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Le Gabon face à  la cybercriminalité: enjeux et défis


par Larry Warren DIYEMBOU BOUMAM'HA
Université Omar Bongo - Master Géosciences Politiques du Monde Contemporain 2019
  

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3.2.2 - Une criminalité orchestrée par des acteurs nationaux et internationaux

Comme l'indique le tableau suivant, il est possible d'affirmer que le développement de la cybercriminalité au Gabon est consubstantiel aux forts taux de pénétration de l'internet :

Tableau 9 : Taux de pénétration de l'Internet au Gabon au deuxième trimestre 2018

Indicateur

Avril 2018

Mai 2018

Juin 2018

Parc internet mobile

1 819 378

1 854 848

1 871 832

Par internet FAI

16 795

16 946

16 840

Parc total internet

1 836 173

1 871 794

1 888 672

Taux de pénétration116(*)

101,86%

103,83%

104,77%

Source : ARCEP, 2018

Ces taux énormes de pénétration de l'internet sont à la fois bénéfiques pour les uns et indirectement néfastes pour l'ensemble des autres acteurs du numérique au Gabon. En outre, le bénéfice issu de ces taux de pénétration, représente en réalité de gros gains financiers pour les FAI. Et ceci est d'autant plus vrai que durant le seul mois d'avril 2018, ils leur ont permis de générer plus de 6,29 milliards117(*) de Francs CFA en termes de chiffres d'affaires (tous les opérateurs confondus). Par contre, lesdits taux de pénétration ont pour conséquence de faciliter les échanges sur internet en même temps que toutes les nouvelles formes d'atteintes aux individus.

Au Gabon, les réseaux sociaux sont progressivement investis par les cyberdélinquants car, ils représentent pour ces derniers une plateforme d'activités infinies à la fois anonymes, dématérialisées, très accessibles et surtout gratuites. Le réseau social le plus utilisé est notamment Facebook et à bien des raisons : il permet une prise en main assez basique, plusieurs types d'informations sont disponibles, il y est possible et facile de créer un faux profil suffisamment fourni en fausses informations afin de se « fondre dans la foule » et se faire passer pour un utilisateur normal du réseau.

Ainsi, sur Facebook Gabon, la cybercriminalité est principalement pratiquée par deux catégories d'individus : les pirates professionnels du hacking, et les spécialistes de l'arnaque sous toutes ses formes connues. Ces cyberdélinquants mobilisent leurs compétences respectives dans le but de perpétrer des activités criminelles variées, telles que le brute force (figure 8), l'usurpation d'identité, les fraudes en tout genre ou les arnaques à caractère psychologique (tableau 13).

Figure 9 : Comptes Facebook victimes d'attaque par brute force

Source : Enquêtes de terrain, décembre 2018- février 2019.

Au regard de cette figure, nous constatons qu'environ la moitié des individus interrogés (soit 40%), affirment que leurs comptes Facebook ont été piratés. L'attaque dite par brute force, est assez largement utilisée par les pirates afin d'obtenir frauduleusement le mot de passe du compte d'un ou plusieurs utilisateurs. De manière concrète, « on appelle ainsi attaque par brute force (brute force cracking, ou parfois attaque exhaustive), le cassage d'un mot de passe en testant tous les mots de passe possibles »118(*). Pour parler autrement, il s'agit d'une usurpation d'identité.

Tableau 10 : Liste des arnaques les plus récurrentes sur Facebook Gabon

Nom de l'arnaque

Personnes victimes

%

Les « faux de l'amour »

34

34%

Faux transfert d'argent

30

30%

Made in Canada119(*)

11

11%

Portefeuille magique

10

10%

A la nigériane

8

8%

Faux emploi

4

4%

L'ex première dame

3

3%

Total

100

100%

Source : Enquêtes de terrain, décembre 2018- février 2019.

Ce tableau dresse les principales arnaques dont sont victimes les utilisateurs d'Internet en général, et des réseaux sociaux gabonais en particulier. Le constat fait est qu'en dehors de l'arnaque au faux transfert d'argent, et celle du faux emploi, qui ont cette particularité d'être parfois perpétrées à partir du territoire gabonais la majorité des arnaques de ce tableau proviennent de l'extérieur du pays (figure 9). L'Afrique de l'Ouest, épicentre de la cyberescroquerie mondiale trône en tête avec 62%, de personnes victimes.

Figure 10 : Pays de provenance du cybercriminel

Source : Enquêtes de terrain, décembre 2018- février 2019.

Cette figure, représente la localisation des pays des cybercriminels qui sévissent sur les réseaux sociaux et Internet au Gabon. Afin de déterminer leur provenance, nous avons demandé aux victimes d'arnaques, de préciser à chaque fois le numéro de téléphone qu'ils utilisaient pour rentrer en contact avec elles, à défaut de passer par Messenger, le système de messagerie privée de Facebook. Il en ressort à cet effet que, les victimes disent avoir été contacté à plus de 32%, à travers l'indicatif +225. Ce qui nous laisse conclure que ces personnes ont été arnaquées par des cybercriminels de nationalité ivoirienne et communément appelés « brouteurs ». Ces derniers étant les principaux auteurs d'arnaques de type « faux de l'amour » sur Internet. Cependant, le Gabon n'est pas en reste en termes d'escroqueries, avec quasiment 31% de victimes, suivi du Bénin (20%), et du Nigéria (9%).

Pour illustrer un type d'arnaque commune au Gabon, nous nous servirons de ce témoignage de Rosine120(*) (encadré 2), et de quelques éléments tendant à démontrer les subtilités de l'arnaque dont elle a été victime (figure 10).

Encadré 2 : Témoignage d'une victime d'arnaque par faux transfert d'argent

« Tout commence par un appel du 07.28.36.62, provenant d'un monsieur me demandant de confirmer l'envoi d'un Airtel Money de 40.000 francs CFA. Il m'a appelé Diana (ce qui est bizarre). Quand je vérifie mon téléphone, je vois effectivement un message disant que j'ai reçu 80.000 francs et que mon solde était de 80.870 francs. Etonnée, je demande alors à ma petite soeur qui n'a pas de compte Airtel Money, si elle attendait un transfert d'argent sur mon numéro, et elle me répond non !

Le monsieur qui dit s'appeler Clément, me rappelle et m'explique qu'il a fait cet envoi pour ses parents à Mayumba, et que l'un d'eux est gravement malade. Il continue en disant que vu l'urgence et que je suis en train de lui rendre service, je peux prendre 10.000 francs dans la somme, et renvoyer le reste sur un autre numéro, celui de son sois disant frère dénommé Yvon et répondant au 04.82.64.79. Je lui dis que je ne prends pas ses 10.000 et vue l'urgence de sa situation, j'allais faire la transaction dans l'immédiat et envoyer le reste d'argent à son frère. Mais avant, j'ai l'idée d'appeler le numéro du frère afin d'éviter les erreurs de transfert. Le dénommé Yvon, répond et reconnait son frère Clément qui vit à Port-Gentil, et m'explique à son tour qu'un de leur parent est dans un état critique et qu'à l'hôpital où ils sont à Mayumba, on refuse de le soigner sans l'argent que je dois envoyer.

Clément me rappelle juste après pour me dire que son frère lui a dit que j'avais appelé et je lui dis que c'était pour être sûre et là, il demande d'envoyer même 20.000 ou 50.000 francs et que je pouvais garder le reste. J'ai alors envoyé 50.000 sur les 80.000 qu'il m'avait envoyé au départ. Quelques temps après, constatant que les deux individus ne rappellent plus pour confirmer le transfert, j'ai le réflexe d'aller lire mes messages et grande était ma surprise de constater qu'en réalité, j'ai envoyé 50.000 francs à ces personnes à partir de mes propres fonds. Le message de départ, était en fait celui de Clément et non celui d'Airtel Money.J'ai tenté en vain de rappeler les deux numéros, mais sans surprise, ils n'étaient plus joignables. J'ai alors appelé le Service Client d'Airtel Gabon et ils m'ont fait savoir que c'est deux numéros n'étaient plus attribués, et que les SIM avaient sûrement été détruites juste après leur acte ».

Source : Enquêtes de terrain, décembre 2018- février 2019.

Figure 11 : Un subterfuge pas très évident mais ravageur

1 - Exemplaire d'un message provenant d'Airtel Gabon

On peut voir ici l'en-tête Airtel Money, certifiant que le message provient de l'opérateur de téléphonie mobile.

2- Copie du message qui a servi à tromper la vigilance de la victime

Le numéro de téléphone utilisé par l'escroc, figure en lieu et place de l'en-tête de l'opérateur Airtel Gabon, comme sur le message du haut.

L'escroc a reproduit à l'identique, le message généré par Airtel Gabon lors d'une transaction électronique Airtel Money.

Source : Enquêtes de terrain, 2018/2019. Réalisation : DIYEMBOU BOUMAM'HA Larry Warren.

Après analyse de l'encadré 2 et de la figure 10, on retient que Rosine a été victime d'une arnaque en bande organisée. En effet, les escrocs (parfaitement synchronisés pour lever tous soupçons à leur endroit de la part de la victime), ont joué sur la compassion de cette dernière, (prétextant un cas de maladie grave d'un des leurs proches), afin de lui soutirer malhonnêtement de l'argent. Le système de transfert d'argent par voie électronique Airtel Money de l'opérateur de téléphonie mobile Airtel Gabon, a démontré ici une faille de sécurité. En effet, lors d'un transfert via Airtel Money qui s'effectue en cinq étapes121(*), l'opérateur permet à l'envoyeurau niveau de la cinquième étape, de confirmer son mot de passe mais surtout de voir et enregistrer le nom du récepteur. Nous pensons que les escrocs ont composé un numéro de façon aléatoire dans Airtel Money, et une fois arrivés au niveau de la confirmation d'identité du récepteur,ils ont subtilisé les informations personnelles de Rosine et l'ont contacté. Une méthode qui a eu l'effet escompté car, la victime a été dépossédée de lamodique somme de 50.000 francs CFA.

* 116 Selon l'ARCEP, ces taux de pénétration ont été calculés sur la base d'une population de 1 808 728 habitants conformément à la Décision n° 291/CC du 26 novembre 2014 de la Cour Constitutionnelle, relative à la requête du Premier Ministre aux fins d'homologation des résultats du Recensement général de la Population et des logements en 2013.

* 117 ARCEP, Observatoire des marchés : marché de l'Internet, 2ème trimestre 2018, p.6.

* 118 Philippe BAY et Jean-François PILLOU, Tout sur la sécurité informatique, Paris, Dunod, 4e édition, 2016, p. 50.

* 119 L'expression « Made in Canada » est une conception personnelle de l'auteur. Plus exactement, elle est le fruit d'une longue observation et compilation sur les réseaux sociaux, d'un ensemble d'arnaques ayant de très grandes similitudes avec l'arnaque dite « à la nigériane » ou encore « Made in Lagos » mais avec un lien avec le Canada.

* 120 Pseudonyme attribué à l'enquêtée, pour des raisons de préservation de l'anonymat.

* 121 Ces étapes s'enchainent sous cet ordre : 1-envoyer de l'argent ; 2-Numéro de téléphone ; 3-entrer numéro de téléphone ; 4-montant ; 5-Entrer le mot de passe et confirmer l'identité du récepteur. C'est précisément à cette étape que se situe la faille du système qui permet aux arnaqueurs d'enregistrer noms et numéros de téléphone avant de contacter les victimes et les flouer. Nous estimons que ces derniers possèdent de véritables bases de données de numéros de téléphone à arnaquer, car ils ne se limitent pas à appeler une ou deux personnes.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein