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Internet sous l'oeil des services de renseignement

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par Isabelle Laumonier
Université Paris I Sorbonne - DEA Communication, Technologie et Pouvoir 2003
  

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b. Le cas NSA

« Dans plusieurs secteurs de la vie internationale ou économique, les services sont aujourd`hui concurrencés, dépassés ou inopérants. Ils le sont autant par défaut que par impossibilité d`occuper l`ensemble du terrain.[...] Les grands services de renseignement doivent repenser leur stratégie.[...] Les géants, les monstres de la Guerre Froide ont vécu »157.

A ce titre, l`exemple de la NSA est édifiant : entre 1990 et 1997, le personnel a été réduit de 17,5% et en 1997, le budget de la NSA était revenu à son niveau de 1980. Dans le même temps, de nombreux satellites espions s`éteignaient sans être remplacés158. Bien sûr, le 11 septembre 2001 a fait évoluer la situation, les crédits alloués aux services de renseignement étant brutalement augmentés. Cependant, la décennie 1990-2000 a fortement fragilisé l`agence.

La fin de la Guerre Froide a constitué un véritable bouleversement pour la NSA. Parmi les conséquences immédiates, l`agence a dû proposer de nouvelles formations à ses employés face à une géopolitique transformée, et entre autre, inciter à l`apprentissage des langues rares. Dans un

156 « Un petit pouvoir informationnel mène loin », David J. Lonsdale, Information power : Strategy, Geopolitics, and the Fifth Dimension 157 B. Besson, J.C. Possin, Du renseignement à l`intelligence économique, Dunod, Paris, 2001, p. 237 158 Chiffres et informations issus de l`ouvrage précédemment cité de James Bamford, p.549

monde où les conflits locaux se multiplient, où les communications via Internet peuvent être faites en quelque langue que ce soit, il devient urgent pour les services de renseignement de recruter des linguistes spécialisés dans toutes les langues rares, et non plus seulement des russophones . Michael McConnell, directeur de la NSA de 1992 à 1996 s`exprimait ainsi : « Nous sommes confrontés à un challenge linguistique dont les proportions sont sans cesse croissantes »159. La NSA s`est donc vue obligée de revoir ses programmes de recrutement, l`une des priorités étant depuis 2000 de recruter des personnes maîtrisant des langues dites « exotiques ». Dans le même temps, l`agence dut faire face à la multiplication des cryptosystèmes mis au point par des hackers ou des programmeurs de génie, parfois à la solde de groupes terroristes. D`où la nécessité d`embaucher un grand nombre de mathématiciens. Malgré ces efforts, certains vétérans de la NSA continuent à penser que l`agence est sur « la mauvaise pente ». L`un d`eux interrogé par James Bamford se plaignait ainsi de voir la NSA « acheter tous ces nouveaux jouets, alors même que l`agence n`a pas le personnel pour les utiliser »160.

L`agence est en effet confrontée à une « une fuite des cerveaux », car à travail équivalent, ses salariés peuvent toucher deux fois plus dans le privé. Face à ce problème, la NSA s`est engagée dans une nouvelle campagne de recrutement. Pour mieux faire connaître les emplois qu`elle propose, elle a trouvé une vitrine idéale... Internet ! Désormais, on peut laisser son CV sur le site de la NSA. Cette dernière diffuse également des offres sur des sites tels que Job Web et Career Mosaic.

Autre preuve de la vulnérabilité de la NSA, l`incroyable incident du 24 janvier 2000161. Alors que tous les employés de l`agence se réjouissaient de ne pas avoir connu le Bug de l`an 2000, ce lundi soir, 24 janvier, tous les ordinateurs et autres instruments électroniques de Crypto City (surnom donné à la base de la NSA dans le Maryland) se sont arrêtés. L`incident fut d`autant plus grave que les ingénieurs mirent quatre jours à relancer la Machine, quatre jours pendant lesquels la NSA eut le temps de s`interroger sur sa prétendue puissance...Coût de la réparation : 3 millions de dollars, et surtout, une intense remise en question !

159 Cité par Bamford, op. cité, p. 553 160 « buying all those new toys, but they don`t have the people to use them James Bamford, op.cité, p.574 161 Relaté par James Bamford, p.454

Le poulpe « NSA » serait-il en train de voir son intelligence rusée diminuer ? C`est la conclusion de certains, pour qui l`agence a de plus en plus de mal à s`adapter à un univers mouvant et à des défis technologiques constants. On l`a montré plus haut, ce qui a très longtemps fait la force des services de renseignement, c`est précisément leur capacité d`être toujours à la pointe de la technologie. Or comme l`indique James Bamford, « In the past, a major communications revolution oetelephone, radio, television, satellite, cable-might happen at most once every generation. The predictable pace gave NSA time to find new ways to tap into each medium, especially since many of the scientists behind the revolution also served on NSA`s secret Scientific Advisory Board. Today, however, technological revolutions oePCs, cell phones, the Internet, e-mail, take place almost yearly and NSA`s secret advisers no longer have a monopoly on the technologies«.162

Aujourd`hui, la NSA est certes en mesure d`intercepter des millions de données par jour. Mais comment trouver l`information pertinente, c`est le défi posé à l`agence. En définitive, nous dit Bernard Lang, directeur de recherche à l`INRIA163, pour un pays comme la France, « la seule façon de protéger nos communications industrielles et autres communications confidentielles (défense), c`est qu`elles soient noyées dans un flot d`autres informations cryptées, de façon à déborder les efforts d`espionnage et surtout de décryptage étrangers (NSA) »164. C`est sur ce principe que fonctionnait le mouvement lancé il y a quelques années incitant les internautes à truffer leurs e-mails de termes tels que « cocain, bomb... ». Dans un déluge de données, l`information de valeur devient difficile à trouver... elle se retrouve comme une aiguille dans une botte de foin. De ce fait, un service de renseignement tel que la NSA se retrouve dans une position qu`on pourrait qualifiée de « schizophrénique » : l`agence ne cesse d`accumuler des informations qu`elle doit toutes mettre en doute.

162 James Bamford, p.458 : « Dans le passé, une révolution dans le domaine de la communication oetéléphone, radio, télévision, satellite, cable- se produisait, au plus, une fois toutes les générations. Ce rythme prévisible donnait à la NSA le temps de trouver de nouveaux moyens d`intercepter les communiqués émises par chacun de ces médias, et ce d`autant plus que de nombreux scientifiques à qui l`on devait ces révolutions étaient également membres du Comité secret de la NSA chargé des recommandations scientifiques. Aujourd`hui, cependant, les révolutions technologiques oePC, téléphones portables, Internet, e-mail oe ont lieu quasiment chaque année et les conseillers secrets de la NSA n`ont plus le monopole sur ces technologies » (Traduction de l`auteur) 163 INRIA : Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique. 164 Interview par mail.

L`utilisation d`Internet par une agence aussi puissante que la NSA présente un bilan mitigé. Bien que ses capacités d`interception soient indubitables, et que la période post-11 septembre ait redonné un second souffle aux services de renseignement, grâce à un budget plus important aussi bien en terme d`achats ou de rénovation de matériel, qu`en terme de recrutement, les cinq dernières années ont surtout fourni la preuve que la NSA était faillible, et que son adaptation à Internet requerrait à la fois du temps, de l`argent et beaucoup d`énergie. L`association Internet/ Services de renseignement se montre donc bien plus fragile que l`on pouvait penser de prime abord. D`autant plus que les ennemis auxquels les services font face sur Internet sont redoutables.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984