te sens bien J. ?

285. J : Oui oui.

286. S : Tu aimes bien venir à l'association ?

287. J : Oui j'aime bien, j'ai l'habitude maintenant. (...)

59

Annexe 11 : Transcription entretien individuel 2

Informateur : AL

Date : 11 février 2014

Durée : 42 min 03 s

Lieu : Local de l'ASBL Avenir

1. S : Quand est-ce que tu es arrivé, depuis combien de temps tu es ici ?

2. AL : Ça va. Je suis arrivé le ::: c'était le trente septembre... 2002.

3. S : Tu te rappelles exactement du jour ?

4. AL : Oui oui parce que j'ai été à l'office le trente septembre 2002. Alors j'ai demandé l'asile, on m'a envoyé dans une centre de Croix Rouge à Aincourt j'ai fait normalement deux mois là-bas et après on m'a autorisé de chercher une maison.

5. S : C'était en Wallonie ?

6. AL : Oui. Ma première maison que j'ai eue c'était à Anderlecht rue du Smith numéro deux, dix septante Bruxelles. Et j'ai fait ::: quelques années là... non j'ai fait neuf mois là-bas, neuf mois\

7. S : Tout seul ? Tu es venu tout seul ?

8. AL : Oui ! Je suis venu tout seul. J'ai fait neuf mois là-bas, de là, je suis parti à Mid-Bruxelles boulevard Maurice Lemonnier numéro trente-six. J'ai fait euh :: quelques temps là-bas aussi, de là je suis parti à xx xxx douze mille Bruxelles... xx xxx numéro un et ::: j'ai fait quelques années là-bas.

9.

60

S : Et tu arrivais d'où ?

10. AL: De la Côte d'Ivoire, Abidjan. Et maintenant de là-bas aussi je suis parti euh..., tout près de la gare du Nord commune Saint-Josse. J'ai fait une année là-bas, rue de la prairie numéro huit, c'était là-bas maintenant j'ai une maison sociale, où j'habite actuellement rue du Grands Serment numéro vingt-deux voie rue vingt-sept mille Bruxelles.

11. S : Et ça te plaît cette maison ?

12. AL : Oui elle me plaît beaucoup, oui. C'est une chambre salon toilettes à part, douche à part, cuisine et un petit xx xxx et un balcon aussi.

13. S : Ah c'est bien. Tu as le soleil ?

14. AL : Oui, le soleil des fois, dans le jardin oui.

15. S : Ah ça c'est chouette ! (Silence) Et pourquoi tu es parti de :: d»Abidjan ?

16. AL : Bon je suis euh... je suis quitté Abidjan à cause de mon idéologie politique, parce que j'étais membre du parti d'Alassane.

17. S : Parti d'Alassane ? Alassane c'est un homme... C'est un politique de...?

18. AL : Alassane Dramane Ouattara, c'est celui qui est le président actuellement. Et j'ai fait même la prison à cause de lui mais je rentre pas dans les détails, je me suis retrouvé xx xxx. En 2003, j'ai suivi une formation dans le bâtiment, coffrage et après j'ai fait mon stage deux mois chez l'entreprise Tirat, et quand j'ai fini mon stage ils m'ont dit qu'ils vont m'appeler et entretemps, y a un ami qui m'a appelé pour le travail au restaurant, François à Sainte Catherine, toujours Mid-Bruxelles alors j'ai été là-bas, j'ai travaillé là-bas euh... le jour qu'on m'a appelé et le lendemain ; trois jours après, la patronne elle a vu que je travaille bien, elle m'a proposé le contrat.

19. S : Ah c'est chouette !

20.

61

AL : Alors j'ai signé mon contrat là-bas, à ce moment j'avais la carte orange et j'ai travaillé de 2003 maintenant jusqu'à 2007, le mois de mars. Le restaurant il marchait pas beaucoup et il y avait trop de personnel et j'étais le dernier euh... le dernier euh...

21. S : Embauché ?

22. AL : Embauché, alors là c'est la raison pour laquelle j'ai arrêté le travail là-bas, le patron m'a appelé pour me dire que... franchement... j'ai même la lettre qu'elle m'a donnée, j'ai ça, la lettre là aussi m'accompagne beaucoup de choses parce qu'elle a fait des commentaires.

23. S : De bons commentaires ?

24. AL : De bons commentaires, je l'ai ici peut-être, je vais te montrer après et de là maintenant de 2007 je me suis inscrit à... chez l'intérim Asap. Maintenant j'ai travaillé avec l'Asap jusqu'à 2012, 2012 à maintenant, comment on appelle.... je voulais... je voulais faire une formation pour conduire le tram.

25. S : Ah oui c'est chouette ça !

26. AL : Maintenant le test que j'ai fait, j'ai raté le test et ils m'ont dit maintenant d'aller m'inscrire à l'école pour avoir le niveau et après que... on va voir ce que je peux faire.

27. S : Donc tu vas aller t'inscrire à l'école ?

28. AL : Oui c'est là maintenant ils m'ont donné euh...plusieurs plusieurs noms de l'école et c'est ici que j'ai eu.

29. S : Ah c'est ici, d'accord.

30. AL : C'est ici à l'école Avenir ASBL rue du Moulin numéro 150. Et je suis là je crois depuis 2012.

31. S : Et donc ta formation de gardien de sécurité, comment tu as eu l'idée ?

32. AL : Alors là quand je suis quitté Saint-Josse ici, je suis, je me suis, je suis parti m'inscrire à la mission locale de Mid-Bruxelles. Alors là on a fait une séance et c'est ceux-là

maintenant qui m'ont proposé. Ils ont parlé beaucoup des formations et c'est maintenant j'ai choisi pour... pour la sécurité.

33. S : Parce que quand tu étais à Abidjan donc tu allais à l'école ?

34. AL : Oui.

35. S : Et tu avais un travail ?

36. AL : Oui, j'étais chauffeur de taxi.

37. S : Ah ! C'est ton travail à Abidjan, chauffeur de taxi ?

38. AL : Non xx xxx

39. S : Donc tu n'avais jamais travaillé dans les bâtiments ?

40. AL : Non.

41. S : Jamais dans les restaurants ?

42. AL : Non. C'est ici que j'ai fait. J'ai fait une formation de trois mois dans le bâtiment et après j'ai fait mon stage chez l'entreprise Tirat et ils m'ont donné cette attestation, ça aussi je l'ai à la maison. Celui-là ils m'ont dit qu'ils vont m'appeler, mais entretemps j'ai été appelé euh... comment on appelle euh... comment on appelle... restauration.

43. S : Par le... ?

44. AL : Restauration

45. S : Restauration ? Par le restaurant.

46. AL : Oui par le restaurant, maintenant quand je suis parti là-bas, j'ai travaillé trois jours comme ça, le patron m'a proposé le contrat et j'ai signé le contrat jusqu'en 2007, j'ai travaillé là-bas.

62

47. S : Mais alors tu parlais français quand tu es arrivé ?

48.

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AL : Oui je parlais le français.

49. S : Et pourquoi tu parlais français ?

50. AL : Pardon ?

51. S : Pourquoi est-ce que tu parlais français déjà ?

52. AL : Parce que la Côte d'Ivoire ça c'est un pays francophone.

53. S : Donc à l'école tu apprenais le français ?

54. AL : Oui mais j'ai pas été au... J'ai été à l'école mais pas euh... parce que en Afrique si tes parents n'ont pas de moyens, c'est pas facile de continuer. J'ai fait l'école jusqu'à sixième. Pas plus.

55. S : Donc sixième, c'est-à-dire jusqu'à onze ans ?

56. AL : Non, six ans. Maintenant je fais les cours du soir.

57. S : Ici ou là-bas ?

58. AL : Au pays, parce que comme mon papa n'avait pas assez de moyens, directement j'ai commencé à rouler le taxi pour lui donner un coup de main.

59. S : Donc tu as commencé à quel âge le taxi ?

60. AL : Bon je peux dire euh... dix-sept, dix-huit ans.

61. S : Donc tu parles français mais tu parles peut-être aussi d'autres langues ?

62. AL : Oui ça c'est notre langue maternelle gula. Gula en Afrique de l'ouest au Mali, gula on dit là-bas bambara.

63. S : Bambara, c'est le nom de la langue ?

64.

64

AL : De la langue. En Guinée on dit malinké euh... au Burkina aussi on dit gula. Parce qu'en Afrique de l'ouest, on parle ces langues en Guinée, la Côte d'ivoire, le Mali, le Sénégal et la Gambie.

65. S : Donc tu peux parler avec des gens du Sénégal, de Gambie... ?

66. AL : Oui, c'est le wolof qu'on parle au Sénégal mais y a des gens qui parlent le gula aussi.

67. S : Ici tu parles gula avec des gens ?

68. AL : Oui, il y a plein d'ivoiriens ici, y a des maliens aussi, y a des guinéens et les gambiens, qui parlent aussi même langue mais mots différents. Parce que je peux dire que les pays que je viens de citer là, cela fait partie de Union Mandingue.

69. S : Mandingue ?

70. AL : Mandingue, ça veut dire que... mandé, c'est la langue n'ko. Les gens qui parlent n'ko, si je me trompe même pas, j'ai une carte de...

71. S : Tu as la carte des...

72. AL: Union mandingue

73. S : Ah, union mandingue

74. AL : Voilà, on a une association ici qu'on... voilà... les pays qui sont là là, ça veut dire qu'ici ils font... il fait partie de mandingue.

75. S : Ah et donc il y a une association à Bruxelles ?

76. AL : Oui

77. S : Et donc toi tu y vas à cette association ?

78. AL : Tu vois, y a le Mali, Libéria, Guinée Bissao, Gambie, Sénégal, Sierra Léone, Guinée, Burkina et la Côte d'Ivoire, ça c'est mon pays qu'il y a là.

79.

65

S : Donc il y a des manifestations, vous faites des activités ?

80. AL : Oui on fait des activités mais pas les manifestations, non, c'est pas possible. Moi ce que moi je comprends, manifestation pour sortir, manifester.

81. S : Ah non !

82. AL : On fait des activités xx xxx

83. S : Et vous parlez français là-bas ?

84. AL : Si, on parle le français comme notre langue ?

85. S : Vous parlez les deux ?

86. AL : Les deux

87. S : Et quand tu es parti d'Abidjan pour venir en Belgique, comment tu t'imaginais la Belgique ?

88. AL : Bon. La Belgique moi je peux dire que ça a été bien pour moi, parce que quand j'ai demandé d'asile, j'ai fait que dix mois au centre, parce que j'ai rencontré des gens ici qui ont fait deux ans, trois ans, au centre. Moi j'ai eu ma carte orange au bout de deux mois.

89. S : Qu'est-ce que c'est la carte orange ?

90. AL : La carte orange, euh... en 2002, ça c'était une carte provisoire.

91. S : De nationalité ?

92. AL : Non non non, pas nationalité. Une carte provisoire pour les gens qui demandent asile, qui te permette de te promener en Belgique, mais pas dehors de la Belgique.

93. S. : Donc tu peux travailler avec cette carte ?

94. AL : Oui, tu pouvais travailler avec ça si t'avais le permis de travail. C'est une carte aussi. Voilà. Après carte orange on m'a donné la carte blanche, c'était un an.

95.

66

S. : Ça c'est définitif, carte blanche ?

96. AL : Oui, ça c'était parce que j'ai demandé la régularisation et ils m'ont donné euh... ils m'ont et j'ai été régularisé, ils m'ont donné une carte illimitée. Alors là, c'est ça maintenant (incompréhensible) pour faire cinq ans. Et cinq ans j'ai aussi demandé ma nationalité. Actuellement, j'ai eu ma nationalité.

97. S. : Au bout de cinq ans tu l'as eue ?

98. AL : J'ai eu ma nationalité ça fait je crois en 2012.

99. S. : Y a pas longtemps, ça fait deux ans que tu l'as eue.

100. AL : En 2012 six septembre

101. S. : Et quand tu es arrivé ici, comment tu as trouvé les gens, le paysage ?

102. AL : J'ai trouvé euh... les gens sont sympas, ils sont tolérants et ... ils... franchement ils sont sociables euh... ils se demandent toujours pardon parce que même si quelqu'un toi tu viens tu marches sur le pied de quelqu'un, c'est la personne-là qui te demande pardon ; ok en Afrique on te pousse et tu m'as pas vu ? , alors ici j'ai trouvé que la Belgique franchement c'est super, oui, j'ai vu des mentalités différents, des êtres humains, entre la Belgique et la Côte d'Ivoire.

103. S. : Et est-ce que pour toi ça a été difficile la culture d'ici et la culture de ton pays ?

104. AL : Non, pour moi non, parce que quand je suis venu je parlais le français et dans un pays si tu parles leur langue, je crois que ça ne sera pas difficile pour toi, comme les gens qui ne parlent pas leur langue, parce qu'il y a... y a plusieurs langues qu'on parle ici mais la langue qu'on parle ici normalement c'est le français et le flamand. Le flamand je comprends pas mais le français je me débrouille, donc ça n'a pas été difficile pour moi.

105. S. : Et toi tu te sens ou tu t'es senti différent ici ? Tu étais AL comme tu étais en Afrique ou tu es quelqu'un d'autre ?

106.

67

AL : Waouaih euh... tu sais en Afrique on vit toujours avec la famille et les amis et quand j'étais là-bas on dormait à quatre à la maison hein. Mais ici quand je suis venu on m'a dit de chercher une maison et je dormais sur xx xxx donc ... (rires)

107. S. : C'était dur pour toi ?

108. AL : (Rires) Tu vois ? Ça a été normal pour moi parce que tout ça c'est pour ne pas déranger les autres et... pour être libre et... faire ce que tu as envie de faire, à l'aise.

109. S. : Quand tu es tout seul, dans une maison

110. AL : Quand tu es tout seul, pour ne pas te déranger, j'ai trouvé ça normal même si tu as quelque chose à apprendre si tu es seul, tu vas te concentrer pour faire... par exemple pour avoir mon permis, j'étais seul, j'ai acheté le CD, CD-Rom, j'avais l'ordinateur chez moi, j'ai appris à la maison hein.

111. S. : Ah tu n'es pas allé à l'école ?

112. AL : non, j'ai pas été à l'auto-école, et j'ai appris ça à la maison et je suis parti pour faire la théorie, j'ai raté première fois, deuxième fois j'ai eu. Pour la pratique aussi j'ai raté première fois deuxième j'ai eu parce que je conduisais à Abidjan, mais malheureusement ils n'ont pas accepté de changer mon permis ici.

113. S. : Oui tu étais taxi, tu avais le permis.

114. AL : Oui oui oui, donc directement je me suis engagé pour faire mon permis, et Dieu m'a aidé, j'ai eu mon permis depuis 2006.

115. S. : Et au niveau de la nourriture, les odeurs ?

116. AL : Bon, ça, ça va parce que tu vois, avec euh... j'sais pas, les commerçants ou quoi, tout ce qu'on a en Afrique on trouve ici aussi, y a le magasin africain surtout à côté de l'abattoir si tu pars là-bas, tous les magasins qui fait face à l'abattoir ça ce sont des magasins africains, ça c'est des produits d'Afrique qu'on vend là-bas donc euh... moi aussi je ne mange pas presque au restaurant, je prépare toujours chez moi.

117.

68

S. : Tu cuisines ?

118. AL : Ouais... et je mange... rarement que je mange au restaurant.

119. S. : Pourquoi ?

120. AL : Parce que, d'un, ça coûte cher, de deux, j'ai pas habitué de... manger les trucs

européens.

121. S. : Tu manges pas les frites ?

122. AL : Je mange les frites, au snack je mange les frites... légumes.

123. S. : Et avec ta famille tu communiques souvent ?

124. AL : Oui, je communique souvent, presque tous les jours.

125. S. : Tu parles en français avec eux ?

126. AL : Ouais ouais ouais, français ou langue maternelle.

127. S. : Avec tes enfants ?

128. AL : Ah surtout j'ai acheté un téléphone pour ma fille, ma fille que je l'adore beaucoup

(rires) donc on parle tout le temps au téléphone.

129. S. : Et quand tu... pardon excuse-moi, vas-y

130. AL : Non, je... je voulais te dire que ma fille je l'aime beaucoup, elle me plaît.

131. S. : Tu vas aller la voir bientôt ?

132. AL : Ouais, si Dieu le veut.

133. S. : Peut-être cet été ?

134. AL : En tout cas, je pense, si Dieu le veut, ce sera avant 2015.

135. S. : D'accord. Donc c'est dans six mois...

136. AL : Si tout va bien.

137. S. : Tu aimerais retourner vivre à Abidjan si tu pouvais ?

138. AL : Bon, ça dépend, ça dépend, parce que l'Afrique d'avant et l'Afrique d'aujourd'hui c'est pas la même chose. Avant, y avait des dirigeants, franchement qui ne me plaisent pas, qui devant le malheur... et je crois bien que maintenant les dirigeants qui sont venus là ils ont beaucoup vécu en Europe ici et ils ont espérance d'Europe et je pense bien avec ceux-là les Africains comptent rentrer mais moi pas maintenant.

139. S. : Qu'est-ce que tu veux faire avant de rentrer ?

140. AL : Ben moi je suis là encore parce qu'il faut pas rentrer pour aller traîner à la maison hein. Après je veux dire après dix ans, onze ans d'absence, en rentrant, il faut rentrer avec quelque chose.

141. S. : De l'argent ?

142. AL : Bon, ça dépend... le métier ou de l'argent pour aller faire quelque chose, de ne pas aller croiser tes bras, c'est ça quoi, parce que tu peux pas venir faire onze ans ici, après tu rentres... Après tu croises tes bras et regarde ta femme part au marché ou... ta femme te nourrit.

143. S. : Ta femme travaille AL ?

144. AL : Euh... pour... elle ne travaille pas.

145. S. : Qu'est-ce que tu attends alors de la Belgique ?

146. AL : La Belgique... hum, en tout cas moi je peux dire que la Belgique est bien pour moi, c'est un pays qui m'a fait découvrir le monde.

147. S. : Le monde ?

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148. AL : Le monde, parce que de là, on sait apprendre beaucoup de choses.

149.

70

S. : Tu n'étais jamais allé en Europe avant AL ?

150. AL : Ça c'était ma première fois de quitter la Côte d'Ivoire, de venir en Europe en 2002, c'était ma première fois.

151. S. : Tu es venu en avion ?

152. AL : Oui en avion

153. S. : Première fois que tu prenais l'avion ?

154. AL : C'était ma première fois aussi de prendre l'avion.

155. S. : Et comment tu étais quand tu es monté dans l'avion ?

156. AL : Bon c'était euh... je voyageais dans la voiture mais dans l'avion c'était ma première fois mais ça m'a... ça ne m'a pas trop impressionné parce que je voyais tout le temps j'accompagne les amis qui prenaient les vols.

157. S. : Oui tu avais déjà vu des avions décoller.

158. AL : Oui l'avion décolle et descendre donc ça ne m'a pas beaucoup étonné aussi, parce que dans l'avion aussi tu es tranquille comme t'es chez toi à la maison, ah si j'ai trouvé qu'il y avait... qu'il était en haut, ça c'était un peu... mais de là-bas d`ici c'est comme tu es assise sur...

159. S. : Donc tu penses que la Belgique ça va t'aider à rentrer au pays AL ?

160. AL : La Belgique je pense qu'elle va m'aider de faire ce que j'ai envie de faire.

161. S. : Avoir un métier...

162. AL : Métier... parce que tu peux pas avoir de l'argent sans travail et le travail aussi il faut apprendre le métier donc euh... et si tu veux voir aujourd'hui je viens le cours du français ici c'est par rapport à un métier que je voulais faire, pour faire ça, il faut être... il faut être compétent je crois dans... c'est pourquoi je suis là.

163.

71

S. : Tu es à l'école depuis 2012 et qu'est-ce que, toi dans la classe tu te sens bien, tu te sens AL ou parfois c'est difficile ?

164. AL : Non je me sens bien parce que dans l'association y a du monde et tout un chacun a son comportement donc il faut, il faut, il faut t'adopter, il faut pas faire comme tu es chez toi, tout un chacun a son comportement donc c'est à toi de connaître les gens à qui il faut, tu peux faire quelque chose avec lui, à qui tu dois te méfier, donc dans la société c'est toujours comme ça, mais... d'abord il faut te respecter, si tu te respectes tout le monde je pense que tout le monde peut te respecter aussi. Je me sens à l'aise ici, malgré que je suis le seul peau noire ici mais je me sens à l'aise.

165. S. : Ah oui c'est vrai, y a que toi AL ? Il y a que toi dans la classe ?

166. AL : Oui (rires) oui il y a que moi

167. S. : Tu es le représentant de l'Afrique (rires)

168. AL : Ah oui, donc je me sens à l'aise, parce que euh... ça va. Moi je... pour euh... pour connaître quelque chose ou bien pour quelqu'un qui veut savoir quelque chose, lui ne doit pas être trop mesquin.

169. S. : Trop ?

170. AL : Trop mesquin. En disant que ouais je suis mal ici, quand je parle tout le monde est contre moi ou bien... non. Soit tu fais soit tu ne fais pas, tu ne peux pas t'en sortir, il faut être sociable, faut être au clair. Y a des gens ici quand je viens ils sont contents, moi aussi y a des gens qui... si ils sont là je suis content. M, c'est un marocain, ben une fois qu'il me voit il est content hein, moi aussi. Donc euh... c'est ça.

171. S. : Est-ce que tu penses que tu es bilingue en français ?

172. AL : Bilingue... bilingue ça veut dire euh...

173. S. : Bilingue ça veut dire que tu parles aussi bien le français que ta langue maternelle.

174.

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AL : Ah non, je parle bien ma langue maternelle que le français, ça c'est clair.

175. S. : Qu'est-ce qu'il te manque alors pour bien bien bien parler français ?

176. AL : Bon.... euh... je pense que l'article me manque en français.

177. S. : Féminin ou masculin c'est ça ?

178. AL : Oui, par exemple même moi ici j'ai posé la question à L pourquoi on dit une ou un, du ou des, tan tan tan... elle m'a expliqué, en disant que tout ce que tu vois du, ça doit être le nom d'une personne, parce ce que j'ai même prendre l'exemple rue des xx xxx à côté de la gare de Midi et rue du Moulin ici et elle m'a bien expliqué, comme ça j'ai compris.

179. S. : Est-ce que tu penses que pour toi la langue française c'est un problème en Belgique ?

180. AL : Moi quant à moi je vais dire non... quant à moi je vais dire non.

181. S. : Ça ne t'a jamais empêché de trouver un travail ?

182. AL : Depuis que je suis là, je n'ai jamais lu de ma lettre, de montrer à quelqu'un c'est quoi ça, ça veut dire quoi, c'est moi-même qui lis tout et je sais la lettre là ça signifie quoi, le mot là ça signifie quoi, je n'ai jamais lu de ma lettre pour donner à quelqu'un. Tout... c'est moi-même qui fais tout.

183. S. : Tu écris, tu téléphones...

184. AL : C'est moi qui fais tout, donc euh je ne vois pas... je peux dire que le français ne me complique pas d'être en Belgique, je me sens à l'aise, et pour moi je parle pour faire ce que j'ai envie de faire.

185. S. : C'est pour ça que tu as choisi la Belgique, parce que c'est la même langue ?

186. AL : C'est la même langue. Par exemple si tu parles en allemand, c'est... pour aller il faut recommencer à zéro, parce que pour être à l'aise dans un pays, il faut parler la langue, ça c'est obligé. Tu tu tu.. moi, moi je ne peux pas quitter la Côte d'Ivoire pour aller parler les gens.. Les allemands, le français, ils vont pas, ils vont même pas me regarder, parce que la

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langue dont je parle il ne sait pas c'est quoi ,alors là c'est à moi de me concentrer, connaître leur langue, parce que ça va m'aider à m'intégrer, mais je peux pas quitter de la Côte d'Ivoire pour venir imposer ma langue en allemand, c'est impossible, c'est pourquoi j'ai vu que en Belgique on parle le français et néerlandais, et comme je suis francophone, je me suis dit que je suis bien ici.

187. S. : Et tu avais regardé un petit peu des photos de la Belgique avant ?

188. AL : Euh bon... oui, j'entendais le nom de la Belgique, la France, Hollande, Allemagne quand j'étais en Afrique mais je ne regardais pas, c'est à cause de mon problème qui m'a fait venir en Europe sinon je l'avais pas en tête.

189. S. : Oui tu serais resté à Abidjan.

190. AL : Oui, comme je te l'ai dit à cause de mon problème j'ai parti, c'est pourquoi tantôt ils ont demandé qui aime faire de la politique ici, j'ai pas... parce que je ne vais plus faire la politique.

191. S. : Même en Belgique

192. AL : Même en Belgique, ici c'est aller voter je vais aller voter point. Mais pour dire euh... je vais faire campagne pour lui tan tan tan tan tan...ça c'est fini.

193. S. : Tu crois que cette expérience en Belgique ça t'a changé ?

194. AL : Ça m'a changé, ça m'a donné beaucoup d'idées, ça m'a... parce que dans la vie il faut réfléchir, de faire quelque chose, il faut réfléchir avant de faire, en Afrique on pouvait supporter quelqu'un comme ça parce que ...mais tu dois savoir.

195. S. : Supporter c'est encourager ?

196. AL : Encourager, supporter, faire le... faire euh... la campagne sans connaître de parties des faits, mais maintenant moi je sais plus faire ça, je veux connaître d'abord qu'est-ce que la personne va faire au pays, maintenant je vais le supporter... mais pour supporter comme ça parce qu'il faut supporter... mais moi xx xxx je peux dire que c'est fini, je vais voter pour

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voter ça c'est un xx xxx on met l'article dans l'enveloppe sans dire pour qui tu as voté ça moi je peux le faire mais le reste, sortir sur la voie en disant que « vive tan tan tan tan tan tan.... » pour quelqu'un, ça je ne le ferai plus.

197. S. : Qu'est-ce que tu changerais en retournant à Abidjan ?

198. AL : Pardon ?

199. S. : Qu'est-ce que tu changerais dans ton... ta façon d'être ou ta façon de faire les choses ou de penser quand tu vas retourner à Abidjan ?

200. AL : Bon j'ai été là-bas je crois trois fois, euh... toujours je me méfie, parce que quand tu quittes ici pour aller, y a des gens qui peut te dire que ouais parce que lui il vit en Europe, c'est comme ça, il fait ça, il se comporte comme ça et... moi je refuse toujours.

201. S. : Il y a des jalousies ?

202. AL : Il y a des jalousies, il y a des gens même si tu t'habilles juste sortir bien, ils sont contre ça, donc euh... l'Afrique a tout tenté, y a pas trop de sécurité hein... pour être à l'aise là-bas, je peux dire il faut te comporter comme eux, il faut pas... ne fais pas la différence.

203. S. : Donc tu redeviens... comment dire ? Tu mets peut-être d'autres habits, tu parles ta langue maternelle, comment tu fais ?

204. AL : Non non non je parle euh... tu sais en Côte d'Ivoire y a le français de la rue et y a le français de l'école... et le français de la rue voilà ils parlent entre eux, toi t'y es là, ils parlent le français, mais toi tu comprends rien... donc c'est ce qu'on appelle le français de la rue parce que ils te parlent le français en même temps la langue maternelle.

205. S. : C'est un mélange

206. AL : Mélanger les deux et toi tu...tu vois ce que xx xxx de parler.

207. S. : Et toi tu parles quoi, le français de la rue ou le français de l'école ?

208.

75

AL : Ben je peux dire que avec mes amis on parle le français de la rue hein, ah oui ! Si c'est sérieux maintenant on parle le français de l'école mais avec les amis, ça ça est dans notre sang.

209. S. : Depuis tout petit ?

210. AL : Comme ça, on parle comme ça comme ça on se sent à l'aise... parce que on mélange les deux pour parler.

211. S. : Pour terminer AL, après je te laisse car le cours a l'air intéressant avec N, si tu devais te définir, AL avant et AL maintenant, qu'est-ce que tu dirais, ta personnalité ?

212. AL : Ma personnalité, je dirais que AL avant et AL d'aujourd'hui, c'est pas la même chose. Parce que non seulement chez nous nos grands-pères disaient tout le temps si tu n'as pas été à l'école mais si tu te déplaces de ton pays, à autre pays, c'est comme quelqu'un qui a été à l'école, c'est pour avoir l'idée, tu vois, alors là j'ai eu la chance d'aller à l'école un peu et j'ai eu la chance de quitter mon pays pour l'autre pays, alors là c'est pourquoi je dis AL avant et AL aujourd'hui, c'est pas la même chose. Mentalité ça a changé, mon comportement, et avant, y a beaucoup de choses qu'on me faisait je n'acceptais pas, et aujourd'hui je peux accepter.

213. S. : Tu es plus tolérant ?

214. AL : Oui, maintenant je suis plus tolérant que avant, parce que avant si tu me faisais quelque chose xx xxx ou... maintenant même si tu me fais ça c'est sûr que... ma première, ce groupe que j'ai dit tantôt que quand je suis venu en Europe ici, tu montes le pied de quelqu'un, c'est la personne qui te dit pardon porque... Avant si c'était moi avant, même au centre, j'ai frappé quelqu'un au centre hein.

215. S. : Ici ?

216. AL : Ici, mais le gars était tellement impoli que tout le monde avait peur de lui, au centre, il y avait deux frigos, tous les gens qui se trouvaient là-bas, et ils utilisaient un frigo et tellement qu'ils ont peur de lui, lui seul il utilisait un frigo.

217.

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S. : Que pour lui ?

218. AL : Que pour lui. L'assistante, les assistantes sociales qui étaient là-bas juste avaient peur de lui, c'était un iranien, maintenant moi je suis venu parce que chaque jeudi on donnait cinquante euros, on est partis au marché pour acheter les trucs pour venir mettre dans le frigo, on achetait la viande tout et tout... quand je suis venu je vois que le frigo l'autre frigo là c'est plein, c'est rien maintenant et l'autre là c'est vide, moi j'ai mis ma viande chez lui et quand il est venu, il n'a même pas demandé hein, il a pris la viande il a jeté ça dehors, moi aussi j'avais la mentalité africaine, j'ai corrigé le type et finalement on était comme ça, j'ai frappé, j'ai frappé le gars, j'ai appelé la police et quand la police elle est venue, ils se sont rencontrés avec l'assistante sociale, ceux-là ils m'ont dit ils ont dit non c'est bon c'est bon et ils m'ont félicité même.

219. S. : Oui, parce que toi tu as réussi à faire stopper ça.

220. AL : Oui, j'ai frappé le gars et pis alors maintenant, tout le monde me dit tu viens, tu viens et directement il a changé.

221. S. : Maintenant il y a les deux frigos ?

222. AL : Deux frigos pour tout le monde, donc j'avais la mentalité africaine mais maintenant si tout le monde se méfie comme ça, moi aussi. Je vais essayer de lui parler, s'il comprend, ok, s'il comprend pas je vais faire comme les autres parce que les assistantes qui sont là, c'est à eux de lui dire le frigo ne t'appartient pas c'est pour vous tous, mais si ils n'arrivent pas à dire, c'est là, pourquoi moi je vais m'imposer ? Maintenant... mais avant j'allais faire ce que je veux... voilà... donc c'est pourquoi je te dis que AL d'avant et AL d'aujourd'hui c'est pas la même chose.

223. S. : C'est mieux ou c'est moins bien ?

224. AL : C'est mieux (rires)

225. S. : C'est mieux ?

226.

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AL : C'est mieux (rires)

227. S : C'est bon AL je te laisse tranquille.

228. A. : Merci beaucoup

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Annexe 12 : Transcription entretien individuel 3

Informateur : M

Date : 11 mars 2014

Durée : 35 min 22 s

Lieu : Local de l'ASBL Avenir

1. S : On va commencer comme ça : peux-tu me dire comment tu vis ton installation à

Bruxelles ?

2. M : Bien (silence)... Je suis parti du Maroc pour la Belgique car j'a ::: j'avais besoin de l'argent. L'économie était difficile là-bas à xx xxx je pensais beaucoup et après beaucoup de solutions, je je trouvais : traverser la Méditerranée !

3. S : Traverser la Méditerranée ?

4. M : Je ..... je vois pas autre solution, tu vois.... Je suis ma- je pars par la Méditerranée 1968. Et là j'arrive gare du Midi (sourire)... la gare de l'espoir on appelle (silence) avant. Je sais pas qui qui.... dit ça... mmm ça.

5. S : Ah c'est joli la gare de l'espoir

6. M : euh ::: je sais pas. On croit du bonheur, pour la famille, les enfants. On était beaucoup beaucoup beaucoup pas savoir quoi faire ou ou quelqu'un mmm mais bon.... Mon père a fait avant et je sais là là on savait trouver du travail vite.

7. S : Ah bon ?

8. M : Oui, oui. Mon père trouve dans le xx xxx là-bas. C'est ça. Mmmm.

9. S : Est-ce que tu as trouvé vite ?

10. M : Euh :: oui... on demande à nous, aux amis de mon père et tout et on dit ah là-bas va et il te donne bon travail et tout ça/ je fais beaucoup de travail : un peu

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construction, dans le charbonnage et fabrique de chimique. Un peu de tout oui (sourire).

11. S : Ah oui en effet ! Comment tu as vécu ça ?

12. M : Pour moi :::, pas un travail pour l'homme tu comprends ? Travail TRES TRES difficile oui, comme les animaux (soupir). C'est ça, c'est c'est la vie eh oui... Mais mon père fait aussi c'est pas grave mais bon.... C'est pas facile. Non.

13. S : Hum.

14. M : C'est tout.

15. S : Et comment tu es arrivé à l'association ?

16. M : Ça c'est le travail oui. Quand tu arrives c'est trop vite, tu comprends pas et après je voulais comprendre. Pour moi :::: ça c'est pas juste. Mmmm.... Je dis ah peut-être je peux suivre du cours pour le soir. Et c'est ça. Mon ami a fait le même et alors je dis moi aussi je veux faire. Et lui aussi m'a dit ça c'est mieux pour toi, ta famille. Voilà.

17. S : Très bonne idée !

18. M : (Rires) Merci S, t'es gentille (sourire). Mais ::: c'est pas facile.

19. S : Quand tu es arrivé à l'association ?

20. M : xx xxx peut-être deux ans maintenant, je je sais pas, oui oui peut-être ça. Quand on habite le quartier. Euh ::: oui quelque chose. Hum...

21. S : Ah c'est récent alors.

22. M : Mmm non pas longtemps je crois mais Madame L. très gentille et avec toi aussi maintenant. Moi je suis content. L'ASBL je viens tous les jours, toujours. Je.... Mmm j'aime l'école oui. On parle, on voit du monde... oui, on reste pas toujours à la maison.

23.

80

S : Hum. Donc ça ne fait pas longtemps que tu es à l'ASBL ?

24. M : Oui pas longtemps... euh::: pour le travail et euh::: le Maroc contrôle tout, c'est pas pour moi ça, non. Alors j'attends.... et maintenant ça va. Je viens, c'est à moi et je suis content, comment on dit.... Euh :::: pfff content. C'est bien, voilà.

25. S : Je ne comprends pas.

26. M : Non.... Moi je veux pas des histoires alors tu obéis à Maroc et voilà c'est ça. Après, je viens à l'ASBL pour apprendre français et pas arabe. Je veux vivre à Belgique Saint-Josse. Tu comprends? C'est bien oui. L'arabe moi je le sais déjà. C'est pour ça.... Quand.... Mardi.... Euh ::: ils se disputent pour pour l'arabe, je suis pas d'accord. À l'ASBL, c'est parler le français pas l'arabe. Madame L. elle a raison. Xx xxx je reste chez moi alors. Je comprends pas ça. Je crois c'est la la la chance de parler français et avoir des professeurs pour ça. Mais... y a des personnes qui ne... mmm savent pas. Elles sont pas contentes et veulent arabe. Pourquoi ?... euh ::: je je sais pas.

27. S : Tu en as parlé avec I. ?

28. M : Non, non. Moi je veux pas d'histoires. Non, non.

29. S: Hum... humm.. euh::: bon. Comment s'est passé le contact avec les Belges ?

30. M : Facile, facile. EXTRAORDINAIRE oui. Des gens qui te donnent beaucoup tu vois mmm xx xxx aider toujours, toujours. Moi pas des des problèmes avec les Belges. Je parle avec eux oui oui. Je préfère les gens belges oui. Que marocains.... Pfff c'est toujours le même, tu vois. Je je veux parler français.

31. S : Tu as des amis belges ?

32. M : (Sourire, silence) Mmm.... Euh::: un peu comme ça mais on va pas à la maison, on dit bonjour ça va la famille, les enfants et::: voilà mais des personnes très gentilles mmm. C'est pas amis comme ça mais beaucoup de sourires, de parler avec eux...

mmm

33.

81

S : Tu rentres souvent au Maroc ?

34. M: Un petit. Ça dépend. Je suis allé pour ma mère qui meurt tu sais...deux mois, quand je pars Maroc, je pars aux montagnes. Oui, oui, je nais aux montagnes. Tu connais Maroc ? C'est très joli. J'ai pas pris les photos mais demain je t'apporte les photos et tu vois.

35. S : Ah super ! J'y suis pas encore allée donc je vais découvrir !

36. M : C'est joli::: Et bon là-bas aussi y a les riches et et les pauvres... Ça c'est pas bien tu vois. Mais b-.... C'est comme ça maintenant là-bas. Moi, je suis très triste pour ça. Oui. Pour ça, le travail c'est important pour moi à Belgique tu vois. C'est.... Ce- je suis content avec mon travail. Tu fais fais quelque chose. Oui. C'est important pour moi toujours.

37. S : Tu te sens bien à l'association ?

38. M : Mmm... oui, oui, ça va bien merci. Je t'ai dit je viens tous les jours.

39. S : Tu aimes les cours de français ?

40. M : (Silence) L'école c'est une chance tu vois. Moi au Maroc, je suis pas allé longtemps à l'école. Pas facile. La vie est dehors. Alors maintenant à Saint-Josse, j'aime bien oui. Eh ::: mon français c'est difficile tu sais (Rires). Mais je suis content, El M. aussi, A. aussi, tous sont contents avec vous.

41. S : C'est utile le français dans ta vie ?

42. M : OUI bien sûr ! C'est sûr ça ! Tu vois, autre jour... euh ::: attends, di- dimanche je crois, oui, oui mmm dimanche, je je suis allé marcher au parc de Cinquantenaire, là-bas à côté à côté... tu connais ?

43. S : Oui, oui.

44. M : Voilà. Bon. Euh :::Je marche\

45.

82

S : Tu étais avec El M. ?

46. M : Non, non, tout seul. Euh ::: Je marche alors tranquille, tranquille, doucement. Et là... la police... mais moi je vois pas eux... et demande mes papiers (Rires). Mais moi j'ai pas mes papiers!

47. 5 : Tu n'as pas de papiers belges ?

48. M : Oui, oui j'ai la nationalité belge..... mmm j'ai la carte du belge tu vois. Mais oui, non, mes papiers sont à à à la maison. Toujours c'est ça.

49. S : Ah tu les avais oubliés ?

50. M : Non, non. Pas oublié. C'est pour les voleurs ça. Je pense attention aux voleurs.

51. S : Je comprends pas.

52. M : Euh:::: si j'ai mes papiers quand je marche....si tombent euh ::: les voleurs prendre mes papiers tu comprends ? Après, moi j'ai plus de papiers et *xx xxx* beaucoup de problèmes avec Belgique. Comme ça, c'est facile je pense.

53. 5 : Et tu l'as expliqué à la police ? En français ?

54. M : Oui, oui. Bien, ils ont dit que ah non ça ::: c'est pas comme ça :::, que les papiers c'est avec moi, pas à la maison... Et tout ça ::: c'est obligatoire tu vois. Ils ont compris mais il faut les papiers quand tu marches au parc. C'est comme ça oui. Je sais mais mais... hum.

55. S : Tu les prendras alors quand tu sors ?

56. M : (Rires) Eh:::: n :::- non. On verra.... On verra.... La police est pas toujours là-bas tu sais *xx xxx* (sourire).

57. 166. S : Quand tu es arrivée ici, qu'est-ce que tu as pensé de la culture, des gens ? Avant de leur parler en français je veux dire.

58.

83

167. M : Pfff... Hum... Je pense ils sont tous seuls. Personne dans la rue, on écoute pas de bruit ou ou les enfants dehors... je sais pas. Comme euh ::: c'est différent de Maroc tu vois. Nous on est dehors et on va là ou là ou... là-bas. Toujours avec la famille, les... hum... comment se dit.... Les les personnes à côté de la maison...

59. S : Les voisins ?

60. M : Les voisins.... Euh ::: manger, parler avec les voi- euh ::: et tout. Alors Bruxelles, c'est différent oui. Pour moi, un petit triste oui.

61. S : Pas de soleil ?

62. M : Non. Oui.... Non, non. Pas de soleil mais le le le contact avec les gens vraiment difficile pour moi. Je ne sais pas faire comme eux euh ::: pas dehors, pas le bruit, pas la famille. Je comprends pas quand j'arrive... Mmm maintenant ça va, ça va. Un petit mieux hum.

63. S : Tu aimes la Belgique comme ça ?

64. M : Oui ::: j'aime. J'ai l'habitude maintenant, c'est ça. Avant je veux rentrer au Maroc tous les jours mais... je peux pas sans l'argent. Et là-bas on fait quoi ? Je raconte quelque chose ?.... Pfffffff, ça ne va pas. Non, non, non.

65. S : Tu retourneras définitivement au Maroc ?

66. M : Non, non (soupirs).

67. S : Hum. Bon.

68. (Silence)

69. S : Ça va M. ? Tu veux qu'on arrête ?

70. M : Non, non ça va merci. T'es gentille. Ah ::: la tête, la tête... ça fait mal (sourire). Toi, tu manques à ton pays ?

71.

84

S : Euh ::: ben mmm oui, oui. Mon pays me manque. Mais bon, ça va, je ne suis pas loin. Et puis je je rentre à chaque vacance.

72. M : C'est ça.

73. S : (Sourire) mmm. Bon. Est-ce que tu vas à une autre ASBL pour apprendre le français ?

74. M : Non, non. Avant j'étais une fois un petit à une ASBL de Saint-Gilles. Mais après on est changé de maison tout ça et.... C'est ça xx xxx. Mais l'ASBL c'est pas pareil.... Je sais pas.... Je.... Mmm je me sens pas comme ici. Tu vois y a Madame D. elle demande des nouvelles des enfants tout ça et- :::: mais là-bas.... Non. Pas comme ça. Toujours les cahiers, le français. J'aime pas.

75. S : Tu y es allé combien de fois ?

76. M : Une fois c'est tout. Un ami, tu vois. Un ami m'a dit ah ::: viens avec moi. Je vais des cours de français à Saint-Gilles.... Euh :::: c'est bon pour toi. Après tu parles comme un Belge il dit (Rires). Mais bon.... (Rires).

77. S : Il continue là-bas ?

78. M : Euh :::: je sais pas, je crois pas.... J'ai plus trop contact avec lui maintenant.

Hum.

79. S : Tu sais pourquoi il dit parler comme un Belge ?

80. M : (Sourire) Je sais pas. Peut-être il pense que c'est bien ou.... Comment on dit..... euh ::: meilleur. Moi je sais pas. Je parle un petit français mais je suis de Maroc, pas belge....mmm. C'est ça, c'est différent de lui. C'est comme ça oui.

81. S : Tu ne te sens pas belge ?

82. M : Belge ? (sourire) pourquoi ?.... Je suis marocain (silence). C'est tout.

83. S : Combien de langues tu parles M ?

85

84. . M : L'arabe c'est tout.

85. S : Et le français aussi !

86. M : (Rires). Oui... un petit. Mmm. Euh ::: je comprends un petit aussi l'espagnol... avec avec El M., eh ::: je parle (sourire) un peu... comme ci, comme ça.... Tu vois (sourire).

87. S : Dis donc tu en parles des langues M !

88. M : (Rires) Oui, oui ! C'est ça.

89. S : Tu penses bien parler le français ?

90. M : Moi ? euh ::: non, non, non. Je... je je parle avec les gens et dans dans la rue
xx xxx je sais pas écrire bien. Lire... pfff... difficile toujours. Et ::: tout à l'heure t'as vu je pas bien compris la question hum. Mais ::: ça va, ça va. Je débrouille comme tu dis (sourire).

91. S : Tu as beaucoup progressé M ! C'est vrai !

92. M : Merci. T'es gentille (sourire). Je pense il faut étudier toujours. Mais moi j'ai pas de l'école comme toi.... Et pis je suis vieux moi (Rires).... C'est pas facile là (en touchant sa tête)..... ça marche pas tous les jours maintenant mmm. Et ::: ça va, ça va. J'ai la santé *xx xxx*. Et bientôt l'exam. C'est facile ou ou difficile tu dis ?

93. S : Non. Ne t'inquiète pas M. C'est comme on a fait hier. Tu sais la présentation en groupe que tu as faite avec M ? C'est pareil.

94. M : Hum

95. S : Ça t'inquiète ?

96. M : Non, non.... Un petit oui. J'étudie un un peu à la maison alors.... Et si j'ai pas l'exam, j'ai pas l'attestation ?

97.

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S : Ca je ne sais pas. Il faut que tu vois avec L, d'accord ?

98. M : Ah ça va.... Merci S.

87

Annexe 13 : Transcription entretien individuel 4

Informateur : I

Date : 25 mars 2014

Durée : 32 min

Lieu : Local de l'ASBL Avenir

1. S : Alors donc I (bruit de chaise) ... ça va ? Ouais ? Bon. Euh ::: donc je voulais savoir comment s'est passée ou se passe ton installation à Bruxelles.

2. I : D'accord. Euh ::: par où je commence..... euh ::: oui. Ben en fait je suis venue en Belgique pour mon mari. Euh ::: on on voulait avoir une vie mieux que au pays.... alors comme des cousins ont fait aussi en Belgique.... Mmm, on a pensé c'est mieux de partir. Avec les cousins là ben c'est plus facile et ça rassure, tu vois ce que je veux dire ? Voilà. Donc on va et et euh ::: voilà. Un peu l'aventure mmm...J'étais contente oui c'est vrai.... Non, un peu contente et un peu un peu triste aussi. Triste/pour ma famille de là-bas... ma m-..... euh ::: mes *xx xxx*. Et content- contente pour venir en Belgique. Ah ::: mon rêve, et c'est vrai (rires), c'était de faire des études (silence). Mais.... je.....je..... Un rêve mmm (rires).

3. S : C'est peut-être toujours possible ?

4. I : Oh :::: je crois pas non. Si je réussis l'examen de français....là ::: c'est bien déjà ! Non, non mais c'était un rêve, j'étais jeune encore (rires). Et :::: donc voilà euh ::: on part et :::: on on nous arrivons à Bruxelles. Parce que ::: les cousins de mon mari sont là et donc on pouvait habiter dans quelque endroit. On était content.... Hum.

5. S : Vous avez vécu longtemps avec eux ?

6. I : Euh ::: attends hé : hum... quelque chose comme trois ou quatre mois... oui je crois que c'est trois ou quatre mois avec eux. Mais c'était bien ! Je m'entends bien avec la famille de mon mari et c'est comme être à la maison en Belgique ! Euh ::: tu vois la

88

cuisine, la langue, euh ::: tous les jours, les trucs de de la maison... on était bien. Avec les enfants...aller à l'école ou au au parc hé ou.... je sais pas. Plein de choses, plein de choses

7. S : Pourquoi vous êtes partis ?

8. I : Ben en fait... mon mari a trouvé un travail de de de.... euh ::: pour faire les maisons... j'sais pas comment on dit... comme A. ....

9. S : Un maçon ?

10. I : Qui fait les maisons.... les immeubles...

11. S : Un maçon oui.

12. I : ... Euh oui c'est ça je crois, un maçon. Et en fait on a décidé de trouver une maison pour nous. Et on a trouvé ici dans le quartier.

13. S : Tu étais contente ?

14. I : Hum... oui, oui. Ben... oui et non en fait. J'étais contente parce que ::: la famille de mon mari c'était trop. Ah ::: ben ::: c'est pas ma famille en fait et.... et je sais pas mais moi je sentais que c'était pas ma famille. Je sais pas expliquer.... mmm c'est bizarre mais je voulais partir en fait. Trouver ici, c'était bien. Voilà. C'est vrai, c'est petit et... pas très nou- ::: pas très nouvelle mais voilà c'est... c'est chez nous.

15. S : Hum

16. I : Oui.

17. S : C'était quand ça ?

18. I : Quand ? ben... j'sais pas. Attends... parce que moi les dates.... Pfff... Ben ça fait xx xxx que je suis mariée hum hum ouais comme deux ou trois ans à peu près voilà vite fait. Mais je je regarde mieux à la maison et je te dis vendredi/ ah non pas vendredi... euh ::: je te le dis oui oui.

89

(...)

19. S : D'accord. Sinon, c'est pas grave. Donc, vous vous installez dans votre maison et\

20. I : Euh non pas une maison un appartement.

21. S : Ok en appartement. Ton mari est toujours maçon... Et toi tu travailles ou... ?

22. I : Je travaille pas en fait. Euh je cherche mais je travaille pas. Mais je veux faire une formation pour pour travailler avec les enfants. J'aime ça, travailler avec les enfants.

23. S : Et où tu fais cette formation ?

24. I : Non, non pas encore. Je je regarde mais c'est pas c'est pas facile de trouver à côté de la maison. Euh ::: je veux essayer de pas prendre le métro ou le bus, tu vois ce que je veux dire. En fait j'avais trouvé sur xx xxx mais je savais trop tard et j'ai j'ai perdr-non j'ai per... ah ::: c'est comment déjà ? J'ai perdre ::: non, le participe passé.

25. S : Perdu, j'ai perdu. Il est un peu spécial celui-là !

26. I : Ouais ! Euh ::: oui. Donc j'ai perdu la la place de la formation et... voilà. C'est dommage hé.

27. S : Ce sera pour la rentrée.

28. I : Pour la rentrée ?... Ah ::: oui oui pour la rentrée, en septembre pfff ouais.

29. S : Tu parles combien de langues I ?

30. I : Avec ou sans le français ?

31. S : Tu parles français là ?

32. I : (Rires) ok. Euh::: ben je parle arabe, c'est ma langue maternelle de mon pays, le français alors.... mmm je je.... Ben je comprends un peu l'anglais mais ça compte ça ou pas ? Ça compte que je comprends les chansons de Rihanna (Rires) ? Non, non

90

pardon, je rigole. Non mais c'est vrai. Je crois je comprends mais je sais pas si je parle en fait.

33. S: *How are you I?

34. I: Quoi?

35. S: Je dis: *how are you*?

36. I: (Rires) Ah:::: euh::: *how are you* euh::: *good*, *ok*, *yes*.

37. S : Ben tu vois : tu parles anglais !

38. I : Pfff ouais.... anglais.... (silence). Je crois je vais dire arabe parce que c'est ma langue maternelle, français parce que je l'apprends ici et... voilà c'est tout. Parce que l'anglais.... c'est pas trop ça en réalité.

39. S : D'accord. Donc tu penses être bilingue en français ?

40. I : Bilingue ? Qu'est-ce que tu veux dire bilingue ? Comme.... Euh::: je sais pas.

41. S : Si tu parles aussi bien l'arabe que le français.

42. I : Mmm. Ben... je sais pas. Toi tu me peux me dire non ? Non, attends je réfléchis.

43. S : Vas y prends ton temps.

44. I : Je crois que non. Parce que l'arabe je le parle tout le temps à la maison, avec mes copines, au téléphone avec ma mère euh ::: voilà en fait. Ici aussi à l'association, je parle avec W en arabe ou ou avec I mmm oui non je je crois pas être euh ::: bi- bi quoi déjà ? Je sais plus.

45. S: Bilingue en français.

46. I : Oui non bilingue. Non non je suis pas bilingue en français. Français je parle seulement ici en cours ou bien dans la rue ou non ben quand c'est pas Saint-Josse ou que je connais pas les gens.... (silence). Tu vois c'est... c'est un peu un peu... ouais je

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parle français et j'aime vraiment c'est intéressant mais... mais c'est c'est pas langue en réalité. Tu vois ce que je veux dire ? C'est pas méchant ce que je dis c'est juste que c'est pas ma langue c'est tout.

47. S : Oui oui je comprends I.

48. I : Ah::: merci parce que je veux pas que vous pensez que j'aime pas le français ou ou que... que je défends l'arabe et que je cherche les histoires comme.... le dit l'autre là... S. Moi c'est pas ça. C'est juste que c'est ma langue donc j'ai le droit de la parler. C'était trente secondes, juste pour expliquer quelque chose ça va c'est bon *xx xxx*.

49. S : D'accord calme toi I. Mais bon hum::: tu peux comprendre qu'ici, à l'ASBL, on est là pour apprendre le français.

50. I : Oui je suis d'accord et et c'est pour ça que je viens mais elle elle a pas à parler comme ça là. Pour qui elle se prend celle-là ?... pour la petite chef là xx xxx

51. S : Mais pourquoi tu t'es mise à parler en arabe ce jour-là ?

52. I : Je vous l'ai dit : je voulais juste expliquer un truc à J et je parlais qu'à J moi pas à l'autre là. C'est pas grave non pour expliquer j'ai pas insulté j'ai pas rien dit sur personne. Juste expliquer voilà c'est tout (silence). De toute façon c'est ma culture, ma langue, je parle quand j'ai envie.

53. S : Bien. Tu veux un verre d'eau ou.... un thé ? Quelle heure il est ?.... Ah ::: ben y en a peut-être encore en cuisine ? Je v\

54. I : Non non c'est bon merci. C'est gentil ça va. Je me calme. C'est juste.... Pfffffffff voilà (soupir).

55. S : Allez parlons de quelque chose un peu plus amusant : comment tu trouves les Belges ? Attention je veux dire en général (rires) ?

56. I : (Sourire) les Belges je les trouve blancs, fades\

57.

92

S : Quoi ?

58. I : Ouais c'est vrai quoi... les filles elles sont blondes blanches, elles ont pas de sourcils, la peau toute transparente... j'sais pas c'est bizarre.

59. S : T'exagères pas un peu I ?

60. I : Non non c'est vrai demandez même à I l'autre jour on est allé au magasin à xx xxx et on a vu une une femme ouais une femme mais vraiment TRES TRES blanche tellement qu'on a cru qu'elle était malade la femme. Mais je crois elle était pas malade.... Enfin je sais pas en fait. Mais non elle est pas malade, elle est comme ça. C'est le soleil ça, c'est c'est normal ici aussi.

61. S : Je crois que tu es pire que moi avec l'histoire du soleil !

62. I : Non mais c'est vrai ! La vérité !

63. S : Et comment tu trouves le caractère des belges ? Tu en connais ?

64. I : Ben non pas trop : toi, L, euh ::: les stagiaires... ils sont gentils euh ::: après y a des gentils et d'autres méchants ça c'est partout même chez les arabes ou les turcs ou quoi mmm je me rappelle que avec A tu sais la stagiaire on a fait une activité sur ce que mangent les Belges et c'était bizarre (grimace). C'est vrai euh ben ils mangent des trucs, des gâteaux tout secs avec des petits pains et du *xx xxx* parce qu'ils sont pas musulmans tu vois.... et et aussi ils font je crois attends.... un repas chaud je crois ouais c'est ça. Euh ben ça moi j'ai pas compris. Je te jure j'ai pas compris. J'ai demandé à.... à A et c'est comme ça c'est la culture de chez eux. Je respecte hé mais pour moi pour moi c'est bizarre. Nous on adore manger, manger et manger..... et hum.

65. S : Est-ce que tu te sens bien à Bruxelles ?

66. I : À Saint-Josse oui je me sens bien ça va ouais. Je suis pas toute seule : j'ai I et J on se voit souvent. On va au marché ensemble et... on fait la cuisine ou des trucs comme

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ça. C'est bien ici j'aime bien c'est c'est comme une famille en fait euh. Je crois je pourrais plus partir (silence) ouais non ça ça je ça me manquerait je crois hum...

67. S : Et à l'association tu te sens comment ?

68. I : Pfffff ça dépend des jours des fois ça va je parle à personne et fais le travail et ça passe vite. Mais y a des fois ça me saoule parce que les autres t'écoutent parler ou font des remarques.... Et moi j'aime pas ça tu vois. Si tu as à dire quelque chose tu le dis en face pas comme ça à moitié à quelqu'un d'autre c'est pas comme ça. Ça s'appelle du respect moi je je respecte les les autres alors c'est pareil. Je crois c'est aussi un respect pour vous les profs si tout le monde est gentil et pas méchant ou hypocrite avec les autres. Mais beaucoup ne pensent pas comme ça dans la classe de français. Moi je suis là pour apprendre parce que ça m'intéresse et que je peux bien parler français, je sais.

69. S : Quels sont tes points forts et tes points faibles en français ? À ton avis ?

70. I : La grammaire c'est pas mon truc je comprends pas la grammaire c'est c'est difficile pour moi et.... c'est tout je crois.

71. S : Mais tu écris bien pourtant ?

72. I : Ah non non, je fais beaucoup de fautes dans les phrases pour me comprendre je réfléchis longtemps on dirait un enfant (rires) mmm non je je ben oui j'écris tout le temps ici à la maison mais avec des fautes c'est sûr. Et je sais pas si je fais mieux ou pas maintenant.... euh.

73. S : Pourquoi tu es venue à l'ASBL ?

74. I : D'abord pour améliorer mon français parce que moi j'ai appris toute seule le français mais voilà c'est pas un jo- joli français je crois.... euh je voudrais parler mieux.... plus.... Plus je sais pas plus comme toi et L tu vois ce que je veux dire hé. Et aussi je suis venue pour avoir des contacts avec des personnes tu vois mon mari travaille toute la journée et moi je fais quoi ah fais le ménage, ah fais le linge, ah fais

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le manger, fais les courses pfff non non c'est bon je suis pas une xx xxx j'aime sortir me faire jolie me préparer pour sortir mais pas sortir dans les cafés ou ou quelque chose comme ça non non. Sortir pour aller à la classe ou au au marché voilà. Ben je suis jeune je veux un peu un peu.... comment on dit euh comme pri- pas privée vivre quoi pas la folle mais juste vivre (silence). À l'association je vois des gens et je parle avec tout le monde et ça me plait oui.

75. S : Ok. Parlons de ton pays. Tu y retournes souvent ?

76. I : Au Maroc j'ai ma famille : ma mère, mon père, mes soeurs, mes cousins et non je peux pas y retourner quand je veux c'est pas possible on peut pas mais ma mère va venir là pendant un peu de temps.

77. S : Ah c'est bien !

78. I : Oui oui je suis contente je lui ai dit de m'emmener du manger de là-bas que j'aime (sourire) et des parfums et des habits traditionnels du Maroc comme ça pour la maison et les fêtes hum.

79. S : Tu es d'où exactement ?

80. I : De Tanger. C'est très joli vraiment c'est pas parce que c'est ma ville (main sur le coeur) mais la mer, la plage et le souk c'est c'est la liberté, la nature y a du vent.... J'sais pas c'est là-bas c'est chez moi c'est comme ça en fait.

81. S : Tu retournerais y vivre ?

82. I : Ben ::: je sais pas des fois je me dis que oui des fois je me dis que non (rires). C'est entre les deux le mieux c'est d'avoir un peu des deux : six mois en Belgique et six mois au Maroc. Non non je sais pas. Mais moi là-bas je veux être libre à la européenne et ça ça marcherait pas non alors comme ça je peux pas tourner retourner c'est le problème au Maroc l'image de la femme c'est c'est pfff c'est trop voilà.

83. S : Tu restes ici alors ? Tu vas fonder une famille ici ?

84. I : Des enfants pas encore ! Non non d'abord je vis, je travaille et après les enfants je suis jeune.

85. S : Tu as quel âge ?

86. I : Vingt-trois ans.

87. S : Oui en effet t'es toute jeune.

88. I : C'est pour ça moi je veux attendre et voir après je je fais pour moi, mon mari et la suite je sais pas ça dépend de beaucoup de choses moi je pense pas comme A que sa femme reste enfermée pour lui préparer le repas, fait le ménage et même pas il lui parle non j'suis pas d'accord avec ça ça ça m'énerve en réalité quand A parle comme ça. Moi sa femme ça me fait de la peine pour elle en fait je comprends pas j'ai vu ma mère comme ça et et.... non non moi je veux pas. Après je sais ce que les autres y pensent je suis pas stupide je sais ce qu'elles disent dans la classe les F, S et tout mais moi je m'en fous je fais comme je veux. Ça ne les regarde pas. Tu vois par exemple moi je voulais participer au projet du Home100 mais on m'a dit non c'est F, J et S qui y vont moi non.

89. S : Tu sais pourquoi ?

90. I : Pfff je sais pas parce que je suis absente parfois au cours je sais pas.... J'ai

demandé à L mais voilà.... non en fait c'est comme ça S fait partie du CA alors voilà elle va au Home c'est pas normal c'est pas normal je dis mais c'est toujours comme ça en fait.... mmm. Bon c'est rien ça va c'est pas grave...

91. S : Mais oui, il y aura bien un autre projet pour toi à la rentrée.

92. I : Hum... on verra j'espère *inchallah* si Dieu le veut.

95

100 Centre gériatrique de Saint-Josse.

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Annexe 14 : Transcription entretien individuel 5

Informateur : E

Date : 25 avril 2014

Durée : 1 h 04 min

Lieu : Local de l'ASBL Avenir

1. S : Alors donc E (silence) donc en fait, je voulais savoir comment, euh : se passe ou s'est passée ton installation en Belgique.

2. E : Hum alors bon en fait, quand je voulais venir ici en fait, je voulais venir pour rencontrer ma famille. Enfin surtout mon frère. Ben oui, parce que j'étais étudiante à mon pays et puisque mon frère n'a pas encore de papiers à ce moment-là, alors il avait déjà cinq ans qu'il n'était pas venu. Fin, il était avec ses enfants, sa femme. J'avais déjà ma soeur ici tu vois, j'ai beaucoup de femmes ici. Mais surtout lui, il n'avait pas encore de papiers et puis, c'est moi (main sur le coeur) je n'avais pas de parents. Fin mes parents ils étaient déjà décédés. J'avais dix-huit ans quand j'ai perdu mes parents en fait.

3. S : Donc tu étais seule au Kosovo ?

4. E : Non non, nous on vit toujours avec un frère ou quelqu'un de la famille tu sais. Si tu n'es pas mariée, tu ne vis pas toute seule. On avait la maison au village, y avait mon frère qui l'habitait parce qu'il, enfin ils sont enseignant avec sa femme. Et ben, quand j'ai perdu ma mère, y avait encore mon père mais tout le monde était déjà marié en fait. Je suis la dernière de la famille, mais puisque moi je faisais les études alors je vivais avec mon père. Mais mon père il est mort directement un an après ma mère. Fin

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c'est incroyable. C'est comme ça, alors j'suis allée chez mon frère. Je vivais chez mon frère, je faisais des études en même temps.

5. S : Donc, des études de math !

6. E : Oui, mais j'habitais après chez mon frère. Fin, tu ne peux pas rester toute seule chez nous. Une fille qu'elle n'est pas mariée, elle ne vit pas toute seule et même quand je suis venue ici hein, j'ai vécu chez mon frère trois ans. Je ne pouvais pas vivre toute seule si je n'étais pas mariée. Fin j'suis musulmane, mais enfin j'suis très ouvert. C'est comme ça on est élevé. Comme ça, ce n'est pas que moi je veux. Quand mais tu es élevée comme ça c'est dans les coutumes, les machins. J'suis très très ouvert, je fais ce que je veux et tout. Je veux dire on garde toujours des trucs de chez nous quand même. Du moins au début hein, alors j'suis y avait la fille de ma soeur qui était venue. Elle est restée deux mois à ce moment-là, mais parce que moi, il fallait accompagner la fille de ma soeur.

7. S : C'est pour ça que t'es venue ?

8. E : Oui, à ce moment-là, tu venais avec un passeport. Je fais mon passeport et c'est tout. Et je venais pour rendre visite, accompagner ma nièce qu'elle avait seize ans. J'suis venue avec le bus pas avec l'avion.

9. S : Avec le bus ?

10. E : Oui !

11. S : Mais y a combien d'heures, de jours ?

12. E : Deux jours et un nuit, mais y avait deux chauffeurs quand même.

13. S : D'accord.

14. E : Et c'est comme ça, que je suis venue en Belgique tu vois. Y avait la période des vacances hein, moi j'étais venue pour les vacances ici en fait. Juste après, nous on

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commence attends septembre, octobre. Je commençais à aller à l'école au mois de octobre tu sais, pour écouter la deuxième année.

15. S : Donc, tu étais à l'université ?

16. E : Non, de l'école supérieure.

17. S : De l'école supérieure deuxième année ?

18. E : Oui.

19. S : Mais c'était en quelle année ça ?

20. E : C'est nonante deux. Je suis venue ici le mois d'octobre nonante deux et j'suis venue pas pour rester hein. Moi (main sur le coeur) j'étais venue .... Et je vois parce que euh :::, mon frère vivait là-bas en fait et moi allez. J'ai grandi avec les enfants de mon frère parce que j'avais six ans et demi quand mon grand frère est marié. J'étais très jeune et lui il a eu des enfants assez vite. Ça veut dire que j'ai grandi avec les enfants de mon frère et nous on vivait tous ensemble. Mes parents, mes frères, les soeurs qui étaient pas mariées tout ça, on vivait ensemble. L'âge, en fait, dans une maison mais ce n'est pas une petite maison comme ici hein. T'as plein de, euh :::, bon y avait le salon qui est pour les invités. Y avait la partie où l'on faisait à manger tu vois, comme une cuisine. Mais c'était un grand espace qui faisait à manger et qu'on mangeait aussi et le grand salon c'est juste pour les invités. Fallait pas manger là-bas là, c'était juste une partie. Une grande chambre six avec huit, je ne sais pas, enfin de mètres. C'était très grand. C'est un village tu appartiens à toi. Toi tu ne payes pas chez nous. Tu parterre et tu construis quand tu as envie quoi. Tu payes une petite taxe maintenant la loi mais c'est différent en fait. Mais on vivait tellement bien et heureux et on n'avait pas arrière-pensée comme maintenant. Y avait pas d'arrière tu vois, des trucs comme dis maintenant tu sais. On a toujours une arrière-pensée tu vois, on pense toujours pour après. Avant on ne pensait pas comme ça, on vivait et voilà comme ça on ne vivait pas. Spécialement ici, faut toujours dire ouais qu'est-ce que je dois faire demain ou après une semaine tu vois. C'est stressant stressant stressant. La vie, elle

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était meilleure. En tout cas moi, j'étais content. Parce que moi, je faisais ce que je voulais. Je faisais quelque chose que j'aimais bien de faire. Mes études parce que bon, sinon on fait c'était chez nous. C'était un truc après la quatrième secondaire. Parce que nous, tu fais huit ans en primaire et quatre ans, mais ça revient la même chose tu dois quand même faire tes douze ans d'études pour aller en fac. Alors à ce moment-là, quand tu es en quatrième année, les parents ou les grands frères, les machins, ils disent toujours tu veux continuer tes études ? Ça veut dire aller en fac ou ce que tu veux, comme ici des grandes études, ou tu veux rester à la maison ? Mais tu dois quand même faire le secondaire hein. Tu vois si tu veux plus continuer, si tu trouves difficile et tout ça, alors tu trouves quelqu'un tu vois, pour qui la famille comme par exemple chez les marocains qui t'épouse, te marie et qui te fait les choses quoi. Voilà chez nous c'était comme ça.

21. S : Ah on te trouvait ton mari ?

22. E : Non, si tu ne trouves pas ben, c'est avec tes connaissances après voyez. Alors si tu es en dernière année ben, voilà tu connaissais les gens, tu étais toujours à l'école et t'avais la possibilité d'avoir quelqu'un que tu aimes. Ben dans ma famille c'était comme ça.

23. S : Tu pouvais choisir toi quand même ?

24. E : Oui bien sûr, moi (main sur le coeur) j'étais libre de faire ce que je voulais mais alors si tu trouvais quelqu'un c'était toujours un peu plus difficile. Bon parce qu'après un an, il voulait se marier avec toi et c'était fini les études quoi tu vois. Ça ne pouvait pas durer comme ici tu vois. Tu es avec la personne, tu vis comme elle un an ou deux ans ou trois ans tu vois. Tu sors avec la personne mais, tu es sûr que c'est lui, ça marche pas comme chez nous. Ça va pas durer voilà et alors tu as été décidée ben, après fallait que tu te maries et ça ce n'était pas mon ma personne moi, je voulais que l'école pour moi. Ce n'était pas important de trouver quelqu'un, se marier, d'avoir des gosses, des machins. Pourtant j'adore les enfants, j'adore, j'ai toujours dit d'avoir beaucoup d'enfants. Pourtant, j'en ai quelques-uns mais bon, ça c'est la vie et quand

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j'suis venue ici voilà, je suis venue mais tout de suite après avec tout ce qu'on n'a pas fait, d'ailleurs moi, je ne pouvais plus retourner dans mon pays parce qu'on avait fait, tu vois des démonstrations tous les étudiants on faisait ça en fait. Avant la guerre pour ce qu'on n'était pas d'accord, on n'était pas content. Ça c'était ma déclaration en fait. Quand je suis venue ici moi, je ne suis pas partie six ans à mon pays moi hein, je pouvais plus retourner.

25. S : Quand t'es venue en octobre tu pouvais plus retourner ?

26. E : Si si, il fallait que je retourne après un mois. Ça c'est tu vois, quand j'ai eu mon passeport, ça veut dire je venais en visite. Je venais voir ma famille, mais alors fallait que je retourne à ces délais-là. Mais j'suis pas retournée, parce que avec tout ce que j'avais fait avant la première année avec les jeunes et tout ça, les démonstrations et tout ça en fait.

27. S : Démonstrations c'est manifestations ?

28. E : Oui, dans manifestations les jeunes avec les pancartes, on veut ça, on veut ça parce que c'est la seule vie qu'on voulait prendre au Kosovo. Mais alors c'est souvent les jeunes qui commencent contre en fait chez nous. C'était comme ça ça a commencé et puis l'école était fermée. Alors il fallait aller dans y avait des gens riches comme partout qui laissent leurs maison pour les étudiants pour aller étudier.

29. S : Ah d'accord.

30. E : Ça a duré quelques années comme ça chez nous.

31. S : Comment ça ? C'est-à-dire que tu pouvais aller à la fac et ensuite tu allais étudier dans la maison ?

32. E : Ben c'était fini la fac, tout était détruit !

33. S : Ok, tout était détruit, plus de bâtiments ?

34.

101

E : N'y avait plus rien pendant la guerre chez nous. Où y avait tu vois, où on faisait les journaux tout ça, tout tout ce qui est en construction, qui était connu et tout ce qui était les bâtiments qu'on faisait des choses, tout était fini en fait. Il fallait reconstruire en fait maisons et tout hein.

35. S : Mais toi tu l'a vu ça ?

36. E : Non, j'étais déjà venue ici. je n'ai pas connu la guerre. C'est pour ça en fait, puisque mes parents vivaient pas. Alors puisque l'école était fermée un moment donné, parce qu'il disait oui ça va fermer pour un moment ! C'était fini, c'était pour des années en fait. C'est ça, même les enfants en primaires, en secondaire tout c'est dans les maisons hein ils ont continué après la guerre quelques années, y avait plus d'écoles.

37. S : D'accord. C'est les personnes riches qui donnaient des leçons ?

38. E : Non, les profs. Non, non, c'était des profs. Mais par exemple, c'est comme cette maison, alors les personnes ils laissaient leur maison et faisaient des classes.

39. S : D'accord, je comprends. Donc, c'était caché enfin c'était clandestin ?

40. E : Pour ce n'était pas tout à fait fini l'école en fait. Pour ne pas tout à fait arrêter, parce que ça a duré quand même des années. Moi je n'étais pas là, mais c'est pour ça mon frère il m'a dit après trois mois, il a dit pourquoi tu veux retourner ? Mais moi je ne voulais pas rester ici, ça me plaisait pas du tout. Déjà la maison qui sont collées l'un à l'autre, mais non ce n'est pas une vie. Tu sors, tu vois que la rue et tous les bâtiments sur les côtés et tu vois que le ciel. Je n'étais pas habituée comme ça. Je ne sortais plus, car je me sentais, on dirait que je ne sais pas respirer hein. C'était très difficile au début hein, avec pas moyens et ma soeur mes soupirs, enfin si les parents vivaient, j'suis d'accord tu pouvais y aller. Mais on a plus de parents, tout le monde déjà marié. Qu'est-ce que tu vas faire, qu'est-ce que tu vas faire là-bas et pis y a la guerre et y a pas, tu peux plus y aller à l'école. C'est plus comme avant quoi. C'est vrai, fallait beaucoup de temps que j'accepte déjà aller me présenter ici comme

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réfugiée. Bon avant, nous on ne comprenait pas le mot réfugiée politique hein, parce que moi j'suis déclarée comme réfugiée politique.

41. S : D'accord, parce que ta soeur t'a dit de te déclarer comme ça ou c'est toi qui... ?

42. E : Oh ben, mon frère, ma soeur, ils disent il faut que tu ailles présenter comme tu vois xx xxx. Tu vois à ce moment-là, c'était juste le château près de xx xxx. Y avait des réfugiés en fait. Ça n'existait pas les bâtiments tout près de coin du nord. Moi je n'ai pas connu ça. Moi j'ai eu mes papiers après un an et demi j'ai été reconnue

directement. Ben j'ai raconté ce que je vous dis hein, moi je ne sais pas dire autre chose.

43. S : Mais tu l'as dit en français ?

44. E : Non, j'avais une traductrice en albanais. Ah oui, au début moi je ne connaissais pas mais après non je te jure. J'ai commencé à travailler et c'est venu toute seule comme ça. Mais moi (main sur le coeur), c'est avec la télé. J'ai regardé beaucoup la télé, mais je ne savais pas quoi faire d'autre. J'ai nettoyé chez mon frère, j'ai nettoyé la maison de ma soeur parce que mon frère avait une maison, ma soeur aussi et alors comme ça j'allais chez l'un chez l'autre et j'aidais. Je faisais la cuisine, j'adore faire la cuisine et alors avant que j'ai eu mes papier, j'avais travaillé dans un restaurant gréco-italien. C'était juste au coin de xx xxx.

45. S : Ah, c'est ce que tu disais une fois.

46. E : Oui oui, c'est la vérité. J'ai fait ça un an et demi. Mais quand j'ai eu mes papiers, je pouvais travailler. Ben j'ai eu mon travail, mais c'est comme ça que j'ai commencé. Mais depuis que je suis en Belgique, j'ai toujours travaillé au noir ou et après toujours déclarée tu vois. C'est au coin chez ma soeur, y avait une connaissance et dit : oui on a besoin de quelqu'un pour couper la salade, pour nettoyer par exemple, tu vois les scampis. Tu vois des trucs durs tout tout. Voilà, je ne sais pas comme on dit ça, mais bon moi j'avais compris et enlever tu vois, les assiettes et tout ça de la machine. Bien y avait des trucs comme ça tu vois, ce n'était pas des, c'est juste des planches que tu

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mets dans les restaurants. C'est comme ça moi je travaillais, c'était comme ça et voilà. Je n'avais pas encore les papiers quand j'ai commencé à travailler comme ça.

47. S : Et comment tu communiquais avec les gens quand tu es arrivée ?

48. E : Et alors ils étaient gentil avec moi.

49. S : Les Belges, ils étaient gentils ?

50. E : Oui, y avait une Algérienne et un Belge qui faisaient la cuisine, mais le patron
c'était un Italien et sa femme c'était une Grecque ou c'est lui grec et sa femme

italienne fin. C'est pour ça qu'il faisait la cuisine italienne, euh :::, gréco-italien s'appelait. C'est comme ça je me suis présentée et en fait y avait beaucoup de monde à ce moment-là. Y avait beaucoup d'albanais en fait, justement c'est parce que la guerre venait et y avait beaucoup à ce moment-là. Quand t'allais au commissariat, ben tout autour de toi il ne parlait que les albanais. Alors tu ne te sentais pas toute seule, parce qui tu dis bon j'suis pas la seule que je fais ça. Allez tu es un petit plus assurée comme on dit et alors quand je commençais, mais moi j'avais des larmes tu vois, j'ai des frissons quand je raconte ça, parce que déjà quitter mes études je n'arrivais pas à comprendre que je dois plus le faire ça, ça c'est...

51. S : Parce que tu étais jeune là, E ?

52. E : Vingt ans, pour moi (main sur le coeur) c'était des études qui comptaient à ce moment-là. Y avait rien d'autres dans mes yeux hein et alors cette personne fin, je la voyais souvent. Maintenant quand j'y vais en ville, elle s'appelait xx xxx. Elle venait de l'Albanie, la traductrice, oui et tu sais elle a tout de suite compris. Parce qu'elle dit : on sent les gens qui sont sincères, on le sent parce qu'ils ont, tu vois une sincérité et moi je n'arrive pas à mentir. Y a rien à faire. Ça sort je ne sais pas, tu vois je dis toujours si tu donnes une éducation à ton enfant comme ça, c'est il va partir comme ça. Tu ne peux pas la faire autrement. Moi (main sur le coeur), je donne une éducation à mes enfants, j'suis pas stricte, je donne une bonne éducation. Qu'ils ont une bonne base et qui sont des gens biens. Si va pas faire de grands études et alors, s'il est bon

dans son coeur, s'il va faire du bien et s'il est bien avec les gens, s'il respecte les gens pour moi c'est la première chose pour moi. Pour nous c'est comme ça et moi je le sens

comme ça et c'est vrai ce que je fais avec mes enfants. Ils ont une bonne éducation.

53. S : Mais à tes enfants, tu leurs a appris l'albanais ?

54. E : Ils connaissent l'albanais et le français.

55. S : Ils le parlent et l'écrivent ?

56. E : Mon grand oui. Le petit, c'est pareil en fait, il va apprendre parce que bon, c'est tous les étrangers qui font ça. Tu vois, qui avoir peur comme mon frère. Il a fait par exemple les anciens comme on dit parce que mon frère il n'a pas fait des études ni ma soeur. Ils sont venus ici, vous voyez, c'est des gens simples.

57. S : Ils parlaient français ton frère et ta soeur ?

58. E : Quand ils sont venus non. Ici pas du tout, ils sont venus avant moi et je parle mieux que tout le monde dans ma famille. Fin pas ceux qui sont nés ici je veux dire, mais ceux qui sont venus de chez nous, ils ont tous un accent très allez assez fort comme on dit. J'suis la seule que je parle mieux que de tout le monde et je suis la dernière en tout cas.

59. S : Et comment tu expliques ça ?

60. E : Euh :::, souvent quand je suis avec les gens, ils disent c'est parce que tu avais déjà une base des études. Ils pensent enfin, j'en sais rien, tu parlais déjà même à ma langue par exemple, si tu demandes à mon frère de faire de belles phrases, il a difficile parce qu'il a fini que la huitième. Il n'a fait que les premières. Il a soixante-cinq ans mon frère.

104

61. S : D'accord.

62.

105

E : Il a fait les primaires et ma soeur aussi et ma soeur mariée à dix-huit ans. Toute façon elle n'avait pas son mot à dire ma soeur. Par exemple, les trois premiers dans ma famille on leur a pas demandé leurs avis en fait.

63. S : Vous êtes combien de fils ?

64. E : Six, on a quatre filles et deux frères. Un frère ici, un frère là-bas mais les trois derniers ma soeur qui est deux ans de plus que moi, elle a fait l'anglais. Elle enseigne l'anglais comme prof.

65. S : Ici ?

66. E : Non non, au pays. On est trois ici, moi je suis avec les plus âgés. Mon frère âgé et ma soeur âgée et parce qu'ils sont venus euh :::, ben, je ne sais pas y a quarante ans. Je n'en sais rien, ils sont venus comme ça, comme tout le monde pour avoir du travail.

67. S : Pour travailler à la mine ou quelque chose comme ça ?

68. E : Ici non non. A ce moment-là, ce n'était pas la mine en fait. Quand mon frère il est venu ici, il a d'abord travaillé. Nettoyer les trains, dans les hôtels, les machins et pis après il a commencé à travailler dans la société ISS je ne sais pas enfin.

69. S : Ah oui (...) c'est pour faire du ménage.

70. E : Oui.

71. E : Tu sais, lui il est devenu chef d'équipe. Quand il est sorti, il était chef d'équipe. Mon frère maintenant il a soixante-cinq ans. Il est pensionné en fait. Non, c'est parce qu'on vient d'une famille, allez on aime bien avancer malgré qu'il n'a pas fait des études. Il a bien réussi. Il a six maisons en Belgique, ici en fait.

72. S : Six ?

73. E : Oui.

74. S : Donc, il les loue ?

106

75. E : Oui.

76. S : Ah oui, c'est bien parce que ça te fait...

77. E : Il a bien réussi, c'est ça que je veux dire. Il a vraiment beaucoup travaillé. Il a travaillé dans une fabrique où on fait des fromages. Moi je n'étais pas encore là, ici hein. Ma soeur, c'est dans le nettoyage.

78. S : Mais du coup, ils parlaient bien le français quand même ?

79. E : Ils parlent mais ils ont un fort accent.

80. S : Ses phrases sont correctes tu veux dire ?

81. E : Oui oui, chez mon frère. Mais tu vois, quand tu vois mon mari. Si tu parles avec mon mari, ben tu tu dis comment ça se fait. Pourtant, on est même temps ici il sait pas parler le français.

82. S : Et toi combien de temps à peu près tu as mis ?

83. E : Moi à peu près deux ans, quand j'ai commencé à travailler, dans mon travail déclaré. Quand j'étais dans cet restaurant en fait, j'apprenais les fourchettes, la cuillère tu vois. Le chef le grand cuisinier comme on dit, alors il me disait, il prenait des fourchettes. Il me disait, moi j'ai appris avec mon travail. C'est ce que je dis à tout le monde parce que les gens ils voyaient que j'ai envie et alors, c'est parce que s'ils te voient que tu mets ta tête comme ça et que t'as pas envie. Il ne sait pas t'aider, moi je voulais apprendre. Alors, il disait donne-moi une fourchette et je savais parce qu'il mettait sa fourchette. Donne-moi une cuillère et c'est comme ça, alors moi j'arrive enfin. J'ai une bonne mémoire aussi je suppose. Parce que je ne sais pas alors j'étais xx xxx. C'est pour ça que je te dis : quand tu vois ici dans la classe, quand on parle on ne s'écoute pas.

84.

107

S : Hum hum oui, là tu ne t'écoutais pas tout à l'heure par exemple. M n'a pas compris je pense, parce qu'ils ont l'habitude de parler avec un accent comme tu dis donc, toi tu en a beaucoup moins. Il ne t'a pas compris.

85. E : Voilà (rires), moi c'est difficile pour faire comprendre El M.

86. S : Oui.

87. E : Moi El M., c'est il coupe les mots. Tu vois la plupart du temps des étrangers par exemple, il coupe le mot alors c'est comme le mien par exemple. Comme tu fais une phrase, il ne dit pas bien les choses. Moi je comprends mon mari en français. C'est vrai quand il parle avec quelqu'un, ils ont difficile à rentrer donc ça fait dix-huit ans qu'il est ici. Moi j'suis venue avant lui en fait, lui était en Allemagne.

88. S : Mais toi comment tu donc, tu as appris le français par ton travail et ensuite en cours ?

89. E : Jamais, j'suis jamais. c'est la première année que je viens à l'école en français. J'ai travaillé toute ma vie. Moi j'ai travaillé et pis un an avant toi j'ai commencé. Je

n'avais pas encore mon permis de travail à ce moment-là, car je n'étais pas mariée. J'étais jeune, alors il fallait que tu commandes le permis de travail.

90. S : D'accord.

91. E : Parce que je me suis inscrite ici, ben bon tu dois t'inscrire oui. Moi c'est à Jette de toute ma vie je suis présentée à Jette et, j'ai jamais changé de commune jamais jamais et, c'est ça que j'ai tout là en fait et, j'ai été fort aidée C'est ça en fait, j'suis tellement content pour ce qu'ils ont fait pour moi. Moi j'étais aidée mais déjà la commune. Ici moi j'ai été aidée, je trouve on m'a aidée. J'étais allez appuyée parce que chaque fois qu'on allait quelque part ou parce que j'étais tellement honnête, il voulait bien m'aider. Quand je me suis inscrit à CPAS, tu sais je me suis présentée. Il faut attendre tu sais, ton démarche puis j'ai été convoquée trois fois au commissariat.

92. S : Donc, tu y allais avec ta traductrice ou tu y allais toute seule ?

93.

108

E : J'allais avec ma soeur.

94. S : Ah, donc ta soeur traduisait ?

95. E : Oui non. Au commissariat, t'avais toujours une traductrice hein. Chaque fois que tu étais convoquée et moi c'est trois fois, j'étais convoquée la première fois et pis il t'appelle après quelques temps. J'ai tout dans une papier hein, je voulais la trouver mais je n'arrivais pas. Si un jour je les trouve, je t'apporterai enfin en quelques mots ce n'est pas toute mon histoire, parce que tout ce que je vous dis, c'est comme quoi toi par exemple tu vas écouter, tu vas faire une résumé.

96. S : Oui il faut que je l'écrive. Non je vais tout écrire, il faut tout écrire et après...

97. E : Oui mais voilà. Mais alors, tu fais une résumé. Ce qui est euh :::, ce que moi je fais. Oui pour toi ce qui est bien pour toi pour ton travail. Alors c'est comme ça, tu étais convoquée encore une fois, mais alors moi j'étais en larmes à ce moment-là hein je pleurais.

98. S : T'avais peur ?

99. E : Non, j'étais triste pourquoi je dois rester ici.

100. S : Ah tu ne voulais pas rester en Belgique ?

101. E : Non n'y avait rien à faire. J'allais présenter et j'étais encore convoquée et je n'arrivais pas à gérer pour rester ici. Je ne sais pas au début, c'est vrai difficile comme moi je dis maintenant. La nouvelle I qu'est venue ici ça fait cinq mois, quand tu viens pour la première fois c'est très très difficile. Malgré que j'avais toute ma famille ici. J'ai mes cousins, mes tantes, mes oncles, mes....

102. S : Mais qu'est ce qui te manquait ?

103. E : Je ne sais pas, je ne sais pas. T'as la nostalgie. Ça vient toute seule, je ne sais pas expliquer. Je vous assure, mais tu es fort nostalgique. Tu vois, tu penses qu'est-ce que t'aurais pu faire au début parce que quand tu ne travailles pas, tu fais

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rien. Alors tu penses à des tas de choses en fait. Tu penses vraiment qu'à ça et ça ne collait pas avec ce que je voulais faire moi et, bon c'est comme ça et alors pour la troisième fois, j'étais convoquée. Mais à l'endroit pour et j'avais fait tout en albanais. Tout écrit mon histoire, alors il fallait se présenter et tout traduire. Y avait un traducteur Albanais, un vrai pas celui qui traduire au commissariat.

104. S : D'accord un qui était assermenté.

105. E : Mais avec une cachette, il est connu ici en Belgique et le machin et c'était une connaissance. Quelqu'un que nous on connaissait en fait, qui fait beaucoup pour les Albanais ici et alors quand j'ai présenté mon travail moi j'ai écrit tout en albanais j'aime bien écrire.

106. S : L'alphabet c'est comment, c'est cyrillique ton alphabet ?

107. E : C'est comme ici, c'est comme vous je pense. Mais on a trente-six, ici c'est vingt-six. On a dix lettres en plus voilà et j'avais écrit tout en albanais. Tout ce que j'avais dit, tout mon histoire et lui il a traduit quand je présentais au grand truc pour la dernière fois. Fin qui décide pour moi ce qui vont faire en fait et là, j'avais un autre traducteur parce que c'est ailleurs. C'est pas dans le château, mais c'était je ne sais plus où je suis allée, vous savez avant, ça n'existait pas tout çà. C'était comme une maison en fait, tu rentrais, y avait rien marqué. T'avais que l'adresse et c'est à toi maintenant. Tu vas en ville, tout est là pour les étrangers. Avant ça n'existait pas tout ça en fait, parce qu'il n'y avait pas autant d'étrangers quoi. Maintenant, ils viennent de toutes les pays. Maintenant ils viennent de Roumanie, machin, mais en fait c'est plein. C'est plein à Jette, tu entends que ça t'entendais pas.

108. S : Qu'est-ce que tu entends ?

109. E : Maintenant que des Polonais, parce qu'ils parlent comme les Serbes alors moi je choisir la langue qui parle, encore je ne connais pas tous les mots. C'est des langues slaves, ils parlent comme les Russes, les Serbes tout ça.

110.

110

S : Albanie ce n'est pas slave ?

111. E : Albanais c'est une langue à part. C'est ancien, je ne sais pas si tu connais l'histoire les Balkans. Avant c'est Ilyria, ça c'est la première origine Albanais. Y avait xx xxx... tu ne connais pas l'histoire ? Moi (main sur le coeur) je connais l'histoire de mon pays en fait, je connais par coeur et c'est xx xxx.... C'est la Turquie maintenant, avant c'était des sultans machin, il a pris la partie mais en fait ici, on faisait des colonies comme maintenant la Belgique, machin, tu vois, il prenait un pays, c'était une colonie mais à ce moment-là on ne disait pas une colonie. On ne connaissait pas ce mot-là.

112. S : On ne disait pas colonie ?

113. E : Non, ce n'était pas colonie à ce moment-là, alors euh :::, y avait beaucoup plus des catholiques Albanais, mais puisqu'en fait on t'obligeait à devenir musulman, parce que les turcs, les sultans c'étaient des musulmans et c'est comme ça que eux prennent des jolies filles et alors, ils étaient dans l'harem des sultans comme on dit. Alors cette femme, elle était à mon avis, elle était très belle puisque c'est le sultan qui l'a pris. Ben, elle a eu un guerrier, nous on appelle des guerriers ici aussi. Hein non, c'est des guerriers qui plus se battre tu vois xx xxx... C'était un Albanais, mais puisqu'elle était dans l'harem, on a jamais connu son père, mais c'est lui qui est devenu très fort xx xxx. Comment c'est qu'on dit ça ?

114. S : Sa statue ?

115. E : Oui ben bien sûr, c'était un Albanais, sa mère venait de chez nous mais était dans l'harem du sultan.

116. S : Ok, il est métis.

117. E : En fait c'est-à-dire, il est élevé dans une richesse comme on dit. C'est lui en fait à ce moment-là et à ce moment-là, y avait l'impératrice xx xxx. Y a beaucoup de

111

filles maintenant en Albanie. Oui ma traductrice, elle s'appelle xx xxx, mais à ce moment-là, ça existait en Balkans Ilyria ouais.

118. S : C'est joli Ilyria !

119. E : C'est une perle d'orient. C'était une reine comme on dit et c'était une femme et puisque c'était une femme, ça n'a pas duré longtemps évidement. C'était comme ça. Ça doit ici aussi, y a la femme, y avait pas beaucoup mais bon, c'était une femme. Tout ce que je sais vous dire et c'est comme ça en fait. Bon alors, c'était fini cette partie-là parce qu'elle avait la plus grande partie des Balkans Ilyria.

120. S : Donc l'Albanais, euh :::, c'est une langue qui a du turc aussi ou pas ?

121. E : Non, oui, peut-être quelques mots parce qu'ils sont restés. Parce que tu vois, quand un pays comme ici, elle devient, je veux dire afin qu'elle est occupée du autre pays comme avant. c'est lui qui était plus fort et ben tu prenais les autres. Ben y a des mots qui restent c'est obligé. Les vieux y vont toujours l'utiliser, mais moi par exemple je n'utilise pas. Moi je vais à l'école quoi, c'est les vieux qui utilisaient et c'est ça en fait. Y a beaucoup moins de catholiques chez moi et des orthodoxes parce qu'on les a obligés. Mais si tu dis ça à A, il est furieux hein. Je lui ai dit hein, y va jamais accepter. J'ai dit A c'est toi maintenant, ce n'est pas maintenant, c'était avant parce qu'y l'histoire on ne peut pas mentir. Y a des films tiens qu'on a fait, y a des choses qui est, tu sais des Albanais qui voulaient le drapeau à ce moment-là, on ne voulait pas laisser le drapeau des albanais rouge et avec ce que je t'ai dit (silence)...

122. S : Avec un oiseau ?

123. E : Oui, avec un oiseau avec un bec comme ça et il est rouge et au milieu noir avec un bec comme ça. Ce n'est pas un corbeau c'est pffff comment on dit en français, nous ont dit *xx xxx* mais comment on dit en français ? Je ne sais pas qu'elle est traduire pour nous. C'est important quand on faisait des guerres et tout ça contre la Turquie et tout ça des gens de ::: du :::. Albanie ils sont allés aux pieds jusqu'à l'Angleterre parce qu'à ce moment-là y avait des tables, des grands qui faisaient entre

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douze et treize personnes. Ils sont allés vraiment demander la libération et être libres pour mettre le drapeau. Ils pouvaient même ne pas mettre le drapeau.

124. S : Mais maintenant ce drapeau il est toujours le même ?

125. E : Oui si y a des gens qui se sont tués juste pour avoir le droit de mettre ces drapeaux. Mais avant c'était comme ça, je ne comprends pas pourquoi ils ont fait tout ça. Mais avant la liberté comme on dit, c'est pour ça maintenant y a plus de musulmans. Mais ça n'a rien à voir par exemple comme les Marocains qui font ici.

126. S : Tu n'as pas le voile toi par exemple ?

127. E : Ben je n'ai pas la voile. Je ne sais pas parce qu'ils disent oui c'est obligé. Ça c'est obligé, mais non ce n'est pas obligé. Si on met quelque chose dans le coran dans une livre c'est ta volonté. On peut pas dire que t'es pas obligée, tu ne fais pas ça t'es pas un bon musulman. Mais tout ce qu'il y a dans les trucs catholiques, les gens ils vont ne jamais faire tout ça. Alors tu n'es pas un catholique, on ne peut pas dire ça, on ne peut pas influencer quelqu'un pour être un bon. D'abord mon coeur et la difficulté avec les locataires c'est ça en fait, parce que j'avais eu une en fait qui faisait ça. T'es pas une musulmane, t'es pas une bonne musulmane. C'était à chaque fois qu'on se rencontrait, c'est la même chose. Ouais tu ne fais pas le ramadan, tu ne fais pas si, tu ne fais pas ça. Oui j'ai dit, j'ai eu bon coeur, j'aime tout le monde. Pour moi, c'est ça pour moi, ça n'a pas d'importance quelle religion tu as. Comme toi, tu es qu'est ce tu fais, est ce que tu fais du bien, est-ce que vous êtes gentils, parce que tu viens dans ma rue moi je ne sais pas marcher hein. Je dois m'arrêter avec tout le monde et je m'arrête.

128. S : Avec tes voisins ?

129. E : Toute la rue.

130. S : Pour, pour dire bonjour ?

131. E : Je :::, oui. Il faut que je dise un mot, parce qu'ils ont l'habitude. Moi j'ai des... Je ne sais pas, c'est c'est c'est moi et ça me dérange pas du tout. Parce que dire un mot gentil à quelqu'un ou des personnes âgées et ça fait plaisir. Ils sont gentils et tout ça et je vais jamais dire oh je n'ai pas le temps, je n'ai pas le temps. Je dis jamais ça même si je suis allée tout juste, je ne vais pas à dire à une personne âgée je n'ai pas le temps et je ne peux pas parler. Je ne dis jamais ça et c'est ça que mes enfants apprennent. Ils vont jamais dans la rue, ils vont jamais parler méchamment parce que si mon enfant il parle méchamment au prof ou dans la rue à quelqu'un je serais malheureuse, je serais malheureuse pour ça et ils le savent. Des bonnes manières de vie ça fait beaucoup et c'est comme ça en fait, je j'arrive à obtenir ce que je veux

132. S : De tes enfants ou de :::....

133. E : Non de tout de, tout le monde de la vie, parce que quand je commençais au mois de novembre nonante trois à travailler pour ma première patronne en déclarée comme on dit, parce que moi je me suis inscrite à la CPAS de Jette y avait pas beaucoup de gens qui demandaient la CPAS hein et alors je dis : ah non moi madame je ne veux pas de CPAS. J'ai dit pourquoi ? Parce que j'avais le droit de chez ma soeur ou chez mon frère avant six cent francs belges. C'est plus, c'était comme je me souviens pas des francs belges en fait. Maintenant te vois parce que t'avais le logement, mais ça c'est quelque chose pour toi tu sais. Pour t'habiller pour x xxx.

134. S : Ça fait quoi, ça fait soixante-dix, quatre-vingts euros peut-être ?

135. E : Non non plus.

136. S : Six cents francs belges c'était plus ?

137. E : Non non, ce n'est pas six cents francs belges oh ::: non ce n'était pas six cents francs belges. C'est comme si je disais maintenant trois cents euros.

138. S : Ah oui d'accord.

113

139. E : Oui oui, c'est trois cents euros maintenant.

140.

114

S : D'accord c'est bien.

141. E : Si.

142. S : C'était bien à cette époque peut-être ?

143. E : Mais dis moi je n'ai pas été payée à vingt et un ans hein !

144. S : Trois cents euros c'est pour être chez ton frère ou chez ta soeur ?

145. E : Oui, mais je m'inscrivais parce que tu dois avoir une adresse. Alors moi je m'inscrivais là, c'était très très bien, c'était comme ça. Elle m'inscrit madame je dis moi je ne veux pas avoir la CPAS. J'ai à manger tout ça, je veux travailler, moi je veux travailler. Attends, tu n'as pas encore les papiers tout ça. Oui je le savais, c'est comme ça. C'est pour ça que je travaillais à côté, mais ça je n'avais pas dit en fait. On ne veut pas que je travaille au noir, ça c'est quelque chose xx xxx et alors au coin où moi je travaillais y avait le CPAS, ici rue l'Église où ma soeur elle habitait ici la CPAS. Ma soeur, elle habitait au milieu du restaurant la CPAS et au coin de la rue y avait une société de sérigraphie et machin, tu vois c'était des bureaux et alors en passant par-là moi, tu sais le patron il était là avec une personne vieille qu'elle habitait à côté du.... Enfin face à face du travail que moi j'avais eu et alors même moi cette personne elle était toujours tu vois près de la fenêtre la fenêtre ici, elle était toujours là avec son chien et moi je m'arrêtais et je parlais avec elle avec les mains.

146. S : Ah oui tu ne savais pas encore bien.....

147. E : Non.

148. S : Tu ne savais pas ?

149. E : Et alors tu sais et c'est comme ça que je rentrais. En voilà parce que le parc euh :::, roi Baudoin c'était tout près de ma soeur quoi. Tu sais ma soeur, elle habite ici. Mon frère pas loin, alors le parc, il est au milieu. Je vais chez mon frère, j'allais en xx

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xxx. Je ne savais pas passer ma journée autrement, j'étais à la maison et pis de ma soeur j'allais toujours avec les enfants.

150. S : Tu parlais toujours avec les gens ?

151. E : Avec les mains.

152. S : Avec les mains, comment tu... ?

153. E : Comme ça, je ne sais pas. Quand je voulais quelque chose, ils arrivaient à me comprendre. Je ne sais pas, je sais ne pas expliquer. Mais y y, j'avais besoin de parler moi. Je ne sais pas rester sans parler, c'est ma nature, je dois parler avec les gens et c'est comme ça que je suis rentrée en contact et elle sort la personne âgée et elle parle avec la patronne de la société comme on dit et fin parce qu'ils étaient avec son mari et elle savait après ma soeur, la personne âgée que moi j'avais besoin de travail et raconte je ne sais pas. Elle raconte mon histoire à ses patrons. Eux, ils partaient et moi c'était à six heures je prenais les enfants de ma soeur. J'avais un peu, ben je sortais je savais pas quoi faire et alors elle a dit quelque chose, alors m'a dit : demain toc toc toc ta soeur venir ici, elle me dit chez elle, chez la vieille hein et alors c'est ce qu'on a fait avec ma soeur et j'suis allée chez ma soeur. Comprenez parce que déjà, elle a presque quarante ans et lui a racontée comme ça, comme ça elle peut commencer malgré qu'elle n'a pas son permis. Pour moi, je n'avais pas mon permis de travail et je n'avais pas encore les papiers tiens, parce que j'avais déjà donné tous les papiers, il fallait attendre.

154. S : Oui oui.

155. E : Et alors, elle a dit oui. Tu sais ce qu'on va faire ? Alors avec la personne âgée, avec ma soeur en rendant les clés, on dit notre xx xxx.... Mon histoire comme on dit et la patronne a bien écouté, parce qu'elle avait une dame, c'était des Belges. Avant y y avait pas beaucoup d'étrangers qui qui nettoyaient et alors elle dit la femme, elle a accouché. La fille qui travaillait pour elle, elle avait eu le troisième enfant. Elle avait personne pour nettoyer dans les bureaux, elle voulait bien que moi je commence.

156.

116

S : D'accord.

157. E : C'est comme ça que j'ai commencé.

158. S : C'est une chance dis donc !

159. E : Et alors ben, c'était un peu avec la CPAS aussi mais c'est ça en fait, moi c'est, c'est l'envie. Tu dois montrer que t'as envie de faire quelque chose, sinon ça ne marchera jamais et c'est comme ça que ça a commencé mon histoire. Ben moi (main sur le coeur), je dis que je peux écrire un livre à mon histoire. Tous les parcours que j'ai fait ici en Belgique si si si et je saurais faire étapes par étapes oh.

160. S : Ah oui tu vas l'écrire, tu vas écrire ?

161. E : Je saurais faire ça parce que c'est vrai y a personne qui pense beaucoup comme moi en fait et voilà.

162. S : Tu sens que tu as besoin d'écrire ça ?

163. E : Je ne sais pas, peut-être. J'adore écrire moi. Moi, j'écris tout et il faut que ça écrive bien en fait.

164. S : T'écris en quoi, en français ou en albanais ?

165. S : Les mots en français et l'écriture en albanais. Quand je fais résumer pour les enfants du livre c'est comme ça et alors je traduis.

166. S : Alors attends les mots c'est je ne comprends pas les mots.

167. E : Les mots par exemple, tu me dis : E est ce que tu veux venir chez moi ? Moi, j'écris les mots en français mais l'écriture en albanais. Quand je vous dis, quand je vous dis je peux écrire à ma façon ? Je vous demande souvent.

168. S : Tu veux dire la phonétique ?

169.

117

E : Oui, à ma façon, ça veut dire tu vas comprendre que c'est en français mais
c'est vrai, ce n'est pas difficile à lire toujours mais le sens c'est en albanais, tu vois ?

170. S : Ok d'accord.

171. E : Je veux venir chez toi par exemple.

172. S : Tu peux l'écrire si tu veux, je ne sais pas s'il marche bien, mais essaye.

173. E : C'est pour t'expliquer. Voilà comme ça tu vas comprendre ce que je veux
dire, sinon tu ne vas jamais comprendre. Je veux venir ça s'écrit tout ce que tu entends je veux venir chez ça se dit chez toi tu vas comprendre ce que je veux dire.

174. S : Je veux venir chez toi, ok.

175. E : Je veux venir mais tu vois, le mot ça mit en français mais moi j'ai écrit
comme j'entends. Tout ce que j'entends, je veux venir chez toi, j'écris tout ce que je n'entends pas le français ça ce n'est pas le français, ça c'est à ma façon.

176. S : Et quand tu as humm, est ce que tu penses d'abord, non je ne vais pas
demander comme ça. Comment tu es bilingue ? tu comprends le mot bilingue, E ?

177. E : Oui, c'est tu parles deux langues ou trois ou quatre enfin.

178. S : Comment tu..... ?

179. E : Comment j'suis devenue, comment je me sens.

180. S : Voilà, comment tu te sens bilingue, est ce que tu es bilingue et comment tu
vois que t'es bilingue ?

181. E : J'adore la langue française, je l'adore.

182. S : Et pourtant, tu ne voulais pas rester ici ?

183. E : Mais au début, c'est ce que je me dis c'est quelque chose que tu ne
comprends pas ce qui t'arrive non plus. La moitié des gens, ils n'arrivent pas à

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expliquer par exemple et ils ne veulent pas et ils tiennent. Mais moi pourquoi je dois tenir ça pour moi. Bin ce n'est pas grave ce que je raconte. En fait, que t'as pas envie de rester ici parce que parce que parce que j'étais jamais sortie de mon pays. Je n'étais jamais allée ailleurs et moi je voulais finir mes études. Je voulais travailler avec les enfants. Comme je me sens bilingue, je me sens très bien. Je te dis, j'adore la langue française. Je connais tous les artistes, toutes les chansons françaises, presque, pas les nouvelles. J'adore Hélène Ségara, j'adore Garou, tous les chanteurs, mais tu vois la musique populaire comme ça qu'on comprend ce qu'on raconte.

184. S : Et ça te touche le français autant que l'albanais ?

185. E : Oui, non parce que le français, tu vois y a des chansons d'amour, tu tombes parterre.

186. S : Ça te touche vraiment ?

187. E : Oui oui, tu vois, je suis faux romantique, au fond j'suis très romantique. Fin mon mariage, ce n'est pas romantique du tout. Ça n'a rien à voir mais bon on n'a pas toujours ce qu'on veut non plus. Hein, ne faut pas raconter. Tu vois, on ne peut pas tout avoir dans la vie, parce que j'ai tout à fait. Tu vois, c'est un Albanais comme moi mais il a tout à fait une autre éducation, une autre, le caractère ça n'a rien à voir. On est tous différents en fait, je ne sais pas, on dirait qu'il est élevé ce n'est pas où et moi je ne sais pas où.

188. S : Donc, tu l'as pas connu avant, tu l'as connu ici ?

189. E : Non non, moi je l'ai connu ici. Il était déjà en Allemagne lui et une connaissance, bon voilà, il m'a dit : voilà parce que mon frère, il voulait quelqu'un qui vient de chez nous, enfin c'est le rituel comme on dit.

190. S : D'accord, mais toi tu aurais préféré un Belge ou .... ?

191. E : Mais oui, mais à ce moment-là, à ce moment-là c'était, mais je ne dis pas à mon fils que tu ne peux pas voir un Belge. Hein par exemple, la génération

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maintenant, c'est que nous notre génération est venue de notre pays. C'est un peu plus difficile parce que ton éducation, il est comme ça. Mais tu viens chez moi autant que tu veux, tu m'entends jamais dire à mon fils tu dois prendre une Albanaise y a rien à faire non je dis jamais.

192. S : Ton mari peut-être oui ?

193. E : Non, tu vois une bonne éducation, ce n'est pas imposer les choses aux gosses. Il faut parler avec eux c'est tout. Moi je n'impose pas à mon fils, je ne voudrais pas une noire mais bon une négresse ça va encore.

194. S : Ouais, c'est compliqué ça. Après ouais chacun fait comme il veut, mais bon.

195. E : Là c'est une grande différence comme on dit, je ne sais pas comment ça va être accepté par tout le monde, de machin sinon je préfère qu'il a une Belge par exemple que une noire ou une Marocaine.

196. S : C'est par rapport xx xxx ?

197. E : Non, le genre qui t'impose et tu te dis c'est comme ça pour moi non je
n'aime pas. On vient par exemple dans un pays, c'est ce que je dis à ma commune en fait. C'est pour ça en fait, tout le monde me connaissait à la commune de Jette. Tout le monde me connaissait et j'étais toujours servie comme il faut. On m'a aidée pour les papiers et les papiers c'est les papiers ! Pour moi, ils faisaient tout mais tout parce que les enfants de mon frère et de ma soeur à ce moment-là ils n'étaient pas forts et puis ils étaient encore en primaire et c'était pour les papiers à ce moment-là. Ce n'était pas et ma soeur et mon frère ils savaient pas écrire et rien du tout.

198. S : Donc c'est toi qui les aidais pour les papiers non, on t'aidait ?

199. E : On aidait tout tout il faisait tout.

200. S : Parce qu'à la maison vous parlez quelle langue ?

201.

120

E : Moi je parlais le français enfin, fin ça c'est mon mari il est contre.

202. S : Tu parles français avec tes enfants ?

203. E : J'ai plus facile à parler en français tu veux vas pas me croire.

204. S : Ah bon ?

205. E : Oui.

206. S : Mais pour parler de toi ou pour... ?

207. E : Pour tout, c'est bizarre xx xxx non, mais les mots viennent plus facilement, tu vois quand tu veux expliquer un truc, machin, je ne sais pas moi le français vient directement et je va chercher maintenant pour l'albanais.

208. S : Et tu rêves en albanais ?

209. E : Oui mais je ne sais pas, c'est des choses comme elle dit ma soeur qui est tellement avancée plus vite que nous, je ne sais pas, je ne sais pas.

210. S : Donc tu rêves en français peut-être parfois ?

211. E : J'aime tout moi. J'adore le français je vous dis et tout le monde le sais comme il dit mon frère. Enfin ce n'est pas méchant qu'y dit, t'es devenue comme les Belges.

212. S : Qu'est- ce qu'il veut dire ?

213. E : Il veut dire parce que bon je fais tous les choses comme ici, tout, enfin je me suis adaptée, j'ai difficile et peut-être c'est ça en fait j'ai eu très difficile mais après c'est allé toute seule après j'ai trouvé mon rythme hein.

214. S : Et ta culture tu la gardes, je veux dire tu n'as pas... ?

215.

121

E : Je fais tout comme en mon pays, mais moi je ne mens jamais. C'est pour ça, ils savent même je dis des dizaines de fois que je m'exprime mal ici et ils disent tu viens de Russie.

216. S : Pourquoi ils disent ça ?

217. E : J'en sais rien, je sais pas peut-être à la façon de je fais, rien de bizarre quand même bon.

218. S : Ici ils t'ont dit ça ?

219. E : Oui oui, Mohamed la semaine passée, il savait même pas que j'étais musulmane. Vous voyez, c'est comme je vous dis, ils ne sont pas à l'écoute. Tu peux raconter ce que tu veux, je ne sais pas s'ils restent euh ::: un mot dans leur tête et pourtant je me suis baissée à leur niveau et je dis jamais quelque chose. Vous voyez bien je me montre jamais et quand tu veux donner la parole, tu donnes aux autres et je donne même quand on est en groupe. Je prends jamais la parole, je dis tu veux le faire, fais-le alors, fais-le malgré que je sais le faire. Mais enfin je respecte l'autre personne.

220. S : Et tu penses que tu as plus d'affinité avec quelques-uns dans le groupe plus de liens avec d'autre que .....

221. E : Je parle avec tout le monde, je ne fais pas la différence depuis le début, tu vois je me mets avec J. Je parle avec A, je parle mais quand tu es avec le groupe par exemple, je sais que quand t'es avec S et F tu n'as pas un mot à dire ouais. Tu veux faire une histoire par exemple, tu dis ce que tu veux ils vont dirent ce qu'ils veulent.

222. S : D'accord, elles ne vont pas mettre tes idées.

223. E : Non malgré, par exemple quand je dis une phrase, je le dis correct. Ça sert à rien, elle dit non non non, ce n'est pas comme ça, il faut le dire comme ça.

224. S : Et pourquoi à ton avis ?

225.

122

E : Je n'en sais rien, je ne sais pas. Mais moi je ne discute pas pour ça, moi je ne veux pas être remarquée et du coup et après comme pour s'habiller, tu vois elles se montrent et alors tu vois ils sont tous y allés.

226. S : Ils ont peur non ?

227. E : Je ne sais pas. Ils sont au repas avec elle et je lui ai dit l'autre fois à S, tu vois aujourd'hui mais quand elle vient, elle se met avec son truc là. Elle s'assit mais dis : on n'est pas prisonnier ici, hein on est quand même, y a personne qui va nous tuer quand même ici. On vient moi je me fais plaisir à venir ici. Pourquoi, pourquoi je vais être stressée quand je viens ici ? Non pas du tout .

228. S : Et toi justement, pourquoi tu viens E ?

229. E : Je viens pour apprendre à écrire.

230. S : Et pourquoi, parce que c'est vrai que tu le dis tout le temps pourquoi écrire ?

231. E : Parce que j'ai dit, j'ai un niveau. Je ne dis pas que je parle parfaitement, je voulais avoir l'écriture aussi un petit peu. Puisque bon, je sais lire et je sais écrire mais j'ai jamais eu le temps d'apprendre à écrire le français. Parce que j'ai toujours travaillé et ce que je faisais on ne me demandait pas d'écrire, on m'a jamais demandée c'est ça en fait. J'ai appris avec les gens, j'étais tout le temps corrigée parce qu'ils savaient que j'aime bien. C'était tout le temps mes clientes. Je travaillais neuf ans dans la société que je te dis. Que bon je commençais, je travaillais six mois. Je n'avais pas encore mon permis hein et je travaillais déjà six mois hein et j'étais payée et tout et alors elle a demandé un papier au CPAS. Parce que je lui dis : moi j'suis inscrit à la CPAS, moi je ne veux pas travailler au noir donc en fait c'était comme ça. Je n'ai jamais travaillé au noir et c'est comme ça que ça marche dans la vie hein.

232. S : Oui. Quand tu as décidé ?

233. E : Parce que travailler au noir tu n'as rien au fond.

234.

123

S : Ben disons que tu ne cotises pas pour la retraite.

235. E : xx xxx L'argent que tu gagnes, je vous assure, au noir tu ne le vois pas. Ils
partent, tu les gaspilles et tu ne vois pas et tu fais rien avec. Mais les gens n'y se rendent pas compte.

236. S : Hum

237. E : Et je sais, parce que je vécu tout hein. J'ai fait quatre boulots la journée moi
mais que j'étais déclarée hein. Je peux le dire hein fin, tu ne vas pas le dire xx xxx. Je faisais cinq heures, j'avais deux jours sept heures et trois jours cinq heures fin dans la semaine hein et c'est elle qui a fait les démarches pour mon permis après hein, ma patronne.

238. S : D'accord.

239. E : J'étais tellement aimée, j'allais chez eux, j'allais chez les enfants, j'allais chez la fille, chez les garçons. Je connaissais tous les autres les enfants, les petits enfants de ma patronne. Je ne sais pas t'expliquer, j'étais tellement bien accueillie que je ne dis jamais assez merci et ils ont fait tout pour moi hein. Moi je te dis tout mais bon et c'est ça que je dis et alors quand je dis à la dame, Madame D car je n'oublie jamais son nom. Elle est encore vivante, elle habite tout près de la police de Jette même, avant même, après que je la voyais, elle me disait toujours bonjour. Elle est retraitée maintenant.

240. S : Et eux, ils te disent maintenant, quand tu les vois oh lala votre français E ?

241. E : Oui oui, je suis toujours et je reçois toujours des bons compliments et ma patronne elle est décédée à soixante-deux ans.

242. S : Oh ! Elle est décédée jeune !

243. E : Elle est décédée très jeune. Enfin son mari vit encore et je vois les enfants, les petits enfants qui ont grandi et qui ont fait des études et j'ai fait du baby-sitting

pour eux. J'ai fait tout en Belgique moi, du nettoyage du oh ::: je ne sais pas, repasser chez les gens. Tout tout ce qui rentre euh ::: la cuisine pour des personnes âgées, tout. Je ne sais pas ce qui y a que je n'ai pas fait en Belgique. C'est pour ça je te dis que je vais faire un livre.

244. S : Mais après quand tu sauras écrire euh :::

245. E : Si j'écris en albanais, y a pas de mal à ça. Moi (main sur le coeur) je t'ai dit tout est dans ma tête et je n'oublie jamais rien. J'ai tout çà dans ma tête en fait depuis le début. Quand je suis venue, comme quand je suis descendu du bus euh ::: à la place xx xxx. Tu vois on fait toujours le marché dans cette place-là hein. J'oublie jamais hein et quand j'ai descendu xx xxx tout le tour y avait que des maisons et pour aller chez mon frère toutes les rues se ressemblaient pour moi et tout que les rues et les maisons xx xxx. Et je disais, c'est des maisons vieilles, moches, j'aimais pas du tout les maisons. Nous on avait des maisons au pays c'est comme une villa ici chez nous c'est la maison.

246. S: D'accord ah oui.

247. E : Parce que si tu construis depuis le début toi, tu fais les plans comme tu veux, machin. Tu fais des chambres comme tu veux, deux étages trois étages mais tu fais comme toi tu veux, y a pas de maisons chez nous comme ça.

248. S : Mais ta maison, elle est toujours au pays ?

249. E : Elle était détruite en fait et on la reconstruite après la guerre.

250. S : D'accord.

251. E : Mais dans ma famille non, elle existe plus dans mon côté, parce que mon frère il est venu ici et l'autre il est parti dans une grande ville. Parce qu'il travaille avec sa femme maintenant, tu vois ils ont ils ont un château !

124

252. S : Un château, ah !

253.

125

E : Euh ::: oui, c'est comme un château, parce qu'il y a six chambres à coucher. Hein je sais pas comment décrire, une maison de deux étages avec six chambres à coucher et y a des salles de bain, des grandes entrées comme ça et mon frère qu'il est ici en fait, il a reconstruit encore une maison dans une villa un petit peu plus fin. Moi enfin, j'ai acheté un appartement, j'ai construit la maison pour la belle-famille. J'ai vécu enfin...

254. S : Pour ta belle-famille, ici alors ?

255. E : Non là-bas, moi je n'ai pas de belle-famille ici.

256. S : Ah ta belle-famille est là-bas.

257. E : Oui, mon mari il n'a personne ici.

258. S : D'accord. Donc parfois vous y allez ?

259. E : Tous les ans.

260. S : Avec les enfants ?

261. E : Avec mes enfants tous les ans. J'ai jamais allé ailleurs, j'suis jamais allée ailleurs.

262. S : D'accord, tu vas chez qui, chez ton frère ?

263. E : Non non, je vais dans ma belle-famille. Chez nous, tu vas dans ta belle-famille.

264. S : Ton frère, tu ne le vois pas, qui est là-bas ?

265. E : Bien sûr, ils ne sont pas loin. J'y vais chez mon frère mais enfin quand tu vas, tu descends donc la belle-famille. Chez nous la femme est là vers l'homme parce que la fille elle est mariée mais elle va chez l'homme. Mes soeurs doivent y aller dans la belle-famille. C'est mes belles soeurs, la femme de mon frère, y vont chez nous (rires) ils ont de la chance.

126

266. S : Même si ta maman était en vie ?

267. E : Oui, je dois y aller. Je dois d'abord descendre chez ma belle-famille. C'est bizarre hein, c'est la coutume je te dis. C'est une chose que c'est, c'est comme ça. C'est l'homme d'abord puis bon moi j'ai beaucoup de liberté hein. Quand j'ai vu mon mari la première fois, je n'ai vraiment pas aimé du tout et il le sait hein. Tu vois, j'étais jamais été amoureuse de lui et il le sait hein et je lui ai dit hein. On se marie, on va apprendre à s'aimer mais je ne suis pas amoureuse de toi du tout. Tu viens de mon pays.

268. S : Et lui il était amoureux de toi ?

269. E : Lui il est plus attaché à moi. Je fais ce que je veux S, moi je fais ce que je veux, mais bon la maintenant c'est ma santé qui permet pas de faire grand-chose, parce que j'étais mince avant, bon y a quatre ans que je suis devenue comme ça. J'étais mince mais j'avais quarante quarante-deux en taille, c'est pour ça je n'arrive pas à m'accepter.

270. S : Mais qu'est-ce qui s'est passé alors ?

271. E : Le stress, ma glande thyroïde et puis les médicaments que je prends je prends cinq médicaments tous les matins.

272. S : Pour ta glande thyroïde ?

273. E : Oui, pour mon estomac, pour mes jambes, plein de choses quoi. La glande thyroïde en fait, elle était grossie parce que chez moi elle ne travaille pas du tout.

274. S : Mais c'est récent parce qu'avant...

275. E : Ça fait quatre ans oui oui oui elle dit : elle se fixe avec le stress parce que je travaillais tout le temps moi, tout le temps. J'avais les enfants, j'avais mon ménage, mes papiers et la maison à gérer. Parce que bon, y avait les locataires et chaque fois qu'y a un truc, ils viennent chez moi. Ce n'est pas mon mari ben, il disent rien quoi.

127

Enfin je dois tout gérer quoi. Mais moi pour les papiers, parce que tout le monde y en fait c'est ça, que j'appris à faire tout. Tout ce que je dois faire pour ma maison, les locataires tout parce que j'ai dit si j'attends toujours quelqu'un pour faire un papier je vais jamais apprendre et je fais tout moi-même et j'appris. Maintenant je sais tout faire. Si tu n'essayes pas, tu sauras jamais et c'est pour ça moi je dis : il faut essayer. Tu ne dois pas avoir peur, y a personne qui va te manger. C'est pour ça le français je disais mal, je m'en fichais alors, ils me disaient : non madame, ce n'est pas comme ça, tu dois dire comme ça et ben ils le disaient quelques fois et je retenais dans ma tête. Mais ma patronne, elle était géniale en fait, son mari parce qu'elle travaillait avec son fils, son mari, puis y avait encore deux. On était treize en fait. C'était une petite société. Ce n'était pas beaucoup en fait hein. Alors moi quand je rentrais, ils n'étaient pas habitués eux comme ça. Moi je suis, je rentrais, je prenais tous les tasses oups bien nettoyer d'abord le lavabo. J'suis très maniaque pour ça, maintenant ça va mieux. Mais j'étais malade dans ma tête, la propreté.

276. 5 : Mais même en Albanie ?

277. E : Oui.

278. 5 : D'accord.

279. E : C'était comme ça, tu vois. tu es comme ça, tu restes comme ça. Maintenant en plus, c'est ma doctoresse qui me dit : ta santé elle est vraiment importante. Mais tu viens chez moi le matin, tout est à sa place. Tu ne peux pas mettre ailleurs, pourquoi tu xx xxx. Il faut que ce soit à sa place, elle a sa place. Si on a un truc, c'est parce que j'avais la place pour le faire. Alors tu le mets et ils savent mes enfants, tout le monde sait, mais il fallait rien avoir sur les tapis. Y a rien qui traine et je fais toujours l'aspirateur tous les jours. Tous les jours je dois passer l'aspirateur et toujours un truc. La table devant le fauteuil doivent être nettoyée, y a plusieurs choses qui doivent être faites tous les jours.

280. 5 : Disons que tu t'épuises alors hein.

281.

128

E : C'est ça en fait et j'avais mon travail tous les jours et j'avais plein de
choses à faire en fait. C'est pour ça bon, je ne sais pas. Je fais, je m'arrête pas toute la journée. C'est ce qui disent dans ma famille hein. Ils disent c'est toi que fin, c'est toi qui a fait et tout le monde dit en fait d'abord tout ce que toi tu fais. Tu commences par toi si tu fais quelque chose de pas bien. Ça veut dire que c'est toi-même que tu détruis. Ce n'est pas quelqu'un autre. C'est ce que dit le coach hein, tu vois que je vais une fois par mois.

282. S : Oui c'est vrai tu vas voir ton coach.

283. E : Voilà et il dit : tu ne peux pas mettre la faute à quelqu'un d'autre parce
qu'on a tellement l'habitude de faire oui parce que l'autre a dit comme ça na na tu commences par chez toi. Il faut que tu t'écoutes pourquoi tu essayes toujours parce que si tu fais beaucoup d'efforts pour les autres, c'est parce que toi tu veux mais ce n'est pas pour ça qu'ils vont t'aimer moins si tu t'arrêtes un peu.

284. S : Oui, ou qu'ils vont t'aimer plus hein.

285. E : Oui mais on a tellement dans la tête que oui je sais plus. C'est ce que je
faisais pour mon bureau. Je croyais que je mettrais xx xxx, mais non ça n'a rien à voir. Ils ne vont pas faire quelque chose de plus pour toi et c'est vrai je sais maintenant. Je me rends compte depuis que je ne travaille pas.

286. S : D'accord.

287. E : Mais oui, je vous assure, ils ne vont pas mourir parce que moi je pouvais
plus faire ce travail hein. Ça continue chez eux, mais dans ma tête, je ne sais pas pourquoi, je pensais comme ça moi. Ça m'a aidée hein, parce que moi, y a des filles qui disent ou bien elles n'écoutent pas ce qu'ils racontent.

288. S : Hum de ta coach ?

289.

129

E : Oui ou je sais pas pourquoi, ils disent que non. Mais non je comprends tout ce qu'elle me raconte. C'est vrai ce qu'elle raconte mais ils ne sont pas contents la moitié des personnes qui viennent là. Oh je viens parce que je suis obligée.

290. S : Parce que peut-être aussi la vérité ça fait mal hein.

291. E : Ça m'a fait mal, je pleurais quand je parlais avec elle. Quand j'avais des rendez-vous individuels, elle voyait, elle disait : mais c'est impossible, c'est grave, mais tu peux mourir quand ça t'arrive xx xxx. J'allais en dépression. Je croyais que je dois toujours le faire comme ça mais on s'en rend pas compte.

292. S : Quand tu es dedans, on s'en rend pas compte.

293. E : Et c'est ce que je voulais dire. Une fois que dans ta tête t'as un truc, si tu t'arrêtes pas une fois pour dire mais enfin je dois m'arrêter xx xxx. Tu ne sais pas et tu continues comme ça sur ton chemin. Oui je fais comme ça je dois le faire.

294. S : Oui, parce que tu penses que si y a que cette voie xx xxx.

295. E : Non non, ce n'est pas vrai. Je sais mais ce qu'elle dit. Par exemple quand les gens ils vont t'aimer moins si tu fais moins c'est la vérité.

296. S : Oui.

297. E : Je te dis : je peux écrire un livre. T'auras jamais fini avec moi, je te jure t'auras jamais fini. Parce que si je dois raconter, oh yayaille. Je travaillais neuf ans, c'est vrai pour eux puis j'ai eu le deuxième la patronne est décédée.

298. S : Ah oui c'est ce que tu me disais.

299. E : xx xxx Tu vois la société, elle n'a pas continué et moi j'ai eu mes papiers. J'suis allée au chômage. Je restais quand même un peu avec mon fils pour qu'il grandisse et puis que bon je n'avais pas travail. J'ai dit : je ne vais pas trouver toute suite fin je vais afin parce que mon grand il est à la crèche.

130

300. S : D'accord.

301. E : Oui je travaillais. Il était un petit peu dans la famille quatre mois avec moi
puis un petit peu dans la famille. Parce que n'y avait pas de petits dans ma famille. Il était un peu chez ma belle-soeur, ma soeur, mon frère. Il venait tout le monde garder mon gars. Il était le seul petit dans la famille.

302. S : Ah oui, donc du coup il pouvait se partager.

303. E : Partager tous les jours. J'avais de la famille chez moi pour venir la voir.
J'en avais marre xx xxx. Tous les jours, il faillait qu'ils viennent la voir mon fils. A ce moment-là, il était fort gâté mon grand. Y avait de petit dans la famille, il était le seul, il a vraiment profité. Alors si tu disais à quelqu'un tu veux bien garder ? Voui voui voui. Les enfants de mon frère, de ma soeur, tout le monde le gardait et moi je pouvais travailler et alors quand il a eu un an je l'ai mis à la crèche. Mais le petit je l'ai gardé jusqu'à qu'il est allé à l'école. Non d'abord, je travaillais un petit peu mais quand elle est décédée, mais fallait que ça s'arrête en fait et pis j'ai commencé les petits services hein. Quand le petit il est allé à l'école, alors j'avais trouvé du travail des services. mais moi les petits services, tu vois le système euh ::: mon travail. C'est dire avec la commune ce n'est pas indépendant comme y a beaucoup de sociétés machin xx xxx. Je veux quelque chose de stable et quand j'avais commencé c'était comme ça, moi je n'aime pas la xx xxx. Je ne prends pas ton travail mais quand je me suis mariée...

304. S : Je pense qu'on peut s'arrêter là et

305. E : Je n'aurai(s) jamais fini !

306. S : Non parce que.....

307. E : Qu'est-ce que tu veux savoir ?

131

Annexe 15 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour J
Un « moi » élément de l'écologie humaine

(a)

- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?

Les dipôles

Pronominaux

«c'est »-« je »
« je »-« moi »

États

Existence

Actions

Comprendre

Avoir

Dire

Ne pas comprendre

Avoir l'habitude

Suivre

Être

Avoir besoin

Essayer

Savoir

Avoir envie

Faire

Ne pas savoir

Aimer

Aller

Sentir

Adorer

Laisser

 
 

Raccrocher

 
 

Penser

 
 

Entendre

 
 

Quitter

 
 

Apprendre

 
 

Partir

 
 

Visiter

 
 

Parler

 
 

Ne pas parler

 
 

Demander

 
 

Vouloir

132

 
 

Pleurer

 
 

Grandir

 
 

Venir

 
 

Chercher

 
 

Connaitre

 
 

Lire

 
 

Voir

 
 

Trouver

 
 

Pouvoir

 
 

Commencer

? « je sais pas »

Impossible à expliquer

Ignorance

Incompréhension

Tr 139, 250

Tr 151, 163, 233, 272 (par rapport à la situation)

Tr 26, 145 (par rapport à la situation)

- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport à l'appropriation du français ?

? Temporelle : J est dans un temps « initial » : « c'est » ? sujet neutre, verbe impersonnel

·

133

Situationnelle et évènementielle : construction du « je » par similitude avec les circonstances, les lieux

· Idiosyncrasique : absence de conscience de soi

- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à l'idiome in posse ?

· Sujet neutre : dipôle « je »/ « c'est »

· Représentations transcendantales, tp 203-205

· Représentations logiques/ évidentes, tp 213

· La motivation : tp 217, pr le néerlandais

· Le français correspond à l'apprentissage

- Quels sont les éléments qui distinguent les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment « ne pas la maîtriser » ?

Pas questionnée à ce sujet (b)

- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours) ?

· Petit format

· « école », « examen », « les autres », tp 103-105

· Projet extrascolaire, tp 203

134

- Quels changements sont associés à la compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique, construction des unités de communication, représentations) ?

? La langue maternelle « explique » et « comprend », tp 252

- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome et identité ? ? « je parle pas », tp 279

- Quels autres comportements sont relevés ?

? Inertie linguistique : construction phrastique répétée, pauvre

Annexe 16 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour AL
Un « moi » conscientiel bien dans ses langues

(a)

- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?

Les dipôles

Pronominaux

Pronominaux/nominaux

« je »-« on»-« ils »-« tu »-« tout un chacun »- « eux »

« je »-« les gens »

« je »- « moi »-« moi-même »

 
 

État

Action

Existence

 

135

 
 
 

Arriver

Venir

Aimer

Avoir

Partir

 

Avoir envie

Quitter

 

Pouvoir

Retrouver

 

Vouloir

Rentrer

 

Être

Travailler

 

Comprendre

Montrer

 

Adorer

S'inscrire

 

Se sentir

Parler

 

Savoir

Faire

 

Habiter

Citer

 

Être appelé

Se tromper

 

Être régularisé

Lire

 
 

Trouver

 
 

Rencontrer

 
 

Croire

 
 

Se débrouiller

 
 

Dormir

 
 

Conduire

 
 

S'engager

 
 

Manger

 
 

Préparer

 
 

Communiquer

 
 

Penser

 
 

Voyager

 
 

Voir

 
 

Regarder

 
 

Dire

 
 

136

 

Voter

 
 

Supporter

 
 

Connaitre

 
 

Se méfier

 
 

Refuser

 
 

Accepter

 
 

Demander

 
 

Finir

 
 

Suivre

 
 

Signer

 
 

Arrêter

 
 

Rater

 
 

Acheter

 
 

Accompagner

 
 

Poser

 
 

Entendre

 
 

Frapper

 
 

Corriger

 
 

? « je sais »

Connaitre

Capacité (belgicisme)

'Fp 182

'Fp 196

 

137

- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport à l'appropriation du français ?

· Démontrent une appropriation « réelle » dans le sens où le locuteur développe des compétences linguistiques attendues

· Traduisent les aspects ontologiques : a conscience de lui-même : « pour moi » (x6)

· Traduisent la capacité de l'énonciateur à se désigner comme sujet : « moi »-« je »

- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à l'idiome in posse ?

· Compréhension/acceptation du propos : « ça va », « oui », « bon »

· Va-et-vient entre deux territoires : « là-bas »-« ici », la langue différente désigne le « connu »

· Représentations liées à l'école, à l'apprentissage d'enfant et d'adulte, à la formation professionnelle, au territoire linguistique de son pays, aux amis (« la rue »)

· Représentations « réelles » du français : « je parlais le français », tp 48 avec la possession, au préalable, d'une identité linguistique « francophone », tp 52/186

· A l'aise parce qu'il « parle la langue », tp 104, 164

· Sait que le français est une des langues in posse de la Belgique

· Représentation linguistique du français et non pas physique, tp104/ 164, il nomme les signes à corriger tp 176/178

· Continuité avec la langue in fieri du pays d'origine

138

- Quels sont les éléments qui distinguent les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment « ne pas la maîtriser » ?

· Homme

· Langue maternelle nilo-saharienne

· Apprentissage du français en Côte d'ivoire

· Identité en langue in esse, tp 174

· Identité linguistique francophone

· Conscience du répertoire langagier belge : choix de la langue tp 186

·

(b)

« pour avoir le niveau », tp 26

- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours) ?

· L'école, « les cours du soir », tp 56

· Avec un projet professionnel

· Format développé

· Comme une « compétence », tp 162

· Respect linguistique et adaptation comportementale au pays d'accueil, tp 164

· Responsabilité personnelle du locuteur, tp 186

· Trois types de français : de l'école, de la rue en Afrique, de la formation professionnelle en Belgique

· 139

L'interaction avec les autres, tp 84

- Quels changements sont associés à la compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique, construction des unités de communication, représentations) ?

· Changement de statut de la langue : langue professionnelle

· Comportement ludique/ grave, in esse, « dans le sang », tp 208/ « on se sent à l'aise » tp 210 ? comportement intellectif in fieri, tp 176

· Lexique temporel : « ici », « maintenant », « après »

- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome et identité ?

· Identité liée au territoire, tp 52, 64 mais aussi aux personnes tp 68

· Se sent à l'aise avec le français en Belgique, tp 184

· Idiome/identité : migration, école, transmission ancestrale, tp 212 - Quels autres comportements sont relevés ?

· Comportement accompli et sélectif dans une langue à trois registres : école, rue, profession

· Comportement linguistique philosophique/ idéologique sur l'appréhension des langues de terres d'accueil, sur les attitudes des nouveaux arrivants, sur lui-même, son répertoire langagier

· Le pays éloigné qui n'est pratiquement jamais désigné : déictiques « ici »-« là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur par l'inconnu

140

Annexe 17 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour M
Un « moi » perpétué

(a)

- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?

Les dipôles

Pronominaux

Pronominaux/nominaux

« je »-« on»-« nous »-« tu »

« je »-« les gens belges »-« des gens »-« des/les personnes »-

« je »- « moi »-« eux »-« lui »

 
 

État

Action

Existence

Savoir

Partir

Naître

Vouloir

Penser

 

Pouvoir

Trouver

 

Être

Voir

 

Croire

Dire

 

Comprendre

Venir

 

Se sentir

Rester

 

Avoir besoin

Parler

 

Aimer

Préférer

 

Ne plus aimer

Partir

 
 

Apporter

 
 

Aller

 
 

Marcher

 
 

 

Voir

 
 

Penser

 
 

Raconter

 
 

Se débrouiller

 
 

Arriver

 
 

Attendre

 
 

Étudier

 
 

Habiter

 
 

· « je sais pas »

Ignorance

Incapacité (belgicisme)

Tp 4

Tp 90

 

- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport à l'appropriation du français ?

· Traduisent la capacité de l'énonciateur à se désigner comme sujet : « moi »-« je »

· Un sujet qui passe du « tu » au « je », tp 16

· Temporalité : « toujours » est le leitmotiv

· Idéologique : canon linguistique au travers du récit de migrant, tp2, 4,

6, 30

· 141

Appropriation liée à un état : « content »

142

- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à l'idiome in posse ?

· Compréhension/acceptation ou non du propos : « ça va », « oui », « non », « bien », « voilà », « c'est tout »

· Va-et-vient entre deux territoires : « là-bas »-« ici », la langue différente désigne le « connu »

· Représentations liées à l'école, à l'apprentissage d'adulte « difficile », tp 92, au travail

· Représentation physique : « la tête », tp 92

· Rupture avec la langue in esse du pays d'origine tp 26

- Quels sont les éléments qui distinguent les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment « ne pas la maîtriser » ?

· Homme

· Langue maternelle sémitique

· Apprentissage du français en Belgique

· Identité en langue in esse, tp 80

· (b)

« pour comprendre », tp 16

143

- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours) ?

· « les cours du soir », tp 16

· Avec un projet professionnel, tp 16

· Format développé

· Comme une « chance », tp 26

· Respect linguistique et adaptation comportementale au pays d'accueil, tp 26

· Problématique émique, tp 28

· De manière situationnelle limitée : « Belgique Saint-Josse », tp 26

· Comme une interaction familiale, tp 74

· Notion d'intériorité, tp 40

- Quels changements sont associés à la compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique, construction des unités de communication, représentations) ?

· Changement de dipôle : « je »-« eux »-« lui »

· Lexique temporel : « ici », « maintenant », « après »

· Continuité temporelle : « toujours »

· Antithèse : « pas arabe », « pas d'accord », tp 26

· L'âge, tp 92

144

- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome et identité ?

· Distinction langue/ nationalité tp 80

· Le français ne fait pas parti de son répertoire langagier, tp 84

· La trahison, tp 78/80

- Quels autres comportements sont relevés ?

· Comportement in fieri à la demande : travail, ASBL

· Comportement linguistique idéologique sur l'appréhension des langues de terres d'accueil, sur les attitudes des nouveaux arrivants, sur lui-même, son répertoire langagier

· Le pays éloigné qui n'est pratiquement jamais désigné : déictiques « ici »-« là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur par l'inconnu

145

Annexe 18 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour I
Un « moi » adapté fidèle

(a)

- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?

Les dipôles

 

Pronominaux

Pronominaux/nominaux

« je »-« on»-« nous »-« tu »

« je »-« des gens »

« je »-« A », « F », «

S »

« je »- « moi »

 
 
 

État

Action

Existence

Réussir

Venir

Aimer

Avoir

Commencer

Vivre

Vouloir

Croire

 

Être

S'entendre

 

Savoir

Parler

 

(se) Sentir

Dire

 

Se calmer

Regarder

 

Pouvoir

Travailler

 

S'en foutre

Chercher

 

Avoir envie

Essayer

 

Avoir le droit

Parler

 

Être d'accord

Comprendre

 

Espérer

Rigoler

 
 

146

 

Apprendre

 
 

Réfléchir

 
 

Connaitre

 
 

Venir

 
 

Trouver

 
 

Se rappeler

 
 

Jurer

 
 

Respecter

 
 

Manquer

 
 

Faire

 
 

Voir

 
 

Penser

 
 

Perdre

 
 

Insulter

 
 

Demander

 
 

Écrire

 
 

Impossible à expliquer

Ignorance

Incompréhension

Tr 6, 14, 44, 52,

Tr 2, 10, 12,

Tr 58, 60

 

147

28, 50

30, 42, 18

 
 

- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport à l'appropriation du français ?

· Traduisent la capacité de l'énonciateur à se désigner comme sujet : « moi »-« je » philosophique mais pas linguistique, tr 32, 42

- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à l'idiome in posse ?

· Va-et-vient entre deux territoires : « là-bas »-« ici », la langue différente désigne le « connu »

· Représentations liées à l'apprentissage (l'ASBL), à l'écoute tp 32, à la fréquence en terme de communication tp 44/ 46

· Représentation linguistique du français et non pas physique, tp 70

· Distinction avec la langue in esse du pays d'origine : « c'est pas ma langue », tp 46. Elle est une langue virtuelle : « c'est pas ma langue en réalité », tp 46

- Quels sont les éléments qui distinguent les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment « ne pas la maîtriser » ?

· Femme

· Langue maternelle sémitique

· Apprentissage du français en Belgique

·

148

Identité revendicatrice, permissive en langue in esse, tp 48

· Identité linguistique arabophone, tp 92

· « pour m'améliorer », tp 74

(b)

- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours) ?

· Comme un accomplissement autodidactique, tp 74

· Avec un projet linguistique, tp 72, 74

· Format concis

· Comme un possible accès vers la langue française in esse, tp 74

· L'interaction humaine, tp 74 : « voir », « parler »

- Quels changements sont associés à la compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique, construction des unités de communication, représentations) ?

· Prise de conscience de sa langue in esse, tp 46

· Revendication identitaire, tp 48, 52

· 149

Lexique temporel et situationnel limité : « ici », « la rue », gens inconnus, tp 46

- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome et identité ?

· Identité liée à la langue in esse, tp 32

· Pas de sens intime avec le français, tp 46

· Idiome/identité : le foyer, la mère, les proches, tp 44

- Quels autres comportements sont relevés ?

· Comportement « médian » et situé : « Saint-Josse », tp 66 dans une langue non intériorisée

· Préservation linguistique vis-à-vis de la langue in esse

· Le pays éloigné qui n'est pratiquement jamais désigné : déictiques « ici »-« là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur par l'inconnu

150

Annexe 19 : « Canevas investigatif » ou grille de questionnement analytique pour E
Un « moi » hypertrophié qui se pense dans le temps

(a)

- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?

Les dipôles

Pronominaux

Pronominaux/substantifs

« je »-« il »-« ils »-« tu »-« vous »-« elle »- « ceux qui sont venus »,

« je »-« tout le monde »-« les étrangers »«les Albanais »-« les gens »

« je »-« moi »-« nous »

 
 

État

Action

Existence

Être

Perdre

Être

Avoir

Venir

Avoir des larmes

Habiter

Grandir

Avoir des frissons

Comprendre

Dire

Avoir envie

Être stricte

Ne jamais dire

Aimer

Savoir

Écrire

Ne pas aimer

Apprendre

Faire

Adorer

Trouver

Se déclarer

Être déclarée

Se sentir

Accepter

Être reconnue

Préférer

Raconter

Avoir une bonne mémoire

Être obligée

Commencer

Être aidée

 

Regarder

Être appuyée

 

Nettoyer

Être convoquée

 

Aider

Être triste

 

Aller

Être contente

 

Travailler

Arriver

Changer

(se) Présenter

Entendre

Pleurer

Devenir

Ne pas oublier

Descendre

Ne pas mentir

Construire

Acheter

Voir

Prendre

Ne jamais prendre

Attendre

Vouloir

Vivre

Pouvoir

Devoir

Retourner

Connaitre

Respirer

Sentir

Jurer

Donner

Parler

Supposer

Penser

Être inscrite

Être malade

Être maniaque

Aller en dépression

En avoir marre

Être habituée

Être stressée

Se faire plaisir

Se marier

 

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Mal s'exprimer Se baisser

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152

? « je ne sais pas » / « je sais pas »

Impossible à expliquer

Ignorance

Connaitre

Incapacité (belgicisme)

Manque de mots

Tp 20, 52, 83,

Tp 66, 68,

Tp 42, 243,

Tp 40, 42, 127,

Tp 46, 103 ?,

101, 103, 127,

111, 153, 289

 

153,

123, 253 ?,

131, 153, 217,

 
 
 
 

281, 287

 
 
 
 
 

153

- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport à l'appropriation du français ?

· Démontrent des étapes

· Démontrent une appropriation « simulée » dans le sens où le locuteur colle au plus près des attentes de la chercheure débutante

· Traduisent les aspects ontologiques

· Traduisent la subjectivité de l'énonciateur : les dipôles sémantiques récurrents

- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à l'idiome in posse ?

· L'authenticité de la langue est importante chez E

· Comportement expressif mais pas scriptural, tp 176

· Représentations liées à la migration, au voyage (les chanteurs francophones Tp 184) : approche phonétique/discursive du français (les airs à écouter se répètent) ? l'oreille comme le symbole du sens au niveau de la tête, quelqu'un qui écoute

· Représentations affectives : tp 186/188

· Représentations liées au travail : la main, tp 152 : symbole de l'effort, de l'action, de l'aide, de la détermination, de l'habileté, de la force

- Quels sont les éléments qui distinguent les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment « ne pas la maîtriser » ?

· Femme

· Langue maternelle slave

·

154

Pas d'apprentissage du français au Kosovo

· « toute seule comme ça », tp 44

· La main, les oreilles

· « j'ai un niveau »

(b)

- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours) ?

· Tp 44

· Lié au travail

· Durée courte

· Format du discours ; long, descriptif, comparatif, situé (le travail, la classe, son foyer,

· Parler : une nature tp 154

· L'écriture d'un livre, tp 159

· L'interaction avec les autres, tp 84

· Avec sa « nature », tp 154, sa « façon », tp 176

· « j'ai jamais eu le temps d'apprendre le français », tp 232 : le projet d'écriture

- Quels changements sont associés à la compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique, construction des unités de communication, représentations) ?

·

155

Le travail

· L'authenticité de ses propos

· Lexique temporel : « au début », « après », « commencer », « venir », « regarder », tp 44,

· « deux ans », « commencer », « me dire », « avoir envie », « te voir », « ta tête », « vouloir apprendre », « donner » à l'impératif, « alors », « enfin », « arriver », « bonne mémoire », « parler/ s'écouter » tp 84

« les étrangers », « faire une phrase », « dit pas bien les choses », tp 88

· « jamais », « première année », le travail, évènements de vie (mariage, permis de travail)

· Des mains, nous passons à l'écriture en français (une de ses natures), tp 176

· « écrire », « ma façon », « vouloir dire », « entendre », « se sentir bien », « connaitre », « adorer », « comprendre », « raconter », tp184

· Facilité à parler la langue, « les mots viennent », « c'est bizarre », « un truc machin », tp 208

· « comme les belges », « ici », « je me suis adaptée », « j'ai trouvé mon rythme », tp 212/214

· « je me suis baissée à leur niveau », tp 220, « j'ai un niveau », tp 232

· Expansibilité du temps : « je te dis je peux écrire un livre t'auras jamais fini avec toi je te jure t'auras jamais fini », tp 298

156

- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome et identité ?

· Le français est la langue du travail

· Tp 184 : « vouloir », la négation

· Idiome/identité : lien avec la migration

· Langue in esse et histoire - Quels autres comportements sont relevés ?

· Comportement accompli dans une langue à reconstruire/ porter/ pousser sans cesse, tp 306-308

· Comportement linguistique illustratif, détailliste (le pourquoi du comment : au début et à la fin de l'entrevue)

· Le pays éloigné qui n'est pratiquement jamais désigné : déictiques « ici »-« là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur par l'inconnu

(c)

- Quelles techniques didactiques privilégier dans le domaine des sciences du langage ?

157

TABLE DES ILLUSTRATIONS

FIGURE 1 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON ARISTOTE.

FIGURE 2 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON PEIRCE.

FIGURE 3 : ÉVOLUTION DE LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON

PEIRCE.

FIGURE 4 : KAHLO F., 1932, AUTOPORTRAIT A LA FRONTIERE ENTRE LE MEXIQUE ET LES ÉTATS-UNIS, MEXIQUE.

FIGURE 5 : LES ETAPES DE NOTRE METHODOLOGIE DE RECHERCHE. FIGURE 6 : TITIEN, 1548-1549, SISYPHE, MADRID.

FIGURE 7 : LES REPRESENTATIONS DES LOCUTEURS NON CONFIRMES.

FIGURE 8 : REPRESENTATION PERSONNELLE DU STATUT D'APPRENTI-CHERCHEUR.






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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon