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La reforme de la justice et la protection des droits de l''homme en Mauritanie

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par Boubacar DIOP
Faculté des affaires internationales, Université du Havre - Master 2 Droit " Erasmus Mundus" 2007
  

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Paragraphe 2 : Les règles relatives à la nomination, la notation, l'évaluation et à l'avancement des magistrats

Tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste et avant d'entrer en fonction, prête serment en ces termes : «je jure par Allah l'unique de bien et loyalement remplir mes fonctions, de magistrat, de les exercer en toute impartialité, dans le respect de la constitution et des lois de la République...»102(*). Il convient également de noter que toutes les décisions de justice sont également prononcées « au nom d'Allah » Les nominations des magistrats sont faites par décret pris sur propositions du Conseil Supérieur de la Magistrature pour les magistrats du siège et par arrêté du Ministre de la Justice en ce qui concerne les magistrats du Ministère Public.

La hiérarchie de la magistrature comprend quatre grades non associés à des emplois103(*) ; l'article 5 du statut dispose cependant qu'aucun magistrat ne peut avoir sous son autorité un magistrat plus ancien que lui dans le grade. Cette règle est critiquée par les magistrats parce qu'elle ne permet pas l'accès aux fonctions de chef de juridiction au magistrat les plus méritants en cas de grade égal avec un autre plus ancien que lui. Une autre disposition statutaire, très critiquée par les magistrats104(*), concerne la péréquation instaurée pour l'accès à chaque grade ; en effet, l'article 27 du statut prévoit la répartition des magistrats dans les grades ainsi qu'il suit : 10% pour le premier grade, 15% pour le deuxième grade, 25% pour le troisième grade, et 50% pour le quatrième grade. Il en résulterait un blocage de la carrière aux deux grades inférieurs105(*).

L'activité de chaque magistrat donne lieu, chaque année, à l'établissement d'une notice individuelle contenant une note chiffrée sur 20, une appréciation générale et tous les renseignements sur sa valeur professionnelle et morale106(*). Les magistrats du siège sont notés par le président de la Cour suprême après avis du procureur général près ladite cour. Les magistrats du parquet sont notés par le procureur général près la Cour suprême après avis du président de ladite cour. Bien que le statut ne le prévoit pas, les magistrats du siège comme ceux du parquet sont également notés par l'inspecteur général de l'Administration Judiciaire et Pénitentiaire à l'issue de la visite annuelle qu'il effectue obligatoirement dans chaque juridiction. En revanche, les chefs de juridiction (présidents de cour d'appel et de tribunaux, procureurs de la République et procureurs généraux) ne participent pas au dispositif d'évaluation qui est donc étroitement centralisé. Cependant pour éviter toute éventualité de dérapage dans la notation des magistrats, il nous semble que celle-ci doit avoir plus de transparence notamment en imitant le modèle français où la note est communiquée aux magistrats pour mieux garantir leur carrière et par conséquent le cours de la justice107(*). Par ailleurs, la création d'une commission chargée des avancements comprenant des représentant des magistrats est utile à cet effet. Pour bénéficier d'un avancement de grade, les magistrats doivent être inscrits à un tableau d'avancement, annuellement dressé, par ordre de mérite, par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Les propositions d'avancement ont lieu dans l'ordre du tableau. Pour assurer le fonctionnement du pouvoir judiciaire, la loi confère mission à certains organes de garantir l'indépendance interne du pouvoir judiciaire.

La nécessité d'une formation judiciaire, afin que soit reconnue la spécificité du métier de juge, ne souffrant d'aucun doute108(*), reste alors au législateur à définir l'objectif de la formation qui doit être assurée au futur magistrat, l'autorité qui déterminera cet objectif et enfin le contenu et les méthodes de la formation. En l'absence de législation sur l'ensemble de ces points, l'on peut se hasarder à émettre quelques propositions susceptibles de servir de base pour une éventuelle intervention du législateur dans ce domaine, étant entendu que les développements qui seront faits ci-dessous, sur la formation des magistrats des tribunaux de la wilaya et de la moughataa d'Aïoun et la cour d'appel de Kiffa sont pleinement transposables à l'ensemble des magistrats mauritaniens.

L'objectif de la formation initiale doit se traduire par la production d'un «bon magistrat» pour rendre «une bonne justice». Une telle définition du « bon magistrat » peut laisser craindre une modélisation dangereuse, sur des critères enfermant et univoque. Plus intéressante est la définition, a contrario, celle du mauvais magistrat , celui qui ne maîtrise pas le droit ou qui a un comportement négatif ou nocif sur le plan éthique. La finalité d'une formation judiciaire ne doit-elle pas être l'acquisition d'un savoir-faire et d'un savoir dire, c'est-à-dire, l'apprentissage des techniques judiciaires et l'acquisition d'un comportement conforme à l'éthique du magistrat, et aux exigences de sa fonction ? Ces deux composantes idéales vont donc privilégier le critère de l'aptitude professionnelle et non celui du «bon magistrat» notion fourre-tout à connotation morale discutable. A l'issue de la formation initiale, le magistrat doit être techniquement prêt mais également convaincu de la nécessité éthique du courage, du courage judiciaire qui doit être celui de pouvoir s'opposer au pouvoir politique ou à l'opinion publique, courage malheureusement oublié dans bien des pratiques judiciaires. Il est bien entendu, que l'institut ou l'école de formation judiciaire ne peut répondre de l'évolution du magistrat lorsqu'il se trouvera confronté aux réalités et aux tentations de sa carrière et de la société. Il n'en demeure pas moins que le savoir être et la déontologie doivent être des données fondamentales de la formation, favoriser l'acquisition d'un esprit et d'une conviction d'indépendance. Habituer l'auditeur de justice à exercer la fonction de magistrat et assurer un dialogue entre l'environnement dans lequel il va exercer sont donc deux axes d'action à privilégier. Dans le contexte des pays en voie de développement, en général, et en Mauritanie en particulier, le constat de la réalité est sévère puisque bien des magistrats ne rentrent pas en fonction avec le sentiment profond de la spécificité du métier de juge. Il est fondamental d'insister sur les principes et idéaux déontologiques qui devront être les valeurs constantes et spécifiques de son métier. Encore faut-il souligner que la formation initiale idéale telle qu'ainsi définie dans son objectif demeure assujetti aux moyens que l'Etat mettra à sa réalisation. Le désintérêt ou la réticence de l'Etat envers une formation judiciaire de qualité est, de toute, façon symptomatique politiquement et révélateur de la peur d'un pouvoir judiciaire indépendant.

Le problème de la détermination de l'autorité qui définira l'objectif et le contenu de la formation est fondamental, car les exemples ne manquent d'immixtion du pouvoir politique dans cette définition. Ainsi apparaît comme primordial que les personnes chargées de l'élaboration des programmes soient techniquement compétentes et indépendantes du pouvoir politique. Il convient, en outre, que soit recueillis l'adhésion ou, pour le moins, l'avis du corps pédagogique, de ceux qui auront à mettre en application le programme dont le contenu doit être défini.

Le contenu de la formation initiale doit comprendre des matières de base (des matières principales standard telles que les procédures civile, pénale et administrative, les techniques judiciaires...) et des matières d'appui, liées à l'évolution des besoins et réalités sociaux. Ces matières (informatique, comptabilité, droit des affaires, droit fiscal, droit foncier, droit international, commerce électronique, sociologie...) restent à définir selon la demande et les nécessités de la Mauritanie. La connaissance des textes et des recours internationaux, notamment dans le domaine des investissements et des droits de l'homme est à privilégier dans l'élaboration des programmes de formation afin que les magistrats puissent utilement veiller au respect des conventions internationales ratifiées par la Mauritanie. En ce qui concerne les méthodes de formation, il apparaît nécessaire de joindre la théorie judiciaire à la pratique. Outre le problème de la remise à niveau juridique (le niveau initial largement insuffisant des personnes recrutées étant une grave réalité pour la Mauritanie), la formation initiale doit s'employer à coordonner, de façon harmonieuse, l'apprentissage des connaissances théoriques judiciaires et les stages en juridictions. Les stages «à l'extérieur» du système judiciaire seront également indispensables à cette ouverture du magistrat sur les réalités de sa société et sur ce dialogue qu'il doit être en mesure de mener avec le justiciable et les différents intervenants sociaux. La durée idéale de la formation initiale est de deux à trois ans. Ce qu'il y a lieu ici d'apprendre, c'est à être magistrat et la définition en reste difficile. Appliquer les textes est-ce prendre une décision judiciaire? L'habileté et la capacité à travailler le texte de loi ne doivent-elles pas être des éléments fondamentaux de l'apprentissage et de l'enseignement du métier de magistrat ?

La question qui se pose est de savoir si la Mauritanie a les moyens d'assurer au niveau national une formation initiale correspondant aux objectifs définis précédemment. Les pays en développement, qui depuis un certain nombre d'années se sont dotés de structures de formation des magistrats, n'avaient pas les moyens financiers et leurs possibilités de recrutement ne permettent pas toujours d'assurer la viabilité de ces structures de formation. La crise économique et les plans d'ajustement structurel ont entraîné une aggravation de ces difficultés qui mettent en péril l'existence de ces structures.

Face à cette situation, la solution pourrait consister, pour la Mauritanie, à mettre en commun ses moyens avec plusieurs autres pays pour assurer la formation des magistrats, en créant des centres régionaux ou en développant un rayonnement régional autour de ceux qui existent pour leur conférer une vocation régionale.

Il ne faut toutefois pas sous-estimer les difficultés, notamment politiques qui peuvent s'opposer à cette nouvelle conception.

D'une part, certains pays peuvent vouloir sauvegarder leurs institutions nationales et les préférer à des solutions régionales. D'autre part, les expériences d'organismes ou d'établissements de formation régionaux qui ont eu lieu n'ont pas toujours été efficaces.

Le fonctionnement durable de ces structures a toujours été mis en échec par une insuffisance de volonté politique ou les difficultés des Etats de s'acquitter de leurs contributions financières.

La dernière situation correspond à celle des pays qui n'ont pas crée jusqu'à présent d'établissement de formation judiciaire.

Un certain nombre d'entre eux estiment que cela serait une erreur de créer un tel établissement, leurs moyens étant trop réduits et leurs besoins en formation ne concernant qu'un nombre limité de magistrats. Les dirigeants de ces pays pensent qu'il est préférable de continuer à confier la formation de leurs magistrats aux établissements extérieurs existants.

Si l'on s'oriente vers une perspective de création d'établissement à vocation régionale, ces pays n'y verraient que des avantages et pourraient donc soutenir une telle démarche109(*).

Toutefois, parmi les pays non dotés d'institution de formation judiciaire, la situation de la Mauritanie mérite une approche plus particulière dans la mesure où il y existe un besoin quantitativement très important de recyclage de magistrats qui n'ont pas de réelle formation juridique.

Ce besoin, conjugué avec celui de la formation professionnelle de ceux qui sont nouvellement recrutés, exigerait un dispositif adapté. En revanche, le fait que les magistrats mauritaniens effectuent leur formation dans un autre contexte que leur pays n'est pas un obstacle.

En effet, on peut considérer que les principes de la formation de juge possèdent un caractère de quasi-universalité au-delà du contexte d'exercice de cette fonction, et même du droit applicable.

A cet égard, le dualisme juridique-«droit moderne»-droit musulman qui prévaut en Mauritanie, s'il ne doit pas être négligé, ne paraît pas constituer un obstacle à l'existence d'une identité et de principes communs aux magistrats des différents pays en voie de développement.

La conception de la formation du magistrat, compte tenu de la spécificité de la fonction, et de l'extrême diversité du cadre dans lequel elle s'exerce, suppose une approche nuancée qui s'oppose à une vision, niant la réalité des besoins et des réponses.

En d'autres termes toujours concernant ce statut des magistrats, la question de la reconnaissance du droit des magistrats à se syndiquer est toujours d'actualité,une doléance des magistrats qui n'a jamais eu de suite favorable ; en quoi consiste t'elle réellement ?

* 102 Texte de cette prestation que l'on retrouve en intégralité dans l'article 11 de l'ordonnance n°016-2006 Portant modification de certaines dispositions de la loi organique n°94-012 du 17 février 1994 portant statut de la magistrature.

* 103 H. VRAY : `'L'essentiel sur les institutions judiciaires'', op. cit. p. 79 et s ; F. KERNALEGUEN : `'Institutions judiciaires'', op. cit. p. 222 et s ; A. POUILLE : `'Le pouvoir judiciaire et les tribunaux'', op. cit. p. 92  et s; F. COLOMBERT : `'Faire carrière'', in Pouvoirs n° 74, 1995, p. 105 et s.

* 104 Cf. le rapport de P. LAVIGNE op. cit. p. 3 et s.

* 105 LE BOULANGER et FAUTZ : `'Dialogue sur la magistrature'', JCP 1965, I, CASAMAYOR : `'Les juges'', éd. Seuil 1957, p. 62 et s.

* 106 J. ROBERT : `'Le problème de la notation des magistrats et leur obligation de réserve'', RDP 1975, p. 811 et s.

* 107 J. COMPERNOL : `'La crise du juge et le contentieux judiciaire'', in la crise du juge LGDJ 1990, sous la direction de J. LENOBLE, p. 9 et s.

* 108 Etant donné l'insuffisance du niveau intellectuel et professionnel des magistrats mauritaniens.

* 109 Voir document final du séminaire sur la formation des magistrats dans l'espace francophone organisé par l'agence de Coopération Culturelle et Technique de la Francophonie en 1993 au Canada.

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