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Partage de gouvernance et démocratie participative dans les projets pour adolescents: de nouveaux enjeux pour les professionnels du spectacle vivant


par Marguerite Corrieu
UCO Angers - Master Spectacle Vivant, gestion de projets culturels 2021
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE L'OUEST - ANGERS

Mémoire professionnel de recherche

Titre du mémoire :

Partage de gouvernance et démocratie participative dans les projets pour adolescents : de nouveaux enjeux pour les professionnels du spectacle vivant.

Master : Arts, lettres, langues

Mention : Direction de projets ou établissements culturels Spécialité : Action culturelle et spectacle vivant

Sous la direction de BOIVINEAU Pauline

Session : Octobre 2021

CORRIEU Marguerite

Faculté des Humanités

Département des Sciences Humaines Année universitaire 2020-2021

CHARTE DE NON PLAGIAT

Protection de la propriété intellectuelle

Tout travail universitaire doit être réalisé dans le respect intégral de la propriété intellectuelle d'autrui. Pour tout travail personnel, ou collectif, pour lequel le candidat est autorisé à utiliser des documents (textes, images, musiques, films etc.), celui-ci devra très précisément signaler le crédit (référence complète du texte cité, de l'image ou de la bande-son utilisés, sources internet incluses) à la fois dans le corps du texte et dans la bibliographie. Il est précisé que l'UCO dispose d'un logiciel anti-plagiat dans lms.uco.fr, aussi est-il demandé à tout étudiant de remettre à ses enseignants un double de ses travaux lourds sur support informatique.

Cf. « Prévention des fraudes à l'attention des étudiants »

Je soussigné(e), CORRIEU Marguerite, étudiante en M2 Direction de projets ou établissements culturels, m'engage à respecter cette charte.

Fait à Nantes, le 25 septembre 2021 Signature (pour la version imprimée) :

CORRIEU, Marguerite

Remerciements

Pour avoir accepté de suivre ce travail de fin d'études, pour ses conseils, ses encouragements et sa disponibilité, je tiens à remercier tout particulièrement Pauline Boivineau, ma directrice de mémoire.

Je remercie également l'équipe de Bain Public : ma maitre de stage Anne Guillou et mes collègues Jeanne Menguy et Aurélia Bourgueil. Je tiens à leur exprimer toute ma gratitude pour leur accompagnement, leur pédagogie, leur patience et tout ce qu'elles ont pu me faire découvrir durant ce stage.

Je souhaite aussi remercier les différents professionnels ayant contribué, de près ou de loin, à la réalisation de ce mémoire: Gurval Reto, Anne Courel, Edith Coutant, Catherine Le Moullec, Nicolas Drouet, Nathalie Jan, Carmen Camboulas, l'équipe du Labo des culture, celle des relations publiques du CDN Le Préau, du Théâtre de Lorient, ...

Pour finir, pour leur soutien et leurs encouragements, je tiens remercier mes proches et plus particulièrement mon père, Jean-Michel Corrieu, pour ses nombreuses relectures et ses conseils.

1

Sommaire

Prologue : présentation de Bain Public 2

Introduction 4

1. Les adolescents : les publics en questions 16

1.1. Une structuration récente de la notion d'adolescence 16

1.2. La prise en compte des adolescents dans le secteur culturel 26

1.3 Un double enjeu : le cadre scolaire et le cadre volontaire 34

2. La gouvernance et la démocratie participative en tant qu'enjeux contemporains 47

2.1. La place des différents acteurs au sein de ces défis 47

2.2. L'articulation des enjeux du partage de la gouvernance avec les adolescents dans des

projets qui leurs sont destinés. 60

2.3. Les limites et les contradictions du partage de la gouvernance lors de projets

participatifs 67

3. Mon expérience à Bain Public : la mise en partage de la gouvernance avec les jeunes

nazairiens. 74
3.1. Les enjeux et les difficultés de la co-construction entre Jeunes en Ville et Bain Public.

76

3.2. Retour sur expérience : les différents points que j'ai été amenée à appréhender. 85

Conclusion 96

Bibliographie 99

Sitographie 105

Table des matières 106

Annexes 108

2

Prologue : présentation de Bain Public

A la suite d'un appel à projet1 confiant la gestion et la programmation des anciens bains-douches2 de Saint-Nazaire, l'association des Chantiers Nouveaux3 put investir ce bâtiment. En référence à sa plus ancienne activité4, le lieu fut rebaptisé Bain Public. Etant donné le temps de rénovation du bâtiment, inexistante depuis en 19535, son ouverture ne fut effective qu'en mars 20216. Bain Public est un lieu de travail et de recherche pour des artistes. Il est pensé comme un espace de création artistique, d'expérimentation et de transmission. La structure porte une attention particulière aux formes pluridisciplinaires et projette d'accueillir chaque année une dizaine de compagnies professionnelles issues du spectacle vivant. « Bain Public est un outil dédié à la création artistique. Il accueille des compagnies professionnelles à différentes étapes de leur création et propose un accompagnement sur-mesure »7. Bain Public valorise la mise en partage de sujets de société traités par les artistes accueillis. Des groupes d'habitants nazairiens sont régulièrement conviés à rencontrer et à échanger avec ces derniers sur différentes thématiques. « Devenir Père », « Faire corps » et « Travail et savoir-faire » furent les trois thématiques explorées en 2021.

L'association s'attache à penser Bain Public comme un lieu convivial et hospitalier. L'équipe souhaite donc prolonger cette tradition du soin que proposait le projet initial des bains-douches. Dans cette optique, Bain Public projette de proposer le plus rapidement possible un service de bar-restauration8.

1 Lancé par la ville de Saint-Nazaire à la fin de l'année 2018.

2 Rue des Halles. Ce bâtiment figure parmi le premier lot de la reconstruction et s'inscrit dans un ensemble avec les HLM Gambetta et l'école Jean Jaurès. A cette époque, le droit à un logement sain, à l'éducation et à l'hygiène se présentent comme les grands enjeux de cette reconstruction.

3 Structure juridique portant le projet de Bain Public. Cette association fut créée fin 2018 dans l'optique de répondre à l'appel à projet lancé par la ville de Saint-Nazaire.

4 Les différentes activités qu'hébergea le bâtiment : bains-douches (1953-1977), permanence d'accueil, d'information et d'orientation (1982), bibliothèque provisoire (1989-1990), mise à disposition du bâtiment pour le Théâtre Icare (1994-2017).

5 Année d'ouverture des bains-douches.

6 Date à laquelle les équipements culturels étaient dans l'incapacité de recevoir du public. La conférence de presse accueillit donc exclusivement des journalistes et des élus.

7 Site internet de Bain Public. Page : Bain Public ?

8 Ce service sera dans l'idéal assuré en dehors des créneaux dédiés à la programmation artistique (sortie de résidence, diffusion, ...).

3

Forme hybride et innovante, Bain Public est dans un même temps un outil pour les artistes et un lieu où l'on pense la médiation dans l'optique de partager et d'échanger avec des citoyens sur les thématiques abordées dans les spectacles en cours de création.

L'équipe souhaite développer des actions en faveur de publics divers et voue un intérêt particulier aux jeunes nazairiens, tant adolescents que jeunes adultes. Il est pertinent de préciser, qu'hormis les lieux institutionnels, ces publics disposent de peu d'espaces où se réunir à Saint-Nazaire. C'est à la suite de ce constat, que l'équipe de Bain Public formula l'envie de devenir un lieu de référence pour les jeunes nazairiens. En ce qui me concerne, j'eus la chance de rejoindre cette équipe en janvier 2021 dans le cadre d'un service civique de six mois, prolongé par la suite d'un stage de deux mois. Certaines des missions qui me furent confiées seront présentées et analysées dans ce travail et plus largement dans la dernière partie Mon expérience à Bain Public : la mise en partage de la gouvernance avec les jeunes nazairiens.

4

Introduction

« Parce que le théâtre est un outil sensible et lucide d'apprentissage et d'écoute de la vie, parce qu'il doit rester un acte citoyen et politique, un atout essentiel de la diversité culturelle, le Théâtre du Pélican9 développe depuis plus de dix-sept ans une démarche artistique engagée aux cotés de la jeunesse. [...] Créer une véritable dynamique d'éducation par la parole et l'acte théâtrale : voici ce qui motive notre action, la création de nos cycles de réflexion et notre désir du faire ensemble. L'objectif du Théâtre du Pélican est d'accompagner des jeunes de treize à vingt-deux ans dans des projets artistiques exigeants, durables, en leur proposant des aventures théâtrales professionnelles. [...] Le décloisonnement de la culture passe par la mixité des publics, faisant en sorte que des jeunes de différents milieux sociaux et culturels apprennent à se découvrir, à se connaitre et à fabriquer ensemble. Il s'agit de faire tomber le mur des a priori et de vivifier la valeur rassembleuse de nos projets.»10

Dans son ouvrage Un théâtre et des adolescents tome 2, Jean-Claude Gal11 s'attache à faire entendre l'idée suivante : les enseignements que tirent les adolescents de leur participation à des projets théâtraux dépassent ceux relatifs aux compétences artistiques12. En effet, de ces actions découlent l'acquisition d'autonomie, de confiance en soi, des découvertes multiples ... Ce fut donc une volonté de la part de ce metteur en scène de se positionner en tant qu'accompagnateur de « ces jeunes gens », surnom par lequel il aime affectueusement les nommer, vers cette discipline artistique. Cette dernière a selon lui le mérite de favoriser l'entrée de ces publics dans leur vie d'adulte et de citoyen. En tant que précurseur français des actions théâtrales en faveur des adolescents, les deux ouvrages13 rédigés par Jean-Claude Gal avaient, et ont toujours comme objectif premier de défendre l'intérêt de mettre en place des actions avec ces publics auprès d'autres metteurs en scène.

9 Association loi 1901 créée en 1973 et basée à Clermont Ferrand.

10 GAL, Jean-Claude. Un théâtre et des adolescents, Tome 2. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise

Pascal, Service Universités Culture, 2019. Parcours Pluriels. P17-18.

11 Jean-Claude Gal est un metteur en scène français. Il a dirigé le Théâtre de l'Ombre du soir (1983-2000) et le Théâtre du Pélican (2001-2020) à Clermont Ferrand. En parallèle de ses mises en scènes professionnelles, il se dédie à travailler avec des classes d'adolescents.

12 Jeu d'acteurs, montage de vidéos, ...

13 GAL, Jean-Claude. Un théâtre et des adolescents Tome 1 et 2. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise Pascal, Service Universités Culture, 2019. Parcours Pluriels.

5

Aujourd'hui, rares sont les professionnels du spectacle vivant négligeant les questions liées à l'intégration et la place des publics adolescents au sein de leur structure, de leurs actions et de leur programmation. Force est même de constater que ces problématiques sont partagées au sein de ce corps de métier et qu'elles ont irrigué diverses initiatives : une série de réunions autour de la question « Comment donner envie aux publics adolescents de se rendre dans une institution culturelle par eux-mêmes ? »14 menées en 2017 par les chargés des relations publiques du Théâtre Dunois15, un Réseau national des comités de jeunes développé par Le Labo des cultures dans l'optique de partager ces réflexions entre professionnels, universitaires et bénéficiaires, ...

La mobilisation des professionnels du spectacle vivant autour de ces enjeux est donc réelle. Cependant, à l'exception des ouvrages rédigés par Jean-Claude Gal, peu d'écrits français se sont pour l'instant emparés de ces problématiques. A l'inverse, d'autres pays, comme notamment la région du Québec16 au Canada, s'en sont saisis depuis de nombreuses années. Plusieurs de leurs écrits mettent en perspective la notion de « théâtre » avec celle d' « adolescence », tout en y apportant une contribution théorique. Déjà en 1998, la théoricienne québécoise Hélène Beauchamps17 mettait en lumière les similitudes entre ces deux concepts. Dans son texte Le théâtre adolescent, elle qualifiait les actions artistiques en faveur de ces publics de « laboratoire du social »18. « L'adolescence est un temps fort de la représentation sensible de soi et de l'interprétation imagée du monde. Culture théâtrale et culture adolescente ont plusieurs points communs »19.

Si l'on se tourne dorénavant vers les publics sur lesquels s'attardent ce mémoire, nombreux sont les adolescents qui perçoivent le théâtre à travers les clichés qu'il véhicule : un art élitiste négligeant les publics compris entre 12 et 18 ans, une activité exclusivement scolaire, ... En ce

14 Théâtre Dunois. Comment donner envie aux publics adolescents de se rendre dans une institution culturelle par eux-mêmes ? Compte-rendu de réunions des chargés des relations publiques, 2017.

15 Théâtre parisien ouvert en 1999 et spécialisé dans les spectacles à destination des jeunes publics.

16 Province majoritairement francophone à l'est du Canada.

17Professeur au département de théâtre de l'UQAM. Spécialisée dans l'histoire et l'évolution de théâtre professionnel du XXème siècle au Canada français et au Québec, elle publia différentes études sur l'éducation par le théâtre.

18 BEAUCHAMP, Hélène. Le théâtre adolescent : Une pratique artistique d'affirmation. Montréal : les éditions Logiques, 1998. P72.

19Ibid. P79.

6

sens, des professionnels peuvent avoir tendance à penser la mobilisation de ces jeunes exclusivement par la captivité. « Public captif est celui qui suit un apprentissage20 par imposition ou par obligation de quelqu'un d'autre. Public non captif est celui qui suit un apprentissage par une question de choix et de volonté personnelle »21. Les publics dit captifs désignent communément ceux dont la présence, lors d'une action artistique ou d'une représentation, ne serait pas le fruit d'un choix personnel. A l'inverse, elle résulterait de celui d'une tierce personne : parents, professeurs, ...

Ce fut donc une volonté de comprendre ces différents points : la distorsion des points de vue entre professionnels du théâtre et adolescents, les difficultés liées à la mobilisation de ces publics, l'injonction entre ce qui peut leur être proposé en terme d'art (représentations, actions culturelles, ...) et les clichés que les adolescents projettent, ...

S'intéresser à un public, l'appréhender et s'y confronter témoignent également de l'intérêt qu'on lui porte. Mes différentes expériences en tant qu'animatrice et directrice pour la jeunesse22 m'ont apporté une bonne connaissance de ces publics. En ce qui concerne le secteur théâtral, la connaissance que j'en ai s'est construite grâce à une appétence personnelle ainsi que par mes études de comédienne23. S'y ajoutent deux années d'enseignement de l'art dramatique à des jeunes publics (enfants et adolescents). Mon cursus scolaire et mes expériences professionnelles peuvent donc en partie justifier le choix de mon sujet. En effet, c'est confrontée au terrain que j'ai perçu un intérêt à étudier les relations entre publics adolescents et secteur théâtral.

Si j'insiste sur le terme « publics adolescents » au pluriel, c'est parce qu'il ne pourrait exister un seul et même public adolescent manifestant les mêmes goûts, les mêmes envies et la même appétence vis-à-vis des disciplines artistiques. C'est donc une volonté de mettre en évidence la pluralité des profils qu'englobent cette tranche d'âge. Un autre facteur qui distingue les adolescents voire crée une scission entre eux est leur capacité en ce qui concerne l'accès à la

20 Dans sa définition, Christine Tagliante parle d'individus intégrés dans un processus d'apprentissage de la langue française. Cependant, cette définition peut tout à fait s'appliquer dans le cas présent.

21Citation de TANGLIANTE, Christine. Issue du mémoire : SUJA, Ibramo. Pour une bonne exploitation des textes littéraires dans le processus d'enseignement et l'apprentissage du FLE. Université Pédagogique Mozambique-Nampula. 2015.

22 3 à 18 ans.

23 Théâtre du Jour (2015-2016) et Académie Supérieure de Théâtre d'Angers (2016-2018).

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culture24. En effet, force est de constater que les différents adolescents sont confrontés à une série de difficultés les éloignant plus ou moins de ce secteur. Elles peuvent être de plusieurs ordres : économiques, sociales, géographiques, ... En ce sens, il est donc fréquent que les publics adolescents soient considérés en tant que « publics éloignés »25 car ils se retrouvent en incapacité à se rendre de manière autonome à une représentation théâtrale (dépendance financière, difficulté à se déplacer seul, ...). Un accompagnateur et le financement par les parents ou la collectivité sont donc requis. Si la question des publics éloignés n'est pas la spécificité de ce mémoire, c'est pourtant l'une des problématiques soulevées par les publics ici étudiés. Avoir conscience de ces inégalités et de l'hétérogénéité de l'accès à la culture semblent donc primordial avant même d'approfondir ce sujet.

Par ailleurs, mes recherches mirent rapidement en évidence le constat suivant : les adolescents inclus entre 12-15 ans26 se retrouvent fréquemment oubliés voire exclus des initiatives théâtrales. En effet, en ce qui concerne les spectacles dits « jeune public »27, leur coeur de cible a tendance à être les enfants de 3 à 12 ans28. L'entrée au collègue marque un tournant. A l'inverse, la plupart des initiatives recensées et des ouvrages sur le « théâtre » et « les adolescents » se focalisent sur les jeunes à partir de 15 ans. La tranche d'âge des 12-15 ans se retrouve victime d'un manque de transition entre les propositions « jeune public » et « tout public »29. S'y ajoutent les grandes enquêtes culturelles dont les limites inférieures ciblent les jeunes à partir de 15 ans. Je fais notamment référence à Cinquante ans de pratiques culturelles en France30, une enquête ministérielle nationale menée le long de l'année 2018, ou alors à Les

24 Droit inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme (article 27) et la Convention relative aux personnes handicapées (article 30). Il vise à réduire les discriminations, les barrières physiques et sensorielles pour que chacun puisse jouir d'un accès à la culture.

25 Aussi appelés publics empêchés, les publics éloignés rencontrent des difficultés pour accéder à la culture. Le terme de « publics éloignés » englobe donc des publics très différents (personnes handicapées, incarcérées, en situation d'exclusion sociale ou géographique, ....).

26 Tranche d'âge correspondant à la période du collège.

27La page Publictionnaire dédiée au terme « Jeunes Publics » souligne que ce terme gagnerait à être systématiquement précisé pour que le destinataire ait connaissance de la tranche d'âge qu'il désigne. 28Quelques exemples : Anne Gablin dans son mémoire Le théâtre jeune public : un espace en débat, dédie une partie au « théâtre pour enfant » devenu par la suite « théâtre jeune public ». Cyrille Planson dans son ouvrage Le spectacle jeune public : histoire et esthétique développe une partie sur le théâtre pour la petite enfance. A l'inverse, des propositions s'adressant aux adolescents ne sont pas inclus dans ce travail.

29 Qui peut être vu par tous les publics. Généralement, ce terme désigne les offres n'ayant pas de contre-indications en ce qui concerne l'âge du spectateur (exemple : interdit au moins de 12 ans). Cela fait donc référence à une représentation dont la thématique, les scènes et les propos ne nuiront pas à un jeune spectateur.

30 LOMBARDO, Philippe et Loup WOLFF. Cinquante ans de pratiques culturelles en France. Ministère de la culture. Culture études. 2020. Cette enquête fut la 6ème édition d'une série initiée en 1970 visant à analyser l'évolution des pratiques culturelles en France.

8

chiffres clefs de la jeunesse 202131, réalisée par l'INJEP32. Il y a de fortes chances pour que ce manque de données soit le résultat d'une absence de questionnement en ce qui concerne les préférences des différents enfants et adolescents d'âge inférieur à 15 ans. En effet, il est possible de supposer que les pratiques culturelles de ces publics sont sensiblement identiques à celles de leurs parents. Autrement, elles peuvent être régies par l'institution scolaire. C'est-à-dire que les envies et les préférences des enfants et des adolescents ne sont pas forcément prises en compte lors du choix de l'activité culturelle. Cependant, force est de constater que ce manque de données amplifie, surement malgré lui, le statut captif de ces publics voire peut sous-entendre que chacun hérite des mêmes goûts et de la même sensibilité à l'art que ses parents respectifs. En ce sens, une injonction s'impose à nous car ce constat insinuerait que la transmission culturelle33 est une reproduction identique. L'intérêt que vouent de nombreux professionnels du spectacle vivant aux jeunes publics et aux publics adolescents est incontestable. Cependant, le questionnement sur les préférences de ces publics en terme d'activités culturelles se retrouve limité car il se résume généralement aux sorties effectuées avec leur famille ou dans le cadre scolaire.

Ce fut donc une volonté de faire de ce mémoire une occasion de me pencher plus largement sur les adolescents entre 12 et 15 ans. De plus, il m'importait de les confronter directement à la discipline théâtrale. C'est par la suite que j'eus la volonté de mettre ces notions en perspective avec une autre : celle de démocratie participative. En effet, en me penchant sur les questions liées à ces publics, de nombreux professionnels me témoignèrent de l'importance de responsabiliser les adolescents en leur proposant, par exemple, des projets participatifs voire en partageant avec eux certains aspects de leur gouvernance.

C'est au début des années 1960 que les premières expériences de démocratie participative se mirent en place. Ce terme désigne « dans sa définition la plus simple et la plus englobante, l'ensemble des démarches et des procédures qui visent à associer les citoyens « ordinaires » au processus de décision politique, ce qui permet de renforcer le caractère démocratique du régime politique »34. En ce sens, ces expériences eurent le mérite d'accroitre l'idée d'un

31 DE SAINT POL, Thibaut (dir. de publication). Les chiffres clefs de la jeunesse 2021. INJEP. République Française. 2021.

32 Institut National de la Jeunesse et de l'Education Populaire.

33 Processus de transmutation de biens, de pratiques, d'usages et de goût culturels.

34 BLONDIAUX, Loïc. Citation issue de l'entretien : CHÂTEAUNEUF-MALCLES, Anne. La démocratie participative : entretien avec Loïc Blondiaux. SES-ENS, ressources en sciences économique et sociales. 2018.

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rapprochement entre le monde politique et le monde citoyen mais à l'inverse, questionnaient sur l'authenticité de la participation35. C'est en 1989 que la consultante américaine Sherry R. Arnstein élabora sa grille d'analyse, L'échelle de la participation d'Arnstein36. Ses objectifs premiers étaient d'identifier la démagogie et d'analyser les façons dont les pouvoirs publics informent et incluent les citoyens dans la prise de décisions. Force est de constater que cet outil, toujours utilisé par les sociologues actuels, fut perçu comme extrêmement pertinent et efficace.

Ce fut à partir des années 70 que la démocratie participative commence à s'ancrer dans une logique professionnelle37. Le désir d'accompagner des citoyens ou des groupes identifiés vers des formes participatives crût et fut formulé par différents corps de métier. S'y ajoutèrent les jalons qui furent posés à ce concept. Aujourd'hui la démocratie participative ne s'affiche plus seulement dans les discours. Au contraire, elle est régie par des règles juridiques38 et s'incarne dans divers dispositifs. Transversale, elle irrigue, s'articule et s'ancre dans des activités et des corps de métiers auxquels elle n'est pas intimement liée. Concertation, budget participatif, boîte à idées sont des exemples d'outils fréquemment utilisés pour recueillir la parole des citoyens et les mettre à contribution lors d'un projet. S'y ajoute le numérique dont la montée en puissance rend les limites de la participation d'autant plus poreuses. Il est donc pertinent de souligner qu'aujourd'hui, notre société aspire à plus de participation des citoyens dans l'espoir d'accroitre la transparence de l'action publique.

Pour revenir plus spécifiquement au sujet qui fait l'objet de ce mémoire, la culture se révèle être un secteur propice pour mettre en place des projets participatifs et partager sa gouvernance. Tout d'abord, il est pertinent de se référer à la Déclaration universelle de droits de l'Homme39. Cette dernière stipule que « [t]oute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté »40. Pour aller encore plus loin, en 2007 fut signée la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels. Cette notion fait référence à une vision de la culture qui serait fondée sur les concepts de créance, de diversité et d'identité. « Les droits culturels, c'est

35 Manipulation des citoyens.

36 Echelle composée de huit niveaux détaillant plusieurs stades de la participation : Le plus bas s'intitulant la manipulation désigne un degré de non-participation (public passif, démagogie, politique, ...). Le contrôle des citoyens (délégation totale) est le degré le plus haut.

37 Les premiers profils s'intéressant à la démocratie participative étaient plutôt des militants issus de l'éducation populaire.

38 Quelques exemples : loi relative à la Démocratie de proximité (27 février 2002), le code Des relations entre le public et l'administration (entrée en vigueur 2016), ...

39 Texte fondateur adopté en 1948 par le 58 Etats membres constituant à cette date l'Assemblée générale.

40 NATIONS UNIS. Déclaration universelle des droits de l'Homme. Article 27. Grand 1. 10 décembre 1948. Accueil ONU. Volet Documents.

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un droit d'accéder et de participer à des ressources culturelles, c'est-à-dire des savoirs [...], d'avoir de la vulgarisation scientifique, d'avoir effectivement des activités artistiques de toute sorte mais aussi de connaitre la géographie de son milieu, d'avoir la mémoire de sa famille, de son pays [...] autrement dit c'est tout ce qui fait qu'un être humain peut être libre en réalité. »41 S'y ajoute aussi le droit de participer à la vie culturelle et de coconstruire les politiques l'englobant. En ce sens, proposer à des publics des actions par le prisme des droits culturels permettrait de tendre vers un continuum amassant les différentes formes d'expressions : références, ressources, cultures ... Il est également pertinent de mettre en évidence que les droits culturels sont inclus parmi les droits fondamentaux, de même que l'ensemble des Droits de l'Homme42.

Dans le texte Vers la démocratie culturelle, Marie-Claire Martel43 souligne que « [l]a démarche participative ne relève pas automatiquement de la mise en oeuvre des droits culturels, mais peut y contribuer lorsqu'elle débouche sur une volonté de faire société à travers la culture »44. La culture est donc bien l'un des secteurs dans lesquels la démocratie participative et le partage de la gouvernance45 s'incarnent.

« C'est aussi des évolutions générationnelles. Ceux qu'on a appelé « les barons de la culture » sont maintenant à la retraite et la génération qui est maintenant à la tête des institutions et des projets culturels a appris plus longtemps qu'il fallait coconstruire, co-porter avec les équipes aussi. Moi j'ai un vrai questionnement de la gouvernance au sein de l'équipe. Un partage, une réflexion globale. Les questions des fonds sont partagées »46 A travers cette précédente citation, Gurval Reto, aujourd'hui directeur et programmateur du THV47 souligne que le partage de la gouvernance constitue un des nouveaux leviers du secteur culturel. Précisons toutefois que ces

41MEYER-BISCH, Patrice. In : Les droits culturels dans les politiques publiques. Le Transfo. 27 octobre 2014. Disponible sur Youtube.

42 La liberté, la propriété, la sureté, la résistance à l'oppression, ...

43 Présidente actuelle de la Coordination des Fédérations et des associations de Culture (COFAC).

44MARTEL, Marie-Claire. Vers la démocratie culturelle. Les avis du conseil économique, social et environnemental. Novembre 2017. P11.

45Ce mot d'origine anglaise « governance », nous vient du latin « gubernare » signifiant « diriger un navire ». Selon IT Governance Institute, la gouvernance a « pour but de fournir l'orientation stratégique, de s'assurer que les objectifs sont atteints, que les risques sont gérés [...] ». La gouvernance est donc une notion transversale, nécessitant le besoin d'être affinée et explicitée par rapport au contexte dans laquelle on l'utilise. John Pitseys soulignera que « la gouvernance représente davantage une manière de penser l'action publique qu'un dispositif précis ». En ce qui concerne la gouvernance dans le monde de la culture et du spectacle vivant, aucune définition n'est disponible.

46 RETO, Gurval. Entretien annexe 1 p 110.

47 Théâtre de L'Hôtel de Ville, Saint-Barthélemy d'Anjou (49).

11

problématiques ne se limitent pas à une action spécifique. Au contraire, elles s'intègrent et irriguent le projet global d'une structure. La participation est même aujourd'hui au coeur de la pratique professionnelle de plusieurs d'entre elles. D'un côté, elle interagit en interne, au sein des équipes : certains dossiers sont co-portés, différentes décisions sont prises collectivement, ... A l'inverse, le partage de la gouvernance peut s'ouvrir en direction des publics afin de leur proposer des projets participatifs et de les inclure dans la prise de décisions. Dans le deuxième cas, il peut s'agir de spectacles participatifs : ces derniers sont coconstruits et interprétés par des amateurs et des professionnels. Autrement, ces projets peuvent s'incarner à travers des actions de médiation. Cette dernière « vise à faire accéder un public à des oeuvres (ou des savoirs) et son action consiste à construire une interface entre ces deux univers étrangers l'un à l'autre (celui du public et celui disons, de l'objet culturel) dans le but précisément de permettre une appropriation du second par le premier »48 mais dans la pratique « elle n'en couvre pas moins des choses aussi diverses que la pratique professionnelle des médiateurs (de musée ou de patrimoine, par exemple) ; une forme d'action culturelle [...] ; la construction d'une relation d'organisations et de produits destinés à présenter ou à expliquer l'art au public ; etc. »49 Ces précédentes citations du sociologue Jean Davallon constituent l'une des nombreuses définitions de la médiation culturelle. Bien qu'elles soient multiples, elles s'entendent et se rejoignent respectivement sur le point suivant : l'approche humaine se retrouve au centre des actions de médiation. Avant de me lancer plus largement dans l'argumentaire à venir, il est important de remettre en perspective un point de vigilance. L'objectif premier des actions en faveur des publics n'est pas de contribuer à ce que ces derniers deviennent des spectateurs réguliers. En effet, bien que les deux missions, « médiation » et « diffusion »50 évoluent conjointement, les problématiques respectives qu'elles soulèvent ne sont pas forcément liées. Développement des publics et action culturelle ne font pas appel aux mêmes stratégies. En ce qui concerne les actions participatives, une de leurs particularités réside dans le mode d'apprentissage qu'elles véhiculent. En effet, elles se détachent de la logique descendante fréquemment instaurée entre professionnels et amateurs.

48 DAVALLON, Jean. La médiation : la communication en procès ? MEI : Médiation et information. N°19. 2003. P38.

49 Ibid. P38.

50 Représentation d'un spectacle achevé devant un public.

12

Cependant, malgré la contemporanéité des enjeux de démocratie participative et de partage de la gouvernance, les écrits51 les abordant ou les mettant en corrélation avec le secteur culturel, demeurent peu nombreux. Si je reviens plus spécifiquement au sujet de ce mémoire, théâtre et adolescence, il me fut impossible d'en identifier. Camille Schaefer52, étudiante en master d'Ingénierie de projets culturels et interculturels53 rendra en septembre 2022 un mémoire mettant en perspective les enjeux du partage de la gouvernance dans les projets à destination des publics adolescents. Cependant, à cette exception près, je n'ai pas été en mesure d'identifier d'autres travaux universitaires s'emparant de ces enjeux. Il est indéniable que les questions de démocratie participative sont actuellement au centre des préoccupations dans le secteur du spectacle vivant « jeune public » et « adolescent ». Cependant cette participation manque encore cruellement d'assises théoriques.

Ce sont donc ces précédentes constatations et ces différents questionnements qui m'ont amenée à m'emparer de ce sujet. A partir de là, deux angles d'attaques se présentaient à moi : traiter ce sujet du point de vue des publics bénéficiaires ou de celui des professionnels. Mon choix, qui allait déterminer ma méthodologie de travail, s'est porté sur la deuxième proposition.

Etant donné que le terme médiation fut défini préalablement, il est pertinent de faire un focus sur le métier qui l'incarne. Issu du latin Medius54 le médiateur est « celui qui se met entre, dont l'action intervient entre deux entités, de manière équidistante, afin de les relier et par le moyen duquel la rencontre peut advenir »55. Etablir des liens, mettre en relation figurent dans les missions du médiateur. Avant d'être professionnalisée dans les années 198056, la médiation se mettait auparavant en place de manière informelle57. En ce sens, un de mes parti-pris que je tenterai de développer dans ce mémoire sera le suivant : les professionnels de la culture58 ne sont pas les seuls à pouvoir faire office de médiateurs. Professeurs, animateurs socioculturels, éducateurs peuvent également revêtir cette fonction. La médiation culturelle est alors perçue comme transversale. Mon souci sera alors de démontrer que ces différents corps de métier ont

51 Universitaires ou professionnels.

52 En plus de ses études, Camille est alternante au sein du Labo des cultures.

53 Université Bordeaux-Montaigne.

54 Signification : milieu.

55 NASSIM ABOUDRAR, Bruno et François MAIRESSE. La médiation culturelle. 2éme édition corrigée. Paris : Presse

Universitaire de France/Humensis, 2018. Que sais-je ?

56 Il fallut attendre l'arrivée du gouvernement Jospin en 1997 (instaurant un régime d'emplois-jeunes) pour que le terme « médiateur culturel » se développe et soit reconnu.

57 Par un proche par exemple.

58 Médiateurs culturels, artistes, ...

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des fonctions miroirs et complémentaires. C'est donc une volonté d'utiliser, dans les pages qui vont suivre le terme « les médiateurs » comme faisant référence à cette diversité de profils. S'y ajoutera un argumentaire sur la nécessité de la co-construction entre les différents acteurs.

Ces constats, mes hypothèses et mes interrogations m'ont alors amenée à articuler et à structurer ce travail de mémoire autour de la problématique suivante : comment les différents médiateurs et les professionnels du spectacle vivant, et plus particulièrement du théâtre, peuvent-ils s'emparer des enjeux du partage de la gouvernance et de la démocratie participative pour imaginer et coconstruire des actions pour et avec des adolescents ?

Pour répondre à cette problématique, mon parti-pris était de resserrer cette étude sur le territoire français. En ce qui concerne ma méthodologie, elle s'est articulée selon plusieurs étapes en commençant dans un premier temps par un travail bibliographique approfondi. Etant donné le peu d'ouvrages et d'articles mettant en perspective les trois grandes notions présentes dans mon sujet (adolescence, théâtre et démocratie participative), mon souci fut de croiser les différentes données : ouvrages sur la psychologie des adolescents, essais sur la démocratie participative, ... De par ces lectures, je me suis forgée un bagage de concepts clef pouvant étayer ma réflexion. Mes postulats de départ se sont progressivement affinés, soutenus ou non par des paroles déjà affirmées. Conjointement, j'ai mené une série d'entretiens : Gurval Reto, Anne Courel59, Camille Monmège-Geneste60, Edith Coutant61, ... Ces derniers étaient pour la plupart en visioconférence étant donné le contexte actuel62. Cette méthodologie de recherche me permit de faire émerger, d'analyser et de comprendre quels étaient les grands enjeux et les problématiques englobant le sujet choisi. Un des objectifs était de déceler les divers leviers permettant de mettre en place des projets participatifs avec les publics adolescents : qu'est-ce que le partage de la gouvernance? Comment et pourquoi le mettre en place ? Jusqu'à quel point ? Quelles en sont les limites ? Les adolescents sont-ils des publics pertinents pour partager sa gouvernance ? Qu'est-ce que cela implique pour les différents acteurs ? Quelles sont leurs places respectives dans la co-construction de ces actions ?

59 Metteuse en scène et directrice artistique de la compagnie Ariadne. Elle est également directrice de l'Espace 600 à Grenoble.

60 Directrice et responsable du développement du Labo des cultures.

61 Chargée de l'éducation artistique et culturelle et du plan Grandir avec la culture en Loire-Atlantique.

62 Mémoire rédigé en 2021 lors de la pandémie liée au Covid 19.

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Travailler sur les projets participatifs m'a rapidement amenée à en recenser voire à en sélectionner quelques-uns. Les invoquer par petites touches dans ce travail me permettrait d'assoir et d'étayer ma réflexion. En ce sens, j'ai donc passé en revue les différents projets participatifs français à destination des publics adolescents. Mon souci était d'identifier des objets de natures différentes, portés par des structures diverses. De plus il était primordial, étant donné mon parti-pris concernant la pluralité des profils de médiateurs, de mettre en lumière des projets coconstruits par plusieurs corps de métier. Les actions sélectionnées devaient donc inclure divers professionnels et ne pas se focaliser seulement sur les artistes et les médiateurs culturels. Au final, j'ai cristallisé mon choix autour de quatre projets :

· Le Festival A Vif, porté par le CDN63 Le Préau au Vire,

· Ce soir je sors mon prof, la MJC64 de Rodez/Théâtre des deux points,

· Les printemps théâtraux, l'association Comète en Loire Atlantique,

· Les Choses en face, le collectif Lacavale.

A la suite de cette sélection, j'ai contacté les professionnels concernés pour des entretiens individuels. Ces derniers portaient plus généralement sur leurs structures, leurs manières de travailler avec les publics adolescents et de partager leur gouvernance. S'y ajoutaient des focus plus précis sur les projets en question. Ces multiples rencontres apportèrent des exemples concrets à mes hypothèses et élargirent mes pistes de réflexion.

Mon expérience au sein de Bain Public m'y a également grandement aidé. Témoin des problématiques en lien avec l'ouverture d'une nouvelle structure, ce stage m'a permis d'éprouver les questionnements et d'appréhender mon sujet de l'intérieur. A l'inverse, les recherches effectuées et les exemples recensés en amont me permirent d'anticiper la mise en place de projets et de les mettre en perspective avec des réflexions théoriques. Cette expérience m'a donc aidé à affiner mon sujet et à confronter mes idées à l'épreuve du terrain. Cependant, j'ai longtemps hésité à la mettre en perspective dans ce travail. Les facteurs de ces hésitations étaient multiples : crise sanitaire, ouverture d'un nouveau lieu, projets avortés ou reportés, ... L'évoquer par petites touches tout au long de ce mémoire pouvait être plus judicieux.

63 Centre dramatique national.

64 Maison des Jeunes et de la Culture.

Finalement, j'ai pris le parti de l'analyser et de me focaliser pour cela sur les actions menées avec Jeunes en Ville65.

L'objectif premier de cette étude sera d'apporter une contribution théorique en ce qui concerne les projets participatifs adolescents dans le secteur théâtral. Elle sera étayée de citations tirées d'ouvrages ou d'entretiens professionnels réalisés. S'y ajouteront des observations personnelles issues de mon stage à Bain Public. Ce mémoire se présentera en trois parties. La première se concentrera plus largement sur le point de départ de ma réflexion, sur les publics adolescents. Y sera abordé l'historique de la notion, les spécificités de ces publics, une comparaison de leur prise en compte entre deux pays (la France et le Québec) dans le secteur culturel et pour finir, les enjeux qu'ils soulèvent. Forte de ces premières constatations, l'analyse se poursuivra en mettant en évidence comment la démocratie participative s'incarne dans les différents projets culturels. Le rôle des différents acteurs y sera alors détaillé et une analyse des quatre projets sélectionnés sera réalisée. Cette partie finira par mettre en évidence les limites et les contradictions que peuvent irriguer la mise en place des projets participatifs. Pour finir, la dernière partie sera dédiée à mettre en évidence et à analyser le travail effectué lors de mon stage au sein de Bain Public au regard de la problématique et des réflexions soulevées. Ayant intégré durant un temps cette structure, cette partie aura le mérite de montrer le processus et les étapes nécessaires pour mettre en place ces projets.

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65 Instance participative nazairienne pour le 15-25 ans.

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1. Les adolescents : les publics en questions

Avant même de me focaliser sur les enjeux de gouvernance, ma réflexion s'est penchée et s'est structurée autour d'un public en particulier : les adolescents. Mon souci était de comprendre pourquoi ce public semblait si compliqué à sensibiliser, à intégrer au sein des projets culturels et pourquoi si peu d'oeuvres dramatiques avaient été pensées pour eux. C'est donc une volonté de consacrer la première partie de cette étude à ces publics. Elle contribuera à répondre à ces différentes questions, à identifier les diverses problématiques qui sont propres à ces publics sans pour autant en oublier les enjeux de gouvernance et de démocratie participative. Trois axes distincts seront alors développés dans cette partie. Le premier sera dédié à présenter comment la notion d'adolescence a émergé et à identifier les besoins de ces publics. Le second présentera comment les adolescents furent pris en compte en sein de la culture au Québec, puis en France. Cette partie se clôturera en développant deux des cadres quand lesquels se dessinent les enjeux de la culture pour ces publics : le cadre scolaire et le cadre volontaire. Elle présentera dans un même temps quatre projets participatifs sur lesquels ce mémoire s'appuiera.

1.1. Une structuration récente de la notion d'adolescence

Comme souligné en introduction, l'objectif de ce travail n'est pas d'apporter une contribution aux connaissances psychologiques des 12-15 ans ou même de dresser un historique de la notion d'adolescence. Cependant, comprendre d'où est issu « cette notion », quelle fut son évolution et identifier les besoins relatifs à cette tranche d'âge semble primordial pour amorcer un travail pour et avec les adolescents. Ces différents points, une fois mis en lumière, serviront d'outils, dont il sera possible de s'emparer pour comprendre les particularités de ces publics et développer des actions pertinentes pour et avec eux.

1.1.1. Du concept de jeunesse à celui d'adolescence

Etymologiquement « Adolescence » vient du latin adolescentia. Ce terme signifiant « grandir vers », « croitre », désigne donc un moment de transition entre l'enfant, du latin Infans celui qui ne parle pas ») et l'adulte, adultus (« qui a grandi »). Il peut alors être surprenant de constater que la signification du terme « enfant » renvoie directement à un être peu et mal considéré, auquel on ne donne pas la possibilité de s'exprimer. Aujourd'hui, notre regard sur l'enfance a réellement évolué et plus personne ne contesterait que les enfants sont des êtres à part entière. Pourtant, force est de constater que cela ne fut pas, de tout temps, une vérité. Il est

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pertinent de souligner qu'auparavant, rares étaient les enfants qui survivaient à la naissance. Si par chance ils y parvenaient, ils étaient très rapidement contraints de travailler et de devenir productifs. La place attribuée aux enfants était donc sensiblement la même que celle des adultes. « Cela montre bien que l'enfant est à la fois quelque chose de pas si précieux que ça car probablement amené à ne pas survivre et en même temps dès lors qu'il avait survécu, immédiatement placé dans une situation qui été quasi celle d'un adulte.»66 Cette absence de transition, ici mise en lumière par Sylvie Octobre67, rendait les rencontres entres jeunes du même âge impossibles. C'est à partir du XIX et du XXe siècle que les regards portés sur l'enfant évoluèrent et permirent à la notion d'adolescence de naitre pour ensuite se cristalliser.

« Si la puberté est universelle et se retrouve à toutes les époques et dans toutes les espèces de mammifères, le concept même d'adolescence est relativement récent, propre aux sociétés occidentales, apparue au milieu du XIXe siècle ».68 En effet, la puberté fut depuis toujours considérée et identifiée comme passage fondamental du développement humain, autant chez la femme que chez l'homme. Il est intéressant de noter que, de tout temps, des réflexions sur la jeunesse et le passage à l'âge adulte furent amorcées. En effet, Aristote69 se questionnait déjà sur les différentes périodes constituant le développement de l'Homme entre la petite enfance et l'âge adulte.

En ce qui concerne plus spécifiquement le sujet de cette étude, les auteurs du théâtre grec antique cherchaient à laisser s'exprimer la jeunesse à travers leurs écrits. Cette dernière se trouvait alors dépeinte de manières multiples et était personnifiée à travers des héros tel qu'Antigone70 ou OEdipe Roi71. « Les dieux grecs n'ont-ils pas été les premiers à s'en prendre

66 OCTOBRE, Sylvie. In : Rencontre avec la sociologue Sylvie Octobre. Scènes d'enfance ASSITEJ France. 28 janvier 2021.

67 Sociologue spécialisée dans les pratiques culturelles des enfants et des adolescents.

68 CANNARD, Christine. Le développement de l'adolescent : l'adolescent à la recherche de son identité. 3eme

édition. Louvain-La-Neuve : De Boeck Supérieur, 2019. Ouvertures psychologiques. P31.

69 Philosophe grecque ayant vécu entre 384 et 322 av. JC.

70 Issue de la mythologie grecque, Antigone fut l'héroïne d'une tragédie éponyme de l'auteur athénien Sophocle (495-406 av. JC)

71 Héros d'une autre tragédie éponyme de Sophocle, OEdipe est dans la mythologie grecque le père d'Antigone.

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à l'adolescence, plus exactement au corps adolescent, insolente image de fragilité d'une jeunesse cependant éternelle ? »72.

Au Moyen-Âge, une séparation plus distincte entre les deux tranches d'âges, enfance et âge adulte, s'opère. « De 476 à 1476, la population est simplement divisée en deux phases de l'existence séparant enfants et adultes autour de l'âge naturel de la puberté »73. Cependant, il est important de préciser que les femmes vivent ce passage de manière brutale : l'arrivée de leurs premières règles ponctue immédiatement leur majorité et elles se retrouvent alors aussitôt mariées. En ce qui concerne les jeunes hommes, cette transition est vécue différemment selon leur condition :

· A l'instar de leurs parents, les fils de paysans et d'artisans sont contraints de devenir très tôt productifs et de travailler. Cette entrée précoce dans la vie active rend la transition entre l'enfance et la majorité compliquée à observer et à identifier.

· Ayant la possibilité de passer quelques années à l'université, les fils de bourgeois multiplient les rencontres entre pairs, permettant alors d'identifier un passage entre l'enfance et l'âge adulte.

· Lors de sa dix-septième année, l'adoubement74 marque l'entrée dans l'âge adulte pour le fils noble.

Le concept de jeunesse continua d'évoluer au fil des siècles et il fallut attendre le XVIIe siècle pour que le terme « adolescent » apparaisse dans les dictionnaires. Désignant alors exclusivement les jeunes garçons, il était utilisé dans une intention comique voire parfois dégradante. Il est donc possible de constater que cette précédente définition se trouve très éloignée voire radicalement opposée de l'emploi que nous en faisons aujourd'hui. C'est à partir du XIXème que le concept d'adolescent commence à se rapprocher de la signification que nous lui connaissons. Selon Agnès Thiercé75, cette période se décline en deux parties autour d'une date pivot qu'est 1890 : en amont de cette date, la docteure en histoire parle donc d'un « âge de classe » car seuls les jeunes garçons issus de catégories aisées sont scolarisés dans

72 GAL, Jean-Claude. Un théâtre et des adolescents. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise Pascal, Service Universités Culture, 2006. Parcours Pluriels. P86.

73 CANNARD, Christine.,op.cit., P17.

74 Cérémonie permettant au jeune noble de devenir chevalier.

75Docteur en histoire, Agnès Thiercé consacre son travail à l'histoire de l'adolescence. Elle a notamment écrit la Thèse Histoire de l'adolescence et des adolescents : France 1850-1914 : un âge de classe à une classe d'âge.

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l'enseignement secondaire. Résidant la semaine à l'internat, une séparation naturelle s'opère entre leurs espaces familiaux respectifs et les espaces scolaires. Les rencontres entre pairs, facteur primordial pour discerner une étape de transition entre l'enfance et l'âge adulte, sont alors possibles. Dans un même temps, le monde rural ne regroupe pas encore les conditions propices à l'éclosion d'une « adolescence » car les jeunes du même âge sont, très tôt, toujours contraints de travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles. Les jeunes filles, toutes classes sociales confondues, ne sont pas concernées. En effet, leur éducation s'effectuant exclusivement au sein des foyers est un facteur rendant les rencontres entre pairs impossibles. Ce ne fut qu'à la fin des années 1880 que chaque jeune, indépendamment de son sexe et de sa classe, se voit inclure dans la notion d'adolescence. Bien que le terme soit inscrit préalablement dans les dictionnaires, la date de naissance du concept d'adolescence, tel que nous le connaissons est fixée à 1904. Adolescence : Its psychology and it's relations to physiology, anthropology, sociology, sex, crime, religion and education76, ouvrage du psychologue américain Stanley Hall77 officialisa alors cette notion en tant qu'objet de réflexion, irriguant une science de l'adolescence. Il peut être pertinent de souligner qu'auparavant d'autres auteurs, à l'instar de Freud, parlaient dans leurs écrits de « puberté »78, et non d'adolescence.

La notion d'adolescence continua donc de s'affiner et d'évoluer conjointement aux réformes scolaires. Les premières colonies de vacances françaises créées en 1880, dix ans après la Suisse, devinrent également un espace de rencontres pour les jeunes du même âge. En 1959, l'école devient obligatoire jusqu'à 16 ans. Dans un même temps, les collèges d'enseignements secondaires79 et généraux80 ainsi que les IUT81 se créèrent. Les espaces de rencontres pour les adolescents et les étudiants se multiplièrent et les conditions furent alors réunies pour voir naitre une communauté adolescente développant une culture et un langage commun.

Aujourd'hui, l'adolescence reste toujours extrêmement difficile à définir. Bien que les transformations, notamment du corps, sont l'une des grandes caractéristiques de cette transition

76 Traduction : L'adolescence : sa psychologie dans sa relation à la physiologie, l'anthropologie, la sociologie, le sexe, le crime, le religion, l'éducation. Cette ouvrage ne fut pas traduit en français.

77 Philosophe et psychologue américain (1844-1928).

78 Période de la vie entre l'enfance et l'âge adulte caractérisée par le développement des organes et des caractères sexuels.

79 CES.

80 CEG.

81 Instituts universitaires et techniques.

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entre enfance et âge adulte, la tranche d'âge exacte qui constitue l'adolescence reste extrêmement difficile à définir. En ce qui concerne la limite inférieure de la tranche d'âge, les premiers signes de la puberté ont tendance à être pris comme repère du début de l'adolescence. « Aujourd'hui, avec la massification scolaire et l'allongement des études, il est difficile de fixer les bornes d'âges qui encadrent l'adolescence »82. En revanche, les études plus longues, l'entrée dans le monde professionnel retardé sont des facteurs rendant les frontières entre l'adolescence et âge adulte extrêmement poreuses.

1.1.2. Les adolescents en tant qu'individus : les besoins et les

spécificités de cette population.

Après avoir dressé un historique succinct de la notion d'adolescence, cette sous-partie se destine à identifier et à analyser les besoins de cette tranche d'âge. L'introduction a d'ores et déjà soulevé ma volonté de me pencher, pour ce travail, sur les 12-15 ans. Il est important de préciser que l'objectif n'est pas de contribuer à dresser des barrières entre cette tranche d'âge et les autres adolescents, plus ou moins jeunes qu'eux. Dresser une typologie de l'adolescent peut en effet se montrer dangereux car cela pourrait contribuer à cristalliser une réalité qu'il ne devrait pas exister. En mettant en lumière les 12-15 ans, mon objectif n'est pas de les présenter comme déconnectés des autres publics et il faut souligner qu'aucune scission ne s'opère entre cette tranche d'âge et les autres adolescents, plus jeunes (jusqu'à 11 ans) ou plus âgés (à partir de 16 ans). De plus, le terme « typologie » sous-entend qu'il existerait un adolescent « type » ayant la même culture, les mêmes goûts, alors qu'il n'est plus à démontrer que chaque jeune possède des caractéristiques, un tempérament et des habitudes qui lui sont propres. Ces différents points mettent donc en lumière que ce vocabulaire doit être employé avec vigilance. Cependant, depuis l'ouvrage de Stanley Hall, nombreuses sont les études qui se sont penchées sur le passage de l'enfance à l'âge adulte. Ces différents travaux, tant théoriques que pratiques, témoignent de certaines grandes tendances et ont identifié des besoins caractéristiques de cette tranche d'âge. Cette partie tentera d'exposer et d'expliciter ces différents besoins dans l'optique de proposer des outils aux professionnels souhaitant travailler avec cette tranche d'âge.

82 DAHAN, Chantal. Les adolescents et la culture. Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire. « Cahier de l'action ». 2013, n°38. P9.

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D'après le site Ado Zen83 les besoins spécifiques aux adolescents sont au nombre de sept : le besoin d'affection (que je regrouperai ci-dessous avec la sociabilisation), de sécurité, de confiance, de dialogue, d'autonomie, de responsabilité et pour conclure, le besoin d'espoir84.

Pour commencer, il est indéniable que l'adolescence se caractérise par un besoin de sociabilisation très fort. S'écartant progressivement de la sphère familiale, l'adolescent se regroupe entre pairs autour de passions communes. Evidemment, il peut être souligné que ces interactions entre pairs sont effectives dès la crèche. Cependant, la valorisation et la revendication de ce réseau secondaire sont, à l'adolescence, perçues comme indispensable dans la construction identitaire et la quête d'autonomie. « L'adolescence est le temps des copains. Elle le devient en deux temps : le premier, dans les collèges est marqué par l'homolalie, c'est-à-dire la fréquentation des copains et des copines du même sexe, avant un deuxième temps davantage ouvert vers la mixité. »85 L'adolescent se voit donc intégré dans plusieurs groupes86 parfois sans aucune interconnexion entre eux. Par ailleurs, ce besoin d'affection et de sociabilisation entre en résonance avec un autre besoin cité : celui de sécurité, véhiculé par l'appartenance à un groupe. Force est de constater que le groupe rassure. Au contraire, un jugement négatif porté par ses pairs à son égard ou pire, se voire rejeté du groupe font partie des angoisses des adolescents.

Pour approfondir plus largement ce point, il est pertinent de noter que lors de la mise en place de projets avec des adolescents, la cohésion du groupe se révèle être l'un des facteurs de réussite. Dans son texte Projets participatifs avec des adolescents : les conditions de leur implication, Laure Ciosi87 souligne que « l'appartenance au groupe est une dimension indispensable qui conditionne l'accès aux bénéficiaires du projet. Inversement, le fait de ne pas s'y intégrer empêche d'adhérer au projet. »88 La sociologue précise notamment avoir réalisé

83 Site Adozen.fr. Les 7 besoins capitaux des adolescents. 10 novembre 2017.

84 Le besoin d'espoir ne sera pas développé dans cette partie car il s'avère moins pertinent pour travailler sur ce sujet.

85 DETREZ, Christine. Les loisirs à l'adolescence : une affaire sérieuse. Caisse nationale d'allocation familiales. 2014/1 n°181. P12.

86 Définition groupe (psychologie sociale) : « un ensemble social identifiable et structuré, caractérisé par un nombre restreint d'individus et à l'intérieur duquel ceux-ci établissent des liens réciproques, jouent des rôles selon des normes de conduites et des valeurs communes, dans la poursuite de leurs objectifs ». Définition du philosophe Kuno Fischer tirée du site internet : Cours de psychologie. Qu'est-ce que le groupe ?

87 Sociologue française spécialisée en étude des publics de l'art et de la culture.

88 CIOSI, Laure. Projets participatifs avec des adolescents : les conditions de leur implication. Caisse nationales d'allocation familiales. 2014/1 n°181. P45.

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une série d'entretiens89, individuels et collectifs, avec des adolescents engagés dans des projets participatifs. Chacun a spontanément souligné avoir élargi son « réseau de socialisation amicale »90 grâce à cette expérience. Construire un projet avec et pour des adolescents demande donc aux différents médiateurs d'être extrêmement vigilants à la composition du groupe, souvent garant de la réussite du projet. L'adolescent doit dans un même temps se sentir appartenir à la dynamique interne du groupe et être identifié en tant qu'individu à part entière pouvant se démarquer de ses pairs.

Une autre caractéristique liée à l'adolescence est le besoin grandissant d'autonomie, terme dont le dictionnaire Larousse donne la définition suivante : « Capacité de quelqu'un à être autonome, à ne pas être dépendant d'autrui. »91. Cette notion peut également devenir paradoxale et pour cause : l'adolescent en rencontre rapidement les limites. En effet, si cette autonomie reste extrêmement subjective, c'est parce qu'elle se retrouve tiraillée entre le fait de vouloir l'acquérir et le fait de le pouvoir. C'est-à-dire que les adolescents souhaitent se détacher de leur sphère familiale mais se retrouvent rapidement bloqués à cause de plusieurs contraintes : finances, transports, autorité parentale, ... Il peut être intéressant de s'interroger sur la manière dont les adultes peuvent prendre en compte voire concilier ces deux notions lorsqu'ils proposent des actions aux adolescents. De plus, en terme d'encadrement, il est indéniable que les adolescents ne revendiquent pas les mêmes envies que la tranche d'âge des 3-12 ans. « Ils ont confirmé le manque d'attrait, pour les adolescents âgés de plus de 11 ans, des activités de loisirs « clés en main » que proposent les structures d'animation, tels que les centres de loisirs pour les plus jeunes. »92 Bien que les différences entre ces deux publics semblent indéniables, cette idée eut, et a toujours parfois, du mal à se faire entendre. Les professionnels ont tendance à multiplier les propositions d'activités, alors que les adolescents souhaitent se voir proposer « des activités à pratiquer librement mais non hors cadre »93. En effet, comme l'explique Chantal Dahan94 dans Les adolescents et la culture, l'informel, pourtant indispensable dans la construction et la socialisation des adolescents, n'est pas toujours pris en considération. « La réaction des adultes en général est de multiplier les offres pour attirer les adolescents, sans

89 Entre 2011 et 2012.

90 Ibid. P45.

91 Larousse. Langue française. Page internet consultée le 20 février 2021.

92 CEROUX, Benoît. Construire une offre de loisirs avec des adolescents. Etude d'un dispositif de la CNAF. Avec [la collaboration de Christine Crépin]. Presses de Sciences Po « Agora débat/jeunesses ». 2014/1, n°66. P109.

93 Ibid. P109.

94 Chargée d'études à l'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire.

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penser, à les laisser disposer d'espaces non dédiés, non institutionnels dont ils pourraient s'emparer. »95 C'est-à-dire que les professionnels doivent aussi créer des espaces où les adolescents peuvent se retrouver entre pairs pour discuter, ne rien faire, ...

Evoquer l'autonomie invoque un autre besoin caractéristique de l'adolescence : celui de responsabilité. En effet, ce nouveau besoin soulève, une fois de plus, la question de l'accompagnement des adolescents et du positionnement de l'adulte référent du projet. En effet, si je propose une action clef en main à des adolescents, je ne leur demande pas, par définition, d'en être responsables et de la co-porter. Solliciter les participants dès la conception du projet, dans l'optique qu'ils s'en emparent, favorise l'engagement des jeunes et permet de les responsabiliser. Cependant, il est important de souligner que la présence d'un adulte reste indispensable car « seuls quelques jeunes dotés de compétences et d'expériences exceptionnelles peuvent sans aucune aide, initier un projet. »96 L'adulte doit donc se questionner sur son positionnement pour accompagner et faciliter les prises de décisions du groupe de jeunes. Il doit être force de proposition mais ne pas imposer son point de vue ou ses idées. « Si la démarche voire parfois l'idée du projet est initiée par un animateur et non par les jeunes, cela n'empêche pas que par la suite le projet devienne le leur. »97 Dans son texte Laure Ciosi mentionne que selon les jeunes interrogés « le bon accompagnateur est celui qui sait dire « ce qui va et ce qui ne va pas », qui sait « rigoler et encadrer et nous laisser autonome ».98 Responsabiliser les jeunes au sein d'un projet s'avère bénéfique car cela valorise leurs idées et leur permet de prendre conscience du travail nécessaire pour réaliser ces actions. L'adulte référent doit donc les accompagner dans leur quête d'autonomie, leur confiance et leur estime de soi.

Pour finir, il est indispensable de se pencher sur les besoins de dialogue et de confiance. L'adolescent aspire à une relation plus horizontale entre lui et les adultes qui l'entourent. Lorsque je parle d'horizontalité, je ne veux pas sous-entendre que l'une des deux entités serait supérieure à l'autre mais insister sur la complicité qui doit se mettre en place entre les deux. Il est donc important que l'adulte n'affirme pas une relation descendante. En effet, cela pourrait empêcher l'adolescent de s'exprimer ou de développer les projets qu'il a envie. Ce dernier

95 DAHAN, Chantal., op.cit., P11.

96 CIOSI, Laure.,op.cit., P44.

97 Ibid. P44.

98 Ibid. P47.

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ressentirait un manque de confiance à son égard de la part de l'adulte référent. Pour aborder ces publics, il peut également être recommandé de ne pas passer par un intermédiaire (parents, professeurs, ...) mais de s'adresser directement à lui, en adaptant son discours et ses outils. « Pour qu'un véritable espace de socialisation se crée, la relation doit tendre à l'égalité dans le dialogue, malgré l'inégalité des places. »99 L'adolescent ressent donc le besoin de nouer une relation de confiance avec l'adulte qui l'accompagne.

Les paragraphes précédents ont donc contribué à souligner les caractéristiques et les besoins des adolescents. Solliciter les adolescents et leur permettre de participer à la conception des projets semblent répondre directement aux besoins de cette tranche d'âge. Cependant, ces caractéristiques n'ont pas toujours été intégrées aux projets menés pour et avec ces publics.

1.1.3. La prise en compte des adolescents dans les projets qui leurs sont

destinés.

« Ils100 ont également permis de mesurer le désarroi des élus locaux vis-à-vis d'une population adolescente essentiellement repérée au travers des dégradations qu'elle cause ou des problèmes qu'elle révèle. Au-delà d'une vision caricaturale, les élus admettent mal connaitre les adolescents ou ne pas savoir répondre à leur attentes101 Cette citation, issue de l'article Construire une offre de loisirs avec les adolescents, souligne le manque de connaissances en ce qui concerne les besoins et les envies de cette tranche d'âge. En effet, de nombreux professionnels se retrouvent alors démunis lorsqu'ils mettent en place, par envie ou par obligation, un projet à destination de ces publics. Cela est d'autant plus étonnant de constater que cet article est relativement récent102. Pourtant, force est de reconnaitre que depuis maintenant de nombreuses années des dispositifs et des fléchages financiers en faveur des adolescents sont mis en place dans plusieurs domaines. La volonté de travailler avec ces publics, de les découvrir et de les engager dans des projets n'est donc pas une nouveauté. Cependant, le problème a longtemps résidé dans une distorsion entre les projets proposés à ces publics et ses

99COTTIN, Patrick (dir). Accompagner les adolescents : nouvelles pratiques, nouveaux défis pour les professionnels. Avec [la collaboration de] Anne LANCHON et Anne LE PENNEC. Toulouse : Editions érès, 2019. L'école des parents. P29.

100 Travaux autour du dispositif d'évaluation du volet enfance jeunesse du contrat enfance jeunesse.

101 CEROUX, Benoit., op.cit., P109.

102 2014.

25

envies. Du manque de connaissances des professionnels, en ce qui concerne les adolescents, émergèrent des méthodologies pas toujours très pertinentes. « Typiquement se retrouver debout sur un pupitre devant une classe assise à dire des trucs sur une pièce. Moi je sais qu'en tant qu'adolescent ça m'aurait ennuyé. Et que du coup nous ce que l'on a toujours défendu, c'est d'amener les enfants à découvrir le théâtre en en faisant.»103 Pour clôturer cette sous-partie, j'aimerais présenter Les Assises de la jeunesse car ces instances aspirent, depuis maintenant une dizaine d'année, à la prise en considération des besoins et des propositions des jeunes dans les politiques publiques et les projets qui leurs sont destinés.

C'est en 2010 que la Croix Rouge, grâce à la Déclaration Jeunesse104, mit en place les premières Assises Nationales de la Jeunesse. Cet événement fut particulièrement important et pour cause, les jeunes présents eurent l'occasion de porter leur propre parole, de s'exprimer et de recenser les champs d'actions dans lesquels ils souhaitaient s'engager et être sollicités : le sport, la citoyenneté, la culture, ... D'autres instances découlèrent de cet événement et différentes villes françaises mirent en place leurs Assises de la Jeunesse respectives : Poitiers, Fougères, Saint-Sulpice, ... Ces échanges entre jeunes, élus et professionnels ont pour vocation de co-imaginer et coconstruire les nouvelles politiques jeunesses. Les principaux objectifs de ces instances sont au nombre de trois : identifier et comprendre les besoins de ces jeunes, leur permettre de se réapproprier les différentes questions liées à la citoyenneté et les faire participer aux différentes problématiques de leur ville. De plus, ces temps permettent de mettre en lumière les difficultés multiples auxquels ces publics sont confrontés (inégalités, recherches d'emplois et de stages, ...). « Un jeune qui a envie à un moment donné de participer, il faut qu'il puisse le faire et qu'il ait les outils pour le faire, les clefs pour comprendre [...] »105

En ce qui concerne Saint-Nazaire106, ville où se déroule mon stage de fin d'études, l'engagement citoyen et l'implication des jeunes est depuis longtemps un élément central du projet de la ville. Le 26 février 2016, les Assises de la Jeunesse furent l'événement propice pour soumettre la proposition suivante : mettre en place un conseil nazairien de la jeunesse. C'est donc à partir de cette proposition, soumise par les jeunes participants que découla et fut mis en

103 DROUET, Nicolas. Collectif Lacavale. Entretien annexe 3 p 116.0

104 Un des deux textes fondateurs de la Croix Rouge française pour la jeunesse. La Déclaration Jeunesse fut exclusivement rédigée pour les jeunes.

105 ASSOULINE, Tania. In : Lancement des assises de la jeunesse. Ville de Montreuil. Vidéo Youtube. 2017.

106 Commune du département Loire-Atlantique et de la région Pays de la Loire.

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place Jeunes en Ville107. Il s'agit d'une instance de participation citoyenne permettant aux jeunes de 15 à 25 ans, vivant, étudiant ou travaillant à Saint-Nazaire de s'exprimer et de construire des projets avec différents partenaires. La participation des jeunes est donc bien l'un des objectifs véhiculés par cette instance.

Bien que le public visé soit ici les adolescents plus âgés et les jeunes adultes, la mise en place des Assises de la jeunesse contribue à repenser la participation des jeunes aux sein des politiques publiques. Cette attention portée aux besoins et aux envies des 15-25 ans peut irriguer la prise en compte des adolescents plus jeunes, et donc notre cible : les 12-15 ans. Il semble aujourd'hui primordial de pérenniser les outils et les dispositifs destinés aux jeunes car cela reflète une marque de sérieux de la part des professionnels et des élus envers eux. Bain Public pour sa première année d'exploitation fut l'une des structures partenaires de Jeunes en ville. Les réflexions autour de cette co-construction et les projets imaginés seront exposés et analysés dans la troisième et dernière partie de ce travail : Mon expérience à Bain Public : La mise en place du partage de la gouvernance avec les jeunes nazairiens.

Cette partie souleva différents points importants à discerner pour la suite de cette analyse. Bien que cette tranche d'âge est maintenant bien identifiée, le terme adolescent eut du mal à émerger et à être reconnu. C'est en grande partie grâce aux réformes scolaires que ce terme put progressivement évoluer et qu'une communauté adolescente émergea. Cependant, il est probable que cette reconnaissance tardive provoqua la conséquence suivante : les besoins propres à cette tranche d'âge mirent du temps avant d'être identifiés. Les différents projets à destination des adolescents et des jeunes gagneraient donc à les prendre davantage en considération. Les politiques publiques en faveur de la jeunesse s'affinent et commencent progressivement à se coconstruire avec ses bénéficiaires.

1.2. La prise en compte des adolescents dans le secteur

culturel

Après avoir analysé brièvement les besoins des adolescents et leur inclusion progressivement au sein des projets qui leur sont destinés, il est intéressant de se pencher plus largement sur

107 Mis en place par la mission jeunesse de la ville et animation confiée à la Fédération d'éducation populaire Léo Lagrange.

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comment le secteur culturel a intégré cette tranche d'âge au sein de ses programmations, de ses actions et de ses structures. En ce qui concerne plus particulièrement le théâtre, sujet d'étude de ce mémoire, il est important de se pencher notamment sur les textes de ce répertoire afin d'analyser s'ils se destinent ou non à des publics adolescents. Mon souci sera donc de mettre en lumière ces différents points. Pour cela, je commencerai par dresser brièvement un aperçu du théâtre adolescent québécois, de sa naissance jusqu'à aujourd'hui. En effet, les professionnels de ce pays sont largement en avance sur ces enjeux. Cela permettra donc dans un second temps de faire un parallèle avec la France où les textes dramatiques pour adolescents ont émergé bien plus tardivement. Ce pays étant le sujet d'étude de ce mémoire, il sera pertinent d'introduire une caractéristique de la politique culturelle française : la conservation de ces institutions. Cela permettra entre autre de se pencher sur la relation qu'elles entretiennent avec les publics adolescents. C'est donc dans cette optique que je finirai par analyser le Studio 13/16 du Centre Pompidou, prescripteur en ce qui concerne les enjeux de la gouvernance et des besoins des adolescents dans le secteur culturel.

1.2.1. Le cas Québécois : une avance importante sur ces enjeux.

Que ce soit au Québec ou en Belgique, artistes, médiateurs et programmateurs se sont penchés de manière extrêmement précoce, en comparaison à la France, sur la question des publics adolescents. Non seulement, des compagnies et des auteurs se sont spécialisés dans ce type de théâtre afin de répondre aux besoins de ces publics naissants, mais ils ont été progressivement soutenus par les programmateurs et les financeurs. « En France on ne disait pas qu'il y avait du théâtre ados, et beaucoup de gens le pensent toujours : un adolescent peut voir n'importe quel spectacle. Donc identifier un théâtre pour les adolescents ça a été fait par les belges et les québécois il y a largement vingt-cinq ans alors que nous, on a encore du retard. Ils ont aussi travaillé sur le théâtre pédagogique bien avant nous.»108

Cet axe sera donc exclusivement dédié à la prise en compte des adolescents dans le secteur théâtral Québécois. C'est à partir des années 1970, alors que la tendance était de produire et de diffuser des spectacles destinés aux 6-12 ans, que des compagnies se sont intéressées aux publics adolescents jusqu'alors négligés. Il est important de préciser que les compagnies spécialisées en théâtre jeune public connaissaient des conditions de diffusion plus confortables

108 COUREL, Anne. Entretien annexe 2 p 114.

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que celles spécialisées pour les adolescents. En effet, alors que les spectacles pour les 6-12 ans étaient programmés dans les salles, les compagnies pour adolescents se produisaient dans des gymnases et des salles de cours. Créer des spectacles à destination de ces nouveaux publics était donc encore à la marge mais les différents obstacles n'empêchèrent pas diverses compagnies de s'emparer de ce créneau. C'était une volonté, de la part ces dernières, de dépeindre sur scène une nouvelle réalité sociale et de permettre aux publics visés de trouver des héros auxquels s'identifier.

En 1989 à Montréal, Le Théâtre Le Clou, une compagnie codirigée par Monique Gisselin, Sylvain Scott et Benoît Vermeulen, fut créée. Au projet artistique du collectif, possédant une valeur pédagogique, s'ajoutait une grande exigence. Ce fut donc une volonté, de la part des artistes, de démontrer que le théâtre pour adolescent pouvait « allier qualité, recherche et succès »109. Le Théâtre Le Clou fut alors très rapidement repéré pour ses spectacles innovants et qualitatifs, jusqu'à devenir la première compagnie québécoise à destination des adolescents à être subventionnée au fonctionnement110. De plus, les membres du collectif comprirent que leurs spectacles se devaient d'être accompagnés d'actions de médiation111 dans l'optique de faciliter la rencontre entre artistes et adolescents et les sensibiliser au théâtre. Aujourd'hui, Le Théâtre Le Clou est encore extrêmement actif et pérennise son travail de recherche et de réflexion à destination des adolescents. Créé il y a maintenant plus de trente ans, ce collectif précurseur en matière de théâtre pour adolescents jouit aujourd'hui d'une notoriété nationale. De plus, d'autres points sont à souligner pour analyser l'implication des professionnels québécois en ce qui concerne le théâtre pour adolescents. Dès les années 1990, de nombreux colloques et des conférences mettent en perspective ces questions. S'y ajoutent dans un même temps divers écrits sur ces sujets (études professionnelles, travaux universitaires, ...). En 1998, dans son ouvrage Le Théâtre adolescent, Hélène Beauchamp propose une pédagogie théâtrale en corrélation avec les besoins et les envies des adolescents. « Notre hypothèse est que le théâtre

109 NADEAU, Anne. Les quinze ans du théâtre du Clou : portrait d'une compagnie de théâtre de création pour adolescents, dans le contexte du théâtre pour l'enfance et la jeunesse au Québec de 1989 à 2004. Mémoire de la maitrise : Théâtre : Université du Québec à Montréal, 2006. p69.

110 Allouées par des collectivités, ces subventions permettent de financer la gestion courante et globale de la structure.

111 Le Scriptorium est l'une des actions que le Théâtre Le Clou met en place chaque année.

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adolescent, celui créé par eux, existe dans ses caractéristiques propres et qu'il peut être considéré comme une création théâtrale de plein droit et comme une pratique d'affirmation »112 En ce qui concerne la création des festivals à destination des adolescents, le précurseur Rencontre Théâtre Ados113 vit le jour pratiquement quinze ans avant le Festival ADO114, premier festival de théâtre pour adolescents en France. Référence pancanadienne115 de la création théâtrale pour et avec les adolescents, RTA116 pilote également la plus grande ligue d'improvisation du Québec à destination des jeunes du secondaire : La LIRTA117. De plus, la médiation culturelle occupe une place privilégiée au sein de ces rencontres et les participants se voient proposer de nombreuses actions innovantes. Extrem'ados est ici un exemple pertinent, d'autant plus qu'il a été repris bien plus tard par la MJC de Rodez/Théâtre des deux Points, structure que j'introduirai par la suite. Ce qui est innovant dans ce projet est qu'il repousse les limites de la création collective: un groupe d'adolescents, accompagné d'un metteur en scène professionnel, dispose de vingt-quatre heures, réparties entre le mercredi et le samedi, pour créer un spectacle dont la représentation aura lieu le samedi soir de la même semaine118. « Moi je veux fonctionner avec vous sur le principe de la création collective. Donc, je n»ai aucun texte d'écrit d'avance, on part de vous »119.

Ces précédents exemples contribuent donc à démontrer que les professionnels du théâtre québécois se sont depuis un certain temps intéressés aux publics adolescents. D'une part, les spectacles qui leurs sont proposés sont en corrélation avec leur réalité : ils parlent de leur quotidien, les personnages leur ressemblent et il devient possible de s'y identifier, ... D'autre part, les conférences et les ouvrages se démultiplient, apportant alors une contribution théorique sur ces problématiques. Bien que cela fut souligné en introduction, il est pertinent de rappeler que Un théâtre et des adolescents est l'un des seuls ouvrages français mettant, comme son nom l'indique, en parallèle ce secteur et ces publics. Outre cette absence de théorie, il est important de se pencher sur les autres points qui différencient la France du Québec sur ce sujet. L'axe

112 BEAUCHAMP, Hélène. Le théâtre adolescent : Une pratique artistique d'affirmation. Montréal : les éditions Logiques, 1998. P12.

113 Créé en 1996 par Sylvie Lessard, Pierre-Yves Bernard, Sarto Gendron et François Hurtubise.

114 2010.

115 Relatif à l'ensemble du Canada.

116 Rencontres Théâtre Ados.

117 Ligue d'Improvisation Rencontre Théâtre Ados. Créée en 2002, la LIRTA regroupe aujourd'hui plus d'une vingtaine d'école situées aux alentours de Montréal, Laval, des Laurentides et de Lanaudière.

118 Les représentations se déroulent la Maison des arts de Laval.

119 ROY, Jean-Stéphane. Reportage Radio-Canada. Rencontre théâtre ados. 2016.

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suivant sera donc dédié à analyser la prise en compte des adolescents dans le secteur culturel français, pays se lequel se focalise ce travail.

1.2.2. Le cas français : notre terrain d'analyse

En France, au contraire, les textes dramatiques à destination des publics adolescents tardèrent à apparaitre. Cyrille Planson120 soulève d'ailleurs le manque de transition entre les pièces « jeune public » et celles à destination du « tout-public » dans un dossier du magazine La Scène121 : « Longtemps, seul le théâtre dit classique a été proposé aux adolescents dans les programmations de théâtre ».122 Certains auteurs, tels que Fabrice Melquiot123, Sylvain Levey124 ou Luc Tartar125 commencent progressivement à s'emparer de cette littérature et y développent des héros auxquels les adolescents peuvent s'identifier. Lors des entretiens menés, j'ai pu constater un écart palpable et une différence de point de vue entre les professionnels : alors que certains soulignent que les adolescents devaient avoir un théâtre qui est dédié, d'autres mentionnent qu'ils peuvent se diriger vers les pièces tout public.

Pour sa part, le cinéma français s'interroge depuis plusieurs décennies sur les spécificités, les envies et la vie quotidienne des adolescents. La Boum126, film générationnel sorti en salle en 1980 illustre parfaitement ce propos car « les jeunes filles et les jeunes garçons qui l'ont vu à l'époque, et parfois plusieurs fois, se sont largement projetés dans le personnage de Vick127, son héroïne et sa bande de copains pourtant issus d'un milieu privilégiés parisiens. »128 Les réalisateurs et scénaristes français se sont donc rapidement penchés les questions liées à l'adolescence en leur proposant des créations dont ils étaient le coeur de cible.

Afin de comprendre comment les adolescents furent intégrés, du moins en France, au sein de la culture et des enjeux de la participation, il semble pertinent de se pencher sur le Studio 13/16

120Rédacteur en chef du magazine La Scène. Cyrille Planson est également co-directeur du festival jeune public Petits et Grands et des Biennales Internationales du Spectacle (BIS).

121Le magazine La Scène est un magazine destiné aux professionnels du spectacle vivant. Il est dirigé par Nicolas Marc et a pour rédacteur en chef Cyrille Planson.

122PLANSON, Cyrille. Les ados, un public à enchanter. La scène septembre, octobre, novembre 2019, n° 94, p. 80.

123 Metteur en scène, interprète, pédagogue et dramaturge contemporain.

124 Auteur dramatique et acteur.

125 Auteur et comédien.

126 Comédie romantique réalisée par Claude Pinotteau mettant en scène les émois d'une adolescente de treize ans.

127 Héroïne interprétée par l'actrice Sophie Marceau.

128 LAURENTIN, Emmanuel. Episode 2 : La Boum génération. France culture. La fabrique de l'histoire. Série : une histoire de l'adolescence. 23/08/2019.

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du Centre Pompidou129, premier espace au monde dédié aux jeunes dans un musée. Il faut préciser que la politique culturelle française se caractérise par plusieurs particularités et que la préservation de ses institutions à travers les siècles est l'une d'entre elles. Dans les années 90 des lieux pouvant être qualifiés « d'alternatifs » commencèrent à voir le jour car des artistes, privés de lieux où travailler, s'emparèrent de structures abandonnées. L'exemple du Théâtre Icare, compagnie s'installant en 1994 au sein des anciens bains-douches nazairiens130, illustre parfaitement ce propos. Pourtant, l'émergence des friches culturelles131, et par la suite des tiers-lieux132, ne remit que peu en cause la place et la visibilité des institutions culturelles. En effet, ces dernières, à l'origine de la professionnalisation du secteur, sont toujours conservées et labellisées par l'Etat. Dans un même temps, ces institutions peuvent, aujourd'hui encore, véhiculer l'image d'une culture élitiste, dont la fréquentation est réservée à des publics privilégiés. Pourtant, le ministère de la culture lui-même souligne que « ces institutions ont pour mission de s'adresser à toutes les populations, de combattre les inégalités territoriales et sociales d'accès à la culture et leurs services des publics assurent un travail de médiation pour toucher les populations les plus éloignées »133.

Dans un même temps, il est important de préciser que le développement des nouvelles technologies a profondément remis en cause notre perception de la culture qui « se présente désormais comme solidaire des notions de loisir, de divertissement et de communication ».134 Que ce soit en France ou ailleurs, une culture dite de « chambre »135 émergea. Elle s'accompagna de nombreuses pratiques ne nécessitant ni l'intervention d'un tiers ni celle d'une structure : écoute de podcast et d'émissions radio, visionnage de vidéos Youtube, ...

129 Musée parisien orienté vers la création moderne et contemporaine dont la création fut impulsée par le Président Georges Pompidou.

130 Le bâtiment est maintenant réinvesti par le projet de l'association des Chantiers Nouveaux : Bain Public.

131 Lieux qui par essence n'étaient pas dédiés à accueillir des projets culturels. Leurs mises en place sont souvent à l'initiative de collectifs d'artistes ou de citoyens.

132 Issu de l'anglais « The Third Place » (la troisième place), les tiers-lieux font référence à un environnement où l'on viendrait après la maison et le travail. Emblématique de la participation citoyenne, les tiers-lieux prennent des formes multiples mais se veulent des lieux chaleureux croisant diverses activités.

133 Le ministère de la culture. Les partenaires (1/6) Les institutions culturelles. Culture.gouv. le développement culturel en France. 05/04/2016.

134 DAHAN, Chantal. ,op. cit., P15

135 Désigne les activités culturelles que chacun peut faire depuis son espace personnel. Ce terme est également issu d'un processus récent d'individualisation. Il est pertinent de souligner que la chambre constitue un lieu emblématique de la construction de la culture propre des enfants et des adolescents.

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Dans son article Les adolescents et les musées, Noëlle Timbart136 souligne que « Les adolescents sont perçus comme peu présents et peu demandeurs, voire réticents à l'idée même de pénétrer dans une institution culturelle »137. Pourtant, force est de constater que ces derniers sont bel et bien présents dans les musées tout comme dans les autres structures culturelles. Cette présence est cependant régie principalement par deux instances : l'école et la sphère familiale. Elle résulte donc rarement d'une volonté formulée par l'adolescent. Cette absence de choix renvoie directement à la notion de public captif. Il est important de souligner, comme l'exprime Noëlle Timbart, que rares sont les musées mettant en place des activités pour les adolescents en dehors du cadre scolaire. Pour cause, de nombreux médiateurs sont démunis face à ces publics et supposent que les adolescents rejetteraient les actions qui leur seraient proposées.

Ces différents constats m'amènent à me pencher sur l'exemple du Studio 13/16 du Centre Pompidou. Soucieux d'offrir à chaque public une médiation adaptée, les actions à destination des jeunes publics furent dès son ouverture en 1977, positionnées au coeur du projet du musée. C'est en 2010 que le Centre Pompidou mit en place, dans son sous-sol, le premier espace au monde dédié aux jeunes dans un musée : le Studio 13/16. « Rompre avec le présupposé que les adolescents n'auraient aucun intérêt pour l'art»138 devient rapidement l'un des objectifs à atteindre. Pour cela, le Studio 13/16 se devait, sans pour autant s'écarter des activités et des propos portés par l'institution, répondre aux besoins et aux envies de ces publics. La réussite de ce lieu résulte de plusieurs facteurs :

· Une entrée et une participation aux ateliers gratuites et sans réservations.

· Des horaires flexibles, pensés en corrélation avec l'emploi du temps des jeunes (mercredi après-midi, après les cours, les week-ends, ...).

· La possibilité d'appréhender le lieu comme l'adolescent en a envie : des ateliers et des événements sont organisés mais les jeunes ont aussi la possibilité de venir se poser et discuter.

· Des actions développées en liens avec les centres d'intérêts des adolescents.

Le Studio 13/16 se présente alors comme un lieu convivial permettant à chaque adolescent d'appréhender l'art et le musée d'une manière qui lui est propre. Ce fut une volonté, de la part

136 Chercheuse en muséologie, science et société. Elle est l'auteure de la thèse Adolescents et musées : états des lieux et perspectives (2007).

137 TIMBART, Noëlle. Les adolescents et les musées. Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire. « Cahiers de l'action ». 2013/1, n°38. P21.

138 Centre Pompidou, Médiation, Faire l'expérience du Centre Pompidou. Numéro 1. P6.

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du Centre Pompidou, de se pencher sur les tendances, les habitudes et les envies des adolescents. « Nous avons fait le choix de nous adresser directement aux ados, trop souvent délaissés par les institutions et par conséquent absents des grands rendez-vous culturels »139 Force est de constater que les jeunes sont au rendez-vous et revendiquent une appétence pour les arts. Il est également pertinent de mentionner que les participants sont sollicités dans la conception des différentes actions voire en sont à l'initiative.

Le cas du Studio 13/16 est particulièrement intéressant pour comprendre la prise en compte des publics adolescents dans les arts en France. En plus d'en être précurseur, cet espace illustre la nécessité de penser les actions de médiations en corrélation avec les besoins et les envies des publics auxquelles elles sont destinées. Développer cet exemple m'a d'ores et déjà permis d'amorcer le besoin de désacralisation des institutions, axe que j'analyserai plus largement dans un second temps. Grâce au Studio 13/16, le Centre Pompidou put, tout en conservant son propos et son activité première, permettre aux adolescents de s'exprimer et de s'emparer des projets. Ces publics, s'ils se sentent concernés par le propos de l'institution, ne sont donc pas réticents à participer aux différentes actions qu'elle propose. Le Centre Pompidou a donc su répondre à diverses problématiques propres aux institutions culturelles dont : « les adolescents ont des caractéristiques qui leur sont propres que le musée devrait prendre en considération afin de leur proposer des activités qui soient au plus proche de leurs besoins »140.

La présente partie se focalisa sur les manières dont les publics adolescents furent pris en compte au sein du secteur culturel. Elle présenta successivement le cas du Québec, en révélant une avance considérable sur ces enjeux, puis le cas de la France, sur lequel se penche cette étude. Alors que les professionnels québécois ont identifié depuis plus de trente-cinq ans un théâtre pour adolescents, les oeuvres et les représentations à destination de ces publics sont encore, en France, en émergence. S'y ajoutent qu'elles ne sont pas portées ou même reconnues par l'ensemble de la profession. L'analyse s'est poursuivie sur l'une des caractéristiques de la politique culturelle française : les institutions. La responsabilité de ces établissements vis-à-vis des différents publics, dont les adolescents, est d'ailleurs précisée dans leurs cahiers des charges141. En retour, la précédente analyse a notamment insisté sur l'image que les institutions

139 CHAZOTTES, Patrice. Musée 21, le magazine de culturespaces. Le nouveau paradis des ados : Studio 13/16. 16/10/2015.

140 TIMBART, Noëlle., op. cit., P22.

141 Document contractuel à respecter pour la mise en place d'un projet.

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peuvent renvoyer aux adolescents actuels. La suite de cette étude montra que le Studio 13/16 est un modèle qui fut repris sensiblement dans un même temps par le secteur théâtral.

1.3 Un double enjeu : le cadre scolaire et le cadre volontaire

Pour clôturer cette partie, il est intéressant de se pencher sur certains enjeux que peuvent présenter les publics adolescents. En effet, ces derniers soulèvent plus que tout autre public la question de la fracture entre l'obligation scolaire et le choix personnel. Ils se voient d'une part proposer des projets au sein de leurs établissements respectifs, renforçant leur statut de public captif, et d'autre part se retrouvent sollicités pour s'engager volontairement dans des actions. Au premier abord, ces deux démarches semblent évoluer parallèlement. En effet, elles s'articulent sur des temps distincts. Après avoir présenté séparément ces deux types de projets, mon souci sera de démontrer en quoi ces deux temps peuvent avoir un intérêt à évoluer conjointement et quels sont les défis à articuler. Chaque axe me permettra également d'introduire les quatre différents projets sur lesquels j'ai choisi de m'appuyer pour cette étude :

· Les printemps des collèges, association Comète 44,

· Ce soir je sors mon prof, MJC de Rodez/Théâtre des deux points,

· Les Choses en face, collectif Lacavale,

· Le Festival à Vif, CDN Le Préau.

1.3.1. L'enjeu des projets dans le cadre scolaire

Tout d'abord, mon souci sera de montrer les spécificités des projets se déroulant dans le cadre scolaire en m'appuyant sur deux projets. Aujourd'hui, la nécessité d'une action culturelle en milieu scolaire n'est plus à démontrer. Pourtant, jusque dans les années 70, elle n'allait pas de soi et de nombreuses dates significatives permirent à l'éducation artistique et culturelle142 d'émerger. En 1988, la loi relative aux enseignements artistiques143 précise que « des enseignements artistiques obligatoires sont dispensés dans les établissements visés aux articles 3 et 4 de la loi n° 75-620 du 11 juillet 1975 relative à l'éducation »144 et que « ces enseignements

142 Action développée dans le cadre scolaire ayant pour objectif d'encourager la participation de chaque enfant.

143 Loi n°88-20 du 6 janvier 1988, relative aux enseignements artistiques.

144 République Française, Légifrance. Loi n°88-20 du 6 janvier 1988, relative aux enseignements artistiques. Article 3. Abrogé par l'ordonnance n°2000-549 du 15 juin 2000-art 7 (V).

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comportent au moins un enseignement de la musique et un enseignement des arts plastiques. »145

Pour sa part, l'éducation artistique et culturelle est le fruit d'une coopération entre deux ministères : celui de la Culture et celui de l'Education nationale. Dès lors, l'EAC146 fut perçue comme « indispensable à la démocratisation culturelle et à l'égalité des chances »147. Chaque élève de la maternelle au lycée bénéficie de ces parcours. Cela veut donc dire que l'EAC permet d'inclure et de sensibiliser des enfants et des adolescents issus de milieux extrêmement différents : zones géographiques, classes sociales, ... En effet, il peut être pertinent de souligner qu'en France, la démocratisation148 est régulièrement associée à la culture au sein de l'école. Cette idée fut d'autant plus renforcée avec la création, en 2005, du Haut Conseil de l'Education Artistique et Culturelle149, ayant pour objectif premier « d'accompagner le développement de la politique de généralisation du 100% EAC »150. Proposer des actions d'EAC au sein des établissements scolaires a donc le mérite de démocratiser la culture auprès de multiples élèves : son objectif est de sensibiliser autant des élèves ayant une appétence pour la culture que ceux n'en n'ayant pas.

Cela me permet donc d'introduire Les Printemps théâtraux. Ce projet permet à des élèves de différents collèges ou lycées de pratiquer la discipline théâtrale au sein de leurs établissements avant de se rencontrer pour ce temps de festival. Historiquement, les premiers Printemps théâtraux furent portés par l'association Vendéenne Vents et Marées à partir 1982151. Force fut de constater que l'initiative rencontra rapidement un grand succès auprès des établissements scolaires de la région Pays de la Loire152. Répondre favorablement à l'ensemble de ces sollicitations se révéla complexe. C'est à la suite de ce constat que quatre autres associations, représentant chacune un département des Pays de la Loire, se développèrent au courant de l'année scolaire 1986-1987 dans l'optique de pérenniser et de renforcer l'action initiée par Vents

145 Ibid.

146 Education artistique et culturelle.

147 Education.gouv. L'éducation artistique et culturelle. Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

148 Issu du grec ancien, ce terme signifie littéralement « évolution vers le pouvoir du peuple ».

149 HCEAC.

150 Education.gouv.fr. Le Haut Conseil de l'Education Artistique et Culturelle. Ministère de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports.

151Créée sous l'impulsion de Michel Pasotti, alors inspecteur de l'éducation nationale.

152 Région située à l'ouest de la France.

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et Marées : Théâtre pour l'avenir (72), Enjeu (49), Amlet (53), et Comète (44). Compte tenu que la Loire-Atlantique153 met en place de nombreux dispositifs154 pour initier et soutenir la mise en place de parcours d'éducation artistique et culturelle, c'est sur cette dernière association que cette étude se penchera.

Dès sa création, Comète155 se donna comme objectif de « contribuer au développement des activités théâtrales en milieu scolaire, en privilégiant les partenariats artistiques et culturels avec le soutien des institutions et des collectivités territoriales »156. Elle développe plusieurs types d'actions en faveur du théâtre au sein des collèges et des lycéens de Loire-Atlantique. Ces dernières peuvent se regrouper en trois catégories :

· Présenter l'association comme un relai d'informations entre les élèves, leurs parents et les institutions, scolaires ou culturelles.

· Favoriser le partenariat : organisation de formations à destinations de professeurs et d'artistes désireux de coconstruire des actions théâtrales dans le cadre scolaire,

· Développer et mettre en place des rencontres théâtrales scolaires.

C'est donc dans cette troisième et dernière catégorie que sont inclus Les printemps théâtraux. Il s'agit de rencontres hébergées où les groupes scolaires invités se retrouvent à Guérande157 pour une durée de trois jours. Chaque groupe est engagé dans un parcours théâtre et dans le processus d'un spectacle. Recevant de nombreuses sollicitations de la part de professeurs souhaitant y inscrire leurs groupes, Comète développa plus récemment des rencontres à la journée se déroulant soit au Grand T158, soit à la Gobinière159.

En ce qui les concerne, Les printemps des collèges réunissent différents groupes de Loire-Atlantique au mois de juin. Chaque jour, les participants bénéficient d'un atelier de pratique théâtrale pris en charge par un comédien professionnel. Les élèves d'une même école sont

153 Département situé en Pays de la Loire.

154 Le plan Grandir avec la culture sera développé dans une deuxième partie.

155 Acronyme de COMmunication, Expression, Théâtre à L'Ecole, par la suite devenu COMmunication, Expression, Théâtre, Education.

156 Comète théâtre 44, site internet, page Objectifs.

157 Commune de Loire-Atlantique.

158 Salle de spectacles nantaise essentiellement orientée vers la discipline théâtrale et gérée par l'EPCC Le Grand T, théâtre de Loire-Atlantique.

159 Situé à Orvault, ce théâtre fait partie intégrante du centre culturel composé également d'un lieu d'exposition dans le château du parc et d'un atelier d'art plastique.

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répartis dans les différents groupes de façon à favoriser la rencontre entre les adolescents. Durant le temps du festival, chaque établissement aura l'opportunité de présenter son spectacle répété durant l'année scolaire au sein de la salle Athanor160. S'y ajoutent divers temps qui ponctuent le festival : fanfare et déambulation de l'ensemble des participants dans la ville de Guérande, représentations professionnelles, rencontres avec des artistes, temps de débats, le coup de coeur des lycéens161, ...

Les printemps théâtraux illustrent donc bien que le milieu scolaire peut sensibiliser des adolescents très différents à la discipline théâtrale. Les ateliers d'art dramatique dispensés dans les divers établissements sont proposés sur le temps scolaire. C'est-à-dire que les parents ou tout autre adulte référent de l'adolescent ne sont pas contraints de réorganiser leur emploi du temps en fonction de cette activité. De plus, autant ces ateliers que Les Printemps théâtraux162 sont proposés gracieusement et sans contrepartie aux participants. Cette capacité à sensibiliser et à mobiliser des élèves aussi différents est donc l'une des spécificités de l'environnement scolaire.

Une autre particularité de l'EAC ou du cadre scolaire réside dans le fait que les projets proposés ont vocation à mettre en lumière le cours d'un professeur, extrait du programme imposé par l'éducation nationale. En ce qui concerne le théâtre, secteur sur lequel se penche la présente étude, il rentre généralement en résonance avec le cours de français. La page de Eduscol, enseigner le théâtre163, mentionne la classification suivante:

· En 6ème , les élèves étudient une pièce du XVIIème siècle à nos jours.

· En 5ème, une comédie du XVIIème siècle.

· En 4ème, une pièce du genre choisi par le professeur164 mais s'étendant impérativement du XVII au XIXème siècle.

Bien que les écritures dramatiques contemporaines à destination des publics adolescents sont, du moins en France, assez récentes, il est indéniable que le programme imposé par l'éducation

160 Salle de spectacle Guérandaise.

161 Ce temps fut mis en place spécifiquement pour les lycéens mais les organisateurs cherchent depuis quelques années à travailler avec les collégiens autour du 1er juin des écritures théâtrales.

162 Financé par le département.

163 EDUSCOL. Programmes de Français au collège. Enseigner le théâtre. Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. 2016.

164 Tragédie, tragi-comédie, comédie ou un drame.

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nationale les laisse à la marge. Les collégiens appréhendent donc ce secteur principalement par le prisme d'une littérature particulièrement ancienne. Les sujets évoqués peuvent être perçus comme obsolètes et les élèves parviennent difficilement à s'identifier aux personnages. Ce constat est l'un des éléments pouvant expliquer pourquoi de nombreux élèves ne perçoivent le théâtre que comme un objet scolaire. « Il suffirait d'intégrer un parcours de formation adéquate auprès de ces enseignant.e.s- et des décideurs des programmes- pour que l'école redevienne le lieu d'un apprentissage fondateur, faisant un parallèle entre les textes fondamentaux de théâtre et leur pertinence de perception sur le monde actuel »165

Ce constat peut également digresser sur l'idée suivante : dans le but de mettre en perspective son cours, un professeur peut être amené à proposer à son groupe d'élèves une sortie au théâtre. La représentation, devant par définition faire écho aux apprentissages acquis en classe, est choisie par l'enseignant. Cependant, il est possible que cette obligation gâche l'expérience des élèves. En se voyant forcer de se rendre au théâtre, l'adolescent peut avant même d'y être, être réticent à cette sortie. Force est donc de constater que l'éducation nationale accorde aux institutions scolaires un rôle majeur en terme de démocratisation culturelle auprès des publics jeunes. Cependant, nous sommes ici face à une contradiction car « la pédagogisation des activités culturelles sert certes leur démocratisation obligée puisque les élèves sont des publics captifs mais rarement la construction durable d'un goût pour l'activité »166. En effet, il est indéniable que le cadre scolaire sensibilise les adolescents aux disciplines artistiques et que ces derniers sont présents dans l'enceinte des lieux culturels. Cependant, en associant ces sorties à une obligation scolaire, leur désamour pour ce secteur peut s'amplifier et les empêcher de cultiver une appétence durable pour ces activités.

Pour illustrer ce propos, il peut être pertinent de se pencher sur le projet Ce soir, je sors mon prof mis en place par la MJC de Rodez/Théâtre des deux points. Les professeurs désireux d'amener leur classe à des représentations se tournent vers cette structure pour les inscrire au projet. Cependant, ce qui rend cette action particulièrement intéressante et novatrice est que l'enseignant ne choisira pas, lors de l'inscription, les différents spectacles. Ce sera aux médiateurs du Théâtre des deux points de se rendre, par la suite, dans les classes pour présenter

165 GAL, Jean-Claude. Un théâtre et des adolescents, Tome 2. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise Pascal, Service Universités Culture, 2019. Parcours Pluriels. P46.

166 OCTOBRE, Sylvie. Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc des cultures ? Ministère de la Culture-DEPS « Culture Prospective ». 2009/n°1. P7.

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la programmation de la saison. Alors, les élèves eux-mêmes auront la possibilité de choisir les spectacles auxquels ils désirent assister. Le professeur sera alors contraint de s'adapter à leurs choix : il devra revoir ses outils, adapter son cours, ... Ce soir, je sors mon prof requestionne bien la construction des projets en faveur des adolescents. En effet, il semblait incontestable, lors d'une sortie scolaire au théâtre, que le spectacle se devait d'être choisi par un professeur. En inversant ce rapport, les élèves sortent progressivement de leur posture de public captif : le choix du spectacle ne leur est plus imposé et leurs envies sont prises en considération. Leur offrir la possibilité de soumettre leur choix éveille la curiosité des adolescents. Ces derniers se placent dans une posture d'attente et sont généralement enthousiastes à l'idée de découvrir le spectacle sélectionné.

Cet axe a donc illustré certaines caractéristiques propres aux projets dans le cadre scolaire. Les deux projets ici présentés, Les printemps théâtraux et Ce soir, je sors mon prof, seront repris et détaillés dans la deuxième partie de ce travail La gouvernance et la démocratie participative en tant qu'enjeux contemporains. Au-delà de ces exemples, cet axe a mis en évidence les contradictions et les enjeux à concilier dans les actions durant le cadre scolaire. En effet, l'école est incontestablement perçue comme un des leviers de démocratisation culturelle et sa nécessité n'est plus à prouver. Les actions qui y sont déployées ont la capacité de sensibiliser des élèves très différents et tentent alors de réduire les inégalités en terme d'accessibilité à la culture. Cependant, force est de constater que cette mobilisation rendue obligatoire pose la question de la durabilité et de l'impact de ces actions. Dans le cadre scolaire, l'engagement et la motivation du groupe sont également des leviers de réussite de l'action. Ce constat souligne qu'il y a de la porosité entre les projets dans le cadre scolaire et ceux dans le cadre volontaire.

1.3.2. L'enjeu des projets dans le cadre volontaire

L'engagement et la motivation des adolescents sont davantage valorisés dans les projets dans le cadre volontaire car par définition, les adolescents sortent de leur statut de public captif et formulent eux-mêmes le souhait de participer ou non à une action. Cet axe sera dédié à présenter ce que peut impliquer les projets dans le cadre volontaire. Il s'appuiera exclusivement sur le projet Les choses en face, mis en place par le collectif Lacavale.

Cette compagnie créée en 2010 a pour particularité d'être composée de vidéastes issus d'une formation de cinéma documentaire et de comédiens. Ensemble, ils créent ce qu'ils appellent du théâtre documentaire : interviews, témoignages, objets divers sont récoltés dans l'optique de

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nourrir la réflexion des artistes et leur travail. Leur démarche est documentaire car elle a comme particularité de s'ancrer dans la vie des gens. Une fois sur scène, la vidéo demeure un élément essentiel de leur création au même titre que le jeu des acteurs. La deuxième particularité du collectif est la dimension participative qu'ils intègrent dans leurs créations. « Nous avons la volonté d'ouvrir les portes des théâtres à des personnes dont ce n'est pas le métier en les invitant à s'inscrire dans le processus de création.»167 C'est dans cette optique que la compagnie a commencé à travailler avec des adolescents « Nous sommes persuadé.e.s qu'il est nécessaire de créer des espaces-temps de parole, hors des flux d'images et de bruits qui remplissent le monde. Et les ados, contrairement aux clichés qu'on peut avoir sur elles.eux, ne sont pas du tout réfractaires à vivre ces moments. »168 Ce mémoire se penche plus particulièrement sur Les choses en face, processus de travail que le collectif a reproduit trois fois169 entre 2016 et 2020. A partir de la question « C'est quoi être adultes ? » les adolescents sont invités à s'interroger. « Les choses en faces, on vient et on discute de plus de trucs. C'est quoi être adulte ? Vous vous imaginez comment dans vingt ans ? De là on se dit : qui on pourrait interviewer pour poser ces questions-là ?.»170 Les adolescents sont presque omniprésents durant le projet, de sa conception à sa valorisation : temps de discussion en amont, récoltes de témoignages, réalisation des entretiens, répétitions, représentation où ils seront eux-mêmes acteurs, ... « Le spectacle fera dialoguer les vidéos réalisées par ces adolescent.e.s avec une partition théâtrale qu'ils.elles interprètent. »171

L'aboutissement du projet est bel et bien un spectacle professionnel et pas une action de médiation. Seulement ce genre de projet réoriente et transforme la place des artistes car il réaffirme leur fonction sociale : le collectif partage son expertise avec les adolescents, les forment à différents outils et sur plusieurs aspects. En instaurant cette relation, les membres du collectif se retrouvent accompagnateurs de ces jeunes le temps d'un projet. A l'image des autres médiateurs, ils leur permettent de mettre en place un projet qui leur correspond.

167 Site internet du collectif Lacavale. Page Lacavale.

168 DROUET, Nicolas, D'HEYGERE, Antoine, MARION, Erwan, MENARD, Julie. PUEYO, Clara-Luce et Chloé SIMONNEAU. Les choses en face. Projet artistique. Collectif Lacavale. Théâtre documentaire & participatif. Le Préau CDR. P6.

169 La première version fut créée en 2016 avec 80 adolescents issus du département du Nord dans le cadre du projet Paroles d'ados 2016. La deuxième fut créée en 2018 avec 60 jeunes des Hauts de France. La dernière en 2020 créée à Vire avec 19 adolescents, vit ses représentations annulées (cause : crise sanitaire Covid 19).

170 DROUET, Nicolas. Entretien annexe 3 p 119.

171Collectif Lacavale. Les choses en face #2. Site internet. Créations. 2018

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Par essence, les adolescents qui s'engagent dans les projets en dehors du cadre scolaire sont volontaires. Participer à ce projet résulte donc d'un choix personnel n'ayant pas été régi par l'école ou la sphère familiale. En sachant que les différents participants sont volontaires, il semble possible de mettre en place des projets plus longs et ambitieux. « Je pense qu'un projet comme J'aurais aimé que le monde soit parfait, ça engage tellement que si les jeunes ne sont pas volontaires ça peut être beaucoup trop de souffrance.[...]. Mais là c'est quand même un engagement très important, ça leur prend toutes leurs vacances, ils vont rater quasiment une semaine de cours qu'ils vont devoir rattraper, ils vont jouer cinq fois sur un grand plateau. [...] Donc si certains n'ont pas envie ça peut devenir un cauchemar, c'est un coup à les dégouter de toute forme d'expression »172.

En ce qui concerne le recrutement des jeunes, il est important de souligner qu'aucun casting ou entretien n'est mis en place. Le collectif tente de sortir les jeunes du monde de compétition dans lequel ils évoluent et ouvrent leurs projets à chaque adolescent volontaire compris entre 12 et 17 ans. Cela est donc l'une des grandes différences avec le cadre scolaire où les projets engagent les élèves d'une même classe et par définition du même âge. Les adolescents de 12 et de 17 ans sont donc rarement amenés à se rencontrer et plus encore, à conduire des projets ensemble.

Cet axe a donc permis d'introduire Les Choses en Face du collectif Lacavale, projet qui sera repris par la suite dans l'optique d'illustrer mon raisonnement. Cet exemple a également souligné ce que les projets dans un cadre volontaire impliquaient. La motivation et l'envie des jeunes permettent donc aux professionnels de se projeter et de mettre en place des actions plus longues et plus engageantes. S'y ajoute la possibilité de réunir des adolescents d'âges divers, rarement amenés à se rencontrer et à se côtoyer.

1.3.3. Des enjeux pouvant être complémentaires

Chacun de ces deux enjeux a été présenté de manière distincte. C'est donc une volonté de finaliser cette partie en démontrant qu'ils peuvent devenir complémentaires et que certains projets leur permettent d'évoluer conjointement.

Lors de la mise en place de projets participatifs, notamment dans le cadre volontaire, les adultes référents de l'action doivent consacrer du temps au recrutement des adolescents. C'est-à-dire

172 DROUET, Nicolas. Entretien annexe 3 p 118.

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que les médiateurs devront sensibiliser ces publics à l'action qu'ils sont en train de mettre en place dans le but qu'ils s'y intéressent et peut-être s'y inscrivent. Comme expliqué précédemment, la constitution du groupe est extrêmement importante voire peut devenir un facteur de réussite du projet en question. Le recrutement est donc un temps extrêmement stratégique: les adultes multiplient les rencontres avec les jeunes dans divers endroits (MJC173, CRIJ174, clubs de sport, ...) et diversifient les médias qu'ils utilisent (flyers, réseaux sociaux, ...). De nombreux médiateurs et professionnels se tournent donc, entre autre, vers les établissements scolaires dans l'optique de sensibiliser rapidement un grand nombre d'adolescents. C'est notamment le cas du collectif Lacavale. Ces derniers s'appuient grandement sur les professeurs et investissent les établissements scolaires pour présenter leurs projets aux potentiels futurs participants. En passant par les collèges et les lycées, le collectif parvient à sensibiliser davantage d'adolescents et de plus très différents. En négligeant ce relai, le collectif pourrait s'adresser et sensibiliser exclusivement des adolescents ayant déjà une appétence pour la culture et de ce fait, favoriser l'entre-soi.

Un autre projet que j'aimerais présenter est le festival A Vif du CDN175 Le Préau à Vire. Pionnier en France des festivals de théâtre adolescents, il témoigne de la porosité possible entre les enjeux dans le cadre scolaire et ceux dans le cadre volontaire. C'est en 1978 que le centre dramatique national Enfance Jeunesse de Basse-Normandie fut créé sous l'impulsion d'Yves Graffey, alors directeur du Gros Caillou à Caen. Éric de Dadelsen lui succéda en 1992 et le centre dramatique fut alors rebaptisé Le Théâtre du Préau. Ce ne fut qu'à partir de 1995 que ce centre dramatique fut délocalisé à Vire. Cette structure enchaîna ensuite les différents statuts : CDNEJ176, ENPDA177 et Centre Dramatique Régional de Basse-Normandie178. En 2017, Le Préau devient un Centre Dramatique National179, implanté en milieu rural, caractéristique assez rare pour être mentionnée. Son autre particularité est son intérêt et son projet spécifique pour les publics adolescents, impulsés lors la première édition du festival ADO180 en 2010 et depuis

173 Maison des jeunes et de la culture.

174 Centre régional d'informations jeunesse.

175 Centre dramatique national.

176 Centre Dramatique National pour l'Enfance et la Jeunesse. Statut obtenu en 1995. Ce statut a aujourd'hui disparu.

177 Établissement National de Production et de Diffusion Artistique. Statut obtenu en 2002.

178 Statut obtenu en 2006.

179 Label attribué par l'état et créé dans la continuité de la décentralisation culturelle. Les CDN sont des institutions théâtrales publiques.

180 Rebaptisé depuis 2021 Festival A Vif.

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pérennisés. Cet événement, qui il faut le rappeler est le premier festival de théâtre français créé pour et avec des adolescents, fut mis en place sous la direction de Pauline Salles181 et de Vincent Garanger182. Sa création irrigua alors l'ensemble des activités de la structure. En effet, force est de constater qu'à partir de cet événement ce CDN, dont la programmation était auparavant tournée vers le spectacle jeune public, multiplia les représentations et les actions en faveur des adolescents. La mise en place du festival s'est donc pérennisée : une dizaine de jours lui sont dédiés tous les ans au mois de mai.

C'est en janvier 2019 que Lucie Berelowitsch183, nouvelle directrice du Préau, arriva à la tête de l'établissement, en formulant d'emblée sa volonté de positionner la jeunesse et les écritures contemporaines au centre de son projet. « Je tiens à amplifier ce travail remarquable effectué pour les adolescents, en leur donnant davantage de portes d'entrées dans la participation au projet, leur permettant de s'exprimer individuellement, en dehors du cadre scolaire ».184 Cette envie évoluait donc conjointement avec les différentes actions amorcées par l'ancienne équipe. A partir de l'édition 2021, le Festival ADO fut rebaptisé Festival A Vif. « On a aussi changé ce nom Festival à Vif pour répéter, réitérer notre souhait que ce festival soit un moment d'échange entre adolescents et adultes. Un échange intergénérationnel pour rencontrer cette nouvelle génération »185.

Ce festival développe de manière simultanée et complémentaire, des actions dans le cadre scolaire et dans le cadre volontaire. Tout d'abord, le spectacle d'ouverture du festival est une représentation où des adolescents sont sur scène en tant que comédiens. Pour l'édition 2021, il s'agit de J'aurais aimé que le monde soit parfait186, nouveau projet participatif du collectif Lacavale. En plus d'y intégrer pleinement des adolescents de Vire, la représentation est diffusée devant un grand nombre de spectateurs ayant sensiblement le même âge que les comédiens. En y assistant, les jeunes peuvent avoir envie de participer ou de s'investir dans des projets similaires. Hélène Beauchamp le soulignera à juste titre : « c'est le spectacle de leurs pairs qui

181 Metteuse en scène, dramaturge et comédienne française, Pauline Salles fut directrice du CDN Le Préau de 2009 à 2018.

182 Metteur en scène et comédien français, il dirigea le CDN Le Préau de 2009 à 2018.

183 Formée au conservatoire de Moscou (GITIS) et à l'école de Chaillot, Lucie Berelowitsh est comédienne et metteuse en scène.

184 BERELOWITSCH, Lucie. Projet artistique. P14

185 BERELOWITSCH, Lucie. Présentation de la saison 2020-2021 au Préau. Le Préau CDN de Normandie - Vire. Théâtre contemporain.net, 25/06/2020.

186 Théâtre documentaire. Création 2021. Production : Le Préau-CDN de Normandie à Vire.

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les pousse à tenter l'expérience »187 en constituant « un effet d'entraînement positif sur plusieurs jeunes qui voudront faire ce qu'ils auront vu d'autres réussir »188.

Autre aspect important, le CDN de Vire a la particularité d'ouvrir ses portes et son espace bar aux spectateurs en dehors des temps de programmation. Sur leur temps libre, les adolescents des alentours s'y retrouvent fréquemment. A l'approche du festival, l'équipe des relations publiques se tourne vers ces jeunes présents. Ces derniers ont alors la possibilité de s'investir et d'aider à préparer cet événement, notamment pour tout ce qui est relatif à la décoration du hall. Le Village Ados est également un temps fort du festival dont les adolescents peuvent s'emparer, autant dans sa conception que dans sa valorisation. Il s'agit d'une scène ouverte se déroulant le mercredi de la semaine de festival dans le jardin de la médiathèque de Vire. Les adolescents volontaires peuvent d'une part participer à sa préparation (fabrication de mobiliers, signalétique, ...) et d'autre part faire partie de la programmation (lecture de texte, chant, danse, ...) ou encore être présents pour les autres aspects organisationnels (placement du public, présentation de la programmation, ...).

Il est également important de souligner que le festival se structure en corrélation avec les établissements scolaires. L'équipe du Préau propose à l'ensemble des collèges et des lycées des alentours des journées parcours : les professeurs désireux d'y participer inscrivent leur classe soit à deux spectacles prenant place sur la même journée, soit à une représentation le matin et une activité artistique l'après-midi. Ces dernières sont imaginées et animées par divers partenaires de la ville de Vire: musée, MJC, conservatoire, cinéma, ... Les élèves d'une même classe ont alors le choix entre divers ateliers. L'objectif est que chacun puisse participer à une activité qui l'intéresse, tout en mélangeant les différentes classes et donc en favorisant la rencontre. « Lorsqu'on fournit le nombre de places aux profs, on leur donne un nombre de places limité. Si par exemple il y a un atelier danse avec dix places, on ne va pas proposer les dix places à une seule classe. On va proposer une place par classe différente comme ça il y aura dix personnes qui ne se connaissent pas dans l'atelier. Donc c'est aussi l'idée de rencontre et de partage qui nous intéresse »189.

187 BEAUCHAMP, Hélène. Le théâtre adolescent : Une pratique artistique d'affirmation. Montréal : les éditions Logiques, 1998. P23.

188 Ibid. P23.

189 DAVODEAU, Adèle et Enora THIVILLIER. Chargées des relations publiques au CDN Le Préau. Entretien en annexe 4 p 124.

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Bien que le point focal du festival reste le CDN Le Préau, il prend également place dans diverses structures de la ville et du Bocage190. S'y ajoutent les établissements scolaires dans lesquels le festival s'intègre. Un des temps forts dans lequel les adolescents peuvent s'investir sont les Befores. Comme l'indique son équivalent en anglais, ces temps ont lieu avant les spectacles du soir. Se déroulant dans l'enceinte des établissements scolaires, les formes que peuvent prendre ces temps sont multiples : restitutions d'ateliers faits l'après-midi ou durant l'année, représentations publiques, prise de parole un peu libre, ... Les Befores sont alors un autre temps fort du festival car ils permettent aux adolescents de s'emparer de leur lieu de travail quotidien en y proposant des actions diverses.

Le Préau propose donc bien durant le temps du festival A Vif, des projets dans le cadre scolaire mais aussi des actions permettant aux adolescents de s'engager volontairement. En se structurant ainsi, le festival interagit et prend place sur une grande partie des temps de la vie de l'adolescent : temps scolaires, extra-scolaires, ... En irriguant les classes et les établissements scolaires, le festival permet aux adolescents de s'emparer de leur lieu de travail. Proposer des actions dans le cadre scolaire peut éveiller la curiosité des adolescents et les amener à s'intéresser aux autres aspects du festival : projets hors-cadre scolaire, Journée Marathon191 du samedi, ...

Les publics adolescents soulèvent donc bien un double enjeu en se voyant proposer dans un même temps des projets dans le cadre scolaire et dans le cadre volontaire. Bien que les temps scolaire et extra-scolaire peuvent présenter des spécificités différentes, les besoins des adolescents et les enjeux de la gouvernance restent les mêmes. Cependant, proposer des projets associant les deux cadres peut avoir de nombreux bénéfices. En effet, c'est en multipliant les rencontres et en croisant les projets que les adolescents vont se sentir sollicités et que leur participation deviendra alors plus spontanée. Pour la dixième édition du Festival ADO, deux adolescentes ont écrit et prononcé le texte d'ouverture. Ces dernières avaient elles-mêmes formulé cette demande. Il est important de souligner qu'elles avaient participé auparavant à de multiples actions avec Le Préau, autant dans le cadre scolaire que volontaire et qu'elles avaient

190 Le bocage normand s'étend sur l'ensemble du flanc ouest de la région Basse Normandie.

191 Le samedi du festival, quatre spectacles sont proposés au sein du Préau. Il est alors possible de prendre un pass journée ou d'acheter ses places séparément.

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une bonne connaissance du fonctionnement du festival. Si elles ont osé formuler une telle demande c'est que leurs précédentes expériences au sein du Préau ont mis en évidence que l'équipe prenait en considération les envies des adolescents et qu'elles étaient légitimes à s'investir dans des actions.

Cette partie a donc soulevé plusieurs problématiques propres à la notion d'adolescence. Elle commença par mettre en évidence l'émergence de ce terme et les besoins de ces publics. S'y est ajouté l'articulation et la prise en compte des caractéristiques des adolescents lors de la conception des projets qui leur sont destinés. La deuxième sous-partie se focalisa davantage sur le secteur culturel et proposa une comparaison entre le Québec et la France en ce qui concerne la considération des publics adolescents au sein des programmations, des actions de médiation et des structures. Pour finir, la dernière sous-partie souleva un double enjeu que présente ces publics : les projets dans le cadre scolaire et ceux dans le cadre volontaire. Bien qu'ils puissent au premier abord sembler contradictoires, ces deux types de projets peuvent évoluer conjointement.

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2. La gouvernance et la démocratie participative en tant qu'enjeux contemporains

Les différents points précédemment développés peuvent devenir des outils de réflexions pour les professionnels désireux de mettre en place des projets avec des adolescents. Cette deuxième partie se devra de prolonger les questionnements soulevés durant la première. Pour cela, elle identifiera comment les enjeux de la gouvernance et de la démocratie participative s'intègrent et s'articulent dans les projets théâtraux en faveur des publics adolescents. Il est pertinent de rappeler que le partage de la gouvernance dépasse largement les actions de médiation. Au contraire, elle participe à une réflexion plus vaste en s'ancrant et en irriguant l'intégralité du projet d'une structure. D'ailleurs, force est de constater que de nombreuses actions192 impliquent les différents professionnels de la structure et pas seulement les médiateurs de celle-ci. En ce qui concerne ce travail de mémoire, c'est une volonté de m'attarder plus spécifiquement sur certaines actions. Toutefois, il est primordial de ne pas perdre de vue le projet artistique dans lequel elles s'inscrivent. La présente partie se découpera donc de la manière suivante : la première sous-partie présentera successivement les différents acteurs en interactions lors de ces projets. S'y ajoutera le positionnement que chacun peut adopter pour faciliter l'émergence du partage de la gouvernance lors des actions développées. La deuxième sous-partie se penchera quant à elle sur les quatre projets sélectionnés et exposera comment chacun parvient à intégrer les enjeux de démocratie participative. Pour finir, il importe de souligner que mettre en place des projets participatifs présentent des limites et mêmes certaines contraintes. L'objectif de la dernière sous-partie sera de les analyser pour permettre aux professionnels d'en être conscients et transparents envers les jeunes qu'ils accompagnent dans ces projets. Le but définitif serait, dans la mesure du possible, de parvenir à dépasser ces limites et ces contraintes.

2.1. La place des différents acteurs au sein de ces défis

Cette première sous-partie se propose donc de présenter et d'analyser le rôle des différents acteurs, qu'ils soient en interactions ou non, lors de ces projets. Leur positionnement et les échelles auxquelles ils appartiennent les uns et les autres sont multiples. Cette sous-partie se découpera donc comme suit :

192 Festival A Vif, les spectacles participatifs, ... Il est pertinent aussi de mentionner le projet Les Infiltrés mis en place par le THV et dont le directeur fut à l'initiative.

·

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Le rôle des adolescents : cet axe mettra en évidence que les projets participatifs permettent aux bénéficiaires de devenir acteurs de ces actions. Etant donné que cette étude adopte le point de vue des médiateurs et non des adolescents, mon souci sera de mettre en évidence comment les professionnels peuvent faciliter un tel positionnement de la part des participants.

· Le rôle des médiateurs : cet axe mettra en lumière la complémentarité des différents professionnels (médiateurs culturels, professeurs, animateurs, ...) et renforcera l'idée que ces différents corps de métier peuvent faire office de médiateurs. De ce fait, une co-construction des projets peut se montrer pertinente voire nécessaire.

· Le rôle des institutions : la nécessité de désacraliser ces structures sera alors abordée, tout en s'appuyant sur l'exemple du CDN Le Préau.

· Le rôle du département : responsable de la construction et de la rénovation des collèges, le département peut aussi avoir un rôle crucial au sein de ces enjeux. Cette dernière sous-partie s'appuiera alors sur le plan Grandir avec la culture.

2.1.1. Les adolescents : acteurs et non consommateurs

Durant les différents entretiens que j'ai eu l'occasion de mener, l'idée suivante est très régulièrement revenue : faire participer les publics permet de les rendre acteurs et par conséquent, les sortir du simple rôle de consommateurs. Il est pertinent de rappeler que cela fut souligner en première partie dans l'axe Les adolescents en tant qu'individus : les besoins et les spécificités de cette population. « Cela est d'autant plus flagrant aujourd'hui193. Moi je n'ai pas envie que les gens viennent consommer du spectacle. Ils viennent partager un moment, vivre un moment, échanger avec... ».194 Il semble important de préciser cette démarche et de comprendre ce qu'elle implique, autant pour les adultes engagés dans un projet que pour les adolescents concernés.

Pour commencer, il faut reprendre L'échelle de participation d'Arstein, outil présenté en introduction. Son objectif premier est d'identifier et d'alerter contre ce que Sherry Arstein nomme la « non-participation »195, s'apparentant donc à de la démagogie. Cependant, cet outil

193 Gurval Reto fait référence à la crise sanitaire liée au Covid 19 et à la fermeture des salles de spectacles.

194 RETO, Gurval. Directeur du THV. Entretien annexe 1 p 110.

195 S'oppose à la vraie participation. Sherry Arstein parle alors de manipulation.

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peut également permettre aux différents médiateurs d'évaluer leur action et donc de se poser des questions pertinentes en ce qui concerne la participation des publics adolescents : jusqu'où suis-je capable de lâcher-prise ? Jusqu'à quel stade suis-je capable et prêt à ce que le projet m'échappe ? En effet, être à l'initiative et mettre en place un projet participatif, c'est dans un premier temps dresser un cadre d'action. Je parle volontairement de cadre d'action et non seulement d'action, car le cadre sous-entend une certaine souplesse permettant aux bénéficiaires, n'étant pas à l'initiative du projet, de s'en emparer. « Si l'on dit à des gens : je vous propose une action, et bien par excellence je ne vous demande pas d'en être responsable.»196 Les projets participatifs doivent donc être, par essence, assez souples pour permettre aux participants de proposer eux même des actions et de participer activement à sa mise en place. Permettre à ces adolescents de devenir acteurs des projets demande donc une remise en cause et une prise de conscience de la part des médiateurs. Réussir à lâcher prise signifie que le projet n'aura peut-être pas la finalité attendue, qu'il ne partira pas dans la direction imaginée initialement. Il faut alors s'attendre à de potentielles digressions. Il est donc important, bien que cela puisse être difficile, de ne pas projeter sur ces publics nos désirs de médiation ou plus encore, les assommer avec les objectifs qui sont les nôtres. « C'est comme une grande échelle sur lequel on va plus ou moins se positionner et pour certains se positionner au barreau numéro deux c'est énorme et ils ont l'impression d'être dans une grande participation. Et d'autres vont être presque jusqu'au sommet de l'échelle. Et pour moi ce qui bloque c'est des personnes qui f...] vont se dire : ce n'est pas ce que je projetais, ce n'est pas ce que je pensais en terme de contenu. Ça peut venir bousculer des principes qu'on avait qui sont très forts et très ancrés. »197

En développant la partie sur les besoins propres aux adolescents, il fut souligné que la présence d'un adulte était obligatoire. Il doit accompagner, proposer mais surtout donner aux adolescents les moyens de réaliser leurs projets car les jeunes ne possèdent pas les outils que les différents médiateurs connaissent et ont déjà pu expérimenter : connaissances des différents financements, des personnes à contacter, des possibilités techniques, ... Lors de la rencontre professionnelle Projets participatifs par et pour les adolescent.e.s198 un jeune engagé dans le

196COUREL, Anne. Entretien annexe 2, p 112.

197 MONMEGE-GENESTE, Camille. Directrice du Labo des cultures. Entretien annexe 6, p 134.

198 Occitanie en scène. Rencontre Be Spectative. En trio, on participe : Projets participatifs par et pour les adolescent.e.s. Visioconférence. 31 mars 2021.

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projet Un après-midi avec George Romero à regarder mourir les dinosaures199 souligna que la participation des adolescents s'était mise en place très naturellement. C'est-à-dire que les professionnels référents du projet ont réussi à mettre place un cadre propice favorisant la prise de parole et la participation des adolescents. Cela met donc en lumière les deux idées qui viennent d'être développées ci-dessus : en dressant un cadre d'action, les médiateurs du projet se sont questionnés sur la place qu'ils souhaitaient attribuer aux adolescents. Ces derniers une fois engagés dans le projet, ont pu exprimer ce qu'ils avaient envie de faire et de valoriser. Les adultes référents purent donc ensuite, sans jamais imposer leur point de vue, les conseiller et leur proposer des « outils » pour faciliter la mise en place de leurs idées et créer un projet qui leur correspond.

Partir des envies des adolescents, de leurs référentiels et de leur culture reprend une nouvelle fois l'idée suivante : ces projets n'ont pas pour objectifs de contribuer à transformer ces jeunes en de fidèles spectateurs, ou alors de leur permettre d'accéder à « la culture ». J'entends par là une culture qui pourrait être qualifiée d'élitiste et qui se devrait d'être la même pour tous. « Il faut se dire que nos référentiels ne doivent pas devenir les leur, mais aussi comment je les imprègne de ma culture, et ils m'imprègnent de la leur»200. Les enfants comme les adolescents, lorsqu'ils s'engagent dans des projets, sont chargés d'une culture qui leur est propre. Ils se sont d'ores et déjà constitués un imaginaire, des références et revendiquent une appétence pour certains domaines. Leurs références sont donc à valoriser dans les projets et cette culture, qu'elle soit collective ou individuelle, est aussi légitime qu'une autre. De plus, coconstruire un projet avec des adolescents ne sous-entend pas qu'il est moins qualitatif qu'une autre action. Les choses en face, spectacle du collectif Lacavale présenté en première partie est un spectacle professionnel co-porté avec des adolescents. Rendre ces adolescents acteurs des projets consiste donc également à valoriser leur travail, leurs références et leurs cultures.

Plus encore, rendre le participant acteur d'un projet sous-entend qu'il sera amené à en comprendre les rouages et confronté aux potentielles difficultés. Les adolescents, à l'exception des classes spécialisées en art, ont une connaissance très partielle, voire nulle des métiers qui composent le secteur du spectacle vivant. Certains sont facilement identifiables : comédiens,

199 Projet mis en place et co-construit par la scène conventionnée Derrière le Hublot et le Collectif Balle Perdue.

200 MONMEGE-GENESTE, Camille. Directrice du Labo des cultures. Entretien annexe 6 p 134.

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metteurs en scène, éclairagistes, ... D'autres au contraire sont méconnus de ces publics car ils sont généralement moins visibles : programmateurs, médiateurs culturels, administrateurs, ... Avec la mise en place de son projet, Les infiltrés, Gurval Reto souhaite amener le groupe de pré-ados participants à se confronter à ces questions : Qu'est-ce que cela veut dire programmer ? Pour qui je le fais ? Quelle action de médiation je peux mettre en place ? Après avoir participé à Avignon, enfants à l'honneur201, mis en place par Scènes d'enfance-Assitej France202, le groupe d'enfants s'accordera et désignera lequel des spectacles auxquels ils ont assisté sera programmé au sein du THV lors de la saison suivante. Ils seront aussi impliqués et responsables des autres missions gravitant autour de la venue de la compagnie choisie : la rédaction des textes pour la plaquette avec la personne en charge de la communication, la mise en place de l'installation son et lumière avec le technicien, ... Devenir acteurs d'un projet implique donc d'amener ces publics à en comprendre les rouages ainsi que les difficultés, démarche assez rare dans les projets structurés entièrement en amont et servis clef en main aux bénéficiaires.

Le précèdent exemple me permet donc de faire une transition avec une autre idée : permettre à des adolescents de devenir acteurs au sein d'un projet c'est aussi les responsabiliser en leur permettant d'assumer leurs décisions. En effet, lors de ces projets, l'adolescent participe à la prise de décision et est amené à assumer ses choix. « On essaie de les impliquer totalement dans la prise de décision et d'assumer le choix d'un spectacle. Peut-être que demain certains de leurs camarades leur diront « je n'ai pas aimé » et oui, ça veut dire quoi « je n'ai pas aimé » ? ».203 Rendre les adolescents acteurs permet donc bien de les responsabiliser et de les amener à assumer leurs choix.

2.1.2. Les différents médiateurs : la nécessité de la co-construction

Comme souligné en introduction, une des thèses que je souhaite défendre à travers ce mémoire est la suivante : les professionnels de la culture ne sont pas les seuls à pouvoir faire office de médiateurs. Professeurs, animateurs socioculturels, éducateurs peuvent également revêtir cette fonction. J'entends ici que leurs fonctions sont complémentaires et que la médiation peut être vue comme un objet transversal. « En fait un éducateur est autant un médiateur culturel qu'un

201 Initié en 2015 dans le cadre de la Belle Saison avec l'enfance et la jeunesse, ce projet réunit chaque année 500 enfants venus de toute la France durant trois jours au festival d'Avignon.

202 Association professionnelle du spectacle vivant jeune public.

203 RETO, Gurval Reto. Entretien annexe 1 p 109.

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chargé des relations publiques dans un théâtre. Ils font la même chose, ce n'est pas le médiateur qui va faire un pont. Ils ont des fonctions miroirs et complémentaires »204. Il y aurait donc un réel intérêt pour les professionnels du spectacle vivant à coconstruire des projets avec d'autres corps de métiers. Evidemment, force est de reconnaitre que les différentes entités inclues dans ce processus ne disposent pas toutes du même temps à consacrer à ce projet. S'y ajoutent des objectifs respectifs qui ne concordent pas forcément. Co-porter chaque projet serait alors une lourde tâche. L'un des médiateurs est donc régulièrement à la genèse de l'action. Mais en proposant des réunions régulières, en communiquant avec ses partenaires sur l'avancée du projet, le médiateur ayant impulsé cette action permet aux autres adultes référents de s'emparer du projet. Cela peut notamment permettre à chacun de formuler ses objectifs respectifs et ses envies afin d'essayer de les faire concorder pour qu'ils évoluent dans la même direction. « C'est à deux, même à trois avec l'artiste, que l'on va pouvoir coconstruire un projet cohérent. Ce qui marche c'est les projets qui ont été conçus, portés et imaginés dès le début par l'ensemble et ce qui ne marche pas c'est lorsque nous, médiateurs, on a un projet clef en main que l'on veut absolument que ça rentre dans notre cadre rond alors qu'eux, ont un carré. Alors que dès qu'on le construit en sur mesure et que chaque membre s'empare du projet et se sent co-médiateur du projet de A à Z, c'est là que ça fonctionne. »205

Dans les projets participatifs, notamment avec des adolescents, une co-construction peut s'avérer efficace, voire nécessaire. « Si à un moment on souhaite que le spectacle vivant entre dans [la] vie [du jeune], il faut que tout l'écosystème aille dans le même sens.»206 En effet, chaque entité incluse dans le projet dispose d'outils, de compétences et de connaissances qui lui sont propres. Alors que le médiateur culturel connait parfaitement la structure dans laquelle il travaille, le professeur de son côté côtoie ses élèves. Par exemple, il peut supposer quel adolescent est susceptible d'être un élément moteur du projet ou quel type d'action peut fonctionner avec cette classe. Mais le professeur peut à l'inverse exprimer le souhait d'acquérir des outils lui permettant de faire un lien pertinent entre l'action proposée et son cours. Il est donc réellement pertinent de travailler sur ces binômes. Dans le cadre du dispositif Grandir avec la culture, Le Grand T207 met en place différentes formations à destination des professeurs

204 MONMEGE-GENESTE, Camille. Directrice du Labo des cultures. Entretien annexe 6, p 130.

205 Ibid. p 134.

206 COUREL, Anne. Entretien annexe 2 p 114.

207 Le Grand T est principalement financé par le département de Loire-Atlantique et met en place de nombreuses actions en faveur des collégiens.

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en collèges. Chacune d'elle est menée par et avec les artistes d'un des spectacles auquel le professeur participant amènera sa classe. L'objectif est donc bien, comme soulève Jean-Claude Gal de reconnaitre le professeur en tant que médiateur : « Un professionnel du rapport avec les adolescents, compétent dans son domaine particulier, mais pas « omniscient » »208. Au-delà de la fonction du professeur, un des facteurs qui rend possible la co-construction est son appétence et son engagement dans ces actions. S'y ajoute parfois le projet de l'établissement scolaire qui peut lui-même aller dans ce sens.

Il faut également souligner que les artistes, qu'ils soient danseurs, comédiens, musiciens ou autres sont des spécialistes de leur discipline et que les formations qu'ils suivirent n'eurent pas pour vocation de les former à la mise en place d'actions de médiation. Leur connaissance des publics est donc extrêmement partielle. Bien que cela puisse paraitre limpide, force est de reconnaitre que les compagnies auxquelles il est demandé d'être attentives à ces enjeux de médiation sont de plus en plus nombreuses. Ainsi, Marie-Christine Bordeaux209 dans son texte La médiation culturelle dans les arts de la scène : avancées et résistances emploie le terme d'auto-médiation : « Je désigne par ce terme la médiation réalisée par les acteurs eux-mêmes à propos de leur création. Alors que la communication est confiée de bout en bout à des professionnels spécifiques, le temps de la rencontre avec des publics potentiels ou des publics déjà présents dans les salles est mis en place par les chargés de médiation mais pris en charge par les artistes. »210 Il faut souligner que ces derniers ne possèdent pas forcément les compétences en interne pour répondre à ces sollicitations de médiation. Le collectif Lacavale, compagnie que j'ai choisi d'analyser pour ce travail, s'avère être un contre-exemple car les artistes qui la composent manifestent depuis leur début une appétence pour les publics adolescents : Julie Ménard prit en charge durant plusieurs années des ateliers avec des enfants et des adolescents, plusieurs membres de l'équipe furent animateurs jeunesse, ... En plus de valoriser à juste titre leur travail, ces expériences diverses ont apporté au collectif Lacavale une réelle connaissance de ce public. Cependant, les compagnies du spectacle vivant ne disposent

208GAL, Jean-Claude. Un théâtre et des adolescents. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise Pascal, Service Universités Culture, 2006. Parcours Pluriels. P48.

209 Chercheuse au Gresec, maitre de conférence et chargée de mission pour la culture et la culture scientifique à l'Université de Grenoble.

210 BORDEAUX, Marie-Christine. La médiation culturelle dans les arts de la scène : avancées et résistances. In Fanny Serain, François Vaisse, Patrice Chazottes, Elisabeth Caillet (dir). La médiation culturelle, cinquième roue du carrosse ? , 2016, Paris : L'Harmattan (collection Patrimoines et sociétés). P134.

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pas toutes de cette expertise et des compétences relatives aux médiateurs culturels, aux animateurs ou même aux éducateurs. « Les artistes ne peuvent pas tout faire, c'est aussi pour cela qu'il faut des médiateurs. [...] C'est tellement un énorme boulot qu'il faut forcément une alliance, des gens qui rendent possible la rencontre, qui la suivent, qui la prolongent, qui soient très ouverts et performants au moment de la rencontre. Il faut un monde fou pour que ça marche tout cela. On ne peut pas demander aux artistes de tout faire. »211

Coconstruire un projet permet également de croiser et de multiplier les regards. S'y ajoute la possibilité de se requestionner sur ses pratiques respectives. Le médiateur culturel est par essence convaincu de la nécessité de son poste. Proposer des actions à des publics qui peuvent être éloignés des lieux de culture lui semble donc évident. Pourtant, éducateurs, professeurs, animateurs peuvent être dans d'autres réalités. Croiser les regards semble alors pertinent car cela permet d'entendre le point de vue de chaque entité et de comprendre dans quelle réalité elle évolue, quels sont ses objectifs et ses priorités. De plus, la co-construction permet de se questionner sur le vocabulaire utilisé souvent spécifique à chaque secteur. Les mots « résidences »212 ou encore « processus de création »213 sont fréquemment utilisés par les professionnels des secteurs du spectacle vivant et de la culture. Cependant, force est de reconnaitre qu'ils n'évoquent rien pour d'autres corps de métier. « Il faut se former ensemble , apprendre à se connaitre, à avoir un vocabulaire commun, à bien dessiner un projet avec les disponibilités des uns et des autres»214.

Cette partie a donc souligné que l'intersectorialité était pertinente dans la construction de projet participatif avec des adolescents. Co-porter des projets avec des corps de métiers n'ayant, en temps normal, par forcément l'occasion de travailler ensemble s'avère intéressant. Bien entendu, il est important de préciser que cette analyse est encore assez théorique voire utopique. Ce fut une volonté de mettre en lumière des éléments pouvant être utiles voire décisifs dans une bonne co-construction. Cependant, il faut souligner que la co-construction est souvent liée à une question de personne. En effet, elle repose énormément sur l'engagement et la capacité à travailler ensemble des différents partenaires.

211 COUREL, Anne. Entretien annexe 2 p 114.

212 Désigne un laps de temps où un artiste ou un collectif d'artiste est accueilli dans un endroit dédié afin de créer ou de mettre au point un futur travail : écriture, spectacle, tableaux, ...

213 Désignant l'intégralité des étapes permettant de mettre au point une oeuvre.

214 MONMEGE-GENESTE, Camille. Directrice du Labo des cultures. Entretien annexe 6 p 134.

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2.1.3. Les institutions : un besoin de désacralisation

Depuis le début de ma réflexion, j'ai formulé une volonté de me pencher sur la place des institutions dans le partage de la gouvernance. C'est ainsi que j'ai pu déceler et identifier un besoin de désacralisation215 irrigué par un désir de démocratisation culturelle. Lors des réunions que le Théâtre Dunois a menées durant l'année 2017, il fut soulevé qu'une communication et qu'une action de médiation pertinente n'était pas suffisantes pour susciter l'envie et la curiosité des adolescents216. Ouvrir les lieux culturels en dehors des programmations peut permettre à ces publics de les découvrir librement et de se réapproprier ces espaces. La première partie a mis en évidence que la continuité et le désir de conservation des institutions culturelles était l'une des caractéristiques de la politique culturelle française et que les publics adolescents sont peu demandeurs voire parfois réticents au fait d'aller dans une institution culturelle. C'est en 1973 que Francis Jeanson217 théorisa la notion de « non-public »218 qui est « même assez contesté aujourd'hui, dans la mesure où elle a pour conséquence de faire porter le poids de la « faute culturelle » sur les individus absents des lieux institutionnels de culture »219. En effet, de nombreux adolescents ne perçoivent ces institutions qu'à travers les clichés qu'elles véhiculent. De fait, ces publics ont régulièrement été considérés comme des « non-publics ». Pourtant force est de constater que les adolescents multiplient les activités culturelles mais l'essentiel de ces pratiques se déroule dans le cadre privé.

Si les structures culturelles souhaitent mobiliser et sensibiliser ces publics, il semble pertinent de s'interroger sur la logique de construction et le type de gouvernance qu'elles affirment. C'est donc à ces dernières de se questionner sur l'image qu'elles souhaitent véhiculer et la place qu'elles veulent attribuer aux différents publics. « Moi je travaillais pour le TNBA220. Souvent on disait : « c'est le théâtre de la cité, il appartient à tous ». Sauf qu'il appartient à tous mais finalement qui est ce qui décide de ce qu'il y a dans ce TNBA, qui le dirige et qui choisit les

215 Dépouiller quelque chose de son côté sacré.

216 Théâtre Dunois. Comment donner envie aux publics adolescents de se rendre dans une institution culturelle par eux-mêmes ? Compte-rendu de réunions des chargés des relations publiques, 2017. Première réunion datant du 16/01/2017. P1.

217 Philosophe français.

218 « [U]ne immensité humaine composée de tous ceux qui n'ont aucun accès ni aucune chance d'accéder prochainement au phénomène culturel. » Issu de : JEANSON, Francis. L'action culturelle dans la cité. Seuil, 1973.

219 BORDEAUX, Marie-Christine. Il n'y a pas de public spécifique. In Françoise Liot (dir). Projets culturel et participation citoyenne. Le rôle de la médiation et de l'animation en question, 2010, Paris : l'Harmattan. Animation et territoires. 2010. P38.

220 Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine.

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projets et les spectacles ? Ce sont des experts qui ont été labellisés comme ayant une expertise pour programmer ce qui se passe à l'intérieur. Et les gens n'ont pas de pouvoir pour dire ce qui se passe à l'intérieur et n'ont pas d'espace pour s'exprimer et pour changer les directions que pourrait avoir un théâtre ».221

Pour nous questionner sur cette logique de construction et sur le besoin de désacralisation de la part des institutions, et plus spécifiquement des théâtres, j'ai choisi de m'appuyer sur l'exemple du Préau. Ce CDN a comme caractéristique de partager son hall avec un cinéma. Cette particularité favorise l'ouverture de la structure en journée et permet aux publics d'accéder au hall en dehors de la programmation du théâtre. A l'image du nom qu'il porte, Le Préau est devenu un réel foyer collectif où les jeunes des établissements scolaires voisins viennent en journée pour profiter de l'espace bar, du piano mis à disposition, des expositions dans les coursives, ... « L'idée c'était vraiment ça : les ados venaient au Préau pas dans l'idée que c'est un théâtre mais parce que c'est sympa [...] c'était l'endroit où tu retrouvais tout le monde. Ils ne se rendaient pas forcément compte qu'ils étaient dans un théâtre donc il y avait tout un travail de l'équipe sur comment utiliser cette présence-là. La plupart des lieux communiquent mais n'ont pas ce public-là dans le hall. Au Préau c'était différent, il y avait ce public dans le hall mais il était indifférent à l'objet théâtral ».222 Devenu un espace de cohabitation entre adolescents et professionnels, ce CDN s'avère être un espace familier pour ces jeunes. Sous l'ancienne direction, Pascal Banning, alors responsable de l'équipe des relations publiques, mettait en place ce qu'il qualifiait de « médiation directe » : il discutait avec les adolescents présents, les amenait voir des répétitions, leur montrait les coulisses, ...

Ouvrir les institutions en dehors des programmations est bien l'un des facteurs pouvant permettre aux institutions de désacraliser l'image qu'elles véhiculent. Cela illustre également que les institutions n'ont pas comme objectif premier de faire accéder chaque public à une culture élitiste et universelle. Elles doivent au contraire, comprendre et valoriser les envies de chacun des différents publics en leur proposant des actions adaptées à leurs besoins. De plus, en permettant à ces adolescents d'accéder continuellement au hall, l'équipe de ce CDN a favorisé la mise en place d'une relation pérenne entre ces publics et les adultes qui y travaillent.

221 MONMEGE-GENESTE, Camille. Directrice du Labo des cultures. Entretien annexe 6 p 131.

222 BODEREAU, Solène. Anciennement chargée des relations publiques au CDN Le Préau. Entretien annexe 5 p 126.

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Dans la même lignée, Lucie Berelowitsch désire elle aussi instaurer une relation privilégiée entre ces adolescents et l'équipe artistique. Elle a également identifié que ce hall pouvait être un espace propice pour favoriser la rencontre entre ces deux entités. « C'est une volonté aussi de Lucie Berelowitsch d'intégrer ces ados, que ce ne soit pas seulement une salle de permanence, une annexe à l'établissement scolaire mais que ce soit des jeunes qui se rendent compte qu'ils sont dans un théâtre aussi et qu'ils peuvent faire vivre ce lieu en dépassant ce côté accueil».223 L'équipe actuelle aimerait notamment profiter de cet espace pour mettre en place en amont du festival A Vif, un stand animé par les membres de l'équipe des relations publiques. Ce dernier aurait pour objectif d'informer et de sensibiliser les jeunes à cet événement. « Cà s'inscrit dans de la médiation directe mais assez informelle aussi. S'ils n'ont pas envie de parler du festival mais juste d'échanger, et de créer du lien c'est aussi çà.»224 C'est donc une volonté de l'équipe actuelle de pérenniser la relation entre adolescents et adultes, illustrée ici par cet exemple de médiation In situ.

L'exemple du Préau est donc révélateur car il met en lumière l'intérêt que peuvent avoir les institutions à se questionner sur l'image qu'elles véhiculent. Plus encore, il souligne que lorsque les adolescents se sentent invités à investir les institutions, ils sont capables assez naturellement de s'approprier par eux-mêmes des espaces et des projets.

2.1.4. La place du département : l'articulation de son rôle au sein de ces

enjeux

« Quand on est dans la posture de celui qui coordonne les dispositifs, que ce soit à l'échelle d'un établissement scolaire, d'un bassin de formation, d'un département, d'une académie et plus encore, on est plus dans l'émotion première de la création avec des jeunes et des artistes, pas non plus dans la vanité d'un deus ex machina, d'un marionnettiste qui détiendrait toutes les ficelles par l'éphémère pouvoir de budgets à répartir, on est dans la recherche d'une co-construction permanente, avec les services de l'Etat, les collectivités territoriales et les partenaires associatifs pour l'équité des parcours d'éducation artistique et culturelle qui pourront être proposés aux jeunes des territoires dont on a la charge »225

223 DAVODEAU, Adèle et Enora THIVILLIER. Chargées des relations publiques au CDN Le Préau. Entretien annexe 4 p 121.

224 Ibid. p 225.

225 PEREZ, Andrée. IN : GAL, Jean-Claude. Un théâtre et des adolescents, Tome 2. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise Pascal, Service Universités Culture, 2019. Parcours Pluriels. P41.

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Dans Un théâtre et des adolescents tome 2, c'est ainsi qu'Andrée Perez, cheffe d'un établissement scolaire qualifie la responsabilité des différents professionnels coordonnant les dispositifs. Pour clôturer cette partie portant sur les différents acteurs, j'aimerais me pencher sur le département et la place qu'il peut occuper au sein de ces enjeux. Afin de m'aider dans mon analyse, je m'appuierai sur celui de Loire-Atlantique et plus spécifiquement sur le dispositif Grandir avec la culture. Rédiger une partie sur cet acteur peut sembler surprenant, car le département agit à une toute autre échelle que ceux précédemment présentés. Contrairement aux médiateurs, les responsables des dispositifs départementaux n'ont pas la possibilité d'interagir avec les publics adolescents. Cependant, comme souligné par Andrée Perez ci-dessus, mettre en place des dispositifs demande de comprendre les besoins des différents acteurs et des publics bénéficiaires dans l'optique de leur proposer des actions pertinentes. En effet, il est possible d'identifier un écueil dans le sens où l'influence des différents financeurs est souvent oubliée dans les réflexions sur la co-construction et le partage de la gouvernance. Cependant, elle est considérable car elle a des répercussions sur les projets globaux, les cahiers des charges et les actions des structures. Inscrire une analyse du département dans mon mémoire contribue donc à développer une vision plus large de l'articulation des enjeux du partage de la gouvernance.

Il est important de souligner qu'à partir de 2015, la loi NOtre226 supprima la clause de compétences générales227 des départements. C'est-à-dire que depuis cette date, la culture est incluse dans le champ des compétences qu'il partage avec les communes et les régions. Cependant, en ce qui concerne l'éducation, les collèges228 font parties des compétences obligatoires du département. Les élèves compris entre la sixième et la troisième constituent l'intégralité de la tranche d'âge à laquelle s'intéresse ce travail. Favoriser l'accès des collégiens à la culture s'avère être depuis plusieurs années au coeur du projet du département de Loire-Atlantique. Sur le plan scolaire229, cette volonté se traduit à travers le plan Grandir avec la culture. Bien que la Loire-Atlantique ne soit pas le seul département à disposer d'un plan en faveur de l'éducation artistique et culturelle, force est de constater mais le sien est particulièrement bien structuré. S'y ajoutent de nombreux partenariats avec de grandes têtes de

226 Loi du 7 août 2015. Nouvelle organisation territoriale de la République.

227 Accordant aux départements une large capacité à justifier leur décisions et à intervenir sur de nombreux domaines.

228 Construction, entretien, ...

229 Sur les temps extra-scolaires, le département soutient d'autres actions notamment avec Le plan départemental des enseignements et pratiques artistiques en amateur.

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réseaux : Le Grand T, le VIP230, ... « Grandir avec la culture c'est vraiment un dispositif qui est très connu et qui irrigue tous les collèges de Loire-Atlantique. »231 Depuis 2006, ce dispositif propose des offres gratuites d'EAC. Ces dernières sont généralement à destination des collégiens mais certaines, dans l'optique de répondre aux mieux aux différents besoins, s'élargissent à d'autres établissement scolaires232.

« Aujourd'hui on est dans un plan 2018-2022 et notre collectivité se questionne, tout comme vous, sur la participation citoyenne et comment l'adolescent, les collégiens, les collégiennes pourraient mieux participer à nos dispositifs EAC. Cette question, elle s'est posée par Perrine Châtelet233. »234 En effet, en novembre 2019, un document recensant les objectifs de Mon parcours collège, démarche initiée par Perrine Chatelet, parut à la suite d'une concertation lancée en janvier de la même année. Un questionnaire en ligne permettait alors aux collégiens de Loire-Atlantique et à leurs parents de mentionner les manques et leurs attentes relatives à leur parcours entre la 6ème et la 3ème. L'objectif était non seulement de comprendre les besoins et les attentes de ces publics, mais aussi de se questionner sur comment le département et les structures partenaires pouvaient y répondre. Dans le bilan de cette étude, la culture constitue l'un des quatre grands thèmes sur lesquels le département s'interroge. Cette démarche mit également en lumière que les collégiens aspiraient à la mise en place de dispositifs moins verticaux et professoraux. « Renforcer les modalités d'implication des collègien.ne.s dans les actions qui leur sont destinées, en les associant à leur conception et à leur évaluation »235 fait partie des objectifs inclus dans l'axe 5 de ce dossier : poursuivre la démarche participative. Dans cette optique, Edith Coutant236 se questionne actuellement sur le plan 2022-2026 de Grandir avec la culture. C'est lors de notre entretien qu'elle m'exprima sa volonté de multiplier les projets participatifs à destination de ces publics. « Il faut qu'on travaille à quel stade ils [les adolescents] sont associés : à un stade d'information, de consultation, de décision... C'est important de pas se leurrer et d'embarquer dans un faux participatif des élèves. »237

230 Scène de musiques actuelles de Saint-Nazaire.

231 COUTANT, Edith. Entretien annexe 8 p 140.

232 Lycées, écoles primaire, ...

233 Chargée du projet éducatif départemental

234 Ibid. P140.

235 Dir. Châtelet Perrine. Mon Parcours collège. Le projet éducatif départemental. Un engagement du département Loire-Atlantique. Novembre 2019. P11.

236 Chargée de l'éducation artistique et culturelle en Loire-Atlantique.

237 COUTANT, Edith. Entretien annexe 8 p 141.

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Des projets incluant les enjeux de la participation commencent progressivement à être imaginés. Deux furent mentionnés durant notre entretien :

· Participation des collèges aux 1% artistiques238

· En cour(s) d'utopies239.

Le département a donc bien un rôle à jouer dans les projets participatifs à destination des adolescents et peut même devenir un soutien pour les autres professionnels désireux de travailler avec ces publics. Les différents niveaux dialoguent entre eux et les enjeux du partage de la gouvernance s'y croisent. Une co-construction entre financeurs et financés pourrait donc être possible mais s'articulerait différemment que celles proposées dans l'axe Les différents médiateurs : la nécessité de la co-construction.

Cette partie a donc présenté et analysé la place des différents acteurs au sein des projets participatifs à destination des adolescents. L'objectif des divers professionnels lors de la mise en place d'actions de ce type est de permettre aux publics bénéficiaires de devenir acteurs des projets. Les médiateurs, qu'ils soient issus de la culture ou du social, gagnent à échanger et à travailler ensemble afin de mettre en place des projets pertinents. D'un autre côté, les institutions sont garantes de l'image qu'elles véhiculent auprès des jeunes. Ouvrir ces structures en dehors des horaires de la programmation peut permettre aux différents publics de s'y intéresser et de s'approprier les espaces. Pour finir, le dernier axe a souligné que le département avait lui aussi un rôle à jouer dans les enjeux de participation au sein des projets à destination des collégiens.

2.2. L'articulation des enjeux du partage de la

gouvernance avec les adolescents dans des projets qui leurs sont destinés.

Après avoir présenté les différents acteurs mobilisés lors des projets participatifs avec des adolescents, cette sous-partie sera dédiée à analyser comment les enjeux du partage de la gouvernance s'y développe. Pour cela, elle s'appuiera sur les quatre actions sélectionnées et

238 Des représentants des élèves seront invités à participer aux comités artistiques dans le but de co-construire le cahier des charges et déterminer, à partir des projets auditionnés, l'artiste ou l'équipe artistique qui sera sélectionné.

239 Démarche basée sur une réflexion et une conception participative mêlant des élèves de 6ème et de 3ème d'un même établissement.

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exposées en première partie. Les projets participatifs avec des adolescents se mettent en place sous des formes multiples : festivals, spectacles participatifs, conseils des jeunes, ambassadeurs jeunes au sein des structures, ... En réalité, il n'existe pas d'outil type ou même de démarche idéale pour intégrer des adolescents dans la conception des différents projets. La mise en place et la réussite de ces projets résident dans le rapport que les professionnels souhaitent instaurer avec les adolescents et la place qu'ils leur dédient au sein des projets. Cependant, force est de constater que certaines tendances se dégagent. En effet, il est possible de retrouver des similitudes entre les différents projets participatifs. Mon souci sera donc de mettre en évidence ces aspects favorisant la mise en place du partage de la gouvernance. Ils seront largement étayés par les quatre projets sélectionnés.

2.2.1. Repenser la relation entre adultes et adolescents

Tout d'abord, il me semble pertinent de repenser la relation entre adultes et adolescents durant les projets à destination de ces publics. Aspirer à plus d'horizontalité semble être un aspect primordial voire un facteur de réussite au sein des projets participatifs. En effet, les professionnels que j'ai pu rencontrer et les divers ouvrages que j'ai eu l'occasion de lire mettaient largement cela en évidence. « Avec un adolescent, il faut être encore plus complice qu'avec un comédien professionnel car, au moment où il « s'oublie », où il s'abandonne vraiment à son personnage, son investissement est d'une intensité unique. »240 Pour illustrer cet aspect, j'aimerais me pencher sur l'exemple du collectif Lacavale. Bien évidemment, ils ne sont pas les seuls professionnels à repenser cette relation mais les outils qu'ils utilisent sont, à mon sens, particulièrement inspirants. A la suite de nombreuses années à côtoyer ce public, les membres du collectif Lacavale sont arrivés au constat suivant : la parole des adolescents continue à être mise en doute et la prise en considération de leurs avis reste partiel. Ce sont les adultes qui régissent et gouvernent leur vie et rares sont les occasions qui permettent un dialogue « d'égal à égal » entre ces deux entités. « Il nous semble aussi nécessaire d'écouter ce que les jeunes ont à dire. De les prendre au sérieux, de les stimuler et de les accompagner dans la prise de la parole. Le monde qui se dessine pour les ados est inquiétant : les réformes scolaires, l'état de la planète, la précarité du travail. Les ados d'aujourd'hui sont loin d'être insensibles à ces questions et nous considérons Les choses en face comme un moyen de faire

240 GAL, Jean-Claude. Un théâtre et des adolescents. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise Pascal, Service Universités Culture, 2006. Parcours Pluriels. P38.

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entendre leurs voix, leurs cris, leurs colères, leurs espoirs et leurs croyances. »241 Ce fut donc une volonté, de la part des artistes du collectif, d'engager réellement des adolescents sur leurs projets et de leur permettre de s'exprimer sur des sujets d'ordre social et politique : les violences conjugales, le racisme, le terrorisme, ... Leur volonté était la suivante : ne pas laisser les adultes s'exprimer à la place de ces jeunes.

En ce qui concerne la relation qu'entretiennent adolescents et adultes, il est important de souligner que les participants ne sont pas seulement des comédiens-exécutants au service de la mise en scène des artistes. Au contraire, le collectif tente d'engager pleinement les adolescents dans le processus de création. C'est donc une volonté que de leur transmettre des outils, de les former sur des aspects techniques : prise de son, montage vidéos, mise en scène, ... Les différentes versions des Choses en face ont donc permis aux jeunes participants d'entrer et de s'approprier le processus de création d'une production, et à l'inverse, au collectif de se nourrir de la pertinence des réflexions des adolescents. Il est également important de noter que durant les temps de débats et de recherches, les artistes du collectif se livrent autant que les adolescents sur les sujets traités : ils expriment aux jeunes leurs doutes, leurs questionnements... La prise de décision est donc commune et n'est pas subie par les adolescents. Montrer aux participants que leurs voix et leurs idées ont de la valeur est donc extrêmement important lorsqu'ils sont engagés dans un projet.

Lors de la première rencontre avec les jeunes, les membres du collectif ont également instauré un temps d'échange individuel filmé avec chaque adolescent. « Déjà on va toujours interviewer chaque adolescent individuellement. C'est toujours en parallèle. C'est-à-dire qu'il y a le groupe qui est souvent avec Chloé et Julie qui viennent vraiment du théâtre. Et en parallèle on va s'entretenir avec un jeune durant trente minutes. A la fois, une partie de l'équipe rencontre un groupe et commence à fabriquer un truc en groupe avec eux. Et nous individuellement on fabrique un autre truc. »242 Si j'ai souhaité mentionner et même souligner ce point, c'est qu'il m'a paru particulièrement innovant. D'une part, les membres du collectif parviennent à constituer un nouveau groupe et dans un même temps, commence à instaurer une relation privilégiée avec chaque participant. Cet aspect, assez rare pour être mentionné, favorise la mise

241 DROUET, Nicolas, D'HEYGERE, Antoine, MARION, Erwan, MENARD, Julie. PUEYO, Clara-Luce et Chloé SIMONNEAU. Les choses en face. Projet artistique. Collectif Lacavale. Théâtre documentaire & participatif. Le Préau CDR. P7.

242 DROUET, Nicolas. Collectif Lacavale. Entretien annexe 3 p 119.

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en place d'une relation horizontale avec l'adolescent. Ce dernier commence, dès la genèse du projet, à se sentir en confiance avec les artistes référents et à se construire des souvenirs individuels avec eux. Dans le premier tome d' Un théâtre et des adolescents, Jean-Claude Gal fait part au lecteur de sa volonté de consacrer des moments individuellement avec les différents adolescents engagés dans ses projets. Il était conscient que cet aspect renforcerait la relation qu'il entretenait avec chacun d'eux et lui permettrait d'identifier leurs besoins et leurs envies respectifs. Cependant, le temps lui manquait pour consacrer des moments privilégiés à chacun. C'est donc en multipliant le nombre d'adultes référents sur Les choses en face que le collectif Lacavale peut mettre en place ces rencontres individuelles avec les participants. Elles contribuent entre autre à renforcer la relation entre adultes et adolescents et à la pérenniser. Il est pertinent de rappeler que lors des projets à destination des adolescents, la construction du groupe est primordiale. Le jeune participant revendique le besoin de se sentir appartenir au groupe, mais dans un même temps souhaite être identifié en tant d'individu à part entière par les adultes du projet et les autres adolescents. La relation entre adultes et adolescents instaurée par le collectif est bien l'un des facteurs qui a favorisé la mise en place des enjeux de la gouvernance et de la démocratie participative au sein de ce projet.

2.2.2. Responsabiliser les adolescents

Un autre facteur important pouvant favoriser la réussite d'un projet participatif est la responsabilisation des participants. Force est de constater que ce point résonne forcément avec le paragraphe ci-dessus mais également avec la sous-partie les adolescents : acteurs et non consommateurs. Cependant, les différents projets sélectionnés proposent également des pistes de réflexions dont il est possible de s'inspirer pour un potentiel futur projet. Si je me tourne une nouvelle fois vers l'exemple du collectif Lacavale, je peux constater que mobiliser des adolescents sur des sujets de sociétés contribue à les responsabiliser.

« Pour Les choses en face 2, on avait interviewé la présidente des femmes maliennes du quartier dans lequel on était et donc elle nous parle de pleins de trucs super intéressants sur la place des femmes, [...] Et là l'interview finit par une remarque extrêmement homophobe de sa part. [...] Mais face à cela les jeunes assurent, ils sont outrés mais toujours dans l'échange, la discussion. Sauf qu'après nous on se dit : on fait un spectacle qui va être diffusé dans différents endroits [...]. Alors qu'est-ce qu'on fait de cette parole ? Qu'est-ce qu'on a envie de montrer ?

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Et çà, çà a été en discussion avec les jeunes et c'est le genre de moment qui les responsabilise »243.

Cet exemple mis en lumière par Nicolas Drouet souligne que les adolescents sont autant exposés que les adultes au racisme, aux violences, au terrorisme ainsi qu'à d'autres sujets de société. Le nier peut indéniablement déresponsabiliser ces publics. En intégrant les adolescents lors de ce temps de parole, les membres du collectif leur indiquent qu'ils ont eux aussi une responsabilité face à ces sujets et qu'ils peuvent émettre un avis.

Pour terminer avec l'exemple de ce collectif, accueillir au sein des projets des adolescents d'âges divers (entre 11 et 17 ans) peut générer la possibilité suivante : responsabiliser les participants plus âgés vis-à-vis des plus jeunes. Les plus grands peuvent aider sur certains aspects, et à l'inverse, les plus petits s'inspirer de l'expérience des plus âgés. Les membres du collectif s'appuient donc sur les plus âgés et mettent en place des binômes mélangeant les différentes tranches d'âges.

En ce qui concerne l'association Comète, c'est une volonté de pérenniser les printemps hébergés244. C'est-à-dire que l'ensemble des participants et leurs professeurs sont logés sur place, en auberge de jeunesse ou au camping. « C'est aussi une expérience de vie pour les élèves. [...] Et puis une expérience de vie collective avec une certaine liberté vu qu'ils doivent aller d'un lieu à l'autre : le lieu de l'atelier à la cantine, à Athanor à pied entre eux,... Ils s'organisent. [...] Les collégiens qui vivent ces printemps grandissent parce qu'ils font du théâtre, parce qu'ils en voient, et parce qu'ils ont plus d'autonomie. »245 Bien que ce point ne soit pas directement lié aux enjeux de gouvernance, force est de constater qu'il favorise la responsabilisation des élèves, indispensable pour les engager par la suite dans un processus de participation. Qu'ils soient inclus ou qu'ils clôturent un projet, les voyages solidifient grandement le groupe d'adolescents. En les coupant durant quelques jours de leur quotidien et de leur famille, ces expériences favorisent la rencontre entre les adolescents. S'y ajoute la

243 Ibid. p 120.

244 Les printemps hébergés furent impulsés par l'association Vents et Marées. Plusieurs associations ne mettent plus en place ces hébergements.

245 LE MOULLEC, Catherine. Comète. Entretien annexe 7 p 137.

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création de souvenirs. Le metteur en scène Wajdi Mouawad246 avait d'ailleurs élaboré et pensé son projet Avoir 20 ans en 2015247 autour de différents voyages avec les jeunes participants.

Pour finir avec cette notion, j'aimerais me tourner vers le projet Ce soir, je sors mon prof. Lorsque des élèves se retrouvent contraints d'aller au théâtre dans le cadre scolaire, il peut arriver qu'ils apprécient peu voire pas du tout la représentation. Etant donné que cette dernière est généralement choisie par l'enseignant, les élèves déclinent, à juste titre, toute forme de responsabilité en ce qui concerne le choix de la représentation. A l'inverse, dans le projet Ce soir, je sors mon prof, les élèves ont eux-mêmes sélectionné le spectacle auquel ils souhaitaient assister. C'est-à-dire que si ce dernier ne leur plait pas, ils ne pourront pas rejeter la faute sur le professeur car ils seront garants d'un tel choix. Ils devront alors l'assumer et ne pourront pas décliner leur responsabilité.

Cet axe a donc souligné la nécessité de responsabiliser les adolescents lors des projets. Bien que la partie sur les adolescents acteurs, avait d'ores et déjà abordé cet aspect, le paragraphe ci-dessus a pu l'étayer en s'appuyant sur les projets sélectionnés.

2.2.3. Mettre en place des temps spécifiques

J'ai également pu constater que diverses actions mettaient en place des temps et des espaces pleinement dédiés à la participation des adolescents. En effet, certains projets sélectionnés ou recensés n'intègrent pas dans leur ensemble les enjeux liés à la gouvernance et à la démocratie participative. C'est notamment le cas des Printemps théâtraux. En effet, ces projets peuvent sembler, au premier abord, hors-sujet car la conception et la structuration du festival sont entièrement pensées par des adultes et non par des adolescents. Il est donc indéniable que la participation des élèves au sein des Printemps théâtraux est plus partielle que dans d'autres projets. Cependant, force est de constater que les différentes journées du festival sont ponctuées par divers temps plus souples et informels. C'est-à-dire des moments où les adultes référents n'imposent ou ne proposent pas d'activités : les élèves ont la possibilité de se balader dans la ville, de se rencontrer... Inscrire des temps informels dans la journée de l'adolescent est, comme mentionné en première partie, extrêmement important dans la construction identitaire de ces publics. S'ajoutent aux journées de ce festival d'autres moments que Catherine Le Moullec

246 Homme de théâtre français, dirigeant le Théâtre national de la Colline (Paris) depuis 2016.

247 Ce projet qui se déroula de 2011 à 2015 mobilisa 50 adolescents de cinq villes francophones. Il fut rythmé par un voyage chaque année au mois de juillet.

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qualifie de « temps spécifiques ». « C'est des temps de pratique [...] on essaie de les mettre le plus possible en groupe pour créer quelque chose par exemple tout seul pour rendre compte de la journée [...]. Parfois dans Les Printemps des lycéens, c'est les lycéens qui viennent nous demander : on aimerait faire ça entre deux spectacles. Donc oui quand on voit qu'ils sont à l'initiative de quelque chose on se dit super.»248 L'équipe organisatrice est donc extrêmement vigilante à laisser des temps plus souples aux élèves afin de développer la prise de décisions et les initiatives.

Bien que sur de nombreux aspects Les printemps théâtraux n'intègrent pas les enjeux de la gouvernance et de la participation des élèves, ce fut une volonté de m'appuyer sur cet exemple. En effet, il démontre qu'il est possible dans divers projets d'instaurer des temps de paroles, des moments que les élèves peuvent organiser, ... Sans pour autant digresser et remettre en cause la structuration du festival, les adultes référents du projet sont attentifs à ces aspects. C'est une volonté de leur part que les adolescents s'emparent de ces Printemps selon leurs envies.

En ce qui concerne le festival A Vif, il est perçu par Lucie Berelowitsch comme une opportunité pour renforcer les temps participatifs et le partage de la gouvernance avec les adolescents. « Le Festival ADO peut être un formidable outil pour leur donner la parole et un cadre pour s'exprimer, en leur permettant d'être acteurs, au centre de temps de rencontres, de confrontations à d'autres adolescents, adultes et artistes, et à d'autres disciplines. Il peut leur offrir une sortie hors du prisme pédagogique, la possibilité de s'affranchir de la position d'élèves, d'inventer, participer, créer ».249 Pour cela, elle choisit de renforcer les actions donnant la possibilité à ces publics de s'investir et en propose de nouvelles :

· Mise en place d'un jury des lycéens : des adolescents choisiront certaines pièces qu'ils souhaiteraient programmer au Préau durant le festival.

· Ouverture des outils numériques aux adolescents : partage des réseaux sociaux avec les jeunes, rédaction du contenu du site internet, ...

· Mise en place d'un groupe d'ambassadeurs d'adolescents : communication auprès d'autres jeunes, accompagnement des artistes, ...

248 Ibid. p 138.

249 BERELOWITSCH, Lucie. Projet artistique. P14

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Dans des projets préalables pensés entre professionnels, il est donc tout à fait possible d'inclure des temps dédiés à la participation des publics. A mon sens, chaque projet, qu'il soit participatif ou non, peut identifier des moments propices au partage de la gouvernance, au débat, à la prise en considération des idées des participants, ... Ces deux exemples sont donc pertinents car ils illustrent ce propos.

La présente sous-partie a donc détaillé les outils utilisés par les projets choisis pour partager leur gouvernance avec des adolescents. Bien que de grandes tendances se dégagent, un outil ou même une démarche idéale pour travailler avec ces publics n'existe pas. La méthodologie, l'envie de travailler avec ces publics et de lâcher prise sont les premiers facteurs de réussite de ces projets.

2.3. Les limites et les contradictions du partage de la

gouvernance lors de projets participatifs

Les différents entretiens que j'ai pu mener m'ont permis d'affiner mon regard, d'identifier les enjeux propres aux projets participatifs et le positionnement que pouvaient adopter les différents acteurs. Cependant, ils ont aussi mis en lumière les limites que le partage de la gouvernance pouvait présenter. Co-porter des projets, que ce soit au sein d'une même équipe ou en direction de groupes identifiés, fait partie intégrante des évolutions propres au secteur culturel. Bien que ces initiatives soient appréciées et démultipliées sur différentes échelles, elles sont indéniablement plus compliquées et plus longues à mettre en oeuvre qu'un projet proposé clef en main aux bénéficiaires. C'est donc sur les différents facteurs pouvant limiter l'action des projets participatifs que se clôturera cette partie. La place de l'expertise au sein de ces projets sera dans un premier temps mise en avant. Y sera ensuite développé la question du temps et pour finir celle du cadre de l'action, notion se révélant primordiale pour penser un projet.

2.3.1. Entre l'expertise et le partage de la gouvernance avec les

adolescents : un juste équilibre à trouver

Il fut démontré, tout au long de ce travail, que les projets participatifs engagent conjointement deux entités différentes : des professionnels et des amateurs. Cela peut sembler surprenant au premier abord car ces deux termes s'avèrent être des antonymes. En effet, le professionnel est spécialiste de son métier, a effectué des études en corrélation avec son poste et évolue constamment au sein du secteur artistique. L'amateur au contraire ne fait pas partie de ce corps de métier et s'engage dans ces actions en parallèle de ses autres activités, qu'elles soient

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professionnelles ou scolaires. Lorsque ces deux entités sont réunies au sein d'un même projet, elles sont généralement assez facilement identifiables. Les professionnels grâce à leur expertise, leurs études et leur connaissance du terrain ont des capacités d'analyses plus développées en ce qui concerne le secteur artistique. « Sur la notion de programmation partagée par exemple, mon métier c'est directeur de lieu mais aussi programmateur. Quand quelqu'un vient me dire « Tu dois programmer çà parce que je l'ai vu et c'est génial ! » et bien je me dis : « Tu as vu combien de spectacles pour pouvoir le comparer et me dire que c'est super ? » « Et bien un seul » « Et bien moi j'en vois 250 des spectacles par an et je suis capable de dire pourquoi je programme cela. »250 En effet, force est de reconnaitre que le professionnel est davantage armé pour mettre en place et penser ces projets. Il s'avère donc primordial de réfléchir à quelle est la place de l'expertise dans les projets mis en place afin de répartir intelligemment les pouvoirs. « Dans la gouvernance et le travail commun, il faut que chacun ait les mêmes capacités et les mêmes armes d'échanges. Il n'y a rien de pire qu'une pseudo gouvernance partagée et déguisée entre les sachants et les non-sachants.»251 En effet, les différents projets que j'ai pu recenser, qu'ils soient présentés ou non dans cette étude, n'intègrent jamais les adolescents dès leurs genèses. Il est donc indéniable que ces actions nécessitent un temps de réflexion en amont par les professionnels les encadrant. Ces derniers doivent, dans un premier temps, identifier les publics auxquels ils dédient ce projet et poser un cadre permettant par la suite aux participants de s'emparer de cette action.

En plus d'être repensée, la place de l'expertise peut être amenée à être valorisée. En effet, tenter de la radier de ces projets serait contre-productif, d'autant plus si les adultes référents revendiquent la mise en place d'une action qualitative. Il est pertinent de mentionner que la plupart des actions de médiation se résume en un apport de connaissances et de compétences pour les publics y participant : visites guidées, conférences, ... Ces actions de médiation réaffirment donc une relation descendante entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Lors de projets participatifs, la relation entre ces deux entités devient plus horizontale : les publics prennent part à la construction de l'action, apportent eux aussi des compétences aux autres participants, ... La transmission de savoir-faire et de connaissances peut être émise par plusieurs entités du projet et les rapports entre professionnels et amateurs sont donc fortement requestionnés. Cependant, co-porter un projet ne sous-entend pas que le médiateur ou le

250 RETO, Gurval. Directeur du THV. Entretien annexe 1 p 110.

251 Ibid. p 110.

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professionnel oublie ses compétences afin de s'amalgamer au reste du groupe. Au contraire, sans pour autant réaffirmer une gouvernance descendante, le médiateur se doit d'imaginer comment associer les envies des participants et son savoir-faire. L'exemple du collectif Lacavale est pertinent car les artistes sont attentifs aux envies des adolescents et à ce qu'ils ont envie de valoriser. Bien que les membres du collectif leur permettent de s'emparer du projet, ils désirent dans un même temps leur apporter des savoir-faire relatifs aux formations qu'ils ont reçues : prise de son, montage, mise en scène, ... La professionnalisation des projets constitue l'un des enjeux actuels de la participation. Valoriser les compétences des adultes référents et les transmettre aux participants peut contribuer à mettre en place de projets de qualités.

Pour continuer à développer l'exemple du collectif Lacavale, Nicolas Drouet souligna durant notre entretien qu'impliquer les jeunes sur l'intégralité du projet pouvait s'avérer compliqué. «Sur certains projets on le capte assez vite. Il y a certains jeunes qu'on amènera pas avec nous au montage donc on va faire une sorte de montage papier sur le mur avec les différentes séquences en essayant de leur expliquer qu'en fait le film on peut le mettre dans ce sens-là mais on peut aussi le mettre dans ce sens-là. On souhaite qu'ils saisissent un peu ces enjeux-là. »252 Bien que l'une des caractéristiques des projets participatifs est de repenser les rapports entre les amateurs et les professionnels, les paragraphes précédents ont démontré que la place de l'expertise était à équilibrer voire à valoriser. Renier complètement les compétences des médiateurs durant les projets pourrait entrainer la conséquence suivante : la mise en place de projets qui ne sont pas aboutis ou qui n'ont pas vocation à se professionnaliser.

2.3.2. Le temps : une notion clef dans la participation des publics

Le temps est une notion extrêmement importante dans la participation des publics et il me semblait pertinent de la mettre en lumière. Comme expliqué précédemment, partager sa gouvernance permet entre autre de multiplier et de croiser les regards sur une action. Cependant, co-porter des projets est indéniablement plus long que de présenter des actions déjà imaginées et construites de toutes pièces aux publics bénéficiaires. Cette notion du temps intervient donc sous de nombreux aspects au sein des projets participatifs.

Tout d'abord, il faut rappeler que les différents médiateurs et les participants engagés au sein d'un même projet évoluent dans des temporalités différentes. Prendre en compte les calendriers

252 DROUET, Nicolas. Collectif Lacavale. Entretien annexe 3 p 117.

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de chacun peut rapidement devenir fastidieux et empêcher les adolescents participants d'intégrer le projet dès sa genèse. « Quand on fait des demandes de subventions, on est obligé de rentrer dans des cases et on est obligé de rentrer dans des calendriers qui correspondent très rarement aux calendriers scolaires. Parce que justement ce sont des projets qui se réfléchissent en amont, par exemple là en mars-avril pour des projets qui auront lieu durant la saison 2021-2022. Donc en fait les élèves ne seront pas les mêmes l'année prochaine.»253 Les médiateurs sont alors contraints d'anticiper les projets et ne peuvent pas toujours intégrer les adolescents dans les décisions prises.

De plus, il semble complexe de chiffrer en amont le nombre d'heures nécessaires pour la mise en place d'un projet participatif. En effet, si les adultes référents souhaitent réellement jouer le jeu du participatif et donc partir des envies des adolescents, élaborer à l'avance un rétroplanning semble compliqué. La motivation des participants, leurs envies et leurs décisions seront primordiales et feront évoluer le projet. « Parce que ça veut dire que si vous avez de l'argent pour faire un projet d'EAC de 12 heures dans un collège, il faut que ces 12 heures deviennent s'il le faut 18 ou 22 heures. C'est cela qui est compliqué, il faut pouvoir suivre et inventer sans avoir en permanence la barrière du cadre.»254 Les projets participatifs demandent donc une grande disponibilité et une capacité à rebondir de la part des adultes référents.

La citation d'Anne Courel nous permet également de souligner que les dossiers de subventions auxquels répondent les différents porteurs de projets peuvent aller à l'encontre des projets participatifs. En effet, ces derniers se présentent généralement comme rigides car ils demandent de nombreuses informations : durée de l'action, nombres d'heures, montant nécessaire pour son bon déroulé, les objectifs, les finalités, ... Par essence, les projets participatifs doivent permettre aux publics bénéficiaires de s'en emparer. Le porteur de projet contraint de remplir cette demande avant même de connaitre les envies des participants se retrouve alors bloqué : il ignore quelle action les adolescents souhaiteront mettre en place et par conséquent, il est incapable de la chiffrer et de donner une estimation du nombre d'heures nécessaire. Ces demandes laissant peu de place à l'improvisation et aux projets participatifs rendent la tâche du porteur de projet

253 DAVODEAU, Adèle et Enora THIVILLIER. Chargées des relations publiques au CDN Le Préau. Entretien annexe 4 p 123.

254 COUREL, Anne. Entretien annexe 2 p 113.

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extrêmement complexe. Il se retrouve contraint malgré lui d'imaginer certaines modalités du projet, aspects qu'il aurait surement souhaité coconstruire avec les participants.

Pour finir, qu'il soit participatif ou non, un projet est par essence limité dans le temps et une grande partie se clôture par une valorisation : représentation, restitution orale devant un groupe, ... Cette date butoir est généralement connue et évoquée dès le début du projet. Le groupe est alors contraint d'avoir finalisé le projet pour cette occasion. De par son expertise et son expérience, le médiateur a conscience de la temporalité et de la capacité du groupe à organiser et mettre en forme ses idées. « Les jeunes ne se rendent pas compte des difficultés d'un texte, ni du temps nécessaire pour le montrer, ni de leurs capacités et disponibilités réelles »255. L'approche de la date butoir peut donc devenir une source de stress pour l'adulte référent du groupe qui se retrouve parfois contraint au sein de projets participatifs, de réaffirmer une gouvernance descendante afin que le projet puisse être finalisé à temps.

La temporalité est bien un facteur déterminant dans les diverses actions mais elle se révèle d'autant plus complexe au sein des projets participatifs.

2.3.3. Le prise en compte du cadre de l'action

Pour finir, il est important de souligner que le cadre dans lequel s'inscrit un projet participatif détermine grandement sa structure et la manière dont il est mené. En effet, il est indéniable qu'un projet s'il est initié par une association plutôt que par une collectivité, par une institution plutôt que par une MJC, ne sera pas pensé de la même façon et mis en place de manières similaires. Pour cause, les objectifs et les contraintes des différents acteurs déterminent la mise en place du projet. Le cadre de l'action impose donc d'emblée des référentiels dans lesquels le médiateur ou le porteur de projet doit s'ancrer. « Lorsque je travaillais au TNBA, il y avait aussi mon cahier des charges et ça par exemple je ne peux pas non plus faire comme s'il n'existait pas.[...J Par exemple un budget qui est alloué à çà on ne peut pas non plus aller à contresens.»256 Ces différentes actions sont donc toujours pensées voir reconnectées à un contexte. Inscrire un projet participatif dans une mairie peut sembler par exemple plus complexe que dans d'autres structures. En effet, ces collectivités sont par définition administrées par un

255 BEAUCHAMP, Hélène. Le théâtre adolescent : Une pratique artistique d'affirmation. Montréal : les éditions Logiques, 1998. P21.

256 MONMEGE-GENESTE, Camille. Directrice du Labo des cultures. Entretien annexe 6 p 135.

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maire et la gouvernance peut être verticale. Le modèle associatif peut au contraire paraitre plus propice à la mise en place de ces projets car la gouvernance de ces structures est partagée avec des bénévoles. Ce modèle a donc su s'affirmer comme un acteur important de la démocratisation culturelle.

Cet axe s'est donc clôturé par la mise en lumière de certaines limites dans les projets participatifs : l'équilibre de la notion d'expertise au sein de ces projets, la prise en compte de la temporalité et du cadre de l'action. Partager sa gouvernance peut donc s'avérer compliqué et n'est pas forcément possible tout le temps. L'horizontalité doit être extrêmement structurée et réfléchie au risque de tomber dans une forme de démagogie. L'échelle de participation d'Arstein peut être un outil pertinent pour situer et structurer les actions proposées aux publics. Il s'avère compliqué voire même parfois impossible de passer outre ces différentes contraintes citées ci-dessus. Les différents professionnels doivent alors s'en emparer pour, dans la mesure du possible, parvenir à les contourner. A mon sens, la participation contribue à accroitre la transparence de l'action publique et il me semble indispensable que les personnes référentes d'un projet expriment, dès son commencement, les aspects où les participants pourront s'investir et donner leur avis et là où ils ne pourront pas le faire. « Parfois il faut savoir dire que ce n'est pas possible. Il faut à chaque fois être transparents et expliquer et être clairs sur les règles du jeu dès le début »257.

Cette deuxième partie a exposé les modalités permettant au partage de la gouvernance et à la démocratie participative d'interagir au sein des projets théâtraux en faveur des adolescents. Ces enjeux constituent en partie les problématiques contemporaines de la médiation culturelle. Après avoir identifié les différents acteurs et comment ils pouvaient se positionner lors de ces actions, cette partie s'attarda sur la mise en place et l'articulation de ces enjeux dans les différents projets sélectionnés. Ces deux points peuvent notamment permettre à des professionnels de se projeter et de penser leurs actions en corrélation avec les enjeux développés. D'une part, la première sous-partie leur permettra de comprendre comment interagir avec les différents acteurs et la seconde, de penser le cadre de leur action et la méthodologie qu'ils souhaitent mettre en place. Pour finir, il semble primordial d'être conscient en amont des limites des projets participatifs, présentées dans la dernière sous-partie. Il semble

257 ASSOULINE, Tania. In : Lancement des assises de la jeunesse. Ville de Montreuil. Vidéo Youtube. 2017.

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complexe de ne pas prendre en compte les limites imposées par la gouvernance. Être transparents envers les publics semble primordiale afin de ne pas générer de frustration.

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3. Mon expérience à Bain Public : la mise en partage de la gouvernance avec les jeunes nazairiens.

Les réflexions précédemment exposées étaient principalement illustrées par des éléments théoriques ou par des propos de professionnels. Pour cette troisième et dernière partie, mon souci sera, de manière complémentaire, de mettre en perspective les actions développées lors de mon stage à Bain Public. De par la problématique choisie, cette partie se concentrera une nouvelle fois sur le partage de la gouvernance envers les publics. Cependant, il est pertinent de mentionner que mon immersion dans cette structure me permit d'appréhender cette question en interne car la gouvernance est partagée au sein de l'équipe. De par la récente ouverture de cette structure, il est encore trop tôt pour envisager un partage significatif de la gouvernance avec des publics. A ce stade, le souci de l'équipe est d'affiner et de veiller à la bonne répartition des différents sujets et des missions en interne. Il est alors plus pertinent de parler, dans un premier temps, de participation active des publics aux projets de création et à certaines actions. Cette partie reviendra sur différents projets et la place occupée par les publics jeunes durant cette première année d'exploitation. En ce sens, elle se focalisera en grande majorité sur le partenariat avec Jeunes en ville.

Il est pertinent de rappeler que la rédaction de ce mémoire intervient au sein d'une crise majeure qui a ébranlé sur de nombreux aspects258 le secteur culturel et de l'événementiel. L'équipe que j'ai intégrée fut contrainte, à l'image de nombreuses autres, de travailler sur des scénarios divers, d'improviser, d'annuler ou de reporter des projets, ... En ce sens, certaines actions259 que je projetais d'intégrer et d'analyser dans mon mémoire ne purent être mises en place cette année.

La crainte de ne pas disposer de suffisamment d'éléments à analyser est un des facteurs pouvant justifier mes hésitations vis-à-vis du fait de présenter mon stage au sein de ce mémoire. S'y ajoutait celle de dénaturer mon propos initial. En effet, en amorçant un travail sur les publics adolescents, mon souhait était de me pencher sur la tranche d'âge des 12-15 ans. La raison

258 financiers, annulation d'événements, ...

259 Par exemple Jeanne Menguy, co-directrice de la structure, désirait coconstruire une programmation partagée avec un groupe d'enfants.

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principale résidait dans le fait que la majorité des projets participatifs adolescents s'adressaient aux jeunes à partir de 15 ans. La réalité de la ville de Saint-Nazaire et ses politiques jeunesses m'amenaient également à me focaliser sur les 15-25 ans (lycéens, étudiants, jeunes diplômés) et non sur la tranche d'âge initialement choisie. Au fil de mes réflexions, j'ai finalement décidé d'intégrer cette expérience au sein de ce travail et même de lui dédier l'entièreté d'une partie. Les raisons qui motivèrent mon choix furent les suivantes : tout d'abord, les besoins des adolescents développés en première partie, sont sensiblement les mêmes pour les deux tranches d'âges. En effet, cet argumentaire peut assez facilement être intégré dans un travail se penchant sur les 15-25 ans. De plus, il est pertinent de rappeler qu'aucune scission ne s'opère entre les 12-15 ans et leurs ainés. Pour finir, il y avait un réel intérêt à mettre en lumière dans ce mémoire mon expérience professionnelle. Analyser la mise en place de certaines actions se révélait complémentaire aux autres projets présentés dans ce mémoire. En effet, c'est parce que j'ai eu la chance de les coordonner et de les animer que j'étais en capacité de détailler en profondeur ces actions et ce processus qui illustre bien les enjeux du partage de la gouvernance et de la participation des publics. C'est donc une volonté que de revenir sur cette année de partenariat en confrontant les points de vue des acteurs y ayant participé. S'y ajoute également l'envie de valoriser et d'analyser des projets que j'ai moi-même développés.

Introduit d'ores et déjà en première partie, Jeunes en ville est une instance citoyenne et participative à destination des 15 à 25 ans vivant, travaillant et étudiant à Saint-Nazaire. « On a travaillé sur la conception de Jeunes en ville, conseil nazairien de la jeunesse, qu'on a défendu auprès des élus, c'est-à-dire que ça ne soit pas un conseil municipal, que ce soit une libre adhésion, que ce soit un investissement à la hauteur de ce que les jeunes souhaitent, qu'ils aient des cartes blanches, qu'il y ait une itinérance, qu'ils puissent s'approprier des lieux et aussi qu'il y ait un fort levier culturel. C'était ce que voulaient les jeunes. Et donc cinq ans plus tard, on n'a pas dévié. Et les jeunes, ils ne représentent personne sauf eux-mêmes. Enfin tout cela c'était très important et pour nous et pour eux. »260 Depuis 2011261, la jeunesse est devenue l'un des leviers des politiques publiques nazairiennes. Cette volonté fut par la suite renforcée

260 JAN, Nathalie. Entretien annexe 10 p 144.

261 Date de la création de la mission jeunesse. La municipalité a fait le choix que la jeunesse fasse l'objet d'une mission et non d'un service pour faciliter la transversalité.

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avec l'arrivée en 2014 de la nouvelle municipalité262 prônant une politique volontariste263 en faveur de la jeunesse.

En ce qui concerne Bain Public, travailler, mobiliser et recueillir l'avis des jeunes figurent parmi les envies264 de l'équipe. S'y ajoute également le souhait que la structure devienne un lieu de référence pour ces publics en les accueillant soit lors d'événements soit pour boire un verre en dehors de la programmation. Le partenariat de Bain Public avec JEV265 fut le fruit d'une entente entre Anne Guillou266 et Carmen Camboulas, alors animatrice référente267 du dispositif. Cette dernière était intéressée par le projet de Bain public et à l'inverse, l'équipe que j'ai intégrée projetait de travailler avec des publics jeunes et s'attachait à mettre en place des actions et des temps d'échanges avec eux. A l'image de plusieurs projets développés cette année, le déroulé des actions avec Jeunes en ville connut de nombreux scénarios et fut soumis à de multiples rebondissements. De plus, compte tenu de la récente ouverture de Bain Public, j'ai été amenée à appréhender une réflexion neuve, vouée à être développée et pérennisée par l'équipe.

Mon souci sera donc, à travers cette partie, de mettre en évidence les actions développées avec les publics jeunes durant mon stage. Elle s'appuiera principalement sur le partenariat avec Jeunes en ville et s'articulera comme suit : la première sous-partie exposera les jalons qui furent posés à ce partenariat et les rebondissements qu'ils subirent. Elle développera également deux aspects primordiaux dans la mise en place d'une co-construction : le positionnement des différents acteurs et l'engagement des participants. La deuxième sous-partie se focalisera sur certains enseignements tirés grâce aux différentes actions développées.

3.1. Les enjeux et les difficultés de la co-construction entre Jeunes en Ville et Bain Public.

« C'est une démarche participative et civique qui doit permettre aux jeunes de s'impliquer dans la vie locale tout en établissant un lien direct avec les élus et les acteurs locaux, avec également

262 Arrivée du maire David Samzun, parti socialiste.

263 La « jeunesse » n'est pas une politique obligatoire pour les communes.

264 Cette envie est motivée par le fait que les jeunes (12-25 ans) disposent de peu de lieux qui leur sont destinés (bars, boites de nuits, lieux de rencontre, ...) à Saint-Nazaire.

265 Jeunes en ville.

266 Codirectrice de Bain Public, Anne Guillou fut également ma tutrice durant mon stage au sein de la structure.

267 Carmen Camboulas fut remplacée par Coralie Patrel à partir de mai 2021.

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pour objectif d'élaborer et de réaliser des projets concrets ayant un impact sur l'environnement des nazairiens »268

Dans le Projet Stratégique de Mandat initié par la DGA Ville Educative Jeunesse, c'est ainsi qu'est présentée la démarche de Jeunes en ville. Il y est souligné que l'accompagnement des jeunes doit être pensé en s'appuyant sur des dispositifs existants et des équipements municipaux. Comme le précise la précédente citation, le « lien avec [...] les acteurs locaux » est un des leviers de ce projet. C'est d'ailleurs dans cette perspective que s'est mis en place le partenariat avec Bain Public.

Cette sous-partie se destine alors à mettre en lumière certains aspects de la co-construction entre les deux structures. Pour la rédiger, mon parti-pris fut d'interroger les différentes professionnelles ayant travaillé ou influencé la mise en place de ce partenariat. De cette analyse croisée, émerge le développement d'un exemple concret de co-construction. Il tentera d'enrichir voire de nuancer de précédentes parties comme notamment Les différents médiateurs : la nécessité de la co-construction. Cette sous-partie se présentera sous trois axes distincts. Le premier exposera les jalons qui furent posés à ce projet et les éléments qui le remirent en cause. Par la suite, le deuxième axe questionnera le positionnement des différents médiateurs inclus dans le projet. Pour finir, sera exposé comment le libre engagement des jeunes, aspect prépondérant du projet de JEV, a pu avoir un impact sur la co-construction avec Bain Public.

3.1.1. Comprendre les jalons posés à ce partenariat et ses rebondissements.

Les prémices et les premières discussions autour de ce partenariat furent effectifs dès les mois de septembre et d'octobre 2020. Etant donné que mon stage ne commençait qu'en janvier 2021, je ne fus pas au centre de ces réflexions. Il y avait, comme souligné précédemment, une volonté et un intérêt commun à travailler conjointement.

Il est important de rappeler que l'une des caractéristiques du dispositif de JEV est l'itinérance. C'est-à-dire que le groupe de participants et la coordinatrice ne disposent pas de lieu physique où se réunir. La grande majorité des rencontres se déroulent à La Source269 et les autres, dans différentes structures de la ville ou en extérieur. Compte tenu de la crise sanitaire en vigueur

268 DGA Ville Educative et créative Mission Jeunesse. Projet Stratégique de Mandat. Schéma Directeur Jeunesse (12-25 ans). Dossier de présentation. 10 mars 2021. Saint-Nazaire. P3.

269 Centre d'informations jeunesse inauguré le 25 avril 2018.

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cette année, l'itinérance s'annonçait complexe. Carmen Camboulas proposa alors qu'une structure nazairienne devienne, exceptionnellement, le lieu de rassemblement privilégié de JEV pour sa saison 2020-2021. Le lieu en question était donc Bain Public. Au fil des échanges entre Carmen Camboulas et Anne Guillou, émergèrent les jalons de ce partenariat. Le groupe de JEV pourrait se retrouver plusieurs fois par mois au sein de l'équipement. Bain Public accueillerait et accompagnerait cette « résidence de jeunes »270 tout au long de cette première saison. Les ateliers, les discussions, les sujets abordés durant cette occupation pouvaient soit être directement en lien avec les activités de Bain Public ou à l'inverse, n'avoir aucune porosité avec elles.

Accueillir JEV s'avérait être une opportunité intéressante pour la première année d'exploitation de Bain Public. En effet, il est important de préciser que l'engagement des participants dans JEV est totalement libre. Chacun peut venir selon son envie et sa motivation à une rencontre ou à une activité. En positionnant Bain Public comme partenaire privilégié de JEV, les jeunes pouvaient développer, au sein même de la structure, des actions sans porosité avec le secteur culturel. La diversité des propositions auraient donc pu sensibiliser des profils multiples de jeunes. En ce sens, l'objectif premier de cette résidence n'était pas de se focaliser et de mobiliser exclusivement des jeunes s'intéressant préalablement à la culture. Au contraire, l'idée était d'ouvrir à des profils divers. De par cette résidence aurait pu émerger des liens privilégiés entre artistes accueillis, équipe de Bain Public et jeunes de JEV. Une des autres propositions qui fut imaginée était la suivante : que les jeunes deviennent un relais pour les actualités de Bain Public et ambassadeurs auprès des artistes accueillis (visites de la ville menées par les participants, ...). A ce partenariat, s'ajoutait une semaine de Workshop271 avec Radio Live272. Il se serait ensuite clôturé en octobre 2021 pour une carte blanche273 imaginée par les jeunes. Cette coopération allait dans le sens d'un partage de gouvernance avec ces participants qui auraient alors eu une place de choix dans l'ouverture de la structure.

270 Carmen Camboulas et Anne Guillou utilisaient ce terme en référence à l'activité de Bain Public. Cet accueil récurrent de JEV durant l'année 2020-2021 figurait donc parmi les différentes résidences de la structure.

271 Atelier collaboratif.

272 Aurélie Charon, Caroline Gillet et Amélie Bonnin mettent en place des séries radio et vidéo autour du récit documentaire. Ce workshop devait se dérouler autour de la notion des récits sensibles et de la transmission entre les générations.

273 Rendu publique imaginé et animé par les jeunes participants. Carmen avait proposé que la question suivante soit leur point de départ de réflexion : « quelle est la place des jeunes dans une structure culturelle ? »

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Ce partenariat, dont le pilotage me fut délégué au commencement de mon stage, fut alors jalonné bien en amont de mon arrivée. Cependant, en janvier dernier, Nathalie Jan274 le remit en cause dans son intégralité. En ce sens, la résidence imaginée à Bain public n'était plus d'actualité. Le groupe continuerait de se réunir ponctuellement dans différents lieux nazairiens. Ce rebondissement fut d'autant plus surprenant étant donné que c'était Nathalie Jan elle-même qui avait indiqué à Carmen Camboulas de se tourner vers Bain Public. La demande de ce partenariat avait bien été formulée par JEV. Compte tenu de ce rebondissement, il se vit dépossédé de ses jalons. Il est indéniable que les co-constructions demandent d'être régulièrement réajustées dans l'optique de répondre aux objectifs et aux attentes de différents partenaires. Cependant, en ce qui concerne le cas précédemment exposé, nous ne disposions d'aucune clef pour comprendre ce revirement. Ignorant les points de vue de Nathalie Jan et de Carmen Camboulas, ma connaissance de ce déroulé s'était construite à partir des échanges avec ma tutrice. C'est donc motivée par Anne Guillou que je pris le parti de croiser les différents regards et de recouper les informations. Mon objectif était de comprendre pourquoi ce partenariat avait été sujet à des remises en cause.

L'entretien avec Nathalie Jan fut particulièrement intéressant. Il me permit de nuancer mon point de vue et d'identifier ses motivations. De cet entretien découla la nécessité, selon Nathalie Jan, de l'itinérance de JEV. « Nous c'est pas forcément un lieu qu'on recherche, c'est la rencontre. »275 Elle souligna que l'idée n'était pas de disposer d'un espace dédié « car un lieu ça serait un parti-pris. »276. Pour aller plus loin dans cet argumentaire, elle précisa que le rôle de l'animatrice de JEV, auparavant Carmen Camboulas et maintenant Coralie Patrel, était d'être « une facilitatrice ». C'est-à-dire qu'elle ne devait pas projeter ses envies avant même d'avoir interrogé les jeunes. Au contraire, sa mission est de proposer des angles d'attaques, des idées de partenariats et des actions sans jamais imposer. « Il faut toujours travailler les équilibres pour ne pas projeter sur les jeunes ce qu'on voudrait que ce soit. Et là je pense qu'à un moment ça s'est fait comme ça. [...] Il faut que les jeunes fassent ce qu'ils ont envie de faire, pas les envies de la professionnelle. »277 Pour expliquer plus concrètement cette démarche, Nathalie Jan revint sur le partenariat avec la médiathèque Etienne Caux278. En amont de sa mise en place,

274 Responsable de la mission jeunesse à la ville de Saint-Nazaire.

275 JAN, Nathalie Jan. Entretien annexe 10 p 144

276 Ibid. P 144.

277 Ibid. P 145.

278 Médiathèque nazairienne.

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l'animatrice avait exposé aux jeunes la programmation de la structure. C'est à partir de celle-ci que les participants de JEV avaient verbalisé les sujets, les thématiques ou les événements qui les intéressaient et dont ils souhaiteraient s'emparer ou intégrer. La carte blanche finale était également orientée en fonction de leurs choix. En ce qui concerne le partenariat avec Bain Public, il s'avérait qu'il déviait trop largement du projet initial de JEV : itinérance, laisser les jeunes s'emparer des thématiques, ... La raison principale qui motiva Nathalie Jan à remettre en cause ce partenariat résidait dans le fait que la proposition de disposer d'un lieu avait été initiée par Carmen Camboulas et non par les jeunes participants.

Cette partie mit en évidence les jalons initiaux de ce partenariat et les raisons pour lesquelles il fit l'objet de rebondissements. Des rencontres avec JEV furent tout de même mises en place durant cette année. Cependant elles furent beaucoup plus clairsemées. Il fut donc plus complexe, pour les jeunes comme pour l'équipe de Bain Public, de se connaitre les uns les autres et de coconstruire des actions. Il est important de préciser que certains JEV, dont je fis par la suite connaissance, ignoraient l'existence du partenariat mis en place voire de Bain Public.

3.1.2. La question du positionnement des deux acteurs dans cette co-construction.

Croiser les différents entretiens me permit d'identifier les objectifs et le positionnement de chacun dans cette co-construction. En effet, ce qui selon moi figure parmi les écueils de celle-ci est le manque de clarté de JEV vis-à-vis de son positionnement.

Tout d'abord, il est important de souligner que mon analyse m'a confortée dans l'idée qu'il était primordial de jalonner les projets coconstruits. Permettre aux jeunes de s'emparer seuls des différentes actions est au coeur du projet de JEV. C'est-à-dire que le professionnel en ayant la charge doit faciliter la mise en place de leurs envies sans pour autant se projeter ou leur imposer des axes de réflexions. Cependant, la mise en place de projets participatifs ne sous-entend pas que ces actions ne doivent pas être jalonnées en amont. Au contraire, avant l'arrivée des participants, multiplier les rencontres entre les adultes partenaires reste nécessaire, voire primordial. Les printemps théâtraux sont des exemples pertinents car de nombreux professionnels (acteurs, professeurs, équipe de Comète, ...) partagent des réflexions et jalonnent le projet avant même sa présentation aux élèves. Des réflexions et des problématiques soulevées en préambule émergent un déroulé et un cadre de travail. Elles ont aussi le mérite de définir des

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outils et une méthodologie commune. Dans le cas contraire, il est fréquent que cette dernière devienne, par défaut, celle d'une des partenaires de l'action. Il ne s'agit donc plus tout à fait selon moi, d'une co-construction car les différents acteurs s'appuient exclusivement sur les outils mis en place par l'une des structures. Des échanges préliminaires émergent également les missions et le positionnement de chaque partenaire durant l'action. En effet, il est primordial d'identifier collectivement sur quels axes chacun doit intervenir : mobilisation des jeunes, prise de contact avec un autre partenaire, ....

Dans le cas présent, ces échanges devaient mettre en évidence les missions sur lesquelles interviendraient respectivement Bain Public et Jeunes en Ville. Etant donné que les jalons du projet furent brisés, la méthodologie commune était donc inexistante. De plus, le manque de transparence concernant la remise en cause de ce partenariat ne permettait pas à l'équipe de Bain Public de saisir clairement les objectifs de JEV. De ce manque de positionnement résultat, en ce qui me concerne, la cause suivante : je me suis inconsciemment appropriée des missions qui n'étaient pas les miennes. En effet, travailler avec JEV permettait à Bain Public de s'appuyer sur une tête de réseau. La mobilisation des jeunes durant ces actions communes était donc la mission de l'animatrice référente. Or il fut important à plusieurs reprises que je me positionne en tant qu'élément moteur sur cet axe afin de sensibiliser et de mobiliser les jeunes. De plus, il faut préciser que la prise de poste de Coralie Patrel, en tant d'animatrice de JEV, s'est faite alors que cette dernière ignorait l'existence d'un partenariat avec Bain Public.

Si je reviens sur la partie Les différents médiateurs : la nécessité de la co-construction, il y était mis en évidence le besoin de se questionner collectivement sur le vocabulaire utilisé. En effet, lors d'un projet en co-construction, en utiliser un commun s'avère primordial. Ces précédents éléments de réflexions m'amenèrent à me questionner sur l'aspect suivant : pour le partenariat avec la médiathèque Etienne Caux, JEV s'est appuyé sur la programmation déjà établie de la structure dans l'optique que les jeunes mettent en place leurs projets à partir de celle-ci. Or une des définitions du terme « co-construction » est la suivante : « La co-construction est un processus reposant sur une mise en forme d'interactions entre les acteurs afin que ceux-ci élaborent au fil de leurs interactions des accords visant à rendre compatibles des définitions

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relatives à un changement, à un projet, à une méthode de travail »279. Selon moi, le cas de JEV ne correspond pas à la définition précédente car elle souligne que les partenaires travaillent conjointement dans le but de mettre en place un projet commun. Or le projet entre JEV et la médiathèque se divise en deux temps distincts : la mise en place de la programmation concerne exclusivement la médiathèque, et c'est par la suite que l'animatrice de JEV en prend connaissance et l'expose aux jeunes. Ce second temps ne mobilise donc pas réellement la médiathèque. Les partenariats mis en place par JEV ne sont donc pas des co-constructions car la programmation et la méthodologie de la structure partenaire irriguent le déroulement des futures actions.

Cet axe fut dédié à mettre en évidence l'importance de jalonner les projets et d'identifier les missions des divers partenaires de la co-construction. Dans le cas présent, les remises en causes du déroulé et des missions des différents professionnels a provoqué une inégalité de positionnement.

3.2.3. Le libre engagement des jeunes : un impact sur la co-construction.

Pour clôturer cette réflexion sur la co-construction entre Jeunes en ville et Bain Public, cette sous-partie s'attardera sur le libre engagement des jeunes, aspect au coeur du projet de JEV. Lors de l'entretien avec Carmen Camboulas, cette dernière souligna qu'« [elle pensait] que ce n'[était] pas facile pour un partenaire comme Bain public de travailler avec Jeunes en ville car le groupe n'[était] jamais le même. »280

En effet, au libre engagement des jeunes s'ajoute au projet de JEV une dimension partenariale très importante. En ce sens, les participants peuvent adhérer librement à des actions, venir ou non aux différentes rencontres, arrêter un projet en cours de route, ... Ce libre engagement des jeunes est selon Carmen Camboulas assez concluant et figure parmi les points forts du projet. Cependant, elle y décèle également un écueil assez marqué : « parfois [les jeunes] ne sont plus là pour poursuivre [le projet]. Est-ce qu'on l'abandonne ? Est-ce que c'est l'animatrice qui poursuit ? Même si je ne leur remets pas dessus car ça permet d'ouvrir au plus de jeunes possibles »281. Ce libre engagement peut donc devenir une source de frustration pour le

279 FOUDRIAT, Michel. Le management des chefs de service dans le secteur social et médico-social. Paris : Dunod. « Guide santé social », 2014. Chap 13 : La co-construction. Une option managériale pour les chefs de services. P 229.

280 CAMBOULAS, Carmen. Annexe 9 p 142.

281 Ibid. P 142.

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professionnel responsable de JEV car plusieurs projets se sont déjà retrouvés avortés. Cependant, lors d'un projet coconstruit avec une autre structure, il peut s'avérer complexe à mon sens de l'arrêter pour une question d'engagement des participants. En effet par définition, la co-construction demande un minimum de deux partenaires inclus dans le projet. En ce sens, si ce dernier doit s'arrêter brutalement, cette décision doit dans l'idéal être partagée entre eux deux. Or dans le cas où des jeunes de JEV ne poursuivent pas un projet, la décision de sa suspension est indépendante de la volonté d'une des deux parties. Pire, le partenaire en question n'est alors pas en capacité de reprendre seul le projet ou de convaincre JEV de le poursuivre.

A mon sens, l'engagement des participants est un des aspects primordiaux de la mise en place d'actions avec des jeunes ou des adolescents. Cela avait d'ailleurs été mis de nombreuses fois en évidence durant les entretiens que j'ai pu mener. Si je prends l'exemple de J'aurais aimé que le monde soit parfait, l'équipe des relations publiques du Préau avaient été en charge du recrutement des participants. Adèle Thivillier et Enora Davodeau avaient donc longuement insisté auprès d'eux sur ce point : s'ils s'engageaient sur ce projet, ils devraient le faire jusqu'à la représentation finale. Pour cela, elles leur avaient exposé le temps de travail nécessaire mais également les objectifs à atteindre. En effet, l'engagement des jeunes figure selon moi parmi les leviers de la mise en place de projets participatifs. Ce sont également des valeurs extrêmement importantes à transmettre à cette tranche d'âge. Identifier des objectifs communs à atteindre est également un facteur de motivation pour les jeunes. De plus, poursuivre l'intégralité d'une action ensemble permet aux adolescents de se sentir appartenir à un groupe. En voir certains arrêter le projet ou y venir seulement ponctuellement peut générer de la frustration chez les professionnels et les autres participants. Cet aspect a donc une répercussion sur la motivation de chacun et peut mettre à mal le projet.

En ce qui concerne les rendez-vous avec JEV, la première visite à Bain public mobilisa une dizaine de jeunes, tandis que la deuxième, autour du travail d'Anne Merceron282, seulement trois. L'objectif de ces rencontres n'était pas purement quantitatif. Or il est important de préciser qu'il y avait un engagement réciproque entre les deux structures. De plus, étant donné que les jeunes n'étaient pas engagés sur le « parcours » mis en place avec Bain Public, nous étions contraintes, l'animatrice référente et moi-même, de déployer énormément d'énergie pour mobiliser les jeunes pour la moindre rencontre. De plus, il était d'autant plus difficile

282 Artiste de la compagnie Diabolo Menthe, compagnie nazairienne de spectacle jeune public.

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d'imaginer des prolongements aux différentes actions car nous ignorions avec qui nous travaillerions à moyen et long terme.

De plus, ce libre engagement soulève certaines injonctions au coeur même du projet de Jeunes en Ville. En effet, Nathalie Jan positionne le libre engagement et la prise en compte des envies des jeunes comme étant des leviers de JEV. A mon sens, ces aspects peuvent être assez pertinents vis-à-vis de cette tranche d'âge, d'autant plus que ce projet tend vers du participatif. Cependant, il se trouve qu'ils ne sont pas compatibles avec la réalité du terrain. Par exemple, les jeunes de JEV devaient imaginer et mettre en place Le Youth St Naz Tour283. De nombreux jeunes s'étaient inscrits en janvier 2021 pour organiser et animer cet événement. Au final, la majorité des jeunes se sont désistés et Coralie Patrel fut amenée à le mettre en place seule. Cet exemple met donc en évidence une injonction au sein du projet même de JEV. En effet, la personne qui est garante du projet, Nathalie Jan et celle qui l'incarne auprès des jeunes, Coralie Patrel, ne peuvent l'appréhender de la même manière. Ce projet et sa méthodologie n'ont donc pas été réajustés à l'épreuve du terrain.

Cet axe a souligné la nécessité de l'engagement des participants dans la mise en place d'un projet participatif ou coconstruit. Il est selon moi un facteur primordial pour le bon déroulement voire la réussite de l'action. En effet, cet aspect a des répercussions sur la motivation des différents acteurs du projet : participants, professionnels, ... Il peut s'avérer compliqué de travailler de manière pérenne si l'engagement de certains d'entre eux est bancal.

Cette partie se pencha donc sur la co-construction entre Bain Public et Jeunes en Ville. Le premier axe permit de contextualiser, de comprendre quels jalons furent posés et comment ils furent remis en cause. L'argumentaire se poursuivit en analysant le positionnement des deux partenaires durant ce travail. Pour finir, le dernier axe se focalisa sur l'engagement des jeunes, aspect selon moi essentiel pour la mise en place de projets avec ces publics. La co-construction de ce partenariat ne fut finalement pas aussi concluante qu'espéré alors que l'outil qu'était JEV était intéressant. Il est important de préciser qu'aller chercher des individualités284 est au coeur du projet de Bain Public. Cependant, il peut s'avérer intéressant par moment de s'appuyer sur des têtes de réseaux. Travailler avec JEV permettait également à l'équipe de Bain Public de se

283 Evénement ayant eu lieu le 9 juillet 2021 sur la Grande plage de Saint-Nazaire dans le cadre de Saint-Nazaire coté plage.

284 Aspect qui sera détaillé dans l'axe sur le recrutement.

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référer à l'expertise de Carmen Camboulas et inversement. Cette partie fut davantage centrée sur la notion de co-construction que sur celles de démocratie participative et de partage de gouvernance. Cependant, cette réflexion est indispensable pour la bonne analyse du sujet choisi. En effet, jalonner les projets et pouvoir s'appuyer sur l'expertise de ses partenaires figurent parmi les facteurs de réussite des projets participatifs.

3.2. Retour sur expérience : les différents points que j'ai été amenée à appréhender.

Bien que le scénario initial de ce partenariat connut divers rebondissements, cette première année fut tout de même concluante sur divers aspects et les enseignements que j'en tire sont riches et formateurs. En ce qui concerne les rencontres entre JEV et Bain Public, l'envie commune de les multiplier fut formulée. Ainsi, diverses occasions d'aborder et d'être en contact avec des artistes et l'équipe de Bain Public se présenteraient aux jeunes. Cette première année s'est donc articulée de la manière suivante :

· La visite de Bain Public285.

· La rencontre286 avec l'artiste Anne Merceron: atelier autour de son spectacle Fénix287. L'idée était alors de proposer aux jeunes une rencontre s'adressant aux plus grands nombre avant de développer des propositions plus individuelles et ciblées.

· La formation d'un groupe de jeunes pour participer à différentes rencontres durant la semaine de résidence avec Lucien Fradin : cette action sera plus largement développée dans une suivante sous-partie se focalisant sur la notion du recrutement.

Une précédente sous-partie de ce mémoire L'articulation des enjeux du partage de la gouvernance dans différentes actions co-réalisées avec des adolescents, se focalisait sur les grandes tendances qui se dégagent des projets participatifs. Les démarches et les outils les plus fréquents furent recensés et analysés : repenser la relation entre adultes et adolescents, responsabiliser les participants, ... Cette présente partie approfondira cette analyse. Pour cela, elle se tournera vers certains aspects représentatifs de mon expérience à Bain Public. Il est important de souligner que mes lectures et les entretiens professionnels menés m'avaient auparavant permis de les identifier. Cependant, ce fut une volonté de ne pas m'attarder sur ces

285 26 février 2021.

286 5 mai 2021.

287 Spectacle de théâtre de papier traitant des thèmes de la reconstruction et de la résilience. Spectacle prévu pour 2022-2023.

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différents points dans les précédentes parties. En effet, il me semblait judicieux de les mettre en perspective directement avec mon expérience personnelle, tout en les alimentant d'exemples théoriques. Cette présente partie se devra donc d'augmenter l'analyse réalisée précédemment. Elle se découpera en trois axes. Le premier mettra en évidence la notion du « prendre soin », aspect devant être central au sein des projets en faveur des adolescents. L'analyse se poursuivra sur un axe dédié au recrutement des jeunes en amont d'une action. Pour cela, il s'appuiera sur la résidence de Lucien Fradin accueillie au mois de juin 2021 au sein de Bain Public. Pour finir, le dernier axe soulignera l'importance de valoriser ces projets auprès des jeunes, de leurs proches et des élus.

3.2.1. Une vigilance particulière à la notion du prendre soin

« Souhaitant prolonger la tradition du soin et de l'accueil qui régnait dans le bâtiment à l'époque des bains-douches, l'association288 s'attache à penser un lieu convivial et hospitalier»289. Cette citation extraite du dossier de presse de l'inauguration de Bain Public, souligne une des intentions que la structure projette. Il s'agit de celle de « prendre soin » des diverses personnes accueillies dans son enceinte : publics, artistes, ... Il est important de souligner que cet aspect est pleinement inscrit dans le projet de Bain Public et irrigue ses différentes actions et activités. Evoquer la notion du « prendre soin » c'est instantanément invoquer celle du « care ». « Le « care » désigne l'ensemble des gestes et des paroles essentielles visant le maintien de la vie et de la dignité des personnes, bien au-delà des seuls soins de santé. »290 : sollicitude, attention à autrui, réconforter, laver, panser... Il est important de préciser que l'intégration de cette notion au coeur du projet de Bain Public fut effective et défendue dès son préambule. Cependant, de la crise sanitaire et des divers confinements émergea une revalorisation et une mise en lumière de cette notion. Cette dernière irrigua plusieurs secteurs d'activités dont le culturel. Cynthia Fleury291 fut notamment l'une des grandes figures à la replacer récemment en tant qu'élément central de notre société. S'y ajoutait une remise en perspective avec la situation exceptionnelle que nous traversons. Cette théoricienne souligne « [qu'Jon voit bien qu'aujourd'hui, sans le care, la société

288 Les Chantiers Nouveaux.

289 Ibid. P7

290 GAGNON, Eric. Care. Anthropen. Le dictionnaire francophone d'anthropologie ancré dans le contemporain. Université de Laval. 2016. P1.

291 Philosophe et psychanalyste française. Elle est aussi professeur dans plusieurs grandes écoles et membre du conseil d'administration de l'ONG Santé Diabète.

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s'effondre »292. Elle qualifie la société du care « comme une société du « prendre soin », où l'on comprend que nos interdépendances sont des forces. Des forces qui nous permettent de transformer le monde de la façon la plus créative possible et de la façon la plus solidaire »293. Ce fut une volonté d'invoquer cette notion car elle se trouve être pertinente voire nécessaire au sein des projets participatifs. Transversale, elle fut mise en évidence dans plusieurs parties de ce mémoire. En effet, « prendre soin » sous-entend que la personne est prise en considération dans son individualité : culture, références individuelles, .... « On a un peu abandonné cette vision d'intérêt général, avec un besoin à combler qui serait le même pour tous. L'idée est pour nous de faciliter des désirs, de partir des désirs des personnes »294 Sans pour autant qu'il y fut invoqué la notion du « care », je retrouve dans la démarche de Bain Public des similitudes avec celle du Labo des cultures. Le collectif Lacavale est également un exemple pertinent à citer. Bien que le projet soit jalonné en amont, l'équipe s'attache à entendre et à comprendre les envies des jeunes participants. Mon expérience à Bain Public m'a confortée dans l'idée qu'il était primordial, en tant que professionnels du secteur culturel, d'être au plus proche des besoins et des envies des différents publics. Ce fut donc davantage des études qualitatives que quantitatives qui firent l'objet de mon travail lors des actions à Bain Public. Chacune d'elles se devait d'identifier et d'accompagner des personnes pertinentes. En utilisant ce terme je désigne des personnes formulant un réel intérêt pour la thématique développée par la compagnie en résidence. L'objectif premier n'était donc pas de contribuer à remplir une jauge ou à atteindre le même nombre de participants pour chaque action de la saison. Ce constat prolonge et renforce les aspects développés en amont dans ce mémoire : tisser des liens avec les adolescents, prendre en compte leur culture, s'adresser à des individualités et pas exclusivement à des groupes constitués, ...

Travailler par le prisme du « prendre soin » contribue également à développer l'appétence des personnes mobilisées pour l'art et les lieux culturels. Sortir d'une logique descendante entre professionnel et public permet de laisser plus de place aux envies des personnes accueillies. L'équipe de Bain public s'attache donc à travailler de cette manière.

292 FLEURY, Cynthia. In : La société du Care selon Cynthia Fleury. Brut. Penser demain épisode 1. 9 mai 2020.

293 Ibid.

294MONMEGE-GENESTE, Camille. Entretien annexe 6, p 130.

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Cette notion du prendre soin est donc l'un des leviers du projet de Bain Public. Elle illustre également parfaitement le propos de ce mémoire. J'ai eu la chance de faire l'expérience sensible de son importance durant l'intégralité de mon stage. Elle est selon moi au coeur de nos pratiques de médiation et se doit d'être incluse dans les différents projets développés en faveurs des publics.

3.2.2. Le recrutement : un travail nécessaire, enrichissant mais chronophage

Un des aspects que j'ai été amené à expérimenter et à appréhender durant mon stage fut la notion de recrutement. Cette dernière fut d'ores et déjà introduite dans la première partie de ce travail Un double enjeu : le cadre scolaire et le cadre volontaire. Elle s'incarne dans les divers projets avec des adolescents mais plus spécifiquement dans ceux mobilisant des jeunes volontaires, et donc par définition non captifs. En effet, les projets dans le cadre volontaire demandent inévitablement aux professionnels de passer et de mettre en place une phase de « recrutement » des participants. Il faut préciser qu'en employant ce terme, mon idée n'est pas de faire référence à une mise en concurrence entre adolescents dans le but d'être sélectionnés parmi d'autres pour intégrer un projet. En aucun cas ces derniers ne sont amenés à passer une audition, un entretien ou une épreuve quelconque. Le souci du professionnel missionné est de multiplier les rencontres avec des groupes d'adolescents en identifiant et en se rendant par exemple dans des lieux qu'ils fréquentent. Un des objectifs opérationnels295 propre au recrutement est donc de constituer un groupe de jeunes sensibles au projet proposé et assez volontaires pour y participer. L'équipe des relations avec les publics du Préau avait notamment évoqué, durant notre entretien, les différents lieux qu'elles investissent pour mobiliser des jeunes : MJC, écoles, club de sport, ... Il est important de souligner que l'accompagnement de publics vers des formes participatives s'exprime également par le fait de faciliter et de provoquer la rencontre avec des personnes pertinentes.

Pour revenir plus spécifiquement à l'expérience qui fait l'objet de cette partie, mon stage à Bain Public, je fus amenée à appréhender cette notion de recrutement à plusieurs reprises par le biais des missions de médiation qui me furent confiées. Aller chercher des individualités est incontestablement au coeur de la démarche de Bain Public. Réaliser des benchmark par le prisme des thématiques développées par les artistes, identifier et prendre contact avec les personnes pertinentes avec l'action fut central dans mes missions de médiatrice. La mise en

295 Précise clairement les résultats attendus.

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lumière des droits culturels dans la pratique de la médiation fait donc partie intégrante de projets de Bain Public. « L'idée est bien d'aller chercher ce qu'il y a de culturel dans chaque personne, sa singularité, sa propre histoire. Nous cherchons à faire du sur-mesure »296 Dans cette citation, Anne Guillou souligne que Bain Public s'attache à replacer les individualités au coeur des projets développés. La logique déployée est donc la reconnaissance des différentes références personnelles. Les rencontres artistes-citoyens développées permettent aux équipes artistiques de sortir de l'entre-soi et de se nourrir d'expériences sensibles et individuelles, et à l'inverse, aux diverses personnes mobilisées de mettre en partage leur réflexions et leurs convictions. S'y ajoutait la possibilité d'appréhender l'univers d'artistes.

Cette méthodologie s'incarne donc dans les différentes actions développées par Bain Public. Elle est spécifique au projet de la structure et pas seulement à des actions à destination des adolescents et des jeunes. Cependant, il est donc pertinent d'interroger cette méthodologie en invoquant et en analysant un projet qui était adressé à ces publics. L'objectif est de comprendre en quoi cette manière de procéder peut être intéressante dans le travail avec des adolescents.

Mon souci sera donc de revenir sur un projet qui les a impliqués. C'est pour cela que je m'appuierai sur le projet de Lucien Fradin, metteur en scène et comédien de la compagnie La Ponctuelle297. En effet, dans la perspective de son accueil en résidence, je fus amenée à constituer un groupe de jeunes qui seraient pertinents vis-à-vis de la thématique de son prochain spectacle : Portraits Détaillés. Pour ce dernier, Lucien Fradin se penche sur des questions liées au genre et souhaite « proposer f...] des lectures non-hétérocrates des vécus de [sa] communauté LGBTQ+298 »299. Le sous-titre de Portraits Détaillés est d'ailleurs le suivant : performance-montage à propos des gays, homosexuels, bis et pédés. Dans ce cadre, Lucien cherche à multiplier les rencontres, les échanges, à récolter de la matière comme des chants, des images, des anecdotes ... Sa démarche est assez singulière car Lucien ne dispose pas d'outils « types » ou de méthodologie déjà définie. Il crée et invente avec les personnes qu'il rencontre un nouveau protocole d'artiste dans chaque ville où il est accueilli. Ce travail de

296 GUILLOU, Anne. Citation issue d'une conversation informelle datant du 15 juin 2021.

297 Compagnie lilloise formée en 2019 par Lucien Fradin et Aurore Magnier.

298 Acronyme de Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Trans, Queers. Le « + » est régulièrement rajouté dans une volonté inclusive signifiant « et les autres ».

299 FRADIN, Lucien. La Ponctuelle. Dossier artistique Portraits Détaillés et Je suis une sirène. Note d'intention, contexte et prémices. P12.

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terrain permet à Lucien de comprendre comment se manifeste la communauté LGBT dans les différentes villes et quels sont les lieux où elle se rassemble et s'exprime.

De notre première rencontre avec Lucien émergea une envie commune d'appréhender cette thématique par le prisme des 15-25 ans. Dans la perspective de résidence de La Ponctuelle, mon souci s'articulait en deux étapes. La première était donc de comprendre comment se développait et s'exprimait cette communauté au sein de la ville de Saint-Nazaire : lieux de rencontres, réseaux formels et informels, .... Quant à la seconde, elle consistait à d'identifier des individualités compris entre 15 et 25 ans, se considérant appartenir à la communauté LGBT. En effet, la semaine de résidence de la compagnie La Ponctuelle fut l'un des temps fort de la première saison de Bain Public, en ce qui concerne la mise en partage de la gouvernance avec les publics jeunes. Il est pertinent de rappeler que la cohésion du groupe est l'un des facteurs de réussite des projets participatifs. Cette affirmation est même renforcée lorsque ces actions se déroulent avec des adolescents ou de jeunes adultes car ces instants de sociabilisation sont perçus comme indispensables à leur développement. Dans le cadre de ce projet, mon objectif n'était pas de me tourner vers des groupes de jeunes déjà constitués. Au contraire, mon souci était d'en créer un nouveau en identifiant des jeunes n'ayant pas au préalable d'interconnexions entre eux. Evidemment, il n'était pas exclu que chacun d'eux ouvre son réseau respectif à Lucien Fradin et au reste du groupe au courant de la semaine de résidence de La ponctuelle.

En amont de cette phase de recrutement, je disposais d'éléments théoriques qui m'aidèrent à appréhender cette mission. Durant un des webinaires300 du Réseau national des comités des jeunes, Aude Romedenne301 avait souligné que le recrutement des adolescents pour des projets participatifs était assez chronophage et avait insisté sur le fait qu'il ne fallait pas minimiser le temps que demandait cette mission. Force est de constater que cet aspect figure parmi les tensions de la participation car il y a une injonction entre le volume d'heures qu'il serait nécessaire de passer pour effectuer un bon recrutement et celui qui est accordé aux professionnels missionnés. Hélène Balazard302 le mit d'ailleurs en évidence durant la

300 Réseau national des comités des jeunes. Webinaire #2. Sujets abordés : les financements et le recrutement. Mardi 27 avril 2021.

301 Anciennement médiatrice culturelle de la scène nationale Carré-Colonnes.

302 Chercheuse en science politique au laboratoire EVS de l'université de Lyon et ingénieure des travaux publics de l'Etat.

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conférence-débat L'accompagnement à la participation303 organisée par l'INJEP : le recrutement des participants est une phase particulièrement chronophage et elle gagnerait à être valorisée car elle figure parmi les temps indispensables à la réussite d'un projet.

J'eus donc la chance de pouvoir mettre mon expérience en perspective avec d'autres. Ce temps de recrutement fut extrêmement enrichissant. Cependant, la fermeture des lieux de rencontres, le manque de visibilité et d'identification de Bain Public rendit ce travail d'autant plus long. En effet, étant donné que nous n'avions encore jamais eu l'opportunité d'ouvrir aux publics, le réseau nazairien de l'équipe se limitait aux structures institutionnelles. N'étant pas nazairienne moi-même, il m'était d'autant plus complexe de communiquer et de mobiliser des réseaux informels sur ce projet.

Cette mission a également souligné la pertinence d'aller chercher des individualités pour les différents projets. Cependant, elle me permit également de comprendre les limites et les avantages de considérer les adolescents comme des publics captifs. En effet, ce travail de recrutement m'a amenée à prendre conscience du temps que ce dernier représentait. Il est parfois impossible pour le médiateur culturel de disposer du même nombre d'heures. S'appuyer sur une tête de réseau (professeur, animateur, ...) peut donc avoir comme avantage de mobiliser un groupe en étant en contact avec seulement un seul intermédiaire.

Cet axe est donc revenu sur l'une de mes missions au sein de Bain Public : le recrutement

d' « individualités » pour les actions de médiations. Cet aspect est indispensable pour la mise en place de projets participatifs. « C'est important de partager, coconstruire mais avec des groupes repérés et pas dans une construction globale avec « qui vient fait » parce que là on arrive dans la démagogie »304. Comme le souligne Gurval Reto, la mise en place d'un projet s'accompagne toujours d'une réflexion sur la composition du groupe bénéficiaire. Pour rédiger cette partie, je me suis appuyée sur la résidence de Lucien Fradin pour la raison qu'elle mobilisait des publics en lien avec mon sujet de mémoire. Les enseignements que j'en tire sont riches et pertinents. En effet, malgré le fort nombre heures que nécessite cette mission, approfondir et identifier des personnes motivées et cohérentes avec l'action développée

303 L'Institut National de la Jeunesse et de l'Education Populaire. L'accompagnement à la participation. Les cahiers de l'action. Conférence-débat en présentiel (Paris) et en ligne. 24 Juin 2021.

304 RETO, Gurval. Entretien annexe 1 p 111.

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présente un réel intérêt. Dans le cas contraire, il se pourrait qu'elle ne soit pas aussi concluante qu'espérée.

3.2.3. La valorisation des projets avec les jeunes

Le troisième et dernier point qui sera abordé dans cette partie est l'importance de la valorisation des projets, aspect intégré par petites touches au sein des deux premières parties de ce mémoire. Elle peut se traduire sous différentes formes : spectacles, présentations, comptes-rendus, création d'outils collectifs, bilans avec les participants , ... De plus, il est important de préciser que cette valorisation figure parmi les facteurs indispensables de réussite d'un projet participatif. En effet, elle permet de clôturer l'action et également de lui donner du sens. Lorsqu'il en résulte un spectacle ou une présentation du travail achevé, comme notamment pour Les choses en face du collectif Lacavale, les participants ont connaissance dès le début du projet de sa finalité voire parfois de sa date butoir. Ils ont donc conscience des objectifs à atteindre collectivement. En ce qui concerne les temps de bilans en fin de projet, ils peuvent tout à fait s'additionner à une présentation publique et permettent de faire une rétrospective de l'action (apprentissages collectifs ou individuels, ...), de la clôturer et d'y donner du sens. En effet, si ces temps sont primordiaux dans un projet c'est qu'ils permettent aux participants prendre conscience du chemin parcouru au fil du projet, collectivement et personnellement. Il est également important de souligner que des liens se sont construits entre les différents participants et le porteur de projet. La mise en place d'un temps de bilan ludique est un moment propice pour se dire au revoir et imaginer les prolongements qui peuvent exister à cette action.

D'une autre part, lorsqu'il s'agit d'une présentation publique, la valorisation a le mérite d'ouvrir vers l'extérieur en mettant en avant le travail finalisé des participants auprès d'adultes (proches des participants, élus, professionnels de la structure accueillantes, ...) ainsi qu'auprès d'autres jeunes de leur âge. « Cette reconnaissance des institutions, des élus, des habitants, des parents et des pairs est importante pour motiver les jeunes mais également pour aboutir à des impacts positifs sur le territoire »305. En effet, force est de constater que cette reconnaissance est extrêmement bénéfique pour les adolescents inscrits dans un projet car elle renforce leur confiance en eux. Laure Ciosi profitera même de cet argumentaire306 pour mettre en lumière que la reconnaissance et le regard bienveillant des différents adultes (parents, élus, ...) sur les

305 CIOSI, Laure. Projets participatifs avec des adolescents : les conditions de leur implication. Caisse nationales d'allocation familiales. 2014/1 n°181. P 47.

306 Ibid. P 47.

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projets participatifs adolescents permettent d'appréhender les deux valeurs qui selon elle sont indispensables à leur mise en place. La première est de privilégier la qualité à la quantité, aspect mis en évidence dans le premier axe de cette partie Une vigilance particulière à la notion du prendre soin. Pour Laure Ciosi, il est crucial de ne pas démultiplier ces projets sans réels objectifs. Au contraire, elle considère qu'ils doivent être murement et intelligemment réfléchis afin d'être pertinents et permettre aux jeunes d'en tirer divers apprentissages. « [L]aisser du temps au temps »307 est la deuxième valeur indispensable que développe Laure Ciosi dans Projets participatifs avec des adolescents : les conditions de leur implication. Par cette idée, elle entend que le temps et l'expérience sont nécessaires pour que les adolescents puissent aisément s'emparer des différents sujets et se sentir légitimes à participer à des projets. C'est donc en accompagnant ces publics, en permettant à chaque jeune de trouver « sa porte d'entrée », le sujet et le projet qui l'intéressent que les professionnels arriveront à des résultats concluants.

Si je reviens plus précisément au partenariat entre Bain Public et JEV, mettre en place un temps de valorisation dans l'idée de clôturer cette première année de partenariat était primordial. Initialement cette action devait avoir lieu le 9 juillet 2021 durant le Youth Saint-Naz tour. Finalement, à la suite d'un souci lié au calendrier, elle se déroulera fin octobre. Il est évident que le travail entre les deux structures est voué à se pérenniser et les projets en faveur des jeunes et des adolescents à se développer au sein de Bain Public. Cependant, mettre en place ce temps se devait de donner un sens aux différentes actions réalisées et d'insister sur l'envie de Bain Public de travailler avec ces publics. S'y ajoute la valorisation des participants ayant rencontré et échangé avec des artistes accueillis. Lorsqu'Anne Guillou et moi-même avons pensé cette action, il nous semblait important qu'elle ressemble à Bain Public tout en pouvant servir à Jeunes en ville. En ce qui concerne ce dernier, un des objectifs de son projet est de recueillir la parole des jeunes. Force est de constater que le partage de la gouvernance commence par cet aspect. En effet, recueillir la parole des publics permet de connaitre leurs sensations, leurs envies et d'identifier leurs besoins. Ce travail est donc pertinent voire nécessaire pour débuter un projet participatif. Cependant, la difficulté réside dans le fait que prendre la parole en public, se confier sur ses sensations demeurent extrêmement complexes pour des publics qui n'y sont pas habitués ou qui n'ont pas été correctement accompagnés. Recueillir une parole authentique s'avère parfois compliqué. Nous avons donc souhaité nous pencher sur cet aspect en mettant en

307 Ibid. P47.

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place une action qui tendait vers la logique participative. C'est donc pour cela que nous nous sommes tournées vers les banques de questions de François Deck, un artiste dont la pratique est principalement centrée sur la rencontre, la relation et l'échange avec autrui. « Depuis les performances de la question, les banques de questions sont nées du désir de garder disponible la mémoire d'une lecture ou d'une conversation. Il s'agit d'abord d'un format d'écriture. Dans un second temps des protocoles de débat ont été développés. Ces protocoles modifient les conditions de la rencontre. »308 A travers ces banques de questions, François Deck avait la volonté de développer un outil ludique et participatif. Les différents participants à l'atelier doivent choisir une question parmi une liste qui leur est présentée. Il est important de préciser qu'elle est écrite soit en amont de l'action soit par les différents participants, tout en étant en corrélation avec la thématique développée. Ce qui rend ce travail original est que l'objectif n'est pas que les participants répondent à la question choisie. Au contraire, ces derniers devront exposer en quoi celle-ci les a interpellés : réflexion intéressante, question liée à une expérience personnelle, .... « Ces transactions questionnent les rôles et les places de chacun dans la production esthétique 309et la production des connaissances, dans un contexte mis en mouvement par les techniques de communication ».310 Ce travail est donc particulièrement intéressant pour recueillir une parole authentique des participants. En effet, le but n'est pas de demander aux participants de convoquer les connaissances ou de démontrer qu'ils sont en capacité de répondre à la question. Au contraire, aucune réponse n'est mauvaise et l'un des objectifs est bien de dédramatiser la prise de paroles en public.

Ce dernier axe a donc mis en évidence l'importance de la valorisation dans les projets participatifs. Ces temps peuvent soit être dirigés vers l'extérieur et mobiliser d'autres publics (présentations publiques, spectacles, ...) ou alors être mis en place en interne (bilan avec les participants). Il est possible de constater la compatibilité de ces deux pratiques et de leurs objectifs. Chacune peut donc être mise en place au sein d'un même projet. Par la suite, cet axe s'est focalisé sur le temps de valorisation imaginé pour clôturer la première année de partenariat avec JEV.

308 DECK, François. Elaboratoire. Banque de questions. L'évolution des représentations du travail. P1.

309 Questions imaginées pour l'atelier avec JEV dans l'annexe 11 : Bilan de la première année de partenariat avec JEV. P140.

310 DECK, Francois. Avant l'intention, juste avant. Brouillon général. Fondcommun. 11 mars 2011. P2

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Cette dernière partie s'est donc tournée vers un aspect plus professionnel que théorique dans le sens où elle s'est appuyée sur mon expérience au sein de Bain Public. Pour cela, j'ai resserré mon analyse sur les actions menées avec les publics qui m'intéressaient pour ce mémoire. En effet, il y avait un intérêt à revenir, notamment, sur le partenariat avec Jeunes en ville. De plus cette expérience illustre bien de nombreux aspects et des réflexions déjà abordées dans ce travail.

Malgré quelques difficultés et les réajustements nécessaires, cette première année d'exploitation conforta l'équipe de Bain Public dans son idée de devenir un lieu privilégié pour les jeunes nazairiens. S'y ajoute l'envie de multiplier les actions pour ces publics. Ce partenariat avec JEV fut donc le point de départ d'une réflexion encore neuve mais vouée à être pérennisée. A travers ce stage, j'eus également l'opportunité de rencontrer de nombreux jeunes nazairiens dont certains seraient motivés pour devenir bénévoles à Bain Public. Le travail amorcé cette année, que ce soit avec Jeunes en ville ou avec les jeunes nazairiens au sens plus large, aura très certainement des répercussions positives sur les futures saisons de Bain Public et permettra à l'équipe, salariées comme futurs stagiaires, de pérenniser les initiatives en faveur de la jeunesse. Malgré de nombreux rebondissements, je prends conscience avec le recul des enseignements précieux que cette expérience m'a apportés. Elle a également su élargir et nuancer ma réflexion. Le travail que j'ai effectué depuis maintenant un an (recherches théoriques, recensement d'exemples concrets, entretiens avec des professionnels, ...) m'a permis d'anticiper la mise en place d'actions, de les mettre en perspectives avec d'autres et de prendre de la hauteur dans le but de les analyser. Cet exemple complémentaire aux quatre projets sélectionnés souligne la complexité et la diversité des questionnements liés à la mise en place de projets participatifs. Une telle analyse fut possible grâce à mon intégration au sein de Bain Public car ma posture devient alors celle d'une professionnelle active. Ce stage me donna la possibilité d'appréhender ces questionnements en interne, contrairement aux quatre autres projets où mes conclusions émergeaient des constats des professionnels y ayant participés.

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Conclusion

La présente étude a tenté de répondre à la problématique suivante : comment les différents médiateurs et les professionnels du spectacle vivant, et plus particulièrement du théâtre, peuvent-ils s'emparer des enjeux du partage de la gouvernance et de la démocratie participative pour imaginer et coconstruire des actions pour et avec des adolescents ?

Elle s'est articulée selon un plan en trois parties. Mon souci fut dans un premier temps de comprendre et d'analyser les spécificités des publics bénéficiaires : les adolescents. L'histoire et l'émergence de ce terme, les besoins spécifiques à ces publics, leurs prises en compte dans le secteur culturel et les enjeux qu'ils soulèvent alors furent exposés et développés. L'analyse se poursuivit en démontrant comment les enjeux du partage de la gouvernance et de la démocratie participative prennent place et s'articulent dans les projets pour adolescents. Elle mit en évidence la place des différents acteurs dans la co-construction de projets et les démarches utilisées dans les quatre actions sélectionnées. S'y ajoutait l'analyse des limites que présentent les enjeux de la démocratie participative dans des projets. Alors que les deux premières parties de ce mémoire étaient agrémentées d'exemples théoriques issus d'ouvrages ou de propos de professionnels, la troisième s'appuya sur mon expérience au sein de Bain Public. Il peut être pertinent de rappeler que mon souci initial était de développer un argumentaire autour des adolescents compris entre 12 et 15 ans. Or, la réalité du terrain nazairien m'amena à élargir ces réflexions et à me pencher sur les 15-25 ans.

Au fil de cette année, je remis de nombreuses fois en cause le fait de m'attarder exclusivement sur les adolescents compris entre 12 et 15 ans. Bien qu'aucune scission ne s'opère avec leurs ainés, les projets participatifs recensés, les éléments théoriques sur lesquels je m'appuyais se penchaient en priorité sur les adolescents à partir de 15 ans. Il est indéniable que les lycéens sont plus à même d'intégrer un projet participatif que des enfants ou des collégiens : plus autonomes, plus habitués à intégrer ce genre de projet, ... S'y ajoute le facteur de la professionnalisation de certains projets. En effet, dans les spectacles participatifs311 il peut arriver que les adolescents soient payés et en ce qui concerne les démarches administratives,

311 Derrière le Hublot a mis en place des contrats pour les jeunes participants du spectacle Un après-midi avec George Romero à regarder mourir les dinosaures. Le Théâtre de Lorient a également inscrit plusieurs spectacles participatifs adolescents dans une démarche de professionnalisation.

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elles sont plus simples lorsque les participants ont au minimum 16 ans312. Cependant il me semblait important de mettre en évidence les adolescents de 12 à 15 ans dans l'idée de leur donner de la visibilité et de souligner l'écueil en ce qui concerne les projets participatifs qui leur sont destinés. Il est indéniable que ce travail a transmis des clefs d'analyses englobant les différents projets participatifs, et pas seulement ceux ayant une entrée adolescents. Il est donc primordial pour les professionnels d'identifier précisément le groupe et le public auquel leur projet s'adresse. De là il est possible de recenser les différents besoins et les caractéristiques liés aux publics mobilisés.

Pour conclure, la participation des publics s'incarne à travers des actions multiples : groupe d'ambassadeurs, programmation partagée, spectacle participatif ... Il s'avère donc complexe de proposer une liste exhaustive des outils à mettre en place pour développer des projets participatifs avec des adolescents. Certaines démarches et méthodes récurrentes furent mises en lumière durant ce travail : responsabiliser l'adolescent, mettre en place une relation plus horizontale entre lui et le professionnel, valoriser le projet, prendre en compte leurs besoins, ... La participation réside donc principalement dans le rapport que les professionnels souhaitent instaurer avec les publics mobilisés, leur capacité à « lâcher prise » et à ne pas trop se projeter. Dans le cas contraire, il peut s'avérer complexe pour les participants de s'emparer du projet. Les outils utilisés ne doivent donc pas être figés en amont de ce dernier. Au contraire, ils doivent continuer à s'inventer et à se développer en même temps que son exécution. En m'emparant de ces questionnements, j'ai été amenée à constater et à comprendre qu'une des difficultés de la participation résidait dans l'équilibre des places accordées entre professionnels et publics mobilisés. La question du temps s'avère également être l'une des notions clefs, irriguant l'ensemble des projets de ce type.

A travers cette étude, mon parti-pris fut de développer un argumentaire par le prisme des professionnels inclus dans les projets participatifs. Il peut donc être intéressant par la suite de la confronter à un travail porté sur les mêmes problématiques mais dont l'angle d'attaque serait le point de vue des adolescents313.

312 Le code du travail français donne la possibilité de travailler à partir de 16 ans. Embaucher un jeune inférieur à cet âge présente des démarches beaucoup plus lourdes pour les professionnels : uniquement sur les vacances scolaire, temps de repos devant être égal au temps travaillé, ... De manière générale, le travail des mineurs est extrêmement réglementé. Informations tirées de : Service-public.fr. A partir de quel âge peut-on travailler ? Page : recrutement dans le secteur privé. Vérifié le 12 avril 2021.

313 Agrémenté d'entretiens et de questionnaires d'adolescents.

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Mes réflexions me permirent également de constater que les profils de médiateurs voire la vision de la médiation elle-même s'élargissait. Par exemple, « animation » et « médiation » sont des notions de moins en moins opposées314. Il y a en effet dorénavant un questionnement sur la complémentarité de ces pratiques. En ce sens, les portes d'entrées vers les projets participatifs et l'art proposées aux jeunes publics et aux adolescents s'élargissent. De plus, lorsque la question du partage de la gouvernance est posée au sein du champ artistique, force est de constater que les impacts ne se limitent pas seulement au secteur culturel. Sociabilisation, acquisition d'autonomie, apprentissage de la vie en collectivité, ... Les retombées sont multiples. Les nombreuses passerelles avec les divers sujets contemporains sont également un facteur présentant la culture comme un outil propice à la mise en place de projets avec des adolescents.

Bien que les projets évoluent dans le sens contraire, de nombreux enseignements, à l'instar de l'école, sont encore descendants. Dans la participation, il n'y a pas de « bonnes » ou de « mauvaises » réponses, il est possible de se tromper et de réessayer. Les participants sortent donc d'un rapport concurrentiel les uns avec les autres pour entrer dans une logique de confiance vis-à-vis de leurs pairs et des professionnels les encadrant. C'est donc pour cela qu'à mon sens, il y a un intérêt à valoriser ces projets pour adolescents au sein des différents secteurs. Plus il y aura d'espaces dédiés à l'expression des jeunes plus ils auront de facilités à le faire. Les différentes formes de participations se trouvent donc être complémentaires.

Les réflexions sur la démocratie participative et le partage de la gouvernance questionnent les professionnels du spectacle vivant. Cependant, ces problématiques ne peuvent être pensées comme des utopies. Au contraire, elles s'ancrent dans des projets et des dispositifs régis par des cadres et des limites. Certaines injonctions persistent et demandent à être conciliées. Ce qui est par exemple imposé par les politiques publiques (cahiers des charges, évaluations des dispositifs, ...) entre en contradiction avec les désirs actuels des publics et des professionnels du spectacle vivant (médiateurs, artistes, directeur, ...).

314 Dans l'introduction de l'ouvrage Projets culturels et participation citoyenne, le rôle de la médiation et de l'animation en question, Françoise Liot souligne la porosité entre ces deux pratiques. S'y ajoute un argumentaire sur comment et pourquoi elles sont encore opposées.

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Bibliographie

Ouvrages:

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· Une pratique artistique d'affirmation
. Montréal : les éditions Logiques, 1998.

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· l'adolescent à la recherche de son identité.
3eme édition. Louvain-La-Neuve : De Boeck Supérieur, 2019. Ouvertures psychologiques.

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GAL, Jean-Claude. Un théâtre et des adolescents, Tome 2. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise Pascal, Service Universités Culture, 2019. Parcours Pluriels.

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Textes de références :

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100

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105

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Bain Public. Disponible à l'adresse : https://www.bainpublic.eu/ Collectif Lacavale. Disponible à l'adresse : https://collectiflacavale.fr/

Comète Théâtre. Disponible à l'adresse : http://comete-theatre.org/

Le Préau Centre Dramatique National de Normandie-Vire. Disponible à l'adresse : https://www.lepreaucdn.fr/

MJC Rodez : maison des jeunes et de la culture de Rodez. Disponible à l'adresse : https://mjcrodez.fr/

Rencontre Théâtre Ados. Disponible à l'adresse : https://rtados.qc.ca/ Théâtre des 2 points Rodez. Disponible à l'adresse : https://theatrerodez.fr/ Théâtre Le Clou. Disponible à l'adresse : https://leclou.qc.ca/

106

Table des matières

Prologue : présentation de Bain Public 2

Introduction 4

1. Les adolescents : les publics en questions 16

1.1. Une structuration récente de la notion d'adolescence 16

1.1.1. Du concept de jeunesse à celui d'adolescence 16

1.1.2. Les adolescents en tant qu'individus : les besoins et les spécificités de cette

population. 20

1.1.3. La prise en compte des adolescents dans les projets qui leurs sont destinés 24

1.2. La prise en compte des adolescents dans le secteur culturel 26

1.2.1. Le cas Québécois : une avance importante sur ces enjeux. 27

1.2.2. Le cas français : notre terrain d'analyse 30

1.3 Un double enjeu : le cadre scolaire et le cadre volontaire 34

1.3.1. L'enjeu des projets dans le cadre scolaire 34

1.3.2. L'enjeu des projets dans le cadre volontaire 39

1.3.3. Des enjeux pouvant être complémentaires 41

2. La gouvernance et la démocratie participative en tant qu'enjeux contemporains 47

2.1. La place des différents acteurs au sein de ces défis 47

2.1.1. Les adolescents : acteurs et non consommateurs 48

2.1.2. Les différents médiateurs : la nécessité de la co-construction 51

2.1.3. Les institutions : un besoin de désacralisation 55

2.1.4. La place du département : l'articulation de son rôle au sein de ces enjeux 57

2.2. L'articulation des enjeux du partage de la gouvernance avec les adolescents dans des

projets qui leurs sont destinés. 60

2.2.1. Repenser la relation entre adultes et adolescents 61

2.2.2. Responsabiliser les adolescents 63

2.2.3. Mettre en place des temps spécifiques 65

107

2.3. Les limites et les contradictions du partage de la gouvernance lors de projets

participatifs 67

2.3.1. Entre l'expertise et le partage de la gouvernance avec les adolescents : un juste

équilibre à trouver 67

2.3.2. Le temps : une notion clef dans la participation des publics 69

2.3.3. Le prise en compte du cadre de l'action 71

3. Mon expérience à Bain Public : la mise en partage de la gouvernance avec les jeunes

nazairiens. 74
3.1. Les enjeux et les difficultés de la co-construction entre Jeunes en Ville et Bain Public.

76

3.1.1. Comprendre les jalons posés à ce partenariat et ses rebondissements. 77

3.1.2. La question du positionnement des deux acteurs dans cette co-construction. 80

3.2.3. Le libre engagement des jeunes : un impact sur la co-construction. 82

3.2. Retour sur expérience : les différents points que j'ai été amenée à appréhender. 85

3.2.1. Une vigilance particulière à la notion du prendre soin 86

3.2.2. Le recrutement : un travail nécessaire, enrichissant mais chronophage 88

3.2.3. La valorisation des projets avec les jeunes 92

Conclusion 96

Bibliographie 99

Sitographie 105

Table des matières 106

Annexes 108

108

Annexes

Table des annexes

ANNEXE 1 : Entretien avec Gurval Reto 109

ANNEXE 2 : Entretien avec Anne Courel 112

ANNEXE 3 : Entretien avec Nicolas Drouet 116

ANNEXE 4 : Entretien avec Enora Davodeau et Adèle Thivillier 121

ANNEXE 5 : Entretien avec Solène Bodereau 126

ANNEXE 6 : Entretien avec l'équipe du Labo des cultures 129

ANNEXE 7 : Entretien avec Catherine Le Moullec 136

ANNEXE 8 : Entretien avec Edith Coutant 140

ANNEXE 9 : Entretien avec Carmen Camboulas 142

ANNEXE 10 : Entretien avec Nathalie Jan 144

ANNEXE 11 : Bilan de la première année de partenariat avec JEV 146

109

ANNEXE 1 : Entretien avec Gurval Reto

Date : 27 janvier 2021

Présentation : Gurval Reto est le directeur et le programmateur du THV, Théâtre de l'Hôtel de Ville à Saint-Barthélémy-d'Anjou315.

Gurval Reto : « Je suis arrivé il y a deux ans au THV et il y a toujours ce qui s'appelle le spectacle des abonnés qui est un spectacle choisi avec les abonnés. On leur propose trois spectacles et la population doit choisir. C'est un projet qui me questionne depuis que je suis arrivé car comment est-ce qu'on choisit un spectacle sur un bout de vidéo, sur un bout de document ? çà veut dire quoi ? Moi c'est mon métier par exemple, je vois beaucoup de spectacles, j'ai une réflexion globale sur comment programmer. [...] Et donc du coup, on est arrivé sur un projet qui s'appelle Les infiltrés. C'est un projet qui va se mettre en oeuvre là, [...] C'est dix pré-ados de 9 à 12 ans qu'on rencontrera au mois de juin. C'est un projet sur un an et demi, ils rencontrent l'équipe, visitent le théâtre,... Le 3 juillet moi je les vois, je leur explique c'est quoi programmer, pourquoi programmer, comment j'en sais rien, chacun fait comme il veut, comme il peut, ... Après ces enfants je les amène à Avignon avec moi durant quatre jours. C'est au sein d'Avignon, enfants à l'honneur avec Assitej-France. Ils verront cinq spectacles et vivront donc l'Assitej « classique ». Au mois de septembre moi je les réinvite ici et ils vont choisir un des cinq spectacles qu'ils auront vus. On va débattre : Pourquoi ils le choisissent, pour quelle tranche d'âge, à quel moment dans la saison, quelles actions de médiation à mettre autour et là on commence le travail vraiment avec eux. Ils auront les clefs du théâtre pour ce spectacle. Ils seront en lien avec l'administrateur pour les contrats, en lien avec la médiatrice pour l'action de médiation à mettre en oeuvre, en lien avec la chargée de communication pour écrire les textes de la plaquette, du site internet ... Il seront présents lors de la présentation de saison aux habitants, c'est eux qui viendront présenter, défendre leur projet. Ils seront présents aussi sur l'accueil du spectacle dans un an et demi, soit la saison d'après, et comment à un moment donné c'est un projet de A à Z où ils sont infiltrés à l'équipe parce qu'ils vont voir tous les postes. A la technique, c'est eux qui seront là aussi. Donc avec les professionnels de l'équipe [...] Ils ont été actifs vraiment, ils ne sont pas venus juste pour une médiation, ils ont compris l'ensemble du cheminement de qu'est-ce que programmer [...] On essaie de les impliquer totalement dans la prise de décision et dans assumer le choix d'un spectacle. Peut-être que demain certains de leurs camarades leur diront « je n'ai pas aimé » et oui, que veut dire « je n'ai pas aimé » et que veut dire « j'ai aimé ». Eux ils auront compris, ils auront vu cinq spectacles et sur les cinq il y en aura un qui sera le leur. Et moi je m'engage que sur cinq spectacles il y en est un qui soit le leur. Et çà sera le leur mais avec l'ensemble de l'équipe qui sera derrière pour y travailler. On est vraiment sur un projet de citoyen de demain et de compréhension de l'ensemble du secteur culturel. [...]

315 Commune située dans le département de Maine-et-Loire.

110

Marguerite Corrieu : J'aurais voulu savoir d'où est venue l'impulsion du partage de la gouvernance ? Des projets existaient-ils déjà avant votre arrivée au THV? Est-ce la mairie qui a impulsé cette dynamique ?

Gurval Reto : Ce choix de programmation avait été impulsé avant mon arrivée. On est dans une volonté à inviter le public à être acteur et pas seulement consommateur. Cela est d'autant plus flagrant aujourd'hui. Moi je n'ai pas envie que les gens viennent consommer du spectacle. Ils viennent partager un moment, vivre un moment, échanger avec les artistes, ... Qu'est-ce que l'oeuvre qu'ils auront croisée leur apporte à eux, les questionne ? [...] C'est facile de diriger, c'est beaucoup plus complexe et long de partager la gouvernance. Après c'est aussi des évolutions générationnelles. Ce qu'on a appelé les barons de la culture sont maintenant à la retraite et la génération qui est maintenant à la tête des institutions et des projets culturels a appris plus longtemps qu'il fallait coconstruire, co-porter avec les équipes aussi. Moi j'ai une vraie question de la gouvernance au sein de l'équipe. Un partage, une réflexion globale. Les questions des fonds sont partagées. Là on va être une scène conventionnée d'intérêt nationale et il faut donc déposer un dossier au ministère. Ces dossiers c'est le projet du directeur ou de la directrice. J'ai eu du mal à l'écrire car on me demandait de dire « je » et j'ai appris depuis longtemps à dire « nous ». J'ai donc mis longtemps à l'écrire car cela me demandait de comprendre où était la place de chacun dans cet équilibre du THV. Donc à un moment donné, le projet du THV ce n'est pas le projet de Gurval Reto. Alors que oui c'est mon projet et cette notion de gouvernance en fait partie mais j'écrivais « nous ». Et le ministère de la culture m'a dit : « Gurval, il faut que tu écrives en « je » ». Donc j'ai réécrit en « je », et çà été pour moi un vrai questionnement car d'un coup c'était réaffirmer une gouvernance descendante. Et les outils aujourd'hui sont de plus en plus des outils de gouvernance partagée. En même temps, la gouvernance veut quand même dire à un moment les connaissances et les capacités : Nous sommes des professionnels. Sur la notion de programmation partagée par exemple, mon métier c'est directeur de lieu mais aussi programmateur. Quand quelqu'un vient me dire « Tu dois programmer çà parce que je l'ai vu et c'est génial ! » et bien je me dis : « Tu as vu combien de spectacles pour pouvoir le comparer et me dire que c'est super ? », « et bien un seul » « eh bien moi j'en vois 250 des spectacles par an et je suis capable de dire pourquoi je programme cela ». Ce que je veux avec ces enfants qu'on amène à Avignon c'est qu'ils soit eux aussi en capacité d'affirmer leurs choix, de les expliciter, et dans la gouvernance et le travail commun il faut que chacun ait les même capacités et les mêmes armes d'échanges. Il n'y a rien de pire qu'une pseudo gouvernance partagée et déguisée entre les sachants et les non-sachants.

Marguerite Corrieu : Quels sont selon vous les autres enjeux et les limites de la gouvernance ?

Gurval Reto : Les limites elles sont dans la personnification et la confiance. Si l'on prend le THV, c'est 900 abonnés qui à un moment donné me font confiance. Je suis contractuel et pas fonctionnaire et le jour où j'ai été recruté j'ai dit aux élus « laissez-moi programmer ». Parce que si la programmation ne convient pas, c'est moi le responsable. Et les limites elles sont dans la notion de responsabilité et que dans la relation, il y a cette confiance envers les gens. On n'est pas dans un théâtre de tête d'affiche, au contraire on est sur un théâtre de découverte et que la

111

programmation, l'équipe est en confiance avec les gens. [...] Donc çà pour moi c'est un questionnement et encore une fois ca a beaucoup bougé. On n'est pas dans les années 80 où on était dans une personnification complète du directeur qui avait « La culture ». La culture à la Malraux elle est finie, avec ceux qui sont détenteurs de la culture. Je ne crois plus en ça. Et en même temps, j'ai besoin de créer une relation de confiance avec les gens.

Marguerite Corrieu : Il y a encore peu d'équipes artistiques qui partagent leur gouvernance avec les publics. Selon vous pourquoi ?

Gurval Reto : Alors c'est très politique. J'y ai beaucoup réfléchi car je travaillais sur l'agenda des cultures à Angers. Je pense que c'est une peur aussi. Et il faut faire attention selon moi à une certaine démagogie. Les limites elles sont dans la démagogie. C'est important de partager, coconstruire mais avec des groupes repérés et pas dans une construction globale avec « qui vient fait » parce que là on arrive dans la démagogie.

Marguerite Corrieu : Plus spécifiquement sur le jeune public et les publics adolescents : quand dans votre parcours vous êtes-vous intéressé à ces publics ? Quels sont selon vous les enjeux que soulèvent adolescence et théâtre ?

Gurval Reto : Le titre du festival du THV c'est Zone de Turbulence et l'adolescence est une période de turbulence. C'est l'une des périodes où l'on a le plus envie et besoin de se confronter aux interdits, à nos propres limites, de tester nos limites et comment à un moment donné, le spectacle vivant permet ça. On est sur des périodes où lorsqu'on est adolescent, on a envie de vivre sans limite et le spectacle va ouvrir de nouveaux horizons. On ne gère pas forcement nos émotions quand on est adolescent. C'est une période de possible total et le spectacle vivant peut les ouvrir. Il faut se dire que c'est possible. [...]

112

ANNEXE 2 : Entretien avec Anne Courel

Date : le 9 janvier 2021

Présentation : Anne Courel est metteuse en scène et directrice artistique de la compagnie Ariadne, compagnie qu'elle créa en 1990. Elle est également directrice de l'Espace 600316 à Grenoble depuis 2019. La compagnie Ariadne et Anne Courel vouent un réel intérêt aux publics adolescents. La compagnie fut d'ailleurs à l'initiative de plusieurs projets à destination des adolescents : plateformes théâtre ados317, Roulez jeunesse, LAB ados318, ...

Anne Courel : « Mon idée c'est qu'un théâtre doit être un lieu dans lequel les personnes se sentent en familiarité. Ce qui n'est pas une mince affaire. J'ai mis en place un certain nombre d'idées et assez rapidement il m'est apparu que si je ne travaillais pas avec les jeunes, je n'irai nulle part. Cela n'allait pas être le plus facile mais c'est par là que çà passe. Il faut compter sur eux et travailler avec eux. Entre autre parce que dans les théâtres, enfin c'est quelque chose avec laquelle je suis d'accord et pas d'accord, il y a une énorme part du public qui est un public scolaire et pour moi cela est impossible d'imaginer que le théâtre est une discipline scolaire. A partir de là on est dans une incompréhension, on se dit n'importe quoi. Si pour des élèves c'est un endroit où l'on va avec des professeurs, où l'on vous demande d'être sages, de ne pas faire l'imbécile et d'apprendre quelque chose dont il va falloir faire un compte rendu, on est complètement battu dans le rapport à l'artistique.

Marguerite Corrieu : Je me permets de rebondir sur ce que vous disiez : que le théâtre soit un endroit familier pour tous. Quelles actions mettez-vous en place pour y parvenir ?

Anne Courel : J'ai pris les choses à l'inverse. Ce sont des cadres qu'on pose et non pas des actions que l'on met en place. Tout ce qu'on fait en tant qu'artistes c'est proposer des actions. Pourtant si l'on dit à des gens : je vous propose une action, et bien par excellence je ne vous demande pas d'en être responsables. Dès que je prends le problème en disant « je vous propose une action », directement je fais l'inverse de ce que je vous propose précédemment. Donc çà veut dire qu'il faut trouver des cadres qui permettent eux-mêmes aux gens de proposer des actions, de participer à la vie d'un théâtre. C'est relativement simple ce qui se passe dans un théâtre, on va faire en sorte que des personnes et des oeuvres se rencontrent. Sauf que les présupposés de la rencontre sont posés de manière concrètes et ne donnent pas envie aux adolescents de participer. Parce que dans un premier temps il y a cette proposition qui vient du scolaire donc une action scolaire. Ou alors c'est une action familiale : cela fait partie de la vie de la famille d'aller au théâtre, ce qui marche encore moins bien avec les adolescents. Même dans les familles les plus cultivées, c'est rare qu'on arrive à le faire entre 12 et 16 ans. Donc là on est de nouveau battu. Ou il y a des propositions des théâtres qui vont s'appeler « démarches participatives », « chantiers de création », ... Le problème, c'est que s'il faut s'inscrire par

316 Scène régionale tournée vers le spectacle jeune public.

317 Espace numérique collaboratif.

318 Laboratoire adolescents de recherches et d'écritures contemporaines.

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exemple « avant mardi 16h » on est battu aussi. Donc j'ai essayé de bâtir un projet et de faire des propositions de façon à ce qu'il y ait plusieurs entrées possibles, qu'on ait envie de voir, de s'impliquer, de multiplier les entrées et d'interconnecter tout ce qui se passe. C'est ce que j'ai appelé La fabrique où des artistes commencent par être là tout le temps, augmentant le nombre de jours où la rencontre peut se faire. [...] Et les artistes sont présents quand un jeune homme ou une jeune fille a envie de faire quelque chose. Et ensemble les artistes peuvent voir à quel endroit la personne peut rentrer dans un processus. Et avec trois d'entre eux on va dire : « Vous avez envie de faire du théâtre le mardi ? Super, mardi prochain tu viens et on fait. » Si cela ne se passe pas et que c'est juste l'aider à monter des tables, et bien il va monter des tables. Mais tous les prétextes sont bons pour favoriser la rencontre et l'envie et on est nombreux et on se parle. Et avec eux on invente des rendez-vous. Donc cela a donné La fabrique avec énormément de rendez-vous. Des rendez-vous pour les petits, les moyens, les grands, ... Et tout ce qui est proposé sur le terrain en terme d'action culturelle est connecté avec des artistes qui viennent au plateau, ou des auteurs qui viennent en résidence pour écrire, .... Donc on interconnecte tout en fait.

Marguerite Corrieu : Selon vous, quels sont les enjeux aujourd'hui de la médiation culturelle ?

Anne Courel : Ce qui est important c'est la souplesse, la capacité à rebondir et à construire avec. Cela tout le monde le dit mais personne ne le fait. Parce que c'est très dur à faire. Parce que çà veut dire que si vous avez de l'argent pour faire un projet d'EAC de 12 heures dans un collège, il faut que ces 12 heures deviennent, s'il faut 18 ou 22 heures. C'est cela qui est compliqué, il faut pouvoir suivre et inventer sans avoir en permanence la barrière du cadre. Donc c'est complexe. Après les enjeux c'est la participation, c'est se sentir exister à l'intérieur de quelque chose. Se sentir avec une place, c'est vraiment la question de la place. Ces adolescents n'ont pas de place.

Marguerite Corrieu : Quels sont pour vous aujourd'hui, les enjeux de la corrélation entre « adolescence » et « théâtre » ?

Anne Courel : Il y a quelque chose dans l'énergie qui m'intéresse. Il y a une énergie créatrice énorme chez ces jeunes gens. En tant que directrice de théâtre on a pas envie que cette énergie soit canalisée mais plutôt boostée par leur créativité. Donc en tant que directrice d'un théâtre c'est çà qui m'intéresse et en tant que metteuse en scène, c'est que çà m'oblige à trouver des solutions. En tant qu'adulte, je suis désespérée du monde dans lequel on vit. M'adresser aux jeunes c'est une manière de chercher des fenêtres, c'est une manière de parler de ce monde. [...] L'histoire de l'horizontalité cela me met très rapidement hors de moi. Parler tout le temps de co-construction et d'horizontalité cela me met très en colère car cela supposerait que les choses aient une hiérarchie. Oui il y a des gens qui savant plus de choses que d'autres, oui il y a des gens qui sont plus vieux, des gens qui ont plus de pouvoirs. Mais moi la mise en évidence de la différence cela me met hors de moi et je pense qu'on ne peut pas travailler ensemble. Il y a des enseignants qui arrivent à l'intérieur de leur classe à créer des espaces de dialogues absolument ouverts [...] et puis des professeurs qui les empêchent de s'exprimer. La seule

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généralité qu'on peut dire par rapport à l'éducation nationale c'est que c'est un projet qui a forcément une histoire et que le projet d'éducation artistique et culturelle est extrêmement vieillot dans sa construction. Il faut renseigner, avant même d'avoir l'argent, à qui on va s'adresser, combien ils vont être, quel va être le thème et quels vont être les résultats attendus. Mais çà c'est la vieillerie de l'éducation nationale. Il y a des enseignants qui savent jongler avec, il y a des enseignants qui savent sortir des cadres. Pour le coup à l'éducation nationale ce n'est pas horizontal.

Marguerite Corrieu : J'ai pu constater que dans votre compagnie, il y avait une personne à part entière dédiée à la médiation ...

Anne Courel : Ce n'est pas quelqu'un qui est aussi comédien ou comédienne mais c'est quelqu'un qui est très proche de l'artistique. Et ces postes-là sont indispensables. Parce que sortir des cadres, penser autrement, faire en sorte que des adultes travaillent ensemble, .... Ce que j'ai dit tout à l'heure sur les entrées multiples. Cela permet à un moment donné d'avoir autour d'un jeune, un artiste, un professeur, ... On sait très bien que nous quand on va voir un film, on y va car on a eu plusieurs avis différents. C'est pas seulement un article dans un journal qui va nous amener à aller voir un film. Donc un jeune si à un moment on souhaite que le spectacle vivant entre dans sa vie, il faut que tout l'écosystème aille dans le même sens. Si l'animateur qui l'accompagne envoie des textos durant le spectacle ou sort en disant « de toute façon le théâtre c'est nul », vous avez beau travailler avec l'enfant depuis je ne sais combien de temps, il y a tout qui s'écroule car devant ses copains il ne va plus vouloir y aller. Donc c'est tout un énorme travail qui fait qu'il y a des alliances entre les adultes. Et cela prend énormément de temps, car ces adultes ne sont pas censés se voir, travailler ensemble, .... C'est des postes vitaux. Le fait qu'un enfant se sente bien un soir de spectacle c'est une cerise sur le gâteau mais tout ce qu'il y a dessous c'est énorme. Donc la médiation c'est un énorme boulot.

Marguerite Corrieu : Trouvez-vous que les artistes sont suffisamment armés pour s'adresser aux publics et pour mettre en place ces actions ?

Anne Courel : Les artistes ne peuvent pas tout faire, c'est aussi pour cela qu'il faut des médiateurs. J'ai commencé ma carrière en pensant qu'il n'en fallait pas mais maintenant je suis sûre qu'il en faut. C'est tellement un énorme boulot pour mettre en place ces alliances, rendre possible la rencontre, la suivre, la prolonger, ... Il faut un monde fou pour que çà marche tout cela. On ne peut pas demander aux artistes de tout faire. [...]

Marguerite Corrieu : Par rapport au Lab ado [...] Le Québec et la Belgique sont-ils plus avancés que la France sur les problématiques liées aux publics adolescents ?

Anne Courel : Maintenant on les a entre guillemets rattrapés mais c'est vrai que le Québec et la Belgique travaillent depuis longtemps sur le théâtre ados. En France, on ne disait pas qu'il y avait du théâtre ados, et beaucoup de gens le pensent toujours, qu'un adolescent peut voir

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n'importe quel spectacle. Donc identifier un théâtre pour les adolescents, çà été fait par les belges et les québécois il y a largement 25 ans alors que nous, on a encore du retard. »

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ANNEXE 3 : Entretien avec Nicolas Drouet

Date : le 22 janvier 2021

Présentation : Nicolas Drouet est l'un des membres fondateurs du Collectif Lacavale. Cette compagnie voue un intérêt particulier aux formes participatives et aux publics adolescents.

Marguerite Corrieu : « J'aurais voulu savoir quand vous aviez commencé à vous pencher sur les publics adolescents et pourquoi ?

Nicolas Drouet : On est six et on n'a pas eu tous et toutes les mêmes parcours. Il y a plusieurs réponses. On a questionné à un moment le pourquoi des ados et ce que çà nous faisait et on s'est rendu compte, surtout ces dernières années, que les raisons pour lesquelles on a commencé ne sont pas les mêmes pour lesquelles on continuait. En fait, on est quatre du collectif à venir d'une formation du cinéma documentaire, les autres viennent du théâtre. [...] Et nous on s'est plutôt tournés vers l'éducation à l'image. Après moi j'étais animateur et c'est quelque chose que j'ai pas mal amorcé au sein du collectif. Le public adolescent, je le connaissais depuis longtemps et même quand j'étais animateur et étudiant en sociologie plus jeune, j'avais déjà essayé de faire des films avec des adolescents. Pour moi c'était assez naturel et le fait est qu'il y a des budgets pour. Il y a une économie à créer autour des ateliers, des pratiques, ... C'est une porte d'entrée à la fois dans la réalisation audiovisuelle, dans les problématiques sociales avec des publics qu'on appelle publics empêchés. Dans le cas de Julie, elle a fait un conservatoire d'arrondissement et a fait beaucoup de projets avec des enfants pour vivre. Pour nous il y a un souffle propre à l'adolescence. C'est quelque chose auquel on a beaucoup réfléchi. En étant avec des adolescents, il y a quelque chose de miroir qui s'opère car nous même on vit une sorte d'adolescence de l'âge adulte où l'on se fabrique quelque chose de très beau. Donc il y a cet espèce de souffle des possibles à gravir dans lequel on trouve beaucoup de joie. Les ados, ils sont hyper graves et hyper dramatiques en même temps, et cela de façon simultanée. Et quelque chose bien sûr à ne pas ignorer, il y a des fléchages financiers propres à cela. On a eu plein d'idées dans les premières années du collectif et lorsqu'on a commencé à se dire qu'on allait faire quelque chose mêlant vidéo et théâtre, et bien on a répondu à un appel à projet qui émanait du département du nord qui s'appelait Paroles d'ados et c'est là qu'on a créé Les choses en face qui est un dispositif de création qu'on a repris plusieurs fois après et du coup çà a été la date de naissance du collectif au niveau du théâtre.

Marguerite Corrieu : Avez-vous la sensation que dans d'autres compagnies ou dans des structures, il y a un oubli au niveau de ce public-là ? (actions de médiation, représentations proposées, ...)

Nicolas Drouet : Moi je connais beaucoup de compagnies qui travaillent avec des adolescents car c'est aussi un moyen de financer des projets, il ne faut pas se mentir. Alors des fois, je trouve que çà tombe à côté car il y a des distorsions, des envies de créations qui vont aller vers des dispositifs pas adaptés et parfois c'est un peu malheureux. Parce que çà distord la création et ce n'est pas réellement en lien avec les adolescents. Après il y a pleins de choses supers qui se

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font avec des adolescents. Au niveau des oublis je vais plus penser aux théâtres, aux lieux qui existent avec des personnes permanentes. Ce n'est pas un oubli vu que c'est quand même au coeur du projet, surtout dans les lieux que l'on fréquente nous, vu que l'on a une entrée ado assez forte. Donc les lieux où on va vont dans la même direction. Je ne pense pas sinon que c'est un oubli mais c'est au niveau des méthodes que je trouve un peu « old school ». Comme typiquement se retrouver debout sur un pupitre devant une classe assise à dire des trucs sur une pièce. Moi je sais qu'en tant qu'adolescent çà m'aurait ennuyé et du coup nous, ce que l'on a toujours défendu c'est d'amener les enfants à découvrir le théâtre en en faisant. Je pense que découvrir le théâtre de l'intérieur, les coulisses comment cela se construit, je pense que c'est la meilleure manière pour leur donner envie d'y retourner. En se rendant compte que c'est un travail.

Marguerite Corrieu : Vos projets s'adressent plutôt à des « adolescents-collégiens », des « adolescents-lycéens », ou est-ce que c'est un mixte entre les deux ?

Nicolas Drouet : C'est un mixte. Après maintenant on est un peu malin. On sait que les premières-terminales sont un peu embêtants sauf si tu as des jeunes qui sont en option théâtre. Au début on était un peu frileux sur les options théâtre. On se disait qu'on voulait des jeunes beaucoup plus éloignés du théâtre que ça. Et puis Julie nous a un peu calmés là-dessus en nous disant qu'il y avait plein d'options théâtre dans des petites villes et où ce n'est pas parce que tu es en option théâtre que cela t'ouvre réellement des portes. Il y a des jeunes qui sont en option théâtre et qui sont finalement assez éloignés. Donc on aime bien les groupes mixtes et aussi au niveau des âges. On aime bien les collégiens. C'est pas exactement le même travail mais disons qu'avoir des groupes allant de la 4ème à la 1ère c'est assez marrant. Les 4ème vont un peu s'identifier aux 1ère.

Marguerite Corrieu : Est-ce que selon vous, il est envisageable de mettre en place les mêmes projets avec des adolescents plus jeunes (12-15 ans) et des plus grands (15-20 ans) ?

Nicolas Drouet : Oui carrément ! Tu peux responsabiliser les plus grands au niveau de l'accompagnement. Avec des statuts différents. On sait très bien que les 5ème à un moment ils vont devoir jouer, mais jouer au sens le plus littérale qui soit. Et que sur les choses plus « intellectuelles » on pourra aller moins loin là-dessus. Il faut des choses plus ludiques [...].

Marguerite Corrieu : Quelles sont selon vous les difficultés pour mettre en place des actions participatives avec des adolescents ?

Nicolas Drouet : Ce n'est pas forcément des blocages ou des difficultés mais cela va se référer à la question du temps. En moyenne en cinéma documentaire, une création prend plusieurs années. Donc forcément, nous on fait des trucs beaucoup plus ramassés, qui donnent des choses pas inintéressantes mais oui c'est le rapport au temps la difficulté. Et puis en vidéos c'est l'aspect post production, montage. [...] Donc sur certains projets on le capte assez vite : il y a certains jeunes qu'on amènera pas avec nous au montage donc on va faire une sorte de montage

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papier sur le mur avec les différentes séquences en essayant de leur expliquer qu'en fait le film on peut le mettre dans ce sens-là mais on peut aussi le mettre dans ce sens-là. On souhaite qu'ils saisissent un peu ces enjeux-là. Depuis le temps qu'on fait çà il y a quelques jeunes qu'on a embarqué avec nous en montage et c'était super [...] mais çà c'est assez rare. Et il y a le rapport au groupe aussi. Quand on fait ce genre de projet c'est compliqué d'être plus de 10-12 et parfois les gens ont du mal à comprendre que ce n'est pas possible, dans le rapport à la parole, à l'intimité, dans le rapport de confiance qu'il faut mettre en place, ...Là on a eu çà cette année dans le projet L'âge de nos pères, un projet où l'on est tous les six au plateau. Dans ce cadre-là on a eu un financement d'Ile et Vilaine pour une résidence en collège. On s'est retrouvé dans un groupe classe de 28 jeunes. Et la professeur avait du mal à comprendre que pour nous c'était compliqué de travailler avec un groupe aussi important. En plus on parle des violences physiques et sexuelles [...]. Nous on savait que statistiquement on allait avoir 5-6 jeunes touchés de près par la question de la violence. Et donc ça, çà nécessite d'avoir des temps à moins où la bienveillance est plus simple. [...]

Marguerite Corrieu : Tout à l'heure, vous me parliez d'un projet que vous aviez mis en place dans une classe de 28 jeunes. J'aurais aimé savoir quelle avait été la place de la professeur dans le processus de création? Ce projet a-t-il été coconstruit ? Comment la communication a -t-elle pu se mettre en place ?

Nicolas Drouet : [...] Là la place de la prof c'était un peu compliqué. Aussi à cause de la situation mais c'était quand même un petit raté. Pourtant j'ai l'impression que l'on avait laissé la place à la co-construction, à l'interconnexion, à la possibilité de faire du lien avec les programmes scolaires. [...] C'est jamais très simple, moi je n'aime pas trop être avec des profs, alors là elle était là, on ne lui a pas demandé de partir. Mais c'est compliqué la place des profs. Souvent on travaille avec des gens qui sont là en médiation culturelle et qui sont là lors des labo, ateliers. Des fois c'est cool parfois c'est pas cool. çà dépend des gens, les professeurs çà peut amener une présence très scolaire. Après parfois c'est chouette parce que le ou la professeur peut amener un aspect relationnel avec les élèves. Mais même sur le langage, moi je montre aux jeunes qu'on peut dire des gros mots, ce n'est pas dramatique. L'enjeu c'est de s'écouter, d'être très premier degré dans ce qu'on dit et parfois la présence d'un professeur ne permet pas ça. [...]

Marguerite Corrieu : Avez-vous une préférence entre travailler avec des adolescents dans un cadre volontaire ou dans un cadre scolaire ?

Nicolas Drouet : C'est une question qui est compliquée. C'était tout l'enjeu avec Suzanne du Théâtre de Poche à Hédé où l'on fait juste la résidence en milieu scolaire. Elle, elle a commencé en disant : « moi je veux un groupe classe ». Parce que l'idée c'est de toucher des jeunes qui à la base n'auraient pas envie. Je suis complètement d'accord avec cette idée. Mais c'est beaucoup plus compliqué et surtout quand il sont nombreux. 28 c'est énorme. Moi je n'ai pas de préférence. Je pense qu'un projet comme J'aurais aimé que le monde soit parfait, çà engage tellement que si les jeunes ne sont pas volontaires çà peut être beaucoup trop de souffrance. Çà

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peut être génial pour des jeunes qui découvrent en fait. Mais là c'est quand même un engagement très important, çà leur prend toutes leurs vacances, ils vont rater quasiment une semaine de cours qu'ils vont devoir rattraper, ils vont jouer cinq fois sur un grand plateau. Donc c'est quand même important. Donc si certains n'ont pas envie, çà peut devenir un cauchemar, c'est un coup à les dégouter de toutes formes d'expressions. Et puis après il y a d'autres questions qu'on se pose. Bien évidemment quand on fait ce travail-là et on est persuadé que c'est très important pour la vie, la société, ... Mais c'est à relativiser. Il y a plein de gens qui vivent très bien sans avoir jamais fait de théâtre et c'est pas une obligation. [...]

Marguerite Corrieu: Quels sont pour vous aujourd'hui les enjeux que soulèvent théâtre et adolescence ou cinéma documentaire et adolescence ?

Nicolas Drouet: C'est d'être ensemble [...] Trouver ses propres mots, ne laisser personne parler à leur place et en même temps être très ouverts au monde. C'est permettre à ces jeunes de s'emparer du monde et des enjeux qui les dépassent. On est dans quelque chose de très intime et en même temps politique et très collectif. Il faut continuer cela. En plus on a constaté des choses avec l'école, ces dernières années. Quand on a commencé à travailler avec des adolescents, parcours sup n'existait pas et on a remarqué en quelques années, avec parcours sup et la réforme du bac, qu'on a une entrée dans l'âge adulte qui est quand même assez différente. Aujourd'hui les jeunes je les trouve soumis à quelque chose qui est très lourd avec une pression très importante dès la troisième. [...] Nous on essaie de fabriquer un truc où il n'y a pas de casting, il n'y a pas de sélection, on est inclusif, on ne reproduit pas un monde de compétition. Je pense que le théâtre et les arts en général, il faudrait que çà puisse continuer à être çà dans les projets adolescents [...]

Marguerite Corrieu : Quels sont vos outils pour mettre en place une relation plus horizontale et faire participer les adolescents?

Nicolas Drouet : Il y a plusieurs choses. Déjà on va toujours interviewer chaque adolescent individuellement. C'est toujours en parallèle. C'est-à-dire que le groupe est souvent avec Chloé et Julie qui viennent vraiment du théâtre. Et en parallèle on va s'entretenir avec un jeune durant 30 minutes. A la fois, une partie de l'équipe rencontre un groupe et commence à fabriquer un truc en groupe avec des jeux. Et nous individuellement on fabrique un autre truc qui est quand même un peu raide, c'est un face caméra un peu dur. Et en même temps çà permet de montrer aux jeunes ce que çà veut dire être devant une caméra. Après on fait des micros de paroles, c'est-à-dire comme un bâton de parole, sauf qu'on enregistre parce que çà peut être des matières sonores qu'on réutilise après. Et puis montrer aux ados que l'on se livre, on se mouille autant qu'eux dans les projets.

Marguerite Corrieu : Avez-vous des méthodes pour mieux responsabiliser les jeunes ?

Nicolas Drouet : Je ne sais pas. Les choses en face, on vient et on discute de plus de trucs. C'est quoi être adulte ? Vous vous imaginez comment dans 20 ans ? De là on se dit : qui on pourrait

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interviewer pour poser ces questions-là. [...] C'est les jeunes qui décident et qui font les interviews. On leur dit : vous téléphonez et vous expliquez le projet. Et çà pour un jeune de 15 ans, passer un coup de fil c'est hyper dur en fait. Du coup le fait qu'il le fasse c'est super. Après on va les former pour les entretiens. [...] C'est toujours les adultes qui choisissent pour eux et là çà change tout. Les adultes ne sont pas à la même place et ils se retrouvent avec des jeunes qui les écoutent vraiment. [...] Et après la responsabilité c'est d'avoir vécu ce moment et que la parole des gens, on ne va pas faire n'importe quoi avec ça. Pour te dire des cas concrets pour Les choses en face 2, on avait interviewé la présidente des femmes maliennes du quartier dans lequel on était et donc elle nous parle de pleins de trucs super intéressants sur la place des femmes, des choses qui te font relativiser culturellement sur l'émancipation en tant que femme. Tu sens que cela donne de la force et de l'espoir aux adolescentes avec lesquelles on est. Et là l'interview finit par une remarque extrêmement homophobe de sa part. [...] Mais face à cela les jeunes assurent, ils sont outrés mais toujours dans l'échange, la discussion. Sauf qu'après nous on se dit, on fait un spectacle qui va être diffusé dans différents endroits, pas que dans le quartier. Alors qu'est-ce qu'on fait de cette parole ? Qu'est-ce qu'on a envie de montrer ? Et çà, çà a été en discussion avec les jeunes et c'est le genre de moment qui les responsabilise. Là on est dans le réel, c'est pas juste une idée comme çà. Finalement, on a choisi de ne pas diffuser çà, on a gardé que ce qui était très chouette chez cette dame et pas du tout l'aspect hyper homophobe. [...]

Marguerite Corrieu : Comme il y a eu plusieurs versions des Choses en face, j'aurais aimé savoir si avant la première version, vous aviez préparé des choses, fait des hypothèses sur comment allait se dérouler le projet ?

Nicolas Drouet : On se questionne toujours. On a fait plusieurs fois un dispositif qui était le même et on ne le refera pas car nous avons fait le tour. En début de projet on interviewe toujours les jeunes pour que çà crée une première matière. Donc çà c'était plutôt en début de projet, en octobre. Et ce qui est génial c'est que ces jeunes, entre octobre et juin, changent énormément. Mais sinon la structure, le déroulé est posé avant car vu le temps qu'on, a on n'a pas le temps de se demander ce qu'on va faire, ... Des fois on sent que c'est important de se remettre plutôt à discuter, que parfois dans le jeu, il y a des choses qui ne marchent pas. [...] A Vire, c'était un peu particulier parce qu'on a monté Les choses en face avec un seul groupe alors que d'habitude on a toujours travaillé sur Les choses en face avec plusieurs groupe qui ne se connaissaient pas et qui finissaient par jouer ensemble pour une seule date à la fin. Et parfois avec eux, on avait l'impression d'être dans une cellule psy donc on leur a dit, donc parfois on s'adapte et parfois on leur dit : c'est çà qu'on a prévu et on va le faire. [...] »

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ANNEXE 4 : Entretien avec Enora Davodeau et Adèle Thivillier

Date : 31 mars 2021

Présentation : Enora Davodeau est chargée de la communication et des relations avec les publics et Adèle Thivillier, attachée aux relations avec les publics au Préau. Elles sont arrivées dans cette équipe sensiblement en même temps que le confinement de mars 2020.

Marguerite Corrieu : « J'aurais voulu savoir pourquoi le choix d'ouvrir continuellement le hall et quels étaient les enjeux derrière cette ouverture ?

Enora Davodeau : Lucie Berelowitsch est arrivée à la tête du Préau en janvier 2019 et çà fait vraiment partie du projet du théâtre du Préau et du projet qu'elle a proposé : mettre la jeunesse au coeur du territoire en continuité avec ce qui avait été fait auparavant. [...]

Adèle Thivillier : C'est l'ancienne direction qui est arrivée en janvier 2009 qui a créé le festival A Vif, enfin le festival ADO. Et il y a depuis cette époque-là une vraie motivation à travailler avec les adolescents. Avant ça, le Préau était spécialisé jeune public, donc il faisait tout un travail sur l'enfance et l'adolescence. çà fait partie de l'historique du lieu, et c'est vrai que nous on a un espace dans le hall qu'on appelle « l'espace bar » [...] et c'est un espace qui normalement est tout le temps ouvert et effectivement il y a souvent des ados qui y trainent parce que c'est un espace agréable. Il y a des canapés. Il y a du café. Sachant qu'il y a un lycée juste à côté, il y a d'autres établissements scolaires pas très loin, ... Et c'est une volonté aussi de Lucie Berelowitsch d'intégrer ces ados, que ce ne soit pas seulement une salle de permanence, une annexe à l'établissement scolaire mais que ce soit des jeunes qui se rendent compte qu'ils sont dans un théâtre aussi et qu'ils peuvent faire vivre ce lieu en dépassant ce côté accueil. Donc c'est en réflexion et çà va s'activer dès qu'ils auront le droit de revenir.

Marguerite Corrieu : Et comment pensez-vous mettre en place cette réflexion ? Est-ce que ce sera au travers des actions de médiation ? Sur d'autres aspects de l'accueil ? [...]

Enora Davodeau : C'est un peu particulier cette année parce que le théâtre est fermé au public. Mais ce qu'on voulait mettre en place l'année dernier, ce qu'on a pas pu faire vu qu'il y a eu le gros confinement, c'était de faire un petit stand festival A Vif, et que l'équipe des relations publiques, on puisse aller à ce poste, qu'il soit identifié, qu'il permette de discuter avec les jeunes. Et de les sensibiliser à ce que c'est ce festival. Donc çà c'était vraiment une sorte de médiation In situ. Un petit pôle ados tout simple pour les informer sur ce que c'est ce festival, qu'est ce qui va s'y passer, est ce qu'ils peuvent participer à des choses, ...

Adèle Thivillier : Ca s'inscrit dans de la médiation directe mais assez informelle aussi. S'ils n'ont pas envie de parler du festival mais juste d'échanger, et de créer du lien c'est aussi çà. C'est l'occasion de parler des spectacles. Que ce soit vraiment un lieu d'échange et de partage. Donc çà normalement, çà sera mis en place l'année prochaine.

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Marguerite Corrieu: En quoi ces temps informels et ces temps d'accueils peuvent avoir des répercussions sur d'autres aspects ? [...]

Adèle Thivillier : Alors çà on ne l'a pas trop vécu [...] mais effectivement c'est la volonté par la suite de créer un vrai lien et que quand ils viennent, ils prennent connaissances des spectacles. [...]

Marguerite Corrieu : Quels sont pour vous les enjeux de la médiation ou de vos postes de relations avec les publics ? [...]

Adèle Thivillier : Moi je rajouterai que, de manière générale, avec les ados c'est aussi les rencontrer et discuter avec eux pour leur faire comprendre que le théâtre [...] les concerne et peut les intéresser et que ce n'est pas seulement un truc que leur prof de français leur impose. C'est aussi des choses qui peuvent eux leur plaire et dans lesquels ils peuvent s'investir et prendre des initiatives, que ce soit de participer à un atelier quand on en propose, ou jusqu'à aller à un spectacle sans leur enseignant. Moi s'il y a un message que j'aime bien faire passer et surtout aux ados, c'est que le théâtre aujourd'hui est extrêmement multiple. Et il parle de sujets qui les concernent en fait. Et nous au Préau on a quand même une forte programmation contemporaine. [...]. Et quand on est ados, on a une image du théâtre assez scolaire. Ce qui est enseigné au collège et au lycée c'est plus les classiques : Molière, Racine, ... Et très peu le théâtre contemporain. Et donc çà peut paraitre un peu lointain pour des ados. [...]

Marguerite Corrieu : Parvenez-vous à coconstruire ces projets avec le triangle artiste, médiateur culturel et professeur ?

Enora Davodeau: Oui, pour les projets de résidences. Disons qu'à la base c'est plus nous et les artistes qui mettons en place des choses qui pourraient fonctionner et après on intègre les professeurs.

Adèle Thivillier : Après çà arrive selon les établissements scolaires que l'équipe enseignante s'empare du projet et plus largement parfois que juste les professeurs de français. Cà peut être aussi trouver du lien avec le cours d'histoire par exemple, le cours d'art plastique, ... Et il y a parfois des établissements qui nous proposent des ateliers théâtre et des résidence d'artistes. Ils s'emparent du projet et nous on peut aussi les aider, les mettre en lien, ...

Marguerite Corrieu : Dans le cadre scolaire, comment parvenez-vous à coconstruire ces projets tout en laissant la place aux adolescents de s'en emparer à un moment ou à un autre ?

Enora Davodeau : Sur les projets participatifs ou en résidence en milieu scolaire, c'est quand même assez rodé à l'avance. C'est peut être sur le festival A Vif qu'il y a plus de liberté mais sur les projets il y a pas mal de contraintes. On a besoin d'inventer le projet en amont et pas toujours avec les ados.

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Adèle Thivillier : Par exemple les projets de résidence pour l'année prochaine sont en train d'être préparés actuellement. C'est aussi des projets qui demandent des subventions. [...] Mais c'est à chaque fois avec des artistes qui ont une approche pédagogique, une volonté de s'adresser à des adolescents. Donc aussi le travail avec des adolescents leur permet de s'inspirer, d'enrichir leur travail de création. Et c'est arrivé aussi parfois que les artistes travaillent sur un format de spectacle qui est jouable dans une salle de classe. [...]

Enora Davodeau: Et c'est le cas à chaque fois, le fait de travailler avec des ados fait que c'est aussi eux qui deviennent la matière du projet ou du spectacle. Donc le projet n'est pas forcément coconstruit avec eux en amont mais par contre il est complètement construit par eux, en partie, dans certains processus. [...] C'est évident que dans tous ces projets-là, les ados, ils ont une part énorme de création, et c'est eux qui font que çà se transforme en quelque chose d'unique avec eux. [...] Quand on fait des demandes de subventions, on est obligé de rentrer dans des cases et on est obligé de rentrer dans des calendriers qui correspondent très rarement aux calendriers des subventions scolaires. Parce que justement c'est des projets qui se réfléchissent en amont, par exemple là en mars avril pour des projets qui auront lieu durant la saison 20212022. Donc en fait les élèves ne seront pas les mêmes l'année prochaine. [...]

Adèle Thivillier : Par rapport aux projets participatifs, je pense que le projet qui correspond le plus à çà au Préau c'est durant le festival A Vif. C'est Le village ados qui est en fait le mercredi après-midi du festival. Il y a la rue en face du théâtre qui est banalisée, piétonnisée. Une scène est installée dans le jardin de la médiathèque qui est dans cette rue. Et en fait, les ados en amont, ceux qui ont réussi à être mobilisés, et moi j'interviens dans les établissements pour chercher des ados motivés, peuvent participer à la fabrication de mobiliers, à la signalétique, s'ils ont envie de créer un mur d'expression, ils peuvent créer ce genre de choses. Donc il y a tout un travail de préparation, en amont avec des ados sur ce qu'ils veulent imaginer, et le jour même il y a aussi une prise de paroles un peu libre sur la scène du coup, c'est une scène ouverte. Il y en a qui vont préparer en avance en disant : « Moi je veux danser avec trois copines ». [...] C'est vraiment leur espace qui leur est dédié, c'est pour eux et fait par eux. Donc comme le festival c'est fin mai, çà se met en place à partir de février. Et donc là les ados sont vraiment au coeur du processus. Encore une fois je parle de manière théorique vu que je ne l'ai pas vécu et que cette année encore çà sera limité. La scène ouverte sera moins ouverte. Et si on a le droit de la faire on devra élaborer un programme.

Marguerite Corrieu : Et dans le festival A Vif, avez-vous déjà imaginé d'autres temps où les ados peuvent s'exprimer ?

Enora Davodeau : Alors il y a le temps de l'ouverture où il y a la parade. Là selon les années, les ados sont plus ou moins investis. Pour le 10ème anniversaire du festival, c'est deux ados qui ont écrit le texte d'ouverture et qui l'ont lu, parce qu'elles étaient intéressées et qu'elles avaient déjà vécu le festival avant. Et sinon les autres moments où les jeunes peuvent s'investir c'est dans les befores. En fait le festival A Vif se déroule pas mal dans les établissements scolaires [...]. Et donc dans certains établissements scolaires il y a des befores qui sont organisés qui sont

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des petits temps avant les spectacles du soir dans les établissements scolaires. Cà peut être une restitution d'ateliers qu'ils ont fait à l'année ou même une prise de paroles un peu libre. Parfois il y a des ateliers en lien avec le spectacle du soir qui ont été faits durant l'après-midi et il y a une restitution ouverte au public. Comme c'est dans leur établissement scolaire c'est aussi une manière pour eux de s'emparer de leur lieu de vie ou de travail un peu différemment. Donc çà peut être aussi dans l'accueil du public, certains aussi vont s'investir là-dedans.

Adèle Thivillier : Il y a des spectacles en journée mais qui sont réservés aux scolaires. Les profs inscrivent leur classe à 10 heures ou à 14 heures. Et du coup il y a des spectacles le soir et il y à la journée marathon du samedi où il y a quatre spectacles qui s'enchainent. Il y a un pass journée pour aller voir les quatre spectacles.

Enora Davodeau : Et çà c'est ouvert au tout public.

Adèle Thivillier: Et avant il y avait deux journées mais à partir de cette année il y aura trois journées parcours où en fait les enseignants choisissent d'inscrire leur classe à deux spectacles, soit un le matin, soit un l'après-midi. Soit un spectacle le matin et un atelier l'après-midi. Et les ateliers c'est avec tous nos partenaires culturels de Vire, donc il y a la conservatoire, la MJC, le musée de Vire, ... Et en fait il y avait un atelier d'écriture théâtral, un atelier cinéma, un atelier danse, plein de trucs comme çà qui peuvent s'imaginer. Et les ados inscrits à cette journée parcours choisissaient l'atelier qu'ils voulaient selon le nombre de places disponibles. [...]

Enora Davodeau : Une fois qu'on a déterminé quels ateliers sont disponibles pour les jeunes, nous on transmet ces informations-là aux profs et eux les transmettent aux élèves qui ont la possibilité de choisir l'atelier qui les intéresse dans la limite des places disponibles. [...] Donc il y a une petite marge de choix pour les adolescents.

Adèle Thivillier : Et l'objectif c'est aussi de mêler les classes. Parce que lorsqu'on fournit le nombre de places aux profs, on leur donne un nombre de places limité. Si par exemple il y a un atelier danse avec 10 places, on ne va pas proposer les 10 places à une seule classe. On va proposer une place par classe différente comme çà il y aura 10 personnes qui ne se connaissent pas dans l'atelier. Donc c'est aussi l'idée de rencontre et de partage qui nous intéresse.

Marguerite Corrieu : Il me semble que dans son projet, Lucie Berelowitsch orientait beaucoup vers la participation et le théâtre participatif. En quoi cette notion de participation est particulièrement intéressante avec les adolescents ?

Adèle Thivillier : Chaque année, au festival il y avait un spectacle avec des ados sur scène. Donc cette année, c'était le projet avec Lacavale. Et c'est le spectacle qui doit jouer sur le grand plateau du Préau. Et donc çà c'est quelque chose d'assez régulier. Donc le sens où ils participent au festival dans des conditions professionnelles. Donc çà, çà les met vraiment dans un statut d'amateurs mais dans des conditions professionnelles. Et donc là sur ces spectacles-là çà demande un vrai engagement de la part des adolescents. Donc la première fois qu'on les a

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rencontrés c'était durant les vacances de la Toussaint et on leur a dit : Si vous vous engagez dans ce projet, il faut être là tous les jours. C'est trois fois une semaine de répétition durant les vacances. Et c'est pas je viens quand je veux. çà demande du coup un engagement et une mobilisation qui leur apprend aussi beaucoup de choses. [...]

Enora Davodeau : Pour le participatif comme dit Adèle il y a plusieurs niveaux : il y a cet apprentissage de travail en équipe, de respecter ses engagements, ... Et en fait il y a une part assez importante à cette d'âge-là d'ouverture et de se rapprocher de choses qui ne sont pas très connues d'eux. [...]

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ANNEXE 5 : Entretien avec Solène Bodereau

Date : 22 avril 2021

Présentation : Solène Bodereau est une ancienne chargée des relations publiques du Préau. Elle occupe aujourd'hui un poste similaire au Théâtre de Lorient319. Après m'être entretenue une première fois avec elle et ses collègues, Léna Le Guével et Julie Cabrespines, j'ai souhaité revenir vers elle pour connaitre son expérience au Préau.

Solène Bodereau : « [...] J'étais beaucoup en lien avec Pascal Banning, ancien responsable des relations avec les publics et alors coordinateur du festival ADO. [...] Parce qu'en fait je n'ai travaillé que 6 mois au Préau, donc ce n'est pas très long mais j'y ai travaillé sur la période du festival. Je suis arrivée de mars 2018 jusqu'en juillet dans le but de ce festival-là. [...] donc la 9ème édition.

Marguerite Corrieu : Lorsque nous nous étions rencontrées avec vos collègues, vous m'aviez dit que le hall au Préau était ouvert continuellement. Pourquoi ce choix ?

Solène Bodereau : Alors déjà le hall est partagé avec le cinéma donc un cinéma est ouvert en journée. C'était aussi très lié à un projet artistique. Là avec la covid, le confinement, je ne sais pas trop comment cela va se passer, potentiellement çà peut être différent en vue du nouveau projet. Là avec Pauline, Vincent et Pascal Banning, çà devait être quelque chose de totalement ouvert et partagé. Donc on se faisait une sorte de roulement, il y avait toujours une personne qui arrivait à 9 heures. Le Préau c'est quand même un petit lieu. L'équipe des relations publiques avait un bureau un peu au-dessus du hall et on entendait tout. Donc dès que tu entendais un peu de bruit tu y allais, tu essaies de manger avec eux sur place le midi, ... C'était vraiment l'idée de cohabiter avec ce public adolescents, qu'il n'y soit pas libre et complètement sauvage mais bien qu'il en prenne possession en le partageant avec le public adulte et qu'il y ait une vraie relation. Et qu'il y ait vraiment une responsabilisation de ce groupe-là. Pascal Banning lorsqu'il était dans le hall, il connaissait pratiquement tous les adolescents, il leur parlait, parfois il en prenait trois pour les emmener voir une répétition, ou les coulisses. L'idée c'était vraiment çà : les ados venaient au Préau pas dans l'idée que c'est un théâtre mais parce que c'est sympa [...] c'était l'endroit où tu retrouvais tout le monde. Ils ne se rendaient pas forcément compte qu'ils étaient dans un théâtre donc il y avait tout un travail de l'équipe de comment utiliser cette présence-là. La plupart des lieux communiquent mais n'ont pas ce public-là dans le hall. Au Préau c'était différent, il y avait ce public dans le hall mais il était indifférent à l'objet théâtral. Donc comment faire pour que ce public, qui vient de manière très volontaire soit sensibilisé ? Donc çà peut être avec ce que Pascal Banning appelait la relation publique directe, la médiation directe. Donc sans forcément de relais. Les gens sont présents donc ils viennent aussi discuter. [...] Donc c'est comme çà que tous les mercredis après-midi, à partir de mars-avril en vue du festival ADO, ont été dédiés à l'organisation du festival. Donc on donnait rendez-vous à des ados mais surtout on se tournait vers les ados qui étaient présents.

319 Centre dramatique national dirigé par Rodolphe Dana.

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On prenait un bout du hall pour que les adolescents commencent à dessiner, à créer des choses pour le festival. [...] Au bout d'un moment c'était du bouche à oreille. Les ados savaient que le mercredi ils allaient pouvoir faire des petites choses. [...] La manière dont Pascal Banning avait mené çà c'était très éducation populaire. Donc c'était aussi propre à une personne. Ce n'est peut-être pas le cas avec Lucie Berelowitsch. Parfois on avait l'impression d'être dans un centre socioculturel. Le festival ADO il avait une couleur. Tous les ans, les jeunes décidaient soit jaune, soit bleu, ... Ce n'était pas l'idée qu'il y ait forcément un truc beau mais que les ados se saisissent de quelque chose en vue de ce rendez-vous. Et donc durant le festival on mettait ce qui avait été créé sur le parvis pour qu'ils puissent se poser. [...] Donc voilà : un lieu ouvert avec un piano accessible, ce qui fait qu'il y avait du monde tout le temps. Donc parfois tu avais une sorte de négociation avec les ados et tu étais obligé de leur dire « désolé mais là vous allez libérer les tables » parce que le lieu était tellement petit qu'il fallait qu'on fasse nos réunions à l'endroit du restaurant. Mais le nombre de réunions qu'on a fait où on était entouré d'ados... Mais c'est çà aussi qui est beau. On faisait beaucoup de réunions avec nos partenaires pour le festival ADO, donc les profs, les MJC ... Et du coup ils venaient et il y avait les ados autour de nous. Donc tout dépend d'un projet. [...] Il y avait une liberté dans ce théâtre qui était beaucoup moins contrainte que dans n'importe quel théâtre. [...] Il faut savoir que cet espace de l'accueil, moi çà ne me dérangeait pas parce que je n'y suis pas restée longtemps, mais Pascal Banning pouvait avoir un côté un peu « extrême » dans sa relation avec les ados. Lui il pouvait venir et il mangeait à la table des ados et incitait les gens à se mélanger aux tables et tout çà. Chose que tu n'as pas toujours envie non plus, tu es en pause repas. Après moi j'allais quand même manger dans le hall, je discutais avec les adultes mais il y avait des ados à ma table. Et puis par exemple j'avais quelqu'un que je connaissais à Vire, et bien il venait manger avec moi. C'est un lieu ouvert où tu peux venir manger. Alors que là ce n'est pas possible, si je mange au Théâtre de Lorient, et bien c'est mon lieu de travail, c'est fermé. [...] Mais par contre çà c'est un dialogue que j'ai beaucoup eu avec Pascal parce qu'avec ce côté un peu extrémiste, il pouvait être en opposition avec pas mal de ses collègues. Parce qu'à partir du moment où il y a ce choix-là, il faut que ce soit un projet porté par le collectif. Et ce n'était pas une mission relativement relation publique. Sauf qu'en fait la plupart des autres salariés n'allaient pas manger avec les ados en bas donc ils allaient dans une salle à part. Alors que l'idée c'était qu'il y ait un mélange, mais ce n'est pas possible tout le temps. Mais après çà se travaille, en tout cas c'est intéressant dans la manière dont c'est fait.

Marguerite Corrieu: Et Pauline Salles et Vincent Garanger, où est ce qu'ils se situaient par rapport à çà ?

Solène Bodereau : Ben eux ils étaient à fond. C'est eux qui ont fait naitre le festival ADO. Avant qu'ils prennent la direction du Préau c'était un théâtre jeune public. Et ils savaient qu'ils n'allaient pas en faire [...] En revanche, l'adolescence çà leur plaisait bien. [...] Ce qu'ils ont fait avec l'équipe du Préau est incroyable. C'est l'un des plus petits CDN et c'est eux qui ont lancé le festival ADO. Même le Théâtre de Lorient, pour le festival Eldorado s'est un peu basé là-dessus. Moi ce que j'aimais avec le Préau c'était cette émulation qu'il y avait durant le festival. C'était juste incroyable. [...] Et donc quand j'y étais, je m'occupais beaucoup du

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territoire sur toute la partie décentralisation. [...] Il y avait une semaine à Vire et une semaine dans le bocage. Et ce festival ADO a été extrêmement important pour ce bocage car ils en ont créé des maisons des ados. [...] Pour les créer, ils se sont beaucoup inspirés du festival ADO, il y a le directeur technique qui a beaucoup aidé pour la création de petite salle. [...] Et cela a été possible parce qu'il y avait une envie d'ouverture complète, de désacralisation par Pauline et Vincent. [...] Le festival ADO c'était un peu le bazar et ce n'était pas forcément beau parce qu'en fait c'était complètement auto-géré par des ados. Durant une semaine, et même un peu plus que ça, le hall du théâtre pouvait être dégoutant parce qu'ils avaient mis de la décoration partout, des sortes de guirlandes. Quand c'était la thématique rose, c'était l'année où moi j'y étais, il y avait des guirlandes en papier toilettes. Il faut assumer quand même devant tes invités, les professionnels, les élus Drac, ... mais c'était l'idée. Ca désacralise, çà restait un CDN mais qui laissait les clefs du théâtre à des ados.

Marguerite Corrieu : [...] Comment vous, vous vous êtes sentie là-dedans ?

Solène Bodereau : La particularité quand même c'est que Pauline et Vincent étaient à la fin de leur mandat. Lucie Berelowitsch on savait que c'était elle qui avait été nommée. [...] Mais ce n'est pas toujours facile cette vision très participative, éducation populaire parce que ce n'est pas forcément ton travail ou comment tu veux le mener. C'est très dans l'animation, ce que Pascal Banning voulait beaucoup, ce qui peut avoir un côté assez plaisant donc tu te dis, si c'est pour un événement pourquoi pas. Mais là çà prenait beaucoup de place et pas toujours pour une vision artistique. Parce que pour le coup, le festival Eldorado, le club ELDO est chapoté par des artistes, il y a un vrai travail avec la communication. Donc c'est aussi intéressant parce qu'on est tous là. Moi j'y retrouve un petit truc qu'il y avait à Vire, les ados sont présents parce qu'ils ont participé à des projets, il y a cette boom de fin. Et pourtant j'ai l'impression d'avoir eu une meilleure place et de faire mieux mon travail. A Vire, c'était vraiment crevant. Le mercredi tu montais des tours, des chaises, tu faisais l'animation avec les ados. Quand ils partaient, tu devais tout ranger, tout nettoyer dans le hall et du coup c'était çà tous les mercredis. A un moment tu te dis : c'est la volonté de Pascal Banning mais comment elle est partagée ? [...] Comme c'était tout au début, je pense que le festival ADO aurait dû se professionnaliser. Il a été précurseur mais au fur et à mesure il aurait dû se professionnaliser. Ce que maintenant les nouvelles initiatives prennent un peu le relais. On peut s'inspirer de ce modèle participatif mais en faire quelque chose de beau. C'est les limites un peu pour Vire. [...] »

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ANNEXE 6 : Entretien avec l'équipe Le labo des cultures

Date : 27 novembre 2020. Suivi d'une seconde rencontre le 5 mars 2021. Présentation :

Camille Monmège-Geneste : Responsable du développement du labo des cultures, Camille est à l'initiative de ce projet. C'est à la suite d'une dizaine d'année d'expérience en tant que médiatrice culturelle au Centre dramatique national le TnBA et à la direction de la culture de la ville de Pessac, qu'elle souhaita mettre en place cette association. Elle intervient également au sein de formations universitaires et professionnelles.

Camille Schaefer : Etudiante en master d'Ingénierie de projets culturels et interculturels à l'université Bordeaux Montaigne, Camille est en parallèle en alternance au sein du Labo des cultures. Elle est la chargée de développement des projets d'interactions culturelles.

Camille Monmège-Geneste : « C'est une association assez jeune. Elle a un peu plus d'un an maintenant. Elle a été mise en place par un collectif de girondins. Même au-delà en nouvelle aquitaine. Elle a été mise en place à partir de plusieurs constats. Des constats que j'ai pu faire en tant que médiatrice culturelle. J'étais une médiatrice culturelle, chargée de relations avec les publics un peu frustrée à certains moments de ma carrière où j'avais très peu de temps pour faire de la recherche-action pour interroger mes pratiques de médiation culturelle et je trouvais qu'on manquait d'espaces et de temps pour expérimenter, tenter des choses. On avait une tendance à copier-coller les dispositifs de médiation culturelle et d'avoir peu de place pour votre sujet par exemple. Il y a aussi des compagnies, des artistes à qui l'on demande de plus en plus d'être attentifs à ces enjeux de médiation et c'est pas forcément leur coeur de métier, ils n'ont pas forcément les compétences en interne pour pouvoir répondre à toutes ces sollicitations de médiations. On trouvait intéressant d'avoir une structure qui pouvait venir donner un coup de pouce, prêter main forte, donner une expertise et venir coconstruire des choses avec eux. Et aussi on trouvait intéressant d'être à un endroit qui ne défende pas une programmation mais qui défende les enjeux, les finalités de la médiation culturelle. Ce qu'on cherche, c'est faire des actions entre des arts en général et des personnes et pas forcément de défendre son propre petit théâtre et sa programmation. Dans un théâtre ou un musée, l'idée c'est que le public vienne à nous alors que là l'idée c'était de travailler avec n'importe quelle structure artistique et culturelle à partir des désirs des gens et réinventer les façons dont l'on pense la médiation. Cette association a donc été construite autour de deux dimensions. La première c'est la recherche action, l'idée d'expérimenter et de tester des choses et la deuxième dimension c'est l'intersectorialité car elle a été construite avec des personnes qui ne viennent pas du milieu artistique. On trouvait intéressant de penser nos projets avec des personnes qui n'ont pas l'habitude d'aller au théâtre, d'aller au musée et de s'interroger sur nos vocabulaires, les contenus qu'on peut proposer, et faire plus de frottements entre des mondes qui ne se rencontrent pas toujours et se dire que cette médiation, c'est une fonction qui se doit d'être partagée et que ce n'est pas que le champ culturel et artistique qui doit la porter mais autant le champ éducatif, du handicap, de la santé, socio culturelle... Comme vous l'avez vu, nous avons

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trois types d'activités: la médiation culturelle, l'enseignement et le soutien à l'accompagnement de projet.

Camille Schaefer : Par rapport à votre sujet, un des aspects qui peut vous intéresser est le réseau national des comités jeunesses au sein des structures de spectacle vivant et des collectivités territoriales. C'est un réseau qui vise à mettre en lien les référents et les jeunes et de partager sur les problématiques, les enjeux communs de ces comités. On y développe beaucoup les enjeux autour de la gouvernance et de la démocratie participative. C'est une nouvelle vision de la médiation et de ce que peut être la médiation. On se rend compte avec le labo que les questions de la médiation s'élargissent énormément et que les portes d'entrées pour le jeunes s'élargissent énormément aussi, [...] sans vouloir faire des jeunes « les spectateurs de demain ». Cela aussi on sent que cette idée commence à être déconstruite. Qu'ils puissent découvrir ces lieux autrement, qu'ils puissent être acteurs des projets, ce qu'on donne peut-être moins la chance de faire dans la vie de tous les jours, la vie scolaire, ... [...] La vision de la médiation qui est, selon moi, partagée par le labo, c'est d'éviter de dire : il y a la culture d'un côté et le social de l'autre et de temps en temps on fait des ponts. Au final il faut moins marcher dans les définitions par secteur et rester dans cette idée de globalité et comment la médiation s'insère et est le socle de toute cette intersectorialité.

Camille Monmège-Geneste : c'est une vision transversale qu'on attend. Bien sûr qu'on est découpé en secteur d'activité. Nous on aime à dire qu'on aimerait que cette fonction soit partagée, appropriée et vécue par tous. En fait un éducateur est autant un médiateur culturel qu'un chargé des relations publiques dans un théâtre. Il font la même chose, ce n'est pas le médiateur qui va faire un pont. Ils ont une fonction miroir et complémentaire. Il y a cette notion transversale. Nous au fur et à mesure on essaie d'évacuer ce mot là et plutôt de parler d'interactions. C'est cette notion-là qui nous intéresse : comment fait-on interagir des arts et des personnes ? Cette idée de faciliter cette relation entre des arts et des personnes, c'est plutôt comme un facilitateur de relations. On a un peu abandonné cette vision d'intérêt général, avec un besoin à combler qui serait le même pour tous. L'idée est pour nous de faciliter des désirs, de partir des désirs des personnes. Partir de l'inverse. Si on prend l'idée des pré-ados par rapport à votre sujet d'étude, ce n'est pas faire en sorte que ces pré-ados viennent dans notre théâtre mais faire des expériences artistiques ou partir de leurs propres expressions culturelles et de la culture de ces adolescents. Ce sont peut-être les ados qui peuvent passer commande aux artistes. Comment changer ces cadres-là ? C'est cela qui nous intéresse.

Marguerite Corrieu : Pouvez-vous me donner des exemples d'interactions culturelles que vous avez pu mettre en place avec des adolescents ?

Camille Monmège-Geneste : On peut parler des projets concrets mais après on peut aussi parler des conseils comités jeunesse dont parlait Camille. Je suis en train d'écrire une note d'intention pour un projet destiné à des lycéens en CAP carrosserie-peinture et on leur propose de réaliser un chef-oeuvre pour travailler autour du travail d'une compagnie à partir de leurs propres compétences. C'est eux qui viennent agrémenter l'oeuvre déjà créée par la compagnie. C'est une véritable collaboration entre leur savoir-faire et l'univers artistique d'une compagnie. çà se

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passe dans une caravane ce spectacle. Je suis allée avec dans leur atelier. Le spectacle était chez eux, et ils ne me posaient que des questions sur la carrosserie de cette caravane alors que j'étais incapable de leur répondre. Moi ce que j'aimais c'était ce qui se passait à l'intérieur de cette caravane et ils m'ont fait complètement changer mon point de vue et mon approche. Je n'ai pas vécu l'oeuvre de la même manière parce qu'ils la regardaient avec des yeux de spécialistes de la carrosserie. [...] C'est là où l'on voit vraiment la complémentarité entre les deux. Avec cette compagnie, Léna d'Azy, on essaie de travailler sur des objets à la croisée des arts plastiques, de la scénographie, de la maquette et du spectacle vivant. Avec cette compagnie lorsque l'on fait des interventions de médiation culturelle, souvent on part des cultures des jeunes et des ados. On a fait plusieurs projets avec des classes notamment, avec une diversité culturelle très forte, des classes allophones. Et on part du pays ou de ce que sont les gens, de leur références, de leurs images, pour créer des maquettes à partir de leur propre culture et on tisse des liens entre notre savoir-faire qui est de l'ordre de la pratique, de l'animation, de l'atelier d'écriture et à partir de ce qu'ils sont et de ce qu'ils ont envie de valoriser de leur propre culture. En ce qui concerne les comités jeunesse, Cette idée a germé il y a 3-4 ans lorsque nous étions sur les enjeux des crises de la représentativité de la pratique mais plutôt côté politique. Et je me disais comment on peut repenser ces pratiques. Moi je travaillais pour le TnBA. Souvent on disait, c'est le théâtre de la cité, il appartient à tous. Sauf qu'il appartient à tous mais finalement qui est-ce qui décide de ce qu'il y a dans ce TnBA et qui le dirige et qui choisit les projets et les spectacles ? Ce sont des experts qui ont été labellisés comme ayant une expertise pour programmer ce qui se passe à l'intérieur. Et les gens n'ont pas de pouvoir pour dire ce qui se passe à l'intérieur et n'ont pas d'espace pour s'exprimer et pour changer les directions que pourraient avoir un théâtre. Il y avait quelque chose d'intéressant à se demander : comment je donne plus d'espaces à ces jeunes dans les théâtres ? Comment je peux changer les principes de gouvernance de ma structure ? Est-ce que j'ai envie d'aller jusque-là ? Est-ce que même la programmation j'ai envie de la partager avec ces jeunes ? Est-ce que je peux leur donner des enveloppes financières et qu'ils mettent en place leurs projets ? On essaie d'être dans toutes ces réflexions-là. Comme tu l'as vu on est dans la recherche-action et on est toujours en lien avec l'université. [...]

Marguerite Corrieu : Les actions que vous menez à destination des ados se déroulent-elles toujours dans le cadre scolaire ?

Camille Monmège-Geneste : On peut répondre à des commandes mais on peut être aussi force de propositions et développer des partenariats. L'idée est que l'on puisse aussi développer des supports au coeur du labo. Ce ne sont pas toujours des publics scolaires mais aussi des volontaires, des familles. Ce que j'observe c'est qu'en théâtre adolescent, c'est comme le très jeune public, c'est très compliqué au niveau du répertoire. Il y a un creux. Je le voyais bien au TnBA. C'était une structure qui était là pour promouvoir les écritures théâtrales contemporaines à la fois pour le jeune public et les plus grands mais la plupart du temps il n'y avait rien à proposer aux ados. Bien que le jeune public ce soit « à partir de ... », on sait bien que parfois çà va dénoter si on propose cela à des pré-ados. S'ils se retrouvent dans une salle avec des 8 ou des 9 ans ils peuvent mal le prendre. Il y a aussi des propositions qui ne peuvent pas avoir lieu

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en journée. Vous choisissez un public qui a des contraintes. Donc ce n'est pas si simple de faire des soirées au théâtre en autonomie car ils ne sont pas encore autonomes comme les plus grands. Les artistes en parlent aussi. Ils trouvent qu'il y a un manque pour ce public-là. Quand on regarde les plaquettes de toutes les saisons, bien qu'il y ait des spectacles plus larges, on peut constater un creux pour ce public. Les professeurs se plaignaient aussi souvent que pour leur classe, il n'y avait pas grand-chose. Pour les 6ème cela allait mais pour les 5ème-4ème, il n'y avait pas beaucoup de propositions. Mais bien sûr on ne fait pas que des choses dans le cadre scolaire, bien que cela soit intéressant de faire des croisements avec différentes disciplines et le projet pédagogique [...]

Marguerite Corrieu : Pour chacune d'entre vous, quelles seraient les pistes de réflexions pour donner envie aux pré-ados d'aller dans des institutions théâtrales ?

Camille Monmège-Geneste : La première chose, c'est qu'il faut que ce soit l'institution qui se pose la question. Peut-être qu'il faut voir avec les jeunes ce qu'ils ont envie eux et pas à tout prix se dire : le jeune doit venir à moi. C'est cette logique de construction qui est à interroger. On comprend bien l'intérêt des théâtres et que la direction ne souhaite pas que le médiateur passe des heures à travailler sur les projets pour les ados de son quartier sans qu'il y ait de retombées dans les salles après. C'est toujours un peu le premier problème. Sauf que si on prenait plus en considération les envies des jeunes, naturellement, ils prendraient plus de places dans cet espace. Au Préau à Vire c'était intéressant ce qui se passait, la structure était devenue un véritable préau car les jeunes s'étaient totalement approprié les lieux et c'est devenu leur cour de récréation. C'était devenu leur espace à eux. C'est cela qui est intéressant ! Quand les jeunes d'eux-mêmes peuvent s'approprier cet espace-là et pas seulement « on vous invite à venir au théâtre de manière ponctuelle ». Il faut travailler cette relation dans la durée. Après il y a plein de recettes : ambassadeurs, ... Moi je pense que çà part de la méthodologie et du rapport que l'on a envie d'instituer avec eux !

Camille Schaefer : Effectivement c'est une meilleure horizontalité à créer pour construire un rapport plus privilégié avec le jeune. C'est les rendre acteurs et leur faire confiance. Dès qu'on leur fait confiance, qu'on les responsabilise, ils savent en faire quelque chose. Le problème souvent c'est qu'on ne les engage pas véritablement [...]. C'est la période compliquée pour nous, animateurs et médiateurs. Ils sont à la fois adultes et enfants et on ne sait pas sur quel pied danser et même le jeune ne sait pas. Surtout ne pas l'obliger. Ce sont des retours qui nous parviennent de tous les comités de jeunes. On doit être force de propositions mais si parfois il n'est pas là, il n'a pas envie, ce n'est pas grave. Cà évite de tout sacraliser. Il faut arriver à simplifier pour l'adolescent, à lui ouvrir une porte de dialogue plus simple. On parle beaucoup aujourd'hui des institutions mais qu'est-ce qu'une institution ? Qu'est-ce qu'il y a en dehors des institutions ? Cà me fait penser aux tiers-lieux. Pourquoi les tiers-lieux arrivent-ils plus facilement à attirer des jeunes alors que les institutions en tant que tel beaucoup moins. Comment eux ont-ils réussi ce pari ? C'est aussi lié au fait que ce soit pour et avec les habitants.

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Camille Monmège-Geneste : Il faut trouver comment tu fais évoluer ton institution par rapport à çà et par rapport aux référentiels que peuvent avoir les jeunes. Il faut se dire que nos référentiels ne doivent pas devenir les leurs mais aussi comment je les imprègne de ma culture, et ils m'imprègnent de la leur. La problématique est selon moi : est-on prêt à faire évoluer nos institutions ? Partir des références aussi des institutions parfois. On va pas se dire qu'on va tout réinventer et qu'on ne peut faire que comme çà. C'est important aussi que des jeunes voient un Antigone un soir. Serge Saada320 parle de cela dans un de ces livres. Si tu viens en classe en leur expliquant tout l'historique d'Antigone tu vas passer à côté. Mais si tu leur dis : as-tu déjà eu envie de tuer par amour ? Ou d'être extrêmement déçu ou en colère ? Et de partir de thématiques qu'ils vont traverser et vivre pour faire ce chemin-là. C'est aussi comment le médiateur peut mettre en place cela pour investir un champ qui leur parle et adapter son discours, et amener des outils qui vont fonctionner avec ce public-là spécifiquement pour faire des croisements entre l'offre artistique que j'ai dans mes murs et un public ado que j'ai sur mon territoire. J'adapte mon discours et mes outils.

Camille Schaefer : Selon moi, la notion d'intersectorialité est importante et a sa place. Relier les outils du médiateur culturel et du médiateur social est très important. Il y a beaucoup d'entrées qu'on prend aujourd'hui qui viennent du social. Et c'est intéressant de voir comment faire aujourd'hui pour faire découvrir autrement les cultures.

Camille Monmège-Geneste : On réconcilie enfin l'éducation populaire, l'éducation sociale et la culture avec un grand C. On est enfin, pour une grande majorité, en train de se dire qu'il faut travailler ensemble et pas de manière séparée. On est victime de çà, surtout avec ce public-là. [...] Par rapport au constat que vous être en train d'indiquer vous pouvez vous référer au dispositif Ce soir je sors mon prof . C'est trop souvent les professeurs qui choisissent les spectacles que vont voir les élèves. Il va à coup sûr choisir le spectacle de répertoire et ne pas prendre de risque avec un texte contemporain ou une jeune compagnie. Il ne saura pas faire de lien avec son cours de français. Et donc comment peut-on inverser cette pratique du professeur qui choisit pour les élèves ? Il y a donc eu un dispositif de créé qui s'appelle Ce soir je sors mon prof : l'idée c'est l'inverse. Nous on vient en tant que spécialistes dans les classes et on leur dit : c'est vous, les élèves qui allez choisir les spectacles de la saison. Les élèves imposent donc au professeur les spectacles qu'ils iront voir. Et çà ce sont des choses qui sont intéressantes car on les rend acteurs de la sortie. Ce sont les jeunes qui ont choisi les spectacles et le professeur se doit d'adapter son programme au choix des jeunes.

Marguerite Corrieu : Vous qui avez travaillez au TnBA et qui avez été en relation avec des professeurs, trouvez-vous que les relations soient simples et qu'ils soient formés à accompagner des jeunes au théâtre ?

Camille Monmège-Geneste : Je ne fais pas de différences encore les différentes personnes. Cela dépend des expériences, du vécu, de l'appétence de la personne que je vais avoir en face. [...]

320 Médiateur culturel et enseignant à l'université Paris III.

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On ne peut pas faire de généralités mais ce qui est intéressant c'est de travailler sur ces binômes-là. Je pense qu'on est très complémentaire entre une personne spécialiste de son théâtre et lui qui connait par coeur ses élèves. Mais il peut aussi être surpris dans certaines aventures et redécouvrir sa classe. Mais c'est à deux, même à trois avec l'artiste que l'on va pouvoir coconstruire un projet cohérent. Ce qui marche c'est les projets qui ont été conçus, portés et imaginés dès le début par l'ensemble et ce qui ne marche pas c'est lorsque nous médiateurs, on a un projet clef en main que l'on veut absolument qu'il rentre dans notre cadre rond alors qu'eux, ont un carré. Alors que dès qu'on le construit en sur mesure et que chaque membre s'empare du projet et se sent co-médiateur du projet de A à Z c'est là que çà fonctionne. C'est comment on associe nos partenaires dès le début et qu'on s'implique les uns et les autres dans la mise en place du projet. Il faut se former ensemble, apprendre à se connaitre, à avoir un vocabulaire commun, à bien dessiner un projet avec les disponibilités de l'un et de l'autre, ... [...]

Deuxième rencontre avec Camille Monmège-Geneste

Date : le 5 mars 2021

Marguerite Corrieu : « [...] J'ai l'impression qu'on utilise énormément le terme démocratie participative mais que ces projets sont difficilement ou rarement mis en place. J'aurais voulu savoir ce qui selon vous pouvez bloquer au niveau de ces enjeux ?

Camille Monmège-Geneste : Tout simplement jusqu'où on est prêt à lâcher en fait. Moi je pense que çà vient de là. Et jusqu'où on est prêt à partager, jusqu'à quel degré ? C'est où on place le curseur de jusqu'où on est prêt à ce que les choses nous échappent ? C'est juste çà l'enjeu, le point le vue il va être là. C'est comme une grande échelle sur laquelle on va plus ou moins se positionner et il y en a certains, se positionner au barreau numéro 2 c'est énorme et ils ont l'impression d'être dans une grande participation. Et d'autres vont être presque jusqu'au sommet de l'échelle. Et pour moi ce qui bloque c'est des personnes qui [...] vont se dire : ce n'est pas ce que je projetais, ce n'est pas ce que je pensais en terme de contenu, ... çà peut venir bousculer des principes qu'on avait qui sont très forts et très ancrés. Donc c'est aussi là, ce sont des points de ruptures entre : j'ai envie d'ouvrir, j'ai envie de partager et en même temps j'ai bien envie de partager ce qui va se passer. C'est çà l'enjeu c'est jusqu'où on a envie d'être. [...] Donc voilà il faut accepter les prises de positions qui vont être prises. Après il y a différents niveaux.

Marguerite : Où selon vous s'arrête le partage de la gouvernance ? Quelles sont les limites possibles ?

Camille Monmège-Geneste : Alors c'est impossible de répondre parce que çà dépend du cadre et dans quel contexte se déroule le projet. Il y a des situations où tout peut se partager dès le début et jusqu'à même l'évaluation, jusqu'à la communication, le montage du projet, ... Après çà met beaucoup plus de temps. Mais cela dépend tellement du contexte. C'est hyper dur de

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répondre à cette question. [...] Je ne peux pas répondre en étant hors cadre car c'est pas comme s'il n'y avait qu'une seule et même méthode. [...] En soi on peut tout partager si c'est une règle qu'on s'est mis dès le début. Bien sûr si c'est une municipalité, il y a quand même un maire derrière. Après si c'est un collectif que l'on a créé exprès pour ça, que les statuts ont été créés dans ce sens-là. [...] Un cadre différent par exemple, lorsque je travaillais au TnBA, il y avait aussi mon cahier des charges et çà par exemple je ne peux pas non plus faire comme s'il n'existait pas. Donc à chaque fois, il y a des référentiels dans lesquels on doit s'ancrer. Par exemple un budget qui est alloué à çà on ne peut pas non plus aller à contre sens. Les limites se créent en fonction de cela. Après c'est plus une question de règle de départ.

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ANNEXE 7 : Entretien avec Catherine Le Moullec

Date : le 4 mars 2021.

Présentation : Catherine Le Moullec figure parmi les membres fondateurs de l'association Comète. Il s'agit d'une structure juridique portant diverses rencontres scolaires dont Les printemps théâtraux en Loire-Atlantique.

Marguerite Corrieu : « Pouvez-vous me présenter un peu plus l'association ?

Catherine Le Moullec: Alors l'association Comète, c'est une association qui a plus de trente ans maintenant, qui est née en même temps que les autres associations départementales des Pays de la Loire. Avant cela il y avait les premiers printemps théâtraux qui avaient été initiés par un ancien inspecteur général de l'éducation nationale, Michel Pasotti. Ils se passaient en Vendée et comme il y avait de plus en plus de participants, il y a eu l'initiative de créer une association pour chaque département. Donc l'association Comète a été créée pour la Loire-Atlantique. C'est une association qui regroupe des enseignants, des artistes qui sont engagés dans des projets d'éducation artistique et culturelle et il y a aussi des parents d'élèves qui peuvent faire partie de l'association et même du bureau de l'association. Alors elle se donne pour but de développer et de valoriser les projets partenariaux artistes-enseignants ou éducation nationale autour du théâtre. [...] Donc valoriser ces projets c'est développer plusieurs types d'actions. En premier des actions d'informations. On essaie d'être un relais d'information entre les différentes institutions [...]. Deuxième forme pour privilégier le partenariat, nous mettons en place des actions de formations avec des professeurs et des artistes qui sont intéressés par le travail théâtral en lien avec les scolaires. Et autre action qui nous mobilise beaucoup c'est donc les actions de rencontres théâtrales scolaires. Donc dans ces rencontres, on rencontre des lycéens, des collégiens. Nous on est pas organisateurs de rencontres théâtres en primaire [...]. L'essentiel de notre public ce sont les établissements scolaires. [...]

Marguerite Corrieu : Etant donné que la première association de ce type était Vents et Marées, quand est-ce que les autres associations sont nées ? Y a-t-il des aspects qui ont été renforcés ou alors qui ont disparus par rapport au modèle proposé par Vents et Marées.

Catherine Le Moullec : On est parti sur le même schéma dans l'organisation des rencontres. [...] Avec l'idée de la pratique commune, des temps d'ateliers où l'on mélange les différents groupe, des temps de formations pour les enseignants, des temps de rencontres, des temps d'école du spectacle321 donc de retours sur le spectacle [...]. Mais chaque association on le voit bien, a développé des manières de faire différentes. Nous par exemple avec Vents et Marées on est assez proches. Cà veut dire qu'on continue à faire des rencontres hébergées par exemple. Nos rencontres à Guérande de trois jours sont avec hébergement alors qu'il y a des associations où ils ne font plus du tout cela. Mais on a développé des rencontres d'une journée aussi car c'était une demande des enseignants. Il y a des enseignants qui ont des groupes d'élèves jeunes,

321 Débat et analyse collective des spectacles vus en groupe.

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en sixième par exemple et ils aiment bien parfois que cette rencontre se déroule sur une journée. Un de nos principes c'est le partenariat avec des professionnels donc des comédiens qui interviennent pour animer des ateliers de jeux mais aussi un spectacle professionnel qui est proposé en fin de journée pour que les élèves voient aussi des spectacles professionnels. [...] Nous, cela nous semble toujours important qu'il y ait un temps collectif où l'on voit ensemble un spectacle suivi d'un bord plateau322. Mais on a développé des choses diverses. Dans le cadre du Printemps Théâtral des Lycéens on a développé ce qu'on appelle un coup de coeur, donc un travail autour de la littérature dramatique contemporaine. Et puis au niveau des collèges on a développé autre chose autour du 1er juin des écritures théâtrales323 donc on fait aussi un travail avec les auteurs. On développe aussi ce travail qui va dans le sens du mouvement national en faveur des écritures nationales contemporaines. On a donc développé les printemps à Guérande, et ensuite comme on avait plus de demandes on a développé des printemps théâtraux en lien avec le Grand T, la structure avec laquelle Comète a pas mal de liens. Donc on a deux journées de rencontres, et puis on avait aussi développé une journée de rencontre à Orvault avec La Gobinière. Cà aussi c'est spécifique à la Loire-Atlantique car la demande est assez importante. Il y a pas mal d'établissements scolaires, le département insiste aussi pas mal à mener des projets d'éducation artistique et culturelle, ce qui fait qu'on a aussi des groupes qui ont pu participer à des projets avec Grandir avec la culture et qui viennent participer aux rencontres à la fin de l'année. [...] Nous on continue les printemps hébergés parce que c'est aussi une expérience de vie pour les élèves. Les collégiens en particulier. Moi, j'ai souvent amené des groupes de collégiens. Pour certains c'était la première fois qu'ils vivaient une expérience aussi loin de chez eux en fait. Il y en a qui n'étaient jamais partis trois jours comme ça. Et puis une expérience de vie collective avec une certaine liberté vu qu'ils doivent aller d'un lieu à l'autre : le lieu de l'atelier à la cantine, à Athanor à pied entre eux, ... Ils s'organisent. Alors ils grandissent et ils apprennent beaucoup. Les collégiens qui vivent ces printemps grandissent parce qu'ils font du théâtre, parce qu'ils en voient, et parce qu'ils ont plus d'autonomie. [...]

Marguerite Corrieu : J'aurais voulu savoir quels étaient les enjeux selon vous du théâtre pour adolescents en milieu scolaire ?

Catherine Le Moullec : De façon très personnelle, c'est un grand moyen d'épanouissement pour eux. [...] Cela permet aussi de tisser du lien entre adultes et adolescents. Quand on va jouer, on a la trouille comme eux, on est investi comme eux...Et donc çà ils le sentent bien. Ils sentent aussi que c'est important pour nous. [...] C'est un endroit où il y a un rapport adulte-ados qui n'est pas codifié et qui fait qu'il y a aussi un rapport de confiance. [...] C'est un gros apprentissage de la solidarité aussi. Il y en a qui vont s'investir beaucoup au début et quand ils voient qu'il y a beaucoup de travail, ils lâchent un peu. Et quand un d'entre eux dit : « je ne viendrai pas à la répétition parce que je vais faire autre chose », ce n'est pas l'adulte qui intervient, c'est les autres du groupe qui disent : « mais tu ne peux pas nous laisser tomber, il

322 Rencontre et échange avec les artistes à la suite d'une représentation.

323 Manifestation autour des écritures dramatiques enfance et jeunesse mise en place par Scènes d'enfance-ASSITEJ France.

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faut que tu sois là, on a besoin de toi. » Donc au-delà du théâtre je trouve que çà apprend aussi des valeurs. [...]

Marguerite Corrieu : Avez-vous déjà eu le sentiment que ce public pouvait être oublié de ce secteur ? Soit dans les présentations soit les actions de médiation proposées ?

Catherine Le Moullec : Alors moi je ne le pense pas. Peut-être qu'à un moment oui, la création jeune public ciblait plus les plus jeunes mais çà n'est plus vrai aujourd'hui. Il y a beaucoup de spectacles et d'auteurs qui s'adressent aux collégiens, ou même des dispositifs. Après c'est vrai que moi je vis dans un département où il y a Collège au théâtre324, etc, ... Donc moi j'ai passé ma vie à développer des projets pour les collégiens. J'aurais du mal à dire que c'est un public oublié. Mais c'est une expérience spécifique parce que je sais qu'avec les médiatrices du Grand T, on a été amené à aller dans d'autres départements, d'autres régions, et c'est vrai que nous sommes assez privilégiés là-dessus. [...] On a cherché comment les enseignants pouvaient aussi être acteurs du projet et pas seulement consommateurs. Et en çà on a toujours eu l'écoute plus qu'attentive du conseil départemental qui était très engagé dans toutes ces actions. [...] Mais à un moment on trouvait que c'était plus compliqué de trouver des spectacles pour les collégiens. Il y avait un circuit jeune public, les lycéens allaient voir les spectacles tout public et les collégiens c'est venu ces dix dernières années je dirais. [...]

Marguerite Corrieu : Je me permets de rebondir car vous disiez qu'avec Comète vous vouliez que ces adolescents ne soient pas consommateurs mais bien acteurs : c'est quelque chose qui m'intéresse réellement par rapport à mon sujet. J'aurais aimé savoir s'il y avait des outils que vous mettiez spécifiquement en place pour que ces adolescents deviennent acteurs de ces rencontres.

Catherine Le Moullec : Des outils non. Il y a des temps spécifiques comme celui de l'école du spectateur. Donc çà c'est des temps en pratique, donc comme ils sont en pratique on essaie de les mettre le plus possible en groupe pour créer quelque chose par exemple tout seul pour rendre compte de la journée ou rendre compte du spectacle [...]. Ils sont habitués à ce genre de pratique en ateliers. Parfois dans les printemps des lycéens, c'est les lycéens qui viennent nous demander : on aimerait faire çà entre deux spectacles. Donc oui quand on voit qu'ils sont à l'initiative de quelque chose on se dit super. Après il y a l'idée de valoriser la prise de parole, donc comme ce que je disais, les petits papiers, donc pareil à la sortie d'un spectacle ils écrivent un message à l'équipe qui a joué. [...]

Marguerite Corrieu : Est-ce que çà pourrait être envisageable que les adolescents interviennent avant Le Printemps pour aider dans la préparation, soumettre leurs idées, ...

Catherine Le Moullec : Cela, nous, on ne l'a pas fait. Pour les temps des collégiens c'est plus compliqué. Pour les lycéens par exemple, le temps de rencontre avec l'auteur, on confie çà a un

324 Dispositif permettant à des collégiens d'assister à des représentations et des actions de médiation.

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groupe. Donc avec leur prof ils se débrouillent. En général, les lycéens sont assez autonomes. Les collégiens c'est un peu plus difficile mais on essaie. [...]

Marguerite Corrieu : Donc selon vous, les limites de ces enjeux résideraient dans ces questions de temps et de plannings qu'il faut anticiper ?

Catherine Le Moullec : Oui, c'est ça. Il y a des contraintes dont il faut tenir compte. On sait qu'il y a des temps qui sont plus flexibles comme les temps entre les spectacles. Donc là on propose des temps de paroles, on propose parfois des temps créatifs, ... Mais par exemple dans l'association il n'y a pas de représentant des élèves. Peut-être que çà pourrait s'envisager mais çà serait plus compliqué. [...]

Marguerite Corrieu : J'ai encore quelques questions qui sont plus tournées vers la place du département et sur le plan Grandir avec la culture. J'aurais voulu savoir s'il y avait des demandes particulières du département concernant le partage de la gouvernance avec les élèves.

Catherine Le Moullec : Non il n'y a pas de demande, il y a une grande confiance. Une grande confiance parce qu'on se voit souvent, les médiateurs, les personnes responsables du secteur culturel, des projets EAC, du département, ... On se connait très bien donc ils viennent voir ce qui se passe, ils soutiennent. On travaille dans le même sens.

Marguerite Corrieu: J'ai l'impression que la co-construction est vraiment essentielle dans ce dispositif.

Catherine Le Moullec : Oui tout à fait. On voit par exemple que pour cette année on est confronté à plein de problèmes. [...] On se retrouve très souvent ensemble. Même pour le choix des spectacles.

Marguerite Corrieu : Sentez-vous que le plan Grandir avec la culture vous apporte quelque chose en plus par rapport à d'autres Printemps théâtraux ?

Catherine Le Moullec : Ce qu'on sait c'est que çà a développé la pratique théâtrale dans le département : la possibilité de voir des spectacles, de se former pour les enseignants. [...] J'ai vu pleins de profs arriver sans réellement avoir l'idée de faire du théâtre avec des élèves et qui montaient après des projets. »

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ANNEXE 8 : Entretien avec Edith Coutant

Date : 19 avril 2021

Présentation : Edith Coutant est chargée de l'éducation artistique et culturelle et du plan Grandir avec la culture en Loire-Atlantique.

Edith Coutant : « Je vais vous présenter le plan Grandir avec la culture. Donc c'est un plan départemental, là on est dans le 4ème plan Grandir avec la Culture, qui porte une politique d'éducation artistique et culturelle qui est structurée depuis 2006. Donc aujourd'hui c'est le 4ème plan 2018-2022. C'est un plan partenarial qui est contractualisé, [...] partagé avec des grandes têtes de réseaux [...]. On favorise l'accès à l'éducation artistique et culturelle à tous les collégiens, collégiennes de Loire-Atlantique. Et puis tous les publics adolescents [...] C'est une offre gratuite, on les accompagne dans cet accès à la culture. [...] On s'appuie également sur un partenaire que vous connaissez, le Grand T, partenaire privilégié du département qui doit être financé à 95 ou à 97% par le département. Il propose de l'EAC pour les lycéens et les collégiens et puis on travaille aussi très fortement avec l'autre satellite départemental Musique et Danse en Loire Atlantique325. [...] En Loire-Atlantique c'est assez structuré. Notre offre on l'a structurée en référence à ce que peut dire la charte : Voir, rencontrer des oeuvres et des artistes, pratiquer... Et nous nos propositions d'EAC on va les qualifier en niveaux 1, 2 ou 3. On a un niveau qui est un niveau d'initiation qui s'appelle la sensibilisation. On a un niveau 2 qui s'appelle la pratique accompagnée et enfin on a un niveau 3 qui s'approche d'une mini résidence. [...] On a quelques critères d'analyses des projets. [...] On souhaite que ces actions se déroulent durant des temps scolaires avec les classes entières, donc des élèves pas volontaires. [...] Et puis on ne peut pas être spécialiste en tout, moi je suis une spécialiste de l'éducation et des adolescents comme j'ai pu vous le dire. En revanche, je ne suis pas une spécialiste de toutes les esthétiques, [...] et donc pour expertiser toutes les thématiques esthétique par esthétique, je m'appuie sur un corps d'experts. Pour le théâtre, je m'appuie sur le regard de Manon Albert326. [...] Moi je suis chargée d'un dispositif transversal : l'EAC. [...] Grandir avec la culture c'est vraiment un dispositif qui est très connu et qui irrigue tous les collèges de Loire-Atlantique. [...] Aujourd'hui on est dans un plan 2018-2022 et notre collectivité se questionne, tout comme vous, sur la participation citoyenne et comment l'adolescent, les collégiens, les collégiennes pourraient mieux participer à nos dispositifs EAC. Cette question, elle a été posée par Perrine Chatelet. [...] On essaie d'aller vers ces formats-là mais la contrainte de nos critères c'est : durant le temps scolaire et tout le groupe classe. Cela peut être un frein à la participation. Aujourd'hui c'est un prof qui choisit d'inscrire son groupe à un projet, de faire intervenir un artiste pour que çà résonne avec sa pédagogie. Donc aujourd'hui les élèves ne choisissent pas l'EAC car l'EAC comme on le porte nous aujourd'hui, il doit être en résonnance avec les programmes de l'éducation nationale. [...] On est là parce que çà résonne, çà fait acquérir des compétences. Donc c'est çà qui est compliqué entre participer, choisir, consommer et puis suivre les programmes pédagogiques pour aller plus loin.

325 Agence ayant pour mission de rendre accessible la musique et la danse en Loire-Atlantique.

326 Responsable de la médiation au Grand T, secteur éducation artistique et culturelle.

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Ceci dit, on y réfléchit et on a aussi des offres qui permettent d'aller plus loin. [...] Donc aujourd'hui sur la participation, moi j'ai eu une demande institutionnelle pour savoir comment on pouvait favoriser la participation des élèves et autour de l'EAC. Aujourd'hui on a plusieurs pistes et on verra comment on pourra les traduire de manière plus concrète dans nos projets. Le département il construit des collèges et il les rénove et à chaque fois il y a un pourcentage artistique qui est versé et qui est un pourcentage du coût de construction donc dans les collèges, il y a des oeuvres qui sont créées. [...] Il faut qu'on travaille à quels stades les ados sont associés : à un stage d'information, de consultation, de décision, ... C'est important de pas se leurrer et de s'embarquer dans un faux participatif des élèves. [...] En tout cas on l'a pas encore construit mais on cherche. [...] J'ai une autre vignette sur laquelle on va solliciter la participation des élèves. Notre plan il va se terminer et ma directrice m'a demandé de voir comment dans l'évaluation du plan ou dans la mise en place de nouvelles actions, on pouvait aller sur la mise en oeuvre de quelque chose de plus participatif. Donc on a deux pistes pour le moment on va voir si on arrivera à les mettre en oeuvre l'année prochaine. [...] On voudrait aussi mettre en place des projets en dehors des groupes classe qui ne seraient pas pilotés par les enseignants habituels qui pourraient être l'infirmière, le CPE, ...

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ANNEXE 9 : Entretien avec Carmen Camboulas

Date : 28 juin 2021

Présentation : Carmen Camboulas fut l'animatrice de Jeunes en ville entre février 2020 à mai

2021.

Carmen Camboulas : « Par rapport à JEV, moi j'étais assez emballée au départ par rapport à l'enjeu de développement du pouvoir d'agir des jeunes et leur inscription sur leur territoire parce que je trouvais que çà réunissait des choses qui me semblait pertinentes : que JEV soit mobile, qu'il y ait différents formats d'engagement qui puissent correspondre à différents profils de jeunes et aussi que l'engagement soit souple et libre. Ces trois critères font pour moi que JEV est pertinent par rapport aux jeunes. J'ai le sentiment que c'est quelque chose qui est concluant dans le fait que les jeunes qui s'engagent y trouvent un intérêt c'est-à-dire rencontrent d'autres jeunes qu'ils n'auraient pas forcément rencontrés ailleurs, s'intéressent à des sujets auxquels ils ne se seraient pas intéressés par eux-mêmes, ... Je trouve que çà permet une ouverture assez chouette que je ne retrouve pas forcément dans d'autres dispositifs. Après je trouve qu'il y a quand même des écueils dans ce que je viens de te nommer comme choses positives : le fait que ce soit une personne en total autonomie, le fait que les jeunes soit librement engagés fait que tu ne sais pas forcément avec qui tu vas travailler sur le moyen et le long terme, et aussi les moyens qui sont mis en terme d'information de l'existence de Jeunes en ville [...]. Il y a peu de moyens qui sont mis pour que le dispositif soit connu et ce libre engagement fait que d'un côté les jeunes mènent des actions mais d'un autre que des fois dans le temps, elles ne sont pas forcément tenues par les jeunes et çà fait que c'est compliqué de pouvoir porter des projets d'une certaine ampleur qui demanderaient un engagement dans la durée qui ne correspond pas forcément à la temporalité et la disponibilité des jeunes qui peuvent vite évoluer. Je ne pense pas que c'est une question de volonté et d'engagement mais vraiment une question de calendrier. [...] Ce qui fait que les partenariats sur le long court ne sont pas forcément facile à tenir. Il y a une autre chose pour moi, c'est que le lien aux politiques publiques. Je pense que des fois c'est un peu déconnecté [...] alors que c'est l'un des enjeux de Jeunes en ville aussi. [...]

Marguerite Corrieu : Je voulais revenir sur le partenariat avec Bain Public et les jalons qui furent posés [...].

Carmen Camboulas : [...] Et donc on est venu avec Anne à quel pouvait être le lien entre Bain Public et JEV et petit à petit on s'est dit que les jeunes pourraient visiter la structure avant l'ouverture, discuter avec l'équipe, les artistes, ... [...] Il y avait une volonté de travailler ensemble et que les jeunes puissent avoir une place de choix dans ce lieu.

Marguerite Corrieu : Quelles différences avec le partenariat à la Médiathèque ?

Carmen Camboulas : Moi ce que je pense c'est qu'on était très vite dans le concret. Là à Bain Public, aussi de l'ouverture du lieu et de la disponibilité de l'équipe, çà s'est étendu dans le temps je pense qu'on a perdu des jeunes. Dans le sens où en interne, Anne et moi, la place des jeunes n'était pas suffisamment claire. Plus la crise sanitaire, plus mon départ, ... [...]

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Marguerite Corrieu : Quelles sont pour toi les limites de JEV ?

Carmen Camboulas : JEV c'est vraiment un terrain d'expérimentation. Moi ce que j'en retiens c'est que je pense que pour un conseil jeunesse qui n'est pas un conseil municipal. Si on veut vraiment pouvoir recueillir la parole des jeunes, les moyens tant financiers qu'humains ne permettent pas de développer JEV. [...] Pour le professionnel il y a quelque chose qui est assez difficile à coupler par l'isolement du poste, ... [...]. Et puis ensuite il faut que les jeunes soient acteurs du projet et en même temps c'est un libre engagement. Donc parfois ils ne sont plus là pour le poursuivre. Est-ce qu'on l'abandonne ? Est-ce que c'est l'animatrice qui poursuit ? Même si je ne leur remets pas dessus car çà permet d'ouvrir au plus de jeunes possible. [...] »

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ANNEXE 10 : Entretien avec Nathalie Jan

Date : 6 juillet 2021.

Présentation : Nathalie Jan est la responsable de la mission jeunesse de la ville de Saint Nazaire.

Nathalie Jan : « Moi je suis responsable des politiques jeunesse dans la ville de Saint-Nazaire. Donc çà recouvre les 12-25 ans. On est une mission et non un service car on souhaitait travailler dans la transversalité. Parce que pour nous la jeunesse elle se trouve aussi bien dans la thématique sportive, culturelle, événementielle, etc. Donc c'est très atypique à la ville de ne pas être un service même si j'ai la responsabilité de la mission et qu'on est une petite équipe. On est 10. Mais la particularité pour travailler cette transversalité, c'est qu'on fasse affaire à des partenaires avec lesquels on conventionne. Moi je pars du principe qu'il faut croiser les regards. Et c'est aussi avec les partenaires. C'est notre postulat de départ. [...] Après la genèse de JEV çà s'est passé en deux temps. En 2011, il n'y avait pas de mission jeunesse à la ville. Il y avait Prévention de la délinquance. Cà me faisait un peu de peine que la jeunesse passe par là. Avant de créer la mission jeunesse, nous avons interviewé 500 jeunes pour voir ce qu'ils attendaient d'une politique jeunesse. [...] En 2014 on a voulu aller plus loin et il y a eu une volonté politique pour que la priorité soit jeunesse de 2014 à 2020. [...] On a travaillé sur la conception de JEV, conseil nazairien de la jeunesse, qu'on a défendu auprès des élus, c'est-à-dire que çà ne soit pas un conseil municipal, que ce soit une libre adhésion, que ce soit un investissement à la hauteur de ce que les jeunes souhaitent, qu'ils aient des cartes blanches, qu'il y ait une itinérance, qu'ils puissent s'approprier des lieux et aussi qu'il y ait un fort levier culturel. C'était ce que voulaient les jeunes. Et donc cinq ans plus tard, on a pas dévié. Et les jeunes, ils ne représentent personne sauf eux-mêmes. Enfin tout cela c'était très important et pour nous et pour eux. [...] L'idée c'est toujours de créer des opportunités et après c'est eux qui s'en emparent ou pas.

Marguerite Corrieu: Je voulais revenir sur les cartes blanches. Carmen me disait qu'il y en avait eu une l'année dernière à la Médiathèque. Les jeunes étaient plusieurs fois dans l'année à la médiathèque dans la perspective de mettre en place une carte blanche à la fin. Normalement, il y avait aussi cette idée de carte blanche à Bain public, que cette année Bain public soit aussi le lieu de référence pour JEV.

Nathalie Jan : Peut-être que je me trompe, c'est un positionnement personnel, je pense qu'il y a une confusion. Nous c'est pas forcément un lieu qu'on recherche, c'est la rencontre. Et là je pense qu'il y a eu une ambiguïté. Parce qu'à la médiathèque, c'est pas le lieu, c'est la rencontre d'un artiste, d'une action, avec une équipe ... [...] Nous l'idée c'est pas de se mettre dans un lieu, çà n'a aucun sens pour moi. [...]

Marguerite Corrieu : Parce que de mon côté j'avais cru comprendre que Bain Public deviendrait le lieu de résidence pour JEV durant une année.

Nathalie Jan : Mais çà c'était l'envie de Carmen. C'est pas la commande. L'idée pour moi ce n'est pas d'avoir un lieu car un lieu çà serait un parti-pris. Et c'est pas l'objet. L'objet c'est

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vraiment l'itinérance. [...] Parce que la résidence c'était pour elle, c'était son point de vue professionnel. Et pas le point de vue des jeunes. Et le COVID a fait que c'était très compliqué de faire de l'itinérance. Il a fallu qu'elle rebondisse. Mais c'était l'idée de la professionnelle et pas l'idée des jeunes. C'est un dispositif très difficile. C'est comme à La Source, on est pas des animateurs, on est des facilitateurs donc il faut toujours travailler les équilibres pour ne pas projeter sur les jeunes ce qu'on voudrait que ce soit. Et là je pense qu'à un moment çà s'est fait comme ça. Et donc moi à un moment j'ai dit non. Moi je suis garante du projet. Dès que l'adulte projette c'est mort. Il faut que les jeunes fassent ce qu'ils ont envie de faire, pas les envies de la professionnelle. [...] La politique jeunesse c'est toujours un peu complexe parce que ce n'est pas une politique obligatoire. Une politique obligatoire à la ville c'est enfance. [...] La compétence jeunesse c'est une politique publique volontariste. On a la chance que le maire et les élus soient volontaristes sur les questions de jeunesse. [...] »

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ANNEXE 11 : Bilan de la première année de partenariat avec JEV

Déroulement :

- Choix avec image du dixit - Choix de la question

Liste des questions :

· Comment les structures culturelles peuvent-elles prendre en compte la parole des jeunes ?

· Pourquoi partager l'art ?

· L'artistique peut-il apporter des réponses à mes questions ?

· Pourquoi mon récit et mon avis est-il important ?

· Avez-vous des envies ?

· Bain Public, vous faites quoi ?

· Bain public et jeunes en ville, Et après ?

· Qu'est-ce qui nous réunit ?

· L'imaginaire est-il un savoir ?

· L'artiste est-il un être inaccessible ?

· Pourquoi l'art parait-il élitiste ?

· Être ambassadeur pour un artiste, oui mais pourquoi ?

· Faire une place aux jeunes au sein des structures culturelles, est-ce mettre de côté les autres publics ?

· L'artistique peut-il aujourd'hui être déconnecté de notre réalité sociale ?

· Les rencontres avec les citoyens sont-elles nécessaires lors de la création d'une oeuvre ?

· Participer, oui mais pourquoi ?

UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE L'OUEST |Angers

 

3 place André Leroy |BP 10808- 49008 Angers cedex 01

Résumé et mots clés

Résumé:

Ce travail s'articule autour de la problématique suivante : comment les différents médiateurs et les professionnels du spectacle vivant, et plus particulièrement du théâtre, peuvent-ils s'emparer des enjeux du partage de la gouvernance et de la démocratie participative pour imaginer et coconstruire des actions pour et avec des adolescents ?

En ce sens, il identifie les spécificités liées à ces publics : historique du terme « adolescence », besoins de cette tranche d'âge, ... Par la suite, la problématique est analysée par le prisme de quatre projets participatifs préalablement sélectionnés. Ce travail revient, pour finir, sur différents aspects de mon expérience de stage au sein de Bain Public, une structure d'expérimentations artistiques et citoyennes à Saint-Nazaire.

Une des spécificités de ce mémoire est sa volonté de développer une réflexion autour de la co-construction des projets. Les différents corps de métiers (professionnels du spectacle vivant, animateurs, professeurs, éducateurs, ...) auraient des fonctions complémentaires et donc un intérêt à travailler ensemble.

Mots clefs : publics adolescents - médiateurs - théâtre - partage de gouvernance - démocratie participative - projets participatifs - co-construction - Collectif Lacavale - Printemps théâtraux - Ce soir je sors mon prof - CDN Le Préau- Bain Public.

Abstract:

This work is organized around the following issue: how the various mediators and performing arts professionals, and specially the theatre professionals, can they take up the challenges of governance sharing and the participatory democracy to imagine and co-construct actions for and with the teenagers?

In that way, it identifies the specificities linked to these audiences: history of the term «teenager», needs of this age group, ... Thereafter, the issue is analyzed through the prism of four participatory projects previously selected. At the end, this work come back on various aspects of my internship experience within Bain Public, a structure for artistic and citizen experiments in Saint-Nazaire.

One of the particularity of this dissertation is its desire to develop a reflection around the co-construction of projects. The different trades (performing arts professionals, animators, teachers, educators, ...) would have complementary functions and therefore an interest in working together.

Key words: Publics teens- mediators- theater - governance sharing- participative democracy-participatory projects- co-construction






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984