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Habitat indigne. Le traitement technique et social de l'insalubrité et de ses conséquences sanitaires.


par Emeline TASSAN
Université des Sciences et Technologies Lille 1 - Master 2 Sciences et Technologies  2012
  

Disponible en mode multipage

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Le traitement technique et social de l'habitat indigne et de ses conséquences sanitaires

L'HABITAT INDIGNE ET

SES CONSEQUENCES

SANITAIRES

Mémoire TASSAN Emeline, 2012 / 2013 Master 2 de Sciences et Technologies Mention Aménagement Urbanisme et Développement des Territoires Spécialité « Ville et Projets », Projet Urbain

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Remerciements

Ce stage à la Direction Habitat et Hygiène de la Ville de Roubaix a été une expérience très enrichissante pour moi tant humainement que professionnellement, c'est pourquoi je tenais à remercier toutes les personnes que j'ai pu rencontrer au cours de mon travail et qui m'ont permises d'avancer dans l'élaboration de mon mémoire universitaire.

Je tiens tout d'abord à remercier mes tuteurs professionnel et universitaire pour le suivi dans l'avancement de mon travail et leurs conseils :

Monsieur DUJARDIN Claude, Directeur du Service Communal d'Hygiène et de Santé de la Ville de Roubaix qui a fait preuve d'une grande générosité dans l'encadrement de mon stage.

Monsieur DUMONT Frédéric, Maître de Conférences à l'Université Lille 1 dont le point de vue et les pistes de réflexion ont représenté un véritable enrichissement à ma formation professionnelle.

La réalisation de ce mémoire n'aurait également pas été possible sans la contribution et les conseils des collègues de la Direction Habitat et Hygiène de la Ville de Roubaix et du PACT.

Je tiens particulièrement à remercier :

L'ensemble des collègues du Service Communal d'Hygiène et de Santé de la Ville de Roubaix pour m'avoir fait partager leurs expériences de terrain, leur soutien et leurs conseils : Madame Anne Gaëlle DEWINNE, Madame Sandrine TURKI, Madame Djamila DUHAMEL, Madame Patricia CATRISSE, Madame Patricia PATTEIN, Madame Mio HAMILTON, Madame Sylvie PRIEM, Monsieur Sébastien CIARLETTA, Monsieur Julien RUFFIN, Monsieur Clément LARGILLET, Monsieur Antoine DESROUSSEAUX, Monsieur Gérard HAZEBROUCQ, Monsieur Didier CABAYE, Monsieur LEBBRECHT Jean-Michel, Monsieur Bruno DENS.

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L'ensemble des collègues du Service Habitat et Peuplement de la Ville de Roubaix pour leur accueil et leur aide tout au long de ce stage : Madame Magali NEGREL, Madame Cécile VERVACKE, Madame Marianne DOLO, Madame Magali SABIA, Madame Nachyrah AHAMADI, Madame Helja HINDI, Madame Paola RIBEIRO, Madame Karine KHERKOVE, Madame Nora MATKI, Monsieur Abdenor OUMEDJEDER.

Je tiens également à remercier Madame SAYOURI Zahra, Directrice de la Direction Habitat et Hygiène et Madame GASSIAT HENU Elise, pour leur accueil, leur confiance mais également pour m'avoir confié une mission aussi passionnante que la réalisation d'un Référentiel Habitat.

Et enfin, je fais part de ma gratitude aux collègues du PACT qui m'ont accordé un temps précieux et des informations indispensables à mon travail: Madame Isabelle DAUCHY, Madame Laetitia GUYART, Madame Alice CAUCHY et Madame Karima HAMMOUCH.

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Missions de stage

Direction Habitat et Hygiène, Ville de Roubaix

Depuis 2011, les services Habitat Peuplement et Hygiène de la Ville de Roubaix font locaux communs. Cette décision fut prise face à l'importance croissante des dossiers concernant les deux services notamment dans les domaines du logement d'urgence et de la lutte contre l'habitat indigne. Ce regroupement des services vise ainsi à une meilleure efficacité dans le traitement des dossiers.

Contexte stratégique

La Direction Habitat et Hygiène de la ville de Roubaix participe à l'élaboration et à la mise en Suvre des politiques communautaires et communales en matière d'habitat, de peuplement et d'évaluation prospective. Elle mène également les politiques communales et par délégation d'Etat, les politiques en matière de risques sanitaires et environnementaux. Elle contribue au projet de développement local en coordonnant les actions intervenant dans la stratégie de peuplement de la Ville et des objectifs définis dans le cadre communautaire (Programme Local de l'Habitat) : attributions, construction et réhabilitation qualitatives de logements, habitat spécifique. Enfin, elle contribue à l'amélioration du cadre de vie en pilotant des actions de lutte contre l'habitat indigne et en participant aux missions de salubrité, de sécurité et de santé publiques.

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Missions effectuées au cours du stage

J'ai pu mener deux missions en parallèle au cours de ce stage : Pour la Ville de Roubaix, Service Habitat et Peuplement :

J'ai mis en place un référentiel habitat sur les programmes neufs de logements sociaux ou récemment réhabilités. J'ai choisi d'axer ce référentiel sur la dimension humaine de ces programmes. L'objectif était donc de mettre en évidence les "bonnes" ou "mauvaises"appropriations des équipements (au sein des logements et des résidences) par les habitants. On constate, en effet, que sur certains équipements/aménagements des opérations neuves ou récemment réhabilitées, il existe un décrochage entre la programmation initiale de logements et les usages/pratiques des habitants.

- Quelles sont les difficultés rencontrées par les habitants sur ces programmes de logements ? Et quelles en sont les causes (pratiques quotidiennes et/ou coutumes des habitants, matériaux qui vieillissent mal, problèmes techniques...) ?

- Existe-t-il des éléments attractifs pour les habitants dans ces programmations ?

- Face à cette "expertise habitante", quelles solutions sont proposées par les acteurs pour remédier aux difficultés rencontrées ?

Dans cette optique, j'ai donc travaillé sous formes d'entretiens et d'observations avec :

- Les bailleurs sociaux : LMH, VILOGIA et le PACT sur leurs patrimoines neufs ou récemment réhabilités sur les villes de Roubaix, Lille, Tourcoing et Wattrelos,

- Les acteurs Ville de Lille et Roubaix,

- Lille Métropole Communauté Urbaine, - Le PSPE et les espaces INFO ENERGIE.

Le 15 octobre 2013: Présentation orale et rendu écrit en Direction Générale du Développement et de l'Aménagement du Territoire de la Ville de Roubaix.

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Dans le cadre de mon mémoire universitaire de Master 2 à l'Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de

Lille :

Mon affectation dans le Service Communal d'Hygiène et de Santé de la Ville Roubaix m'a permis d'étudier : "le traitement technique et social de l'insalubrité et de ses conséquences sanitaires ". De nombreuses visites de terrain avec les Inspecteurs de Salubrité de la Ville et les Chargés de Mission "Habitat indigne" et "Procédures avancées " m'ont permis d'évaluer les critères d'insalubrité du parc de logement dégradé roubaisien et leurs conséquences sanitaires sur leurs occupants. J'ai également eu l'opportunité de participer à diverses réunions avec les partenaires de la Ville dans la lutte contre l'habitat indigne : réseau "Asthme- Allergies", atelier "Habitat et Santé Mentale", réunion d'avancement MOUS LHI...

Avec la collaboration du PACT dans le cadre de la MOUS LHI, j'ai également pu apprécier les dimensions technique et sociale de son traitement.

Le 3 octobre 2013 : Soutenance universitaire en présence de Monsieur Frédéric DUMONT, maître de conférence à l'université Lille 1, Monsieur Claude DUJARDIN, Responsable du Service Communal d'Hygiène et de Santé de Roubaix et Monsieur Eric GLON, Professeur des Universités.

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Sommaire

Remerciements 2

Direction Habitat et Hygiène, Ville de Roubaix 4

Contexte stratégique 4

Missions effectuées au cours du stage 5

Sommaire 7

Introduction 10

Première Partie : De l'insalurité et ses conséquences sanitaires 13

Chapitre 1 : L'évolution et les caractéristiques de l'insalubrité 14

1 / L'historique de la notion d'insalubrité 14

Le courant hygiéniste 14

Une intervention de l'Etat encore timide 16

La loi relative à la protection de la santé publique 17

Les fondements du mouvement PACT 18

De nouvelles orientations face aux conséquences de la Seconde Guerre Mondiale 19

La résorption de l'habitat insalubre 20

Les conséquences de la Décentralisation 21

Le projet de loi Duflot 22

2/ L'insalubrité à Roubaix : l'histoire d'une ville déterminante dans son paysage actuel 24

" Une ville champignon" 24

Les premiers dysfonctionnements des courées 26

Les premières réponses municipales aux problèmes d'insalubrité 30

Les logements sociaux: l'essentiel de la construction de la ville 33

Le contexte économique et social roubaisien 35

Les caractéristiques de l'insalubrité "post-industriel" 37

8

3 / Des ménages fragiles touchés par l'insalubrité 40

Les caractéristiques des ménages occupants des logements indignes 40

L'habitat indigne : un « troisième marché » du logement 42

Chapitre 2 : Les conséquences sanitaires de l'insalubrité 44

1 / Le risque saturnin 44

L'origine du plomb dans l'habitat 44

De l'imprégnation à l'intoxication 47

L'amiante, un matériau à risque 50

2 / L'humidité 52

Un problème récurrent touchant les ménages français 52

L'humidité à l'origine de désordres dans le logement 54

Les conséquences sanitaires de l'humidité 56

3 / Autres désordres dans l'habitat néfastes à la santé des habitants 59

Le monoxyde de carbone 59

Des équipements absents ou défectueux fragilisant la santé des occupants 62

Des facteurs aggravants l'équilibre psychique des occupants d'un logement 68

4 / Un intérêt nouveau autour de l'habitat indigne « Habitat et santé mentale » 77

L'habitat : facteur de bien-être et d'intégration sociale 77

La difficulté à mettre en relation « Habitat indigne et santé mentale » 79

L'habitat indigne : entre souffrance d'origine sociale et pathologie mentale 80

Deuxième Partie :... à son traitement technique et social 86

Chapitre 1 : Les outils opérationnels dans la lutte contre l'insalubrité 87

1 / Les procédures classiques avant un traitement purement technique de l'insalubrité 87

Les principales procédures en matière d'insalubrité 87

L'arrêté d'insalubrité 91

9

2 / Les nécessaires partenariats 96

Les partenariats « Habitat » 96

Des exemples de partenariats pour traiter des risques sanitaires spécifiques 102

La lutte contre l'intoxication au CO 114

Le guide « habitat et santé mentale » 116

Chapitre 2 : La Maîtrise d'Suvre Urbaine et Sociale 118

1 / La mise en place de moyens adaptés 118

2 / Le déroulement des opérations 121

3 / L'accompagnement des occupants : un travail social 124

4 - L'accompagnement des propriétaires : un travail technique 129

Conclusion 142

Bibliographie 145

Webographie 146

Entretiens et travail de terrain 147

Anagrammes 148

Annexes 149

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Introduction

« Janvier 1954 -- Cité des Coquelicots, Neuilly sur Marne- Un bébé, logé avec ses parents " en dépannage " dans une vieille carcasse d'autobus, meurt d'hypothermie : Il n'a pas résisté au froid rigoureux de cet hiver. » A la suite de cet évènement tragique, l'Abbé Pierre écrivit une lettre au ministre de la reconstruction pour provoquer une réaction des pouvoirs publics et débloquer des crédits. Ce fut alors le début d'une campagne médiatique en faveur des sans-abri et des mal-logés. Campagne qui continue de nos jours.

La notion d'habitat a évolué ces dernières décennies et a pris une place de plus en plus importante dans notre société. Habiter c'est bien plus que se loger. Ce n'est pas seulement disposer d'un toit ou d'un logement. L'habitat met l'habitant au coeur de la cité des hommes

et lui permet de s'intégrer. Habiter c'est également investir un lieu, pouvoir vivre
pleinement dans un plein épanouissement et un réel bien-être.

La notion de santé a également atteint cette nouvelle dimension grâce à une prise en compte globale de la santé et au progrès de la médecine. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé : « la santé est un état de bien-être complet à la fois physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Bien se porter ne suffit plus. On ne se préoccupe désormais plus seulement des malades. On s'intéresse également aux biens portants qui pourraient devenir malades. « On veut légitimement pouvoir mieux vivre, et même si l'on ose dire, mourir guéri » comme l'annonce Georges Cavallier, Président de la Fédération des Programmes d'Action Contre les Taudis. Le concept de santé a donc largement dépassé les modes de vie sains pour viser le bien-être de tous.

L'évolution de ces deux notions résulte d'une même volonté universelle de consacrer les droits de tout homme à des conditions de vie satisfaisantes et dignes. Depuis plusieurs années, on tend de plus en plus à reconnaître les liens qu'ils existent entre ces deux notions. Il est en effet certain que le logement permet à chacun de se fixer des repères. Repères qui structurent tout individu et lui permettent de se protéger des agressions extérieures et de préserver son intimité. Il permet également de lutter contre l'exclusion sociale.

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Cependant, certaines conditions de logement sont à l'évidence pathogènes. Ces conditions ne sont pas toujours faciles à apprécier et à évaluer. Elles sont aujourd'hui pour la plupart maîtrisables, même si de nouveaux champs d'investigations sont apparus depuis l'hygiénisme du siècle passé.

Ainsi, il est clairement reconnu qu'un logement doit intégrer plusieurs dimensions afin de garantir le bien-être et l'épanouissement de ses occupants :

- Il doit être accessible physiquement en permanence et en toute sécurité

- Il doit promouvoir la stabilité et l'équilibre psychique de ses occupants en garantissant l'intimité et la vie privée de chacun, être imperméable aux intrusions, au bruit et au regard des autres...

- Et il doit présenter des caractéristiques qui lui sont propres afin d'éviter toutes nuisances éventuelles (bâti stable et durable, chauffage, isolation...)

L'habitat indigne est une notion politique et de communication correspondant à des situations où un ou plusieurs de ces critères ne seraient pas respectés. Il couvre une pluralité de situations (logement surpeuplé, logement menaçant ruine, logement avec plomb...) qui ont pour point commun de nuire à des degrés variables à la santé des occupants.

Ces diverses situations seront étudiées dans ce rapport et plus précisément celle de l'insalubrité. Un logement est déclaré insalubre à partir du moment où son état de dégradation peut avoir des conséquences sur la santé de ses occupants et / ou du voisinage. L'insalubrité est une notion technique. Elle peut se mesurer grâce à une liste de critères identifiables (murs fissurés, absence d'eau potable, d'électricité, de chauffage, pollution de l'air intérieur...) et pondérés en fonction des risques engendrés.

Ces différents critères d'insalubrité seront abordés par le truchement de l'analyse d'un territoire: le parc de logement dégradé roubaisien.

- Quelles sont les conséquences de l'insalubrité d'un logement sur la santé des occupants ?

- Et enfin, un traitement purement « technique » de l'insalubrité est-il suffisant pour

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remédier aux difficultés rencontrées ?

En tentant de répondre à ces questions, nous allons mettre en évidence les diverses caractéristiques de l'insalubrité et leurs conséquences sanitaires pour ensuite décrire le traitement technique et social qui permet d'y remédier.

Première Partie :

13

De l'insalubrité et ses conséquences sanitaires...

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Chapitre 1 : L'évolution et les caractéristiques de l'insalubrité

1 / L'historique de la notion d'insalubrité

La lutte contre l'habitat insalubre est une préoccupation ancienne en France et constitue un débat important sur les conditions de vie des classes laborieuses tout au long du XIXème siècle. Ces préoccupations sont également partagées par d'autres pays en Europe qui connaissent les effets de la Révolution Industrielle.

Le courant hygiéniste

En France, les premiers objectifs de santé publique furent d'enrayer les épidémies touchant la population. Ce fut le cas avec les grandes épidémies de choléra de 1832, 1849 et 18651866. Ces épidémies firent des centaines de milliers de mort en France et plus particulièrement dans les grandes villes à population nombreuse et regroupée. La propagation de cette épidémie résidait dans l'absence d'eau potable, propre à la consommation. A Roubaix, ces épidémies furent particulièrement meurtrières notamment dans les courées. Ce type d'habitat, dont nous détaillerons les caractéristiques et l'évolution par la suite, n'a en effet pas échappé à ces vagues endémiques. Les maisons, pour la plupart, ne disposaient en effet pas de l'eau courante. Les habitants se fournissaient à un point d'eau collectif par l'intermédiaire d'une pompe et plus tardivement d'un robinet. L'eau non potable y était stockée dans un puit ou une citerne située en règle générale à l'entrée de la courée. C'était bien souvent cette pompe, alimentant des dizaines de personnes, qui était le lieu de contamination.

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Allégorie de la « pompe meurtrière », fin XIXème siècle
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

Suite à ces épidémies, des médecins se sont alors interrogés sur les conditions de vie des ouvriers et ont démontré que c'était en grande partie les conditions de logement qui étaient responsables de la mauvaise santé des familles qui y vivaient. Ce fut le cas par exemple en 1838 du Docteur Pierre Adolphe Piorry qui dans son ouvrage intitulé « Des habitations et de l'influence de leur disposition sur l'homme en santé et en maladie » montra l'importance d'établir des ordonnances de police pour sauver la santé du peuple ainsi que d'accorder des primes de l'Etat pour la construction de maisons ouvrières saines.

Ce sont les prémisses du « courant hygiéniste ». Courant ingénieux et novateur pour l'époque, puisque pour la première fois, la relation entre la santé et l'habitat est clairement établie. Les premières actions commencent à apparaître : on voit par exemple qu'entre 1845 et 1849, les frères De Melun, l'un avocat et l'autre député, fondèrent les « Annales de la Charité » et créèrent une « Société d'économie charitable » afin d'allier d'autres membres de la haute société à la cause ouvrière.

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Une intervention de l'Etat encore timide

L'intervention de l'Etat, malgré ces actions, demeure encore timide. Il faudra attendre la première loi de politique sociale en avril 1850 pour voir ce tabou en partie levé. Cette loi donne une première définition d'un logement insalubre. Il s'agit : « de logements qui se trouvent dans des conditions de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé des habitants ». Une fois encore, la relation entre santé et habitat est mise en avant. Cette notion a désormais un sens et une action politique. Ce projet de loi est vivement défendu par Victor Hugo dans un « Discours sur la misère », discours qu'il prononce contre son propre parti conservateur.

L'impact de cette loi est tout de même à nuancer. Ce texte de loi permet une intervention des communes sur les logements insalubres par le biais d'une décentralisation des pouvoirs au profit des Conseils Municipaux. Ils ont alors la possibilité de créer une « Commission des Taudis » afin de rechercher et d'indiquer les mesures indispensables d'assainissement des logements insalubres mis en location ou occupés par d'autres que le propriétaire, l'usufruitier et l'usager. Les travaux qui seront décidés par cette commission seront alors imposés au propriétaire sous peine d'amende. Des villes comme Roubaix ou Paris vont s'appuyer sur cette loi pour commencer à lutter contre l'habitat insalubre gangrenant sur leur territoire.

Mais on constate que l'application de cette loi est tout de même variablement suivie et appliquée par les municipalités puisqu'en effet de nombreux propriétaires ne sont autres que les membres siégeant dans ces Conseils Municipaux.

Suite à ces actions, d'autres lois vont être votées. Elles concernent en 1894, l'assainissement du département de la Seine en rendant obligatoire le tout à l'égout pour toutes les nouvelles constructions et permet la création des Habitations à Bon Marché (HBM).

Une autre loi en 1898 détermine un nouvel objectif de santé publique : l'eau. Chacun doit en effet pouvoir accès à une eau propre à la consommation et donc sans danger. Elle impose donc les premières mesures de salubrité et de sécurité en matière de traitement de l'eau de consommation.

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La loi relative à la protection de la santé publique

Une véritable innovation apparaît avec la promulgation, le 19 février 1902, de la loi relative à la protection de la santé publique. C'est la première vraie loi de santé publique Elle fut adoptée après dix ans de débat et prévoit:

- L'instauration d'un Conseil d'Hygiène Publique dans chaque département,

- La création d'un Bureau Municipal d'Hygiène dans chaque ville de plus de 20 000

habitants.

- La possibilité pour la Commission Sanitaire Municipale de prononcer l'interdiction

d'habiter pour les immeubles représentant un danger pour la santé publique et contraindre ainsi les propriétaires à réaliser des travaux « d'assainissement » de leur bien.

-La mise en place d'un permis de construire permettant un contrôle du maire sur l'aspect sanitaire des constructions.

- La création d'un Règlement Sanitaire Départemental pour la salubrité des maisons et la prévention des épidémies. Les RSD, plusieurs modernisés depuis, sont toujours une référence aujourd'hui dans la lutte contre l'habitat insalubre.

La loi du 9 avril 1903 rendra applicable à la ville de Paris et au département de la Seine les dispositions de la loi de 1902.

Cependant, l'activité de divers mouvements de pensée ou encore des congrès internationaux d'hygiène publique démontrent encore le manque d'efficacité pratique de cette loi.

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Les fondements du mouvement PACT

En 1924, la Ligue Nationale Contre les Taudis est créée afin de lutter notamment contre les quartiers de cabanes de fortune qui ceinturent Paris. Cette ligue est patronnée par le gouvernement et les autorités religieuses. Elle organise des manifestations multiples: conférences, bals de charité, ventes ou encore tombolas afin de récolter les fonds nécessaires. Elle crée également une société anonyme d'Habitations à Bon Marché " Le nouveau logis ". C'est le fondement du mouvement des PACT (Propagande et Action contre les Taudis) dont le premier naît à Lyon en 1942.

C'est Jean Pilla, alors étudiant à l'époque, aidé de quelques amis industriels lyonnais, qui sera à l'origine de la création du PACT. Cette association fonctionne au début de la même manière que les groupes de jeunes bénévoles. Leur philosophie est d'aider les ménages les plus précaires en luttant contre l'insalubrité dans lesquels ils vivent et accessoirement de venir en aide aux sans-abri. Ils sont animés par la conviction que le logement est un élément essentiel de la qualité de vie des personnes et qu'il permet aussi l'insertion sociale. Au début, par manque de moyen financier, l'association ne pouvait faire que des actions de petite envergure. L'idée du PACT de Lyon va s'exporter rapidement à travers toute la France avec comme premiers lieux d'ouverture du PACT : " Lille, Roubaix, Dijon, Marseille, Nantes, Bordeaux et Nancy ". Dès 1951, l'association se regroupe dans une fédération nationale. Elle va s'imposer comme bailleur social grâce à des logements dont elle sera propriétaire. Ils vont ainsi permettre aux personnes les plus fragiles d'être logées dans des loyers à faibles charges. Des agents sociaux interviendront pas la suite pour accompagner les familles qui en ont besoin. Le PACT s'institutionnalise et est reconnu par le gouvernement comme un partenaire à part entière.

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De nouvelles orientations face aux conséquences de la Seconde Guerre Mondiale

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les conditions de logement sont catastrophiques. Ainsi, de nouvelles orientations politiques sont prises dès septembre 1948. Ces grandes orientations permettent la création de l'allocation logement, le droit au maintien dans les lieux des locataires et la première réglementation des loyers du secteur privé. Le loyer sera désormais calculé sur la base de la "surface corrigée " : chaque élément de confort (lavabo, douche... ) correspond à des m2 supplémentaires servant à déterminer le montant du loyer. Pour compenser les contraintes financières des propriétaires, se crée un Fond National pour l'Amélioration de l'Habitat qui deviendra plus tard, l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat.

Le terrible hiver de 1954 est resté, encore aujourd'hui, dans les mémoires. L'Abbé Pierre lance un appel au secours en implorant l'Etat de venir en aide aux sans-abri et aux mal-logés. Un concours national est alors lancé pour réaliser des Logements Economiques de Première Nécessité. Ce sont des Cités d'Urgence qui vont être créées soit 12 000 logements construits sur 220 villes.

Le Code de santé publique sera modernisé en 1957 et la loi " Debré " de 1964 traitera plus particulièrement des bidonvilles. Les Règlements Sanitaires Départementaux, prévus depuis 1902, sont renforcés par un décret du 5 octobre 1953 qui institue le Règlement Sanitaire Départemental, obligatoire cette fois, et assure son application dans tous les départements avec une adaptation « à la marge » aux conditions spécifiques à chaque département, palliant ainsi la carence des règlements communaux.

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La résorption de l'habitat insalubre

A la suite de l'incendie d'un garni à Aubervilliers en janvier 1970, le Secrétaire d'Etat au logement, Robert -André Vivien, présente un projet de loi sur la résorption de l'habitat insalubre. La loi est adoptée le 10 juillet 1970, en déclaration d'urgence. La loi Vivien modifie le Code de santé publique, qui régissait jusque-là, le problème de l'insalubre « en dur » et intègre le dispositif de la loi Debré concernant l'expropriation. Ainsi, cette loi comporte des dispositions relatives à l'insalubrité :

- Elle permet un renforcement de la lutte ponctuelle contre l'insalubrité - Elle pénalise les marchands de sommeil

- Elle instaure une nouvelle définition de l'insalubrité en dur : le périmètre insalubre délimité par le préfet. Il comporte au moins 60% d'immeubles insalubres, mais englobe des locaux et immeubles salubres. Après avis du Conseil Départemental d'Hygiène, du maire et du Conseil municipal, le préfet déclare par un arrêté global l'insalubrité et l'interdiction d'habiter pour tout le périmètre.

Elle apporte également des dispositions relatives à l'expropriation :

- Elle permet de traiter l'urgence de certaines situations par une déclaration d'utilité publique accélérée.

- Le loi vise également à une prise de possession rapide des périmètres insalubres par les collectivités, qui pourront procéder aux destructions nécessaires, puis aux reconstructions éventuelles.

Ces actions de Résorption de l'Habitat Insalubre permettront la démolition d'îlots complets de bâtiments vétustes et la reconstruction à neuf d'îlots entiers. Ces opérations seront largement critiquées par la suite puisque non seulement elles entraînent une déstructuration urbaine mais également l'éviction des familles les plus pauvres. Leur relogement se fera pour la plupart dans les zones périphériques.

En 1976, le "Fond d'Aménagement Urbain " sera institué sur une logique de redécouverte et de revalorisation des quartiers anciens. La résorption de l'habitat insalubre sera également

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inscrite dans cette démarche. L'accent est cependant mis, tant pour des raisons architecturales qu'urbanistiques, que pour des raisons sociales, sur des travaux portant sur les bâtiments existants. La notion de remédiabilité l'emporte sur celle d'irrémédiabilité, fondement de la démolition. En 1979, un dispositif financier est mis en place pour faciliter les travaux de sortie d'insalubrité effectués par les propriétaires occupants et les propriétaires bailleurs. Une circulaire interministérielle le 14 janvier 1980 précise la portée de ces nouveaux outils.

Ces dispositifs juridiques et financiers perdurent jusqu'en 2000. Seules quelques opérations de RHI « pure » : par démolition de périmètre, seront encore menées dans certains départements.

Les conséquences de la Décentralisation

La loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, dite loi de « décentralisation », a été complétée par la loi du 22 juillet 1983 qui indique que les Bureaux Municipaux d'Hygiène, datant de la loi de 1902, deviennent des Service Communaux d'Hygiène et de Santé et que ceux exerçant effectivement des missions d'hygiène publique peuvent, par dérogation, continuer à exercer ces missions au nom de l'Etat moyennant une dotation financière.

Certaines villes seront donc dotées d'un Service Communal d'Hygiène et de Santé amène de traiter des dossiers d'insalubrité comme c'est le cas à Roubaix. Sur les autres territoires, ne disposant pas d'un SCHS, c'est la DDAS qui aura en charge les problèmes d'insalubrité.

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Le projet de loi Duflot

Mardi 17 septembre 2013, l'Assemblée Nationale a adopté en première lecture, par 312 voix contre 197, le projet de loi Duflot sur le logement. Cette loi instaure la garanti universelle et l'encadrement des loyers. Mais ce texte de loi comporte aussi de nombreuses autres dispositions, concernant entre autres les règles régissant les copropriétés ou la lutte contre l'habitat insalubre.

Le volet permettant de renforcer la lutte contre l'habitat indigne va être développé ici. Il comprend plusieurs actions:

- La mise en place d'un acteur unique en vue de simplifier la mise en Suvre de polices spéciales de l'habitat. Les Etablissement Publics de Coopération Intercommunal deviendront alors les acteurs uniques de la lutte contre l'habitat indigne en donnant à leurs présidents les prérogatives en matière de police spéciale du logement, détenues d'une part par les maires des communes membres et d'autre part par le préfet.

- Améliorer la lutte contre les marchands de sommeil, grâce, notamment, à l'instauration d'une astreinte administrative. L'action consistera à faire vérifier par le notaire, lors des transactions immobilières, que l'acheteur personne physique ou les dirigeants sociaux ou associés de la société civiles immobilières se portant acquéreur, ne sont pas déjà condamnés pour des faits de soumission d'une personne à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine ( sauf dans le cas où la personne concernée attestera que le logement est destiné à son occupation personnelle ).

- Une astreinte de 200 euros par jour de retard dans l'exécution des travaux permettra également de sanctionner les propriétaires défaillants aux prescriptions des arrêtés d'insalubrité. Ces propriétaires auront désormais à leur charge le coût des travaux mais également le coût de la maîtrise d'ouvrage. Ce dernier est en effet aujourd'hui pris en charge par la puissance publique.

- Le texte de loi permet également de modifier la procédure relative à l'octroi et au versement de l'allocation logement dans le cas des logements déclarés non décents afin

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d'inciter les bailleurs à effectuer les travaux de mise en conformité, tout en limitant l'impact sur le locataire.

Ainsi, si un logement fait l'objet d'un constat d'indécence, le droit à l'allocation logement est maintenu durant un délai d'un an pour le locataire, mais son versement est différé tant que le propriétaire n'a pas effectué les travaux de mise en conformité. Durant ce délai, le locataire ne s'acquitte que du loyer résiduel, sans que cela ne puisse fonder une action du bailleur à l'égard du locataire pour l'obtention de la résiliation de bail. Dès que les travaux sont réalisés, l'aide est reversée au bailleur. Si à l'issue de ce délai d'un an, les travaux ne sont toujours pas réalisés alors l'allocation logement est définitivement perdue.

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2/ L'insalubrité à Roubaix : l'histoire d'une ville déterminante dans son paysage actuel

" Une ville champignon"

Roubaix, autrefois village puis bourg, a connu son essor grâce à l'industrie textile. La morphologie urbaine de Roubaix et son essor à un rythme effréné peut se lire et s'expliquer à travers son évolution historique. Il convient donc de rappeler son histoire.

L'industrie textile se développe à Roubaix et à Tourcoing dès l'Ancien Régime. Le 1er novembre 1469, une charte de Charles le Téméraire autorise le seigneur de Roubaix à "licitement draper et faire draps de toutes laines" . Roubaix n'est à l'époque qu'un simple village de sept cent personnes qui va connaître une véritable expansion grâce à l'industrie textile. Au début du XVIIIème siècle, c'est un bourg central entouré de onze hameaux qui comptera 4700 habitants.

Cette population va doubler et sera de 8300 personnes début XIXème siècle, c'est d'ailleurs à cette époque que Roubaix sera qualifiée de « ville». Elle devient alors une véritable "ville-champignon" qui, à partir de la seconde moitié du XIXème siècle, compte pas moins de 50 000 habitants.

La Révolution Industrielle surgit à Roubaix en 1820. L'introduction de machines mécaniques à tisser et à filer, bouscule l'artisanat et appelle de plus en plus de bras dans les usines textiles édifiées à la hâte. C'est une ville mono industrielle qui prospère grâce au travail du coton et de la laine. Pour faire fonctionner ces usines, il est nécessaire de faire venir la main d'Suvre des bourgs ruraux voisins, puis de la région wallonne frontalière peu industrialisée à l'époque. L'immigration bénéficie à l'industrialisation de Roubaix dès ses prémisses. Les ouvriers les plus proches font le trajet quotidiennement, les autres s'installent à Roubaix. D'abord seuls dans des " garnis ", chambres meublées le plus souvent situées au-dessus des " cafés dîneurs", qui fournissent les repas aux locataires. Peu à peu, ces travailleurs y font progressivement venir leur famille dont les femmes et les enfants alimenteront à leur tour la main d'Suvre de cette industrie florissante.

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Cette immigration conduit rapidement à une pénurie de logement. Il faut alors construire à la hâte des logements pour ces nouveaux arrivants. Les propriétaires de terrains, parfois aussi patrons des usines, construisent au plus près des lieux de travail et en condensant au maximum les habitations pour perdre le moins possible d'espace. La qualité des constructions est médiocre, souvent sans fondation et bâties de briques mono - cuites et de torchis. Les courées viennent de naître et deviennent vite le mode de logement prédominant dans"la ville au mille cheminées ". Elles permettent de loger ces nouvelles familles ouvrières qui comptent souvent, malgré la forte mortalité infantile, un grand nombre d'enfants. Ces constructions de piètre qualité et bâties sans ordre n'y règle entraînent le développement d'un tissu urbain anarchique et rapidement de l'insalubrité.

Roubaix, la ville aux mille cheminées, 1850
http://www.arts-spectacles.com

Roubaix, la ville aux mille cheminées, 1911
Archives Médiathèque Roubaix

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Les premiers dysfonctionnements des courées

Les courées sont construites aussi par les bourgeois dans l'espace interne des îlots laissé libre de construction. La maison bourgeoise traditionnelle est en effet en front de rue, sur une parcelle étroite et allongée se terminant par un jardin ou un espace cultivé. Les jardins étaient desservis par de petits chemins qui en permettaient l'accès à partir des rues principales. Les constructeurs des logements ouvriers vont en faire un type d'urbanisme spécifique, sans morphologie urbaine préexistante. Ces courées deviennent la règle. Ce mode d'urbanisation obéit à un ordre, celui de l'usine : proximité immédiate, contrôle de la main d'Suvre et temps de transport supprimé. De nombreux propriétaires possédaient aussi des débits de boissons, gérés par des cabaretiers souvent responsable aussi de la perception des loyers. Le nombre de ces cafés est important et génère un alcoolisme surtout chez les hommes mais pouvant aussi toucher les femmes avec des conséquences graves sur les familles.

La division spatiale des zones en différents types d'habitats tend à faire encadrer la classe ouvrière par la petite bourgeoisie. Les difficultés quotidiennes partagées par l'ensemble des occupants des courées créent rapidement une solidarité et une cohésion sociale entre ces habitants. Cet habitat présente donc des avantages certains mais sa conception sommaire et rapide va rapidement laisser apparaître des dysfonctionnements.

Un mode d'habitat favorisant la solidarité et la cohésion sociale, Fives

http://achft.ville-fachesthumesnil.org/bull_73_06.php

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Dès 1886, un arrêté municipal à Tourcoing stigmatise ces "foyers d'infection" que sont les courées où les familles ouvrières logent dans " des constructions où les simples notions d'hygiène sont méconnues, sans air, au milieu d'une malpropreté repoussante et presque impossible à éviter à cause des dispositions spéciales des espèces de cités où elles s'entassent". En 1912, il existe près de 1 300 courées à Roubaix qui abritent 48% de la population totale de la ville. Cette forme d'habitat symbolisera l'insalubrité dans la métropole lilloise.

Le peu d'espace dédié à ce type de construction spécifique ne permet en effet que la création de petites pièces. L'aération et la luminosité de ce type d'habitat sont réduites au minimum, l'absence de fondation ainsi que l'utilisation de la brique sans couche d'étanchéité favorisent les remontées telluriques. L'humidité y est donc monnaie courante. L'eau courante dans les maisons reste exceptionnelle, elle est fournie par un point d'eau collectif, un puit ou une citerne avec une pompe puis plus tard un robinet à l'entrée de la courée. Les eaux usées s'écoulent quant à elles vers les égouts de la rue par une rigole creusée à ciel ouvert dans le passage entre les maisons.

Héritage d'une rigole creusée dans la cour, ancien égout à ciel ouvert
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Roubaix

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Les latrines se trouvent en général dans la cour et se déversent dans une fosse d'aisance (sorte de citerne en maçonnerie enterrée qu'un vidangeur vient vider régulièrement), elles sont communes à de nombreuses maisons et donc à des dizaines de personne.

Héritage de WC commun, externe au logement
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Roubaix

Les nuisibles (rats, cafards, puces et punaises) "cohabitent" avec les habitants. Le passage entre les maisons est généralement encombrée par les débarras des différentes familles et notamment les réserves de charbon appelés " cotche " dans le patois local.

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Des espaces étroits, bien souvent encombrés
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Roubaix

La courée est également un lieu de surpeuplement entraînant généralement des épidémies dangereuses. La promiscuité est en effet un facteur d'aggravation de maladies. La tuberculose sera l'une des principales causes de la mortalité des plus jeunes dans les courées au cours du XIXème siècle.

Sur un plan organisationnel, on constate que les courées sont construites sans logique urbanistique et laisse place un véritable chaos urbain.

Une organisation de la ville répondant aux logiques industrielles et laissant place à un chaos urbain
Archives Médiathèque Roubaix

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Les premières réponses municipales aux problèmes d'insalubrité

La municipalité de l'époque cherchera à corriger ces dysfonctionnements urbanistiques. Bien qu'un alignement des rues soit mis en place dès 1819 avec un premier plan d'urbanisme, sur ordre du préfet et que la délimitation de la ville soit fixée cette même année, le développement urbain de la ville s'est fait au bon vouloir des spéculateurs privés et donc sans règles établies pendant plusieurs années. Les premières lignes de chemin de fer vont apparaître et la construction du canal est décidée au nord de la ville pour favoriser les échanges commerciaux et notamment l'arrivée des matières premières au centre de la ville. La maison de maître, l'habitat spécifique de la haute bourgeoisie industrielle, au départ intégrée à la vie industrielle va à la fin du XIXème siècle, se déplacer au sud-ouest de la ville, à proximité du parc de Barbieux, créant ainsi l'unique quartier de standing. Les usines se développent en périphérie essentiellement entre le canal et la voie ferrée. Des boulevards et des places sont aménagés restructurant la ville. En 1905, la première loi de santé publique avait imposé aux villes de plus de 20 000 habitants la création du permis de construire.

La construction de logements ouvriers va en revanche s'arrêter à partir de 1914, La première Guerre Mondiale mettant un frein à l'expansion industrielle et à l'explosion démographique. Le 14 mai 1919 est votée la loi Cornudet, qui oblige toutes les communes de plus de 10 000 habitants à établir un "plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension". Ces réglementations serviront à guider les réalisations publiques des villes et à contrôler une urbanisation jusqu'à alors anarchique.

Il devient indispensable pour la ville de mettre en place un projet de construction de logements neufs face à une pénurie de logements : l'office public des Habitations Bon Marché (HBM) est créé le 26 octobre 1920. Ce seront donc 197 maisons et 584 appartements qui seront construits en périphérie de Roubaix entre 1923 et 1932. Ces logements sont très confortables pour l'époque avec un accès à l'eau courante dans l'habitation, l'électricité ainsi qu'une meilleure isolation. Cette création municipale de logements neufs salubres favorisant de bonnes conditions de vie est avant tout un enjeu politique empreint de la mouvance hygiéniste dans un contexte social particulièrement

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tendu afin de " calmer les petites mains". L'histoire roubaisienne étant, rappelons le, traversée par des nombreuses grèves. C'est la création du " Nouveaux Roubaix ".

Nouveau Roubaix, HBM

http://cueep102.univ-lille1.fr/atemem/nvrbx/tag/hbm/

Pour remédier aux problèmes de santé qui touchent les ouvriers, une série de services municipaux appuyée par le mouvement hygiéniste et les avancées sociales sont également créés tel que les cantines, le centres aéré, la piscine et les bains publics. De nombreuses écoles sont également construites afin de scolariser les enfants ouvriers. " L'école de Plein Air " destinée aux enfants à la santé fragile est située dans la "campagne roubaisienne " à l'endroit de l'actuel Vélodrome.

D'un point de vue de l'assainissement, la municipalité entame un programme de raccordement des habitations à l'eau potable, de pavages de certaines voiries et de réfection de certaines poches d'habitat insalubre.

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Piscine de Roubaix : les bains publics
Archives Médiathèque Roubaix

En 1922, la municipalité charge l'architecte Albert Baert (qui a déjà fait ses preuves avec les Bains Dunkerquois) de construire la plus belle piscine de France. L'ambitieux projet aboutit en 1932, traversant toutes les difficultés financières. C'est le triomphe de l'architecture hygiéniste ("un esprit sain dans un corps sain") .Une réussite qui fait de ce bâtiment à la fois une piscine sportive et un établissement public de bains douches - un actif centre de vie et un lieu de rencontre ludique.

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Les logements sociaux: l'essentiel de la construction de la ville

C'est en 1945, à la fin de la deuxième Guerre Mondiale que des cités jardins en lotissement destinées à une population d'employés plus aisés, se greffent au sud-ouest de Roubaix mais c'est surtout à partir de 1943 avec la création du CIL que se développe un nouveau type d'habitat: le logement social collectif. Cette construction de logements est destinée aux employés des entreprises qui cotisent au 1 % patronal. En parallèle, un autre organisme, né à Lyon, se développe à Roubaix. Il s'agit du PACT (Programme d'Actions contre les Taudis), qui permet de restaurer et d'entretenir des maisons délabrées. Cet entretien du bâti s'accompagnement également d'un accompagnement social pour les personnes les plus défavorisées. Progressivement, le PACT fusionnant avec le CAH (Commission pour l'Amélioration de l'Habitat) deviendra un bailleur permettant de loger des ménages en grande précarité.

Désormais, comme dans la plupart des villes ouvrières, les logements sociaux représentent l'essentiel de la construction de la ville. Ils se situent en général au sud est sur des terrains encore libres de constructions. Les premiers sont des HLM assez intégrés à la réalité urbaine. A partir de 1960, la période de construction des grands ensembles collectifs permettent le développement de la ZUP des Trois Ponts à Roubaix afin de reloger les habitants du premier épisode de Résorption d'Habitat Insalubre. En effet, près de 1 800 logements ont été détruits sur Roubaix. A partir des années 1960 - 1970, d'importantes opérations d'urbanismes ont été lancé comme les " Longues Haies " ou " l'Alma Gare ". L'opération Alma Gare commencée dès 1973 ou encore l'avenue des Nations Unies, axe reliant les centres de Roubaix et Tourcoing permettront la création de logements récents et le positionnement d'activités industrielles.

La morphologie urbaine des années 1980 -1990 est issue de ces phases d'évolution du logement et la ville se trouve ainsi divisée en trois zones:

- Au Sud / Sud-est, les grands ensembles des années 1960-1970

- Au Sud-ouest, l'habitat de standing et les lotissements construits à partir de 1945

- Au Centre et au Nord, l'habitat ancien ainsi que de plus récentes constructions de logements sociaux.

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Le tissu urbain ne converge pas vers un centre bien que la Grande Place soit un repère important. Il s'agit plutôt d'une structure par quartiers qui reste fortement marquée s'expliquant historiquement par la formation de ces quartiers autour des usines.

Roubaix est encore largement dominée par l'habitat du XIXème siècle et les problèmes liés à un parc de logements anciens dégradés. Des îlots de pauvreté se développent dans ces espaces. On y retrouve une forte concentration de population fragile par leurs situations précaires. Au départ, ces îlots de pauvreté se développent autour de la gare, puis une extension de ce phénomène gagnera les secteurs ouest et nord de Roubaix.

Le déclin industriel a provoqué une crise sociale aigue. Une grande partie de la population s'est trouvée désolvabilisée et faute de moyens pécuniers, n'a plus entretenu correctement les logements qui se sont dégradés. La dégradation des immeubles, par abandon de tout investissement sont favorables aux squats de ces espaces et à la fuite des classes moyennes vers les proches communes périphériques.

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Le contexte économique et social roubaisien

De nombreuses études montrent que " les courées apparaissent comme le refuge d'une population particulièrement démunies". On se trouve en présence de couches sociales populaires peu intégrées à la vie sociale de la cité et discriminées par leur lieu de vie. D'une part, nombre d'habitants des courées restent en dehors du champ de la production: ce sont les vieux, les jeunes, une bonne partie des femmes. D'autre part, les travailleurs actifs appartiennent aux catégories sociales les plus exploitées et les plus mal défendues de la classe ouvrière. Il s'agit de populations précaires généralement aux caractéristiques similaires :

- Un pourcentage très important d'immigrés: 30% de la population totale des courées dont 16% de Nord-Africains.

- Une population très jeune: en 1971, 51% de la population des courées était née après 1946, alors que la moyenne nationale de l'époque était de 41%.

- Mais avec un nombre important de personnes âgées : plus de 20% de cette population ayant 65 ans et plus, ce qui est supérieur à la moyenne nationale: 13% en 1968.

- Un nombre important de personnes vivant seules: 28% du total, correspondant aussi bien à des personnes âgées qu'à des travailleurs immigrés célibataires.

- Peu d'actifs. En 1971, on trouvait seulement 60% des chefs de famille ayant un emploi à temps complet ou partiel, les autres étant au chômage, à la retraite, en congé de longue maladie ou sans emploi connu... Pour les actifs, il s'agit essentiellement de travailleurs occupants des emplois non qualifiés ou déqualifiés.

Les caractéristiques de cette population, très précaire, amènent donc trois conséquences immédiates qui ont pesé dans le déroulement des actions menées contre les formes prises par la résorption des courées.

La première est que les habitants des courées sont inégalement concernés par la lutte pour la conservation de leur habitat. Pour tous les sans-travail, la perte de leur logement représente une catastrophe et un avenir incertain: envoi en foyers ou en hospices des personnes âgées, incertitude totale pour les chômeurs de retrouver un logement... Pour

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ceux qui travaillent, si le départ de leur logement pose à tous de graves problèmes, leurs revenus leur permettent toutefois de se reloger ailleurs.

La deuxième conséquence est que les organisations représentatives de la classe ouvrière n'ont quasiment jamais été partie prenante dans ces actions. Il y a des difficultés à toucher la base ouvrière roubaisienne, à mobiliser sur le thème des courées, et à en faire un objectif de classe.

Roubaix connaît des difficultés récurrentes depuis le début du déclin de l'industrie textile et une grande partie de la population vit dans la précarité. La ville enregistre ainsi tous les symptômes de la crise: déclin du tissu économique et social, importance des phénomènes de pauvreté et de chômage, déclin démographique, dégradation de l'environnement urbanistique, existence de clivage sociaux très marqués.

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Les caractéristiques de l'insalubrité "post-industriel"

Le tissu urbain ancien de l'agglomération roubaisienne façonné il y a plus de cent ans en fonction de l'organisation sociale et économique de la production textile, cumule à la fin de la Révolution Industrielle et avant la mise en place des opérations de Résorption de l'Habitat Insalubre plusieurs facteurs propices au développement de l'insalubrité. Ces facteurs sont notamment liés à l'obsolescence de l'organisation hyperdense de l'habitat individuel. La densité des îlots, construits à la fois en périphérie des villes le long des rues et dans leur centre avec les courées, sans espace extérieur privatif, avec souvent de très faible marge de recul entre chaque habitation entraîne souvent un faible éclairement du logement et une promiscuité et un manque d'intimité visuelle et sonore. Les nombreuses servitudes et dépendances entre immeubles sont sources de graves problèmes de gestion dès que ne fonctionne plus la solidarité, élément essentiel entre propriétaires ou locataires des différentes unités intégrées. Cette rupture des solidarités peut apparaître à la suite soit du désinvestissement du propriétaire bailleur, soit de l'éclatement de la propriété foncière, de la vacance voire de l'abandon d'un ou plusieurs lots, soit même de la disparition de la mémoire et des traditions de convivialité liées à ce mode d'habitat. On y rencontre alors des problèmes d'hygiène élémentaires: fosses d'aisance collectives dégradées, toilettes non entretenues, canalisations d'évacuation d'eau bouchées, écrasées, enfouies sous des constructions annexes, odeurs nauséabondes, débordements de matières fécales... La propagation en chaîne de l'humidité et des champignons dans les constructions sont un autre élément d'insalubrité fréquemment rencontrés dans cet habitat.

L'insécurité vis à vis des cambriolages liés à la facilité de circuler d'un immeuble à l'autre par les chéneaux, de rentrer par les fenêtres arrières ou les vasistas est un véritable problème pour les occupants et cela notamment due à l'organisation hyperdense du bâti.

On constate que l'insalubrité se développe rapidement dans ce tissu hyperdense dès lors que disparaît une autorité ou une entente collective, capable d'assurer l'entretien des servitudes et du gros Suvre d'un point de vue d'ensemble, ainsi que le contrôle social des espaces collectifs. C'est par îlot entier et non par courée que se joue la capacité à résister à l'insalubrité.

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Les facteurs de l'insalubrité sont également liés à la situation des quartiers. Ceux-ci sont en effet saturés à l'origine d'usines, d'habitations ouvrières et parfois aussi d'habitations plus bourgeoises, ils cumulent l'ensemble des handicaps, et associent de nombreux besoins d'intervention:

- dédensification et amélioration de l'habitat

- résorption ou conversion des friches industrielles

- réfection de voiries, de réseaux

- création d'espaces publics, d'espaces verts et d'équipements

La tendance à l'insalubrité d'un quartier dépend également de la place du quartier sur le marché foncier, et donc de sa situation dans l'agglomération et de son image dans la représentation collective de la ville.

L'habitat est l'élément le plus fragile d'un quartier. Il est à la fois fondateur et victime de l'image d'un quartier et à l'opinion collective que les habitants, propriétaires et investisseurs potentiels peuvent avoir de la tendance du quartier à s'améliorer ou à se dégrader. Dans ces circonstances, la lutte contre l'insalubrité dans l'habitat, est d'autant plus délicate que certaines procédures contribuent pendant un temps à affaiblir le quartier et à le mettre encore plus en danger.

La paupérisation de la population ouvrière de Roubaix est un facteur déterminant de l'insalubrité. Pendant longtemps cette population fut au service de la mono industrie textile. Le faible niveau de formation et le peu d'aptitudes à la reconversion des salariés ayant perdu leur emploi, se cumulent aux énormes difficultés existant pour l'emploi des jeunes. Ces difficultés sont accrues pour les jeunes dont les familles n'ont connu que les travaux les moins qualifiés du textile. Ce dernier aspect se répercute sur les capacités et dispositions à investir dans l'entretien de l'habitat. Il y a une forte tendance à l'insalubrité dans l'habitat individuel des grandes familles ouvrières dont les pères, anciens ouvriers d'usines, sont aujourd'hui sans emploi, ou en retraite, et les enfants jeunes adultes, nombreux sans emploi stable, en surpeuplement dans le logement, n'ont pas la possibilité d'accès à un habitat autonome, n'y la capacité à réhabiliter ou adapter l'immeuble familial.

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Les difficultés économiques croissantes des ménages se répercutent sur l'attitude des propriétaires bailleurs des immeubles anciens, vis à vis de la conservation du patrimoine :

- Grandes difficultés à obtenir l'investissement de bailleurs privés (ou publics) dans l'amélioration de l'habitat.

- Mise en vente progressive du patrimoine locatif

- Apparition d'un nouveau marché locatif avec des immeubles sur rue achetés à bas prix puis mis en location à loyer élevé sans investissement ni entretien, à des locataires disposant de ressources réelles mais précaires et exclus du patrimoine HLM. Certains locataires s'installent pour des raisons économiques dans des conditions de sur occupation. Ce phénomène est d'ailleurs favorisé par la division illégale d'immeubles, à l'origine mono familiaux, est loués en appartements de petite taille afin d'en accroître la rentabilité. Le développement de telles situations est également propice à la création de nouveaux foyers d'insalubrité.

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3 / Des ménages fragiles touchés par l'insalubrité

La question de l'habitat indigne est difficile à traiter notamment parce que l'on regroupe sous le terme d'habitat indigne une diversité de situations. L'habitat indigne se caractérise par des situations diverses qui mêlent à la fois un type particulier de biens, une catégorie de ménages et des caractéristiques précises de dégradations qui affectent le logement. Cette présente partie portera sur les catégories de ménages touchées par ces conditions d'habitat en étudiant leurs caractéristiques économiques et sociales, les raisons de leurs replis sur le parc de logements indignes, " logements sociaux de fait ".

Les caractéristiques des ménages occupants des logements indignes

Les ménages occupants des logements insalubres ou indignes n'ont pas tous le même profil. En milieu rural, ce sont avant tout des propriétaires occupants, alors que dans les grandes agglomérations, il s'agit principalement de locataires. On constate néanmoins que ces ménages présentent des caractéristiques récurrentes et similaires.

En effet, les occupants du parc de logements indignes sont des ménages qui ont été conduits par leurs spécificités sociales et économiques à vivre dans ce parc très précaire. Une étude de la Direction Générale de l'Aménagement, du Logement et de la Nature montre en 2012 par exemple que les habitants de ce parc de logement sont des personnes isolées ou des familles qui, quelle que soit leur origine, ont des ressources très précaires. Ce sont des personnes bénéficiant de revenus sociaux, titulaires de pensions d'invalidité, de salariés pauvres, ou de personnes ayant des revenus irréguliers, voire très précaires (intérim, "petits -boulots"...). D'autres situations comme la monoparentalité, la situation administrative irrégulière ou encore la nationalité étrangère, l'analphabétisme, la "non connaissance" de la langue du pays d'accueil peuvent fragiliser ces ménages qui seront alors plus vulnérables et donc contraints de se rabattre sur le parc privé dégradé.

Des personnes étrangères ou d'origine étrangère, anciennement ou nouvellement installées peuvent rencontrer des difficultés d'intégration. Le parc de logement existant doit absorber ces nouveaux arrivants or aucune politique de logement n'est prévue pour les accueillir

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dignement. Victimes d'exclusion, ils n'ont d'autres choix que de se rabattre sur le parc de logements indignes. Les Cahiers du mal logement de la fondation Abbé Pierre font le point sur ces situations : Il peut s'agir d'étrangers primo arrivants et donc en règle général de jeunes adultes isolés en couple ou en famille, avec ou sans titre de séjour. En situation de précarité extrême à leur arrivée, et éventuellement en situation irrégulière, ces ménages sont souvent une proie facile pour les "marchands sommeils" ou se replient vers les squats. A Marseille, par exemple, c'est une importante communauté comorienne ou des ressortissants des pays d'Europe de l'Est qui sont obligés de vivre dans ces conditions d'indignité. Il peut s'agir également de migrants vieillissants, en invalidité partielle ou totale, en difficulté ou en incapacité de retrouver du travail ou encore des femmes d'origine étrangère, divorcées ou séparées, qui se retrouvent seules ou isolées avec leurs enfants.

Dans d'autres cas, il peut s'agir de jeunes ou de familles en difficulté d'insertion et/ou en difficultés sociales et familiales plus ou moins lourdes. Il s'agit de jeunes couples avec des enfants en bas âge n'ayant qu'un seul salaire, des jeunes célibataires sans travail ou avec un emploi précaire. Sans emploi ou avec des premiers emplois précaires, peu qualifiés et peu rémunérés, ils parviennent difficilement à préserver la solvabilité suffisante pour accéder à un premier logement autonome. D'autres familles précaires se caractérisent par leurs fragilités sociales et/ou économiques, ils sont très éloignés de l'emploi, subsistent grâce aux minima sociaux, accumulent les problèmes de santé (handicaps, alcoolisme, fragilité psychologique...). Ces familles cumulent souvent des histoires familiales douloureuses (ruptures brutales, violences familiales, enfants placés...) et un parcours résidentiel chaotique (expulsion, hébergement chez un tiers...). Ces ménages aux conditions de vie précaires entrent alors dans un mécanisme d'exclusion, de part leurs situations économiques et sociales difficiles mais également par leurs conditions de logement indigne.

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L'habitat indigne : un « troisième marché » du logement

L'accès à un logement indigne pour ces ménages est motivé par une situation d'urgence: à l'arrivée en France, dans une nouvelle région, à la suite d'une décohabitation forcée, en sortie de foyer d'hébergement, ils ont besoin d'avoir un toit rapidement... C'est donc en l'absence d'autre choix, parce que l'accès à d'autres parcs de logements leur est inaccessible qu'ils sont contraints de loger dans des logements indignes. Ils sont en effet victimes des blocages d'accès au parc privé classique ou au parc social.

Les exigences de solvabilité des bailleurs dans le parc privé écartent d'emblée les ménages qui ont trop de difficultés économiques ou sociales. Compte tenu du revenu médian français de 1650 euros en 2010, les loyers ne devraient pas dépasser 300-400 euros charges comprises afin d'éviter qu'ils ne soient trop élevés, ce qui dans les grandes agglomérations est très rare.

Le parc social est également peu accessible aux occupants des logements indignes et cela pour plusieurs raisons. On constate dans un premier temps qu'ils ne font pas toujours partie des populations prioritaires, soit parce que leurs revenus sont relativement élevés, soit parce qu'il s'agit d'individus isolés. Le parc HLM est en effet avant tout destiné aux familles. De plus, le parc de logements est aujourd'hui saturé, ils présentent des délais d'attente excessivement longs, en plus des critères de sélection exigeants. L'attente pour qu'un dossier de demande de logement dans le parc social aboutisse est important, certains postulants ignorent également que leur demande doit être renouvelée chaque année et voit donc leur dossier déclassé pour non renouvellement. Certains ménages peuvent également se retrouver démunis face aux démarches à effectuer pour obtenir un logement ou même pour remplir un document de demande de logement car ils ne maîtrisent pas ou mal la langue française et connaissant mal le système en place.

Les caractéristiques des ménages en dehors de leurs situations économiques et sociales peuvent également entraîner un retard dans le traitement de leurs dossiers. On voit par exemple qu'une composition familiale trop importante ou nécessitant une typologie de logement fortement demandée peut ralentir les procédures. Prenons l'exemple d'un couple avec deux enfants (une fille et un garçon), la famille doit être logée dans un T3 afin que le

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couple et les enfants disposent de leurs propres chambres. Les normes des bailleurs proscrivant que fille et garçon partagent la même chambre. Or, on constate que les logements T3 sont fortement demandés et donc quasi inaccessibles.

Enfin, pour certaines personnes, le logement social reste un produit trop coûteux, et ce, même lorsqu'il s'agit d'une habitation construite avec un prêt locatif aidé d'insertion. Le système du logement social, qui a été dessiné dans les années soixante, en vue de l'accueil de ménages stables disposant d'un emploi au moins rémunéré au Smic ne correspond plus aux évolutions économiques et sociales actuelles.

L'habitat indigne répond donc à des besoins non satisfaits par le logement social et le parc privé classique. Didier Vanoni, directeur de la rédaction de la revue « Recherche sociale » le qualifie d'ailleurs de « troisième marché ». Il s'agit pour ces ménages d'une situation de repli dans laquelle il s'installe de manière durable.

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Chapitre 2 : Les conséquences sanitaires de l'insalubrité

1 / Le risque saturnin

L'origine du plomb dans l'habitat

L'histoire du plomb remonte à des temps très anciens. Il était employé lors de l'âge du Bronze avec l'antimoine et l'arsenic. Il est d'ailleurs mentionné pour la toute première fois dans l'Exode. L'Exode, Chapitre 15 : "Tu as soufflé de ton haleine: la mer les a couverts; ils se sont enfoncés comme du plomb dans l'eau profonde".

Les Egyptiens, Grecs ou Romains savaient l'extraire ou l'utiliser. Les Romains utilisaient l'utilisaient pour adoucir le vin qu'ils fabriquaient, car l'une des caractéristiques du plomb est sa douceur au goût. Dès le Moyen Age, des renseignements existent déjà sur l'intoxication par le plomb. Il y était utilisé pour la fabrication de coupes et de vases pour boire le vin. Des traces d'intoxication au plomb ont même été retrouvées sur les squelettes de l'époque. C'est surtout lors de la Révolution Industrielle que le plomb fut largement utilisé. C'est un métal très malléable. Les alchimistes l'associaient à la planète Saturne d'où le nom de saturnisme pour l'intoxication au plomb. Sa toxicité reconnue n'a pour autant pas empêchée ses multiples usages.

Il a commencé à être interdit en Suisse dès 1914 pour la confection des tuyaux d'eau potable. Ce sera bien plus tardif dans d'autres pays. En France, par exemple, la présence de plomb n'a été reconnue comme un problème de santé publique qu'à partir des années 1960 mais son utilisation s'est perpétuée sur plusieurs années. Jusqu'à peu de temps, le saturnisme était surtout considéré comme une maladie professionnelle atteignant des ouvriers en contact avec ce métal. Le premier cas de saturnisme infantile par ingestion de peinture a été reconnu en 1891 en Australie. On y avait l'habitude de traiter le bois des vérandas au moyen de peinture à forte teneur en plomb car elles avaient la particularité de résister très bien à la chaleur. En France, jusqu'en 1949, la céruse (hydroxy carbonate de plomb) était utilisée dans la fabrication des peintures et des enduits apposés en parties

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basses des murs, sur les boiseries et dans les cages d'escalier. Les peintures utilisées comme antirouille présentent également un risque. Jusque dans les années 1980, le minium de plomb était utilisé en couche d'impression pour les éléments métalliques puis recouvert.

Aujourd'hui, même si ces peintures au plomb ne sont plus visibles, car le plus souvent recouvertes, elles peuvent se dégrader avec le temps, l'humidité ou à l'occasion de travaux. Les écailles et les poussières ainsi libérées peuvent alors être une source d'intoxication. L'ingestion d'écailles et l'inhalation de poussières, à la maison, restent les principales voies d'exposition pour l'enfant et la femme enceinte. Bien que l'utilisation de peintures au plomb soit maintenant interdite, il est encore présent dans l'habitat ancien dégradé. Le plomb était utilisé dans l'étanchéité des toitures, des gouttières ou chéneaux et autour des châssis de fenêtres.

La couleur verte des peintures écaillées induit généralement la présence de plomb
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

Le plomb peut également être présent dans les canalisations d'adduction d'eau potable. Celui-ci pourra alors être solubilisé par l'eau de distribution en fonction de ses caractéristiques. Dans le département des Bouches-du-Rhône par exemple, entre 50 et 75% de la population est alimentée par une eau ayant un potentiel de dissolution du plomb élevé

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ou très élevé. Grâce à l'évolution de la réglementation et des pratiques professionnelles, le plomb a cessé d'être employé dans les années 1950 pour les réseaux intérieurs de distribution. En revanche, le plomb a été utilisé pour les branchements publics jusque dans les années 1960. Le plomb d'origine hydrique a un impact sur la plombémie moyenne de la population mais est rarement la cause principale d'une plombémie élevée. Les sols situés à proximité d'un site pollué peuvent également être contaminés et donc intoxicants.

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De l'imprégnation à l'intoxication

De manière générale, on parle d'imprégnation au plomb lorsque le résultat de la plombémie se situe entre 30 et 100ug/L et d'intoxication au plomb à partir de 100ug/L. L'intoxication au plomb peut être aigue en cas d'ingestion massive. Cependant, la majorité des cas de saturnisme, surtout chez les enfants, est due à une intoxication chronique. Les effets du plomb peuvent être réversibles (anémie, troubles digestifs) ou irréversibles (neurotoxicité). Ils se déterminent en fonction de l'âge, de la population touchée, et de l'importance de l'intoxication, mais on considère qu'ils apparaissent sans seuil.

Dans la loi, le seuil est fixé à 100ug/L, mais sur le territoire de Lille Métropole Communauté Urbaine et plus particulièrement à Roubaix, la maladie est avérée à partir de 70ug/L et une prise en charge est mise en place dès 50ug/L. En cas de suspicion, des plombémies sont régulièrement demandées aux médecins de famille par les Inspecteurs de Salubrité du Service Communal d'Hygiène et de Santé de la Ville de Roubaix.

Ce sont généralement les enfants de moins de six ans qui sont les plus vulnérables et cela pour plusieurs raisons : Ils ont généralement tendance à porter à la bouche leurs mains sales ou leurs jouets, ce qui permet l'ingestion d'écailles ou de poussière de plomb. Ce comportement est d'autant plus présent chez les enfants que le plomb a la particularité d'avoir un " bon goût » semblable à celui d'une friandise.

Chez les femmes enceintes, on constate que le plomb a la capacité de franchir la barrière placentaire: il est donc foetotoxique. Si la femme enceinte a été, ou est encore, exposée au plomb, elle expose également son enfant. Certaines études montrent alors des risques élevés de retard de croissance intra-utérin, d'accouchement prématuré et d'avortement. Un retard cognitif peut également être perceptible dès la petite enfance, celui-ci subsiste par la suite. L'intoxication au plomb a des effets sur le système nerveux central. En effet, les molécules de plomb se fixent sur les synapses, qui sont les connexions entre neurones. Elles freinent ainsi le flux électrique de l'influx nerveux. Cette intoxication provoque un retard de développement psychomoteur et intellectuel ainsi qu'un déficit des fonctions cognitives. Il existe une corrélation inverse, sans seuil, entre la plombémie et le QI. Une élévation de 100ug/L de la plombémie entraîne une baisse de 1 à 5 points de quotient intellectuel. Les

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troubles mentaux induits par le plomb sont durables. En effet, les individus intoxiqués pendant leur petite enfance conservent un déficit cognitif tout au long de leur vie. A partir d'une plombémie supérieure à 100ug/L, des atteintes rénales ont été mises en évidence. En cas d'exposition prolongée à un niveau correspondant à une plombémie supérieure à 600ug/L, une insuffisance rénale chronique est possible. Le plomb, de par son action inhibitrice sur la synthèse de l'hémoglobine, entraîne également une diminution du taux d'hémoglobine. Le saturnisme peut donc être associé à une anémie, décelable pour des niveaux d'exposition supérieurs à 400ug/L.

Les signes d'une intoxication au plomb sont cependant peu spécifiques et difficilement repérables, insidieux, inconstants et banaux tel que des signes de pâleur et de fatigue liés à l'anémie, des troubles du comportement, des troubles du sommeil, des difficultés d'apprentissage, un mauvais développement psychomoteur et des troubles digestifs. Il est difficile d'établir un lien entre l'apparition de ces symptômes et l'intoxication au plomb.

Dans la majorité des cas, parce que le taux de plomb dans l'organisme est relativement faible, aucun traitement médical n'est indiqué. Mais il est fondamental de stopper l'exposition au plomb. Il s'agit surtout de déceler les sources de l'exposition et de stopper alors l'intoxication en rendant le plomb inaccessible et en appliquant les pratiques quotidiennes hygiéno-diététiques recommandées par les Inspecteur de Salubrité lors des visites de logement (se laver régulièrement les mains, surveiller l'état des peintures, laver fréquemment les jouets des enfants, leur couper les ongles courts...). Le traitement par chélation doit être discuté, il vise à limiter les complications graves, restaurer les fonctions enzymatiques et éviter le stockage osseux. Ce traitement n'est cependant pas anodin et est rarement prescrit. C'est en effet un traitement très lourd qui peut se prendre de manière orale dans les intoxications moyennes ou par perfusion dans les cas les plus graves.

La littérature met bien en évidence la difficulté de faire prendre conscience aux familles l'importance de ce risque. L'ouvrage "l'Inhabitable"de Joy Sorman et de Eric Lapierre par le truchement de témoignages dresse un tableau saisissant de l'habitat indigne parisien. Le risque saturnin y est alors bien retranscrit. Le témoignage d'une infirmière de la SIEMP (Société Immobilière d'Economie Mixte de la ville de Paris) met en évidence la difficulté d'informer les familles sur ce risque surtout lorsque celles-ci sont d'origine étrangère malgré la présence d'une traductrice: " Ce matin, Annie est accompagnée d'une traductrice chinoise.

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Elle veut convaincre les parents des dangers du saturnisme. Il y a des cachets à prendre pour casser le plomb dans le sang, cela peut se résorber avec le temps mais le seul traitement efficace c'est de sortir l'enfant du lieu affirme-t-elle. Les parents sont sceptiques, parce que les symptômes restent indétectables. Retards de développement et effets neurologiques sévères ne sont constatés qu'à forte dose. Si on consulte la littérature médicale sur le sujet on apprend que le saturnisme est une drôle de maladie qui provoque tout et son contraire: constipation ou diarrhée, agitation ou apathie. Maladie quasi invisible, l'invisibilité est toujours le revers de l'insalubrité."

Cette invisibilité ou encore les multiples symptômes la rendent difficilement détectables ou compréhensibles pour les familles.

" La veille, Annie est intervenue dans un immeuble insalubre du quartier de la Goutte d'Or, habité par des familles africaines: là-bas aussi y'a du plomb dans les peintures et le problème, c'est que les enfants vivent par terre, mangent par terre sur des nattes, comme ils avaient l'habitude de le faire dans leur pays avant de venir en France. Alors forcément ils s'en mettent plein la bouche de cette poussière. Et puis les mères n'arrêtent pas de balayer, ça soulève encore plus de poussière. J'essaye de les convertir à la serpillière mouillée, mais y'a rien à faire, elles veulent rien entendre!"

Cet autre témoignage montre la difficulté de lutter contre ce risque car il nécessite souvent un changement des modes de vie des ménages parfois même de leurs coutumes, qu'ils ne sont pas toujours prêt à effectuer, et cela parce qu'ils ne prennent pas conscience de l'ampleur du risque.

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L'amiante, un matériau à risque

Même s'il est moins présent sur la commune de Roubaix, essentiellement touchée par le risque saturnin sur un habitat dégradé datant d'avant 1948, l'amiante représente également un matériau à risque, utilisé essentiellement dans la construction des grands ensembles entre 1950 et 1980.

Dans la commune de Vieux Condé par exemple, cité Solitude Hermitage, l'immeuble de logements collectifs construit en 1954 et plus couramment appelé le "building" par ses habitants a été détruit l'année dernière et ses familles relogées dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine à cause notamment d'une présence trop importante d'amiante dans le bâtiment. C'est lors de mon précédent stage pour un bureau d'études que j'ai pu intervenir auprès de ces familles.

Le "Building", cité Solitude Hermitage, Vieux Condé

Mémoire Master 1 : " La place du social dans les projets de rénovation urbaine "
Emeline TASSAN

L'amiante est un problème sanitaire bien présent dans nos sociétés. Il s'agit d'une roche fibreuse longtemps utilisée dans de nombreux domaines de la construction pour ses propriétés: solidité, résistance aux hautes températures, aux bactéries et à la plupart des agents chimiques, isolation thermique et phonique. Lors de travaux ou avec le temps et

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d'éventuelles dégradations, de chocs, de vibrations, des fibres microscopiques se libèrent et sont néfastes pour la santé des occupants des logements.

Les études et les travaux scientifiques ont établi que l'inhalation de fibres d'amiante présente un risque pour la santé des occupants. Elle peut provoquer des difficultés ou des insuffisances respiratoires. Elle peut induire également un risque de cancer du poumon, de la plèvre et du péritoine. Aujourd'hui, son utilisation est interdite et depuis le 31 décembre 1999, la réglementation oblige tous les bâtiments collectifs à avoir fait l'objet d'un diagnostic de la présence d'amiante. Les propriétaires de ces bâtiments ont l'obligation de repérer les situations d'usures anormale de l'ensemble des matériaux contenant de l'amiante en tenant le "carnet de santé amiante" du bâtiment qui doit être à la disposition des occupants de l'immeuble, des services de santé et le communiquer à toute personne effectuant des travaux dans l'immeuble.

Si les matériaux contiennent de l'amiante mais ne sont pas dégradés, il faut procéder tous les trois ans à un contrôle de leur état de conservation. Si les matériaux sont en revanche dégradés, des analyses d'air sont alors effectuées, des travaux appropriés doivent être alors engagés. Il existe donc deux types de travaux pour remédier au risque amiante: encapsulage (revêtement, imprégnation ou encoffrement) et retrait. Des contrôles doivent être par la suite régulièrement effectués.

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2 / L'humidité

Citation extrait de"l'Inhabitable" de Joy Sorman et Eric Lapierre: " La famille Sun a déserté Canton pour rallier Paris en 2005 avec ses deux enfants. Elle loge au rez-de-chaussée dans 3 petites pièces en enfilade séparées les unes des autres par des cloisons contreplaqués et placoplâtre. Les murs sont pelés, colonisés par les moisissures. J'accompagne Annie, l'infirmière de la SIEMP, qui s'occupe des enfants. Ils souffrent du froid continuel et de l'humidité. Ce matin nombre d'entre eux reniflent et toussent, paupières brûlantes et gonflées par le pus. Un garçon de 5 ou 6 ans est couché au fond de la pièce, il respire bruyamment, est pris de convulsions: Annie diagnostique une crise d'asthme. Elle passe en revue tous les gamins, comme un gradé ses réservistes, relève en quelques minutes des problèmes respiratoires et dermatologiques provoqués par les moisissures, consulte les carnets de santé pour vérifier que les vaccins sont à jour. Ils sont toujours malades ces gosses, toute l'année, affirme-t-elle".

Un problème récurrent touchant les ménages français

Le logement fait l'objet d'une enquête de l'INSEE tous les 4 à 5 ans en France. Cette enquête a montré qu'en 2006, 20% des ménages de France métropolitaine signalaient des signes d'humidité dans leur logement. Ce défaut, en recul de quatre points par rapport à 2002, demeurait le plus observé dans les logements. La prévalence des problèmes d'humidité dans l'habitat s'explique avant tout par l'époque de la construction et l'état des façades et des vitres qui multiplient par six le risque par rapport aux logements récents et en bon état. Près d'un tiers des logements construits avant 1948, et près de la moitié de ceux dont la façade est en mauvais état, présentaient des signes d'humidité selon l'enquête réalisée par l'INSEE en 2006.

De tous les facteurs, la période de construction est le plus pénalisant. La proportion de logements humides est croissante avec l'âge du bâti. Ces logements ont en règle générale une mauvaise isolation de la toiture ou de la façade. Le risque est également plus élevé pour les logements mal chauffés (équipements absents ou défectueux) et ceux utilisant un système de chauffage supplémentaire ainsi que les logements mal ventilés.

Le surpeuplement dans le logement est aussi une cause d'humidité. Un logement fortement surpeuplé augmente le phénomène de condensation par une production accrue de vapeur

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d'eau liée à la respiration des occupants et à l'utilisation accrue d'eau chaude sanitaire qui dégage de la vapeur d'eau dans l'atmosphère. L'inadéquation entre la production de vapeur d'eau dans le logement et son évacuation vers l'extérieur (peu d'ouverture vers l'extérieur, absence de fenêtres, absence ou mauvaise ventilation du logement) entraîne une humidité importante. Celle-ci peut également être favorisée par des modes de vie spécifiques (les familles d'origine africaines cuisinent par exemple essentiellement à la vapeur et n'ont pas toujours de hotte). Ainsi, on constate qu'en 2006, moins d'un cinquième des logements sous-occupés étaient humides contre plus d'un tiers des logements surpeuplés.

Outre la taille du ménage et son adéquation avec la taille du logement, l'humidité dépend aussi de la présence plus ou moins longue des occupants dans les lieux. Les ménages composés de personnes inactives, donc plus présentes dans leur logement au quotidien, souffrent moins de l'humidité que les ménages actifs dont le logement est chauffé moins constamment. L'enquête montre également que les propriétaires occupants souffrent en moyenne deux fois moins de l'humidité que les locataires. Les propriétaires occupants font en effet plus facilement de travaux dans leurs logements que les propriétaires bailleurs puisqu'ils en jouiront directement.

L'humidité dans les logements est donc le défaut principal de l'habitat dégradé. Les professionnels de la santé s'accordent à dire que l'humidité excessive au sein de l'habitat a un impact direct et indirect sur la santé de ses occupants: direct par les pathologies respiratoires et indirectes par l'apparition d'autres désordres dans le logement tels que les moisissures, les acariens et autres nuisibles néfastes pour la santé des occupants.

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L'humidité à l'origine de désordres dans le logement

Un taux d'humidité trop élevé dans le logement va provoquer plusieurs désordres au sein de celui-ci. Au premier rang de ces désordres se trouvent le développement de cryptogamiques qui peuvent prendre la forme de moisissures, de champignons simples ou de champignons plus complexes et élaborés. On constate que les moisissures se développent essentiellement dans les milieux mal ventilés, manquant de luminosité et humides. On les retrouve sur les murs et les plafonds notamment au niveau des angles, moins bien ventilés, ou des ponts thermiques (zones moins bien isolées donc plus froides et plus sujettes à condensation). Il existe plusieurs types de moisissures, parmi les plus répandues se trouvent les moisissures toxinogènes qui peuvent provoquer des allergies ou des problèmes respiratoires et les moisissures infectieuses qui peuvent provoquer des affections cutanées. Les moisissures vont également produire des substances toxiques qui sont des polluants atmosphériques ayant des conséquences sur la santé, notamment allergiques.

Moisissures qui se développent au niveau des angles

http://www.lamy-expertise.fr

Des champignons plus élaborés peuvent également apparaître dans le logement. On constate qu'une quarantaine de champignons peuvent infester les bois d'une habitation. Ils peuvent causer des dégâts importants notamment dans les charpentes et les planchers. Ils se développent de manière générale derrière les plinthes et sous les revêtements. Il convient

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d'identifier le champignon infestant une habitation afin de prendre les mesures efficaces pour l'éradiquer.

Plus l'humidité dans l'habitat sera importante et plus le champignon en développement sera allergène :

- Ce sont d'abord les " aspergillus " qui vont développer. On les reconnaît par leur couleur vert foncé.

- Vient ensuite, le " pénicillium ", de couleur verte. -Le " cladosporium ", de couleur noire verdâtre - Et enfin, le " phoma ", de couleur noire.

Classification des champignons
www.anah.fr

Dans les cas les plus graves, l'humidité au sein du logement, pourra favoriser l'apparition de mérules. Les mérules sont les champignons les plus dangereux, car ils ont moins besoins d'eau que les autres pour subsister. En effet, la " mérule pleureuse " fabrique l'humidité dont elle a besoin en captant dans l'atmosphère la vapeur d'eau et en créant, à l'extrémité

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de ses filaments de mycélium, l'humidité nécessaire à leur développement sous forme de gouttes d'eau. Par le biais de ces filaments de mycélium, les mérules sont capables de transporter l'eau au travers des murs ce qui leur permet de se développer de façon très rapide et importante. On a par exemple pu observer le développement de mérule sur trois étages en deux ans en partant de l'infestation d'un élément de chien-assis.

La présence de certains acariens ou de certaines variétés de blattes pourront également être favorisée par la présence d'humidité. Les blattes possèdent sur leurs pattes des poils qui sont de véritables éléments allergènes et peuvent favoriser l'asthme chez les plus jeunes.

Les conséquences sanitaires de l'humidité

Un habitat humide peut très rapidement constituer un risque grave pour la santé des personnes sensibles en favorisant des pathologies respiratoires et des problèmes dermatologiques. Les problèmes de santé liés à cet habitat dégradé sont multiples puisqu'on y retrouve notamment les allergies, l'asthme, les rhinites, les bronchites, les conjonctivites, des problèmes dermatologiques, des sifflements ou un encombrement des poumons ou d'autres symptômes ORL ou de type rhumatisme.

Campagne Fondation Abbé Pierre sur le logement indigne

www.fondation-abbe-pierre.fr

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Prenons quelques exemples:

La rhinite peut être allergique ou chronique et développe des congestions nasales, des problèmes d'irritation et de toux. Contrairement à une idée reçue, la rhinite allergique n'est pas seulement une gêne occasionnée par les pollens. D'autres allergènes (acariens, moisissures, blattes...) peuvent en être aussi à l'origine. Dans ce cas, la rhinite, est provoquée par une très mauvaise isolation de l'habitat, un taux d'humidité constant et élevé et la présence trop importante d'acariens ou d'animaux.

L'asthme est une maladie relative à des problèmes respiratoires. Cette maladie est souvent aggravée par le manque d'entretien du logement (présence importante d'acariens, poussières...). L'asthme est aujourd'hui un problème mondial, et le nombre de personnes atteintes est en constante augmentation. D'après un rapport de l'OMS, c'est la maladie chronique la plus fréquente chez l'enfant. Dans le monde, 300 millions d'individus sont actuellement touchés par cette maladie, et ce chiffre pourrait atteindre 400 millions en 2025. C'est une maladie qui touche davantage les couches défavorisées de la population avec des manifestations cliniques souvent graves chez ces patients en raison d'un environnement propice au développement de la maladie et au manque de prise en charge suffisant.

On constate une certaine corrélation entre ces deux pathologies puisque 20% des personnes souffrant de rhinite allergique font également de l'asthme et 80% des asthmatiques ont aussi une rhinite. Depuis plusieurs années, la compréhension du phénomène asthmatique a évoluée et les traitements disponibles ont beaucoup progressés. Malgré tout, 50% des patients ne suivent pas correctement le traitement prescrit. Il faut donc prendre en compte les aspects culturels, sociaux, psychologiques et économiques de la maladie si l'on veut approcher au plus près les réalités des personnes et optimiser l'ensemble de la prise en charge de la maladie allergique en modifiant les comportements des individus.

Depuis une vingtaine d'année, le lien entre la charge en allergènes et en polluants domestiques de l'habitat et l'asthme ou la rhinite a été démontré. Cependant,une problématique existe toujours. La question est de savoir si l'habitat insalubre est à l'origine de la maladie. Il est en effet établi qu'un habitat insalubre aggrave les problèmes de santé et

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notamment l'asthme chez les enfants. Mais il est beaucoup plus délicat de montrer que cet habitat est uniquement responsable de la maladie. L'habitat est d'ailleurs rarement reconnu comme l'élément déclencheur d'une maladie sauf dans les cas de saturnisme, affection liée au plomb que nous avons traité précédemment.

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3 / Autres désordres dans l'habitat néfastes à la santé des habitants

L'habitat indigne peut avoir d'autres conséquences néfastes pour la santé des occupants. Ces conséquences sont généralement liées à l'insuffisance ou encore à la vétusté des équipements.

Le monoxyde de carbone

- Les désordres dans l'habitat à l'origine du risque

Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz incolore et inodore, de densité voisine à celle de l'air. Il se diffuse ainsi très rapidement dans l'atmosphère intérieure. Ses caractéristiques le rendent impossible à détecter, c'est ce qui en fait sa dangerosité. Il résulte de la combustion incomplète de matériaux comportant du carbone (bois, butane, essence, fioul, gaz naturel, pétrole, propane).

Les sources dans un logement peuvent être multiples. Une mauvaise aération du logement et/ou un conduit d'évacuation des produits de combustion mal entretenu aggravent le risque d'intoxication au monoxyde de carbone puisque l'absence d'apport d'oxygène ne permettra pas une bonne combustion et les gaz brûlés ne seront pas évacués. Sa présence à l'intérieur des locaux peut résulter d'une vétusté ou d'un manque d'entretien de certains équipements :

- Une mauvaise évacuation des gaz brûlés due à l'obturation des conduits de fumée

- L'utilisation de chauffe-eau non raccordé à un conduit d'évacuation des gaz-brûlés

- L'utilisation d'appareils (poêles, chaudières...) mal entretenus ou vétustes

- Un manque d'aération du fait de l'obturation des grilles d'aération par une réhabilitation (acoustique ou thermique) ayant étanchéifié des façades.

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Chaudière défectueuse

Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

Certaines conditions météorologiques : redoux, brouillard ou ciel bas, peuvent également accentuer les risques d'intoxication, du fait d'une mauvaise dispersion des gaz brûlés dans l'atmosphère.

- Le monoxyde de carbone : ses effets sur la santé

Le monoxyde de carbone reste en France la première cause de mort toxique accidentelle. On dénombre environ 6000 hospitalisations par an dues à une intoxication au monoxyde de carbone et entre 100 et 300 décès annuels selon l'INSERM. Cette intoxication affecte souvent un individu isolé ou une famille vivant sous le même toit. Sa nocivité résulte du fait que ce gaz est incolore, inodore et insipide et de densité voisine à celle de l'air. Ainsi, sa présence passe totalement inaperçue et sa composition lui permet d'être propagé rapidement dans l'environnement. Il est ainsi également rapidement absorbé par l'organisme.

Absorbé par les poumons lors de la respiration, il passe rapidement la barrière alvéolo-capillaire. Une fois dissous, il se fixe sur l'hémoglobine en quelques minutes à peine pour former une molécule stable : la carboxyhémoglobine. Le manque

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d'oxygène qui en résulte pour l'organisme provoque des intoxications plus ou moins graves (parfois mortelles) selon la concentration du CO dans l'air ambiant, la durée d'exposition et le volume respiré. La toxicité du CO est plus grande notamment chez les personnes âgées, les femmes enceintes et leurs foetus (troubles du développement, retards de croissance, mort in utero) ou encore chez les enfants qui ont une respiration plus rapide et donc un taux de carboxyhémoglobine plus vite élevé. Il existe deux types d'intoxication au monoxyde de carbone :

- L'intoxication aigue peut entraîner un décès rapide. Elle est due à une exposition à de fortes doses de CO sur un laps de temps assez court. Elle est suspectée dès que la proportion en carboxyhémoglobine est supérieure à 15%. Elle se manifeste au début par une atteinte nerveuse et par une sensation de malaise général. Puis, la personne intoxiquée va souffrir de céphalées, de vertiges, de bourdonnements d'oreille, de troubles de la vision et de l'audition. Survient ensuite une impotence musculaire des membres inférieurs. Si l'intoxication se prolonge, l'intoxiqué perd connaissance et tombe dans le coma. L'issue sera fatale en cas de non prise en charge immédiate. Si la personne est secourue, des lésions graves et irréversibles peuvent cependant être causées sur les tissus nerveux et cardiaques.

- L'intoxication chronique, parfois appelée intoxication à long terme, est induite par de faibles concentrations de CO sur des périodes de temps répétées. Cette forme d'intoxication est signalée par la persistance d'un taux de carboxyhémoglobine supérieur aux taux habituels (généralement compris entre 2 et 15%). Les symptômes de cette intoxication sont particuliers. Les troubles entraînés ne sont en effet pas spécifiques et peuvent aussi être considérés comme les séquelles d'une intoxication aigue. Dans une majorité des cas, l'intoxication chronique est caractérisée par une asthénie, des céphalées et des vertiges, auxquelles s'associent parfois des troubles digestifs, des palpitations et de l'angoisse. Le CO a une action sur le système nerveux central. Ainsi, des modifications psychomotrices ou même sensorielles peuvent également apparaître, ainsi que des modifications de l'acuité visuelle.

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Des équipements absents ou défectueux fragilisant la santé des occupants

L'absence d'équipement ou leur vétusté peuvent avoir un impact important sur la santé des occupants d'un logement. Cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit d'équipements nécessaires au confort et à la dignité de chacun. Les répercussions peuvent concerner l'hygiène des individus en cas d'absence d'équipement sanitaire. Elles peuvent également être infectieuses lors d'un manque d'entretien de ceux-ci. Des problèmes de nutrition peuvent également être posés en cas d'absence ou d'équipements défectueux de la cuisine.

- Des équipements sanitaires insuffisants ou défectueux

Il n'est pas rare de constater dans certains logements l'absence d'équipement sanitaire (douche, bain, WC, évier...) privant ainsi les occupants de leurs droits essentiels. Ces équipements peuvent toutefois être présents mais ne pas être reliés à un point d'eau ou être défectueux. Cette absence ou ce mauvais état des sanitaires entraînent des problèmes d'hygiène au sein des logements (mauvaise appropriation de celui-ci) mais également un défaut d'hygiène des occupants eux-mêmes mettant donc en péril leur santé. De petites toilettes quotidiennes en fonction des points d'eau dont ils disposent permettront aux occupants des logements de maintenir leur hygiène corporelle mais dans les cas les plus durables, un véritable découragement peut laisser place à un laisser-aller visible (odeurs, cafards dans les cheveux, mains et ongles sales...). " Il serait bien que mon propriétaire installe une douche, ça fait 15 ans que je n'en ai pas prise" témoigne un Roubaisien lors d'une visite de son logement par un Inspecteur de Salubrité de la commune.

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Equipements sanitaires défectueux: défaut d'hygiène et d'entretien
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

WC obstrué par des déjections humaines et animales
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

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Roubaix possède un patrimoine important de maisons de courées suite à son passé industriel, il n'est donc pas rare de voir des toilettes ou des douches à l'extérieur du logement. Ces équipements peuvent également être communs à plusieurs familles. Des désordres sont alors régulièrement constatés puisque les occupants des logements ne peuvent pas les utiliser à leurs aises. De plus, l'entretien et l'hygiène de ces locaux sont souvent négligés.

WC externe au logement (courée)

Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

Ces situations entraînent également une prolifération de bactéries, virus et autres parasites pouvant avoir des conséquences importantes sur la santé des résidents des logements.

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- La légionellose

La légionellose a été identifiée pour la première fois en 1977. Elle a provoqué une flambée de pneumopathies graves dans le centre des Etats-Unis. La légionellose est une forme de pneumopathie grave et parfois mortelle. Elle est provoquée par une bactérie appelée Legionella pneumophila, et parfois par d'autres espèces de légionnelles. Cette bactérie vit naturellement dans l'environnement et prolifère dans les eaux tièdes et les milieux humides. La quantité de légionnelles nécessaire pour provoquer une infection est encore inconnue, mais la dose pourrait être faible pour des personnes sensibles notamment des enfants et des personnes âgées.

L'Organisation Mondiale de la Santé recense des cas d'infection après exposition de quelques minutes seulement à la source et d'autres situés jusqu'à 3.2 kilomètres de la source. La contamination d'un individu se fait en respirant de microscopiques gouttelettes d'eau chaude contaminées (en prenant une douche par exemple). Elle provoque ainsi des symptômes comparables à un état grippal: forte fièvre, maux de têtes, douleurs musculaires... L'entretien des robinetteries, des canalisations et des ballons de production d'eau chaude s'avèrent nécessaires afin de limiter la propagation de cette bactérie. Cette pathologie reste toutefois rare et fait l'objet d'une information spécifique auprès des habitants.

- Des problèmes de nutrition liés à l'habitat indigne

Moins visibles mais pourtant existants, l'habitat indigne peut également être à l'origine de nombreux problèmes alimentaires. L'absence de cuisine ou encore d'équipements nécessaire à la conservation des aliments et la confection des repas entraînent des problèmes de nutrition chez les occupants de ces logements souvent contraints de manger des repas rapides et froids ( sandwichs, boites de conserve froides...). Ces repas bien souvent déséquilibrés, peuvent entraîner des carences alimentaires, car ils ne répondent pas aux besoins nutritionnels de l'homme, mais peuvent également entraîner le développement d'autres pathologies comme l'obésité, le diabète... Il n'est également pas rare de voir de nombreuses cuisines

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encombrées par des déchets alimentaires et autres immondices. Cet état du logement résulte bien souvent d'une mauvaise appropriation par le locataire ne permettant pas une bonne hygiène de vie et une bonne conservation des aliments. Cela peut également aggraver la santé des habitants des logements.

Absence de points d'eau dans le logement

Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

Mauvaise appropriation du logement et déchets alimentaires
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

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Absence de cuisine: des repas froids et non équilibrés quotidiens
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

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Des facteurs aggravants l'équilibre psychique des occupants d'un logement

Il a été clairement mis en évidence que les conditions de logements participent pleinement au cadre de vie des ménages et contribuent à leur bien-être. Chaque individu y passe une grande partie de son temps, cela est encore plus vrai dans des situations de précarité où les occupants sont généralement inactifs (chômage, maladie...), ils n'ont donc d'autres choix que de rester à leur domicile. Ainsi, il est important de se sentir bien chez soi, à son aise. Le logement doit donc remplir de multiples critères pour répondre à ces besoins.

- Les conditions d'occupation d'un logement

Le besoin d'espace et d'intimité de chacun au sein même du logement est primordial afin d'éviter tout inconfort ou répercussions psychiques sur les occupants (fatigue, stress...). Les notions de sur occupation ou de surpeuplement sont donc des critères participant à l'insalubrité et contribuant au mal-être des occupants des logements.

- Le sur occupation d'un logement se mesure par l'inadéquation entre la taille du ménage et la surface du logement. En 2010, ce taux diminue légèrement en France métropolitaine. Il touche 3.1% des résidences principales du parc contre 3.3% en 2009. On constate cependant que ce phénomène touche davantage le parc locatif privé (5.6%) que les autres segments du parc (parc privé avec propriétaire occupant ou parc social).Il existe des degrés pour qualifier la gravité de cette insalubrité. On parlera de sur occupation modérée à 8 m2 par personne, de sur occupation accentuée à 5.5m2 par personne et de sur occupation très accentuée à 3.5m2 par personne.

La réglementation sanitaire prévoit 15m2 nécessaires pour un couple et 9m2 par personne supplémentaire.

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Campagne de la Fondation Abbé Pierre contre la sur occupation
Fondation Abbé Pierre

- Le surpeuplement est une notion relativement proche de la sur occupation. Elle mesure l'inadéquation entre la composition du ménage et le nombre de pièce du logement. Ce taux en 2010 est également en recul. Il affecte 15.1% des logements contre 15.3% en 2009. Celui-ci concerne essentiellement le parc locatif privé.

- Par manque de moyen, des ménages peuvent également être contraints de vivre dans des locaux inhabitables par nature. Ils peuvent alors être logés dans des caves, des sous-sol, des combles, des greniers non aménagés, des garages, des cabanons ou locaux sans fenêtre...

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Campagne de lutte contre les logements indécents à Hong Kong

Photographe Michael Wolf pour "Society for Community Organization"

Sur occupation, surpeuplement ou encore des locaux impropres à l'habitation sont des critères d'insalubrité. Ces situations en fonction de leur intensité ont alors un impact sur la santé du bâti et son état de dégradation mais également sur la santé physique et mentale des occupants.

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- L'impact sanitaire des conditions de logements indignes

Un nombre trop important d'occupants risque d'entraîner un encombrement des pièces dû à l'accumulation d'objets divers, de meubles, de linges liés à la présence de ceux-ci. Cet encombrement pourra alors fortement perturber la vie quotidienne des habitants qui manqueront d'espace et d'intimité.

Un taux d'humidité trop élevé sera également lié à une population trop nombreuse. Un logement fortement surpeuplé augmente le phénomène de condensation par une production accrue de vapeur d'eau liée à la respiration des occupants. L'inadéquation entre la production de vapeur d'eau dans le logement et son évacuation vers l'extérieur (manque d'espace, peu d'ouverture vers l'extérieur, absence de fenêtres, absence ou mauvaise ventilation du logement) entraîne une humidité importante.

Sur occupation, surpeuplement peuvent également dégrader l'état de santé psychique des occupants du logement. Ils sont souvent à l'origine d'une fatigue et d'un surmenage important. Le bruit, les mouvements, le manque d'intimité et d'isolement fatiguent les individus qui vivent les uns sur les autres et qui parfois sont même contraints de dormir nombreux dans un même lit. Des troubles du sommeil peuvent donc apparaître. Ces conditions de vie auront un impact beaucoup plus important sur des sujets fragiles tels que les enfants et les personnes âgées. Les enfants pourront alors présenter un certain retard scolaire de part la fatigue mais également par l'impossibilité de réaliser leurs devoirs chez eux dans un environnement calme et approprié. Ces enfants seront également plus enclins à développer des troubles du comportement dues à leurs conditions de vie.

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Un retard scolaire engendré par les conditions de logements

Photographe Michael Wolf pour "Society for Community Organization"

- Dimension légale et réglementaire

D'un point de vue légal et réglementaire, ces conditions indignes d'occupation d'un logement ( surpeuplement ou locaux impropres à l'habitation) tombent sous le coup des articles du Code de la santé publique L1331-23 pour la sur occupation du fait du propriétaire et L1331-22 pour les locaux impropres par nature à l'habitation. Ils sont sous la responsabilité du préfet.

Pour les locaux impropres à l'habitation, il est clairement indiqué que : « Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature

impropre à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation ».

Dans ce cas précis, et sans aucune procédure particulière, le préfet peut donc mettre en demeure la personne qui a mis à disposition de tels locaux, de faire cesser cette situation

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dans le délai qu'il fixe. Cette mise en demeure est réalisée par arrêté et peut-être assortie de sanctions pénales.

Dans le cas de la sur occupation d'un logement du fait du bailleur, c'est l'article L 1331-23 du Code de Santé publique qui s'applique et c'est la responsabilité du préfet qui est engagée. Ces locaux ne peuvent également pas à avoir vocation à être habités en sur occupation à titre gratuit ou onéreux. Le propriétaire encoure des sanctions pénales et doit dans les délais prescrits reloger ses locataires dans un logement adapté à la composition familiale. Contrairement aux locaux impropres à l'habitation, il est toutefois difficile de prouver que la sur occupation due au propriétaire. Les propriétaires se défendent, avançant que le surpeuplement est du fait des locataires, et qu'ils n'étaient pas au courant de cette situation. Il est donc difficile d'entamer des poursuites légales et une procédure administrative pour des cas de sur occupation. Ce sont souvent d'autres critères d'insalubrité (risque saturnin...) qui permettent d'engager une procédure de police administrative contre le propriétaire.

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- Les nuisances sonores

Le bruit est un phénomène physique constitué par la propagation d'ondes mécaniques dans l'air ainsi que dans tout matériau élastique et conducteur de vibrations. Il est ressenti par l'homme essentiellement grâce à son sens de l'audition.

Le terme de "bruit" induit une dimension péjorative à ce phénomène. Il caractérise généralement un son, un ensemble de sons ou une situation sonore dont la sensation est désagréable, fatigante, stressante, voire dangereuse pour la santé des personnes qui y sont exposées. Le bruit sera alors caractérisé par trois paramètres physiques qui constituent des critères de nuisances sonores et qui pourront alors chacun perturber le quotidien des occupants d'un logement :

- La pression sonore qui décrit l'intensité du bruit ressenti

- La fréquence qui décrit le caractère grave, medium ou aigu des sons - La durée qui correspond au temps pendant lequel est perçu le bruit

Les nuisances sonores peuvent perturber la qualité de vie des occupants d'un logement, cela est particulièrement vrai pour les immeubles construits avant 1970 et pour lesquels il n'y avait aucune obligation d'isolation acoustique. On constate tout de même que, quelle que soit la date de construction de l'immeuble et donc de le niveau de ses performances acoustiques, les bruits de voisinage peuvent déranger l'occupant d'un logement. Les Inspecteurs de Salubrité de la commune de Roubaix ont donc pour mission d'identifier la cause des plaintes afin d'orienter au mieux les plaignants :

-Il peut s'agir de nuisances sonores provenant du comportement des occupants ou de bruits domestiques (nuisance estimée et non mesurée)

-De bruits provenant d'activités professionnelles artisanales, commerciales, agricoles, sportives, de loisirs, et culturelles non classées (nuisance mesurée)

- De bruits émis par des établissements diffusant de la musique amplifiée pour lesquels les exploitants des établissements doivent faire réaliser une étude d'impact acoustique, dont les résultats doivent être conformes à la réglementation en vigueur (nuisance mesurée)

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- De nuisances sonores provenant d'un chantier (nuisances estimées en fonction des conditions de réalisation des travaux)

Des conséquences sur la santé physique vont tout d'abord être déplorées si l'exposition au bruit se fait à des niveaux sonores élevés et/ ou, si la durée d'exploitation est importante. Le bruit, en fonction des trois critères de nuisance, peut en effet provoquer un traumatisme sonore entraînant ainsi une atteinte d'un ou plusieurs éléments de l'organe de l'audition. Une exposition sonore chronique peut également entraîner diverses pathologies comme la réduction du champ visuel, des céphalées, des troubles musculaires, des troubles du rythme cardiaque, une hypertension artérielle et des troubles digestifs.

Mais le bruit a également des conséquences sur la santé psychique de tout individu. Il est en effet considéré comme une gêne auditive perturbante dans un environnement habituellement calme, comme doit l'être un logement. Le logement est conçu pour protéger des agressions extérieures, le bruit fait partie de ces agressions. Le bruit étant chronique, imprévisible et incontrôlable, cela peut être facteur de stress. Une exposition sonore chronique peut en effet entraîner une élévation du taux d'adrénaline et de cortisone qui sont les hormones du stress.

Le bruit peut également perturber le sommeil. Des troubles du sommeil peuvent apparaître. On voit par exemple qu'une exposition diurne de 12 heures à 85dB (A) provoque une réduction du nombre et de la durée des cycles du sommeil. Un bruit nocturne supérieur à 45 dB (A) entraîne une diminution du sommeil lent profond et du sommeil paradoxal. Le bruit peut également interférer avec la fonction " récupératrice" du sommeil et peut entraîner une fatigue chronique.

Le stress et la fatigue pourront alors engendrer irritabilité, anxiété et agressivité. Ils pourront également être à l'origine de difficultés d'apprentissage et d'un retard scolaire chez les enfants.

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Affiche sur l'impact sanitaire du bruit

www.delcampe.net

Il est donc indéniable que les nuisance sonores dégradent la qualité de vie des occupants d'un logement et ont des conséquences sanitaires importantes. Cependant, elles ne sont pas toujours évidentes à prendre en compte. Chacun réagit différemment au bruit. La dimension subjective de cette nuisance rend son traitement complexe. Dans la pratique, les plaintes contre le bruit se mesurent en fonction du nombre de décibel. Un sonomètre permet aux Inspecteurs de Salubrité de mesurer le niveau de pression acoustique, la grandeur physique liée au volume sonore afin de pénaliser ceux qui en sont à l'origine. On ne prend pas en compte la gêne que le bruit peut engendrer et qui est subjective et donc différente d'une personne à l'autre. Les nuisances sonores dépendent également de la susceptibilité individuelle. Ainsi sur de nombreuses interventions, il n'est pas évident de lancer une procédure parce que l'impact n'est pas caractérisé.

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4 / Un intérêt nouveau autour de l'habitat indigne « Habitat et santé mentale »

L'habitat : facteur de bien-être et d'intégration sociale

Pour l'Organisation Mondiale de la Santé, « la santé est un état de bien-être complet à la fois physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence d'infirmité ou de maladie ». La santé mentale peut également avoir un lien avec l'occupation d'un habitat indigne relevant d'une situation de grande précarité économique et sociale. L'Agence Régionale de la Santé met en évidence le fait que l'environnement et donc plus particulièrement l'habitat peut constituer un élément important dans l'état de santé des personnes. En effet, l'habitat participe au bien-être physique et psychique ainsi qu'au développement et à l'intégration sociale de ses occupants. Il représente en effet bien plus « qu'un toit au-dessus de notre tête », c'est un véritable abri pour l'homme lui permettant de se protéger des agressions extérieures, de préserver son intimité mais également de prendre place dans la société, de s'intégrer. Le psychiatre Jean Furtos, Directeur Scientifique de l'Observatoire National des pratiques en santé mentale et précarité cite d'ailleurs: " L'homme habite et ainsi il prend place parmi les humains. Pour cela, il lui faut un lieu où inscrire son corps, sa subjectivité, son histoire, sa citoyenneté. Habiter c'est mettre de soi dans un lieu, ce qui est fort différent d'être logé. S'il ne peut habiter, l'homme ne peut prendre place et cela s'appelle aujourd'hui l'exclusion". Dans les faits, il est constaté que l'absence d'un toit provoque l'exclusion de l'individu. Cette situation de grande précarité est généralement facteur de perte de repères et de déséquilibre psychique et peut ainsi générer des troubles mentaux. Les personnes sans domicile fixe ou vivants dans des squats en sont les premières victimes. Vivre dans la rue et ne pas avoir de toit peut entraîner le développement d'une pathologie mentale. L'habitat joue un rôle fondamental dans la pleine jouissance du bien-être social et mental de chaque individu. Dans cette même logique, vivre dans un logement indigne, un habitat très dégradé peut également nuire au bien-être des occupants y compris sur le plan psychique. Ce sont le plus souvent des personnes aux conditions économiques et sociales très précaires qui sont amenés à vivre dans ces situations d'indignité. Pour reprendre les propos de Jean Furtos, on constate alors que

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ces situations contraire à la dignité humaine ne peuvent permettre à un individu de « prendre place dans la société », « de mettre de soi dans un lieu ». Ces situations de grandes précarités ne sont pas sans effet sur la santé mentale de ces individus. Elles entraînent une certaine souffrance et un mal-être qui lorsqu'elles sont durables et trop importantes, développent de réelles pathologies psychiques. La littérature internationale montre une forte prévalence des pathologies psychiatriques lourdes pour les personnes en grande précarité, sans domicile fixe ou encore vivant dans des logements très précaires... Il a été constaté par exemple qu'au moins dix fois plus de pathologies schizophréniques sont détectées chez des personnes vivant dans une grande précarité. En 2009, sur la Métropole Lilloise par exemple, 30% des personnes en situations de grande précarité souffrent de troubles psychiques et parmi eux 12.5% de psychoses avérées. Ces chiffres montrent bien la forte proportion des populations précaires qui souffrent de troubles mentaux et de pathologies psychiatriques lourdes. L'Agence Régionale de Santé du Nord-Pas-de-Calais travaille sur ce thème.

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La difficulté à mettre en relation « Habitat indigne et santé mentale »

Malgré l'augmentation des dispositions techniques (eau courante, assainissement, électricité...) qui ont contribué à l'amélioration de l'hygiène et du confort des logements, on constate que l'habitat lorsqu'il est dégradé, peut quand même, dans de nombreux cas, porter atteinte à la santé de ses occupants. Le manque d'aération et d'ensoleillement, les problèmes d'humidité, le défaut d'entretien des locaux et de leurs équipements (...) peuvent avoir des conséquences directes sur la santé des habitants comme nous l'avons vu précédemment (asthme, allergies, saturnisme, intoxication au monoxyde de carbone...). L'habitat indigne n'a cependant pas que des conséquences sur la santé physique des occupants d'un logement. L'habitat indigne peut également nuire à l'intégration sociale de ses occupants et également porter atteinte à leur bien-être moral. Les liens entre habitat et santé mentale ne sont pourtant pas toujours faciles à mettre en évidence. En effet, la grande majorité des procédures engagées actuellement à l'encontre du logement indigne, concernent généralement des cas où le logement entraînerait des difficultés sur le plan physique. Il est toujours délicat d'apporter la preuve que des liens existent entre des troubles psychiques et un habitat indigne et donc il est encore plus complexe d'entamer une procédure dans ce sens. Il est également complexe de prouver aujourd'hui qu'un habitat indigne peut être à l'origine d'un trouble psychique, on préfère penser que l'habitat indigne est un facteur parmi d'autres (précarité économique et sociale...) qui aggrave l'état de santé mentale des occupants d'un logement. On en conclut donc qu'il ne fera en généralement pas l'objet d'une procédure spécifique, on préfèrera en effet mettre en relation une procédure sur un logement indigne avec un danger pour la santé physique ou même un péril pour ses occupants plutôt que de le mettre en lien avec la fragilité mentale de l'occupant.

On ne peut cependant pas nier que les caractéristiques de l'habitat indigne peuvent entraîner une détresse, un découragement, une fatigue ou encore une anxiété chez les occupants qui peuvent expliquer son mal-être psychique. En effet, un logement mal chauffé, humide, sans fenêtre, exposé aux bruits continus entraîne une réelle fatigue, donc un mal être et souvent du découragement chez ses occupants. Des troubles anxieux peuvent apparaître en cas de présence d'insectes ou de rongeurs. Une exposition permanente au bruit peut entraîner une certaine fatigue et une anxiété quotidienne. Un

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logement humide et mal chauffé l'hiver, en plus de conséquences sur le plan physique peut également avoir un impact sur le plan psychique. On en conclut donc que, certes de nombreuses situations autres que l'habitat indigne, peuvent être à l'origine d'un mal-être psychique : il peut s'agir de perturbations sur le plan social comme une grande précarité économique (chômage...) ou encore d'autres évènements bouleversants (deuil, divorce...) mais on ne peut nier que les caractéristiques d'un logement indigne peuvent également conduire à une fragilité mentale. Tout individu vivant dans ces logements, qu'il ait déjà ou non rencontré auparavant des difficultés sur le plan social ou familial, pourrait se sentir démunis, isolé, découragé, impuissant face aux difficultés liées à l'occupation d'un logement indigne.

L'habitat indigne : entre souffrance d'origine sociale et pathologie mentale

Malgré les difficultés d'évaluation des effets de l'habitat indigne sur la santé mentale de ses occupants, on constate que ce sont généralement les mêmes maux qui vont contrarier l'équilibre psychique des individus : le découragement, le sentiment de honte et dans les cas les plus extrêmes l'incurie, pouvant aller jusqu'au syndrome de Diogène. Dans le cas où les individus ne seraient pas préparés à vivre dans la précarité, le professeur Jean Furtos montre qu'il y a trois degrés possibles à la souffrance psychosociale c'est-à-dire la souffrance psychique d'origine sociale. La souffrance peut, dans un premier temps, stimuler, aider à vivre car l'individu va chercher par tous les moyens à se sortir de cette situation de précarité à laquelle il n'est pas préparé. Si celle-ci devient cependant durable ou s'aggrave malgré les efforts fournis par l'individu, cela va l'empêcher de vivre, il se sentira découragé face à sa situation. S'il n'est pas rapidement « encouragé » par un tiers, c'est le troisième type de souffrance qui s'installera et de manière durable. Cette souffrance est la plus importante et la plus handicapante. L'individu cherchera à s'auto-exclure pour ne plus vivre sa souffrance. A l'inverse, il existe des cas où l'indignité du logement est due à un problème de gestion et d'entretien de celui-ci c'est-à-dire qu'il se dégrade, devient indigne car l'individu présente des troubles mentaux, préexistants à l'occupation du logement. C'est donc l'individu par son comportement qui entraîne la dégradation du logement.

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On en conclut que l'origine de la fragilité mentale d'un individu importe peu. Il s'agit surtout prendre en charge au plus vite ces situations d'urgence, qui nécessitent la mise en place d'accompagnement sociaux, médico-sociaux et souvent psychiatriques afin d'éviter que la situation ne s'aggrave.

Comme nous l'avons vu précédemment l'habitat indigne peut entraîner un découragement ou un sentiment de honte chez ses occupants lorsqu'il s'agit d'une souffrance psychosocial. Le découragement est à distinguer de la dépression. Il s'agit généralement des signes avant-coureurs d'une dépression qui, s'ils ne sont pas rapidement « soignés », c'est-à-dire lorsque un individu n'est pas rapidement « encouragé », peuvent conduire au suicide ou à l'incurie totale. Un habitat dégradé peut également entraîner un sentiment de honte chez l'occupant qui va l'amener à se replier sur lui-même, à rompre tout lien avec une vie sociale extérieure. Ce sentiment est également très éprouvant pour les enfants et/ou adolescents qui peuvent également refuser de recevoir leurs pairs biens conscients de l'indignité de leur logement.

Le découragement et le sentiment de honte, liés à l'habitat indigne amène donc l'individu à s'auto exclure et progressivement à ne plus prendre soin de son environnement et de soi-même. C'est un découragement extrême, une souffrance trop importante dans lequel l'individu s'abandonne en tant qu'être, on parle alors d'incurie ou du syndrome de Diogène. L'incurie s'observe en majorité chez des personnes isolées et des personnes qui s'isolent activent : personnes âgées, personnes en grande précarité sociale... Ils coupent également toutes relations avec leurs familles ou amis. Cela commence généralement par de petites négligences quotidiennes qui lorsqu'elles s'aggravent pourront porter sur l'hygiène, le fait de se nourrir, d'entretenir ou de payer son logement, le fait de sortir de chez soi, de se soigner... Cet abandon de soi et l'isolement croissant qui en résulte peut aboutir à la mort. Jean Furtos montre que l'incurie commence par un abandon de soi en tant qu'être social puis en tant qu'être biologique, c'est l'instinct de mort qui a pris le dessus. Dans des cas d'incurie, le lieu d'habitation est généralement encombré par des déchets de tous types : déchets alimentaires, déchets organiques, déjections animales ou humaines, vêtements sales (...) amenant ainsi divers nuisibles (rats, insectes à « cohabiter » avec l'occupant du logement. Les déchets sont retrouvés dans des sacs, parfois sans, des « chemins » permettent parfois de se frayer un passage à travers ces déchets mais ce n'est pas toujours

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le cas. Ces amoncellements de déchets sont dus généralement à une perte de la capacité à faire le ménage, à se soucier de l'hygiène de son logement et de sa propre hygiène, ainsi qu'à jeter et conserver des objets. Ces personnes souffrent souvent en parallèle de syllogomanie c'est-à-dire qu'ils « collectionnent )) des objets très divers (journaux, conserves alimentaires...) qui encombrent le logement.

Ainsi, le syndrome de Diogène présente plusieurs phases :

- Une incurie majeure entraînant un abandon total de l'entretien du logement et de son hygiène corporelle

- Un repli sur soi-même et un refus de toute aide extérieure

- Des comportements compulsifs (« collection )) de journaux, prospectus, excréments, déchets...)

- Un déni de la situation

Déchets s'accumulant dans le logement ne permettant plus de se frayer un passage
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

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Sur la photo ci-contre, on voit bien que le locataire abandonne totalement l'entretien de son logement. La présence de produits concernant son hygiène corporelle sur le lavabo montre bien cependant qu'il n'y a pas encore un total abandon de soi.

Suivi social et médical de ce locataire.

Abandon de l'entretien du logement Service Communal d'Hygiène et de Santé Ville de Roubaix

 

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L'incurie n'a cependant pas toujours comme origine une souffrance psychique sociale. En effet, l'individu peut disposer de pathologies mentales (schizophrénie...) préexistantes à sa situation de précarité. C'est d'ailleurs la pathologie dont il souffre qui l'amène à vivre dans la précarité soit parce qu'il s'auto-exclu du système sociétal, soit parce qu'il provoque de nombreux désordres dans l'habitat. Cette incapacité de gestion et d'entretien du logement créées des situations d'indignité. Ce n'est plus l'habitat qui a un impact sur l'équilibre psychique de l'individu mais bien, une pathologie mentale qui est à l'origine de la dégradation et de l'indignité du logement.

 

Le logement présentait tout le confort adéquat dans l'entrée dans les lieux du locataire. Sa pathologie mentale et ses accès de violence l'ont cependant poussé à dégrader son logement.

Dégradation du logement par le locataire Service Communal d'Hygiène et de Santé Ville de Roubaix

 

Absence de repères liée à la pathologie mentale du locataire. Celui-ci réalise ses besoins dans des sceaux ou à même le sol.

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Déjections humaines dans le logement Service Communal d'Hygiène et de Santé Ville de Roubaix

Deuxième Partie :

& à son traitement technique et social

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Chapitre 1 : Les outils opérationnels dans la lutte contre l'insalubrité

1 / Les procédures classiques avant un traitement purement technique de l'insalubrité

Les principales procédures en matière d'insalubrité

Comme nous l'avons vu précédemment, les conditions de vie peuvent être fortement perturbées par l'habitat. Il convient donc dans un premier temps de distinguer les différents types d'habitat que l'on peut rencontrer et qui font défaut à la vie et à la santé de leurs occupants.

De manière générale, on parle "d'habitat indigne" pour désigner un logement impropre à la vie humaine, c'est une définition politique. L'habitat indigne regroupe toutefois plusieurs catégories de logement qu'il convient de définir:

- Le logement menaçant ruine

- Le logement précaire

- Le logement inhabitable par nature

- Le logement dangereux par l'usage qui en est fait

- Le logement surpeuplé

- Le logement insalubre

- Le logement présentant un risque imminent

- Le logement avec présence de plomb

- Le logement non salubre

- Le logement indécent

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Le point commun à tous ces types d'habitat c'est qu'ils nuisent à des degrés variables à la santé de leurs occupants. A chacun de ces cas, correspond une procédure, des responsabilités et des droits différents pour le propriétaire, le locataire ou encore la police

du maire et du préfet.

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Le tableau ci-dessous va permettre de résumer les différentes informations:

 

Définition du risque

Responsabilité

Réglementation

Le logement

menaçant ruine

Risque structurel pour

l'immeuble

(effondrement...)

Responsabilité du maire

Code de la

construction et de
l'habitat

Le logement

précaire

Cas des bidonvilles

Responsabilité du préfet

Code de la Santé

Publique (article L
1331-25)

Le logement

inhabitable par

nature

On prend en compte la

nature du logement:
combles, caves...

Responsabilité du préfet

Code de la Santé

Publique (article L
1331-26)

Le logement

surpeuplé

Surpeuplement dû au

propriétaire mais qui est
difficile à prouver

Logement dont les

dimensions ne

correspondent pas au
nombre d'occupants.

Responsabilité du préfet

Code de la Santé

Publique (article L
1331-23)

Le logement

insalubre

Est caractérisé par un

désordre important ou une accumulation de désordres

Responsabilité du préfet

dans la prise de l'arrêté et la responsabilité du maire dans le suivi des effets

Code de la Santé

Publique (article L
1331-26 et suivants)

Le logement

présentant un

risque imminent

pour la santé avec ou sans insalubrité globale avérée

Une cause d'insalubrité

majeure qui met en danger dans l'immédiat la vie des occupants

Responsabilité du préfet

Code de la Santé

Publique (article L

1331-26-1 si
insalubrité globale et

article L 1331-4 si
désordre unique)

Le logement non salubre

Manquements à la salubrité insuffisant pour considérer

le logement comme
insalubre

Responsabilité du maire

Règlement Sanitaire

Départementale

Malpropreté

massive et

stockage de

détritus

Souvent dus à une mauvaise appropriation du logement

Responsabilité du maire

Code de

l'Environnement

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Les principales procédures relèvent des pouvoirs de police des maires et des préfets permettant de lutter contre l'habitat insalubre ou dangereux. Celles-ci ont été améliorées ou simplifiées par l'ordonnance du 15 décembre 2005, la loi " ENL " du 13 juillet 2006 qui l'a ratifiée, le décret d'application en date du 8 novembre 2006 et, enfin, ont été complétées par l'ordonnance du 11 janvier 2007.

Nous allons étudier plus en détail la mise en place de l'arrêté d'insalubrité. Cette procédure est la plus courante sur le territoire roubaisien.

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L'arrêté d'insalubrité

L'arrêté d'insalubrité est mis en place lorsqu'un immeuble constitue un danger pour la santé de ses occupants, ou de celles des voisins, du fait de son état ou de ses conditions d'occupation. Cet arrêté préfectoral s'instruit dans le cadre d'une procédure formalisée. La loi SRU du 13 décembre 2000 avait réformé cette procédure. L'ordonnance du 15 décembre 2005 en a précisé certains points sans la modifier, à la fois pour permettre le traitement efficace des cas les plus urgents, et pour sécuriser les droits des occupants.

Lorsque le maire d'une commune ou le président d'un établissement public de coopération intercommunale sont dépourvus d'un Service Communal d'Hygiène et de Santé (ce qui est le plus fréquent puisqu'il n'y a que 208 SCHS en France), ils peuvent saisir le directeur de l'Agence Régionale de Santé pour lui demander d'établir un rapport sur l'insalubrité suspectée. C'est l'ARS qui est alors tenue d'instruire le dossier. Tout locataire ou occupant d'un immeuble peut également saisir l'ARS.

Si la commune où est situé l'immeuble est dotée d'un SCHS comme c'est le cas à Roubaix, il appartient alors à celui-ci d'instruire le dossier d'insalubrité. La commune bénéficie en effet de pouvoirs d'Etat dérogatoires complétés par une dotation globale de fonctionnement spécifique pour instruire les affaires d'insalubrité.

Du signalement à la visite du logement

Le premier contact dans une situation d'insalubrité est souvent initié par une plainte, un signalement de l'occupant lui-même ou d'un tiers. Les Inspecteurs de Salubrité doivent apprécier l'urgence de l'intervention à partir du discours du signalant. Cela n'est cependant pas toujours évident puisque le plaignant peut, volontairement ou non, surestimer ou à contrario sous - estimer l'état de son logement. La plainte a un caractère très subjectif. Elle peut également être motivée par des objectifs différents de la remise en état du logement: un souhait de relogement, un conflit de voisinage, des problèmes avec le propriétaire...

Les Inspecteurs de Salubrité ont alors pour mission de mener une enquête sur l'insalubrité potentielle du logement afin d'avoir un point de vue objectif et technique.

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Ils effectuent une visite des lieux afin de mettre en place un diagnostic technique complet de l'immeuble. Les différents désordres constatés dans le logement sont identifiés par un examen visuel précis de l'ensemble des locaux.

Ce relevé d'informations techniques est complété d'une sensibilisation des occupants sur les conséquences de l'insalubrité sur leur santé. Ce point permet de limiter les causes d'insalubrité du logement dues à l'occupation et aux comportements inadaptés de l'occupant.

Afin de déterminer une éventuelle mauvaise appropriation du logement, les agents du SCHS prennent en compte divers éléments comme la propreté et l'hygiène du logement, la présence d'animaux et leur impact sur la tenue du logement, l'encombrement des lieux... Cette approche plus "humaine" de l'enquête de salubrité est très inspirée des pays anglo-saxons où l'on prend en compte les risques pour la santé induits par le mode d'occupation et même parfois le ressenti subjectif de l'occupant. Cette démarche n'est cependant pas encore systématique sur tout le territoire national.

Un courrier reprenant l'essentiel du compte rendu de la visite et les conseils de l'Inspecteurs de Salubrité est ensuite adressé aux occupants du logement.

Le plus souvent, les propriétaires ne sont pas présents lors de cette visite, leur présence n'est en effet pas requise. Leur autorisation de visiter le logement est toutefois nécessaire. Aucune visite ne peut être possible sans l'accord du propriétaire, toutefois leur refus peut être puni par la loi.

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Le diagnostic technique

Un diagnostic est établi par l'Inspecteur de Salubrité qui va décrire l'intégralité des désordres puis les évaluer à l'aide d'une grille de cotation (annexe 1) permettant ainsi de graduer le degré d'insalubrité du logement. Il établira ensuite un rapport dans lequel il va qualifier les différents désordres constatés, leur gravité et les solutions proposées (travaux de sortie d'insalubrité ou caractère irrémédiable en tenant compte de l'évaluation du coût des travaux).

- Une première partie du rapport permettra de présenter l'immeuble, le statut d'occupation des occupants et les caractéristiques des ménages ainsi que les données recueillies sur la propriété et la gestion.

- Une deuxième partie mettra en évidence les désordres constatés dans le logement.

- Une troisième partie dégagera une procédure ciblée au vu des informations récoltées.

- Et enfin, une dernière partie, permettra de proposer des mesures à prendre pour traiter l'insalubrité.

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Le CODERST et les effets de l'arrêté

Le CODERST est le Conseil de l'Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques. C'est le nouveau patronyme du Conseil Départemental d'Hygiène, né en 1905 et disparu en 2006. Il se réunit une fois par mois sur diverses thématiques dont les risques sanitaires liés à l'habitat. C'est une instance de concertation et de proposition pour la prise de décision du préfet. Il réunit des représentants de l'Etat, d'associations, des collectivités territoriales et des personnalités qualifiées comme des médecins le cas échéant...

Le CODERST représente la phase contradictoire de la procédure : le propriétaire et les occupants y sont conviés et peuvent y exposer leur point de vue.

Dans le cas d'un arrêté d'insalubrité, le CODERST se prononce à la fois sur la réalité et les causes de l'insalubrité et sur les solutions permettant d'y remédier. Il ne prend pas en compte d'autres aspects que les facteurs d'insalubrité. Les problèmes d'appropriation des lieux peuvent être exprimés en cours de séance mais ils ne sont pas déterminants. L'avis du CODERST sur la qualification de l'insalubrité - remédiable ou irrémédiable - et sur les mesures nécessaires à prendre pour y remédier aboutira à un arrêté préfectoral. Il existe deux cas d'arrêté d'insalubrité :

- Dans le cas d'une insalubrité remédiable, le conseil précise les mesures à appliquer par le propriétaire afin de traiter l'insalubrité, ainsi que le délai imparti pour leur réalisation. Il peut également prescrire, si la situation le nécessite, une interdiction temporaire d'habiter et d'utiliser les lieux le temps de la réalisation des travaux et un hébergement des locataires par le propriétaire. Les effets de l'arrêté commencent à la date de sa notification.

En cas de non-exécution volontaire des travaux, le maire ou à défaut, le préfet y procède d'office, sans autorisation préalable du juge et après une mise en demeure restée infructueuse à l'issue d'un délai précisé qui ne peut être inférieur à un mois. Ces travaux dits d'office sont réalisés au frais du propriétaire. En attendant la réalisation des travaux, les locataires sont protégés et le paiement des loyers est suspendu de plein droit dès le premier jour qui suit la notification de l'arrêté préfectoral. Le propriétaire doit assurer l'hébergement de ses locataires en cas d'interdiction temporaire d'habiter et ce à ses frais. S'il est défaillant dans cette obligation, l'hébergement se fait par la collectivité au frais du propriétaire.

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- Dans le cas d'une insalubrité irrémédiable c'est à dire: " lorsqu'il n'existe aucun moyen technique de mettre fin à l'insalubrité, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction", l'arrêté préfectoral interdit définitivement l'habitation de l'immeuble et les occupants de l'immeuble doivent être relogés par le propriétaire puisqu'il n'y a pas de prescription de travaux. Des mesures d'urgence concernant la santé et la sécurité des occupants avant leur relogement peuvent également être prescrites dans l'arrêté. L'arrêté prévoit ensuite l'interdiction à l'accès et l'usage des lieux, voire la démolition de l'immeuble.

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2 / Les nécessaires partenariats

Les partenariats « Habitat »

- La "Maison de l'habitat": une aide pour intégrer un logement social

A Roubaix, la "Maison de l'habitat" permet d'aider une partie de ces ménages en difficulté dans leurs démarches de demande de logement social mais également de les informer sur l'avancée et le suivi de leurs dossiers.

De nombreuses personnes peuvent ressentir un sentiment d'incompréhension voir d'injustice en constatant que malgré la gravité de leur situation, les démarches de relogement sont toujours aussi longues. La « Maison de l'habitat » permet alors d'informer les ménages sur le traitement de leurs dossiers, de prendre rendez-vous avec l'élu au logement de la commune pour traiter des situations d'extrême urgence et enfin de travailler en relation avec tous les bailleurs disposant de logements sur Roubaix afin de trouver une solution rapidement tout en respectant au mieux le choix des familles et leurs critères de sélection. Il arrive que des ménages accordent une grande importance à la localisation de leurs logements au point de refuser les propositions faites par les bailleurs malgré l'urgence de leurs situations. Des quartiers jugés trop difficiles et insécurisants comme l'Alma ou l'Epeule peuvent être refusés par des couples avec enfants ou des femmes divorcées ou séparées.

L'organisation du logement en fonction des coutumes et/ou des pratiques des familles peut également amener un ménage à refuser une proposition de logement. Les bailleurs développent aujourd'hui des cuisines " américaines " (cuisines ouvertes) qui ne conviennent cependant pas aux modes de vie des familles d'origine d'Afrique du Nord. La cuisine étant traditionnellement l'espace réservé aux femmes de la maison et le salon pour recevoir les invités ou pour les hommes. La séparation entre les pièces doit être claire et distincte. Pour cette raison, ces familles peuvent donc refuser les propositions faites par les bailleurs et se reporter sur le parc de logements indignes.

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" Chez moi est une réalité incrustée dans les plus infimes replis d'une mémoire, d'un corps et ses gestes, ses habitudes. Chez moi est imprimé dans une vie, une accumulation de jours passés et sédimentés dans un lieu" (...) Il y avait un espace qui sans moi est à nouveau vide, qu'importe que le plafond s'effondre, que les murs s'effritent, c'est moi qui l'occupais. C'est ici que j'ai agi et senti. Habiter, même un taudis, trace une histoire, une empreinte, occupe définitivement un esprit. Habiter est irrémédiable et l'on s'en souvient. Alors, parfois, on veut revenir."Extrait de " l'Inhabitable " de Joy Sorman et Eric Lapierre

Lorsque ces situations sont durables, les ménages peuvent tisser des liens étroits avec leur logement.

Ces liens peuvent être affectifs. En effet, les ménages peuvent être attachés à leur logement parce qu'ils y ont toujours vécu, y ont vu leurs enfants grandir, ont tissé des liens avec leurs voisinages... Ils ne souhaitent donc pas toujours être relogés.

Ces ménages ont également développé des modes de vie, des pratiques quotidiennes liés à l'insalubrité qu'ils peuvent chercher à préserver malgré la situation d'urgence dans laquelle ils se trouvent.

- De nombreux ménages vont souhaiter être relogés le plus rapidement mais ils peuvent rencontrer des difficultés d'appropriation avec les nouveaux équipements mis à leur disposition dans les logements neufs. C'est leurs modes de vie, leurs pratiques quotidiennes qui vont être bouleversés. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, des ménages se chauffent encore au charbon. C'était encore le cas des "Vieux corons" à Douai Dorignies qui ont fait l'objet d'une réhabilitation PACT récente. Ces logements sont aujourd'hui tous équipés de chaudière gaz à condensation. Même si ces installations limitent les risques sanitaires et écologiques et permettent un meilleur confort des ménages, ceux-ci n'apprécient pas ce nouvel équipement. Le charbon permet en effet aux ménages de contrôler leur consommation en temps réel. Ils peuvent également utiliser du bois lorsqu'ils ont moins de moyens et certains CCAS (exemple: Bouchain) distribuent gratuitement du charbon à ces ménages. Une installation au gaz nécessite donc de nouveaux frais mensuels que les

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ménages ne souhaitent pas assumer. De plus,les variations de température peuvent représenter une gêne pour ces ménages dans leur quotidien.

- D'autres habitants malgré leur situation d'urgence peuvent refuser d'être relogés car ils se sentent bien chez eux, à leur place. Cela est encore plus vrai à Roubaix où les habitants des courées forment de petites communautés, s'entraident, tissent de véritables liens sociaux. Claude Dujardin, Directeur du Service Communal d'Hygiène et de Santé de la ville l'évoque d'ailleurs dans l'ouvrage " La France invisible": " Une maison, c'est un chez-soi, quand un appartement n'est qu'un petit bout d'un ensemble: il n'y a pas la même relation affective aux murs, il n'y a pas cette impression d'être chez les autres." Les habitants ne souhaitent pas toujours être relogés car ils ont déjà leur propre maison.

Ces ménages peuvent mal vivre un relogement dans un autre logement et surtout dans un autre quartier. Or le principe de mixité social inclut bien souvent un relogement de ces ménages précaires dans des quartiers plus embourgeoisés. Les ménages, en plus de perdre les liens sociaux qu'ils ont mis des années à tisser, pourront ne pas se sentir à leur aise avec leur nouveau voisinage comme si le relogement était un épisode supplémentaire de relégation sociale renvoyant à sa propre situation de pauvreté. Ce fut le cas d'une locataire PACT, ancienne résidente de la cité Lys à Fives, elle y vivait dans une situation de grande précarité. Elle fut relogée dans une résidence tout confort à proximité du centre de Lille. Elle a rapidement évoqué des difficultés d'adaptation mais également d'intégration dans sa nouvelle résidence. Elle se sentait stigmatisée par son voisinage.

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Un partenariat incitatif et de prévention avec la CAF

La lutte contre l'insalubrité est complexe. Elles comportent de multiples problématiques qu'il convient de traiter dans leur ensemble afin d'y remédier. Ces problématiques ne sont pas uniquement techniques. Elles peuvent être sociales, financières, juridiques ou encore sanitaires. Elles impliquent donc divers partenaires.

La collaboration et la synergie entre les acteurs est essentielle dans la lutte contre l'insalubrité. Ces partenaires peuvent être impliqués dans l'ensemble de la démarche ou n'être que des interlocuteurs complémentaires lorsque leur présence est sollicitée. Il existe plusieurs partenaires dans la lutte contre l'habitat insalubre, ce sont par exemple: des opérateurs, ou encore l'ANAH par le biais des subventions de sortie d'insalubrité... Ils ont une approche différente dans le traitement de l'insalubrité mais complémentaire puisqu'ils ont le même objectif.

Nous allons dans cette partie, nous intéresser plus particulièrement au partenariat mis en place avec la CAF.

En 1993, une première convention est passée entre la Caisse d'Allocations Familiales et la Ville de Roubaix. Celle-ci permet de contrôler avec plus de sécurité les logements pour lesquels il y a une demande d'allocation. Jusque-là les logements antérieurs à 1948 devaient respecter les règles d'habitabilité suivantes :

- Présence d'un poste d'eau potable,

- De moyens d'évacuation des eaux usées,

- D'un WC particulier pour les habitations individuelles ou d'un WC par étage pour les

collectifs,

- D'un moyen de chauffage propre.

Ces critères apparaissent insuffisants dans les faits. La convention a ainsi permis d'être plus

exigeant vis-à-vis des logements mis en location.

Dans le cas d'un logement insalubre, la procédure administrative est engagée et le bailleur doit réaliser des travaux de remise aux normes et être contrôlé par le service d'hygiène pour que le locataire puisse à nouveau prétendre à l'allocation logement.

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Le décret du 30 janvier 2002, relatif à la notion de décence, a permis de lutter plus efficacement contre l'indécence et l'insalubrité des logements. Cette notion de " logement décent " se distingue de " logement salubre ". L'indécence concerne une relation contractuelle entre un propriétaire bailleur et son locataire. C'est la Loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain 2000/1208 du 13 Décembre 2000, dite Loi SRU qui a introduit la notion de décence à côté de celle d'insalubrité déjà existante (l'insalubrité fait référence plus particulièrement au Code de la Santé Publique et au Règlement Sanitaire Départemental).

Pour qu'un logement soit décent, il doit remplir un certain nombre de critères :

- Le logement doit respecter les conditions relatives à l'insalubrité. Il doit ne pas être frappé d'un arrêté d'insalubrité ou de péril et ne doit pas être inhabitable par nature. Le respect des critères du Règlement Sanitaire Départemental est alors essentiel.

- Le logement doit également répondre aux conditions relatives à la sécurité et à la santé des occupants. Dans cette optique, le gros Suvre, la couverture, les menuiseries, les escaliers et les balcons doivent être en bon état. Les canalisations et revêtements ne doivent pas présenter de risque pour la santé. Les branchements au gaz, à l'électricité, au chauffage, et à l'eau chaude doivent être aux normes et enfin le logement doit disposer d'un éclairage naturel et d'une ventilation suffisante.

Si un logement ne présente pas ces caractéristiques, il est signalé auprès de la CAF, parallèlement à la procédure administrative engagée.

Afin de repérer ces situations, un véritable circuit a été mis en place :

- Le signalement peut venir du locataire lui-même. En effet, une fiche d'autodiagnostic est envoyé par la CAF au locataire afin d'évaluer son logement. Il n'y a pas de visite préalable. Le signalement de l'occupant dans le cas d'un logement indécent sera pris en compte. Le locataire doit tout de même continuer à payer son loyer. Une visite à domicile est alors effectuée par un agent du SCHS. Celui-ci établit un pré-diagnostic afin d'évaluer si les désordres signalés par le locataire relèvent de l'insalubrité ou de la non décence.

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- Depuis 2008, la Ville de Roubaix expérimente également la Déclaration préalable à la mise en location (DPML). Cette déclaration permet un contrôle de la décence du logement avant le versement de l'allocation logement. Cette information circule bien auprès des locataires comme des propriétaires. Les visites des logements en location sont donc régulières. La CAF signale à la ville toutes les nouvelles allocations versées et le Service Communal d'Hygiène et de Santé de la ville contrôle systématiquement ces logements (environ 2 500 contrôles par an).

Dans tous les cas, si le logement est indécent, la CAF supprime le tiers payant durant 6 mois le temps de la réalisation des travaux. Si à la fin de ce délai, les travaux ne sont toujours pas effectués, l'allocation est suspendue pour une durée indéterminée.

Cette mesure est avant tout incitative pour permettre au propriétaire de réaliser les travaux. Dans le cas où il ne les réaliserait pas, les locataires pourraient se retrouver dans l'obligation de déménager puisqu'il ne bénéficierait plus d'aide pour payer le loyer. Cette mesure peut donc être très contraignante pour les locataires et les mettre en difficulté. Ils peuvent recourir à une procédure en justice dans le cas de bailleurs indélicats. Or, pour des ménages fragiles et précaires, ce recours n'est pas toujours aisé. Un accompagnement de la CAF ou de la SIAVIC peut s'avérer nécessaire.

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Des exemples de partenariats pour traiter des risques sanitaires spécifiques - Réglementation et partenariats dans la lutte contre le saturnisme

La fabrication en France est interdite depuis 1948 et depuis 1993, la vente et l'importation de peinture contenant du plomb l'est également. Cette mesure a été complétée par deux lois. La loi contre les exclusions de 1998 et la loi de Solidarité et de Renouvellement Urbain en 2000. Ces deux lois permettent de mener une action préventive à l'encontre du risque saturnin.

En effet, on constate que la loi numéro 98-657 de 1998 relative à la lutte contre les exclusions a introduit la prévention du saturnisme dans le Code de santé publique et concède aux préfets des départements une responsabilité en la matière. En effet l'article 123 de cette loi les oblige, dans le cas d'une intoxication au plomb ou d'un risque saturnin avéré par un diagnostic spécialisé, à prescrire les travaux de prévention requis et à les faire exécuter d'office si le propriétaire ou le syndicat de copropriété ne fait pas connaître sous dix jours son intention de réaliser les travaux dans un délai d'un mois.

La loi SRU du 13 décembre 2000 impose, quant à elle,un contrôle systématique de l'habitat dès lors qu'il existe un moindre doute sur la présence de plomb. Cette lutte contre le risque saturnin s'organise en deux temps: des mesures d'urgence en vue de supprimer le risque d'intoxication et de nouvelles obligations pour les propriétaires situés dans une zone à risque. Le dispositif permet de déterminer les zones à risque. A cet effet, le préfet peut ordonner le diagnostic des immeubles lorsqu'il est informé d'un cas de saturnisme chez un mineur ou d'un état d'accessibilité au plomb pour les occupants d'un immeuble. Ce contrôle consiste à identifier les murs, cloisons, plafonds et autres surfaces d'un logement contenant une peinture au plomb et, le cas échéant, à mesurer sa teneur en plomb. Si le résultat s'avère positif, le préfet notifie au propriétaire de l'immeuble ou au syndicat de copropriété, les travaux à réaliser. Le propriétaire devra pour sa part informer les occupants et les personnes réalisant les travaux des risques qui existent. En cas de carence, le préfet peut se substituer au propriétaire pour réaliser les travaux de suppression du risque d'accessibilité au plomb. Lors de la vente, la loi oblige également les propriétaires de biens immobiliers datant d'avant 1948, d'annexer au contrat de vente, un diagnostic plomb. Ce diagnostic doit

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également être fourni aux locataires si le bien est loué. Il concerne les logements occupés mais également les parties communes.

En cas de présence de plomb dans un logement habité par des enfants ou une femme enceinte, des plombémies sont systématiquement proposées. Les Inspecteurs de Salubrité font parvenir au médecin traitant de la famille une lettre expliquant les risques accompagnée d'un formulaire de " déclaration obligatoire " en partie rempli afin que le médecin prescrive la plombémie. Si une plombémie positive est avérée, l'Agence Régionale de Santé et/ou le SCHS de la commune mettent en Suvre une investigation environnementale permettant d'identifier les causes de l'intoxication et d'aider la famille à prendre les mesures adaptées pour stopper le processus d'intoxication.

La lutte contre le saturnisme infantile a fait l'objet d'un partenariat entre le SCHS de la Ville de Roubaix et la DDAS du Nord. Cette logique partenariale prend effet dès 1995 où une évaluation permet de mettre en évidence que 17% de la population du département serait susceptible d'être intoxiquée par le plomb. Ce taux est beaucoup plus élevé lorsqu'on s'intéresse à la commune de Roubaix où il atteint 23%. C'est lors de plombémies expérimentales sur un échantillon d'enfants de moins de 7 ans et dans des quartiers d'habitat ancien très ciblés que cette étude a été menée. Cette évaluation du risque saturnin dans le département, permet de prendre en considération et en charge l'ampleur du risque, mais également de mettre en évidence l'absence de moyen réglementaire et technologique ainsi que d'outils techniques pour le traiter.

Ceux-ci ont donc évolués par la suite et ont permis de mieux prendre en charge ce risque grâce notamment à la loi contre les exclusions de 1993 et à la loi SRU de 2000. Des évolutions techniques ont permis la mise au point d'appareils qui mesurent le plomb contenu dans la peinture. A Roubaix, en 2004, un analyseur de plomb dans les peintures a été acquis pour le Service Communal d'Hygiène et de Santé. Cet analyseur est utilisé à chaque diagnostic technique effectué lors des visites d'habitat datant d'avant 1948 par les Inspecteurs de Salubrité.

Les moyens de prévention, d'information et de dépistage sont également exploités dans les enquêtes de salubrité, dans l'implication des partenaires et à travers l'information du public. La recherche du plomb a été intégrée dans les procédures de lutte contre l'insalubrité, qu'elle soit coercitive c'est à dire prise par un arrêté préfectoral ou qu'elle ait une visée

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incitative et donc traitée hors arrêté. Le SCHS réalise de manière systématique un diagnostic plomb du logement lors de travaux prescrits dans le cadre d'une procédure RSD pour des désordres moyens et lorsque des enfants sont présents dans le logement. Un binôme d'Inspecteur a d'ailleurs été spécialement affecté à cette thématique.

La ville cherche également à informer et à sensibiliser les médecins généralistes libéraux au risque saturnin dans l'habitat car ils ont souvent tendance à le sous-estimer voir et à ne pas le prendre en compte. Des soirées à thème ont alors été organisées et des outils d'informations spécifiques ont été distribués (porto folio...). On constate cependant que ces évènements n'ont pas eu le succès attendu auprès des médecins généralistes qui aujourd'hui encore restent difficiles à mobiliser pour réaliser des plombémies chez les enfants. Les médecins hospitaliers sont à contrario plus enclins à se mobiliser et à prescrire des plombémies. La majorité des parents ne manifeste pas de réticence pour que des plombémies soient réalisées sur leurs enfants sauf pour des motifs culturels. Progressivement, les médecins scolaires ont été également intégrés à la démarche lors notamment des bilans obligatoires effectués sur les enfants entrant à l'école primaire, elles ont permis de dépister un certain nombre d'enfants intoxiqués. Les partenariats avec les services médicaux de la CPAM se sont avérés également fructueux et ont permis par exemple une prise en charge financière du dépistage de la plombémie.

La lutte contre le saturnisme nécessite des partenariats solides incluant des acteurs de l'environnement, de la santé et du social. Les partenariats sociaux jouent un rôle important de signaleurs et d'agents d'information. Le Conseil Général et les UTPAS réalisent des journées d'informations auprès du personnel qui pourra donc par la suite mieux informer les familles. Un travail a également été effectué auprès du CCAS de la Ville et des maisons de quartier. L'information est également distribuée auprès des familles par le biais d'affiches ou de dépliants mais le travail de prévention le plus lourd est à destination des enfants.

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Affiche de prévention contre le risque saturnin à destination des parents Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

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Un livret de coloriage a été élaboré et distribué à chaque enfant lors d'une animation en milieu scolaire, ce livret raconte l'histoire du "monstre Plombard".

Affiche de prévention contre le risque saturnin à destination des enfants
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

Ce livret a été décliné sous forme de contes et d'affiches. Un spectacle théâtral d'une vingtaine de minutes a également été monté, mettant en scène "le monstre Plombard". Les parents furent invités au spectacle et des échanges ont suivi la représentation. L'ensemble des documents est distribué dans une mallette. Une serpillière est également présente dans la mallette pour inciter au nettoyage humide qui retient les poussières éventuellement contaminées. Mes visites de terrain m'ont permis d'appréhender un peu plus cet accompagnement des ménages. Peu à peu, les ménages sont davantage sensibilisés au risque saturnin et les enfants n'hésitent pas à appliquer les pratiques d'hygiène préconisées pour lutter contre le "monstre Plombard".

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La mallette " Monstre Plombard "

Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

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Le réseau « asthme et allergies »

Le réseau asthme/allergies consiste en un partenariat entre le CHR de Roubaix (service pneumologie), le Centre de Prévention Santé et le Service Communal d'Hygiène et de Santé de la Ville de Roubaix. D'autres villes de la métropole lilloise comme Wattrelos sont également intégrées au réseau. Ce réseau permet de mettre en lien des patients souffrant de maladies respiratoires d'origine allergiques avec un partenariat d'acteurs pluridisciplinaires qui s'inscrit dans le Plan Régional de Santé Publique. Ce PRSP issu de la loi dite de "santé publique" du 9 août 2004 a pour objectif de soutenir des projets dont l'objectif est d'améliorer l'état de santé de la population en préservant, voire en améliorant son environnement et particulièrement tous les lieux de vie, d'identifier les risques constitués par les différentes expositions en éliminant ou en limitant les expositions et/ou leurs effets.

Le réseau asthme/allergies existe depuis 2005 et a permis de mettre en place une consultation médicotechnique avancée. Ce réseau comprend plusieurs acteurs: des médecins du CHR orientant et suivant les patients, une infirmière du Centre de Prévention Santé qui assure les visites à domicile pour la prévention, l'information et le suivi de l'état de santé du patient, une assistante sociale qui intervient afin de promouvoir l'accès aux droits et aux soins des patients et enfin les inspecteurs de salubrité de la Ville de Roubaix , pour certains également Conseillers Médicaux en Environnement Intérieur.

Ces inspecteurs de salubrité s'assurent de l'état du logement, relèvent les désordres et prescrivent des travaux aux propriétaires. Ces professionnels informent les personnes que leurs états de santé sont aggravés par leurs conditions de logement et/ou par la mauvaise appropriation de leurs logements.

Le propriétaire bailleur du logement est responsable de la décence du logement et donc de son état sanitaire. Il doit effectuer les travaux nécessaires à sa mise en sécurité sanitaire et en décence. Mais les locataires par leurs appropriations du logement influent également sur leurs états de santé ou sur celui de leurs enfants. Certaines pratiques quotidiennes sont en effet néfastes à leur santé: manque d'aération du logement, défaut d'entretien courant, usage d'un poêle à pétrole lorsqu'un chauffage existe déjà, tabac, présence d'animaux.... Il

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est donc important d'informer le propriétaire bailleur des travaux à effectuer et le locataire s'il est différent, des pratiques quotidiennes à adopter. On peut remarquer qu'il est toutefois plus difficile de traiter avec un propriétaire occupant sur son logement. Celui-ci sera en effet moins enclin à remettre en cause ses pratiques.

Chaque acteur dans ce réseau a un rôle important. Le Service Habitat et Hygiène de la Ville de Roubaix par ses visites du logement est directement en lien avec le problème de salubrité du logement et l'appropriation qu'en font ses occupants. Les visites à domicile sont donc importantes, elles peuvent également mettre en évidence d'autres problématiques liées au logement et nuisant à la santé de ses occupants (saturnisme, intoxication au monoxyde de carbone chronique...).

Le personnel de santé est essentiel pour diagnostiquer la pathologie, prescrire un traitement et suivre le patient mais il n'a en effet pas toujours connaissance de l'état du logement. Les assistantes sociales et les infirmières du Service de Prévention Santé interviennent, soit au centre, soit au domicile des patients, et repèrent également les difficultés d'ordre médical ou social en proposant un accompagnement personnalisé.

Ces visites au domicile des patients sont essentielles car la pratique médicale montre que de nombreux patients n'appliquent pas les conseils d'éviction proposés lors de la consultation à l'hôpital. En effet, aux difficultés de compréhension s'ajoutent les problématiques techniques, sociales et financières. Dans d'autres cas, certains minimisent ou exagèrent, l'état de leur logement lors de leur prise en charge médical par souhait notamment de relogement dans le parc social ou à l'inverse par méfiance (crainte de perdre la garde leurs enfants...).

Le réseau peut fournir également divers équipements aux ménages pour améliorer leurs prises en charge:

- Une housse anti-acarien, or on constate que bien souvent, les matelas et oreillers sont extrêmement dégradés. Un prêt de la Caf est donc possible et permet aux familles de pouvoir en acheter de nouveaux.

- Un Peak Flow, ou débitmètre de pointe, qui est un instrument de mesure médical permettant de déterminer la quantité d'air rejeté par les poumons en soufflant dans un tuyau gradué. Le Peak Flow est principalement utilisé pour surveiller l'état des fonctions

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respiratoires chez les personnes souffrant d'insuffisance respiratoire et d'asthme sévère. Peu encombrant et très facile d'utilisation, le patient l'utilise seul à son domicile, consignant les mesures obtenues afin qu'elles soient examinées par son médecin traitant. Il permet notamment d'évaluer l'importance d'une crise d'asthme et d'opter pour la meilleure conduite.

On en conclut donc que le réseau "asthme - allergies" multidisciplinaire, permet de gérer les pathologies, à la fois du patient et du bâtiment, dans une démarche de prise en charge globale.

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Exemple de cas concret:

Théo, 5 ans

Famille locataire chez propriétaire privé

Diagnostic médical

Diagnostic technique

Diagnostic comportemental

Enfant asthmatique et allergique

Dans le salon: trace d'une fuite en

Les parents fument et ont de

aux blattes

toiture et donc présence

d'humidité sur le mur, au niveau de la façade.

nombreux animaux (3 chats...)

 
 

Les chats permettent notamment d'éviter la présence de souris

 

Dans le couloir: trace d'une fuite en toiture et donc humidité sur les murs

 
 

Chambre des parents:

 
 

développement de moisissures sur le mur de façade arrière, nouveau-né dort dans la chambre.

 
 

Dans le bâtiment: présence

importante de blattes chez tous les locataires

 

Prise en charge:

Suite aux visites des inspecteurs de salubrité du SCHS de la ville de Roubaix, il a été demandé aux propriétaires

de régler les pathologies du logement en réalisant des travaux dans un délai de trois mois. Pour prescrire la

suppression des désordres, il est fait application du Règlement Sanitaire Départemental émanant du Code de la

Santé Publique, et plus précisément des articles 32 et 33 relatifs à l'entretien général du bâtiment et la

suppression des fuites et infiltrations qui sont de la responsabilité du propriétaire. La lutte contre les insectes

est une charge locative, cependant, s'agissant d'un immeuble collectif, il a été demandé au propriétaire de traiter l'ensemble du bâtiment.

A l'heure actuelle, les travaux ont été fait par le propriétaire, il reste cependant encore quelques blattes. Les

parents fument toujours dans le logement. La famille ne possède plus qu'un chat pour éviter les souris.Le

dossier est toujours suivi par le personnel de santé. La mission est terminée pour le SHCS de la ville de Roubaix.

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Tiffeli, 3 ans

Famille locataire chez un bailleur social

Diagnostic médical

Diagnostic technique

Diagnostic comportemental

Enfant asthmatique

Chambre des parents et de Tiffeli:

Aérations sont bouchées par les

 

présence importante de moisissures sur le mur

locataires.

 

Salon: présence de dalles dégradées au sol (suspicion d'amiante)

 
 

Cuisine: absence d'aération basse.

 

Prise en charge:

Les inspecteurs de salubrité ont visité le logement et relevé les désordres puis ont prescrit la suppression des désordres sous deux mois au bailleur social conformément aux articles 32-33-40/1-165 du RSD.

L'aération basse dans la cuisine a été demandée mais ce n'est pas une obligation pour le bailleur de l'installer car le logement n'était pas prévu à l'origine pour la cuisine au gaz.

Les dalles au sol de la cuisine doivent être changées et le propriétaire doit remédier aux problèmes d'humidité provoquant des moisissures dans le logement.

Ce dossier montre la difficulté que l'on peut rencontrer en traitant avec les bailleurs sociaux pour réaliser des travaux et restructurer le logement. C'est un patrimoine des années 1970 partiellement rénové : l'air ne circule pas dans le logement (double vitrage des fenêtres, pas d'aération sur PVC, grilles des VMC que les locataires bouchent généralement lorsqu'il fait froid).

Réponse du bailleur: "En ce qui concerne la présence importante de moisissures sur le mur de la chambre, il s'agit de moisissures provoquées par la condensation en raison d'un manque d'aération, fait du locataire.

Concernant l'absence d'aération basse en cuisine, le logement n'est pas équipé d'une installation au gaz, l'installation d'une aération n'est donc pas prévue.

La présence de dalles dégradées au sol dans le salon sera réglée, un bon de commande a été adressé à leur prestataire pour modifier celui-ci".

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L'explication du bailleur social n'est pas satisfaisante ou complète. En effet, la condensation ne peut pas s'expliquer par le seul manque d'aération: si le mur était complètement isolé, la vapeur d'eau ne pourrait pas s'y condenser. Il conviendrait de persister dans la demande de suppression de l'humidité par isolation du mur. Le bailleur social ne peut cependant isoler le mur d'un seul logement, il doit réaliser un ensemble de travaux qui relèvent d'une rénovation complète du bâtiment qui ne peut s'exiger dans un délai contraint pour des raisons financières.

Le dossier sera toujours suivi par le personnel de santé. La Direction Habitat et Hygiène interviendra en cas de nouvelles difficultés avec le logement ou en cas d'autres difficultés d'humidité dans d'autres logements du même bâtiment.

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La lutte contre l'intoxication au CO

Survenant de façon sporadique avant 1750, la fréquence des intoxications au CO s'est accrue considérablement durant la Révolution Industrielle du XIXème siècle du fait de l'urbanisation rapide et de l'emploi du charbon pour la production de vapeur et l'utilisation de chauffage. L'abandon du gaz de houille au profit du gaz naturel dans les années 19601970, n'a pas entraîné la disparition de cette intoxication mais a sûrement diminué la méfiance de la population et la connaissance des médecins vis-à-vis de ce gaz toxique. Ce risque fut pendant bien longtemps ignoré des politiques publiques. La région Nord-Pas-de-Calais fut l'une des premières régions touchée par ce risque avec un taux particulièrement élevé d'intoxication au CO. Un réseau de surveillance des intoxications fut donc mis en place dès 1986, coordonné par le Centre Antipoison Régional et associant le Centre d'Oxygénothérapie Hyperbare du CHRU de Lille, les Services d'Urgences des Hôpitaux de la région, les SAMU et SMUR, les Médecins Généralistes, les Sapeurs-Pompiers en collaboration avec la DRASS, les DDASS et les bureaux municipaux d'hygiène et de santé. Depuis 2004, un réseau de surveillance reprenant les principes de ce réseau régional a été mis en place sur l'ensemble du territoire français. C'est l'Institut National de Veille Sanitaire qui en est le coordinateur.

Les pouvoirs publics affichent une volonté récente de lutter contre ce risque. En juillet 2003, la loi Urbanisme et Habitat prévoit l'installation de détecteurs de monoxyde de carbone dans les locaux jugés à risque afin d'éviter les accidents ainsi que dans les constructions neuves. Un décret y "détermine les exigences à respecter et les dispositifs à installer ou les mesures à mettre en oeuvre pour prévenir les intoxications par monoxyde de carbone dans les locaux existants et les constructions neuves...". Successivement, en août 2003, la loi d'Orientation et de Programmation pour la Ville et la Rénovation Urbaine modifie le code de la construction et de l'habitation, et fonde les maires, à prendre, par arrêté des mesures de sécurité en cas de risques existants dans les immeubles collectifs: remise en état ou remplacement des matériels.

Le loi du 9 juillet 2004, relative à la politique de santé publique, renforce cette action et est destinée à favoriser une véritable culture de santé publique et de prévention. Cette loi fixe

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les règles générales d'hygiène publique et toutes autres mesures propres à la santé de l'homme notamment en matière de lutte contre la pollution atmosphérique d'origine domestique. Cette démarche sera consolidée par la circulaire du 12 octobre 2004 relative à la campagne de prévention et d'information du risque CO. Une ordonnance en juin relative au logement et à la construction s'applique en cas de vente d'un bien immobilier et implique la réalisation d'un état des installations intérieures de gaz naturel. Et enfin, le décret du 27 novembre 2008 relatif à la prévention des intoxications par le monoxyde de carbone, met en place un dispositif de prévention et instaure une sanction pénale en cas de non-respect de ce dispositif.

A Roubaix, des campagnes de prévention sont, depuis de longues années, mises en place avant chaque période hivernale et pendant les périodes de froid par le SCHS et le CCAS de la Ville. Des guides de prévention sont ainsi distribués aux ménages lors des visites à domicile et disponibles à l'accueil de la Maison de l'Habitat.

Guide d'information à destination des ménages

www.mairie-roubaix.fr

On en conclut donc que de nombreux dispositifs sont mis en place afin de lutter contre ce risque. Des efforts sont en effet réalisés en matière de surveillance, de prévention et d'information afin de limiter les risques encourus pour les occupants

des logements.

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Le guide « habitat et santé mentale »

Le droit et l'accès au logement, qu'il nécessite ou non un accompagnement, sont des conditions essentielles pour la santé de chacun. Elles demeurent essentielles pour les personnes qui souffrent ou qui ont souffert de troubles psychiques : le logement leur procurant un cadre de vie favorisant une certaine stabilité et un bien-être. On constate cependant qu'à l'heure actuelle les personnes qui souffrent de problèmes mentaux sont régulièrement rejetées et se retrouvent dans les logements les plus dégradés. En effet, les organismes gestionnaires de logements ou d'hébergement, les propriétaires ou encore l'entourage familiale peuvent être confrontés aux attitudes particulières d'une personne en difficulté psychique, dont le comportement peut nuire à sa vie ou celle de l'entourage, ou entraîner des dégradations dans son logement. Ils peuvent donc également être victimes d'isolement et d'exclusion parce qu'ils n'ont pas été pris en charge assez rapidement et que l'entourage n'a pas su faire face aux difficultés. Il est donc nécessaire de leur venir en aide rapidement et de les accompagner dans leurs démarches. Dans cette optique, les acteurs de l'habitat et de la santé mentale de la Métropole Lilloise se sont engagés à travailler ensemble pour le logement des personnes en situation de handicap psychique. Ils ont notamment mis en place un guide pratique partenarial « Habitat et Santé mentale ». Ce guide a été produit par Lille Métropole Communauté Urbaine (au titre de sa compétence « Habitat » depuis 2005 et dans le cadre des orientations de son Programme Local pour l'Habitat), l'Agence Régionale de Santé et les secteurs psychiatriques rattachés (le département du Nord étant organisé en 41 secteurs de psychiatrie dont 18 sur l'ensemble de la Communauté Urbaine Lilloise).

Imprimé en 7000 exemplaires, il doit permettre aux professionnels ou bénévoles d'aider au mieux les actions en faveur du logement des personnes présentant des troubles mentaux. Ce guide pratique, complété par un annuaire, permet en effet de présenter les dispositifs d'accueil, d'hébergement et d'accompagnement à l'accès au logement mais également l'ensemble du dispositif de soin ou encore social à destination de ces personnes.

De nombreux ateliers « Habitat et Santé Mentale » sont également régulièrement organisés. Ils regroupent divers acteurs ayant participé à la réalisation du guide :

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- Les établissements publics de santé mentale de Lille métropole et de l'agglomération lilloise

- L'Association Régionale pour l'Habitat

- La FNARS avec la coopération de plusieurs de ses membres, associations compétentes en matière d'hébergement et d'accompagnement à l'accès au logement

- Le PACT Métropole Nord et les bailleurs sociaux...

Ces ateliers permettent d'améliorer la coopération entre les acteurs et de développer de nouvelles orientations et actions afin de favoriser une meilleure prise en charge des personnes souffrant de troubles mentaux face à l'activation d'un réseau.

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Chapitre 2 : La Maîtrise d'Suvre Urbaine et Sociale

Depuis 2010, Lille Métropole a mis en place un dispositif opérationnel de lutte contre l'habitat indigne à travers une Maîtrise d'OEuvre Urbaine et Sociale. L'objectif était de sortir de l'état d'indignité 650 logements sur l'ensemble du territoire communautaire pour 2012. Ce chapitre présente des actions qui ont été menées dans le cadre de ce dispositif illustré par des études de cas et le bilan que l'on peut en tirer.

1 / La mise en place de moyens adaptés

Le traitement de l'habitat indigne a nécessité la mise en place de moyens adaptés.

Une équipe pluridisciplinaire accompagne les familles dans leur projet de sortie d'indignité. Les ménages accompagnés peuvent être des propriétaires occupants ou des locataires. Dans ce dernier cas, l'équipe pluridisciplinaire, plus communément appelée « opérateur », accompagnera également le propriétaire bailleur dans les travaux de sortie d'indignité et leur financement.

Cette équipe est composée d'un chef de projet, d'un chargé d'opération, d'un technicien et d'un travailleur social afin d'apporter une réponse adaptée et complète pour chaque situation. Un avocat peut intervenir le cas échéant pour solutionner les difficultés juridiques.

Chaque membre de l'équipe a une fonction spécifique :

- Le chef de projet coordonne l'ensemble des interventions des membres de l'équipe,

- Le chargé d'opération est le référent du propriétaire. Il l'accompagnera tout au long de la démarche de réhabilitation. Son rôle consiste non seulement à l'informer de ses responsabilités et de ses devoirs, mais aussi à le mobiliser dans une démarche active afin de sortir le logement de la situation d'indignité dans laquelle il se trouve. Le chargé d'opération maîtrise ainsi les dispositifs d'amélioration de l'habitat.

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- Le technicien intervient pour effectuer un diagnostic des désordres constatés dans le logement. Il accompagne le propriétaire dans la définition des travaux à prévoir. Il réalise les études techniques et d'aides financières en proposant un plan d'aménagement et en estimant le coût des travaux afin d'aider le propriétaire à prendre la meilleure décision quant à son bien. Il est parfois nécessaire de ramener le propriétaire à la réalité des travaux possibles.

- Le travailleur social accompagne les occupants, qu'ils soient locataires ou propriétaires. Sa démarche consiste à lever les freins liés à l'hébergement durant les travaux ou le relogement si celui-ci s'avère nécessaire. Il permet de mettre en place des solutions partenariales adaptées aux problématiques qu'elles soient sociales, sanitaires, juridiques ou financières.

L'ensemble de l'équipe réalise collégialement au moins la première visite du logement. Il travaille en collaboration avec les Services Communaux d'hygiène et de Santé et l'Agence Régionale de Santé. L'avocat, quant à lui, intervient uniquement si sa présence est requise par le travailleur social en tant que conseil dans l'instruction de toute procédure juridique.

Le suivi des dossiers est effectué mensuellement par un comité de suivi local des représentants de :

- La Communauté Urbaine de Lille Métropole,

- Le service Habitat / pôle du parc ancien de la commune,

- Le service Communal d'Hygiène et de Santé de la commune,

- L'Agence Régionale de Santé,

- La Direction Départementale de la Cohésion Sociale,

- La Direction Départementale des Territoires et de la Mer,

- PROCIVIS (qui propose des micros crédits aux propriétaires) et

- Et enfin, l'opérateur.

Ces points mensuels permettent à l'ensemble des acteurs d'apporter un regard complémentaire sur le suivi des dossiers et les moyens financiers et matériels mobilisés par

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ces partenaires pour faciliter la sortie des dossiers (aides ANAH, aides ville pour la réalisation des travaux, prime façade, hébergement temporaire d'urgence...).

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2 / Le déroulement des opérations

Une première visite au domicile par l'équipe pluridisciplinaire permet d'établir un premier contact avec les ménages et d'établir un diagnostic à la fois social et technique. L'objectif de cette visite est de gagner la confiance des familles occupant les lieux et du propriétaire bailleur le cas échéant afin de s'assurer de leur coopération et du bon déroulement du projet. Plusieurs visites sont souvent nécessaires pour créer un lien avec ces ménages et obtenir leur coopération. Il peut arriver lors de la première visite que le logement ne soit pas visité. : Le premier dialogue avec la famille peut se dérouler sur le pas de la porte.

Cette méfiance des familles s'explique par diverses craintes :

- Qu'on leur retire leurs enfants. L'idée de l'ex DDAS qui ne vient que pour retirer les logements est très présente dans la mémoire des familles précaires. La disparition de la DDAS au profit de l'ARS tend à faire reculer cette crainte.

- Qu'ils doivent quitter leur logement sans solution d'hébergement,

- Que leur relation avec leur propriétaire soit dégradée par l'intervention d'un organisme venant juger de la qualité du logement. Il existe en effet régulièrement des tentatives d'intimidation du propriétaire avec des menaces d'expulsion, des violences verbales et physiques si les locataires parlent de l'insalubrité de leur logement.

Dans le cas de propriétaires occupants, il peut être encore plus difficile de créer un lien car ceux-ci sont bien souvent très attachés à leurs logements et craignent une intervention extérieure face à laquelle ils pensent ne pas avoir leurs mots à dire.

Le diagnostic social, établi lors de ces visites, permet d'évaluer la situation tant au niveau d'éventuels problèmes du ménage que de ces besoins. Les problèmes rencontrés par les familles sont en effet nombreux et variés avec parfois la nécessité d'activer un droit à RSA, à CMU...

Dans le cas d'une pathologie en lien avec le logement, des infirmières de l'Agence Régionale de Santé ou du Service de Prévention Santé peuvent également être sollicitées afin d'établir une enquête environnementale dans les cas de saturnisme par exemple et d'apporter des conseils hygiéno-diététique ou de soins que les familles doivent instaurer au quotidien. Les

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occupants présentant des problèmes respiratoires de type asthmatiques ou allergiques

pourront également être reliés au réseau « Asthme et Allergies ».

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Une fois le diagnostic effectué par l'équipe pluridisciplinaire, il est présenté lors du comité de suivi qui définit les actions à mener. Ainsi, des orientations sont fixées pour accompagner les propriétaires dans l'intervention sur le bâti et d'autres sont fixées pour accompagner l'occupant afin d'améliorer ses conditions de vie. Ce sont ces deux champs d'intervention qui contribuent à mettre fin à des situations d'insalubrité.

En effet, l'intervention technique sur le bâti est loin d'être suffisante pour sortir un logement d'une situation d'insalubrité. La dimension humaine et donc l'accompagnement des familles est tout aussi essentiel.

Autrefois, en effet, l'intervention sur le bâti était largement privilégiée au détriment de la dimension humaine qui reprend aujourd'hui toute sa place.

Sur 187 sorties d'insalubrité en 2012, sur le territoire de la communauté urbaine, 38% ont requis un accompagnement social. Les autres situations peuvent laisser croire à une autonomie des occupants, mais pour la plupart, elles relèvent d'arrêtés non soldés (avant MOUS LHI) dont les logements sont devenus vacants suite au départ des occupants et qui ne demandent pas d'activer le volet social.

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3 / L'accompagnement des occupants : un travail

social

L'accompagnement des occupants concerne à la fois les locataires mais également les propriétaires s'ils sont eux-mêmes occupants.

Pour le propriétaire occupant, il se limitera souvent à une mise à plat de divers dossiers administratifs (CMU, RSA...) et à un soutien psychologique dans le changement que représente la prise de conscience de l'état du logement, la décision de faire des travaux, la mise en place de moyens rendant ces travaux possible et le temps d'exécution des travaux.

Il peut arriver aussi que le travailleur social, s'appuyant sur l'analyse technique et financière du dossier, tente de convaincre le propriétaire occupant de quitter les lieux et qu'une vente serait la meilleure solution. Faire accepter ces conditions d'habitat à un propriétaire c'est le contraindre à quitter son statut de propriétaire. Ce qui est souvent psychologiquement difficile.

Pour les locataires, le travailleur social après régularisation de divers dossiers administratifs portera son action surtout sur l'acceptation de l'hébergement temporaire le temps des travaux puis l'appropriation du logement réhabilité lors du retour dans les lieux après travaux. Ces démarches d'hébergement ou de relogement des familles sont au frais de leur propriétaire. Lors des relogements, les familles pourront être accompagnées pendant leur déménagement avec apport éventuel de mobilier par l'association Capharnaüm. Dans le cas d'hébergement temporaire, si aucune solution n'est trouvée, des nuitées à l'hôtel permettront d'accueillir ces familles.

Avant ou en parallèle de ces démarches, il peut toutefois s'avérer nécessaire de traiter avant l'intervention sur le bâti, les difficultés personnelles freinant le relogement des ménages. Ces difficultés peuvent être des problèmes d'addiction ou encore des pathologies mentales. Ces situations révèlent souvent un contexte social et environnemental lourd. Une prise en charge médicale et sociale est essentielle afin de diagnostiquer la maladie, la soigner mais

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également d'instaurer un dialogue pour pouvoir intervenir sur le logement. Les personnes souffrant de pathologies mentales ou d'addiction sont plus que d'autres enclins à ne pas vouloir quitter leurs logements si une hospitalisation s'avère nécessaire ou même refuser de remédier à l'état d'indignité de leurs logements.

Un autre volet important de ce travail sera la prise de conscience par le locataire de ses droits et devoirs envers son propriétaire:

- L'accompagnement des locataires leur permet en effet de faire valoir leurs droits afin d'éviter d'éventuelles tentatives d'intimidation du propriétaire. La SIAVIC (Service Intercommunal d'aide aux victimes) ou encore l'ADIL (Agence Départementale d'Information sur le Logement) permettent non seulement d'accueillir les victimes et de les écouter mais également de les renseigner sur les droits et procédures à engager en cas de litiges avec leur propriétaire. Ces services permettent alors d'accompagner dans les démarches juridiques, administratives et sociales les familles et de les orienter vers un professionnel au besoin.

- Dans certains cas, mais cela est plus rare, l'accompagnement peut également rappeler au locataire ses devoirs envers son propriétaire en l'incitant par exemple en cas de relogement à rendre un logement conforme à l'état des lieux d'entrée. Un manque d'hygiène ou des dégradations du fait du locataire peuvent en effet être constatés. Il peut être difficile, par manque de moyen financier, de leur faire réparer les dégâts qu'ils ont causés et dans des cas de pathologies mentales, l'hygiène du logement peut également être difficile à obtenir. La MOUS LHI informe le propriétaire de ses droits envers son locataire et peut l'orienter vers des structures plus adaptées pour les faire valoir. Elle n'est toutefois pas missionnée pour défendre le propriétaire envers son locataire en cas de dégradation des lieux.

En cas d'hébergement temporaire, un accompagnement peut permettre aux locataires d'apprendre les bonnes pratiques afin de s'approprier au mieux son logement et de l'entretenir "normalement ".

On constate alors qu'il est important de se dégager du triptyque traditionnel dans lequel l'insalubrité d'un logement cache de manière systématique un « mauvais propriétaire » et

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un « locataire victime ». Si les marchands de sommeil illustrent bien ce triptyque, ils ne concernent toutefois qu'une minorité des propriétaires bailleurs.

Certains propriétaires sont dans des situations de précarité telles qu'ils n'ont pas les moyens d'effectuer des travaux dans leur logement, d'autres n'ont pas toujours conscience de l'insalubrité de leur logement (risque saturnin). Les locataires, malgré leur situation précaire, peuvent également au fil des années engendrer l'insalubrité de leur logement.

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Etude de cas

Accompagnement des ménages occupant les lieux

Changement radical du mode de vie après déménagement, Tourcoing

A Tourcoing, un immeuble de trois logements est en situation d'indignité. Le logement en rez-de-chaussée est occupé par une dame seule, âgée de 39 ans, présentant un handicap.

Les deux autres logements vacants, en déshérence, sont squattés d'abord de manière occasionnelle puis de façon pérenne. Le Service d'Hygiène et de Santé de Tourcoing a relevé cette situation en juin 2010 et établit un premier diagnostic social et technique.

D'un point de vue social, le contexte est lourd. La locataire présente un handicap et un problème d'addiction. Celle-ci vivait au milieu de détritus, d'excréments humains et d'animaux. Le logement était complètement dégradé par les squats multiples (absence d'eau, absence de chauffage, et d'électricité). La locataire est suivie par une curatrice qui est dépassée par la complexité de la situation.

Le diagnostic technique fut difficile à mettre en place en raison de squats réguliers. De plus le propriétaire est introuvable. Un incendie aux étages en 2011 a permis de faire découvrir cette situation.

Afin de garantir un relogement définitif dans les meilleures conditions, la locataire pu bénéficier d'un accompagnement et d'une prise en charge de ses problèmes de santé. Le relogement définitif fut difficile à faire accepter à la locataire, celle-ci était en effet très attachée à son logement malgré ses conditions de vie difficiles. La locataire fut hébergée temporairement suite à l'incendie de l'immeuble. Le relogement PACT fut mis en place en octobre 2011. La locataire a été relogée, avec son accord, dans un quartier éloigné de son précédent logement. L'accès à un logement avec confort et une coupure totale avec ses relations antérieures ont métamorphosé la locataire tant au niveau physique que dans l'appropriation de son logement. Un accompagnement social et une intervention d'une association de droit commun, pérenne à domicile pour les tâches quotidiennes ont permis à

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la locataire d'améliorer ses conditions de vie, de rompre avec ses addictions, de prendre soin de sa personne.

L'immeuble fut muré, suite à l'incendie et à l'absence du propriétaire, aucune réhabilitation n'est à l'ordre du jour. Une procédure est en attente afin de définir un projet.

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4 - L'accompagnement des propriétaires : un travail technique

Concernant l'accompagnement du propriétaire, il existe deux démarches de suivis :

- Soit le logement, est frappé d'un arrêté et dans ce cas le propriétaire a l'obligation de réaliser les travaux prescrits afin de remédier à l'insalubrité et / ou péril du logement (volet coercitif Agence Régionale de la Santé ). Cela concerne 46% des logements engagés dans la MOUS sur le territoire de Lille Métropole.

- Soit, pour les autres situations, sans arrêté, il est convenu par une médiation préalable dont la durée est déterminée. L'objectif est de juger l'engagement du propriétaire vers un projet qualitatif pour son logement, avant de formaliser une procédure de police sanitaire dans les cas d'inaction. Ce choix concerne exclusivement des logements repris par des investisseurs ou des propriétaires occupants.

Les propriétaires bailleurs sont automatiquement soumis à une procédure de police dans le cas où la location du logement est avérée.

L'engagement dans une démarche de travaux est jalonné par quatre étapes importantes:

- Montage du dossier technique (Déclaration d'Urbanisme, devis...)

- Recherche de financements (demande de subvention, prêt...)

-Réalisation des travaux

-Solde du dossier (travaux d'insalubrité, levée d'insalubrité...)

Ces étapes ne sont cependant pas toujours faciles à mettre en place. On constate en effet que sur les 183 propriétaires accompagnées dans la MOUS entre 2011 et 2012, 2/3 sont engagés dans une démarche de travaux. 1/3 des propriétaires n'a pas encore basculé en phase active de suppression de l'insalubrité. Dans ces cas précis, il convient alors d'engager une médiation avec le propriétaire et un dialogue afin d'intervenir sur d'autres thématiques comme la santé pouvant bloquer la démarche de projet. Il peut alors également s'avérer nécessaire en cas de problématique financière d'envisager une revente du bien ou un glissement de bail.

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L'accompagnement mis en Suvre est donc nécessaire afin d'identifier le patrimoine du bailleur, ses possibilités d'hébergement (si présence d'un locataire) et sa stratégie. L'intervention visera au maximum le maintien des locataires dans les lieux avec hébergement et retour à domicile.

Des exemples de cas concrets sur Roubaix et Tourcoing engagés dans le cadre la MOUS LHI vont permettre de mettre en évidence différents cas de figure d'accompagnement des propriétaires.

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Etude de cas

Projet de sortie d'indignité

Rue des Arts, Roubaix

A Roubaix, rue des Arts, un propriétaire a acheté en 2010 un immeuble vacant en vue de sa location, il s'agit d'un T4 de 84 m2. L'immeuble est situé à proximité du métro, en plein centre-ville.

Suivi MOUS LHI

PACT

Le SCHS de la ville est intervenu au domicile dans le cadre de son partenariat avec la CAF pour évaluer la décence du logement avant sa mise en location. Un rapport du SCHS a mis en évidence un constat d'insalubrité. Le partenariat avec la MOUS LHI a été mis en place sans procédure ou échéance d'hébergement ou de relogement, puisque le logement a été acheté sans locataire et qu'il s'agit d'un nouveau propriétaire. Le constat d'insalubrité met en évidence de multiples travaux à réaliser. Ces travaux sont relativement classiques en matière de procédures d'insalubrité.

Le logement n'est pas raccordé au réseau d'assainissement public, le logement n'est pas suffisamment isolé au niveau thermique et phonique, l'ensemble des menuiseries, couverture et chéneaux sont en mauvais état et entraînent de nombreuses infiltrations,

l'escalier ne dispose pas de rampes d'accès. Les équipements sanitaires sont vétustes. L'électricité n'est pas aux normes et le logement ne dispose pas de moyen de chauffage.

Photos du constat d'insalubrité du logement

PACT

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La médiation avec le propriétaire a permis d'engager un réel projet de qualité pour la sortie d'indignité de son immeuble. La visite du logement s'est faite en 2010, les travaux ont commencé en 2011 avec les subventions ANAH et le constat de fin de travaux a été fait en 2012. Le montant des travaux est de 121 000 euros TTC. Les travaux furent subventionnés par l'ANAH à hauteur de 72 000 euros, ce qui fut particulièrement intéressant pour le propriétaire.

Photos de l'avancement des travaux

PACT

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Ces projets de sortie d'indignité ne sont cependant pas toujours faciles à mettre en place et le dialogue avec le propriétaire peut être complexe à engager, voire même inexistant. Il convient pour cela d'identifier différents « types » de propriétaires.

Le propriétaire de l'immeuble de la rue des Arts à Roubaix est un investisseur. Il achète de nombreux biens, qu'il réhabilite afin de les mettre en location. Il connaît bien la procédure engagée et les intérêts qu'il peut y trouver (réhabilitation avec subventions ANAH, défiscalisation et location à loyer maîtrisé pendant 9 ans). Il profite ainsi de l'accompagnement du PACT pour réhabiliter son patrimoine et créer de la mixité sociale.

Ce propriétaire connaît bien ce quartier, il y a toujours vécu et y possède plusieurs maisons qu'il loue. Il cherche d'ailleurs à l'améliorer, le dynamiser en jouant sur la couleur des façades et en recherchant de la mixité sociale...

Après 9 ans d'obligation de pratiquer un loyer maîtrisé très social dans le cadre des subventions ANAH, le propriétaire pourra soit revendre son bien, soit fixer un loyer libre.

La communication et la démarche de "faire" avec ces propriétaires investisseurs est particulièrement aisée. Ce n'est cependant pas le cas dans toutes les démarches. On retrouve en effet des propriétaires bailleurs qui rentabilisent à moindre coût. Ils sont alors qualifiés de bailleurs indélicats, voire de marchands de sommeil. Un volet coercitif avec le Service Communal d'Hygiène et de Santé et l'Agence Régional de la Santé est généralement nécessaire dans ce genre de situation.

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Rue Vauban, Croix

A Croix, rue Vauban, un propriétaire occupant possède deux maisons insalubres dans la même rue. Les maisons sont situées en centre-ville. Il dit vivre dans un des logements avec sa femme et son enfant et ne pas occuper l'autre. L'autre logement serait uniquement un lieu de stockage d'objets divers (il n'y a pas de syndrome de Diogène). L'agent social et la chargée d'opération suspecte toutefois qu'il occupe les deux logements.

Le propriétaire n'a pas les moyens financiers suffisants pour occuper et réhabiliter les deux logements. Il va donc vendre l'un des deux à un investisseur (réhabilitation pour mise en location).

Le propriétaire entame une démarche de réhabilitation du second logement afin d'y vivre avec sa conjointe et son enfant.

Le constat d'insalubrité préconise des travaux de réhabilitation importants pour sortir le logement de son indignité. Le propriétaire doit tout d'abord remédier à la mise aux normes et en sécurité de son logement par une installation électrique aux normes et reliée à la terre. Il doit installer un système de chauffage adéquat avec ventilation (le poêle à gaz utilisé avec absence de ventilation haute et basse représente un danger pour les occupants). Le logement ne dispose pas de sanitaires (WC extérieur au logement et pas de salle de bain) n'y d'eau chaude. Le propriétaire doit donc y remédier.

Les travaux concernent également l'ensemble des menuiseries vétustes, la couverture provoquant des infiltrations au sein du logement, la façade et l'assainissement. Il s'agit de travaux importants pour un ménage précaire.

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Photos du constat d'insalubrité

PACT

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Le dialogue est plus complexe avec ce propriétaire. Il s'agit d'un propriétaire occupant son logement. Il refuse les subventions ANAH qui le contraignent à recourir à des entreprises qu'ils jugent trop coûteuses. Il a donc recours au travail au noir. Il y a une véritable culture du "travail au black" à Roubaix. De nombreux propriétaires occupants ou bailleurs y ont recours. Ils font appellent à « des amis », de la famille, une connaissance pour refaire leur électricité, système de chauffage...

Ce sont bien souvent des ouvriers non compétents qui effectuent du " rafistolage " avec des matériaux cache-misère. L'électricité ou le chauffage, ainsi bricolés, ne sont souvent pas aux normes et peuvent représenter un danger pour les occupants du logement.

Les travaux n'étant pas satisfaisants, le dossier n'est toujours pas soldé.

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Rue du Général Chanzy, Roubaix

A Roubaix, rue du Général Chanzy (quartier Moulin), un couple de propriétaires occupants avec trois enfants occupent une maison familiale. Cette maison appartenait aux parents du propriétaire. C'est donc un héritage auquel le ménage est particulièrement attaché. Cependant, suite à une première visite des lieux en 2012 par le Service Communal d'Hygiène et de Santé, le logement a été reconnu en état d'insalubrité. Les photos montrent par ailleurs la présence de moisissures mais également de peintures écaillées. Le Service Communal d'Hygiène et de Santé a relevé la présence de plomb dans les peintures. Le logement représente donc un danger pour la santé des occupants notamment les trois enfants mineurs.

Photos du constat d'Insalubrité

PACT

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Le montant des travaux a été estimé à 82 000 euros couvert à hauteur de 55 400 euros par les subventions ANAH. Les 27 000 euros restants, seraient donc à la charge du propriétaire, or, c'est un ménage très précaire. Il ne dispose pas des ressources suffisantes pour accomplir ces travaux et ne souhaitent pas vendre la maison au vu de l'attachement familial qu'elle représente.

Dans ce cas présent, afin que la famille préserve son patrimoine, c'est le PACT qui va reprendre le bail de la maison et se substituer au propriétaire afin d'accomplir les travaux. Le PACT devient donc le nouveau propriétaire du logement pendant plusieurs années et le ménage occupant le logement paye un loyer mensuel afin de rembourser ses dettes et récupérer son bien. Dans le cas de la rue du Général Chanzy, le loyer mensuel est fixé à 334 euros par mois. La famille redeviendra propriétaire du bien au bout de 38 ans.

Ce compromis n'a pas été facile à mettre en place avec la famille puisqu'en effet pour de nombreux ménages, ce glissement de bail représente un réel échec. Ils ont le sentiment de perdre leur maison.

Cela peut, de plus, être contraignant puisqu'en cas de décès des parents, la maison ne revient pas aux enfants s'ils sont mineurs. D'autres locataires seront choisis par le PACT en attendant leur majorité. De plus, le PACT dispose d'un droit d'expulsion sur ces ménages puisqu'ils ne sont plus propriétaires mais locataires de leur logement.

Ce compromis peut donc effrayer de nombreux ménages. Un dialogue constructif et une confiance forte est nécessaire afin de mener à bien un projet de sortie d'indignité par ce

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type de procédure. L'opérateur et plus particulièrement l'agent social et le chargé de mission accompagnent la famille dans cette démarche.

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L'intervention sur les immeubles occupés par des propriétaires est relativement complexe. Peu de procédures d'insalubrité sont engagées, excepté pour des situations de péril ou à risque élevé. Il est en effet très rare que des propriétaires formulent une demande d'aide à la sortie d'insalubrité, ils vont être orientés suite à d'autres problématiques qui permettent de découvrir la situation d'insalubrité ou lorsqu'un signalement est fait par le voisinage ou une assistante sociale... Il s'agit en général de situations très complexes dans lesquelles on retrouve de véritables problématiques sociales, financières, juridiques et sanitaires. Ainsi, en avril 2012, des priorités d'intervention ont été définies afin d'améliorer l'accompagnement de ces ménages.

En fonction du diagnostic établi, l'intervention pourra soit concerner l'état du logement uniquement, soit l'état du logement et une autre problématique pouvant être traitée en parallèle, soit concerner l'état du logement et plusieurs autres thématiques, qu'il convient de traiter avant de pouvoir intervenir sur le bâti.

Chaque situation de sortie d'indignité est différente, il n'y a pas de « recette miracle » qui permettrait leur traitement. Le travail de l'équipe pluridisciplinaire est donc essentiel afin de s'adapter à ces situations et d'établir un dialogue et un lien de confiance avec la famille occupant les lieux et le propriétaire s'il est différent, afin de mener au mieux un projet viable. Claude Dujardin, directeur du Service Communal d'Hygiène et de Santé de Roubaix indique d'ailleurs dans « La France Invisible » : « L'insalubrité ce n'est pas qu'une histoire de briques, il y a de l'humain derrière ». Il est donc essentiel de prendre en compte cette dimension humaine et sociale dans chaque traitement d'indignité, parfois avant même le traitement du bâti lui-même.

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Conclusion

In fine, l'habitat et la santé constituent, pour tout être humain, deux préoccupations essentielles. Les attentes en la matière ne cessent jamais de croître si bien qu'aujourd'hui ces deux concepts se sont fortement élargis par rapport à leur acception traditionnelle. Il a été clairement établi que ces deux concepts sont fortement liés et que si certaines pathologies peuvent être à l'origine de l'insalubrité d'un logement, certaines conditions de logement sont réciproquement pathogènes. L'insalubrité d'un logement peut en effet entraîner :

- Une intoxication ou une imprégnation par le plomb,

- Des allergies, des maladies respiratoires ou des problèmes dermatologiques, - Des problèmes d'hygiène ou de nutrition

- Une certaine souffrance et un mal-être psychique pouvant amener à de véritables pathologies mentales...

Ces conséquences pathogènes de l'habitat insalubre sont aujourd'hui reconnues. Bien qu'elles soient relativement évidentes, elles ne sont pas toujours faciles à apprécier et à maîtriser.

En effet, certaines pathologies, ouvrent de nouveaux champs d'investigation: c'est le cas notamment du nouvel intérêt autour de l'habitat indigne axé sur le thème "Habitat et santé mentale ".

De part son histoire, marquée corrélativement par un développement important de la mono industrie textile et une densification de l'habitat à la fin du XIXème siècle, la Ville de Roubaix présente un parc de logement en grande partie dégradé. Nombreuses sont donc les situations où l'insalubrité de ce parc de logements entraînent des difficultés sanitaires chez les occupants.

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Afin d'y remédier, Lille Métropole Communauté Urbaine et plus particulièrement, au sein de cette métropole, la Ville de Roubaix, disposent de différents outils opérationnels ou de partenariats qui lui permettent de traiter non seulement l'insalubrité des logements d'un point de vue technique mais également d'apporter une solution aux autres difficultés ( sanitaires, juridiques, sociales...) qui peuvent y être corrélées. Ces partenariats sont divers. Ils peuvent impliquer des acteurs spécialisés du logement comme la CAF ou l'ANAH ou encore des partenariats médicaux ou sociaux, comme le Centre Hospitalier, le Centre de Prévention Santé, le CCAS, les UTAPS (...) pour traiter de risques sanitaires spécifiques ou encore pour aider des ménages fragiles aux situations précaires qui n'ont d'autres choix que de se replier sur ce "troisième marché du logement ", « logement social de fait ».

Ce parc de logement dégradé se caractérise par une pluralité et une diversité de situations, que ce soit par les difficultés personnelles que peuvent rencontrer ces ménages mais également par les caractéristiques précises de dégradations qui caractérisent le logement. Il n'existe donc pas de " recette miracle " ou de procédure unique qui permettrait leur traitement. La participation de l'équipe pluridisciplinaire (qui intervient dans le cadre de la MOUS LHI) et des divers partenaires participant aux projets de sortie d'indignité est donc essentielle. Elle permet de s'adapter à chaque situation et de trouver la meilleure réponse dans le traitement de l'insalubrité et des autres situations d'indignité.

Le traitement des situations d'habitat indigne, pour qu'il soit le plus fructueux possible, ne nécessite en effet pas qu'une intervention technique sur le bâti puisqu'il a été clairement établi que l'insalubrité n'implique pas que des dégradations dans le logement (conséquences sanitaires et/ ou sociales corrélées) . Il est essentiel de prendre en compte la dimension humaine et sociale dans chaque projet de sortie d'indignité, parfois même avant l'intervention sur le bâti lui-même.

Les outils techniques et juridiques existent, mais faire reculer l'insalubrité et l'indignité en général, ainsi que leurs conséquences sanitaires et sociales pour les familles et indirectement la société dans sa globalité, implique un effort constant et soutenu d'information, de prévention, de traitement technique et d'accompagnement social qui doit

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mobiliser tous les partenaires potentiellement concernés. C'est un véritable projet collectif qui doit se décliner tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle territoriale de la plus petite collectivité.

Bibliographie

SORMAN . J, LAPIERRE . E, " L'Inhabitable ", Pavillon de l'Arsenal, 2011, 160 pages.

GIRAULT J, FOURCAUT. A, " La question du logement et le mouvement ouvrier français ", Les éditions de la Villette, 1981, 245 pages.

Conception par l'Institut Français d'Architecture, " Roubaix Alma-Gare Lutte urbaine et architecture ", Editions de l'atelier d'art urbain, 1982, 167 pages.

Conception Fédération des PACT, " Prendre en compte le risque santé dans l'habitat existant" , PACT, 2010, 131 pages.

FURTOS Jean, " Quelques aspects de la santé mentale concernant l'habitat dans l'accompagnement des personnes précaires", Observatoire National des pratiques en santé mentale et en précarité, 2010,5 pages

LINDGAARD Jade, RUHLMANN, BEAUD Stéphane, " La France invisible ", La découverte, 2006, 647 pages.

DUJARDIN Claude, " Outils opérationnels contre l'insalubrité ", Formation INSERM, 2006-2007

GIRARDON Lucie, " La place de l'habiter dans le corpus psychiatrique ", Thèse Faculté de médecine Lyon Est, Université Claude Bernard, 2011, 136 pages.

MAZOYER Charlotte,"Habitat indigne et problèmes de santé ", Mémoire de droit et de sciences politiques Université Aix-Marseille III Paul Cezanne, 2009-2010, 116 pages.

DEMADE PELLORCE Frédéric," La requalification de l'habitat ancien roubaisien", Mémoire Master 2 Villes et Projet Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de Lille, 2010, 155 pages.

Atelier de la DIHAL, " Santé- Habitat Etat des connaissances ", Direction Générale de la Santé, 2013, 55 pages.

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DIHAL," La lutte contre l'insalubrité : quelques éléments historiques ", Pôle LHI, 2003, 3 pages.

146

Comité de rédaction APPA, " Monoxyde de carbone ", Comité régional Nord Pas de Calais de l'APPA, 2007, 55 pages.

Agence Régionale de Santé, "Guide pratique :Le saturnisme intoxication par le plomb ", ARS, 2010, 20 pages.

Comité de rédaction Ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, " Les bruits de voisinage ", 2000, 24 pages.

Comité de rédaction Pôle national de Lutte contre l'habitat indigne, "Guide pratique à l'usage des acteurs / La lutte contre l'habitat indigne : méthodes et choix des procédures ", PNLHI, 2010, 186 pages.

MOUS, " Livret d'expériences : une réponse adaptée aux situations d'insalubrité ", 2012, 27 pages.

Archives nationales du Monde du Travail Roubaix, " L'Abbé Pierre 1912-2007 Frère des pauvres provocateur de paix ", 2012, 160 pages.

Webographie

www.ville-roubaix.fr www.lillemetropole.fr www.lemonde.fr www.fondation-abbe-pierre.fr www.anah.fr www.sante-iledefrance.fr www.geographie.ens.fr www.persee.fr www.med2.univ-angers.fr www.cairn.info.fr www.pact-arim.org www.sante.gouv.fr www.paris.fr www.territoires.gouv.fr www.habiter.org www.insee.fr

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Entretiens et travail de terrain

- Visites de logements insalubres roubaisiens lors de la mise en place des diverses procédures avec les Inspecteurs de Salubrité et les Chargés de Mission " Habitat Indigne " et "Procédures avancées " de la Ville.

- Participation au CODERST et aux réunions d'avancement MOUS LHI.

- Participation aux réunions avec les partenaires Ville: " Asthme - allergies ", " Habitat et Santé Mentale "...

- Entretiens menés avec acteurs du PACT : Madame Isabelle DAUCHY ( chargée de mission réhabilitation durable ), Madame Laetitia GUYART ( chargée d'opérations ), Madame Alice CAUCHY ( agent social ) et Madame Karima HAMMOUCH ( Responsable Action Sociale ).

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Anagrammes

ADIL: Agence Départementale d'Information sur le Logement

ANAH : Agence nationale de l'habitat

ANRU : Agence Nationale de Rénovation Urbaine

ARS: Agence Régional de Santé

CAF : Caisse d'Allocations Familiales

CAH : Commission pour l'Amélioration de l'Habitat

CHRU : Centre Hospitalier Régional Universitaire

CMU : Couverture Maladie Universelle

CO : Monoxyde de Carbone

CODERST : Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques

CMEI : Conseiller Médical en Environnement Intérieur

CSP : Code de la Santé Publique

DDAS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales

DRASS : Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales

EPCI : Etablissement Public de Coopération intercommunale

HBM : Habitation Bon Marché

HLM : Habitation à Loyer Modéré

INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

LMCU : Lille Métropole Communauté Urbaine

MOUS LHI : Maîtrise d'Ruvre Urbaine et Sociale Lutte Habitat Indigne

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

OPAH : Opération Programmée pour l'Amélioration de l'Habitat

ORL : Oto-rhino-laryngologie

PACT : Programme d'Action Contre les Taudis, anciennement Propagande d'Action Contre les Taudis

PDALPD : Plan Départemental d'Action pour le Logement des Personnes défavorisées

PRSP : Plan Régional de Santé Publique

RHI : Résorption de l'Habitat Insalubre

RDS: Règlement Sanitaire Départemental

RSA : Revenu de Solidarité Active

SAMU : Service d'Aide Médicale Urgente

SCHS : Service Communal d'Hygiène et de Santé

SIAVIC : Service Intercommunal d'Aide aux Victimes

SIEMP : Société Immobilière d'Economie Mixte de la Ville de Paris

SMUR : Service Mobile d'Urgence et de Réanimation

SRU : Solidarité et Renouvellement Urbain

VMC : Ventilation Mécanique Contrôlée

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Annexes

Modèle de Grille de Cotation :

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand