Section 2 : La problématique des
sédiments de dragage portuaire et la nécessité d'une
compensation écologique
Les sédiments de dragage portuaire sont dommageables
pour l'environnement lorsqu'ils sont déversés sur un site. Ils
sont considérés comme des déchets nécessitant un
encadrement strict (paragraphe 1). Cependant leur transformation peut
s'avérer impossible quand les sédiments sont inutilisables. Dans
ce cas une compensation écologique est nécessaire (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : L'encadrement strict du rejet des
sédiments en mer
Les sédiments issus des opérations de dragage
portuaires posent des questions quant à leur gestion. Les contaminants
sont à l'origine de la nocivité des sédiments
dragués. Leur rejet en mer s'avère être une solution mais
cette pratique n'est pas sans incidence sur le milieu marin. Les rejets en mer
font de ce fait l'objet d'un encadrement juridique de plus en plus
rigoureux.
Il conviendra de présenter dans un premier temps le
cadre règlementaire du rejet des sédiments en mer (A) et dans un
second temps l'évolution qui tend à privilégier la gestion
à terre (B).
A. Le cadre règlementaire du rejet des
sédiments en mer
Le rejet en mer est soumis à une règlementation
contraignante et complexe. Il sera ici question de mettre l'accent sur le cadre
règlementaire68. Des sources juridiques internationales,
européenne et nationale définissent les modalités de
l'immersion en mer des boues de dragage.
Au plan international plusieurs convention fixent un cadre de
protection contre les pollutions marines plus précisément les
immersions de certains déchets en mer. La Convention de
Londres69 fixe des objectifs de recherche scientifique et
technologique pour prévenir, réduire, éliminer la
pollution due à l'immersion. Cette convention interdit en son article
4.a le rejet en mer des matériaux de dragage. Exceptionnellement sur le
fondement du protocole de 1996, les « déblais de dragage »
peuvent faire l'objet de rejet en mer. Cependant la convention laisse le soin
aux États de fixer les seuils pour lesquels le rejet en mer pourrait
être acceptable. Les états délivrent des permis
après la vérification de la nocivité des sédiments
dont l'immersion est projetée. Il existe plusieurs autres conventions
qui visent également la
68 Jl ne s'agira pas de s'intéresser aux
aspects techniques et pointues.
69 Convention de Londres du 29 décembre 1972
sur la prévention de la pollution des mers résultant de
l'immersion de déchets.
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protection du milieu marin comme la convention sur la
protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée de
Barcelone de 1976 et son protocole « immersions ».
Au niveau européen, plusieurs directives
européennes, prévoient des règles spécifiques
à la gestion des sédiments de dragage.
La Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin
(DCSMM)70, entrée en vigueur le 15
juillet 2008, constitue le pilier environnemental de la
politique maritime de l'Union Européenne. Elle fixe l'objectif
d'atteindre le bon état écologique des eaux marines en 2020. Sur
la base de cette directive seront mise en place les aires marines
protégées (AMP). Le rejet en mer de substances issues de dragage
portuaire pourrait donc se heurter aux objectifs de préservation de
l'état écologique des eaux marines dans ces AMP. En sus la
Directive Cadre 76/464/CEE sur la pollution de l'eau prévoit des listes
de substances dangereuses et imposent aux États membres de prendre des
mesures appropriées pour éliminer la pollution des eaux par les
substances dangereuses. La directive impose aux États de mettre en place
un plan d'action, dans le cadre des schémas directeurs
d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
Au plan national, la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau est
fondamentale dans la
question du rejet de dragages en ce sens qu'elle vise une
gestion équilibrée de l'eau et garantir sa qualité. Au
niveau règlementaire plusieurs textes traitent des conditions relatives
à l'évaluation de la qualitéì des
sédiments et des procédures administratives à respecter
pour la réalisation des travaux.
Le décret n° 2001-189 du 23 février 2001
modifiant le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 relatif aux
procédures d'autorisation et de déclaration prévues par
l'article 10 de la loi n°
92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau et modifiant le décret
n° 93-743 du 29 mars 1993 relatif à la nomenclature des
opérations soumises àÌ ces procédures.
Ce décret précise que, lors de l'examen des données de
qualitéì des sédiments, la teneur à
prendre en compte est la teneur maximale mesurée, mais que des
dépassements peuvent être tolérés selon le nombre
d'échantillons analysés.
En ce qui concerne la qualité des sédiments, des
seuils à titre indicatif sont prévus par une circulaire du 14
juin 200071. Ainsi,
au-dessous du niveau N1, l'impact potentiel est en
principe jugé neutre ou négligeable. Entre le niveau N1 et le
niveau N2, une investigation complémentaire peut s'avérer
nécessaire en fonction du projet considéré et du
degréì de dépassement du niveau N1. Dans
l'hypothèse où le niveau N2 est dépassé, une
investigation complémentaire est généralement
nécessaire car des indices notables laissent présager un impact
potentiel négatif de l'opération. Il faut alors mener une
étude spécifique portant sur la
sensibilitéì du milieu aux substances
concernées, avec au moins un test d'écotoxicité globale du
sédiment, une évaluation de l'impact prévisible sur le
milieu.
70 Directive cadre stratégie pour le milieu
marin n° 2008/56/CE.
71 Circulaire n° 2000-62 du 14 juin 2000 relative aux
conditions d'utilisation du référentiel de qualité des
sédiments marins ou estuariens présents en milieu naturel ou
portuaire.
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Au regard de la législation en vigueur, le principe qui
prévaut est l'interdiction formelle de l'immersion des déchets ou
d'autres matières en mer72. Cependant des dérogations
à cette interdiction sont prévues. Ainsi les rejets des
déblais de dragage sont autorisés73 dans des
conditions bien déterminées.
Le rejet des sédiments reste soumis à un
régime spécial de déclaration ou d'autorisation au titre
du code de l'environnement74 et sont pris en compte. Le niveau de
contamination N1 et N2, les volumes mais également la distance par
rapport aux zones conchylicoles ou de cultures marines. Pour la
délivrance du permis d'immersion, une étude d'impact
environnementale est exigée. L'étude d'impact permet une
évaluation environnementale plus rigoureuse en vue d'apprécier le
potentiel impact que pourrait avoir le rejet sur l'environnement (à
savoir la qualité de l'eau, les espèces et leur milieu de
vie...).
En définitive il convient de retenir que les rejets des
boues de dragage en mer sont certes autorisés mais strictement
encadrés. Ils dépendent fortement du niveau de dangerosité
des déblais en question. Dans l'hypothèse où
l'autorité qui délivre l'autorisation en l'occurrence le
préfet se rend compte que le rejet peut avoir des incidences
négatives sur l'environnement, celui-ci dispose d'un droit d'opposition
en refusant l'autorisation sollicitée sur le fondement du
décret75 relatif aux procédures d'autorisation et de
déclaration.
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