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L'artiste et la ville en Hauts-de-France. Le cas du parcours d'art contemporain d'Amiens métropole.


par Julien Cossart
Université de Picardie Jules Verne - Master 2 Culture, Patrimoine et Innovations Numériques 2020
  

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V. Les revenus artistiques

Je tenterai, dans cette partie, de restituer ce qui peut constituer l'ensemble des revenus artistiques, les revenus que peuvent percevoir les artistes à travers leur activité artistique; avec ce que j'ai appris des entretiens avec les plasticiens rencontrés.

Vivre de son activité artistique peut inclure un rapport particulier à l'économie. Quelques artistes m'ont ainsi confié avoir un mode de vie dans lequel ils tentent de réduire leur consommation de biens; que ce soit par conviction ou par nécessité économique. Si je n'ai pas précisé les sommes perçues par les artistes, Daniela Lorini m'a avoué vivre avec moins d'un SMIC par mois; soit 1.219€114. Sur le modèle de l'art comme vocation, la démarche de l'artiste ne suit pas, à première vue, l'intérêt économique (« Non, moi je l'inclue dans mon chemin de recherche, d'artiste. Je n'attends pas.. Ça, il ne faut pas trop le crier sur les toits, mais tant que je peux faire comme ça.. »115, « Et puis, parfois, certaines expos, comme pour à Vienne, je vais pas lui demander du tout de me payer, c'est pas ... Ça se réfléchit pas de manière financière. »116) mais, comme nous l'avons vu précédemment, davantage la recherche d'un équilibre entre une source de revenus et du temps pour créer (« J'essaie de gagner juste ce qu'il me faut pour vivre et pour ménager du temps pour ma

112 Entretien avec Violette Mortier

113 Entretien avec Louis Clais

114 Site Service-Public.fr.

115 Entretien avec Katerini Antonakaki

116 Entretien avec Louis Clais

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création. C'est le rapport au temps qui est important pour moi; c'est de me garder du temps en fait, du temps de vie, du temps pour faire d'autres choses. »117). Cependant, il existe bien une économie de l'art et l'activité artistique est une manière d'être rémunéré; et si il peut être compliqué de vivre de son art, ce que je pense avoir prouvé à ce stade du mémoire, des manoeuvres existent aussi de la part des artistes (« Après, pour le Parcours, il y a une indemnisation je dirais, plutôt qu'une paie. Malheureusement, les chiffres, je ne m'en rappelle pas du tout, parce que c'est l'administration de l'association qui s'en occupe. [...] Après, par contre, ce projet là, ces oeuvres là, moi je vais les proposer dans mon milieu, dans le réseau; là ça serait comme des installations à faire venir, donc à rémunérer. »118).

En effet, des oeuvres exposées permettent à l'artiste de percevoir des droits de présentation publique; aussi appelé droit d'exposition ou droit de monstration. C'est d'ailleurs sous ces droits, qui sont une forme de droits d'auteur, que les artistes seront rémunérés pour le Parcours d'Art Contemporain; une partie des frais de production étant aussi indemnisée. Les droits d'auteur ont alors été cités comme une importante part de leurs revenus pour une partie des artistes (« Il y a une grande partie des revenus qui sont des droits d'auteurs en fait. Je touche sur des images qui sortent dans des catalogues. Ou des droits de monstration; c'est-à-dire que, par exemple, là, j'expose une série de parapluies qui s'appelle Paraciels, au Puzzle, à Thionville, c'est une pièce qui est « louée » si tu veux, je touche de l'argent sur la monstration de cette production. »119). Dans le cas de Nicolas Tourte, la rémunération de ses droits d'auteur est permise par son adhésion à une société d'auteurs, l'ADAGP; société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques.

Je dois encore mentionner le rôle important de la DRAC, de la même manière que pour l'Allocation d'Installation d'Atelier, concernant l'Aide Individuelle à la Création disponible pour les artistes. Plus de la moitié des plasticiens rencontrés ont ainsi bénéficié de cette aide; d'autres la demandent mais n'ont pas encore pu en bénéficier. En obtenant cette aide durant 2 ans, en 2018 et 2019, Gabriel Folli a pu mener un projet multimédia, entre croquis et Polaroid, sur la désindustrialisation dans l'Aisne (« J'ai une bourse de la DRAC et du Conseil Régional aussi. Bon, des bourses relativement basses, tu vois, parce que j'ai pas trop demandé; mais bon, c'est le genre de dispositif aussi qui permet à l'artiste de pouvoir travailler sur des oeuvres, enfin, sur des projets plutôt, et puis d'être un peu serein également pendant ne serait-ce que quelques mois. »120). Dans la citation de Gabriel Folli, relevons la manière par laquelle une oeuvre devient un projet, cela sera l'intérêt de la dernière partie de ce chapitre. L'attribution de l'Aide Individuelle à la Création peut

117 Entretien avec Marion Richomme

118 Entretien avec Katerini Antonakaki

119 Entretien avec Nicolas Tourte

120 Entretien avec Gabriel Folli

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aussi être importante comme étant une forme de reconnaissance de la pratique artistique; le dossier à remplir nécessitant de mettre des mots sur sa pratique, de porter un discours autour de ses oeuvres. Cette reconnaissance a permis à Aude Berton de relancer son travail artistique après une « pause » consacrée à l'enseignement (« Ce qui a permis de faire ce rebondissement dans mon travail c'est l'attribution de l'aide à la création de la DRAC; ça m'a permis de ... Quand on fait un dossier comme celui-ci, on doit présenter son travail, alors vous imaginez que ça a été un peu compliqué puisque j'ai eu une sacrée coupure dans mon parcours artistique. Ça a été, pour moi, le moyen de faire le bilan de ce que je faisais et de ce qui est aujourd'hui, et puis de me motiver à continuer. »121). Jusqu'à maintenant, je ne parlais que de la DRAC et des aides disponibles pour les artistes plasticiens; ces aides, individuelles, ne sont pas les seules que l'activité artistique permet d'avoir. C'est ce que j'ai vu avec le cas de Katerini Antonakaki. Antonakaki est intermittente du spectacle et travaille principalement au sein de l'association La Main d'Oeuvres dont elle est coresponsable artistique; notons que seule l'administratrice de l'association est salariée (« Là, on est trois. Surtout, c'est elle qui est vraiment salariée de l'association, nous on est intermittent. Je peux dire à un cinéaste de venir, il va être au même titre que moi. Responsable artistique, ça n'a pas de valeur juridique. »122). Comme nous avons pu l'expérimenter cette année avec l'association Robins des Arts, la forme associative permet de prétendre à des subventions afin de financer les artistes ou encore pour répondre à des frais de fonctionnement. Les collectivités territoriales, la Région Hauts-de-France, le Département de la Somme, mais aussi Amiens Métropole soutiennent ainsi l'association La Main d'Oeuvres et l'activité artistique de Katerini Antonakaki (« On a des aides ou des subventions pour créer nos spectacles, nos projets plutôt. Et, de là, on nous paie pour le projet; et après on vend ce spectacle et on est rémunéré pour aller jouer. »123). Si d'autres plasticiens postulent à des concours et des prix artistiques, Katerini Antonakaki est la seule artiste du Parcours d'Art Contemporain à avoir bénéficié d'une aide privée au cours de sa carrière; à travers une bourse de la fondation Onassis qui lui a permis de venir étudier en France. Cette fondation communique encore l'activité de Katerini Antonakaki et l'a aussi invité pour une production en Grèce.

Abordons une autre source de revenus pour les artistes. Bien qu'ils aient tous répondu ne serait-ce qu'à celui d'Amiens Métropole pour le Parcours d'Art Contemporain, ces derniers répondent différemment aux appels à projets. Si certains, avec une démarche artistique qui leur est propre, construisent leur travail à partir des appels à projets auxquels ils répondent, tels que Rémi Fouquet, d'autres ne répondent que rarement à ces appels, tels que Gabriel Folli ou Nicolas Tourte

121 Entretien avec Aude Berton

122 Entretien avec Katerini Antonakaki

123 Ibid.

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Globalement, je réponds pas énormément aux appels à projets. »124). Deux principales raisons ont été évoquées par les plasticiens concernant leur peu de réponses. La première de ces raisons est le temps nécessaire à la réalisation du dossier artistique. En effet, chaque appel nécessite, de fait, un projet artistique qui doit répondre à des attentes précises. Ce projet doit être pensé, construit, mais la sélection de l'artiste reste tout de même incertaine, cela peut être vu comme une perte de temps pour lui (« C'est un investissement temps qui est hyper lourd pour, souvent, une réponse négative. »125). En lien avec cette question de la sélection des artistes, le manque de propositions entraîne une concurrence élevée entre les plasticiens; au moment où j'écris ces lignes, 11 appels à projets sont recensés sur le site du Centre National des Arts Plastiques126 et 15 sur le site du CIPAC, la Fédération des Professionnels de l'Art Contemporain127J'essaie, globalement, d'être le plus possible artiste à temps plein, ce qui est quand même assez difficile parce qu'il faut répondre à des appels à projets, on est pas toujours sélectionné, il y a beaucoup de monde qui fait les mêmes appels, il y a peu d'offres. Peu d'offres avec, aussi, des offres intéressantes, il y a souvent des projets où tu n'es pas payé; donc, ça, j'ai arrêté de faire ça, c'est pas rentable, clairement, tu peux pas vivre avec ça. »128). Les rémunérations proposées dans les appels à projets est la seconde raison pour laquelle les artistes ne répondent que peu à ces derniers. En effet, un budget est souvent attribué indépendamment du projet artistique et de ses frais de production, la rémunération ne couvre alors pas tout le temps les dépenses du plasticien comme me l'expliquait Rémi Fouquet (« Il y a beaucoup d'appels à projets auxquels je ne réponds pas, parce que c'est pas rémunéré correctement, parce qu'ils donnent une enveloppe alors qu'on fait un projet, derrière, qui demande à la fois énormément de temps, qui demande aussi des frais de production importants, etc; et, si on peut même pas se rémunérer dessus, c'est pas possible. »129).

Les appels à candidatures permettent, à certaines occasions, d'accéder à une résidence d'artiste. Bien que les difficultés soient en partie les mêmes pour être sélectionné (« Il m'est arrivé de postuler pour des résidences. Mais je suis pas retenu, mais je repostule et je repostule; même si c'est payant, je paie. »130), les plasticiens du Parcours d'Art Contemporain y répondent davantage et ces résidences sont même la première source de revenus pour Nicolas Tourte, ce dernier me disant en entretien qu'il habite la moitié de l'année à Lille et l'autre moitié de l'année en résidence d'artiste. La résidence d'artiste se définit comme telle. « Une résidence est un lieu qui accueille un ou plusieurs artistes pour que celui-ci ou ceux-ci effectuent un travail de recherche ou de création,

124 Entretien avec Gabriel Folli

125 Entretien avec Nicolas Tourte

126 Site Internet du Centre National des Arts Plastiques.

127 Site Internet du CIPAC - Fédération des Professionnels de l'Art Contemporain.

128 Entretien avec Marion Richomme

129 Entretien avec Rémi Fouquet

130 Entretien avec Franck Kemkeng Noah

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sans qu'il n'y ait d'obligation de résultat. La création sera facilitée grâce à la mise à disposition d'un lieu de vie et de création, des moyens financiers, techniques et humains. Sur le terrain, cet idéal est très souvent bousculé et les conditions de résidences sont multiples, différentes et inégales quant à l'aide et au soutien apportés aux artistes dans ce cadre. »131 Pour citer quelques exemples, 2 des artistes rencontrés, Daniela Lorini et Nicolas Tourte, ont remporté le prix Wicar, une résidence de 3 mois dans un atelier de Rome appartenant à la ville de Lille, Daniela Lorini a aussi été sélectionnée pour la résidence AIRLab (Artiste en Immersion Recherche dans un Laboratoire) où elle a pu travailler avec des scientifiques pour réaliser une oeuvre.

Vous aurez peut-être remarqué, suite aux sources de revenus artistiques qui viennent d'être mentionnées, le manque de la vente d'oeuvres parmi celles-ci. Si les plasticiens rencontrés peuvent vendre certaines de leurs oeuvres, cette pratique marchande reste moindre sur mon terrain d'enquête (« La vente d'oeuvres c'est quasiment 0% de mes revenus. »132); c'est ce que nous allons voir dans la partie suivante.

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