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Transmission générationnelle des langues à  Gamboma.


par Frydh ONDELE
Université Marien Ngouabi - Master 2 en sciences du langage 2015
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ MARIEN NGOUABI

FACULTÉ DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES
DÉPARTEMENT DES SCIENCES DU LANGAGE

TRANSMISSION GÉNÉRATIONNELLE

DES LANGUES À GAMBOMA

MÉMOIRE

Pour l'obtention du diplôme de Master en sciences du langage (SDL)

Présenté et soutenu publiquement Sous la direction

Par De

Frydh ONDELE Antoine LIPOU

Maître-Assistant CAMES

Année académique 2013-2014

Ce travail est dédié à tous ceux qui reconnaissent que :

« ...tout peut se dire, s'écrire, s'enseigner dans n'importe quelle langue.1 »

I

1 Calvet, L.-J., Pour une écologie des langues du monde, Paris, Plon, 1999, p.12.

II

Remerciements

Nous tenons à remercier sincèrement :

Notre directeur de recherche, M. Antoine Lipou qui, en dépit de ses multiples occupations a sérieusement dirigé ce travail et nous a soutenu financièrement lors de notre deuxième enquête. Nous le remercions également pour toutes les remarques qu'il a apportées aux versions antérieures de ce travail.

M. Josué Ndamba qui s'est énormément battu en sacrifiant son temps pour nous aider à obtenir de l'aide financière lors de notre première enquête ; qui nous a accompagné à Gamboma et a dirigé ladite enquête. Nous le remercions aussi pour ses observations.

Gracia Davinie Ibara et Estime Aubain Nzalakanda Moukouyou, étudiants en Master 1 des Sciences du Langage qui ont participé à la première enquête en tant qu'enquêteurs.

Les autorités de Gamboma pour leur accueil chaleureux, notamment : - M. Félicien Ernest Ondzia, Maire de Gamboma,

- M. François Mathurin Nkou, Attaché politique du Maire,

- M. Adrien Otou, Attaché économique du Maire,

- M. Adolphe Nzenzeki, Secrétaire Général du district de Gamboma.

Nos formateurs qui nous ont fait confiance et qui nous ont soutenu moralement :

- M. Guy-Roger Cyriac Gombé-Apondza, Chef du Département des Sciences du Langage,

- M. Georges Elounga, - M. Jean Boyi,

- M. Marcel Missakiri.

Tous les membres de la famille qui nous ont apporté toute forme de soutien : Auguste, Cyriac, Justin, Crépin et Roublanc Ondélé.

III

Nous tenons à remercier sincèrement et particulièrement L'Honorable député de Gamboma, Maire de la ville de Brazzaville, Hugues NGOUELONDELE qui nous a redonné espoir dans la réalisation de ce travail par son soutien financier intégral lors de notre première et principale mission.

Nous remercions aussi toutes les personnes qui nous ont soutenu de diverses manières, mais que nous ne pouvons citer ici.

IV

Abréviations

Agri et arti = Agriculteurs et artisans

Akw = akwa,

Ang = anglais

Aut = autre

Bom = boma

Con = conversation

Dem = demande

Dom = domicile

Éco = école

Eff.T= effectif total

Fra = français

Gan = gangoulou

Kit = kituba

L.pub = lieu public

L1 = langue première

L2 = langue seconde

LA1 = première langue africaine

Lin = lingala,

Mar = marché

Mbo = mbochi

Moy = moyi

Nbre = nombre

Nég = négociation

Obs = observation

Ték = téké

Véh = véhiculaire

Ver = vernaculaire

V

Résumé

Le plurilinguisme urbain est à l'origine de plusieurs phénomènes relevant de la sociolinguistique urbaine parmi lesquels le changement codique entre générations. Actuellement, dans notre pays, notamment en villes, certains parents n'accordent plus d'importance à la transmission des langues vernaculaires comme langues premières à leurs enfants au profit des langues véhiculaires.

Au centre urbain de Gamboma, dans le département des Plateaux situé au centre du Congo, les parents n'échappent pas à cette tendance. L'enquête que nous y avons menée montre qu'en général, les langues véhiculaires sont plus transmises que les langues vernaculaires. Les trois langues hautement transmises sont le lingala, le gangoulou et le français.

Plusieurs facteurs sont à l'origine de ce phénomène d'émergence des langues véhiculaires comme L1 des enfants : l'influence des langues véhiculaires, l'hétérogénéité linguistique des couples, le niveau intellectuel des parents etc. Bien que les langues locales soient faiblement transmises, les enquêtés reconnaissent la nécessité de les sauvegarder. Ainsi, ils ont évoqué diverses raisons et institutions pour la sauvegarde de celles-ci.

Mots-clés : Transmission des langues - Changement codique - Mort des langues - Langue véhiculaire - Langue vernaculaire - Langue première - Vitalité des langues - Plurilinguisme

Summary

Urban Multilingualism is at the origin of many phenomenons related to urban sociolinguistics such as language change between generations. Currently in our country, especially in cities, some parents give more importance to the transmission of vernacular languages as first languages to their children than to the transmission of vehicular languages.

In the urban center of Gamboma, in the department of Plateaux located in the center of Congo, parents are no exception to this trend. The survey we conducted shows that usually, vehicular languages are more transmitted than vernacular languages. The three highly transmitted languages are lingala, gangoulou and french.

Several factors are responsible for the phenomenon of emergence of vehicular languages as first language for children: the influence of vehicular languages, couples' linguistic heterogeneity, the intellectual level of parents... Although local languages are poorly transmitted, surveyed individuals recognize the need to save them. Thus, they mentioned various reasons and institutions to save them.

Keywords : Languages transmission- Language change - Death of languages - Vehicular language - Vernacular language - First language - Languages vitality - Multilingualism

1

0. INTRODUCTION

Les rapports entre langue et société s'observent sur différents terrains dont la ville. Par son attraction, celle-ci agglomère différentes communautés linguistiques et renferme ainsi divers problèmes sociolinguistiques tel le changement codique entre générations. Ce phénomène est l'une des causes de la rupture de transmission des patrimoines linguistiques.

La transmission des langues implique l'acquisition perpétuelle du langage, la maitrise des normes, du vocabulaire d'une langue et son maintien à travers le temps. Dans la transmission générationnelle des langues, celles-ci sont léguées, apprises et continuellement parlées.

Le mot génération « ...est un concept sociologique utilisé en démographie pour désigner une sous-population dont les membres, ayant à peu près le même âge ou ayant vécu à la même époque historique, partagent un certain nombre de pratiques et de représentations du fait de ce même âge ou de cette même appartenance à une époque. La durée d'une génération humaine correspond généralement au cycle de renouvellement d'une population adulte apte à se reproduire, à savoir environ vingt ans.2 »

Le phénomène de transmission des langues est observé dans toutes les communautés de locuteurs d'une langue donnée. La famille et l'école sont les instances les plus privilégiées. Néanmoins, le cercle familial y est considéré comme l'institution attitrée. Ainsi, Fabienne Leconte observe que :

« Un des points communs aux phénomènes de contacts de langues
et de cultures sur tous les continents est le rôle primordial de la

2 Génération (sociologie) - Wikipédia,

http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Génération (sociologie&oldid=102858165

2

famille dans la transmission des langues minoritaires aux enfants et partant des cultures qu'elles véhiculent. L'importance de la famille comme instance de transmission des langues minoritaires est en outre accentuée quand les langues ne bénéficient d'aucun soutien institutionnel ou de statut reconnu.3»

La famille en Afrique a un sens étendu. Pour L.-J. Calvet, au sens africain du terme, la famille est constituée des :

« ...grands-parents, leurs fils, leurs épouses et les enfants. Cette famille étendue regroupe donc, si on la regarde du point de vue de l'enfant, des frères et soeurs, des demi-frères et des demi-soeurs (dans le cas du père polygame), des cousins et cousines (les enfants des frères du père), des oncles (les frères du père), des tantes (leurs épouses), le père, la mère et les grands-parents.4 »

Nous abordons ici le phénomène de transmission générationnelle des langues, des parents aux enfants à Gamboma. Le terme parents renvoie aux parents géniteurs, aux oncles, aux tantes ou encore aux grands-parents. Avec les fils et filles, les neveux et nièces, ils forment la famille.

Dans cette introduction, nous présentons premièrement la problématique de notre thème de recherche. Nous faisons l'état de la question, nous dégageons l'importance du problème et les objectifs de recherche poursuivis. Deuxièmement nous exposons la méthodologie. Troisièmement, nous procédons à une brève présentation de la ville de Gamboma. Et quatrièmement, nous annonçons le plan du travail.

3 Leconte, Fabienne, La famille et les langues. Une étude sociolinguistique de la deuxième génération de l'immigration africaine dans l'agglomération rouennaise, Paris, L'Harmattan, 1997, p.9.

4 Calvet, L.-J., Les voix de la ville : introduction à la sociolinguistique urbaine, Paris, Payot & Rivages, 1994, p.131.

3

0.1. PROBLÉMATIQUE

Le problème de la disparition des langues est un phénomène qui intéresse et préoccupe les linguistes. Dans les années 2000, plusieurs travaux ont été menés sur la question de la « mort des langues ». Selon les linguistes, le nombre de langues recensées dans le monde varie entre six mille et sept mille. Médéric Gasquet-Cyrus affirme que selon Claude Hagège, vingt-cinq langues meurent par année ; vingt-quatre selon D. Crystal, et dix selon R. Bjeljac-Babic et R. Breton5.

En effet, les ethnolinguistes estiment qu'au cours des trois siècles derniers, des langues se sont éteintes ou ont disparu dans des proportions dramatiques et à un rythme sans cesse croissant, en particulier en Amérique et en Australie. Aujourd'hui, au moins trois mille langues sont menacées dans de nombreuses régions du monde. Ainsi, estiment-ils qu'en Afrique, sur mil quatre cent langues locales, au moins deux cent cinquante sont menacées et cinq cent à six cent sont sur le déclin. L'Europe, compte une cinquantaine de langues en péril. En Océanie, l'Australie affiche un nombre record de langues récemment disparues ou menacées dans la région, seules vingt cinq langues aborigènes y demeurent couramment parlées sur quatre-cent. Quant au continent américain, au Mexique par exemple, quatorze langues locales sont en péril ou moribondes ; trois cent soixante quinze langues survivent en Amérique du Sud, dont une grande proportion est gravement menacée ou moribonde6.

En 2003, l'UNESCO dans son rapport intitulé Vitalité et disparition des langues affirme que « même les idiomes qui comptent plusieurs milliers

5 Gasquet-Cyrus, Médéric, « La métaphore du poids des langues et ses enjeux », in Le poids des langues : dynamiques, représentations, contacts, conflits, Gasquet-Cyrus, Médéric et Pétijean, Cécile, Paris, L'Harmattan, 2009, p.22.

6 Diversité linguistique : 3 000 langues en péril, http://www.unesco.org/bpi/fre/unescopresse/2002/02-07f.shtml

4

de locuteurs ne sont plus appris aux enfants ; plus de 50 % des langues du monde perdent des locuteurs. Selon nos estimations, 90% d'entre elles pourraient être remplacées par des langues dominantes d'ici la fin du XXIe siècle.7»

À partir de ces affirmations, nous constatons que la mort des langues est un phénomène très répandu et inéluctable qui suscite des conséquences négatives : la menace de la diversité linguistique dans le monde, particulièrement en Afrique. C'est en effet sous l'effet du « poids »8 de certaines langues, notamment les langues coloniales (langues de grande diffusion) que les langues autochtones tendent à disparaître.

0.1.1. ÉTAT DE LA QUESTION

Le phénomène de transmission des langues retient l'attention de plusieurs auteurs et, divers travaux sont menés à ce sujet. Anna Ghimenton par exemple a étudié en 2010 la transmission intergénérationnelle du plurilinguisme sociétal de Vénétie (nord-ouest de l'Italie)9. Elle part d'un corpus de trente cinq heures d'enregistrements d'interactions dynamiques et multipartites dans le contexte familial. Partant des analyses quantitatives et qualitatives des fréquences de choix de langues dans la production d'un enfant et cinq adultes notamment ses parents, ses grands-parents et une tante, elle montre que l'italien est la langue privilégiée lorsque l'enfant est

7 UNESCO, Vitalité et disparition des langues, http://www.unesco.org/culture/heritage/intangible/2003

8 Le terme « poids » ici a deux acceptions, le poids physique qui renvoie au statut socio-politico-économique de la langue aux plans national et international et le poids moral qui renvoie aux représentations (qualité méliorative ou dépréciative) qu'ont les individus vis-à-vis d'une ou des langues donnée(s). Cette notion de « poids de langues » est aussi « intimement liée à la nature des liens entre communautés linguistiques, aux relations qu'entretiennent les membres d'une même communauté, et à la dynamique sociale » selon Gasquet Cyrus et Cécile Pétijean, 2009.

9 Ghimenton, Anna, Analyse des interactions familiales entre trois générations dans la région italienne de Vénétie : réflexions sur les voies de la transmission des langues minorées, Travaux neuchâtelois de linguistique, 2010, 52, 109-124.

5

directement impliqué dans l'échange, alors que le dialecte est la langue qui caractérise les échanges entre les adultes.

Réné Houle de son côté, a examiné l'évolution de la transmission des langues immigrantes entre 1981 et 2006 au Canada10. Il a procédé en premier lieu par une comparaison de la situation de deux recensements espacés de 25 ans, une comparaison historique de deux populations définies de façon identique, soit les mères immigrantes ayant des enfants de moins de 18 ans ; en second lieu par un intérêt accordé à la dimension intergénérationnelle de la transmission des langues immigrantes. Il compare les mères immigrantes qui, au recensement de 1981, avaient des enfants de moins de 18 ans nés au Canada à leurs enfants, 25 ans plus tard, alors que ces dernières sont âgées de 25 à 42 ans et elles-mêmes devenues mères. Il montre que pour l'ensemble des groupes linguistiques, au recensement de 1981, la langue immigrante a été transmise à 41% des enfants de moins de 18 ans nés au Canada, et, au recensement de 2006, 55%, soit 14 points de plus. Le constat fait est la persistance des langues immigrantes au Canada dans un contexte de flux migratoires soutenus.

Aucune étude sur la transmission des langues à Gamboma n'a été antérieurement entreprise. La présente étude s'inscrit dans le cadre des travaux initiés par M. Ndamba Josué sur les langues premières des enfants dans les centres urbains du Congo.

Sous l'effet d'une urbanisation ultrarapide au Congo, les langues locales vernaculaires sont entrées en contact avec les langues véhiculaires du territoire national : le lingala, le kituba et le français. On se retrouve devant des situations de pluriglossie enchâssée dans lesquelles les langues véhiculaires « nationales » exercent leur suprématie sur les langues

10 Houle, Réné, Évolution récente de la transmission des langues immigrantes au Canada, http://www.statcan.gc.ca/pub/11-008-x/2011002/t/11453/tbl004-fra.htm

6

vernaculaires et, sont elles-mêmes confrontées au poids de la langue officielle. Face à ce déséquilibre, certains parents n'accordent plus d'importance à la transmission des langues vernaculaires à leurs enfants. Par conséquent, ces derniers ont pour langue première une langue véhiculaire. Ce qui entraîne systématiquement la réduction du nombre de locuteurs des langues vernaculaires qui pourrait avec le temps entraîner leur disparition, induisant ainsi la réduction de la diversité linguistique. Etant donné que chaque langue véhicule une culture donnée, celle de ses locuteurs, les cultures véhiculées par ces langues en danger tendront à disparaître. Les enfants s'identifieront à la culture des langues qu'ils parleront.

Dans ce travail, nous avons choisi d'aborder les points particuliers suivants :

- les usages des langues à travers les situations de communication à Gamboma ;

- la ou les langue(s) hautement transmise(s) des parents aux enfants. À l'opposé, la ou les langue(s) faiblement transmise(s) ;

- les facteurs qui sont à l'origine de la progression et de la régression de la transmission générationnelle des langues ;

- la nécessité et les perspectives de sauvegarde des langues faiblement transmises.

0.1.2. IMPORTANCE DU PROBLÈME

L'un des indices d'identification d'une langue en danger, c'est la rupture de transmission générationnelle. En effet, l'UNESCO distingue six facteurs qui concourent à l'évaluation du degré de vitalité ou d'érosion linguistique : la transmission de la langue d'une génération à l'autre ; le

7

nombre absolu de locuteurs ; le taux de locuteurs sur l'ensemble de la population ; l'utilisation de la langue dans les différents domaines publics et privés ; la réaction face aux nouveaux domaines et médias ; et les matériels d'apprentissage et d'enseignement des langues. Parmi ces indices, la transmission générationnelle est l'indice le plus couramment utilisé.11 D'une manière générale, une langue disparaît quand il n'y a plus suffisamment de locuteurs pour la parler et le nombre de locuteurs d'une langue diminue quand les parents ne la transmettent plus à leurs enfants. Ainsi, le premier symptôme de la régression d'une langue apparaît quand un peuple commence à ne plus utiliser sa langue, quand il l'abandonne pour la remplacer par une autre qu'il estime plus rentable12.

Cette étude a pour but de montrer que les locuteurs des différentes langues parlées au Congo et spécifiquement dans la commune de Gamboma sont les personnes susceptibles d'assurer le maintien de leur langue en l'utilisant, ou son abandon en ne l'utilisant pas dans leurs communications.

0.1.3. OBJECTIFS DE RECHERCHE

L.-J. Calvet affirme que «...telle une pompe, la ville aspire du plurilinguisme et recrache du monolinguisme, et elle joue ainsi un rôle fondamental dans l'avenir linguistique de la région ou de l'État.13 » Elle se présente comme un facteur d'unification linguistique14. Pour Josué Ndamba,

11 UNESCO, Vitalité et disparition des langues, http://www.unesco.org/culture/heritage/intangible/2003

12 La mort des langues, http://www.axl.cefan.ulaval.ca/Langues/2vital_mortdeslangues.htm

13 Calvet, L.-J., Les voix de la ville : introduction à la sociolinguistique urbaine, Paris, Payot & Rivages, 1994, p.130.

14 Calvet, L.-J., op.cit., p.136.

8

« La ville joue donc un rôle de développement pour les langues véhiculaires et de régression pour les langues vernaculaires. 15»

Dans la présente étude, nous allons procéder à l'évaluation du pourcentage de transmission des langues dans les familles dans le centre urbain de Gamboma ; observer si le phénomène de rupture de transmission des langues vernaculaires est attesté. Nous visons également montrer aux locuteurs des langues et aux autorités du pays, la nécessité de sauvegarder les langues du territoire national congolais ; et particulièrement aux autorités, l'urgence d'amorcer une politique de sauvegarde des langues et des cultures locales menacées d'extinction.

0.2. MÉTHODOLOGIE

Pour étudier ce phénomène de transmission générationnelle des langues, des parents aux enfants à Gamboma, nous nous sommes rendu deux fois à Gamboma pour recueillir des données.

La première mission a été dirigée par Monsieur Ndamba Josué. Nous étions accompagné de deux autres étudiants de Master 1, Gracia Davinie Ibara et Estime Aubain Nzalakanda Moukouyou. Les données ont été recueillies pendant trois jours, du 21 au 23 novembre 2014. Nous sommes partis de deux méthodes d'enquête : le questionnaire et l'observation des pratiques réelles.

La deuxième fois nous nous y somme rendu seul afin de compléter les fiches des enfants recueillies à la première enquête, que nous avions estimées

15 Ndamba, Josué, « Des véhiculaires aux vernaculaires à Brazzaville : la ville et les changements de fonctions linguistiques », in Le plurilinguisme urbain, actes du colloque de Libreville "Les villes plurilingues" (25-29 septembre 2000), Calvet, L-J. & Moussirou-Mouyama, A., Institut de la Francophonie, Diffusion Didier Érudition, Paris, 2000, p.139.

9

insuffisantes et quelques fiches d'observation. Cette dernière a duré deux jours, du 15 au 16 décembre 2014.

Un questionnaire était destiné aux enfants et un autre aux parents. Nous nous sommes servi de deux types de questionnaires sociolinguistiques16 :

- un questionnaire se rapportant au contenu (questions de fait et d'opinion).

- et un questionnaire se rapportant à la forme : forme structurée et forme non structurée. La forme structurée comportait des questions fermées avec réponse positive ou négative et des questions semi-fermées à choix multiples et une proposition à spécifier. La forme non structurée comportait des questions ouvertes, sans suggestions de réponses.

Les modèles utilisés par Talani Nanitelamio17 nous ont servi de base. Nous les avons aménagés en écartant certaines questions qui nous ont semblé moins pertinentes et y incluant d'autres jugées plus pertinentes par rapport à nos questions de recherche. Nous avons légèrement modifié la numérotation et nous avons également reparti les questions par thèmes.

Quant à la méthode d'observation18, elle concernait les interactions linguistiques entre deux locuteurs (Locuteur 1 et Locuteur 2). L'âge des enquêtés observés varie entre cinq et plus de vingt-cinq ans. Nous les avons enquêtés dans la rue, à domicile, à l'école, au marché et dans des lieux administratifs, à travers les types d'interactions tels : la conversation, la négociation, la demande etc.

16 Cf. Boukous, Ahmed, « Le Questionnaire », in L'enquête sociolinguistique, Calvet L.-J. et Dumont Pierre, Paris, L'Harmattan, 1999.

17 Talani Nanitelamio, Émergence des langues véhiculaires comme langues vernaculaires chez les enfants d'Owando, Mémoire de maitrise, FLSH, Brazzaville, 2009.

18 Juillard, Caroline, « L'observation des pratiques réelles », in L'enquête sociolinguistique, Calvet, L.-J. et Dumont, Pierre, Paris, L'Harmattan, 1999.

10

0.2.1. POPULATION CIBLE ET ÉCHANTILLON DE L'ENQUÊTE

La méthode employée pour sélectionner l'échantillon est celle des échantillons probabilistes, notamment l'échantillon aléatoire simple19. La population ciblée est constituée des enfants de 10 à 25 ans qui équivalent à peu près aux élèves qui sont en fin de cycle primaire, au collège et au lycée, et aussi les parents.

Deux cent quatre-vingt fiches ont été remplies pour les deux méthodes abordées. Pour le questionnaire, nous avons rempli au total cent soixante-quinze fiches dont soixante-douze pour les parents et cent-trois pour les enfants, tenant compte de la répartition par sexe, par tranches d'âge, par emploi exercé et par niveau intellectuel des parents. Cent-cinq fiches ont été établies pour l'observation des pratiques réelles tenant également compte du sexe, des tranches d'âges des locuteurs, de leur localisation, de la ou des langue(s) utilisée(s) et du type d'interaction.

0.3. PRÉSENTATION DU DISTRICT DE GAMBOMA

Le département des Plateaux est l'un des douze que compte la République du Congo. Il comprend onze districts,20 dont celui de Gamboma.

19 Cf. Bruno Marien et Beaud, Jean Pierre, Guide pratique pour l'utilisation de la statistique en recherche : le cas des petits échantillons, Réseau Sociolinguistique et dynamique des langues, Agence universitaire de la Francophonie, Québec, Mai 2003.

20 CRIPOL (Cercle Républicain pour l'Innovation Politique) : Les Plateaux, 53ème anniversaire de l'Indépendance du Congo, Djambala, 15 août 2013.

11

12

0.3.1. ASPECTS PHYSIQUES ET GÉOGRAPHIQUES

Situé au centre du département des plateaux, le district de Gamboma est délimité : au Nord par le district d'Ongogni ; au Nord-est par le district de Makotipoko ; au Sud par les districts de Ngo et de Mpouya ; à l'Est par le fleuve congo et à l'Ouest par les districts de Mbon et d'Abala.

Il compte environ deux cent quatre villages repartis sur dix axes et recouvre une superficie de 6.628 km2 pour une population de 43.221 habitants.21

Dominé par des plateaux, des collines et quelques cuvettes alluviales dans les environ des villages Tsampoko, Entonton et Obaba, le district de Gamboma jouit d'un climat de type sub-équatorial avec des précipitations plus ou moins abondantes (1200 à 1300 mm d'eau par an) et des températures de 23 à 25oc.

La végétation du district de Gamboma est formée de nombreux lambeaux forestiers dont la plus caractéristique est la forêt galerie qui s'étire le long des cours d'eau et des savanes tantôt herbeuses, tantôt arbustives. Elle est aussi caractérisée par des bosquets et des boqueteaux.

Les sols sont généralement sablonneux et on y trouve aussi des sols hydromorphes très acides dans les zones marécageuses (Entonton, Inta, Obala). Le district de Gamboma est principalement arrosé par la rivière Nkéni, navigable en toute saison sur 60km22.

21 CNSEE (Centre National de la Statistique et des Études Économiques), Le RGPH-2007 en quelques chiffres, Brazzaville, juillet 2010.

22 Archives de la mairie de Gamboma, Plan quinquennal de développement économique et social du département des Plateaux, 2009-2013, Département des Plateaux, conseil départemental, Djambala, février 2009.

13

Sa commune urbaine compte huit quartiers dont Agnié, Bene, Komo, Louara, Mbambié, Mpaire 1, Mpaire 2 et Nkéni. Au dernier recensement (celui de 2007), sa population était estimée à 18.514 habitants23.

Le quartier Bene n'apparaît pas sur le plan de la commune parce qu'il est un ex. village qui a été intégré comme quartier ; et jusqu'à présent, la carte des huit quartiers n'est pas encore produite.

23 CNSEE, op.cit.

14

SOURCE : CERGEC

0.3.2. APERÇU ÉCONOMIQUE ET SOCIO-CULTUREL

L'économie du district de Gamboma est caractérisée par une très faible productivité. Les habitants de Gamboma vivent essentiellement de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche, de la chasse et de l'artisanat. Les produits de ces différentes activités sont le manioc, l'igname, l'arachide, le poisson, le gibier etc. Ils sont destinés à la subsistance. Néanmoins, ces différents produits sont aussi écoulés sur les marchés municipaux (le marché du jour, le plus grand et le marché de nuit) et aussi à Brazzaville.

15

La commune de Gamboma a une école maternelle et compte onze écoles primaires (dont sept relèvent du secteur public et quatre du secteur privé), cinq collèges d'enseignement général (dont un du secteur public et quatre du secteur privé) et un collège d'enseignement technique relevant du secteur public. Elle a un lycée d'enseignement général.

Le centre urbain de Gamboma dispose des structures essentielles d'une ville : un grand hôpital, des hôtels, une mairie, une inspection de l'enseignement, une sous-préfecture, un grand marché etc. On y trouve des associations culturelles, et on y pratique des danses culturelles et des activités religieuses.

0.3.3. RÉPERTOIRE LINGUISTIQUE DE LA COMMUNE DE GAMBOMA

Sur le territoire du centre urbain de Gamboma, nous avons listé treize langues en présence dont onze langues bantu (deux langues véhiculaires, le lingala et le kituba et neuf langues vernaculaires) et deux langues étrangères (le français et l'anglais). Les onze langues bantu sont rangées selon la classification linguistique proposée par Malcolm Guthrie, remaniée par Y. Bastin.

1- Les langues bantu :

- le lingala, C36, qui est la langue véhiculaire la plus répandue de la zone

nord du Congo. Il est employé dans toutes les situations de communication étudiées (chapitre 1), chez les parents comme chez les enfants.

- le kituba, langue véhiculaire la plus répandue de la zone sud du pays. À Gamboma, il est très faiblement employé par les enfants, uniquement entre amis dans la rue, en situation de bilinguisme.

16

- le gangoulou (ångugwål), B72, langue autochtone24 des habitants de Gamboma. Comme le lingala et le français, il est la seule langue vernaculaire à être utilisée dans toutes les situations de communication chez les parents et chez les enfants.

- le mbochi (åmb?si), 5. Il est utilisé dans la communication familiale entre parents et enfants ; entre conjoints ; par les enfants avec leurs frères et soeurs ; entre les parents et leurs amis et entre voisins dans le quartier.

- le boma, B74a, langue utilisée en famille entre enfants et parents ; par les enfants avec leurs frères et soeurs ; entre conjoints et entre parents et voisins dans le quartier.

- le téké, B71. Il est faiblement présent dans la situation de communication en famille entre enfants et parents. Il est aussi employé par les enfants et leurs frères et soeurs ; entre conjoints et entre les parents et leurs amis.

- le koyo, 4, utilisé en famille par les enfants avec leurs frères et soeurs et dans une situation de bilinguisme entre les enfants et les parents.

- le laari, H16f, très faiblement employé en famille, entre conjoints.

- l'akwa, 2. Son usage est attesté en situation de bilinguisme par les parents avec leurs amis.

- le moyi, C38 qui n'est aucunement attesté dans une situation de communication.

- le kikoongo, H16g. Il n'est employé dans aucune situation de communication.

24 Langue de la population originaire de Gamboma.

17

2- Les langues étrangères :

- le français, langue étrangère, véhiculaire et officielle attestée dans toutes les situations de communication comme le lingala.

- l'anglais, langue étrangère, très faiblement employée par les parents avec leurs amis.

0.4. PLAN

Ce travail renferme six parties, hormis l'introduction et la conclusion :

· Chapitre 1 : Langues parlées à Gamboma ;

· Chapitre 2 : Transmission des langues par les parents aux enfants ;

· Chapitre 3 : Langues premières déclarées par les enfants ;

· Chapitre 4 : Facteurs de progression et de régression de la transmission générationnelle des langues ;

· Chapitre 5 : Observation des pratiques linguistiques réelles ;

· Chapitre 6 : Sauvegarde des langues.

18

Chapitre 1 : Langues parlées à Gamboma

H. Gobard distingue dans la langue quatre fonctions : la fonction de communion, la fonction de communication, la fonction techno-ludique et la fonction magique25. Selon lui, à ces quatre fonctions sont liés quatre types de langages : le langage vernaculaire attaché à la fonction de communion, le langage véhiculaire correspondant à la fonction de communication, le langage référentiaire à la fonction techno-ludique, et le langage mythique à la fonction magique.

Dans ce chapitre, nous examinons, premièrement chez les parents et deuxièmement chez les enfants, les fonctions (de communion et de communication) des langues répertoriées dans la commune de Gamboma, à travers les situations de communication ci-dessous.

1.1. USAGES DES LANGUES PAR LES PARENTS

Chez les parents, nous étudions ces usages à travers les situations de communications tels qu'en famille avec les enfants et les conjoints, dans la rue avec les amis, dans le quartier avec les voisins, et au marché avec les commerçants ou vendeurs.

1.1. 1. LANGUES DÉCLARÉES PARLÉES EN FAMILLE AVEC LES ENFANTS

Sur les soixante-douze fiches des parents, soixante-neuf ont été retenues et trois ont été écartées parce que les enquêtés n'ont pas répondu à la

25 Gobard, Henri, L'Aliénation linguistique ; Paris, Flammarion, 1976, p.p.23-30.

19

question posée, à savoir quelle (s) langue (s) parlez-vous en famille avec votre ou vos enfant(s) ?

Selon les réponses obtenues, en situations de monolinguisme familial, nous trouvons les parents qui déclarent utiliser la seule langue véhiculaire nationale la plus répandue de la zone ; qui font usage d'une langue vernaculaire ; et qui emploient la langue officielle.

En situations de bilinguisme, nous distinguons : les parents qui parlent à leurs enfants en se servant d'une langue véhiculaire et une langue vernaculaire ; ceux qui utilisent la langue officielle et une langue véhiculaire nationale ; et ceux qui font usage d'une langue officielle et d'une langue vernaculaire.

Voici les résultats dans le tableau ci-dessous :

Statuts des Langues

Nbre de cas

%

Véhiculaire

28

40,58

Vernaculaires

23

33,33

Officielle

5

7,24

Véhiculaire+vernaculaire

7

10,14

Véhiculaire+officielle

5

7,24

Officielle+vernaculaires

1

1,45

Total

69

100

Tableau 1 : Statuts des langues déclarées parlées par les parents en famille avec les enfants

Vingt-huit cas de familles déclarent utiliser le lingala comme langue exclusive en communication familiale, soit 40,58%, ceci dans les familles dont les parents ont la même langue maternelle ou non. Cinq cas de familles utilisent exclusivement la langue officielle, le français, soit 7,25%.

Les langues vernaculaires sont utilisées à 33,33%, soit vingt-trois enquêtés. Le gangoulou employé par dix-neuf enquêtés arrive en tête avec un pourcentage de 27,54% ; le mbochi est utilisé par trois enquêtés, soit 4,34% ; le boma est employé par 1,45% des parents (un seul cas).

Pour les familles plurilingues, sept enquêtés (10,14%) ont déclaré se servir d'une langue véhiculaire (lingala) et d'une langue vernaculaire. Il s'agit des duos suivants : lingala+gangoulou, six cas ; lingala+mbochi, un cas.

Cinq enquêtés se servent du lingala et du français, soit 7,24%.

Un cas où on se sert de la langue officielle, le français et d'une langue vernaculaire, le gangoulou, soit 1,45%.

Il est à retenir que des cinq langues utilisées en situations de monolinguisme, le lingala est la langue dominante (40,58%), suivi du gangoulou (27,54%). Le français vient en troisième position (7,25%), suivi du mbochi (4,34%). Et le boma vient en dernière position (1,45%).

En duo, le lingala+gangoulou arrive en tête (8,70%), puis le lingala+français (7,24%). Les duos lingala+mbochi et français+gangoulou arrivent en dernière position avec 1,45%) chacun.

20

Les résultats sont présentés dans le tableau suivant :

21

 

Langues

Nbres
de cas

%

monolinguisme

Lingala

28

40,58

Gangoulou

19

27,54

Français

5

7,25

Mbochi

3

4,34

Boma

1

1,45

Bilinguisme

Lingala+gangoulou

6

8,70

Lingala+français

5

7,24

Lingala+mbochi

1

1,45

Français+gangoulou

1

1,45

 

Total

69

100

Tableau 2 : Langues parlées par les parents en famille avec les enfants

1.1.2. ENTRE CONJOINTS

Sur soixante-douze fiches, vingt et une fiches ont été écartées parce que les enquêtés n'ont pas répondu à la question posée. Les résultats des cinquante et un enquêtés sont les suivants selon l'ordre chronologique :

- En situations de monolinguisme, le gangoulou arrive en premier avec dix-neuf enquêtés, soit 37,25%. Le lingala arrive en deuxième position avec dix-sept cas, soit 33,33%. Avec trois enquêtés, le mbochi occupe la troisième place avec 5,88%, suivi du boma et du français avec chacun deux cas, soit 3,92% pour chacun. Le téké apparaît en dernier avec un seul enquêté, soit 1,96%.

22

- En situations de bilinguisme, celui du lingala+gangoulou s'élève à 7,85% avec quatre cas. Ceux du lingala+français, français+mbochi, lingala+laari sont utilisés à 1,96% avec un seul cas chacun.

Voici les résultats sous forme de tableau :

 

Langues

Nbres de cas

%

Monolinguisme

Gangoulou

19

37,26

Lingala

17

33,33

Mbochi

3

5,88

Boma

2

3,92

Français

2

3,92

Téké

1

1,96

Bilinguisme

Lingala+gangoulou

4

7,85

Lingala+français

1

1,96

Français+mbochi

1

1,96

Lingala+laari

1

1,96

 

Total

51

100

Tableau 3 : Langues parlées entre conjoints en famille

Contrairement à la situation de communication avec les enfants où une langue nationale véhiculaire, le lingala, établit sa suprématie, nous constatons que c'est une langue vernaculaire, le gangoulou, qui domine dans la communication entre conjoints. Ceci s'explique par le fait qu'elle soit la langue autochtone de Gamboma. La majorité des parents l'ont pour langue

23

première. Ils ont appris à parler en cette langue (63,89%) et s'en servent dans leurs conversations.

1.1.3. ENTRE AMIS

Tous les enquêtés ont répondu à la question, soit soixante-douze personnes. Celles-ci déclarent utiliser dans la rue avec leurs amis essentiellement le lingala et le gangoulou à un pourcentage de 73,61%. Soit 38,89% pour le lingala et 34,72% pour le gangoulou. Le français est utilisé à 8,33%.

Les langues véhiculaires, notamment le lingala et le français sont utilisées à 47,22%. Les parents ne se servent aucunement du kituba.

Dans cette situation, les langues véhiculaires ne sont pas les seules langues qui exercent la suprématie. Le gangoulou, langue vernaculaire, apparaît ici comme deuxième langue de communication dans la rue : cela est rare dans la plupart des cas en ville. Bien que Gamboma soit un centre urbain, ses habitants se servent hautement de la langue vernaculaire autochtone qui est le gangoulou.

Les situations de bilinguisme ont un pourcentage de 12,50%. Il s'agit du lingala+gangoulou, 5,55% ; du lingala+mbochi, 2,78% ; du lingala+français, 2,78% et du français+gangoulou, 1,39%. Le lingala, comme en situation de monolinguisme est la langue la plus employée.

Certains parents ont déclaré utiliser trois langues. Il s'agit des trilinguismes lingala+français+gangoulou et lingala+français+téké, soit 1,39% chacun.

24

D'autres se servent de quatre langues :

lingala+français+gangoulou+anglais (2,78%).

Les réponses des enquêtés sont présentées dans le tableau ci-dessous.

 

Langues

Statuts

Nbres de cas

%

Monolinguisme

Lingala

Véh

28

38,89

Gangoulou

Ver

25

34,72

Français

Véh

6

8,33

Bilinguisme

Lin+gan

Véh+ver

4

5,55

Lin+fra

Véh+véh

2

2,78

Lin+mbo

Véh+ver

2

2,78

Fra+gan

Véh+ver

1

1,39

Trilinguisme

Lin+fra+gan

Véh+véh+ver

2

2,78

Lin+fra+ték

Véh+véh+ver

1

1,39

Quadrilinguisme

Lin+fra+gan+ang

Véh+véh+ver+véh

1

1,39

Total

 
 

72

100

Tableau 4 : Langues parlées par les parents avec amis

1.1.4. AVEC LES VOISINS DANS LE QUARTIER

Dans cette partie, nous étudions les usages des langues en présence par les habitants de Gamboma dans leurs interactions communicatives avec les voisins dans les quartiers.

Les habitants de Gamboma utilisent les langues véhiculaires à 52,18%, et les langues vernaculaires à 40,07%. Trente-cinq enquêtés sur soixante-douze ont déclaré employer le lingala comme langue exclusive de communication, soit 48,61%. Vingt-huit d'entre eux emploient le gangoulou, soit 38,88%. Le français est utilisé par trois enquêtés, soit 4,17%. Le boma avec un seul enquêté, est utilisé à 1,39%.

Les langues suivantes sont utilisées en situations de bilinguisme : lingala+mbochi, 4,17% ; lingala+gangoulou, 1,39% ; et français+lingala, 1,39%. Tout comme dans des situations de communication précédentes, nous constatons la grande concurrence entre le lingala (véhiculaire) et le gangoulou (vernaculaire), langue autochtone de la commune de Gamboma.

Voici le tableau synoptique présentant toutes les réponses :

 

Langues

Statuts

Nbres de cas

%

Monolinguisme

Lingala

Véh

35

48,61

Gangoulou

Ver

28

38,88

Français

Véh

3

4,17

Boma

Ver

1

1,39

Bilinguisme

Lin+mbo

Véh+ver

3

4,17

Lin+gan

Véh+ver

1

1,39

Lin+fra

Véh+ver

1

1,39

Total

 
 

72

100

25

Tableau 5 : Langues parlées par les parents avec les voisins dans le quartier

26

1.1.5. AU MARCHÉ

« Tous les jours, en tous les points de la terre, des centaines de milliers de personnes se rencontrent, ont besoin de communiquer mais n'ont pas la même langue. Et le commerce est la pratique sociale qui connait le plus fréquemment ce problème : comment vendre et acheter à des gens de langue différente ?26 »

- Dans les marchés municipaux, les parents échangent avec les vendeurs congolais en se servant en grande partie d'une langue véhiculaire, le lingala avec quarante-huit enquêtés, soit 67,61%. Le gangoulou occupe la deuxième place avec dix-sept cas, soit 23,94%. Le français est représenté à 1,41%. Le kituba n'est pas signalé en situations de monolinguisme. Nous constatons ici que le lingala et le gangoulou sont dans l'ensemble utilisés à 91,55%.

En duo, le lingala+gangoulou sont utilisées à 4,23% ; et le lingala+français à 2,81%.

- Avec les étrangers ou inconnus, les parents ont déclaré utiliser exclusivement les langues véhiculaires à 88,74%. Toutefois, la tendance est renversée. Ce n'est plus le lingala qui arrive en premier comme dans la plupart des cas ci-dessus, mais le français avec trente-quatre cas, soit 47,89%. Vingt-neuf enquêtés ont déclaré employer lingala, soit 40,85%. Cinq parents utilisent exclusivement le gangoulou, 7,04%.

Le bilinguisme français+lingala est utilisé dans trois cas, soit 4,22% de la population enquêtée.

26 Calvet, L.-J., la guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris, Payot, 2005, [1987], Réed. Hachette, p.107.

27

Pour mieux visualiser les résultats, nous les présentons dans le tableau suivant :

 
 

Langues

Statuts

Nbres de cas

%

Vendeurs Congolais

Monolinguisme

Lingala

Véh

48

67,61

Gangoulou

Ver

17

23,94

Français

Véh

1

1,41

Bilinguisme

Lin+gan

Véh+véh

3

4,23

Lin+fra

Véh+ver

2

2,81

 
 

Total

 

71

100

Vendeurs Etrangers

Monolinguisme

Français

Véh

34

47,89

Lingala

Véh

29

40,85

Gangoulou

Ver

5

7,04

Bilinguisme

Lin+fra

Véh+véh

3

4,22

 
 

Total

 

71

100

Tableau 6 : Langues parlées par les parents avec les commerçants

Nous remarquons qu'au marché, dans leur conversation avec les commerçants, qu'ils soient congolais, étrangers ou inconnus, les parents se servent exclusivement de trois langues : une langue vernaculaire, le gangoulou et deux langues véhiculaires, le lingala et le français, parce que le marché est un endroit cosmopolite parmi tant d'autres et accueille les individus de langues maternelles différentes, d'où intervient la fonction de communication principalement liée au langage véhiculaire. La présence du gangoulou dans le cas des commerçants congolais peut s'expliquer par le fait

28

que les parents connaissent les commerçants et leur langue maternelle qui serait le gangoulou. Avec les étrangers (Mauritaniens, Libanais, Camerounais etc.), les parents s'adressent à eux au moyen des interprètes gangoulous.

1.2. USAGES DES LANGUES PAR LES ENFANTS

Cinq situations de communication ont été retenues : en famille avec les parents, avec les frères et soeurs ; avec les amis dans la cour de l'école, dans la rue ; avec les commerçants au marché.

1.2.1. AVEC LES PARENTS

Les cent-trois enfants enquêtés parlent les langues véhiculaires et vernaculaires avec leurs parents en situations de monolinguisme, bilinguisme et trilinguisme.

En situations de monolinguisme, les langues véhiculaires sont plus utilisées dans les interactions avec les parents (41,74%) que les vernaculaires (37,86%). Le lingala demeure la langue la plus utilisée dans cette situation de communication avec 37,86%, suivi du gangoulou, 32,04%. Le français est utilisé à un même pourcentage que le boma, 3,88%. Le mbochi et le téké sont faiblement représentés à hauteur de 0,97% chacun.

Tous les cas de bilinguisme enregistrés sont représentés à 17,48% ; 8,74% d'enfants font simultanément usage du français + lingala. Le bilinguisme lingala + gangoulou (les deux langues à haut pourcentage), est employé à hauteur de 5,83%. Les cas du lingala + téké, français + gangoulou et gangoulou + koyo sont utilisés à hauteur de 0,97% chacun.

29

Un seul cas du trilinguisme est enregistré. Il s'agit du lingala + gangoulou + français, soit 2,92%.

Les résultats sont présentés dans le tableau suivant :

 

Langues

Statuts

Nbres de cas

%

Monolinguisme

Lingala

Véh

39

37,86

Gangoulou

Ver

33

32,04

Français

Véh

4

3,88

Boma

Ver

4

3,88

Mbochi

Ver

1

0,97

Téké

Ver

1

0,97

Bilinguisme

Lin+fra

Véh+ver

9

8,74

Lin+ gan

Véh+ver

6

5,83

Lin+ték

véh+ver

1

0,97

Gan+fra

Ver+véh

1

0,97

Gan+koy

Ver+ver

1

0,97

Trilinguisme

Lin+gan+fra

Véh+ver+véh

3

2,92

Total

 
 

103

100

Tableau 7 : Langues parlées par les enfants avec les amis dans la rue

1.2.2. ENTRE FRÈRES ET SOEURS

Dans leurs interactions entre frères et soeurs, les cent-deux enfants ayant répondu à la question posée déclarent utiliser plus la langue véhiculaire

la plus répandue de la zone, le lingala, avec un pourcentage de 63,73%. Le gangoulou qui occupe le plus souvent la deuxième place est utilisé avec un pourcentage de 14,71%. Le français qui est utilisé à 6,86% est suivi par le mbochi, 1,96%, le téké et le koyo, 0,98% chacun. Dans cette situation, il est à retenir que les enfants de Gamboma, se servent beaucoup plus des langues véhiculaires que des vernaculaires. Dans l'ensemble, les véhiculaires représentent 70,59%, et les vernaculaires 18,63%.

Les cas de bilinguisme enregistrés sont les suivants : le lingala + gangoulou, 4,90% ; le français + gangoulou, 0,98% ; et le lingala +français, 3,92%.

Voici le tableau qui nous permet de mieux visualiser la situation :

 

Langues

Statuts

Nbres de cas

%

Monolinguisme

Lingala

Véh

65

63,73

Gangoulou

Ver

15

14,71

Français

Véh

7

6,86

Mbochi

Ver

2

1,96

Koyo

Ver

1

0,98

Téké

Ver

1

0,98

Boma

Ver

1

0,98

Lin+gan

Véh+ver

5

4,90

Bilinguisme

Lin+fra

Véh+véh

4

3,92

Gan+fra

Véh+ver

1

0,98

Total

 
 

102

100

30

Tableau 8 : Langues parlées par les enfants avec frères et soeurs

31

1.2.3. AVEC LES AMIS À L'ÉCOLE

Les interactions entre enseignants et apprenants, et entre apprenants en classe se font en français. Si les élèves sont obligés de communiquer entre eux en français, et que les interactions en langues nationales sont interdites, plus encore en langues vernaculaires, cependant dans la cour de l'école, ils communiquent dans la langue de leur choix.

Sur les cent-un enquêtés ayant répondu à la question posée, soixante-treize affirment parler les langues véhiculaires dans des situations de monolinguisme, soit 72,27%. Le français est la langue dominante dans la cour de l'école avec 40,59%, suivi du lingala avec 31,68%. Cette domination du français se traduit par le fait idéologique selon lequel à l'école, les élèves doivent parler la langue française et aussi par leur désir de vouloir la maitriser pour « mieux réussir dans la vie scolaire. »

En situations de bilinguisme, deux cas sont enregistrés. Le bilinguisme véhiculaire+véhiculaire, français+lingala, soit 24,75%. Le deuxième cas concerne une langue véhiculaire et une langue vernaculaire. Il s'agit du français+gangoulou, 0,99%. Si les langues vernaculaires ne sont aucunement attestées en situation de monolinguisme dans la cour de l'école, néanmoins elles sont représentées en situation de bilinguisme par le gangoulou.

Un seul cas de trilinguisme a été attesté, celui du français+lingala+gangoulou, 1,99%.

Ces enfants enquêtés n'utilisent pas les langues vernaculaires parce que tous n'ont pas la même langue vernaculaire et tous ne parlent pas les langues vernaculaires. La présence du gangoulou est signalée parce qu'il s'agit de la langue autochtone de la commune de Gamboma. Les écoliers qui se

32

connaissent et qui l'ont comme langue première l'emploient sans gêne dans leurs interactions. Le lingala par contre étant la langue « nationale », à fonction véhiculaire, est connue ou maitrisée par la plupart des enquêtés et utilisé par ceux-ci.

Les écoliers bilingues et trilingues se servent de l'une ou l'autre langue en tenant compte de la langue que maitrise leur interlocuteur.

Nous présentons les résultats dans le tableau ci-dessous :

 

Langues

Statuts

Nbres de cas

%

Monolinguisme

Français

Véh

41

40,59

Lingala

Véh

32

31,68

Bilinguisme

Fra+lin

Véh+véh

25

24,75

Fra+gan

Véh+ver

1

0,99

Trilinguisme

Fra+lin+gan

Véh+véh+ver

2

1,99

Total

 
 

101

100

Tableau 9 : Langues parlées par les enfants avec les amis dans la cour de l'école

1.2.4. AVEC LES AMIS DANS LA RUE

Dans cette situation de communication, les enfants enquêtés sont monolingues, bilingues et trilingues. Ils utilisent en majorité des langues véhiculaires et en minorité des langues vernaculaires.

Des cent-trois enfants, quatre-vingt-dix emploient en situations de monolinguisme les langues véhiculaires avec les amis dans la rue, soit 87,38%. La langue dominante dans cette situation de communication est le lingala (80,58%), suivi du français (6,80%). Le gangoulou est l'unique langue vernaculaire attestée dans cette situation (1,94%).

Quant aux cas de bilinguisme, celui du lingala+français arrive en tête avec 4,86% suivi du français+lingala, 2,91% ; 0,97% est le pourcentage des cas du lingala+kituba et du français+gangoulou. On note ici la faible apparition d'une autre langue véhiculaire du pays, le kituba.

Le trilinguisme lingala+français+gangoulou est représenté à 0,97%. Voici les réponses sous forme de tableau :

 

Statuts

Langues

Nbres de cas

%

Monolinguisme

Véh

Lingala

83

80,58

Véh

Français

7

6,80

Ver

Gangoulou

2

1,94

Bilinguisme

Véh+ver

Lin+ gan

5

4,86

Véh+véh

Lin+fra

3

2,91

Véh+ver

Fra+gan

1

0,97

véh+véh

Fin+kit

1

0,97

Trilinguisme

véh+véh+ver

Fin+fra+gan

1

0,97

Total

 
 

101

100

33

Tableau 10 : Langues parlées par les enfants avec les amis dans la rue

1.2.5. AU MARCHÉ

Dans les deux marchés municipaux de Gamboma, les enfants s'adressent principalement aux commerçants en langues véhiculaires. Le lingala est la langue dominante du marché employé avec un pourcentage très élevé, soit 92,08%. Le français est utilisé à 2,97%. Ceci est dû au fait qu'au marché ils se trouvent en présence de commerçants qu'ils ne connaissent pas, ainsi le statut de véhicularisation intervient-il. La forte domination du lingala s'explique par le fait que ses enfants sont conscients de la situation du lingala comme langue véhiculaire la plus répandue de la zone. Quant aux langues vernaculaires, elles sont faiblement utilisées par ceux-ci, soit 2,97%. Seul le gangoulou est attesté.

Certains enfants ont déclaré utiliser simultanément deux langues. Il s'agit du bilinguisme français + lingala et du bilinguisme français + gangoulou, soit 0,99% pour chaque cas.

Les résultats sont présentés dans ce tableau :

 

Langues

Statuts

Nbres de cas

%

Monolinguisme

Lingala

Véh

93

92,08

Français

Véh

3

2,97

Gangoulou

Ver

3

2,97

Bilinguisme

Fra+lin

Véh+ver

1

0,99

Fra+gan

Véh+ver

1

0,99

Total

 
 

101

100

34

Tableau 11 : Langues parlées par les enfants au marché

35

1.3. CONCLUSION PARTIELLE

Les enquêtés font usage des langues diverses. Ils se servent en majorité des langues véhiculaires. Les langues vernaculaires sont faiblement représentées.

En famille entre parents et enfants, sur cent-soixante-douze enquêtés, la langue dominante en cas de monolinguisme est le lingala, utilisé à 38,95% suivi du gangoulou, 30,23%. Le français occupe la troisième place du classement, soit 5,23%. Toutes les langues vernaculaires confondues en dehors du gangoulou sont faiblement employées en famille entre parents et enfant s, soit 5,81%. Le cas du bilinguisme le plus utilisé est celui du lingala+gangoulou, 6,98%. Avec les frères et soeurs, les enfants de Gamboma communiquent dans la langue véhiculaire la plus répandue de la zone : le lingala (63,73%). Le gangoulou est utilisé à hauteur de 14,71%, le français à 6,86%. Toutefois entre conjoints, la langue dominante est le gangoulou, utilisé à 37,25%, suivi du lingala (33,33%), et du mbochi, 5,88%.

Dans les autres situations de communication, surtout dans des milieux hétérogènes (marché, école etc.) les langues qui sont généralement utilisées en grande partie sont des langues véhiculaires.

Avec les voisins et dans la rue entre amis bien que la langue dominante soit le lingala, il est de très près suivi par le gangoulou.

36

Chapitre 2 : Transmission des langues par

les parents aux enfants

L'une des questions que nous étudions dans notre travail est celle de savoir quelles sont les langues hautement et faiblement transmises à Gamboma. Nous établissons le rapport entre les caractéristiques sociales des parents et les langues déclarées transmises. Puis nous abordons l'évolution de la transmission des langues entre la génération des grands-parents et celle des parents.

2.1. LANGUES DÉCLARÉES TRANSMISES PAR LES PARENTS AUX ENFANTS

Sur soixante-douze enquêtés, ayant répondu à la question quelle(s) langue(s) première(s) transmettez-vous à vos enfants, trente disent avoir transmis exclusivement une langue véhiculaire du pays, soit 41,67% ; tandis que vingt-deux d'entre eux déclarent avoir transmis une langue vernaculaire aux enfants soit 30,56%. L'écart entre langues véhiculaires et langues vernaculaires est de huit points (11,11%) au profit des langues véhiculaires.

En général, les parents déclarent avoir transmis les langues véhiculaires à leurs enfants plus que les langues vernaculaires.

Le lingala est déclaré avoir été transmis par vingt enquêtés comme langue première des enfants, soit 27,78%, suivi du gangoulou avec dix-huit enquêtés soit 25%. Le français qui arrive en troisième position est transmis

par dix parents, soit 13,89%. Trois parents ont déclaré avoir légué le mbochi, soit 4,17% ; le laari a été déclaré par un parent, soit 1,39%.

Un quart des enquêtés ont déclaré avoir transmis aux enfants deux langues premières. Il s'agit :

- d'une langue véhiculaire plus une langue vernaculaire, 15,27%. Les enquêtés disent avoir transmis à leurs enfants le lingala+gangoulou à 11,11% ; le lingala+boma à 2,77% ; et le lingala+mbochi à 1,39%.

- de deux langues véhiculaires, 8,33%. Le lingala+français à 5,55%. Le français+kituba et le français+anglais sont transmis à 1,39% chacun. L'anglais est considéré comme langue véhiculaire non parce qu'il remplit cette fonction au Congo, mais à travers le monde.

- deux langues vernaculaires. Un seul cas a été enregistré, celui du mbochi+moyi à 1,39%.

Deux cas de trilinguisme ont été repérés : lingala+gangoulou+français et lingala+mbochi+akwa, 1,39% chacun.

37

Voici les résultats dans le tableau suivant :

38

 

Langues

Statuts

Nbres
de cas

%

Monolinguisme

Lingala

Véh

20

27,78

Gangoulou

Ver

18

25

Français

Véh

10

13,89

Mbochi

Ver

3

4,17

Laari

Ver

1

1,39

Bilinguisme

Lin+gan

Véh+ver

8

11,11

Lin+fra

Véh+véh

4

5,55

Lin+bom

Véh+ver

2

2,77

Lin+mbo

Véh+ver

1

1,39

Fra+kit

Véh+véh

1

1,39

Fra+ang

Véh+véh

1

1,39

Mbo+moy

Ver+ver

1

1,39

Trilinguisme

Lin+gan+fra

Véh+ver+véh

1

1,39

Lin+mbo+akw

Véh+ver+ver

1

1,39

Total

 
 

72

100

Tableau 12 : Langues déclarées avoir été transmises par les parents aux enfants

2.2. LANGUES TRANSMISES SELON LES CARACTÉRISTIQUES SOCIALES DES PARENTS

Qui transmet quelle(s) langue(s) ? Nous examinons dans cette partie la répartition des parents selon les catégories socio-démographique (origine

39

géographique, genre), socio-économico-culturelle (emploi exercé et niveau d'étude).

2.2.1. SELON LES LIEUX D'ORIGINE

Sur les soixante-douze enquêtés, la majorité (61,11%) sont des parents qui sont nés et ont grandi à Gamboma. La minorité (38,89%) des parents est née ailleurs.

Les parents natifs de Gamboma ont affirmé avoir transmis exclusivement les langues véhiculaires à hauteur de 29,17%, et les langues vernaculaires à 16,67%. Gamboma étant un centre urbain, les langues véhiculaires ont été plus transmises que les langues vernaculaires. Le lingala a été transmis à 22,22%, et le français à 6,94%. Le gangoulou, langue autochtone a été déclaré transmis à 15,28%. Le laari, langue du groupe H est déclaré avoir été transmis (à hauteur de 1,39%) par une parente née à Gamboma. Il s'agit de la langue de son conjoint qu'elle maitrise.

Les situations de bilinguisme ont été transmises à 13,89%. La situation la plus transmise est celle du lingala+gangoulou (8,33%), suivi du français+lingala (2,78%). Les situations de bilinguisme, lingala+boma et français+anglais ont été transmis à 1,39% chacun.

L'unique situation de trilinguisme constatée est constituée du lingala+gangoulou+français (1,39%).

Les parents nés ailleurs, sont issus des villages comme Étoro, Élion, Olouo etc. et des autres centres urbains telsque Brazzaville, Owando, Ouesso, Makoua.

40

Ils ont déclaré avoir transmis en situation de monolinguisme les langues vernaculaires (13,89%) plus que les langues véhiculaires (12,50%). Le français a été transmis à hauteur de 6,94%, le lingala à 5,56%. Le gangoulou a été transmis à 9,72%, suivi du mbochi, 4,17%.

Ce sont les parents issus des différents villages qui ont transmis les langues vernaculaires (11,11%) plus que les langues véhiculaires (1,39%). Les parents nés dans les autres centres urbains ont transmis les langues véhiculaires à hauteur de 11,11% et les langues vernaculaires à hauteur de 1,39%.

Les cas de bilinguisme s'élèvent à 11,11%. Il s'agit du lingala+gangoulou, du lingala+français, soit 2,78% chacun ; lingala+mbochi, lingala+boma, mbochi+moyi et du français+kituba, 1,39% chacun.

Le trilinguisme lingala+mbochi+akwa, est transmis à 1,39%.

2.2.2. SELON LE SEXE

L'échantillon de l'enquête était constitué de quarante-quatre hommes, soit 61,11%. Le nombre des femmes s'élève à vingt-huit, soit 38,98%.

Les hommes ont déclaré avoir transmis aux enfants en situation de monolinguisme, 29,17% des langues véhiculaires. Il s'agit du lingala (16,67%), et du français (12,50%). Les langues vernaculaires l'ont été à 15,18%. Le gangoulou est la langue vernaculaire hautement transmise dans cette situation (11,11%), suivi du mbochi (4,17%).

Ceci peut s'expliquer par le fait que les hommes ont souvent tendance à quitter leurs lieux de résidence, à se déplacer pour les raisons de travail, et

41

suite à ces déplacements, ils apprennent les langues véhiculaires et les transmettent à leurs enfants.

Ils ont aussi déclaré avoir transmis simultanément deux langues à leurs enfants, soit 15,28%. Le cas de bilinguisme le plus attesté est celui du lingala+gangoulou (8,33%), celui du lingala+boma s'élève à 2,78%. Les autres cas (français+anglais, lingala+mbochi et mbochi+moyi) sont représentés chacun à hauteur de 1,39%.

L'unique cas de trilinguisme est constitué du

français+lingala+gangoulou (1,39%).

En situations de monolinguisme, les femmes (38,89%) ont transmis plus de langues vernaculaires (15,28%) par rapport aux langues véhiculaires (12,50%). Le gangoulou est la langue vernaculaire la plus transmise, soit 13,69%, suivi du laari, soit un faible pourcentage de 1,39%. Quant aux langues véhiculaires, le lingala est transmis à hauteur de 11,11%, le français à 1,39%.

Les situations de bilinguisme s'élèvent à 9,72%. Le cas le plus hautement enregistré est celui de deux langues véhiculaires, soit 6,94% ; celui d'une langue véhiculaire plus une langue vernaculaire est constaté à 2,78%.

Une seule situation de trilinguisme a été signalée, soit 1,39%.

Nous remarquons que les hommes ont transmis à leurs enfants beaucoup plus les langues véhiculaires que les langues vernaculaires. Alors que les femmes ont transmis plus les langues vernaculaires que les langues véhiculaires.

42

2.2.3. SELON L'EMPLOI EXERCÉ ET LE NIVEAU D'ÉTUDE

L'objectif est de voir (sans tenir compte de la situation socio-économique et culturelle de l'autre conjoint) l'impact des métiers et du niveau intellectuel dans la transmission des langues. Car, «...a priori, on pourrait croire que les pères et mères qui exercent un métier « intellectuel » seraient plus prompts à « donner » comme L1 à leur progéniture le français, tandis que ceux qui exercent des métiers non « intellectuels » feraient acquérir à leurs descendants une langue vernaculaire 27»

Soixante-neuf parents ont répondu à la question posée. Ils sont répartis en cinq catégories :

1- les fonctionnaires qui regroupent les enseignants du primaire et du secondaire, les médecins et infirmiers, les policiers et militaires etc. (26,39%),

2- les commerçants ou vendeurs au marché (22,22%),

3- les agriculteurs et artisans (33,33 %),

4- Les ouvriers (8,33%),

5- les retraités (9,73%).

Chez les 26,39% de fonctionnaires, les langues vernaculaires ont été transmises à hauteur de 11,11%. Les langues véhiculaires (lingala et français) l'ont été à 8,33%.

Le gangoulou a été transmis à 6,94%. Le mbochi arrive en deuxième position (2,78%), suivi du laari (1,39%). Le français est la langue véhiculaire la plus transmise (6,94%). Le lingala est transmis à 1,39%.

27 Talani Nanitelamio, Émergence des langes véhiculaires comme langues premières chez les enfants d'Owando, Mémoire de maitrise, FLSH, Brazzaville 2009, p.21.

43

Le cas du bilinguisme le plus fréquent est celui du français+lingala, 2,78%. Les cas de bilinguimes français+anglais, lingala+ gangoulou et lingala+boma ont été transmis à hauteur de 1,39% chacun.

L'hypothèse selon laquelle le français serait la langue transmise par les parents exerçant un métier « intellectuel » est ici confirmée en raison de son taux de transmission par rapport à celle des autres professions ci-dessous. Toutefois ces parents ont transmis à un haut degré non seulement le français, mais aussi le gangoulou, langue vernaculaire. Les parents fonctionnaires l'ayant transmis l'ont eux-mêmes pour langue première.

Nous avons enregistré 22,22% des parents commerçants. En situations de monolinguisme, ceux-ci ont déclaré transmettre trois langues (le lingala, le gangoulou et le français) à leurs enfants. Les langues véhiculaires sont transmises à hauteur de 11,10%, tandis que les vernaculaires le sont à 2,78% représentées par le gangoulou seul. Le lingala est la langue la plus transmise, soit 9,72% de la sous-population. Le français arrive en troisième position, soit 1,39% après le gangoulou.

Le taux des commerçants ou vendeurs au marché déclarant transmettre simultanément deux langues s'élève à 5,56%. Le cas le plus répandu est celui du lingala+gangoulou, 2,78%. Tous les autres le sont à 1,39% chacun. Il s'agit, du lingala+français, du français+kituba.

Deux cas de trilinguisme ont été répertoriés avec un pourcentage de 2,78%. Il s'agit du lingala+français+gangoulou et du lingala+mbochi+akwa, soit 1,39% chacun.

Notre échantillon était constitué de 33,33 % d'agriculteurs et artisans. Ils ont déclaré transmettre les langues véhiculaires à 16,67%. Les vernaculaires l'ont été à 8,33%.

44

Le lingala est la langue la plus transmise, soit 13,89%. Il est suivi par le gangoulou, 6,94%. Le français arrive en troisième position avec 2,78%. Le mbochi occupe la quatrième place avec 1,39%.

Aucun cas du trilinguisme n'a été déclaré. 8,33% d'entre eux disent avoir transmis simultanément deux langues à leurs enfants. Le duo lingala+gangoulou est le plus représenté, 2,77%. Les duos lingala+français, lingala+mbochi, lingala+boma et mbochi+moyi sont représentés à égalité, soit 1,39% chacun.

Les ouvriers (8,33% de l'échantillon) ont déclaré transmettre le lingala et le français à hauteur de 2,78% chacun. Le gangoulou est transmis à 1,39%.

Le bilinguisme lingala+gangoulou est transmis à 1,39%.

Certains parents retraités (9,73%) ont déclaré avoir transmis exclusivement une seule langue, une vernaculaire, le gangoulou à 6,95%.

D'autres ont déclaré avoir transmis simultanément deux langues. Un seul cas est attesté, celui du lingala+gangoulou, à 2,78%.

2.3. ÉVOLUTION DE LA TRANSMISSION DES LANGUES ENTRE LA GÉNÉRATION DES GRANDS-PARENTS ET CELLE DES PARENTS

Dans cette partie, nous comparons le pourcentage de transmission des langues premières entre la génération des grands-parents et celle des parents.

Les soixante-douze parents enquêtés ont déclaré avoir transmis à leurs enfants en situations de monolinguisme, les langues véhiculaires à 41,67% et les vernaculaires à 30,56%. Les situations de bilinguisme et de trilinguisme

45

s'élèvent à 27,78% ; alors que ces mêmes parents avaient pour langues premières, les véhiculaires à 25% et les vernaculaires à 72,22% selon leurs déclarations.

À la première génération, celle des grands-parents, le lingala était transmis à 20,83%, tandis que dans celle des parents il l'est à 27,78%, soit 6,94% de plus.

Le gangoulou qui était la langue la plus transmise dans la génération des grands-parents avec un pourcentage énorme (63,89%) fait une chute libre et passe à 25% à la génération des parents après le lingala. En d'autres termes il perd ses 38,89% de transmission.

Le français passe de 2,78% à 13,89%, soit, une augmentation de 11,11%.

De la première à la deuxième génération, le mbochi passe de 5,56% à 4,17%. Soit un recul de 1,39%.

Les cas de bilinguisme qui n'étaient représentés qu'à 2,78% chez les grands-parents, apparaissent chez les parents à 25%, soit une augmentation de 22,22%. Les cas de trilinguisme font également leur apparition à 2,78%.

Le boma, le moyi et le kituba qui avaient 1,39% chacun à la génération des grands-parents, ne sont plus exclusivement transmis à celle des parents, mais apparaissent plutôt dans des cas de bilinguisme constitués d'une langue véhiculaire et une langue vernaculaire, puis de deux langues véhiculaires.

Toujours dans la deuxième génération, on note l'apparition du laari dans la transmission en cas de monolinguisme (1,39%), de l'anglais et de l'akwa dans des cas de bilinguisme et de trilinguisme.

Pour mieux visualiser les résultats, nous les présentons dans le tableau suivant :

46

 

Langues

Statuts

1ère

génération

(grands-
parents)

2ème

génération
(parents)

De la 1ère à la 2ème
génération

Recul

Hausse

 
 
 

Eff

%

Eff

%

Eff

%

Eff

%

Monolin
guisme

Lingala

Véh

15

20,83

20

27,78

 
 

5

6,94

Gangou- lou

Ver

46

63,89

18

25

28

38,89

 
 

Français

Véh

2

2,78

10

13,89

 
 

8

11,11

Mbochi

Ver

4

5,56

3

4,17

1

1,39

 
 

Boma

Ver

1

1,39

 
 
 
 
 
 

Moyi

Ver

1

1,39

 
 
 
 
 
 

Kituba

Véh

1

1,39

 
 
 
 
 
 
 

Laari

Ver

0

 

1

1,39

 
 
 
 

Bilinguis me

Lin+gan

Véh+ver

1

1,39

8

11,11

 
 

16

22,22

Lin+fra

Véh+véh

 
 

4

5,55

 
 

lin+bom

Véh+ver

 
 

2

2,77

 
 

Lin+mbo

Véh+ver

 
 

1

1,39

 
 

Lin+ték

Véh+Ver

1

1,39

 
 
 
 

fra+kit

Véh+véh

 
 

1

1,39

 
 

Fra+ang

Véh+véh

 
 

1

1,39

 
 

Mbo + moy

Ver+ver

 
 

1

1,39

 
 

Trilingui
sme

Lin+gan +fra

Véh+ver +véh

 
 

1

1,39

 
 
 
 

Lin+mbo +akw

Véh+ver +ver

 
 

1

1,39

 
 
 
 

Total

 
 

72

100

72

100

29

40,28

29

40,27

Tableau 13 : Comparaison des langues transmises entre la génération des grands-parents et celle des parents

47

Nous constatons une grande différence et un grand écart dans la transmission des langues entre les deux générations. Lorsque les parents étaient enfants, leurs parents (grands-parents par rapport à la génération des enfants) leur avaient hautement transmis les langues vernaculaires. Plus le temps passe et suite à diverses raisons que nous verrons dans le chapitre 4, la tendance a complètement basculé.

Autrefois, avant la tendance actuelle de l'émergence des langues véhiculaires comme langues premières (L1) chez les enfants dans les certains centres urbains, particulièrement à Gamboma, les langues vernaculaires étaient plus transmises que les langues véhiculaires avec un écart considérable de trente-quatre points, soit 47,22%. Actuellement, les langues véhiculaires prennent le relais et sont plus transmises que les vernaculaires avec un écart de huit points, soit 11,11%. Aujourd'hui cet écart n'est peut-être pas énorme, dans l'avenir, avec l'allure où vont les choses il pourrait être accentué et causer avec le temps l'extinction des langues vernaculaires.

Quand nous avons posé aux enfants (de la troisième génération par rapport à celle des grands-parents) la question de savoir quelle(s) langue(s) souhaiteraient-ils transmettre à leur tour à leurs enfants, la majorité (quatre-vingt-quatre sur cent-trois) ont déclaré souhaiter transmettre les langues véhiculaires (y compris l'anglais et l'espagnol en tant que langues préférées, soit 0,98% chacun) à 82,35%, et les vernaculaires à 5,88% seulement. Le pourcentage de ceux qui souhaitent transmettre à la fois deux langues véhiculaires est de 5,88% ; une langue véhiculaire plus une vernaculaire est de 3,92% ; 1,96% est le pourcentage de ceux qui souhaitent à la fois trois langues, soit deux véhiculaires plus une vernaculaire.

Le constat fait est que des 82,35% des langues véhiculaires que ces enfants de la dernière génération envisagent transmettre, le français à lui seul

48

représente 69,61%, le lingala 10,78%, le gangoulou 3,92%, le mbochi et le téké 0,98% chacun.

En deux générations (celles des grands-parents et des parents), nous observons un grand changement dans la transmission des langues. Nous sommes passés de la dominance des langues vernaculaires à celle des langues véhiculaires.

Si la génération des enfants arrive à réaliser ses souhaits, alors dans l'avenir, ce ne sera plus le statut de langue véhiculaire nationale qui dominera comme facteur dans le choix de la transmission des langues, mais plutôt le statut de langue officielle. La langue officielle exercera sa suprématie sur les langues véhiculaires nationales. Ceci vient appuyer la tendance générale selon laquelle :

« Il y a donc en ville..., une baisse sensible de la « production linguistique » vernaculaire qui entraîne tout naturellement le ralentissement puis l'arrêt du développement de la langue vernaculaire, du fait que le « le procès de reproduction » n'est plus assuré... » ; « Dans un deuxième temps, le développement des langues véhiculaires et des koinè se trouve confronté au poids de la langue française. Celle-ci étant la seule à jouer la fonction de communication dans toutes les activités officielles, se trouve être la seule à avoir un statut élevé, à jouir de tout le prestige dans la société. Et le poids de la domination socioculturelle, économique et politique aidant, la langue officielle se trouve être la langue dominante, et les langues véhiculaires les dominées.28 »

28 Ndamba, Josué, « Des véhiculaires aux vernaculaires à Brazzaville : la ville et les changements de fonctions linguistiques », in Le plurilinguisme urbain, actes du colloque de Libreville "Les villes plurilingues" (25-29 septembre 2000), Calvet, L-J. & Moussirou-Mouyama, A., Institut de la Francophonie, Diffusion Didier Erudition, Paris, 2000, p.p.142-143.

49

2.4. CONCLUSION PARTIELLE

Nous retenons que, selon leurs déclarations, les parents enquêtés ont transmis à leurs enfants plus de langues véhiculaires que de langues vernaculaires. Le lingala est la langue véhiculaire la plus transmise (27,78%). Le gangoulou, langue vernaculaire autochtone de la commune arrive en deuxième position (25%), suivi du français (13,89%). Les autres langues vernaculaires sont faiblement représentées comme L1 des enfants, très souvent en situations de bilinguisme et de trilinguisme.

Les lieux d'origine des parents ont aussi un impact dans la transmission des langues. Les parents issus des centres urbains ont transmis en majorité, les langues véhiculaires que les langues vernaculaires ; par contre, ceux qui proviennent des villages ont plus légué les langues vernaculaires que les langues véhiculaires.

Nous avons aussi vu que les langues véhiculaires sont en plus grand nombre transmises par les hommes que les langues vernaculaires ; tandis que chez les femmes la tendance est inversée.

Le français est la langue véhiculaire la plus transmise comme L1 chez les parents ayant un niveau intellectuel élevé, au même titre que le gangoulou, langue vernaculaire, soit 6,94% chacun.

La comparaison des langues transmises par les grands-parents et par les parents a montré que les langues véhiculaires émergent de plus en plus comme L1 des enfants ; par contre, les langues vernaculaires sont de moins en moins L1.

50

Chapitre 3 : Langues premières déclarées

par les enfants

Nous étudions dans ce chapitre, les langues premières déclarées par les enfants, premièrement en tenant compte de leurs lieux d'origine. Deuxièmement, nous répartissons ces enfants selon les tranches d'âge et le sexe. Troisièmement, nous identifions les langues maternelles des parents et des enfants.

3.1. LES ENFANTS, LEURS LANGUES ET LEURS LIEUX

D'ORIGINE

Les langues véhiculaires ne sont pas les seules hautement déclarées langues premières (L1), car le gangoulou ne cesse de manifester sa haute transmission comme L1 chez les enfants de Gamboma.

Des cent-trois enfants enquêtés, le lingala et le gangoulou sont les deux premières langues déclarées L1 des enfants, soit 37,86% chacun. Le français est déclaré à 7,77% suivi du mbochi, 3,88%. Le boma et le téké viennent juste après, soit 2,91% chacun. Le kituba est la langue véhiculaire la plus faiblement transmise comme L1, soit 0,97%.

Dans chaque cas de bilinguisme, on note toujours la présence d'une langue véhiculaire. Le bilinguisme lingala+gangoulou arrive en tête avec 2,91% suivi de celui du lingala+français, 1,95%.

Le seul cas de trilinguisme est constitué des trois premières langues fortement transmises (lingala+gangoulou+français), soit 0,98%.

Nous constatons qu'à Gamboma, les langues véhiculaires sont déclarées comme langues premières des enfants à hauteur de 46,60%. Le lingala est la L1 des enfants ayant un pourcentage élevé par rapport aux autres langues véhiculaires. Il est suivi par le français. On note ici la faible transmission du kituba comme L1 des enfants à Gamboma.

Les langues vernaculaires sont déclarées L1 à hauteur de 47,56%. Le fait que ce pourcentage surpasse celui des véhiculaires comme L1, est dû au pourcentage élevé du gangoulou. Bien qu'il en soit ainsi, hormis le gangoulou qui est ici déclaré L1 des enfants au même titre que le lingala ; les autres langues vernaculaires sont individuellement très faiblement représentées.

Nous présentons ces résultats dans le tableau ci-dessous :

 

Langues

Statuts

Eff

%

Monolinguisme

Lingala

Véh

39

37,86

Gangoulou

Ver

39

37,86

Français

Véh

8

7,77

Mbochi

Ver

4

3,88

Boma

Ver

3

2,91

Téké

Ver

3

2,91

Kituba

Ver

1

0,97

Bilinguisme

Lin+gan

Véh+ver

3

2,91

Lin+fra

Véh+véh

2

1,95

Trilinguisme

Lin+gan+fra

Véh+ver+véh

1

0,98

Total

 
 

103

100

51

Tableau 14 : Langues premières déclarées par les enfants

52

Nous remarquons que les lieux de naissance des enfants enquêtés n'ont pas un impact considérable sur l'acquisition des langues véhiculaires comme langues premières chez les enfants à Gamboma. 79,61% de l'échantillon est constitué des enfants qui sont nés et qui ont grandi au centre urbain de Gamboma. Ainsi, 38,83% d'entre eux ont pour L1 les langues véhiculaires et 35,92% des langues vernaculaires. Les cas de bilinguisme véhiculaire+vernaculaire s'élèvent à 2,91%, tandis que celui constitué de deux langues véhiculaires s'élève à 0,97% au même titre que l'unique cas de trilinguisme, véhiculaire+vernaculaire+véhiculaire.

Par contre, pour les enfants nés hors la commune, (20,39% de l'échantillon), nous constatons que les langues véhiculaires sont faiblement représentées en situation de L1, soit 7,76% ; alors que les vernaculaires le sont à 11,65%. Ceci s'explique par le fait que la plupart de ces autres lieux de naissance sont des villages non urbanisés où les langues vernaculaires ont tendance à se maintenir comme L1 des enfants. L'unique cas de bilinguisme est celui qui est constitué du lingala+français, soit 0,97%.

Ce qui est remarquable, c'est le maintien du Gangoulou comme L1 chez les enfants à Gamboma, qui est bien un centre urbain où les langues vernaculaires sont en parfaite régression comme l'ont confirmé les études antérieures sur les langues premières des enfants en milieux urbains (Nkouka Martial, Brazzaville (Bacongo et Ouenze), 2001 ; Talani Nanitelamio, Owando, 2009 ; Guina Joséline Kounghat, Brazzaville (Talangaï), 2013).

3.2. LANGUES PREMIÈRES DES ENFANTS PAR TRANCHES

D'ÂGE

Nous avons reparti les enfants en trois tranches d'âges : la tranche de 10-14 représentée par quarante-deux enfants, soit 40,78% ; de 15-18

53

représentée par cinquante-deux, soit 50,49% de l'échantillon ; et de 19-25 ans représentée par neuf, soit 8,73%.

Les langues véhiculaires sont utilisées à 24,27% par les enfants dont l'âge oscille entre 10 et 14 ans tandis que les vernaculaires le sont à 14,56%. Le lingala est utilisé par cette tranche d'âge à 19,42%, le gangoulou à 9,71%, le français à 3,88%. Le kituba est utilisé uniquement par cette tranche d'âge. Toutes les autres langues vernaculaires sont langues premières de ces enfants à un faible pourcentage (4,86%). Le pourcentage de ceux ayant déclaré avoir deux langues (véhiculaire+vernaculaire) est de 0,97% ; le trilinguisme véhiculaire+vernaculaire+véhiculaire est aussi représenté à 0,97%.

Quant aux enfants de la tranche d'âge variant entre 15-18 ans, les langues vernaculaires sont L1 à 27,18%, tandis que les véhiculaires le sont à 19,41%. C'est le gangoulou qui a le pourcentage le plus élevé comme L1, soit 25,24%. Il est secondé par le lingala, 16,50%. Le français arrive en troisième position avec 2,91%. Le mbochi et le téké sont déclarés L1 des enfants de cette tranche d'âge à 0,97% chacun. Le bilinguisme lingala+gangoulou et celui constitué du lingala+français représentent chacun 1,95% des L1 des enfants de cette tranche.

Enfin, sur les 8,74% d'enquêtés dont l'âge va au-delà de 18 ans, les langues vernaculaires sont L1 de 5,83% d'enfants alors que les véhiculaires le sont à 2,91%.

Les résultats sont présentés dans le tableau suivant :

 

L1

Eff

10-14 ans

15-18 ans

19-25 ans

 
 
 

Eff

%

Eff

%

Eff

%

Monolinguis

Lingala

39

20

19,42

17

16,50

2

1,94

54

me

 

Gangoulou

39

10

9,71

26

25,24

3

2,91

Français

8

4

3,88

3

2,91

1

0,97

Mbochi

4

1

0,97

1

0,97

2

1,94

Boma

3

3

2,92

0

0

0

0

Téké

3

1

0,97

1

0,97

1

0,97

Kituba

1

1

0,97

0

0

0

0

Bilinguisme

Lin+gan

3

1

0,97

2

1,95

0

0

Ling+fra

2

0

0

2

1,95

0

0

Trilinguisme

Lin+gan+fra

1

1

0,97

0

0

0

0

 

Total

103

42

40,78

52

50,49

9

8,73

Tableau 15: Répartition des L1 des enfants par tranches d'âge

Le constat fait dans le rapport entre L1 et tranches d'âge est que plus on descend dans les tranches d'âge, plus ce sont les langues véhiculaires qui sont L1 des enfants, plus on remonte, plus ce sont les langues vernaculaires qui le sont.

Les enquêtés de 19-25 ans avaient reçu comme L1 plus de langues vernaculaires que de langues véhiculaires. Et dans cette tranche, la L1 dominante était le gangoulou, une vernaculaire. En descendant, dans l'espace de quelques années, environ 7 ans, malgré la toute dominance du gangoulou, et les langues vernaculaires qui prenaient le dessus sur les langues véhiculaires, on commence à constater un léger changement. Le lingala qui était L1 des enquêtés au même pied d'égalité que le mbochi dans la tranche précédente prend un sursaut et surpasse celui-ci avec un écart de 15,53%. On voit également le pourcentage du mbochi diminuer de 0,97%. Le français qui

55

était à 0,97% triple son pourcentage et surpasse également le mbochi. Le téké maintient le sien (0,97%).

C'est finalement dans la dernière tranche d'âge, 11 ans environ (4 ans environ par rapport à la deuxième tranche), la tendance bascule dans toute son ampleur. On voit les langues véhiculaires prendre la domination en pourcentage comme L1 des enfants. Cette fois-ci, ce n'est plus le gangoulou, une langue vernaculaire, mais c'est plutôt une langue véhiculaire, le lingala, qui arrive en tête. Le pourcentage du français a également augmenté. Le boma fait son apparition dans la course avec un pourcentage de 1,94%. Le kituba également apparaît avec un faible pourcentage de 0,97%. En général, les langues vernaculaires hormis le gangoulou sont faiblement transmises.

Ceci nous amène à prédire qu'une enquête menée plus tard, révélera que le lingala aura fortement surpassé le gangoulou comme L1 ; que la majorité des enfants dont l'âge varie entre 5 et 9 ans actuellement ont certainement à un pourcentage élevé le lingala comme L1. Le français de son côté ne fera que croitre son pourcentage. Dans à peu près 20 ans, il sera difficile de dire que les enfants auront encore des langues vernaculaires comme L1 à Gamboma. Ceci dit, on assistera également à une dégradation du gangoulou qui, aujourd'hui, prolonge son statut de L1 des enfants.

Quant aux cas de bilinguisme, ils ont commencé à apparaître dans la tranche de 10-14 ans. Ceci entre les véhiculaires et vernaculaires et aussi entre véhiculaires.

L'unique cas de trilinguisme (lingala+gangoulou+français) apparaît dans la tranche de 10-14 ans, à 0,97%.

56

3.3. LANGUES PREMIÈRES DES ENFANTS SELON LE SEXE

Sur cent-trois enquêtés, notre échantillon était constitué de soixante-quatorze garçons, soit 71,84% de la population, et vingt-neuf filles, soit 28,16%. Le faible pourcentage des filles par rapport aux garçons est dû au fait que celles-ci étaient réticentes et refusaient de se faire enquêter.

À Gamboma, les garçons ont en majorité des langues vernaculaires comme L1, soit 39,8%, tandis que les langues véhiculaires sont L1 à 29,13%. Le gangoulou à lui seul occupe les 32,04%. Le lingala vient juste après avec 23,30%. Le français arrive en troisième position (5,83%), suivi du mbochi (3,88%). Le boma et le téké sont les L1 des garçons à 1,94% chacun. Un cas de bilinguisme et un cas de trilinguisme sont recensés. Il s'agit du lingala+gangoulou, 1,94 et du lingala+gangoulou+français, 0,97%.

Les filles quant à elles ont en majorité les langues véhiculaires pour L1, soit 17,47%. Les vernaculaires sont L1 chez les filles à 7,77%. Le lingala, L1 de 14,56% des filles est secondé par le gangoulou (5,83%). Le français arrive en troisième position avec 1,94%, puis le boma, le téké et le kituba, 0,97% chacun ; de même que le bilinguisme lingala+gangoulou. Celui constitué du lingala+français est représenté à 1,95%.

Voici le tableau des résultats obtenus :

 

L1

Eff

M

F

 
 
 

Eff

%

Eff

%

MonolinguisGangoulou me

Lingala

39

24

23,30

15

14,56

 

39

33

32,04

6

5,83

Français

8

6

5,83

2

1,94

57

 

Mbochi

4

4

3,88

0

0

Boma

3

2

1,94

1

0,97

Téké

3

2

1,94

1

0,97

Kituba

1

0

0

1

0,97

Bilinguisme

Lin+gan

3

2

1,94

1

0,97

Lin+fra

2

0

0

2

1,95

Trilinguisme

Lin+gan+fra

1

1

0,97

0

0

 

Total

103

74

71,84

29

28,16

Tableau 16 : Répartition des L1 des enfants selon le sexe

3.4. IDENTIFICATION DES LANGUES MATERNELLES DES PARENTS ET CELLES DES ENFANTS

Notre propos ici est d'identifier les langues maternelles des parents et celles qu'ils ont transmises à leurs enfants. Nous établissons la différence entre les langues premières transmises par les couples homogènes (ayant une même langue maternelle) et les couples mixtes (ayant des langues maternelles différentes).

3.4.1. COUPLES HOMOGÈNES

Des cent-trois enfants enquêtés, soixante-dix, soit 67,96% ont des parents ayant une même langue maternelle.

Pour les enfants monolingues, 36,89% (sur 47,56% des langues vernaculaires déclarées L1) sont issus des couples linguistiquement homogènes. Par contre, 28,16% (sur 46,60% des langues véhiculaires) sont nés des parents ayant cette même condition linguistique. Le gangoulou est la langue dominante de cette situation, soit 31,07%. Il est secondé par le lingala, 24,27% ; puis viennent les langues suivantes : français, 3,88% ; mbochi, 2,91% ; téké, 1,94% ; boma, 0,94%.

Les seuls cas de bilinguisme et de trilinguisme déclarés sont constitués chacun de la langue maternelle des parents plus une ou deux langues véhiculaires. Il s'agit du lingala+gangoulou, 1,94% et du lingala+gangoulou+français, 0,98%.

3.4.2. COUPLES MIXTES

Sur 32,04% des couples mixtes enquêtés, 18,45% ont transmis comme L1 à leurs enfants les langues véhiculaires. Les vernaculaires le sont à 10,68%. Le lingala est L1 à 13,59% ; le gangoulou, 6,80% ; le français, 3,88% ; le boma, 1,94% ; le mbochi, le téké et le kituba, 0,97% chacun.

Le lingala+français (1,95%) et le lingala+gangoulou (0,98%) sont des cas de bilinguisme repérés.

58

Voici le tableau synoptique présentant les résultats :

59

 

L1

Eff.T

Couples
Homogènes

Couples
mixtes

 
 
 

Eff

%

Eff

%

Monolinguis
me

Lingala

39

25

24,27

14

13,59

Gangoulou

39

32

31,07

7

6,80

Français

8

4

3,88

4

3,88

Mbochi

4

3

2,91

1

0,97

Boma

3

1

0,97

2

1,94

Téké

3

2

1,94

1

0,97

Kituba

1

0

0

1

0,97

Bilinguisme

Lin+gan

3

2

1,94

1

0,97

Ling+fra

2

0

0

2

1,95

Trilinguisme

Lin+gan+fra

1

1

0,98

0

0

 

Total

103

70

67,96

33

32,04

Tableau 17 : Langues premières transmises aux enfants selon les couples linguistiques

Nous relevons que les langues vernaculaires (36,89%) apparaissent comme L1 des enfants plus que les langues véhiculaires (28,16%) dans le cas où les parents ont une même langue maternelle. Tandis que dans le cas des parents ayant des langues maternelles différentes, ce sont les langues

60

véhiculaires (18,45%) qui sont plus L1 des enfants que les langues vernaculaires (10,68%).

Nous allons approfondir notre analyse en examinant les 10,68% des langues vernaculaires des enfants issus des couples mixtes.

L.J. Calvet affirme que :

« Dans un certain nombre de cultures,...le couple est bien un lieu de pouvoir anthroponymique, le pouvoir du mari sur la femme... si la cellule familiale est un lieu de transmission du nom, vers la femme puis vers les enfants, elle est aussi un lieu de transmission de la langue, lorsque le couple est monolingue, ou des langues, lorsque les parents n'ont pas la même langue maternelle.29»

Étant donné que selon la culture congolaise, la femme une fois mariée porte le nom de son mari et que les enfants portent également le nom de leur père, la question que nous nous posons est celle de savoir si cette réalité est la même sur le plan linguistique. Quelle est la ou les L1 de l'enfant, est-ce la langue du père ou celle de la mère, ou encore les deux ?

Sur 10,68% des couples mixtes ayant transmis à leurs enfants une vernaculaire comme L1, dans 6,80% des cas il s'agit de la langue du père contre 3,88% pour la langue de la mère.

À Gamboma, au plan linguistique, c'est la langue du père qui est plus transmise comme L1 des enfants.

Les résultats prouvent aussi que lorsque le gangoulou est une langue maternelle de l'un des parents, il est dans tous les cas L1 des enfants, parce

29 Calvet, L.-J., La guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris, Payot, 2005, [1987], Réed. Hachette, p.95.

61

qu'il est la langue vernaculaire dominante du milieu. La langue de la mère est L1 que dans les cas où il s'agit du gangoulou. Excepté un cas où le téké l'est.

Deux facteurs interviennent à cet effet : l'influence du père sur la mère qui interfère sur le plan linguistique et fait en sorte qu'on privilégie la langue du père, dans les cas où le gangoulou n'est pas L1 ; la position du gangoulou en tant que langue vernaculaire dominante du milieu.

Nous présentons les résultats dans le tableau ci-dessous :

 

L1

Eff.T

Couples mixtes

 
 
 

Eff

%

Langue du père

Langue de
la mère

Eff

%

Eff

%

Monolinguis
me

Lingala

39

 
 
 
 
 
 

Gangoulou

39

7

6,80

4

3,88

3

2,91

Français

8

 
 
 
 
 
 

Mbochi

4

1

0,97

1

0,97

0

0

Boma

3

2

1,94

2

1,94

0

0

Téké

3

1

0,97

0

0

1

0,97

Kituba

1

 
 
 
 
 
 

Bilinguisme

Lin+gan

3

 
 
 
 
 
 

Ling+fra

2

 
 
 
 
 
 

Trilinguisme

Lin+gan+fra

1

 
 
 
 
 
 
 

Total

103

11

10,68

7

6,79

4

3,88

Tableau 18 : Langues premières (vernaculaires) des enfants selon les couples mixtes

62

3.5. CONCLUSION PARTIELLE

Pour conclure ce chapitre, nous retenons qu'en général, les langues premières déclarées par les enfants enquêtés sont, en majorité, les langues vernaculaires. Dans les détails, ce sont le lingala et le gangoulou (langue vernaculaire) qui arrivent en tête avec 37,86% chacun, suivi du français (7,77%). Les autres langues vernaculaires sont très faiblement représentées.

Ce sont les enfants issus de centres urbains qui ont en grande partie les langues véhiculaires comme L1 que ceux qui sont issus des villages.

Les enfants de la tranche d'âge de 10-14 ans ont pour langues premières, les véhiculaires plus que les vernaculaires. Par contre, dans les tranches de 15-18 ans et de 19-25 ans, ce sont les langues vernaculaires qui dominent comme L1.

Chez les garçons, ce sont les langues vernaculaires qui dominent comme L1 ; tandis que chez les filles ce sont les langues véhiculaires.

Nous avons aussi vu que les enfants nés de couples linguistiquement homogènes ont pour L1, la langue de leurs parents qui est dans la plupart des cas une langue vernaculaire. Tandis que ceux qui sont nés de couples mixtes ont les langues véhiculaires comme L1. Dans le cas où ils ont une langue vernaculaire, c'est soit la langue du père, soit la langue vernaculaire la plus répandue de la commune, le gangoulou.

63

Chapitre 4 : Facteurs de progression et de

régression de la transmission

générationnelle des langues

Dans ce chapitre, nous abordons les raisons qui sont à l'origine de la transmission des langues par les parents, c'est-à-dire les facteurs qui motivent le choix de la forte transmission de certaines langues par les parents et de la faible transmission d'autres. Ceci nous permettra de répondre à l'une des questions de notre problématique : Quels sont les facteurs qui sont à l'origine de la progression, de la régression ou rupture de transmission linguistique générationnelle entre les parents et les enfants ?

Nous avons soumis une question sur les raisons de transmission des langues aux soixante-douze parents enquêtés. Un parent n'a trouvé aucune raison. Les diverses réponses ou raisons des soixante-onze répondants sont réparties comme suit :

1- Pour les parents qui transmettent une langue : 28,17% ont dit la transmettre parce que « c'est la langue parlée dans le quartier » ; 26,76% ont déclaré que « c'est la langue des aïeux » ; 14,08% ont affirmé que « c'est la langue qu'ils parlent ou encore leur langue » ; 12,68% ont proclamé que « c'est la langue officielle » et 7,03% ont affirmé que « c'est la langue nationale. »

2- Pour les parents qui transmettent deux ou plus de langues : 2,82% ont indiqué que parce que « ce sont les langues nationale et officielle », « ce sont les langues nationale et des aïeux ». 1,41% des parents ont dit que « ce sont les langues nationale et parler dans le quartier », « ce sont

64

les langues nationales que nous parlons ». Certains parents (1,41%) ont avancé trois raisons à la fois, « langues nationale, que nous parlons et du quartier » ; d'autres (1,41%) ont avancé quatre raisons, « langues officielle, nationale, que nous parlons et du quartier ».

Toutefois, en analysant ces différentes raisons évoquées, nous ne pouvons pas nous empêcher de percevoir les facteurs extralinguistiques : les faits socio-économiques, politiques et culturels.

4.1. LA CONCURRENCE DES LANGUES

Dans le domaine de contacts des langues, les représentations qu'ont les locuteurs vis-à-vis des langues en présence confèrent à l'une d'elles un poids physique élevé par rapport à l'autre.

En effet, on ne peut parler des langues sans tenir compte des sociétés qui les parlent. Les sociétés humaines sont de plus en plus interconnectées et par là, il y a d'autres facteurs qui influent sur le contact des langues. Et, étant donné que les sociétés sont inégalitaires dans leurs rapports les unes aux autres, les langues sont également inégalitaires sous deux aspects : dans leurs fonctions et dans leurs statuts. Les inégalités sociétales influent donc sur les rapports entre langues.

Dans ce sous-chapitre nous présentons le poids du français et celui des langues nationales qui interviennent dans le choix de la transmission générationnelle des langues à Gamboma.

65

4.1.1. LE POIDS DU FRANÇAIS

Le français est la seule langue officielle du pays. Tout ce qui concerne l'administration se fait en français. C'est la langue de l'enseignement, de la justice, de l'armée, de l'hôpital, des médias, etc. Bref, c'est la langue de tous les actes de l'État. Et, il semble offrir les atouts qu'il faut pour la réussite sociale. Certains parents se disent que pour la réussite scolaire de leurs enfants, l'apprentissage et la maitrise du français apparaissent comme la condition sine qua non. Ainsi, ils sont obligés de leur transmettre le français depuis la maison, en famille. Ainsi, Martial Nkouka affirme :

« Pour justifier le choix du français à leurs enfants, certains parents affirment qu'il s'agit ici comme d'un phénomène de « mode » : la plupart des enfants qui naissent sont initiés d'abord au français. En tenant compte des différences de classes sociales, « donner » le français aux enfants devient pour beaucoup de parents une manière de s'approprier une place dans un univers convoité et jusque là inaccessible. Le français étant considéré par beaucoup comme la langue de l'élite, des gens riches et puissants, en leur donnant cette langue, beaucoup de parents espèrent voir leurs enfants réussir.30 »

C'est ainsi que 12,68% des parents ont affirmé transmettent à leurs enfants le français comme L1 parce que c'est la langue officielle.

30 Nkouka, Martial, « Émergence des langues véhiculaires comme langues premières chez les enfants de Brazzaville », in Le plurilinguisme urbain, actes du colloque de Libreville "Les villes plurilingues" (25-29 septembre 2000), Calvet, L-J. & Moussirou-Mouyama, A., Institut de la Francophonie, Diffusion Didier Erudition, Paris, 2000, p.151.

66

4.1.2. LE POIDS DES LANGUES NATIONALES

Les deux langues qui bénéficient officiellement du statut de langues nationales ont la fonction de communication liée au langage véhiculaire. Ce sont le lingala et le kituba.

Étant donné que «...tous cohabitent, échangent produits et services au marché, dans les bureaux, dans les écoles, à l'hôpital, dans les restaurants ; tous sont bien obligés de se saluer, de se marier, de se connaître, etc.31», par conséquent sont obligés de se servir d'une langue à fonction de communication : une langue véhiculaire. Les habitants venus de divers horizons et n'ayant pas les mêmes langues maternelles, s'en servent. Le lingala étant la langue la plus répandue de la zone, est la langue que les individus choisissent pour communiquer. De plus, l'État congolais a accordé à ces deux langues (le lingala et le kituba), le statut de langues nationales et sont adoptées par tous. C'est pourquoi il n'est pas étonnant que les quelques parents enquêtés (7,04%) qui ont bien en tête ce fait n'aient pas hésité à déclarer qu'ils transmettent ces langues parce que ce sont les langues nationales. Ainsi, Zachée Denis Bitjaa Kody affirme :

« Les parents ont une tendance naturelle à transmettre à leur progéniture l'éducation qu'ils jugent être la meilleure. Parmi les composantes de cette éducation, la langue figure en bonne place. Nous en voulons pour preuve, la correction quotidienne des fautes que les adultes décèlent dans le parler de leurs enfants. Le choix de la langue que les enfants doivent utiliser au foyer ne relève donc pas du hasard ; il est un acte conscient des parents qui, sur la base de leur appréciation du marché linguistique de la ville de résidence

31 Talani Nanitelamio, Émergence des langues véhiculaires comme langues vernaculaires chez les enfants d'Owando, Mémoire de maitrise, FLSH, Brazzaville, 2009, p.36.

67

ou de l'ensemble du pays, opèrent un choix, soit pour la transmission de la LA1, soit pour le changement linguistique en faveur de la langue d'intégration à la ville.32 »

4.2. L'HÉTEROGÉNEITÉ LINGUISTIQUE DES COUPLES, LA VÉHICULARITÉ ET LE NIVEAU INTELLECTUEL DES PARENTS

Sur 32,04% des couples linguistiquement hétérogènes (mixtes), 18,45% ont transmis à leurs enfants les langues véhiculaires plutôt que les langues vernaculaires ; 2,91% ont déclaré transmettre une langue véhiculaire et une langue vernaculaire. Étant donné que les parents sont de langues maternelles différentes ils optent pour la transmission d'une langue véhiculaire à leurs enfants : le lingala ou le français. Il est à préciser que le kituba, langue véhiculaire, est faiblement transmis parce qu'il n'est pas très répandu dans la zone nord du pays.

D'autres parents apprennent à leurs enfants à parler une langue véhiculaire plus une langue vernaculaire. Dans ces conditions, bien que chaque conjoint veuille que ce soit la sienne, c'est le plus souvent la langue du père qui est transmise dans les cas où il ne s'agit pas du gangoulou. Si les parents ayant des langues maternelles différentes consentent à transmettre les langues véhiculaires à leurs enfants, c'est parce qu'elles ne sont les langues d'aucune ethnie et jouent un rôle protecteur. Dans cette perspective, Talani Nanitelamio montre que dans les situations de conflits interethniques qui ont eu lieu dans le pays, les gens « ...qui ne parlaient que leur langue vernaculaire devant les « ennemis », couraient plus de risque. Même si le

32 Bitjaa Kody, Zachée Denis, « Vitalité des langues à Yaoundé : choix conscient », in Le plurilinguisme urbain, actes du colloque de Libreville "Les villes plurilingues" (25-29 septembre 2000), Calvet, L-J. & Moussirou-Mouyama, A., Institut de la Francophonie, Diffusion Didier Érudition, Paris, 2000, p.171.

68

kituba est plus répandu au Sud du Congo et le lingala au Nord, ils garantissent mieux la neutralité linguistique en cas de conflits interethniques.33 »

Le caractère cosmopolite de Gamboma qui est à l'origine du plurilinguisme nécessite une ou des langue(s) de communication à caractère véhiculaire. L.-J. Calvet affirme :

« ...ce que nous montre le phénomène véhiculaire, c'est que partout où apparaît un problème de communication, la pratique sociale lui apporte une solution : la communication s'établit malgré le plurilinguisme. Et ces langues véhiculaires constituent donc une façon de relever, in vivo, le défi de Babel. Mais toute expansion linguistique s'établit toujours au détriment d'autres langues et l'émergence d'une langue véhiculaire relève de la compétition linguistique.34»

C'est ainsi que se justifie la transmission des langues véhiculaires par les parents aux enfants, car ceux-ci sont conscients qu'ils vivent dans un univers où tous n'ont pas la même langue maternelle et que tous ne parlent pas une seule langue. Ainsi, s'impose la nécessité de la transmission d'une ou des langues véhiculaires aux enfants, car ils seront en communication avec les personnes venues de diverses horizons.

L-J Calvet montre encore que « ...le rôle joué par la ville dans la diffusion de langue s'explique par différentes raisons. La ville est d'abord le lieu où se concentre l'administration, et les fonctionnaires, amenés par leur

33 Talani Nanitelamio, op.cit., 2009, p.40.

34 Calvet, L.-J., La guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris, Payot, 2005, [1987], Réed. Hachette, p.p.134-135.

69

travail à se déplacer à travers le pays, apprennent plus facilement les langues véhiculaires que le paysan qui ne quitte pas son village.35 »

Nous nous rendons compte que l'emploi exercé qui est aussi lié au niveau intellectuel des parents est un facteur très important dans la transmission des langues. Les parents jouissant d'un niveau de scolarisation élevé (Baccalauréat et plus) transmettent plus facilement à leurs enfants les langues véhiculaires. Le français par exemple est transmis à 6,94% par les parents fonctionnaires qui sont censés être « intellectuels » par rapport aux commerçants (1,39%), aux agriculteurs et artisans (2,78%), aux ouvriers (2,78%) qui, pour la plupart ont un niveau intellectuel bas. Les parents qui ont fait de longues études ont comme préoccupation de transmettre à leurs enfants le français ; ceux qui ne les ont pas faites transmettent les langues véhiculaire et vernaculaire dominante du district (le lingala et le gangoulou).

4.3. L'ENVIRONNEMENT LINGUISTIQUE

L'écologie linguistique est l'un des facteurs très important dans la progression et la régression de la transmission générationnelle des langues. L-J. Calvet affirme que :

« La langue est au contraire une propriété collective sur laquelle l'individu n'a ni droits ni pouvoirs réels et qui, surtout, se valorise d'autant plus qu'elle est plus utilisée...sur un certain laps de temps, plus une langue sert plus elle se valorise. Et cette valeur est un des facteurs de choix : un individu choisira plutôt d'apprendre une langue très parlée dans le monde que la langue d'une petite tribu indienne d'Amazonie, une langue qu'il pense pouvoir utiliser sur le

35 Calvet, L.-J., op.cit.p.131.

70

marché du travail, une langue qui ajoutera un « plus » à son curriculum.36 »

Dans la transmission générationnelle des langues, le nombre de locuteurs d'une langue joue un rôle capital. Si les locuteurs qui constituent l'écologie externe directe des langues37 choisissent d'apprendre une langue très parlée dans le monde en raison de son poids, les parents à Gamboma cherchent non seulement à apprendre, mais aussi à transmettre à leurs enfants non pas une langue très parlée dans le monde mais une langue très parlée dans le quartier, qu'ils pensent pouvoir assurer une communication avec tous dans le quartier ou partout ailleurs dans la ville. C'est pourquoi la raison la plus avancée (28,17%) qui justifie la transmission des langues par ceux-ci est « parce que c'est la langue parlée dans le quartier.»

À Gamboma, les parents et les enfants sont exposés aux médias : la radio et la télévision. La plupart des émissions qu'ils suivent (journal, sport, musique etc.) sont diffusées en langues véhiculaires. L'exposition à ces émissions signifie exposition aux langues véhiculaires et l'exposition aux langues véhiculaires influence la transmission des langues à leur profit.

4.4. LA LANGUE DES AÏEUX, LANGUE DES PARENTS

Tous les facteurs cités ci-dessus sont à l'origine de l'augmentation continue de la transmission des langues véhiculaires et de la régression des langues vernaculaires.

36 Calvet, L.-J., Pour une écologie des langues du monde, Paris, Plon, 1999, p.12.

37 Mufwene, Salikoko S., Créoles, écologie sociale, évolution linguistique, Paris, Institut de la francophonie, L'Harmattan, 2005, p.p.95-97.

71

Toutefois, les raisons que les parents avancent pour justifier la transmission des langues vernaculaires sont : elles sont les langues des aïeux (26,76%), et des parents (14,08%).

Tous les parents qui ont déclaré transmettre à leurs enfants une ou des langue(s) vernaculaire(s) disent l'avoir fait parce que « c'est ou ce sont la ou les langue(s) des aïeux, des ancêtres ». Leurs ancêtres les ont transmises de génération en génération jusqu'à la leur et deviennent par la suite leurs langues. Ainsi, pour « honorer » les ancêtres et ne pas faire disparaitre leurs langues, ils ont choisi de les transmettre à leurs enfants espérant que ceux-ci feront la même chose à leur tour.

4.5. CONCLUSION PARTIELLE

Les facteurs qui sont à l'origine de la progression et de la transmission générationnelle des langues sont multiples et de nature extralinguistiques.

À Gamboma, les parents ont choisi de transmettre à leurs enfants les langues qui ont un poids élevé. Ils ont préféré transmettre le français parce que c'est la langue de l'administration, de l'enseignement ; il paraît assurer la réussite scolaire des enfants. Ils ont aussi transmis les langues nationales véhiculaires, à fonction de communication, notamment le lingala.

L'hétérogénéité linguistique des parents est aussi un facteur capital dans la progression et la régression de transmission des langues. Les parents ayant des langues maternelles différentes ont transmis à la majorité des enfants, les langues véhiculaires. Il en va de même pour les parents ayant un certain niveau intellectuel.

72

Ils ont aussi légué certaines langues à leurs enfants, parce qu'elles sont les langues auxquelles ils sont exposés, dans le quartier ou dans les médias.

Les parents ont transmis les langues vernaculaires parce qu'elles sont les langues des aïeux. Ils doivent les transmettre pour les maintenir.

73

Chapitre 5 : Observation des pratiques

linguistiques réelles à Gamboma

Après avoir étudié le phénomène de transmission générationnelle des langues à Gamboma, nous avons jugé bon de ne pas nous limiter aux simples déclarations des enquêtés, mais aussi de présenter les différentes langues utilisées selon les pratiques réelles de communication à l'aide de la méthode d'observation.

Nous présentons d'abord les différentes langues employées dans les interactions entre locuteurs, puis leurs usages selon les deux générations concernées. Par ailleurs, nous localisons ces langues selon les lieux de communication.

5.1. LANGUES D'INTERACTIONS OBSERVÉES

À Gamboma les locuteurs se servent effectivement des langues véhiculaires et vernaculaires dans leurs interactions. Ils utilisent les langues véhiculaires à 71,43%, tandis que les langues vernaculaires sont utilisées à 24,76%. Cela confirme les déclarations des enquêtés.38

En ce qui concerne particulièrement les langues véhiculaires, le lingala étant la langue la plus répandue de la zone, exerce la suprématie de la communication à travers la ville entre interlocuteurs à hauteur de 68,57%. Le français est faiblement utilisé (1,90%). Quant au kituba, il est très faiblement employé, soit 0,95%.

38 Cf. 1.3. Conclusion partielle des langues parlées à Gamboma.

74

Nous avons également observé les cas où les locuteurs font usage de deux langues différentes (3,81%), l'un se servant d'une langue véhiculaire, l'autre d'une langue vernaculaire. Il s'agit des individus qui comprennent la langue de leur interlocuteur, mais ne la parlent pas, ou encore qui la comprennent et la parlent, mais prennent l'option de ne pas s'en servir parce qu'ils ne sont pas habitués à la parler.

Ces différentes langues ont été observées à travers divers types d'interactions. Le type le plus constaté est la conversation, soit 79,05%. Les demandes représentent 15,24%, les négociations, 1,90% et les autres types d'interactions (tels les disputes, les blâmes), 3,81%.

Quelle est la génération qui se sert des langues véhiculaires et/ou vernaculaires plus que l'autre ?

5.1.1. PRATIQUES LINGUISTIQUES RÉELLES ENTRE PARENTS

La génération des parents emploie les langues vernaculaires à 19,05% et les langues véhiculaires à 12,38%. Les parents utilisent les langues vernaculaires plus que les véhiculaires, soit un écart de 6,67% des pratiques linguistiques réelles entre vernaculaires et véhiculaires des parents, au profit des vernaculaires. Ceci s'explique par le fait que la majorité de cette génération des parents (72,22%) a acquis comme langue première (L1), une langue locale39. Et ils s'en servent dans leurs interactions.

Toutefois, sur 34,29% d'interactions linguistiques, nous avons constaté 2,86% de cas où l'un des interlocuteurs fait usage d'une langue véhiculaire et l'autre d'une langue vernaculaire. Ceux qui s'expriment en langue véhiculaire font partie des parents qui l'ont acquise comme L1, ou encore comme L2.

39 Cf. 2.3. Évolution de la transmission des langues entre la génération des grands-parents et celle des parents.

75

5.1.2. ENTRE ENFANTS

La génération des enfants n'utilise comme langue véhiculaire que le lingala à 51,43%. Les langues vernaculaires ne servent dans la communication entre enfants qu'à 4,76%, soit un écart énorme de 46,67%.

Aucun cas du français, ni du kituba, ni de bilinguisme n'est attesté.

Le constat fait est que les enfants se servent des langues locales à un très faible pourcentage, alors que les parents qui se servent plus des langes locales, se servent moyennement des langues véhiculaires.

5.1.3. ENTRE PARENTS ET ENFANTS

Les interactions entre parents et enfants ont révélé que les parents se servent faiblement des langues vernaculaires, soit 0,95% sur 9,52% des cas observés.

Les cas de communication uniquement en langues véhiculaires sont représentés à 7,62%.

Les cas d'usage de deux langues différentes entre interlocuteurs sont faiblement représentées, soit 0,95%. Il s'agit des parents qui s'adressent à leurs enfants en langues vernaculaires, et ceux-ci répondent en langues véhiculaires.

Sur 9,52% des pratiques observées, les parents parlent à leurs enfants en langues véhiculaires à hauteur de 7,62%, et 1,90% en langues vernaculaires.

76

Nous constatons qu'en général, les parents s'adressent à leurs enfants beaucoup plus en langues véhiculaires qu'en langues locales comme dans les déclarations des enquêtés.40

5.2. LOCALISATION DES PRATIQUES LINGUISTIQUES RÉELLES

Nous avons observé les enquêtés dans divers lieux, dans la rue (39,05% des cas d'interactions), au marché (25,71%), dans des domiciles (15,24%), dans des écoles (14,29%) et dans les lieux publics (institutions administratives, 5,71%).

Dans les rues de Gamboma, un grand nombre d'interlocuteurs s'expriment en langues véhiculaires, soit 29,52% ; 7,62% d'interactions se font en langues vernaculaires. Cette domination des langues véhiculaires ne contredit en aucun cas les déclarations des enquêtés : d'après les déclarations des parents et des enfants avec leurs amis dans la rue, cette même tendance est observée. Les interactions en deux langues différentes (une langue véhiculaire et une langue vernaculaire) ont été observées à 1,90%.

Au marché, les interactions entre acheteurs et vendeurs se font en langues vernaculaires à hauteur de 14,29%, et en langues véhiculaires à 11,43%. Cette situation paraît contradictoire aux déclarations des enquêtés. Selon leurs déclarations, les enquêtés se servent en majorité des langues véhiculaires que des langues vernaculaires, qu'il s'agisse des parents (69,02% avec les vendeurs congolais, 88,74% avec les vendeurs étrangers) ou des enfants (95,05%) parce que le marché est un lieu cosmopolite qui accueille les locuteurs de langues maternelles différentes ; cela témoigne de la nécessité des langues véhiculaires.

40 Nous ne tenons pas ici compte des différences de pourcentages parce que l'effectif de l'échantillon n'est pas le même dans les deux méthodes.

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Si la tendance est ici inversée, c'est parce que, la plupart des acheteurs et vendeurs dans ces marchés sont des personnes adultes. Or à Gamboma, la majorité des personnes adultes, soit 72,22% ont pour L1 une langue locale qu'ils maitrisent. Ainsi, s'ils ont la même langue maternelle, se connaissent et se rencontrent au marché, en qualité de vendeurs et acheteurs, ils n'ont pas besoin de faire usage d'une langue véhiculaire entre eux. D'où cette domination des langues locales. Les enfants quant à eux, utilisent moins les langues vernaculaires au marché.

Les résultats des pratiques réelles dans les domiciles dévoilent que les langues véhiculaires sont employées à 12,38% contre 2,86% des langues vernaculaires. Encore une fois le faible emploi des langues vernaculaires par rapport aux langues véhiculaires est attesté comme dans la méthode du questionnaire. Ces langues vernaculaires sont employées dans la plupart d'interactions entre personnes adultes ou encore entre conjoints et un peu moins entre eux et les enfants ou encore entre enfants. Les véhiculaires le sont en grande partie dans les interactions entre enfants.

À l'école, les résultats sont les mêmes que ceux des déclarations des enfants. Dans la cour de l'école les observations ont révélé que ce sont les langues véhiculaires qui sont exclusivement utilisées par les enfants.

Enfin, dans les lieux publics, les langues véhiculaires dominent naturellement dans les interactions. La raison en est que les enquêtés conçoivent que dans ces milieux de travail, les individus communiquent en langues véhiculaires surtout en langue officielle. Les langues vernaculaires sont faiblement attestées dans des situations d'usage avec une langue véhiculaire (l'un des interlocuteurs se servant d'une véhiculaire et l'autre d'une vernaculaire), soit 1,90% sur 5,71% de cas observés.

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5.3. CONCLUSION PARTIELLE

Nous retenons que les langues véhiculaires dominent les interactions entre locuteurs à Gamboma. Le lingala arrive en tête avec 68,57%, suivi du français (1,90%) et du kituba, très faiblement employé (0,95%). Toutes les langues vernaculaires sont représentées à 24,76%. D'autres interactions (3,81%) ont eu lieu en deux langues différentes entre interlocuteurs.

Les langues vernaculaires sont, en majorité, utilisées dans les interactions entre parents ; tandis que, les langues véhiculaires sont utilisées dans les communications entre enfants. Les interactions entre parents et enfants sont caractérisées par la domination des langues véhiculaires.

Dans les milieux cosmopolites, ce sont surtout les langues véhiculaires qui sont en usage. Toutefois, au marché, entre personnes adultes, ce sont les langues vernaculaires qui sont plus employées.

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Chapitre 6 : Sauvegarde des langues locales

À la question de savoir pensez-vous qu'il soit important de sauvegarder ou de conserver les langues locales ? cent-soixante-treize enquêtés sur cent-soixante-quinze (parents et enfants), y ont répondu. Le nombre de ceux qui ont répondu positivement à la question s'élève à cent-soixante-huit, soit 97,11%, alors que cinq enquêtés (enfants) y ont répondu négativement, soit 2,89%.

6.1. MOBILES DU MAINTIEN DES LANGUES LOCALES

Pour les cinq enquêtés, il n'est pas nécessaire de sauvegarder les langues vernaculaires parce qu'ils ne les comprennent pas et sont inutiles. L'autre raison principale est que ces langues doivent disparaître afin qu'on puisse apprendre à parler d'autres langues, les langues de grandes diffusion. C'est ainsi que l'un deux a affirmé qu'« il n'est pas important de les sauvegarder pour qu'on puisse causer seulement en français. »

Les cent-soixante-huit enquêtés par contre ont évoqué diverses raisons pour conserver les langues locales ; nous les avons reparties en six catégories

:

- le maintien de la diversité linguistique ;

- la constitution de l'identité ;

- la conservation des coutumes et des traditions ;

- la base de l'éducation ;

- la communication avec les personnes adultes ;

80

- la survie en cas de conflits interethniques.

6.1.1. LE MAINTIEN DE LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE

Les enquêtés (29,14%) ont évoqué la raison selon laquelle les langues vernaculaires doivent être conservées parce que la diversité linguistique doit être maintenue. Pour eux, il n'est pas question d'admettre que les langues vernaculaires disparaissent au profit d'autres langues, étrangères.

Les premiers contacts entre colons et colonisés ont engendré la bataille linguistique entre la langue du colon et celle du colonisé dans un rapport de couple langue dominante/langue dominée. Langue dominante parlée par les élites et langue dominée parlée par le reste de la population. En effet, le colonialisme a institué un champ d'exclusion linguistique à double détente : exclusion de la langue dominée des sphères du pouvoir et exclusion des locuteurs de cette langue (ceux qui n'ont pas appris la langue dominante) de ces mêmes sphères en établissant une langue exclusive : la langue dominante41. C'est ainsi, que « Le premier anthropophage est venu d'Europe, il a dévoré le colonisé. Et, au plan particulier qui nous concerne, il a dévoré ses langues, glottophage donc.42 »

Pour ces enquêtés, les langues locales doivent continuer d'exister comme toutes les langues de grande diffusion afin de maintenir la diversité linguistique à travers le monde, il n'est pas question qu'elles soient dévorées par celles-ci. D'où les raisons comme « on doit les conserver pour éviter leur disparition », « pour qu'elles existent continuellement », « pour qu'il y ait beaucoup de langues ».

41 Calvet, L.-J., Linguistique et colonialisme, petit traité de glottophagie, Paris, Payot, 1974, p.65.

42 Calvet, L.-J., op.cit. p.12.

81

6.1.2. LES LANGUES LOCALES : LANGUES DES AÏEUX, MARQUEURS D'IDENTITÉ

Dans les rapports entre langue et identité, la langue est un facteur qui permet l'identification de l'individu, son exclusion et aussi son intégration. Les individus qui parlent la même langue se reconnaissent et s'identifient comme faisant partie d'une même communauté, d'un même peuple. Ils considèrent comme étrangers ceux qui ne la parlent pas et intègrent en leur sein ceux qui parlent la même langue qu'eux. La langue est marqueur d'identité de l'individu. 34,44% des enquêtés reconnaissent que les langues locales ont été les langues des ancêtres, puis leurs langues et constituent leur identité, ce qu'ils sont. Ainsi, ils ont multiplié les réponses : « ce sont les langues des aïeux, langues transmises depuis les aïeux jusqu'aux petits-fils », « ce sont les langues de nos parents », « ce sont les langues du pays », « elles sont nos langues », « elles sont notre identité », « ce sont les langues que nous aimons », « nous sommes fiers de ces langues », « elles sont bonnes. »

Les enquêtés reconnaissent que ces langues sont des langues congolaises, et elles doivent être sauvegardées.

Elles sont les langues des ancêtres, devenues langues des grands-parents, langues des parents puis langues des enfants par le biais de la transmission. Ainsi, elles doivent exister pour honorer ou vénérer les ancêtres, elles sont un outil servant à s'adresser à eux car ils n'ont connu d'autres langues que les langues vernaculaires étant donné qu'à l'époque les langues véhiculaires n'étaient pas répandues comme aujourd'hui.

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6.1.3. LES LANGUES LOCALES : VÉHICULES DES COUTUMES ET CULTURES

Chaque langue véhicule la culture à laquelle elle est associée. Si la langue française véhicule la culture française, les langues congolaises véhiculent les cultures congolaises et sont les seules langues qui peuvent les revaloriser. 5,96% des enquêtés ont affirmé que les langues locales sont les gardiennes de leurs cultures. Les réponses données sont les suivantes : « pour la conservation de nos coutumes ou traditions et cultures », «pour que les enfants n'oublient pas les traditions », « pour maintenir les ethnies. »

Ils sont conscients du fait que pour que les cultures se maintiennent de génération en génération, les langues doivent être transmises. La disparition de ces langues locales équivaudrait à la disparition des coutumes et des traditions, car les cultures sont principalement véhiculées par les langues.

Au Congo, généralement le nom de l'ethnie est le nom de la langue. Si les ethnies existent, les langues doivent aussi exister. Si la langue mbochi disparait, l'ethnie mbochi va disparaitre, si la langue téké disparait, l'ethnie téké va disparaitre, si la langue koongo disparait, l'ethnie koongo va disparaitre etc., car une ethnie se définit notamment par sa culture qui est véhiculée par sa langue.

6.1.4. LES LANGUES LOCALES : BASE DE LA PÉDAGOGIE DES LANGUES ÉTRANGÈRES

Les enquêtés (3,97%) ont aussi affirmé que « le bon départ de l'éducation commence par la langue locale », « elle passe avant toute langue étrangère ». Ces enquêtés qui ont pour L1 une langue locale, juge que la langue locale est la base de l'éducation, de l'apprentissage des langues

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étrangères. Pour mieux apprendre les langues européennes il faut bien maitriser les langues locales et celles-ci serviront de base à l'apprentissage, à la pédagogie de celles-là.

L'enseignement d'une langue qu'on ne maitrise pas passe nécessairement par une langue qu'on comprend bien. Si les locuteurs des langues locales veulent mieux apprendre les langues de «grande diffusion », elles doivent être enseignées dans les langues locales qu'ils parlent. C'est pourquoi Paul Nzété écrit :

« Beaucoup de ceux qui s'intéressent aux langues africaines (notamment les Européens) cherchent plutôt à répondre à la question suivante qu'ils se posent d'un air préoccupé : comment mieux enseigner une langue étrangère (européenne en l'occurrence), il faut commencer par l'enseignement de la langue maternelle (pour que la langue européenne prenne le relais après) ; deuxièmement, pour mieux enseigner la langue européenne , il faut tenir compte des structures de la langue maternelle de l'enfant, notamment pour mieux prévoir les faits d'interférences.43 »

Si nous voulons enseigner les langues locales ou maternelles, nous souhaiterons qu'elles restent dynamiques, et nous trouverons qu'il est nécessaire de les sauvegarder.

6.1.5. UTILITÉ DES LANGUES LOCALES POUR LES NON-LETTRÉS

Si les langues véhiculaires du pays sont maitrisées par tous les lettrés, il n'en est pas ainsi des illettrés, plus particulièrement des personnes adultes.

43 Nzété, Paul, Les langues africaines pour quoi faire ? Revue du CELCO, no 6/7, UMNG, FLSH, DIMI, 1984-1985, p.4.

84

7,95% des enquêtés ont évoqué les raisons suivantes pour la conservation des langues locales : « pour causer en famille, et en secret », « pour la confidentialité des causeries devant un étranger », « pour parler avec les locuteurs de ces langues », « pour la communication », « tout le monde ne parle pas les langues véhiculaires », « pour communiquer avec les adultes. »

Nous ressortons les fonctions de communion et de communication dans ces réponses. Les langues locales permettent de s'intégrer aux communautés qui les parlent car l'intégration à une communauté ou à une société passe par la langue. Certains enquêtés jugent que tout n'est pas à dire devant tout le monde ou devant n'importe qui. Il existe certains messages spécifiques à la famille, qu'il faut passer en secret. Ainsi, la langue vernaculaire renforce et rend plus étroits les liens familiaux car « la solidarité entre les membres d'une même famille, la cohésion, passent à travers la langue en ce que celle-ci est l'outil par excellence de communion.44 »

Les illettrés ne sont pas isolés du reste de la société, ils sont en contact avec le reste de la population du pays ; « les gens sont appelés à se déplacer d'un endroit à un autre... on peut voyager soit pour satisfaire une curiosité, soit pour travailler ou pour une autre raison. Où qu'on aille, il sera impératif que l'on communique avec l'autre.45 » Les enquêtés ont conscience du fait que si les individus veulent directement communiquer avec les personnes qui n'ont pas la maitrise des langues véhiculaires, ils n'ont pas d'autres possibilités que d'acquérir la langue locale du milieu, de la maitriser. C'est pourquoi il est nécessaire de la sauvegarder.

Les personnes qui n'ont jamais été à l'école, qui n'ont jamais eu l'occasion d'apprendre les langues véhiculaires ont besoin de communion et de communication. Les seuls codes qui leur sont accessibles sont les langues

44 Talani Nanitelamio, op.cit., p.100.

45 Talani Nanitelamio, op.cit., p.98.

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locales ou maternelles. En famille, elles communient en ces différentes langues, s'il y a lieu de communiquer une information à un étranger, c'est encore en ces langues.

6.1.6. UTILITÉ DES LANGUES LOCALES EN CONTEXTE DES CONFLITS INTERETHNIQUES

Sur les cent-soixante-huit enquêtés ayant avancé les raisons motivant la conservation des langues locales, 18,54% ont signalé les raisons suivantes : « pour la défense en cas d'arrestation », « pour s'identifier pendant la guerre », « en cas d'une guerre mes enfants doivent se défendre », « parce que c'est important pendant les moments difficiles, en prenant le cas de la guerre ».

Pendant les guerres civiques (1993, 1997 et 1998) qui ont marqué l'histoire du pays, on a assisté à de nombreux cas d'arrestations d'individus par les combattants. Ces derniers leur posaient la question de savoir de quelle ethnie êtes-vous ? Si vous étiez de la même ethnie que les combattants et que vous parliez la langue de ladite ethnie, ils vous laissaient la vie sauve. Dans le cas contraire, ils vous abattaient quelques fois. Les enquêtés étant conscients des conséquences de ces événements passés ont jugé nécessaire la sauvegarde des langues locales : parler la même langue que les combattants dans ces conditions vous mettaient en situation de communion avec eux. Dans ces conditions, les langues vernaculaires pourraient bien être un outil de sécurité, de conservation de la vie. Dans ce même ordre, Talani Nanitelamio écrit que « la langue peut être une bouée de sauvetage en cas de conflits interethniques puisqu'elle établit implicitement l'appartenance ethnique ou communautaire

du locuteur : tu parles la même langue que moi, donc nous appartenons à la même communauté. Nous sommes de ce fait « unis ».46 »

6.2. INSTITUTIONS ET MESURES DE SAUVEGARDE

Les enquêtés ont évoqué différentes institutions et mesures de conservation des langues locales. Ils ont reconnu que les autorités politiques, les linguistes du pays, les communautés de locuteurs, les parents, et même les églises ont des tâches à accomplir.

6.2.1. LES AUTORITÉS POLITIQUES OU L'ÉTAT

Sur cent-soixante enquêtés ayant répondu à la question, 34,38% jugent que ce sont les autorités politiques, particulièrement celles de Gamboma qui sont censées sauvegarder les langues locales. Ainsi, la question qui se pose est celle de savoir comment l'État peut assurer cette tâche, quelle est l'intervention directe et volontaire de l'État congolais dans la gestion et la sauvegarde des langues locales ?

Dès la fin des années 50, on commençait déjà à parler de politique linguistique et de planification linguistique. L-J. Calvet définit « ...la politique linguistique comme l'ensemble des choix conscients effectués dans le domaine des rapports entre langue et vie sociale, et particulièrement entre langue et vie nationale, et la planification linguistique comme la recherche et la mise en oeuvre des moyens nécessaires à l'application d'une politique

86

46 Talani Nanitelamio op.cit., p.100.

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linguistique.47 » Nous pouvons constater avec lui que la politique linguistique est comme liée à l'État.

Dans notre cas, l'État congolais devrait établir une politique linguistique nationale qui privilégiera la diversité linguistique à travers le pays afin que les locuteurs desdites langues se fassent des représentations mélioratives vis-à-vis de celles-ci. Dans cette perspective, Talani Nanitelamio parlant de l'amélioration du statut des langues locales, pense que «...les langues vernaculaires devraient bénéficier de la part de l'État d'un soutien institutionnel ou d'un statut reconnu clairement.48 »

L'État devrait prendre les décisions pour la sauvegarde de ces langues, investir les moyens (financiers) nécessaires pour leur description (tâche du linguiste), afin de leur donner un alphabet, de moderniser leur vocabulaire en l'adaptant à des domaines de communication (science, enseignement, etc.) Les experts de l'UNESCO en matière de langues en danger affirment que le soutien de celles-ci passe aussi par « la formation linguistique et pédagogique élémentaire : proposer aux professeurs [locaux] de langues une formation sur les bases de la linguistique, les techniques et méthodes d'enseignement des langues, la planification de programmes d'études et la préparation de matériels didactiques.49 »

L'État devrait mettre en oeuvre des programmes pédagogiques dans les langues locales, créer des centres d'enseignement et d'apprentissage de ces langues.

47 Calvet, L.-J., La guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris Payot, 2005, [1987], Réed. Hachette, p.p.154-155.

48 Talani Nanitelamio, op.cit., p.109.

49 UNESCO : Vitalité et disparition des langues, http://www.unesco.org/culture/heritage/intangible/2003

.

88

Sur cent cinquante-quatre enquêtés ayant répondu à la question sur les mesures pratiques et commodes de sauvegarde des langues locales, 59,74% ont souligné le rôle des médias. Gamboma disposant d'une chaîne de radio et de télévision locales, les enquêtés ont jugé bon que l'État mette les moyens en jeu pour la création et la diffusion des émissions à la radio et à la télévision en langues vernaculaires. Par exemple les émissions du genre Questions pour un champion en langues locales, et rémunérer les champions. Ceci encouragera les locuteurs à y participer afin de maitriser leurs langues. Favoriser les émissions comme les sketchs, les contes ; stimuler les chanteurs à chanter en langues locales etc.

Si l'État Congolais à travers ses ministères tel que celui de la Culture et des Arts se porte garant de la conservation des cultures congolaises, il devrait sauvegarder les langues qui véhiculent ces cultures.

6.2.2. LES LINGUISTES

Les enquêtés (25,32%) ont jugé nécessaire la conception d'ouvrages et de dictionnaires en langues locales. Nous constatons que les linguistes ont aussi un grand rôle à jouer. Ils devraient se mobiliser dans la description des langues locales, manifester cette volonté d'aller sur le terrain, de collecter et d'analyser les données en vue de ravitailler ces langues en documentation (manuels et dictionnaires).

L'État et les linguistes devraient travailler ensemble. L'État devrait financer les recherches pour que les ces derniers décrivent ces langues et conçoivent des ouvrages et des dictionnaires en celles-ci.

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6.2.3. LES COMMUNAUTÉS DE LOCUTEURS

Les communautés de locuteurs ont aussi un rôle considérable dans la sauvegarde des langues. Une langue existe parce qu'elle est parlée par un certain nombre d'individus. Ceux-ci constituent la communauté linguistique. Fabienne Leconte définit la communauté linguistique comme « l'ensemble de personnes parlant la même langue.50 » Il est souvent constaté que les communautés de locuteurs parlant les langues vernaculaires ont tendance à les abandonner estimant qu'elles sont révolues ou dépassées, périmées et inefficaces dans la plupart des cas par rapport au poids socio-politico-économico-culturel d'autres langues. C'est ainsi que 15% d'enquêtés ont reconnu la place des communautés de locuteurs dans la conservation des langues locales.

Les locuteurs de ces différentes langues doivent se mobiliser en premier, juger nécessaire la protection de leurs langues. Parce qu' « en fin de compte, ce sont les locuteurs, non les personnes extérieures, qui, maintiennent ou abandonnent une langue. Néanmoins, dès lors que les communautés demandent qu'on les aide à protéger leurs langues en danger, les linguistes devraient mettre leurs compétences à leur disposition en travaillant avec ces minorités.51 »

Les locuteurs de ces langues (parents et enfants) devraient les parler sans complexe et sans gêne en famille, dans la rue, au marché etc. ; ils ne devraient pas avoir des représentations dépréciatives à l'égard des langues locales, ne devraient pas les dévaloriser.

50 Leconte, Fabienne, La famille et les langues. Une étude sociolinguistique de la deuxième génération de l'immigration africaine dans l'agglomération rouennaise, Paris, L'Harmattan, 1997, p.131.

51 UNESCO : Vitalité et disparition des langues, http://www.unesco.org/culture/heritage/intangible/2003

90

6.2.4. LE RÔLE PARTICULIER DES PARENTS

Les enquêtés ont aussi souligné le rôle des parents dans la conservation des langues locales à savoir, leur transmission. Ils devraient les transmettre à leurs enfants afin que celles-ci subsistent davantage. Ces enfants une fois devenus parents sont conviés à faire de même, de génération en génération car la transmission des langues est un facteur très important dans la mesure où si tous les locuteurs d'une langue meurent sans laisser de descendants qui la parlent, cette dernière disparait par extinction.

Ils ont aussi reconnu qu'ils devraient raconter les contes aux enfants dans ces différentes langues. Ceux-ci étant fascinés par les contes s'y intéresseront, et en écoutant, ils acquerront en même temps la langue. Les parents pourront aussi régulièrement amener ou envoyer leurs enfants dans leurs villages d'origine, ce qui renforcera l'acquisition des langues locales.

6.2.5. LES ÉGLISES

Les enquêtés (2,50%) ont déclaré que les églises sont aussi considérées comme des instances qui peuvent s'engager dans la sauvegarde des langues locales ; au moyen des enseignements bibliques. Si les enseignements de la Parole de Dieu sont données en français ou en lingala, les églises peuvent jouer ce rôle à travers les traducteurs en langues locales. Si ceci est fait, ces langues bénéficieront d'un poids important dans le domaine religieux et n'apparaitront pas aux yeux des locuteurs comme inutiles.

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6.3. CONCLUSION PARTIELLE

Les raisons évoquées pour sauvegarder les langues locales sont multiples.

Selon les enquêtés, la diversité linguistique dans le monde doit être maintenue, les langues locales doivent donc être conservées.

Elles méritent d'être sauvegardées parce qu'ils s'identifient par elles ; et elles véhiculent les coutumes et les cultures auxquelles elles sont associées.

Les langues locales sont nécessaires dans la mesure où elles peuvent être des langues moyen d'enseignement, servant à la maitrise des langues étrangères chez les locuteurs non-lettrés ; elles remplissent les fonctions de communion et de communication chez ces mêmes locuteurs.

Les enquêtés ont aussi souligné que les langues locales ont été utiles lors des guerres civiques qu'a connues le pays car, la maitrise de ces langues a épargné de nombreux citoyens de la mort.

Les institutions impliquées et les mesures à prendre sont diverses. Il s'agit de l'État, à travers sa politique et sa planification linguistiques.

Les linguistes doivent se mobiliser pour la description de ces langues, la conception d'ouvrages et de dictionnaires.

Les communautés de locuteurs ont un rôle capital : parler ces langues sans honte et les transmettre de générations en générations.

Les enquêtés ont aussi reconnu que les églises peuvent aussi servir par le biais des traducteurs d'enseignements bibliques en langues locales.

92

7. CONCLUSION GÉNÉRALE

À l'issue de notre travail, nous rappelons que la problématique est organisée autour de différentes questions de recherche que nous avons traitées tout au long du développement. Partant de l'idée de la famille comme institution attitrée dans la transmission des langues, et de l'hypothèse de l'émergence des langues véhiculaires comme L1 transmises, nous nous sommes mis à étudier les usages des langues à Gamboma ; à vérifier les langues hautement et faiblement transmises par les parents aux enfants et les langues premières déclarées par les enfants. Nous avons cherché à saisir les raisons pour lesquelles les parents transmettent aux enfants telle ou telle langue. Enfin, nous avons abordé la question de la sauvegarde des langues faiblement transmises.

Avant d'aborder le phénomène dans son ampleur, nous avons examiné la situation sociolinguistique de la commune de Gamboma. Nous y avons identifié onze langues bantoues : deux langues véhiculaires, le lingala et le kituba, et neuf langues vernaculaires, le gangoulou, le mbochi, le boma, le téké, le koyo, le laari, l'akwa, le moyi et le kikoongo. Le français et l'anglais sont les deux langues étrangères répertoriées.

Des deux méthodes employées, le questionnaire et l'observation, les deux générations des enquêtés (parents et enfants) usent plus des langues véhiculaires que des langues vernaculaires, notamment en milieux cosmopolites.

Globalement, les langues véhiculaires sont hautement transmises par rapport aux langues vernaculaires. Toutefois dans les détails, le lingala étant la langue transmise à un plus haut degré, est suivi de très près par le

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gangoulou. Langue vernaculaire et autochtone de la commune, le gangoulou est fortement transmise et supplante les deux autres langues véhiculaires du pays. Le français est la troisième langue transmise suivi du mbochi. Les autres langues vernaculaires sont faiblement transmises. Elles le sont surtout en situations de bilinguisme et de trilinguisme, caractérisées par la présence d'une ou de deux langue(s) véhiculaire(s).

Les parents natifs du centre urbain, particulièrement les hommes ont transmis à un haut degré à leurs enfants les langues véhiculaires. Par contre, ceux qui sont venus des villages, en particulier les femmes ont en général transmis les langues vernaculaires. Les parents ayant un niveau intellectuel (Bac et plus) ont généralement transmis le français, qualifié de langue des élites. Le gangoulou est fortement transmis étant la L1 de ceux-ci.

L'évolution de la transmission des langues entre les générations des grands-parents et des parents a révélé que toutes les langues vernaculaires sont de moins en moins transmises. À la génération des grands-parents, elles exerçaient la suprématie de la transmission, alors qu'à celle des parents, ce sont les langues véhiculaires qui l'exercent.

Les langues véhiculaires sont plus L1 des enfants enquêtés dont l'âge varie entre 10 et 14 ans. Les enfants des tranches d'âge de 15 à 18 ans et de 19 à 25 ans ont plus de langues vernaculaires comme L1. Plus les années s'écoulent, plus le phénomène de l'émergence des langues véhiculaires comme L1 des enfants gagne du terrain.

Nous avons vu que les facteurs qui sont à l'origine de la progression et de la régression de la transmission des langues, des parents aux enfants sont multiples : la concurrence des langues véhiculaires, l'hétérogénéité linguistique des couples, le phénomène de véhicularité et le niveau intellectuel des parents. L'environnement dans lequel les langues sont parlées

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est aussi un facteur important de la progression de la transmission de certaines langues (dominantes du milieu) et de la régression d'autres. Néanmoins les enquêtés ont affirmé transmettre les langues vernaculaires parce qu'elles sont les langues des aïeux.

Les enquêtés ont reconnu la nécessité de sauvegarder les langues locales qui sont en voie d'extinction parce que la diversité linguistique doit être maintenue à travers le monde. Ces langues locales sont les langues des aïeux, et les locuteurs de ces langues s'identifient par elles. Elles doivent être conservées parce qu'elles véhiculent les cultures des communautés qui les parlent. Elles sont aussi utiles dans l'apprentissage des langues européennes chez les locuteurs ayant ces langues locales comme L1. Elles sont les seules langues de communion et de communication des personnes n'ayant pas appris une langue véhiculaire comme L2. Selon les enquêtés, la maitrise de ces langues est aussi nécessaire en cas de conflits interethniques.

Plusieurs institutions peuvent s'impliquer dans la conservation des langues vernaculaires. Chaque instance intervenant a un rôle bien précis. Il s'agit de l'État ; des linguistes ; des communautés de locuteurs, particulièrement des parents et même des églises.

En dépit des différentes questions que nous avons abordées et des réponses apportées, nous rappelons que nous n'avons pas traité toutes les questions relatives à cette étude. Les fiches des deux méthodes d'enquêtes utilisées sont immenses et n'ont pas été entièrement exploitées. D'autres questions auraient dû être étudiées. Il s'agit des questions comme le rôle des médias (Radio, T.V.) dans la transmission des langues ; les langues parlées correctement par les enquêtés ; leurs préférences linguistiques; les attitudes des enquêtés vis-à-vis des langues locales dans une génération où les individus aspirent à apprendre à écrire et à parler les langues dominantes du territoire national et les langues étrangères, de grande diffusion.

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Ce travail ne constitue qu'un jalon des différents travaux de sociolinguistique urbaine qui seront menés dans la ville de Gamboma. Comme il se présente, il est à prendre comme un appel à la valorisation, à la transmission et à la conservation des langues locales, particulièrement des langues africaines ; car :

« Nous considérons la transmission des langues comme un aspect important de la vitalité linguistique. Lorsqu'elle est quantitativement bien assurée d'une génération à la suivante, la langue gagne en locuteurs jeunes et est promis à un bel avenir. Moins la transmission est assurée, plus la langue perd en locuteurs potentiels et en vitalité au profit des variétés concurrentes sur le marché linguistique. Les langues effectivement transmises par les parents à leur progéniture sont exclusivement celles que les parents utilisent quotidiennement avec leurs enfants. 52»

52 Bitjaa Kody, Zachée Denis, « Vitalité des langues à Yaoundé : choix conscient », in Le plurilinguisme urbain, actes du colloque de Libreville "Les villes plurilingues" (25-29 septembre 2000), Calvet, L.-J. & Moussirou-Mouyama, A., Institut de la Francophonie, Diffusion Didier Érudition, Paris, 2000, p.171.

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ANNEXES

ANNEXE 1 : QUESTIONNAIRES Questions auprès des enfants

Fiche No

A- IDENTITÉ DES INFORMATEURS

1-Nom(s) et prénom(s)

Sexe : M F Age : 10-14 15-18 + 18

Etablissement . Classe .

2-Etes-vous né(e) à Gamboma ?

Oui Non

Si non, où êtes-vous né(e) ? Depuis quand vivez-vous à

Gamboma ? Où viviez-vous avant d'arriver à

Gamboma ?

3-Que fait/où travaille votre mère ?

Fonctionnaire commerçant agriculteurs et

artisans retraité(e) autre

-Que fait/où travaille votre père ?

Fonctionnaire commerçant agriculteurs et

artisans retraité(e) autres

B- 97

PRATIQUES LANGAGIÈRES

4-En quelle(s) langue(s) avez-vous appris à parler ? Lingala.

Français Autre(s)

5-Quelle est la langue première de votre mère ?

- Quelle est la langue première de votre père ?

6-Parlez-vous la langue première de votre mère ?

-Parlez-vous la langue première de votre père ?

7-Quelles langues parlez-vous correctement maintenant ? Français

Lingala . Autre (précisez)

8-Des langues suivantes, laquelle préférez-vous ? Français

Lingala Votre langue maternelle Autre(s) (préciser)

9-Quelle (s) langue (s) première (s) souhaiteriez-vous transmettre à vos

enfants ? Lingala . Français Votre
langue maternelle/première . Autres

(précisez)

C- INTERACTIONS LINGUISTIQUES 10-Quelle(s) langue(s) parlez-vous souvent avec :

- Vos parents ?

- Vos frères et soeurs ?

- Vos amis à l'école ?

- Vos amis dans la rue ?

- Au marché ?

98

-Parlez-vous votre langue première avec d'autres adultes que ceux de

votre famille ? Oui Non . Dans quelles circonstances :

- Dans la rue ?

- Au marché ?

- Partout ?

11-Avez-vous honte de parler votre langue première devant : - Vos amis ?

- Les étrangers/inconnus ?

- Avez -vous honte de parler la langue première de votre mère devant :

- Vos amis ?

- Les étrangers ?

- Avez -vous honte de parler la langue première de votre père devant :

- Vos amis ?

- Les étrangers ?

D- LANGUES ET MÉDIAS

12-Ecoutez-vous la radio ? Oui Non

-Quelle(s) chaîne(s) de radio écoutez-vous souvent

-Quelles(s) est ou sont votre ou vos émission(s)

préférée(s) ?

-Dans quelle(s) langue(s) est ou sont-elle(s)

diffusée(s) ?

13-Regardez-vous la télévision? Oui Non

99

-Quelle(s) chaîne(s) de télévision regardez-vous

souvent ?

-Quelles(s) est ou sont votre ou vos émission(s)

préférée(s) ?

-Dans quelle(s) langue(s) est ou sont-elle(s)

diffusée(s) ?

E- SAUVEGARDE DES LANGUES

14-Pensez-vous qu'il soit important de prendre des précautions pour

conserver les langues locales ? Oui Non

Pourquoi ?

-Qui doit prendre ces mesures ? autorités politiques autorités

de Gamboma locuteurs les

églises Autres(précisez)

Lesquelles ? Faire des émissions à la radio à

la télévision concevoir des ouvrages et des

dictionnaires Autres(précisez)

Date

Enquêteur

100

Questions auprès des parents

Fiche No

A- IDENTITÉ / ÉTAT CIVIL DES INFORMATEURS

1-Nom(s) et prénoms

Sexe M .. F

-Région/Village d'origine Lieu de

naissance

-Date d'arrivée à Gamboma Où habitez-vous

avant9 Profession :

Fonctionnaire .....commerçant ....agriculteur et

artisan retraité(e) .autre

-Situation matrimoniale : Marié(e) .

Célibataire Divorcé(e) Veuf

(Veuve) ....Combien d'enfants avez-vous 9

Combien de femmes avez-vous 9 Quel est (sont) son (leurs)

lieu(x) de naissance 9

B- LANGUES PREMIÈRES

2-En quelle(s) langues avez-vous appris à parler ? Lingala

Français . Autre(s)

-Quelle(s) langue(s) parlez-vous correctement maintenant ? Français

Lingala . Autres (précisez) .

101

-En quelle(s) langue(s) votre ou vos conjoint(s) a ou ont-il(s)/elle(s)

appris à parler ?

-Quelle(s) langue(s) parle(ent)-t-il(s)/elle(s) correctement maintenant ?

Français Lingala ..Autres

(précisez)

4-Permettez-vous à votre conjoint(e) d'apprendre à vos enfants :

- Sa langue

- La votre

- Pourquoi ?

5-Quelle(s) est (sont) la (les) langue(s) première(s) que vous transmettez à

vos enfants ?

-Lorsque vous vous adressez à vos enfants, vous arrive-t-il :

-de passer tour à tour d'une langue à une autre ? Oui non

-de mélanger deux ou plusieurs langues à la fois ? Oui non

-Vos enfants vont-ils de temps en temps dans votre village (ou région)

d'origine ? Oui Non

C- RAISONS DE TRANSMISSION

6-Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à transmettre cette (ces) langue(s) première(s) à vos enfants ?

- C'est la langue officielle

- C'est la langue nationale .

- C'est la langue parlée dans le quartier

- C'est la langue que nous parlons .

102

- C'est la langue des aïeux

- Autres

D- INTERACTIONS LINGUISTIQUES 7-Quelle(s) langue(s) parlez-vous souvent avec vos enfants :

- A la maison, quand vous êtes en famille

- A la maison en présence des étrangers

- Au marché

- Dans la cour de l'église

- Chez des amis congolais

- Chez des amis étrangers

8- Quelle(s) langue(s) parlez-vous souvent avec :

- Votre conjoint

- Vos père et mère

- Vos frères et soeurs

- Vos amis

- Vos collègues

- Vos voisins

- Les commerçants ou vendeurs congolais au marché

- Les commerçants ou vendeurs étrangers au marché

9-Avez-vous honte de parler votre langue première devant :

- Vos amis

- Les étrangers

10-De toutes les langues suivantes, laquelle préférez-vous ?

Français Lingala . Votre langue

103

maternelle Autres(précisez)

E- LANGUES ET MÉDIAS

11- Ecoutez-vous la radio ? Oui non .

-Quelle(s) chaîne(s) de radio écoutez-vous .

-Quelles(s) est ou sont votre ou vos émission(s) préférée(s)

-Dans quelle(s) langue(s) est ou sont-elle(s) diffusées ..

12-Regardez-vous la télévision? Oui .non

-Quelle(s) chaîne(s) de télévision regardez-vous .

-Quelles(s) est ou sont votre ou vos émission(s) préférée(s)

-Dans quelle(s) langue(s) est ou sont-elle(s) diffusée(s)

F- SAUVEGARDE DES LANGUES

13-Pensez-vous qu'il soit important de prendre des précautions pour

conserver les langues locales ? Oui Non

Pourquoi ?

-Qui doit prendre ces mesures ? Autorités politiques .autorités de

Gamboma locuteurs églises autres

(précisez)

104

-Lesquelles ? Faire des émissions à la radio à la

télévision concevoir des ouvrages et des

dictionnaires .autres (précisez) ...

14 -Croyez-vous que les parents aient un rôle à jouer dans la conservation des langues locales ?

-Si non, pourquoi ?

- Si oui, comment peuvent-ils assumer ce rôle ? En parlant leur(s)

langue(s) à leurs enfants en leur racontant des contes dans leur(s)

langue(s) ....en les envoyant au village .autres

(précisez

Date

Enquêteur :

105

ANNEXE 2 : FICHE D'OBSERVATION

Lieu : Gamboma

Locuteur 1 Locuteur 2

M F M F

5-10 u

10-15 u

5-10 u

10-15 u

15-20 u

20-25 u

15-20 u

20-25 u

+20 u +25 u

Localisation

Rue u Domicile u

École u Marché u
Lieu public u

Langue

Locale u Locale u

Lingala u Lingala u

Français u Français u

Autre u Autre u

Interaction

Conversation u Négociation u

Demande u Autre u

Date

Enquêteur .

106

ANNEXE 3 : ÉCHANTILLON

Enfants = 103

Âge

Sexe

Lieu de naissance

10-14
ans

15-18
ans

18-25
ans

M

F

Gamboma

Autre

Effectif

42

52

9

7

4

29

82

21

Total

103

103

103

Tableau 1 : Échantillon du questionnaire des enfants

Parents

= 72

Sexe

Lieu de
naissance

Catégories

M

F

Gambo ma

Autre

fonction
naires

Commer çants

Agri
et arti

Ouvriers

Retrait és

Effectif

44

28

44

28

19

15

22

7

6

Total

72

72

69

Tableau 2 : Échantillon du questionnaire des parents

Fiche
d'obs =

105

Localisation

Interaction

Rue

Dom

Éco

L.
pub.

Mar

Con

Nég

Dem

Aut

Effectif

41

16

15

6

27

83

2

16

4

Total

105

105

107

Tableau 3 : Échantillon d'observation

108

BIBLIOGRAPHIE

BITJAA KODY, Zachée Denis, « Vitalité des langues à Yaoundé : choix conscient », in Le plurilinguisme urbain, actes du colloque de Libreville "Les villes plurilingues" (25-29 septembre 2000), Calvet, Louis-Jean & Moussirou-Mouyama, Auguste, Institut de la Francophonie, Diffusion Didier Érudition, Paris, 2000, p.163-182.

BOUKOUS, Ahmed, « Le Questionnaire », in L'enquête sociolinguistique, Calvet, Louis-Jean et Dumont, Pierre, Paris, L'Harmattan, 1999, p.p.15-24.

CALVET, Louis-Jean, La guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris, Payot, 2005, [1987], Réed. Hachette.

CALVET, Louis-Jean, Les Voix de la ville : introduction à la sociolinguistique urbaine, Paris, Payot et Rivages, 1994.

CALVET, Louis-Jean, Linguistique et colonialisme, petit traité de glottophagie, Paris, Payot, 1974.

CALVET, Louis-Jean, Pour une écologie des langues du monde, Paris, Plon, 1999.

CNSEE (Centre National de la Statistique et des Études Économiques), Le RGPH-2007 en quelques chiffres, Brazzaville, juillet 2010.

CRIPOL (Cercle Républicain pour l'Innovation Politique), Les Plateaux, 53ème anniversaire de l'Indépendance du Congo, Djambala, 15 août 2013.

GASQUET-CYRUS, Médéric, « La métaphore du poids des langues et ses enjeux », in Le poids des langues : dynamiques, représentations,

109

contacts, conflits, Gasquet-Cyrus, Médéric, Petitjean, Cécile, Paris, L'Harmattan, 2009, p.p.9-33.

GHIMENTON, Anna, Analyse des interactions familiales entre trois générations dans la région italienne de Vénétie : réflexions sur les voies de la transmission des langues minorées, Travaux neuchâtelois de linguistique, 2010, 52, 109-124.

GOBARD, Henri, L'Aliénation linguistique, Paris, Flammarion, 1976.

HOULE, Réné, Évolution récente de la transmission des langues immigrantes au Canada, http://www.statcan.gc.ca/pub/11-008-x/2011002/t/11453/tbl004-fra.htm

JUILLARD, Caroline, « L'observation des pratiques réelles », in L'enquête sociolinguistique, Calvet, Louis-Jean et Dumont, Pierre, Paris, L'Harmattan, 1999, p.p.103-114.

KOUNGHAT, Guina Joséline, Usages des langues en présence par les habitants de l'arrondissement 6 Talangaï de Brazzaville, Mémoire de maitrise, FLSH, Brazzaville, 2013.

La mort des langues,

http://www.axl.cefan.ulaval.ca/Langues/2vital_mortdeslangues.htm

LECONTE, Fabienne, La famille et les langues. Une étude de la sociolinguistique de la deuxième génération de l'immigration africaine dans l'agglomération rouennaise, Paris, L'Harmattan, 1997.

Mairie de Gamboma (Archives), Plan quinquennal de développement économique et social du département des Plateaux, 2009-2013,

110

département des plateaux, conseil départemental, Djambala, février 2009.

MARIEN, Bruno et BEAU, Jean-Pierre, Guide pratique pour l'utilisation de la statistique en recherche : le cas des petits échantillons, Réseau sociolinguistique et dynamique des langues, Agence universitaire de la Francophonie, Québec, Mai 2003.

MUFWENE, Salikoko S., Créoles, écologie sociale, évolution linguistique, Paris, Institut de la Francophonie, L'Harmattan, 2005.

NDAMBA, Josué, « Des véhiculaires aux vernaculaires à Brazzaville : la ville et les changements de fonctions linguistiques », in Le plurilinguisme urbain, actes du colloque de Libreville « Les villes plurilingues » (25-29 septembre 2000), Calvet, Louis-Jean & Moussirou-Mouyama Auguste, Institut de la Francophonie, Diffusion Didier Éudition, Pris, 2000, p.p.135-145.

NKOUKA, Martial, « Émergence des langues véhiculaires comme langues premières chez les enfants de Brazzaville », in Le plurilinguisme urbain, actes du colloque de Libreville « Les villes plurilingues » (25-29 septembre 2000), Calvet, Louis-Jean & Moussirou-Mouyama Auguste, Institut de la Francophonie, Diffusion Didier Érudition, Paris, 2000, p.p.147-159.

NZETE, Paul, Les langues africaines pourquoi faire ? Revue du CELCO, no 6/7 UMNG, FLSH, DIMI, 1984-1985, p.p.4-11.

TALANI NANITELAMIO, Sylvanie Patricia Nelly, Émergence des langues véhiculaires comme langues maternelles chez les enfants

d'Owando, Mémoire de maitrise, FLSH, Brazzaville, 2009.

111

UNESCO, Diversité linguistique: 3.000 langues en péril, http://www.unesco.org/bpi/fre/unescopresse/2002/02-07f.shtml

UNESCO, Vitalité et disparition des langues,

http://www.unesco.org/culture/heritage/intangible/2003

Wikipédia Génération (sociologie),

http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Génération_(sociologie&o ldid=102858165

112

TABLE DES MATIÈRES

0. INTRODUCTION 1

0.1. Problématique 3

0.1.1. État de la question 4

0.1.2. Importance du problème 6

0.1.3. Objectifs de recherche 7

0.2. Méthodologie 8

0.2.1. Population cible et échantillon de l'enquête 10

0.3. Présentation du district de Gamboma 10

0.3.1. Aspects physiques et géographiques 11

0.3.2. Aperçu économique et socio-culturel 14

0.3.3. Répertoire linguistique de la commune de Gamboma 15

0.4. Plan 17

CHAPITRE 1 : LANGUES PARLÉES À GAMBOMA 18

1.1. Usages des langues par les parents 18

1.1. 1. Langues déclarées parlées en famille avec les enfants 18

1.1.2. Entre conjoints 21

1.1.3. Entre amis 23

1.1.4. Avec les voisins dans le quartier 24

1.1.5. Au marché 26

1.2. Usages des langues par les enfants 28

1.2.1. Avec les parents 28

1.2.2. Entre frères et soeurs 29

1.2.3. Avec les amis à l'école 31

1.2.4. Avec les amis dans la rue 32

1.2.5. Au marché 34

1.3. Conclusion partielle 35

113

CHAPITRE 2 : TRANSMISSION DES LANGUES PAR LES PARENTS

AUX ENFANTS À GAMBOMA 36

2.1. Langues déclarées transmises par les parents aux enfants 36

2.2. Langues transmises selon les caractéristiques sociales des parents 38

2.2.1. Selon les lieux d'origine 39

2.2.2. Selon le sexe 40

2.2.3. Selon l'emploi exercé et le niveau d'étude 42

2.3. Évolution de la transmission des langues entre la génération des

grands-parents et celle des parents 44

2.4. Conclusion partielle 49

CHAPITRE 3 : LANGUES PREMIÈRES DÉCLARÉES PAR LES

ENFANTS 50

3.1. Les enfants, leurs langues et leurs lieux d'origine 50

3.2. Langues premières des enfants par tranches d'âge 52

3.3. Langues premières des enfants selon le sexe 56

3.4. Identification des langues maternelles des parents et celles des

enfants 57

3.4.1. Couples homogènes 57

3.4.2. Couples mixtes 58

3.5. Conclusion partielle 62

CHAPITRE 4 : FACTEURS DE PROGRESSION ET DE RÉGRESSION DE

LA TRANSMISSION GÉNÉRATIONNELLE DES LANGUES 63

4.1. La concurrence des langues 64

4.1.1. Le poids du français 65

4.1.2. Le poids des langues nationales 66

4.2. L'hétérogénéité linguistique des couples, la véhicularité et le niveau

intellectuel des parents 67

4.3. L'environnement linguistique 69

4.4. La langue des aïeux, langue des parents 70

114

4.5. Conclusion partielle 71

CHAPITRE 5 : OBSERVATION DES PRATIQUES LINGUISTIQUES

RÉELLES À GAMBOMA 73

5.1. Langues d'interactions observées 73

5.1.1. Pratiques linguistiques réelles entre parents 74

5.1.2. Entre enfants 75

5.1.3. Entre parents et enfants 75

5.2. Localisation des pratiques linguistiques réelles 76

5.3. Conclusion partielle 78

CHAPITRE 6 : SAUVEGARDE DES LANGUES LOCALES 79

6.1. Mobiles du maintien des langues locales 79

6.1.1. Le maintien de la diversité linguistique 80

6.1.2. Les langues locales : langues des aïeux, marqueurs d'identité 81

6.1.3. Les langues locales : véhicules des coutumes et cultures 82

6.1.4. Les langues locales : base de la pédagogie des langues étrangères 82

6.1.5. Utilité des langues locales pour les non-lettrés 83

6.1.6. Utilité des langues locales en contexte des conflits interethniques 85

6.2. Institutions et mesures de sauvegarde 86

6.2.1. Les autorités politiques ou l'État 86

6.2.2. Les linguistes 88

6.2.3. Les communautés de locuteurs 89

6.2.4. Le rôle particulier des parents 90

6.2.5. Les églises 90

6.3. Conclusion partielle 91

7. CONCLUSION GÉNÉRALE 92

ANNEXES 96

Annexe 1 : Questionnaires 96

115

Questions auprès des enfants 96

Questions auprès des parents 100

Annexe 2 : Fiche d'observation 105

Annexe 3 : Échantillon 106

BIBLIOGRAPHIE 108

TABLE DES MATIÈRES 112






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo