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les problèmes fonciers en zone de front pionnier agricole: cas de Dèrègouè dans la province de la Comoé

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par Sihé NEYA
Université de Ouagadougou - URF/SH - département de géographie - Maîtrise 2006
  

Disponible en mode multipage

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MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE, BURKINA FASO

SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE Unité - Progrès - Justice
MESSRS

UNIVERS ITE DE OUAGADOUGOU

UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE
EN SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
(UFR/SH)

DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE Option rurale

MEMOIRE DE MAÎTRISE

 
 

LES PROBLEMES FONCIERS EN ZONE DE
FRONT PIONNIER AGRICOLE : CAS DE
DEREGOUE DANS LA PROVINCE DE LA
COMOE

 

Présenté par : NEYA Sihé

Sous la Direction de :

Frédéric O. Koulansouonthé. PALE, chargé de recherche

Bonayi DABIRE, Enseignant-chercheur à l'ISSP

Juin 2007

TABLE DES MATIERES

DEDICACE

VII

REMERCIEMENTS

.VIII

LISTES DES SIGLES ET ABBREVIATIONS

..IX

RESUME

.X

INTRODUCTION GENERALE

1

I. LA PROBLEMATIQUE

2

II. LES HYPOTHESES DE TRAVAIL

3

III. LES OBJECTIFS D'ETUDE

4

IV. LA DEFINITION DE CONCEPTS

.4

V. L'APPROCHE METHODOLOGIQUE

8

5.1. La recherche documentaire

8

5.2. Les enquêtes de terrain

9

5.2.1. Le choix de la zone d'étude

.9

5.2.2. Le choix des variables

10

5.2.3. Les populations enquêtées

.10

5.2.3.1. Les personnes ressources

11

5.2.3.2. Les chefs d'exploitation agricole

11

5.2.4. Les techniques de collecte de données

12

5.2.4.1. Le questionnaire

12

5.2.4.2. Les guides d'entretien

12

5.2.4.3. L'observation directe

12

5.3. Le traitement des données

13

VI. LES DIFFICULTES

.13

PREMIERE PARTIE : LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES ET HUMAINES DE

LA ZONED'ETUDE

..14

CHAPITRE I : LE MILIEU PHYSIQUE

17

1.1. LE RELIEF

17

1.2. LE CLIMAT

.17

1.3. LE RESEAU HYDROGRAPHIQUE

20

III

1.4. LES SOLS .20

1.5. LA VEGETATION 21

CHAPITRE II : LE MILIEU HUMAIN .23

2.1. LE PEUPLEMENT DE LA ZONE D'ETUDE 23

2.1.1. L'historique de la fondation de Dèrègouè 23

2.1.2. Le peuplement de Dèrègouè par les « douna » ..25

2.2. LES DONNEES DEMOGRAPHIQUES ..29

2.3. L'ORGANISATION SOCIALE 30

2.3.1. L'organisation sociale chez les autochtones 30

2.3.1.2. Les autorités traditionnelles 31

2.3.1.2. Les unités socio-spatiales 31

2.3.2. L'organisation sociale chez les migrants ...33

2.3.3. Les relations entre autochtones et migrants 33

2.4. LES ACTIVITES ECONOMIQUES 34

2.4.1. L'agriculture ...34

2.4.1.1. Les cultures pratiquées et l'outillage agricole 34

2.4.1.2. les techniques de culture et fertilisation 37

2.4.2. L'élevage 40

2.4.2.1. Les espèces élevées .41

2.4.2.2. Les techniques d'élevage .41

CONCLUSION PARTIELLE ..43

DEUXIEME PARTIE : LES PRATIQUES FONCIERES Á DEREGOUE 44

CHAPITRE III : LES MODES D'ACCES A LA TERRE Á DEREGOUE 45

3.1. LES ACTEURS DU FONCIER 45

3.1.1. Les propriétaires du foncier 45

3.1.2. Les exploitants agricoles 46

3.1.3. Les pasteurs 48

3.2. L'ACCES Á LA TERRE À DEREGOUE 49

3.2.1. LE SYSTEME FONCIER TRADITIONNEL 49

3.2.2. LES MODES D'ACCES A LA TERRE EN VIGUEUR À DEREGOUE 51

3.2.2.1. Les modes d'accès à la terre à durée illimitée 52

3.2.2.1.1. Le don coutumier .52

3.2.2.1.2. Le prêt traditionnel 53

3.2.2.1.3. Le métayage

.53

3.2.2.1.4. L'héritage

.55

3.2.2.1.5. Le « sanny/Féré » ou de la « terre » de terre

56

3.2.2.2. Les modes d'accès à durée limitée

..58

3.2.2.2.1. Le prêt saisonnier

.58

3.2.2.2.2. Le métayage saisonnier

58

3.2.2.2.3. La location saisonnière

.59

3.2.2.2.4. Les contrats de prestations saisonniers

59

CHAPITRE IV : LES PROBLEMES LIES AUX PRATIQUES FONCIERES

..61

4.1. LES PROBLEMES D'INSECURITE FONCIERE

..61

4.1.1. L'insécurité foncière chez les migrants

.61

4.1.2. L'insécurité foncière chez les autochtones

63

4.1.3. Le déguerpis sement foncier : une situation d'insécurité vécue par les migrants et les

autochtones

64

4.1.3.1. Le peuplement de la zone pastorale et le déguerpissement

64

4.1.3.2. La situation des paysans après le déguerpissement

66

4.2. LES PROBLEMES DE PRECARITE FONCIERE

.68

4.3. LA DURABILITE DES DROITS D'USAGE SUR LA TERRE

70

4.4. LES INCIDENCES ENGENDREES PAR LES PROBLEMES FONCIERS

..71

4.4.1. Les incidences sur les pratiques agricoles

..71

4.4.1.1. La disparition de la jachère

.71

4.4.1.2. Le « nomadisme agricole » et le blocage des investissements pérennes

72

4.4.2. Les incidences sur le plan socio-économique

72

4.4.2.1. L'impact du prélèvement du loyer en nature sur la production des ménages

72

4.4.2.2. Les conflits fonciers et leurs résolutions .73

4.4.3. Les incidences démographiques .76

CONCLUSION PARTIELLE ..76

TROISIEME PARTIE : LES FACTEURS EXPLICATIFS DES PROBMEMES
FONCIERS Á DEREGOUE ET LES STRATEGIES LOCALES DE SECURISATION

FONCIERE 79

CHAPITRE V : LES FACTEURS EXPLICATIFS DES PROBLEMES FONCIERS 80

5.1. LES FACTEURS DEMOGRAPHIQUES 80

5.2. LES FACTEURS SOCIO-ECONOMIQUES 84

5.2.1. L'influence de l'essor de la culture du coton .84

5.2.2. L'influence socio-économique des migrants 86

5.2.3. L'instabilité des clauses des modes d'accès à la terre 87

5.2.4. L'implication des jeune dans la gestion foncière 88

5.3. L'INTERVENTION DE L'ETAT 89

5.3.1. L'influence des interprétations locales de la RAF 89

5.3.2. L'impact de l'aménagement de la zone pastorale ..90

5.3.3. L'impact des politiques de reboisement .91

CHAPITRE VI : LES STRATEGIES LOCALES DE SECURISATION FONCIERE. .92

6.1. LES STRATEGIES DE SECURISATION PAR LES MIGRANTS 92

6.2. LES STRATEGIES DE SECURISATION PAR LES AUTOCHTONES ..96

CONCLUSION PARTIELLE ..97

CONCLUSION GENERALE 98

BIBLIOGRAPHIE 101

ANNEXES 103

ANNEXE 1 : OUTILS DE COLLECT DE DONNEES 104

ANNEXE 2 : PLANCHES PHOTOGRAPHIQUES 115

Tables des cartes

Carte n°1 : Localisation de la zone d'étude ..16

Carte n°2: Immigration agro-pastorale à Dèrègouè 28

Carte n°3: Répartition des domaines fonciers traditionnels à Dèrègouè 50

Carte n°4 : Situation de la zone aménagée pastorale de Sidéradougou 67

Carte n°5 : Occupation des sols en 1984 à Dèrègouè 82

Carte n°6 : Occupation des sols en 2000 à Dèrègouè 83

Tables des graphiques

Graphique n°1 : Diagramme ombro-thermique (Station de Bérégadougou) 18

Graphique n°2 : Variations spatio-temporelles des précipitations dans la Comoé ..19

Graphique n°3 : Variation thermique mensuelle à partir de la station de Bérégadougou 20

Graphique n°4 : Répartition des migrants enquêtés selon la durée d'installation 27

Graphique n°5 : Répartition des migrants selon les zones de provenance 27

Graphique n°6 : Répartition ethnique des ménages à Dèrègouè 29

VI

Graphique n°7 : Répartition de la population de Dèrègouè selon les villages et les périodes. 30

Graphique n°8 Evolution de la production céréalière dans le département Sidéradougou 35

Graphique n°9 : Evolution de la production des oléagineux dans le département Sidéradougou

Sidéradougou 36

Graphique n°10 : Calendrier agricole dans la zone de Dèrègouè 39

Graphique n°11 : Evolution de la superficie ensemencée à Sidéradougou de 1995 à 2004... .84

Liste des tableaux

Tableau n°1 : Récapitulatif des personnes ressources enquêtées

11

Tableau n°2 : Les modalités d'acquisition de la traction animale

38

Tableau n°3 : Evolution du cheptel dans la province de la Comoé

.40

Tableau n°4 : Récapitulatif des acteurs fonciers enquêtés

..48

Tableau n°5 : Récapitulatif des modes d'accès à la terre en vigueur à Dèrègouè

60

Tableau n°6 : Situation du loyer versée par les métayers selon les chefs de terre

.85

Tableau n°7 : Evolution du coût du « landa » en espèce

87

Tableau n°8 : Fréquence des stratégies de sécurisation des migrants

..95

Planches photographiques (en annexe 1)

 

Photo n°1 : Paysans en pleine récolte de coton

..117

Photo n°2 : Entrée d'une ferme agro-pastorale d'un « nouvel acteur »

.117

Photo n°3: Situation des plants de maïs pendant le déguerpissement foncier

118

Photo n°4 : Restes d'une habitation d'agriculteurs incendiée pendant le déguerpissement foncier 118

Photo n°5: Paysan déménageant après le déguerpissement des agriculteurs de la zone

pastorale .119

Photo n°6 : Victime du déguerpissement quittant la zone pastorale ..119

VII
DEDICACE

A la mémoire de mes chers parents : Néya B. Kirabaon, mon père

Mon grand-père, feu Kam Bihoul

A ma mère Kam Hini

A ma grand-mère, Ouattara Djorbou Donpkèmènan

A mon oncle, Kam Bêh Jacob

A mes frères et soeur, Sami, Blaise, Fidèle, Thomas Bihoul et Pamela

A tous mes parents et proches A la population de Dèrègouè Je dédie ce mémoire

VIII
REMERCIEMENTS

Ce mémoire est le fruit d'un travail laborieux et de nombreuses abnégations. Sans le concours de bonnes volontés, il n'aurait pas vu le jour. Ainsi, nous voudrions ici remercier tous ceux qui ont apporté leurs précieux concours à sa réalisation.

Nos remerciements s'adressent au corps enseignant du département de Géographie pour l'encadrement dont nous avons bénéficié durant notre formation. Nous exprimons en particulier notre profonde gratitude à Monsieur Frédéric O. Koulansouonthé. PALE qui, malgré ses multiples charges, a accepté de diriger ce mémoire. Nous lui sommes reconnaissant pour ses conseils, la bienveillance, la patience et compréhension qu'il nous a manifestés, et sans lesquels ce travail n'aurait abouti.

Nous adressons nos sincères remerciements au Directeur de l'ISSP, Le professeur Dieudonné Ouédraogo qui a bien voulu nous accepter comme stagiaire dans le cadre du projet CLAIMS coordonnée par sa structure au Burkina Faso. Remercions-nous également Monsieur Bonayi Dabiré, coordonateur dudit projet et co-directeur du mémoire ainsi que son équipe, et tout le personnel administratif, informatique et scientifique de l'institut pour leur appui moral, matériel, scientifique et financier.

Nous ne saurions oublier la contribution combien appréciable du personnel de l'IGB, en particuliers Monsieur Sanou Oumar et ses collaborateurs au laboratoire cartographie et télédétection pour nous avoir accueilli comme stagiaire et permis d'améliorer nos connaissances en interprétation de photographies aériennes et en SIG.

Nous disons merci aux populations de Dèrègouè pour leur hospitalité, en particulier aux autorités administratives, coutumières, ainsi qu'aux exploitants agricoles et éleveurs qui ont participé à l'enquête.

Ces remerciements vont aussi à l'endroit de toute ma famille : mes frères et soeurs, mon oncle Kam Bêh Jacob et son épouse Ouédraogo Aïssata, mon oncle Kam Sami, mes cousins et cousines ainsi que tous les amis qui nous ont soutenus durant ce travail : Bamouni Bourahima, Nana Pascal, Malo Houodié, Yaméogo Issiaka, Bako Jean-baptiste, Coulibaly Alexi, Sory Issa, Koné Karim, Koussoubé Amidou, Rouanba Hassane, Ganamé Rolande, Sanwidi Rita, etc.

IX
SIGLES ET ABBREVIATIONS

ATAS : Agent Technique d'Agriculture spécialisée ATC: Agent Technique de Coton

CIRD : Centre international de recherche pour le développement CLAIMS: Changes in Land Access, Institutions and Market in West Africa CRPA : Centre Régional de production Agro-pastoral

CVGT : Commission Villageoise de Gestion des Terroir DFN: Domaine Foncier National

FAO : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture FED : Fond Européen pour le Développement

GPC : Groupement de Producteur de Coton

GRAF : Groupe d'action et de recherche sur le foncier Ha : Hectare

Hbt : Habitant

IGB : Institut Géographique du Burkina

INSD : Institut National de la Statistique et de la Démographie ISSP : Institut Supérieur des Sciences de la Population du Burkina

NPK : Azote minéral, Phosphore, Potassium ORD : Office régional pour le Développement PADL : Projet d'Appui au Développement Local PIB : Produit Intérieur Brut

PNGT : Programme National de gestion des Terroirs PSSA : Programme Spécial pour la Sécurité Alimentaire RAF : Réorganisation Agraire et Foncière

RAV: Responsable Administrative Villageois RGP : Recensement Général de la Population RGPH : Recensement Général de la Population et de l'Habitation

SEOAB: Syndicat des Eleveurs de l'Ouest Burkina SOFITEX: Société des fibres et textiles

SIG : Système d'information géographique

ZAPS : Zone aménagée pastorale de Sidéradougou ZATA: Zone d'Animation Technique Agricole

X
RESUME

Au Burkina Faso, la terre est un facteur de production capital de la production agro- pastorale, qui occupe la majeure partie de la population. L'accès à cette ressource ainsi que son exploitation engendrent des migrations agricoles dont les flux sont dirigés vers le sud- ouest du pays avec pour provenance les régions du « plateau mossi », de la Boucle du Mouhoun ainsi que des Haut-bassins. Il s'en est suivi l'ouverture d'un front pionnier agricole dans la Comoé ces dernières années, comme celui de Dèrègouè.

Les flux migratoires dirigés vers la zone d'étude ont contribué à accentuer la croissance démographique et la pression foncière de même qu'à une augmentation de la population migrante au détriment des autochtones. Ainsi, la compétition pour l'accès à la terre et son contrôle s'intensifie, ce qui influence les pratiques foncières. De nouvelles transactions foncières se développent au détriment du système foncier traditionnel. La terre, bien sacrée, a changé de statut devenant ainsi une valeur marchande. Cette situation entraîne l'émergence des problèmes d'insécurité et de précarité des droits dont jouissent les exploitants agricoles. Si les migrations ont été déterminant dans la dynamique foncière amorcée dans la zone d'étude, il ne faut pas pour autant négliger l'influence de certains facteurs tels que l'essor des cultures de rente en particulier le coton, l'implication de la jeune génération et de l'Etat dans la gestion foncière, etc.

Conscient de ces problèmes fonciers, les exploitants agricoles mettent en oeuvre des stratégies pour les prévenir. L'objectif visé à travers ces stratégies est de garantir la durée des droits d'usage sur la terre dans le temps et l'espace. Mais ces stratégies en elles seules ne sont pas suffisantes pour garantir la stabilité des droits d'usage sur la terre des exploitants.

MOTS-CLES : Burkina Faso - Province de la Comoé - Dèrègouè - Migration -
Pression démographique - Front pionnier agricole - Problème foncier

INTRODUCTION GENERALE

Au Burkina Faso, la surcharge démographique consécutive à l'accroissement de la population entraîne l'amenuisement des ressources naturelles et la fragilisation des droits d'usage sur la terre, obligeant ainsi les populations à migrer à la recherche de nouvelles terres agricoles. Ces migrations de paysans se traduisent par l'ouverture des zones de colonisation agricole au détriment de la végétation naturelle. Elles sont principalement orientées du Nord vers le Sud.

Dans les zones d'accueil de ces migrants, la croissance démographique accentue la pression foncière, entraînant des transformations dans les structures agraires de ces fronts pionniers agricoles. Ainsi, les espaces cultivables deviennent objet de convoitises avec une forte compétition pour le contrôle, l'exploitation et l'appropriation de ce potentiel productif. Cette situation engendre parfois des pratiques foncières qui répondent de moins en moins aux attentes des paysans : retraits de terre, remise en cause des contrats, émergence de contrats fonciers de courte durée, etc. Ce contexte suscite des interrogations quant à la capacité des paysans à stabiliser leurs droits d'usage sur la terre et à sédentariser leurs exploitations dans les zones de forte colonisation agricole.

I- LA PROBLEMATIQUE

Le Burkina Faso est un pays sahélien dont l'économie est basée sur le secteur primaire, en particulier l'agriculture. Cette activité emploie 80% de la population active, contribue à 30% à la formation du Produit Intérieur Brut (PIB) et fournit 70% des recettes d'exportation du pays (GRAF, 2005). La terre constitue pour ce secteur le capital de base et est déterminante dans l'évolution des relations sociales d'une part, et d'autre part entre l'homme et son milieu physique.

Si ce potentiel productif est indispensable dans le développement socio-économique des sociétés paysannes, il ne faut cependant pas occulter les difficultés liées à l'instabilité des droits d'usage sur la terre auxquelles sont confrontés bon nombre de paysans en raison de :

· la raréfaction des ressources naturelles consécutive à la pression foncière due à l'accroissement de la population et du cheptel (bétail);

· l'évolution de la perception que les paysans ont de la terre. En effet, cette ressource qui, autrefois était perçue comme un bien inaliénable (qui ne se marchande pas), est aujourd'hui une source de revenus monétaires pour certains de ces ruraux ;

· la dynamique des modes de gestion de l'espace, se traduisant par l'émergence d'une gestion moderne au détriment du régime foncier coutumier ;

· le développement des cultures de rente. Ces cultures, notamment le coton et l'anacardier, ont accentué les défrichements et la course pour l'accès à la terre à cause des revenus qu'elles procurent aux paysans.

Ces problèmes d'accès à la terre affectent toutes les zones rurales du pays, mais se posent avec beaucoup plus d'acuité dans les zones de colonisation agricole.

La province de la Comoé, située au sud-ouest du pays, est une des régions de forte colonisation agricole où les difficultés relatives à l'utilisation durable de la terre sont de plus en plus récurrentes. Cette situation est consécutive à l'afflux massif de migrants en provenance des régions dégradées du « plateau central », de la boucle du Mouhoun et des Haut-bassins et surtout, des migrants burkinabé de retour de la Côte d'Ivoire suite aux crises socio-politiques de 1999 et de 2002. Cette importante migration conjuguée au croît naturel a intensifié la pression foncière et augmenté les besoins des populations en terres de culture dans cette localité, entraînant ainsi le durcissement et l'instabilité des modes d'accès à la terre qui engendrent parfois des conflits fonciers souvent très graves.

La présente étude pose les problèmes liés aux difficultés d'accès durable à la terre et des conséquences qu'elles engendrent sur le plan socio-économique, en particulier sur les pratiques agricoles.

Il est donc important de savoir quels sont les modes d'accès à la terre et les difficultés qu'ils suscitent dans les fronts pionniers comme celui de notre zone d'étude ? Quelles stratégies les paysans mettent-ils en oeuvre pour y remédier ? Quelle est la place de la croissance démographique dans ces problèmes? Quelles incidences ces problèmes d'accès à la terre peuvent-ils avoir sur les pratiques agricoles ? Ces interrogations nous ont amené à formuler les hypothèses suivantes.

II. LES HYPOTHESES DE TRAVAIL

La forte colonisation agricole entrave la stabilité des droits d'usage sur la terre et la sédentarisation des exploitations agricoles à Dèrègouè. De cette hypothèse principale, les hypothèses spécifiques suivantes ont été formulées :

1. l'accroissement démographique et la pression sur les terres sont l'un des facteurs déterminants des problèmes fonciers qui affectent les pratiques agricoles;

2. les droits d'exploitation agricole qui découlent des modes d'accès à la terre en vigueur à Dèrègouè ont crée des situations d'insécurité et de précarité foncières.

3. Les problèmes d'insécurité et de précarité foncières incitent les exploitants agricoles à mettre en oeuvre des stratégies pour stabiliser leurs droits d'usage sur la terre. Pour vérifier ces hypothèses nous nous sommes fixés des objectifs :

III. LES OBJECTIFS D'ETUDE

L'objectif principal est d'étudier les problèmes d'accès à la terre des exploitants agricoles et les incidences socio-économiques qu'ils engendrent dans la zone d'étude. Á partir de cet objectif principal, les objectifs spécifiques suivants ont été définis :

1. Analyser les incidences de la pression démographique sur les pratiques agricoles;

2. Analyser les modes d'accès à la terre ainsi que les problèmes d'insécurité et de précarité foncières auxquels sont confrontés les exploitants agricoles;

3. Identifier les stratégies mises en oeuvre par les exploitants agricoles pour stabiliser leurs droits d'usage sur la terre;

IV. LA DEFINITION DE CONCEPTS

Certains concepts ont été utilisés tout au long de cette étude. Nous avons jugé nécessaire de les définir afin de mieux saisir le contexte dans lequel nous les utilisons.


· Front pionnier

C'est une « forme spatiale témoignant d'un processus d'appropriation de nouveaux territoires, considérés comme un milieu vierge de toute trace de « civilisation » (...). L'action principale, symbolique, mais pas univoque est celle des défrichements et des feux opérés dans des savanes ou des forêts. Ces défrichements s'opèrent en même temps que la création de pistes, et la construction de points de peuplement permanents (...). Elle renvoie aux zones de peuplement à travers tout le globe » (Matthieu. Le Dérout., 2006). Par ailleurs, il se traduit par une colonisation agricole, c'est-à-dire « des mouvements de populations paysannes à la recherche de terres plus favorisées sur le plan écologique que celles de leur région d'origine» (Lacinan Paré et Bernard Tallet, 1999 :83). Selon Kimsé Ouédraogo (2001) le « front pionnier qui traduit le recul de la forêt devant l'expansion des activités agricoles, est l'un des principaux facteurs de la déforestation ; c'est en grande partie la conséquence de la

croissance démographique qui oblige la société à la recherche de nouvelles terres agricoles au détriment des milieux naturels, et entraîne également une consommation plus importante des ressources ».

Ainsi, nous retenons que le front pionnier agricole renvoie aux migrations d'homme à la recherche de terres de culture, qui se traduit par la colonisation de l'espace à travers les défrichements agricoles entraînant le recul des ressources naturelles

· Migration

On appelle migration ou mouvement migratoire « un ensemble de déplacement ayant pour effet de transférer la résidence des intéressés d'un certains lieu d'origine ou lieu de départ, à un certains lieu de destination, ou lieu d'arrivée » (Henry, 1989 :105, cité par Cougeau, 1988 :12 ; op. cit Dabiré Bonayi Dabiré 2001 :63) ce terme peut être abordé selon une approche temporelle ou géographique qui permet de distinguer, pour les populations humaines, les migrations périodiques des migrations définitives ou du moins à très longue période. Celles-ci impliquent l'abandon définitif - ou très durable - du lieu de départ et les premières, un retour régulier au lieu de départ, qui reste le lieu de résidence. Par ailleurs, ces migrations peuvent être internes, c'est-à-dire à l'intérieur d'un même pays et externe c'est-àdire au-delà des frontières d'un pays ou migration transfrontalière ou internationale

Nous pouvons donc déduire que la migration est un déplacement de populations d'une localité à une autre ou d'un pays à un autre, et qui peut être périodique ou durable. Cependant dans la documentation sur les questions de migration et du foncier, le terme migrant est employé pour designer les individus n'étant pas originaires d'une localité, même s'y ces derniers y sont nés.

· Foncier

Ce terme dérive du latin fundus qui signifie fonds de terre. Il se définit suivant le contexte dans lequel il est employé. En géographie, il désigne « l'ensemble des rapports entre les hommes impliqués par l'organisation de l'espace » (Fréchou, cité par Cubriolo et Goislard ; 1998). Il renvoie aussi à « l'ensemble des règles définissant les droits d'accès à la terre, d'exploitation et de contrôle concernant la terre et des ressources naturelles renouvelables » (Lavigne-Delville 1998 :18 ; cité par Mahamadou Zongo, 2005 :5).

Nous retenons de ces définitions que le foncier englobe une dimension spatiale à savoir l'espace et sa gestion qui, elle, implique des rapports sociaux donnant un sens aux droits d'usage sur la terre et son exploitation.

· Droit foncier

Ce sont « des droits portant sur un terrain ou d'autres ressources naturelles. Les droits sur une parcelle de terrain peuvent être détenus par plus d'une personne, situation à laquelle correspond le concept de « faisceau de droit » (qui est une métaphore consistant à comparer l'ensemble des droits associés à une parcelle de terrain, à un faisceau de baguettes dont chacune peut être détenue par des personnes différentes et peut être acquise de différentes façons et possédée pendant des périodes différentes) » (FAO, 2003). Ces droits se résument à « l'ensemble des dispositifs comprenant les règles relatives à l'accès à la terre et à sa gestion ». Ils regroupent : les droits de propriété, d'appropriation, de jouissance, d'usufruit, de culture pérenne, de cultures saisonnières ou annuelles, etc.

· Transaction foncière

C'est « l'ensemble hétérogène des conventions formelles ou informelles, par lesquelles des détenteurs de droits d'appropriation, le plus souvent coutumiers, cèdent à titre onéreux ou gratuit des droits d'usage permanents ou temporaires, à des individus, ou groupe d'individus » (PAEP.VF, 1998(a), 1), cité par Ouédraogo Sayouba, 2003). Sa durée renvoie au « temps durant lequel un exploitant peut jouir de ses droits délégués sur une parcelle cédée par le propriétaire. » (Sayouba Ouédraogo, 2003).

· Saturation foncière

Elle renvoie à une « situation dans laquelle la demande de la terre excède la disponibilité, la zone cultivable ayant été entièrement utilisée » (Gérard Ciparisse et al, 2005). Cependant, selon Pélissier (1995) la « saturation foncière n'a de sens que lorsqu'elle fait référence à un système particulier de production, ou à une utilisation de la terre, et aux techniques de culture courantes. La saturation des terres disponibles est un facteur influençant l'évolution des marchés fonciers, car les systèmes de production conduisent généralement à des méthodes plus intensives d'utilisation de la terre lorsque la saturation approche».

De ces perceptions, nous disons que la saturation foncière renvoie à une situation de manque de terres, qui rend difficile l'accès à cette ressource.


· Insécurité foncière/ Sécurité foncière

L'insécurité foncière « ne porte pas sur le contenu même des contrats (les modalités d'accès à la terre), mais sur le risque que ses clauses ne soient pas respectées (...). Un tel contrat ne sera insécurisant que s 'il peut être remis en cause en cours de route. » (Phillipe. Lavigne-Delville et al, 2001 :119). C'est ce risque qui conduit à la perception selon laquelle elle renvoie à une « situation où certains acteurs considèrent que leurs droits sont menacés par d'autres, les rendant incertains dans leur durée. » (Cubriolo, 1996 ; cité par Malo Houodié, 2005 :25). Selon certains auteurs cette insécurité se manifeste à travers « la suppression des prêts de longue durée, le retrait des terres, le non-respect des contrats, la difficulté d'accès à la terre, l'instabilité des droits d'usage » (Paré. L, 1993 et 2001 ; Tallet. Bernard, 2001). Bologo Arzouma Eric (2003) évolue dans le même sens en résumant l'insécurité à une situation dans laquelle les exploitants sont instables. Par ailleurs, elle n'est pas spécifique à un groupe social donné ; « l'insécurité foncière touche l'ensemble des exploitants, autochtones et migrants confondus. Chacun doute de son droit sur la terre et craint l'apparition de revendications inattendues » (A. Teyssier, 1994 cité par Etienne le Roy, 1995 :463).

Donc l'insécurité liée aux modes d'accès à la terre est une situation d'instabilité des droits d'usage sur la terre ; elle découle du fait que ceux qui jouissent desdits droits craignent une revendication et une remise en cause de leurs prérogatives par d'autres acteurs. Cet état de fait nécessite une sécurité, voire une sécurisation des droits.

La sécurisation foncière peut être définie comme le « processus par lequel les droits fonciers sont reconnus et garantis. De ce fait, ces derniers ne peuvent être contestés ou remise en cause de façon inopinée» (Gérard Ciparisse et al. 2005). Donc l'absence de remise en cause des droits est gage de sécurité comme l'estime Le Roy (1992) : « un acteur est en sécurité lorsque ses droits fonciers ne seront pas remis en cause.» Par ailleurs, selon Tallet Bernard et al (2003), la sécurité foncière est une question de perceptions variables d'un acteur rural à un autre qui se résumerait : l'accès à long terme aux terres et la reconnaissance d'un droit exclusif sur les terres familiales et lignagère, la possibilité d'exercer des droits d'usage durables sur les terres concédées par les autochtones, voire à la stabilisation de la tenure foncière. Nous pouvons alors conclure que la garantie d'accès durable à la terre épargné de tous soupçons de remises en cause serait un gage de sécurité foncière.

· Précarité foncière

Selon Jean Bonnal (1995), un droit foncier est précaire lorsqu'il ne permet pas aux exploitants de s'engager dans des actions ayant des effets à long terme, par exemple la plantation d'arbre. Elle se traduit par les droits de culture accordés temporairement (les contrats de courte durée à l'instar des prêts et locations annuels ou saisonniers) ou provisoirement (Philipe Lavigne-Delville : 2001 ; Bakayogo Nouhoun : 2003 ; François Jarrige et al : 2003) d'une part, et d'autre part par la cession de droits de cultures annuelles ou saisonnières qui s'opposent aux droits de planter (Bachir Doucouré Moustapha : 2004). Par ailleurs un exploitant est en situation foncière précaire lorsque les contrats de courte durée dont il bénéficie ne sont pas reconduits régulièrement ou si en cas de rupture, il ne peut relativement en bénéficier ailleurs, c'est-à-dire accéder à une nouvelle parcelle agricole (Phillipe Lavigne-Delville : 2001).

Ainsi, l'on parle de précarité foncière lorsque les droits d'usage sur la terre sont de courte durée ou lorsque ces droits, malgré leur caractère permanent ne permettent pas cultiver des cultures pérennes

· Conflit foncier

C'est un « désaccord portant sur les droits fonciers, ou encore les limites ou le mode d'utilisation d'un terrain. Un conflit foncier se produit lorsqu'il existe une incompatibilité entre plusieurs intérêts individuels ou collectifs concernant un terrain » (FAO, 2003). Par ailleurs, selon Gérard Ciparisse et al (2005), les « conflits fonciers sont révélateurs des objectifs contradictoires qui peuvent être poursuivis par les différents acteurs en présence dans la gestion des ressources naturelles. »

V. L'APPROCHE METHODOLOGIQUE

La méthodologie mise en oeuvre comprend essentiellement trois parties : la recherche documentaire, les enquêtes de terrain ainsi que le traitement et l'analyse des données.

5.1. La recherche documentaire

Elle a consisté en la consultation de documents relatifs à la question foncière, à la méthodologie de recherche, au milieu physique et humain de la zone d'étude à travers des

ouvrages collectifs et individuels, des rapports, des articles, et des sites web sur internet. Cette recherche nous a conduit dans les principaux centres de documentation suivants : université de Ouagadougou, CIRD, ISSP, ministère de l'agriculture, etc.

L'examen des notes bibliographiques relatives à la question d'accès à la terre en milieu rural révèle deux principales problématiques que sont l'insécurité foncière et la précarité foncière. Ces deux problématiques sont perçues sur plusieurs angles. Néanmoins, cet examen bibliographique mentionne que la précarité est perçue sous l'angle de la durée des droits fonciers et des types de cultures réalisables de par les clauses des transactions foncières, tandis que l'insécurité est appréhendée sous l'angle des risques : de rupture des contrats avant terme, de ne pouvoir pas bénéficier des fruits de son travail, etc. C'est pourquoi certains auteurs qui assimilent la précarité foncière aux contrats de courte durée, estiment qu'un droit précaire n'insinue pas à priori une situation d'insécurité si l'exploitant a la garantie de jouir des fruits de son travail et de la parcelle qu'il exploite jusqu' à la date d'expiration de son contrat. Mais ce dernier serait en insécurité s'il est exposé à un risque de retrait de sa parcelle avant que le contrat n'arrive à terme (Phillipe Lavigne-Delville : 2001).

Notre recherche s'inscrit aussi dans la problématique des questions d'insécurité et de précarité foncières qui découlent des modes d'accès à la terre en zone rurale, mais particulièrement en zone de front pionnier agricole. Pour ce faire, des travaux de terrain, en vue de la collecte de données empiriques ont été menés.

5.2. Les enquêtes de terrain

Elles se sont déroulées en deux phases. La première a eu lieu dans le mois d'avril 2005 et a permis d'identifier notre site d'investigation dans le département de Sidéradougou, puis d'expérimenter nos outils de collecte de données. A l'issu de cette première phase, des corrections ont été apportées pour mieux adapter ces outils aux réalités du terrain. La seconde phase s'est déroulée de novembre 2005 à janvier 2006 et s'est traduite par l'administration d'un questionnaire aux chefs d'exploitation agricole et de guides d'entretien aux personnes ressources.

5.2.1. Le choix de la zone d'étude

Le cadre général d'étude est la province de la Comoé, en particulier le département de Sidéradougou dont relève notre zone d'investigation : le site de Dèrègouè. Le choix de cette

province s'explique par le fait qu'elle regorge d'énormes potentiels agro-sylvo-pastoraux et représente un front pionnier récent de forte et intense colonisation agricole ces dernières années. Par ailleurs, le site de Dèrègouè dans le département de Sidéradougou a été choisi pour les raisons suivantes :

- la forte présence de migrants installés récemment dans la zone ;

- le déguerpissement de certains agriculteurs sur le site à vocation pastorale en mai 2004, traduisant ainsi la situation de saturation foncière dans laquelle se trouve Dèrègouè ;

- la recrudescence des litiges fonciers entre éleveurs et agriculteurs.

Dans la zone d'étude, les enquêtes se sont déroulées dans 2 villages. Ces villages sont Dèrègouè et Hobaga lesquels sont respectivement désignés par Dèrègouè 1 et Dèrègouè 2 sur le plan administratif. Ils ont été choisis parce qu'ils regroupent les plus grands effectifs de population de la zone d'étude1. Par ailleurs, Dèrègouè est le point de départ du peuplement et Hobaga, le lieu où les premiers migrants, notamment mossi, étaient installés par les autochtones. Aussi, ces deux villages sont-ils représentatifs du site en ce sens qu'ils couvrent dans leur ensemble tous les domaines fonciers coutumiers des chefs de terre qui se réclame de Dèrègouè, ce qui nous a permis d'appréhender la situation foncière dans chaque domaine.

5.2.2. Le choix des variables

Les variables qui ont été identifiées pour mener à terme la collecte des données sur le terrain sont les suivants :

- le statut des exploitants agricoles;

- les modes d'accès à la terre ;

- les problèmes d'insécurité foncière et de précarité foncière

- les groupes sociaux d'agriculteur ;

- les stratégies de sécurisation foncière ;

- les facteurs explicatifs des problèmes fonciers ;

- les migrations agricoles ;

- les incidences des problèmes fonciers ;

- les pratiques agricoles.

Des travaux de terrain ont ensuite été menés pour la collecte d'informations.

1 En 1996, Dèrègouè 1 représentait 32.4% de la population de la zone d'étude contre 43.8 % pour Dèrègouè 2 (INSD/RGPH : 1996). Par contre en 2004, Dèrègouè 1 représentait 60.9 % et Dèrègouè 2 18.6% (Préfecture de Sidéradougou/recensement administrative 2004).

Les problèmes fonciers en zone de front pionnier agricole : cas de Dèrègouè dans la Comoé

5.2.3. Les populations enquêtées

Au total 172 personnes, composées de personnes ressources et de chefs d'exploitation agricole, ont été enquêtées.

5.2.3.1. Les personnes ressources

Il s'agit des leaders d'opinion locaux du site de Dèrègouè (chefs de terre, chef de village, chefs de quartier, responsable d'association ou de groupement, RAV), les autorités administratives (préfet) et les services techniques de l'agriculture et de l'élevage (Cf. tableau n°1). Au total 22 personnes ressources ont été interviewées. Celles-ci ont été choisies en fonction de leurs connaissances du peuplement du site et de la sa situation foncière qui y prévaut.

Tableau n°1 : Récapitulatif des personnes ressource enquêtées

Personnes ressources enquêtées

Total

Préfet

1

RAV

2

Services techniques (ATAS et RZAPS)

2

Directeur d'école

1

Notables (Chefs de terres, chef de village, chef des eaux, notables Dioula)

8

Chefs de quartier

5

Représentant CVGT

1

Représentant du bas-fond PSSA/FAO

1

Représentant de groupement d'éleveurs

1

Total

22

 

Source : Enquête de terrain 2005/2006

5.2.3.2. Les chefs d'exploitation agricole

Les chefs d'exploitation agricole, c'est-à-dire les responsables des champs individuels ou collectifs, constituent la population dont nous avons voulu analyser les problèmes fonciers. Ils représentent en général les chefs de ménage dans la zone d'étude.

Au total 150 chefs d'exploitation sur 867 que compte le site de Dèrègouè, dont 48 autochtones et 102 migrants, ont été enquêtés. Cet échantillon représente 17.3% des ménages du site de Dèrègouè. Ces exploitants ont été choisis selon qu'ils étaient disponibles dans les concessions ou dans les champs. Par ailleurs, ceux ayant été victimes du déguerpissement foncier en mai 2004 ont été ciblés pour ensuite être soumis au questionnaire. Les localités regroupant à majorité les migrants, les autochtones et celle où ces deux groupes sont quasi-

proportionnels en nombre ont été couvertes pour rendre représentatif notre échantillon. Ainsi 11 localités sur 17 que couvre le site de Dèrègouè ont été couvertes par l'enquête.

5.2.4. Les techniques de collecte des données

Le questionnaire, les guides d'entretien et l'observation directe ont été les moyens qui nous permis de collecter les informations sur le terrain.

5.2.4.1. Le questionnaire

Il a été soumis aux chefs d'exploitation agricole. Ce questionnaire, composé d'un ensemble de questions fermées et semi-ouvertes, a permis surtout de collecter et d'apprécier l'importance et la fréquence des informations sur : les composantes sociales voire des chefs d'exploitation agricole, les modes d'accès à la terre, la durabilité des droits de culture, les types de problèmes liés à l'accès à la terre, les types de culture, les modes des investissements agricoles, les types de conflits fonciers et les stratégies de consolidation des droits fonciers.

5.2.4.2. Les guides d'entretien

Deux guides d'entretien distincts ont permis la collecte d'informations. Le premier a été adressé aux leaders d'opinion locaux de la zone d'étude. Quant au second, il a été adressé aux autorités administratives et aux services techniques qui y interviennent. Ces deux outils ont permis dans leur ensemble d'obtenir des informations sur: l'histoire du peuplement du site de Dèrègouè, l'organisation sociale et le système foncier traditionnel, les pratiques agricoles et leur dynamique, les modalités d'accès à la terre en vigueur et les types des problèmes fonciers rencontrés et leurs modes de résolutions.

5.2.4.3. L'observation directe

Elle a consisté en des visites de concessions, de champs et en des randonnés à travers le paysage. Elle nous a permis d'identifier les leaders d'opinion et de se familiariser aux populations locales tout en s'imprégnant de ses codes de conduite. Ainsi, nous avons pu appréhender la structuration socio-spatiale de la zone d'étude, faire un inventaire des espaces cultivés et non cultivé, identifier les balises délimitant la zone pastorale aménagée, observer l'occupation agraire de ladite zone et identifier les concessions saccagées au cours du déguerpissement, etc. Au cours de cette phase d'observation, des entretiens informels ont eu lieu avec les populations. Les points abordés étaient relatifs aux jugements portés sur la

dynamique foncière en cours dans la zone, les pratiques agricoles, les problèmes fonciers vécus, etc.

3. le traitement des données

Le traitement des données collectées sur le terrain en vue de la rédaction du mémoire s'est effectué manuellement par la construction de grille de dépouillement.

Ce dépouillement a permis d'apprécier la fréquence des modes d'accès à la terre et des problèmes fonciers respectivement sur la base du total de chefs d'exploitation agricole enquêtés et le total de transactions foncières enregistrées à travers le questionnaire. Quant aux données collectées au moyen des guides d'entretien, elles sont de sources variées et ont subit des recoupements. Cela nous a permis de dégager les similitudes et les divergences relatives aux thèmes qui ont été abordés lors des entretiens.

Par ailleurs, les données cartographiques et chiffrés ont subit respectivement un traitement informatique à partir des logiciels ArcView 3.2, arc info et Microsoft Excel qui nous a permis de visualiser des graphiques et des cartes.

VI. LES DIFFICULTES

Le déroulement des enquêtes de terrain a été émaillé de quelques difficultés. Au nombre de ces difficultés on peut retenir :

- la rétention de l'information au niveau des enquêtés à cause de la recrudescence des litiges fonciers, notamment le déguerpissement foncier qui suscitait la crainte dans la zone.

- la non-disponibilité des chefs d'exploitation pour des raisons diverses (travaux champêtres, jours de marché, etc.)

- l'indisponibilité des sources écrites pour attester des pratiques ou des faits constatés sur le terrain.

Néanmoins, le désir de réussir ce mémoire a permis de braver ces difficultés. Ainsi des données intéressantes ont pu être collectées et ont permis de rédiger ce mémoire qui s'articule sur trois parties :

- la première partie traite du milieu physique et humain de la zone d'étude

- la deuxième partie analyse les problèmes d'accès à la terre et les incidences qu'ils engendrent dans la zone de Dèrègouè ;

- la troisième partie porte sur une analyse des facteurs explicatifs des problèmes fonciers et des stratégies locales de sécurisation foncière.

PREMIERE PARTIE :

LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES ET HUMAINES DE LA
ZONE D'ETUDE

Situé entre les coordonnées géographiques 10°45'0 de latitude Nord et 4° 4'60 de longitude Ouest, le site de Dèrègouè se trouve à l'extrême Nord-ouest du département de Sidéradougou dans la province de la Comoé. Il est limité:

· au Nord-est par le département de Péni (Province du Houet);

· au Nord-ouest par le département de Karagasso-vigué (Province du Houet) ;

· au Sud par le village de Gouandougou relevant aussi du département de Sidéradougou ;

· à l'Ouest par Sidéradougou, chef lieu du département dont relève Dèrègouè ; Cette zone est accessible par les routes praticables joignant les localités suivantes :

· Ouagadougou-Bobo-Dioulasso-Wara-Dèrègouè ;

· Ouagadougou-Diébougou-Gaoua-Sidéradougou-Dèrègouè ;

· Ouagadougou-Bobo-Dioulasso-Banfora-Sidéradougou-Dèrègouè

Carte n°1

CHAPITRE I : LE MILIEU PHYSIQUE

L'analyse du milieu physique de la zone d'étude s'est basée sur les facteurs suivants : relief, climat, pédologie, réseau hydrographique et végétation.

1.1. LE RELIEF

Le site de Dèrègouè repose sur des roches cristallines antébirimiennes (gneiss et migmatites) et un granite calcéo-alcalin d'âge indéterminé. Au Nord-est et à l'Est de la zone s'étendent des schistes du système birimien avec localement des massifs de granite à amphibole d'origine plutonique. Elle est limitée au Nord-est par les grès du précambrien supérieur qui forment la pseudo-falaise de Banfora. Cette pseudo-falaise surplombe notre zone d'étude qui se situe au Sud de cette dernière.

Le socle granitique et les formations birimiennes y ont été fortement pénéplanées et les formes de relief sont très peu accentuées. L'altitude passe de 290 m (niveau de la rivière Koba) à 340 m au sommet des ondulations. Le point culminant de Dèrègouè est de 350 m. Les pentes sont très faibles de 1% à 3%.

Entre Dèrègouè et Soumousso subsistent quelques reliefs granitiques en dômes. Des buttes cuirassées se retrouvent reparties dans le périmètre. Á l'Est, une série de buttes latéritiques marque la limite avec de nombreux petites vallées encaissées (ou vallons) et quelques grandes vallées alluvionnaires.

1.2. LE CLIMAT

Le climat de la zone d'étude, à l'instar de la province de la Comoé, est de type soudano-guinéen marqué par l'alternance de deux saisons bien contrastées: une saison humide et une saison sèche. La saison humide dure 7 mois et s'étend d'avril à octobre comme le témoigne le graphique ci-dessous. Cette saison correspond à la période pendant laquelle soufflent les vents de mousson porteurs de pluie qui se déplacent du Sud-ouest vers le Nord- est du Burkina Faso. La saison humide constitue la période active des populations paysannes de la zone. Par contre, la saison sèche s'étend sur 5 mois, de novembre à mars. Elle est dominée par les vents d'harmattan de direction Nord-est Sud-ouest. Ces vents sont porteurs d'air sec et chaud. Bien que cette période soit sèche, des pluies communément appelées

« pluies de mangue » s'y manifestent entre les mois de février et mars. L'alternance entre les périodes humide et sèche est le résultat des variations pluviométrique et thermique.

Graphique n °1

140

120

100

40

80

60

20

0

Diagramme ombro-thermique de la station agro-climatique
de Bérégadougou

Mois

250

200

300

50

0

150

100

T° C moy Pmm

Source : Direction Nationale de la Météorologie


· Les précipitations ;

Avec une moyenne pluviométrique annuelle de 10 17.3 mm calculée sur une période de 30 ans à partir de la station agro-climatique de Bérégadougou apparaissent abondantes comparativement à la moyenne pluviométrique des régions du Centre et du Nord. Cela explique en partie la migration des paysans du « plateau central », et surtout l'installation des émigrés burkinabé de retour de la Côte d'Ivoire vers les zones rurales de la province de la Comoé, à l'instar de notre zone d'étude. Toutefois, la pluviométrie reste aléatoire et inégalement répartie dans le temps et l'espace. En effet, les variations spatio-temporelles sont significatives comme le démontre le graphique ci-dessous.

Graphique n°2

1400

1200

1000

400

800

600

200

0

Variation spatio-temporelle des précipitations à Bérégadougou et à
Sidéradougou de 1984 à 2004

Période (en année)

Pmm Bérégadougou Pmm Sidéradougou

Source : Direction Nationale de la Météorologie


· Les températures ;

Comparativement à l'ensemble du pays, les températures enregistrées dans la province de la Comoé sont relativement basses. La température moyenne annuelle est de l'ordre de 27.3°C avec une amplitude de 5°C. Les températures mensuelles (Cf. graphique n°3) sont irrégulières et leurs évolutions permettent de distinguer quatre périodes au cours de l'année :

- une période froide, assez courte qui correspond au mois de décembre, janvier et mi

février. Sa moyenne thermique est 27°C avec une amplitude de 2.6°C ;

- une période torride, couvrant les mois de mars, avril et mai avec un écart thermique de 1.4°C et une moyenne de 30°C ;

- une période tiède avec une amplitude de 1.4°C et une moyenne de 2 6°C. Elle correspond à la saison des pluies et concerne les mois de juin, juillet, août, septembre, octobre et mi-novembre ;

- une période chaude ; elle marque la transition entre la période tiède et la période froide communément appelée « période d'harmattan ».

Graphique : n°3

Variations thermiques mensuelles à patir de la station
agro-climatique de Bérégadougou

Mois

40

35

30

25

20

15

10

5

0

T° C maxi T° C mini T° C moy

Source : Direction Nationale de la Météorologie

1.3. LE RESEAU HYDROGRAPHIQUE

Le Site de Dèrègouè fait partie du bassin versant de la Bougouriba et est drainé par le principal cours d'eau, la rivière Koba. Le Koba prend sa source dans la partie Nord de la Comoé, plus précisément sur les hauteurs de la pseudo-falaise de Banfora, suit un parcours sinueux et ramifié avant de se jeter dans la Bougouriba, un affluent du fleuve Mouhoun. Son écoulement est intermittent et tributaire de la pluviométrie et des températures. Sa période de crue correspond aux mois de juillet, Août et de septembre. En début de saison sèche, des marres d'eau stagnent temporairement, permettant ainsi aux agriculteurs de pratiquer des cultures de contre-saison et aux éleveurs d'abreuver les troupeaux de bétail.

Cette rivière joue un rôle capital dans les activités agro-pastorales. Elle constitue la principale source d'approvisionnement en eau des paysans qui pratiquent la culture irriguée. Aussi, offre-t-elle aux éleveurs des points d'eau pour abreuver les troupeaux.

1.4. LES SOLS

Ils sont dominés par les sols ferrugineux tropicaux lessivés, composés des matériaux lithologiques suivants : grés, schiste, etc. Ces sols, classés selon leurs matériels lithologiques et leurs aptitudes agronomiques, sont composés essentiellement de :

- lithosols ; ils regroupent les lithosols sur roches diverses et les lithosols sur cuirasse. Les premiers sont localisés sur les reliefs résiduels, notamment les buttes rocheuses. Leurs matériels lithologiques sont composés essentiellement de grès inférieurs. Par contre, les lithosols sur cuirasse sont localisés sur les buttes cuirassées. Ces types de sols sont favorables à la pratique de cultures diverses : cultures vivrières, coton, etc. ;

- sols ferrugineux ; on y distingue deux types dans la zone :

- les sols ferrugineux lessivés indurés ; ils sont présents sur les glacis à pentes fortes et les plateaux de raccordement. Les schistes, les grés à galets de quartz, les granites sont les matériels lithologiques qui les prédominent. On peut y pratiquer les cultures de sorgho, de maïs, de mils, de coton et d'arachide.

- les sols ferrugineux tropicaux lessivés à taches et concrétions ; ces sols sont localisés sur les glacis à pentes moyenne et inférieure. Ils sont constitués de matériels lithologiques suivants : les grés, les quartz, les galets, les granites calco-alcalins, les schistes, les colluvions, les alluvions, etc. Ces sols sont favorables aux cultures vivrières et à la culture du coton ;

- sols hydromorphes à pseudogley de surface ; ils sont localisés sur les ensembles fluvio-alluviaux : bas-fonds, vallons et vallées alluviales. Ces sols sont constitués d'alluvions et sont propices à la pratique des cultures suivantes : riz, sorgho, maïs, mil, arachide, coton, etc.

Les aptitudes agronomiques des sols de Dèrègouè montrent qu'elles sont favorables à la pratique de plusieurs cultures (culture vivrière, culture commerciale, arboriculture, etc.). Ces sols conjugués au climat et au réseau hydrographique, offrent à la zone une végétation dense et diversifiée.

1.5. LA VEGETATION

Sur le plan phytogéographique, le site de Dèrègouè à l'image de la zone pastorale de Sidéradougou est situé dans le district de la Comoé du secteur soudanien méridional (Guinko Sita, 1984). La végétation est caractérisée par des formations naturelle et artificielle (anthropique).

· Les formations naturelles ; elles sont composées de savanes arborées (forêt galerie et îlot de forêt dense) et des formations ripicoles. Ces formations naturelles sont dominées par les espèces ligneuses telles que vitelaria (Karité), Parkia biglobosa (Néré), Lamarindusindica (Tamarinier), Loudtiopis scoettoe, Terminalia laxiflora, Isoberlinia doka. Le karité, le néré et le tamarinier sont des espèces protégées par les populations locales. la coupe abusive de ces essences est passible de sanction pour celui qui en est l'auteur. Le tapis graminéen est composé en majeur partie d'andropogonées vivaces : Schizachyrium, Andropogon, Hyparrhenia, etc. Ces graminéens ont des tailles variant entre 20 et 50 cm. Á ces formations naturelles s'ajoutent quelques espèces pérennes introduites par l'homme.

· Les formations artificielles ; elles sont composées d'espèces végétales durables plantées par les populations paysannes. Ces espèces représentent des intérêts économique et stratégique pour ces paysans des fronts pionniers agricoles, notamment pour ces migrants en quête d'un mieux être et de droits fonciers durables sur les terres. Les espèces qui prédominent dans ces formations anthropiques sont : Mangifera indica (Manguier), Anacardium occidental (Anacardier), etc. Elles se conjuguent aux formations naturelles pour caractériser la trame végétative de la zone d'étude.

Les traits physiques (relief, climat, cours d'eau, sols et végétation) offrent d'énormes potentialités agro-pastorales à la zone : abondance du pâturage, possibilité de pratiquer une gamme variée de cultures, présence de nombreux points d'eau, etc. Ces atouts agroclimatiques et écologiques ont influencé l'Etat et ses bailleurs de fonds dans le choix de la zone comme site d'accueil de l'élevage, d'où l'aménagement d'une zone agropastorale dénommée « zone aménagée de Sidéradougou ». Aussi, ces caractéristiques ont-elles favorisé les mouvements de populations en provenance du nord, qui y ont joué un rôle décisif dans la dynamique socio-démographique, économique, foncière et agraire.

CHAPITRE II : LE MILIEU HUMAIN

Ce chapitre traite de la dynamique du peuplement, de l'organisation sociale et des activités économiques de la zone d'étude.

2.1. LE PEUPLEMENT DE LA ZONE D'ETUDE

Il est nécessaire de faire référence à l'histoire du peuplement du site de Dèrègouè pour mieux appréhender ses caractéristiques humaines actuelles. Le peuplement de ce village s'est fait par vagues successives et a débuté avec le groupe ethnique tiéfo portant le patronyme « Ouattara ». Cependant, la paternité de Dèrègouè est un sujet à polémique entre les différents lignages de ce groupe.

2.1.1. L'historique de la fondation de Dèrègouè

Selon les informations relatives au peuplement de Dèrègouè, il ressort que les Tiéfo sont les fondateurs du village. Les recherches de Malo Houodié (2005) dans la zone révèlent que « les détenteurs actuels des maîtrises territoriales des villages de (...), Dèrègouè, Sidéradougou sont des Tiéfo (...). Les Tiéfo auraient vécu dans la région de Kong avant de s'installer dans l'actuelle province de la Comoé. Ils formèrent de petits villages comme Gouandougou, Noumoundara le long de leurs parcours ». Cependant, l'historique du père fondateur du village fait l'objet de nombreuses controverses. En fait, le nom du fondateur du village ne fait pas l'unanimité entre les lignages autochtones ; d'où la narration de récits divergents.

Selon le chef du village (Dougoutigui), « c'est Ouattara Amoro qui est le fondateur de Dèrègouè ». Ce dernier serait un chasseur originaire du village de Gouandougou. « L'actuel Dèrègouè était son lieu de chasse .... Il faisait des vas et viens entre Gouandougou et Dèrègouè à la recherche de gibiers. S'étant habitué et ayant apprécié le lieu, il décida d'y rester définitivement. C'est ainsi qu'il baptisa le village « Derpien » (qui signifierait en langue tiéfo « je m'y suis habitué) » et fit venir sa mère Matogoma et ses frères qui résidaient à Gouandougou ».

Une deuxième version, contraire à la précédente et narrée cette fois par le « Batigui » (chef des eaux) affirmerait que « c'est Sawari (ancêtre du lignage se réclamant du Balankanafêsso) qui est le fondateur de Dèrègouè. Quand il est arrivé ici (allusion faite au site), il n' y' avait personne. En son temps, il y 'avait de la viande (allusion faite aux animaux sauvages) et tout le lieu était la brousse. Il l'apprécia, décida d'y élire domicile et le baptisa « Derkpin », qui signifierait « il m'a maintenu ».

Le lignage du chef de village et du chef des eaux sont les deux grands lignages propriétaires terriens de la zone. Bien qu'ils soient tous des Tiéfo portant le même patronyme, ces derniers ne s'accordent pas sur le nom du père fondateur du village, chacun se réclamant la paternité. En effet, selon S. B, un dioula assimilé au Tiéfo par matrilignage, « les descendants de Sawari sont venus de Dramandougou et ceux de Ouattara Amoro, de Gouandougou. Mais tous sont originaires de Kong. Il serait difficile de dire qui est-ce qui se serait-il installé en premier ». Pour Mr D., ATAS de la zone « les deux lignages (les descendants de Sawari et ceux de Amoro) se disputent la paternité du village. Chacun affirme que c'est son ancêtre qui est le premier à s'être installé. Or, il paraîtrait que ces deux étaient tous des chasseurs qui avaient comme site de chasse Dèrègouè. Mais leurs tentes étaient situées de part et d'autre de la colline, raison pour laquelle nul n'était au courant de la présence de l'autre. Un jour, l'un vit une flamme, il s'approcha et constata une autre présence humaine. Et comme chacun affirmait qu'il était le premier sur le site, ils décidèrent ensemble de se partager les pouvoirs du village. Ainsi les descendants d'Amoro et de Sawari ont respectivement à leur charge la gestion du « Dougou » (village et le fétiche protecteur du village) et du « Ba » (actuel rivière Koba et ses affluents) ».

Selon la famille du chef de terre de Kounbrigban, faisant partie de la descendance d'Amoro, « les descendants de Sawari et d'Amoro sont des cousins. Mais, ce sujet est un sacré dans le village. Au fait, les deux étaient dans le village et la femme de Sawari décéda. Amoro décida alors de donner sa fille comme épouse à Sawari afin qu'il puisse assurer une progéniture. Mais, cette alliance devait rester sacrée. On ne devrait pas en parler. C'est parce qu'aujourd'hui il y' a l'argent dans la terre, chacun se réclame la paternité du village ».

Loin de nous l'intention de jouer le rôle de juge sur cette question, raison pour laquelle nous avons faire usage du temps conditionnel pour évoquer la polémique qui règne autour de l'histoire de la paternité de notre zone d'étude. Cependant, l'unanimité des populations sur cette question est que ce sont les Ouattara de l'ethnie tiéfo qui sont les premiers occupants du

site, par conséquent propriétaires terriens coutumiers de la zone. Cette polémique autour de l'histoire du premier fondateur de Dèrègouè est l'une des raisons principales de son partage en trois grands territoires coutumiers: « Dougoutiguifêsso », « Balankanafêsso » et « Missifêsso ». Après s'être installés, les Tiéfo ont été suivis par les Dioula, avec qui ils forment le groupe autochtone. Tous comme les tiéfo, ils seraient originaires de Kong et s'y seraient installés entre le 18 et 1 9ème . Ceux-ci portent les patronymes suivants Diawara; Sanogo et Touré. Ils et sont les pionniers de l'islamisation de la zone.

Cependant, à partir des années 1970 on assiste à des vagues de migration en direction de la zone d'étude dont l'objectif principal est la recherche de terres et de pâturages.

2.1.2. Le peuplement de Dèrègouè par les « douna »

Les « douna » sont les populations dites étrangères. Ce sont les allochtones, les migrants de la zone. Leurs arrivées datent des années 1960/1970 et se sont déroulées par vagues successives :

· La première vague de peuplement: 1960/70 à 1985 ;

Elle concerne les premiers migrants composés d'ethnies karaboro, bobo, peul et mossi. Cette vague de migration est consécutive aux sécheresses qui ont affectés le pays en 1973/74 et en 1983/1984. Elles ont plus affecté les régions Nord et Centre du pays. Les Bobo et les Karaboro sont venus respectivement de la province du Houet et de la Comoé (plus précisément des départements de Tiéfora et de Banfora), par contre les Mossi sont principalement venus des provinces du Yatenga et du Zandoma. L'arrivée des Peul a surtout été stimulée par l'aménagement de la zone pastorale de Sidéradougou. Ces premiers migrants ont formé des villages tels que Hobaga, Faraba, Sounsoun, etc.

· La seconde vague de peuplement: 1985 à 1995 :

Les zones de provenance des migrants de cette vague sont la « vieille zone cotonnière», qui est la «région ouest et nord-ouest du Burkina Faso, au nord de Bobo- Dioulasso. Avec les sécheresses des années 70 et 80, et le développement du coton, des mouvements importants de migration ont eu, principalement lieu à partir du plateau central mossi, densément peuplé et frappé par la sécheresse. Encouragées par L 'Etat, ces migrations ont entraîné de rapides et profondes évolutions économiques et sociales : accroissement démographique des villages, création de nouveaux hameaux de migrants, extension des

cultures et saturation des terroirs » (Paré et Tallet, 1999 ; cité par Paul Mathieu et al. 2003 :3). Suite à la dégradation des ressources naturelles, à la saturation foncière et au manque de pâturage, ces migrants ont quitté la vielle zone cotonnière pour ensuite migrer vers le Sud-ouest, notamment dans la province de la Comoé dans l'espoir d'accéder à de nouvelles terres de culture et au pâturage. C'est dans ce contexte que de nombreux migrants en provenance de ladite zone, et appartenant principalement aux groupes ethniques mossi, samo et peul sont venus s'installer à Dèrègouè. 44% des chefs d'exploitation agricole enquêtés ont quitté cette zone, notamment dans les localités de Kouka, Bondokuy, Bama, Padéma, etc. Cependant, certains migrants de cette vague avaient pour zone de provenance le « plateau mossi ». Cette vague a été suivie par un fort mouvement de populations.


· La troisième vague de peuplement: 1995 à 2005 ;

Cette troisième vague se situe dans une période d'intensification des flux d'immigration à Dèrègouè. Sur le total des 102 migrants enquêtés, 61% se sont installés à cette période avec leurs familles respectives (Cf. graphique n°4). Par ailleurs, ces immigrations se sont accentuées davantage à la deuxième moitié de cette période. En effet, 29% des migrants de cette troisième vague de peuplement sont arrivés entre 1995 et 1999 et 77% entre 2000 et 2005. Ces migrants sont à majorité composés de mossi et viennent principalement de la Côte d'Ivoire et de la « vieille zone cotonnière ».

La troisième vague de migration marque le retour important de burkinabé installé auparavant en Côte d' Ivoire. Nombre d'entre eux se sont installés dans la province de la Comoé. Á ces derniers se sont ajoutés d'autres migrants en provenance des provinces des Banwa, du Houet, du Kénédougou, de la Sissili, etc. 30.5% des migrants enquêtés installés à Dèrègouè ont pour zone de provenance la Côte d'Ivoire contre 43% en provenance de la « Vieille zone de colonisation agricole » (Cf. graphique n°5 et carte n°2). Les années 2000 marquent un tournant décisif dans l'histoire du peuplement de la zone d'étude, et partant de la province de la Comoé. Elles caractérisent la période d'arrivée massive des migrants en quête de terres de culture.

1970-1985 1985-1995 1995-2000 2000-2005

Côte d'Ivoire "Vieille zone cotonnière" "Plateau Mossi" Comoé et Autres

Graphique n°4

Répartition des migrants enquêtés selon la période d'installation
(en %)

Source : enquête de terrain : 2005-06

Graphique n°5

Répartition des migrants enquêtés selon la zone de
provenance (en %)

Source : enquête de terrain : 2005-2006

2.2. LES DONNEES DEMOGRAPHIQUES

Estimée à 550 Hbt en 1975, la population de Dèrègouè est passée à 1141 Hbt en 1985 et à 3689 Hbt en 1996 (INSD : RGP 1975 et 1985 ; RGPH 1996). En 10 ans (de 1985 à 1996),

elle a triplé. Par ailleurs, Cet effectif a augmenté davantage ces dernières années en passant de 4200 Hbt en 1998 à 6066 en 20043.

Cependant, la population du site de Dèrègouè reste inégalement repartie sur le plan ethnique et spatial. Elle est à majorité composée de migrants mossi qui représentent 34.6% des ménages. Par ailleurs 20.6% des ménages sont des autochtones (Tiéfo et Dioula), 8% sont peul, 5% sont des Karaboro. Les Samo, les Marka, les Lobi, les Dagari, les Gourounsi, les Dogossiè, etc. représentent dans leur ensemble 31% des ménages (Cf. graphique n°6).

Graphique n°6

Répartition ethnique des ménages à Dèrègouè

Mossi

Tiéf o et Dioula

Peul

karaboro

Autres ethnies (Dagari, Dogossiè, Gourounsi, Marka, Lobi, Samo, etc,)

Source : Malo Houodié : 2005

Sur le plan de la répartition spatiale de la population, le site de Dèrègouè regroupe quatre grands villages : Dèrègouè, Hobaga, Kogouè et Kotougouni. En 2004, ces localités étaient composées respectivement 61, 19, 10% de la population de cette zone (Cf. graphique n°7 répartition spatiale de population selon les périodes). Par ailleurs, ce graphique montre que la population du village de Hobaga n'a pas considérablement évolué, tandis que celle de Dèrègouè 1 enregistre une évolution croissante. Ceci s'explique par le fait que l'on enregistre un dépeuplement du site de Hobaga au profit de Dèrègouè 1 lié à l'aménagement de la zone pastorale.

2 Préfecture de Sidéradougou/recensement administrative de la population 1998 et 2004

Graphique : n°7

Répartition de la population du site de Dèrègouè selon les
villages et les périodes

Hobaga Dèrègouè 1 Kôgouè Kôtougouni

1996 1998 2004

4000

3500

3000

2500

2000

1500

1000

500

0

Année

Source : INSD 1996; recensement administrative de la population 1998 et 2004

2.3. L'ORGANISATION SOCIALE

Les populations de Dèrègouè forment dans leur ensemble deux grands groupes sociaux: les autochtones et les allochtones. Ces deux groupes ont des organisations qui leur sont propres. Néanmoins, ils cohabitent à travers des rapports d'interdépendance.

2.3.1. L'organisation sociale chez les autochtones

Les Tiéfo de Dèrègouè ont une société de type segmentaire. L'organisation sociale est basée sur la juxtaposition et l'équilibre des rapports entre les lignages. Le système de filiation est de type bilinéaire et se caractérise par l'appartenance de chaque individu à la filiation matrilinéaire et la filiation patrilinéaire. L'héritage est aussi bilinéaire ; le neveu maternel peut hériter des biens de son oncle par voie matrilinéaire tout comme le fils de ce dernier. Jadis le système d'héritage était de type matriarcat. Mais, avec à l'islamisation des populations il est devenu mixte (patriarcat et matriarcat).

2.3.1.1. Les autorités traditionnelles

Les autorités impliquées dans la gestion traditionnelle de la zone d'étude sont : le chef de village, les chefs de terre et le chef des eaux.

· Le « Dougoutigui » ou le chef de village

Il est investi des pouvoirs politiques et coutumiers. Le chef de village est chargé du contrôle social et politique de la communauté villageoise. Il régule les litiges et conflits sociaux. Son rôle est surtout perceptible à travers les sujets qui interpellent toutes la communauté villageoise. Aussi, est-il le dépositaire des rites relatifs au « Dougou » (qui signifie en français village ; mais ici il correspond plutôt au fétiche protecteur du village) ;

· Le « Batigui » ou le chef des cours d'eau

Il assure la gestion des cours d'eau à l'échelle du village. Il officie les rituels et les sacrifices en rapports avec les cours d'eau. Le chef des eaux règle tous les litiges et malheurs en rapport avec l'eau. Chaque année, il immole une chèvre ou un mouton pour remercier les ancêtres des eaux dans la rivière Koba.

· Les « Dougoukolotigew » ou les chefs de terre ;

Ils assurent la gestion des terres qui leur sont dévolues traditionnellement. Au nombre de six, ceux-ci installent les migrants et attribuent les terres aux populations qui en font les demandes. Par ailleurs, Ils officient les rites en rapport avec la terre et sont impliqués dans la régulation des litiges fonciers localisés sur leurs territoires respectifs.

2.3.1.2 Les unités socio-spatiales

Les autochtones s'identifient à trois unités socio-spatiales que sont :

· le « Fêsso»

Il signifie « chez soi » et représente le territoire dont se réclame un groupe de lignage ayant en commun le même ancêtre. Par exemple, les descendants de Ouattara Amora antérieurement cités sont assimilés au « Dougoutiguifêsso » ; par contre, ceux de Sawari sont assimilés à « balankanfêsso » et « Missifêsso ». La gestion du fêsso est assurée par l'aîné. Il oeuvre pour

la cohésion des segments de lignage regroupés respectivement à travers des grandes concessions familiales communément appelées « Lou »

· Le « Lou » ou la concession familiale

Il est le reflet des segments de lignage maternel ou paternel. Les activités au sein de ces concessions sont coordonnées par l'aîné à qui sont subordonnés les cadets. L'aîné défend les intérêts de son groupe auprès des autres familles. Les « Lou » sont un regroupement de plusieurs familles nucléaires communément désignées par le terme « Gbâ ».

· Le « Gbâ » ou foyer

Il symbolise le ménage et regroupe en général le chef de ménage, son épouse ou ses épouses et ses enfants. Dans cette unité, c'est le chef de ménage, assisté de son épouse et de ses enfants qui coordonne les activités. Il arrive parfois que ces ménages regroupent les neveux, nièces, frères, cousins, etc. du chef de ménage.

De ces unités sociales se dégagent les unités de production suivantes:

- le champ collectif ou « foroba » ; c'est une unité de production agricole dont la main d'oeuvre est composée d'individus se réclamant d'un même ménage. Les activités y sont coordonnées par le chef de ménage et la production sert à faire face aux besoins de subsistance du groupe. On en fait usage dans les situations d'urgence, pour la

simple raison que nombre de membres du ménage ont des champs individuels ;

- le champ individuel ou « djonganiforo » ; c'est unité de production appartenant à un individu. Ces champs individuels sont en général détenus par les femmes et les jeunes célibataires.

L'ordre social au sein des groupes est régi par le principe d'aînesse, qui se traduit par des rapports d'autorité des aînés sur les cadets et des hommes sur les femmes au sein des segments de lignage. Toutefois, les prises de décision se font par concertation où chacun (vieux, jeune, homme, femme, etc.) donne son point de vue sur les questions ou les problèmes évoqués.

La société autochtone de Dèrègouè n'est pas figée, elle connaît des mutations dues à plusieurs facteurs : migrations, introduction de l'économie de marché, la modernité, etc. Ces mutations se traduisent par le morcellement des grandes familles, libérant ainsi les jeunes ménages en quête d'autonomie. Ces jeunes créent leurs propres habitations en dehors des grandes concessions familiales et organisent leurs propres productions. Néanmoins, ils restent

sous l'autorité des aînés pour ce qui concerne le mariage, les sacrifices et rituels. L'organisation sociale des autochtones côtoie celle des migrants.

2.3.2. L'organisation sociale chez les migrants

C'est une organisation sociale qui a été crée sur la base de l'ethnie, de l'origine villageoise ou de la zone de provenance de la migration. Elle fonctionne dans l'optique de maintenir la cohésion au sein du groupe dont un tiers migrant s'identifie et de faire face aux problèmes socio-fonciers et économiques de la zone.

L'organisation des migrants est centralisée autour d'un individu qui, en général, est le premier migrant du groupe avec lequel il partage la même ethnie ou la même origine villageoise (province, département, village). Ceux-ci sont regroupés dans des villages satellites dont les noms renvoient souvent à l'ethnie pour certains :

- Kounbrangan, quartier regroupant les Mossi originaires du yatenga ;

- Hobaga, village regroupant en majorité les Mossi originaires du Zandoma ; - Karaborosso (Faraba, Sounsoun), quartier regroupant les Karaboro ;

- Flatchin, quartier peul, etc.

Le chef de chaque groupe de migrants oeuvre pour la préservation de la cohésion sociale au sein du groupe qui s'identifie à lui. Il facilite l'insertion de tous les nouveaux migrants qui s'assimilent à son groupe et participe à la défense des intérêts de ces derniers auprès des autorités coutumières. Les chefs de migrants sont considérés comme des hôtes par ceux qu'ils accueillent. L'existence de ces deux groupes d'organisation sociale n'exclue pas des inter-relations entre eux.

2.3.3. Les relations entre autochtones et migrants

Á Dèrègouè, les autochtones, et plus précisément les Tiéfo, sont les « djatigui » (les hôtes) des migrants. Car ce sont les Tiéfo, propriétaires terriens coutumiers qui autorisent à priori l'installation, l'habitation, l'exploitation agricole, etc. aux migrants. Sans leur accord, aucun migrant ne peut à priori s'installer dans le village et exploiter un espace cultivable.

Chaque migrant a son hôte représenté par la famille du chef de terre qui l'a installé. Tout se passe comme si le chef de terre était le tuteur du migrant. Lorsqu'il attribue une portion de terre à ce dernier, celui-ci lui devient redevable chaque fin de saison. En plus, il existe des entraides mutuelles et des relations amicales entre autochtones et migrants. Les

migrants participent, contribuent financièrement et matériellement aux cérémonies des autochtones et vis versa (baptême, mariage, etc.).

L'ordre social à l'échelle villageoise est assuré de concert par le chef du village, les chefs de terre et les chefs de migrants avec l'assistance des RAV. Ces derniers sont interpellés dans la régulation des litiges sociaux et fonciers. Lorsque les protagonistes sont insatisfaits, les problèmes sont soumis aux forces de l'ordre (police ou gendarmerie) ou à la préfecture en vue d'une résolution.

2.4. LES ACTIVITES ECONOMIQUES

L'agriculture et l'élevage sont les deux principales activités économiques dans la zone. L'agriculture est pratiquée par la majorité de la population et l'élevage est surtout l'activité des éleveurs peul ainsi que de quelques agriculteurs. Les cultures dominantes sont les céréales et le coton ; l'arboriculture et les cultures maraîchères sont deux activités émergentes. L'élevage est caractérisé par la mobilité des espèces à majorité composées de bovins, caprins, etc. La pêche et le commerce sont aussi des sources de revenus pour ces populations.

2.4.1. L'agriculture

L'agriculture à Dèrègouè est pratiquée pour la subsistance et les revenus monétaires. Les cultures pratiquées varient très peu d'une exploitation à une autre, de même que les moyens de productions. Les céréales sont les principales cultures vivrières et le coton y constitue la culture de rente privilégiée des paysans.

2.4.1.1. Les cultures pratiquées et l'outillage agricole

Les principales spéculations cultivées sont : les cultures vivrières et celles de rente.


· Les cultures vivrières

Les céréales sont les principales cultures vivrières, mais on y cultive les tubercules.

Les céréales sont cultivées pour faire face au besoin de subsistance des familles. Les principales céréales sont le mil, le sorgho, le maïs et le riz. Elles connaissent une évolution croissante en production et en superficie (Cf. graphique n°8, page 36) dans le département de Sidéradougou, et partant à Dèrègouè. Cependant, les céréales, notamment le mil et le maïs, sont souvent commercialisés. Le rendement à l'hectare de ces deux spéculations varie entre

15 et 35 sacs de 100 kg. Le prix de l'unité de sac de 100 Kg sur les marchés locaux fluctue entre 9000 et 11000 F CFA selon les périodes de l'année.

Graphique : n°8

20000

15000

10000

5000

Evolution de la production céréalière dans le département
de Sidéradougou

0

1995/1996 2002/2003 2003/2004

Période

Sorgho Maïs

Mil

Riz Fonio

Source : ZATA du département de Sidéradougou, campagne agricole 2002-2003

Les céréales notamment le mil et le maïs jouent un rôle déterminant dans les rapports entre autochtones et migrants à Dèrègouè. En effet, chaque migrant qui obtient d'un chef de terre une parcelle est redevable à ce dernier, en ce sens que celui-ci est dans l'obligation de remettre 2 à 4 tines de mil ou maïs chaque récolte.

Les tubercules sont dominés par les patates, les ignames, etc., et sont beaucoup plus cultivés par les autochtones et les Karaboro. La culture des tubercules est peu développée à Dèrègouè, mais sa production est croissante dans le département de Sidéradougou. Elle est passée de 2013 tonnes à 3706.6 de 1995 à 2004 (ZATA de Sidéradougou/Campagne agricole 2002-2003), soit un taux d'augmentation de 84%.


· Les cultures de rente

Elles concernent les oléagineux, les arbres fruitiers et le maraîchage.

Le coton représente la principale culture oléagineuse dans le département de Sidéradougou. Mais l'arachide, le sésame, le sésame et le woandzou restent des spéculations non moins importantes comme en témoigne le graphique ci-dessous (graphique n°9, page 36). 68% des exploitants enquêtés pratiquent la culture du coton sur une superficie moyenne de 3,6 ha chacun. Toutefois, certains paysans ont des champs de coton dont les superficies dépassent largement cette moyenne, et atteigne souvent 10 ha. La culture du coton connaît un

essor à Dèrègouè, et en général dans le département de Sidéradougou (Cf. photo n°1, page 118 en annexe 2). Cela s'est traduit par une évolution croissante de la production de coton et de la superficie occupée par cette culture (Cf. graphique n°9).

Graphique : n°9

12000

10000

4000

2000

8000

6000

0

Evolution de la production des oléagineux dans le
département de Sidéradougou de 1995 à 2004

1995/1996 2002/2003 2003/2004

période

coton Arachide Sésame Niébé Woandzou

Source : ZATA de Sidéradougou/Campagne agricole 2002-2003

L'arboriculture se traduit par l'existence de nombreux vergers de mangue, d'anacarde, etc. L'anacardier est l'arbre le plus prisé des paysans, notamment des migrants. Il a été introduit au Burkina Faso dans les années 60 dans l'optique de protéger les sols et de lutter contre la désertification ; cet arbre est devenu une culture à but commercial et stratégique. Dans la province de la Comoé, sa culture a pris une importance avec l'arrivée significative des migrants et ses enjeux sont à la fois stratégiques et économiques. « La production de l'anacarde se développe de plus en plus avec les migrants qui exploitent en moyenne 4 à 5 ha. La production de l'anacarde représente un investissement profitable sur une longue durée. La tine varie entre 3500 et 4000 F CFA. La plantation d'arbres apparaît chez les migrants comme une façon de créer ou de consolider des droits permanents et transmissibles. » (Kagone M, 2004 :47). Bien qu'émergeant, la pratique de l'arboriculture par les migrants butte à certaines perceptions coutumières relatives à l'accès à la terre (nous y reviendrons largement dans la deuxième partie du mémoire) : l'arbre est perçu comme une essence dont la plantation sur une parcelle sous-entend une appropriation privée de l'espace à long terme.

La culture de bananes et le maraîchage y sont aussi pratiqués. Ils se développent aux abords des cours d'eau, notamment la rivière Koba, principal cours d'eau du site d'étude. Ils

sont surtout pratiqués par les « nouveaux acteurs » et les nouveaux migrants dont l'installation dans la zone est récente.

Ces spéculations citées ci-dessus sont cultivées au moyen d'outils et d'intrants variés, et ce pour accroître le rendement des sols et la production. Néanmoins, l'usage des outils traditionnels tels que la daba est perceptible

L'outil de travail traditionnel reste la daba. Par ailleurs, la pratique de la culture attelée par le biais de la traction animale y est très développée. L'usage de la traction animale pour les travaux de labour, de sarclage et de buttage a été intégré dans les moeurs culturales des paysans grâce à l'ORD dans les années 70. Il s'est généralisé avec le développement de la culture du coton et l'arrivée de migrants qui ont l'expérience de telles pratiques. Les outils modernes (laboureur, butteur, sarcleur, etc.) sont acquis sous formes d'achat, de troc, de location et de contrats (Cf. tableau n°2, page 40). Mais l'achat demeure le principal mode d'acquisition de ces outils des paysans, soit 58% des exploitants enquêtés. Outre l'usage de ces outils agricoles, les paysans adoptent plusieurs techniques pour diversifier et accroître leurs productions.

2.4.1.2. Les techniques de culture et de fertilisation

Les périodes de culture s'étendent généralement d'avril à décembre. Les mois d'avril, de mai et souvent de juin représentent la période de labour et des semis, tandis qu'octobre, novembre et décembre sont les mois de récolte. Les mois de juin, août, juillet et septembre sont réservés aux travaux de sarclage, de buttage et de traitement phytosanitaire des cultures ensemencées (Cf. graphique n°9, page 41).

· L'association de culture

Il se traduit par l'ensemencement de plusieurs plantes dans un même champ. Les principales cultures associées dans la zone sont le sorgho, le maïs, l'arachide, l'haricot, etc. Dans les vergers d'anacardier, les anacardiers sont associés aux plantes saisonnières (coton, céréale, etc.) lorsqu'ils sont nouvellement plantés. Dans ce cas de figure, l'association prend fin à la maturation des plantes d'anacarde.

· L'assolement/rotation

Cette technique consiste à parcelliser les unités de production et d'y ensemencer des plantes aux exigences différentes sur chaque parcellaire. Les cultures sont alternées successivement d'un parcellaire à un autre et d'une année à une autre. Dans la zone de Dèrègouè, après l'ouverture d'un nouveau champ, les paysans exploitent successivement les spéculations suivantes :

- sorgho, coton, maïs, coton, millet, arachide ;

- haricot, sorgho, maïs coton, maïs, millet.

L'utilisation d'engrais et l'irrigation sont les principales techniques mises en oeuvre par les paysans pour accroître le rendement de leurs champs.


· L'utilisation des engrais

Les engrais chimiques, notamment le NPK et l'urée, sont les principaux fertilisants des sols utilisés par les paysans pour accroître des exploitations. Ces intrants sont soit achetés au comptant, soit par l'entremise de la Sofitex sous forme de prêt remboursable. Au fait, la Sofitex fournit les intrants aux producteurs de coton par le canal des GPC sous la forme de prêt pour permettre à ces derniers de pratiquer la culture du coton. Selon les paysans enquêtés : « pour accéder aux intrants de la Sofitex il faut être membre d'un GPC, ensuite posséder un champ de coton d'au moins 5 ha afin de bénéficier des intrants pour les champs de coton et les champs de maïs. Pour 5ha de champ de coton, la Sofitex octroie des intrants d'1 ha de maïs. Une superficie d'1 ha de coton correspond à 3 sacs de 50Kg d'NPK et 1 sac d'urée plus 10 litres de pesticides. Cela revient à environs 45.000 F CFA remboursable à la Sofitex pour 1 ha pour la campagne 2004/2005». Le rendement moyen à l'ha selon nos enquêtes varie entre 1 et 1tonne et 1/2, ce qui procure respectivement 175000 et 187500 F CFA pour la campagne 2004/2005.

Les engrais chimiques ne sont pas les seuls intrants utilisés dans la production. Certains paysans enquêtés affirment utiliser la fumure organique pour accroître la fertilité des sols de leurs champs. Il s'agit particulièrement des agro-pasteurs et de certains nouveaux acteurs.

Tableau °2: les modalités d'acquisition de la charrue ou des tracteurs

Modalités d'acquisition

Contrepartie ou coût de l'acquisition

Nombre de cas

Achat

 

58

Don

néant

-

héritage

néant

2

Emprunt

 

4

Troc

parcelle

2

location

15 à 25000 l'ha

18

contrat

Main d'oeuvre

16

Total

 

100

 

Source : Enquête de terrain, 2005


· L'irrigation

Cette technique a vu le jour dans les années 1990 avec l'appui du projet PSSA/FAO qui a financé l'aménagement d'un bas-fond rizicole de 30 ha. A ce bas-fond, s'ajoute le périmètre irrigué dont l'aménagement et la fourniture de motopompe a été possible avec l'appui du PNGT et du PADL, en vue du développement de la culture de contre saison dans la zone. Par ailleurs, les techniques d'irrigation sont aussi pratiquées par les « nouveaux acteurs » qui y détiennent des fermes agro-pastorales (Cf. photo n°2, page 118 en annexe). L'irrigation est pratiquée surtout aux abords de la rivière Koba et ses affluents, dont les eaux constituent la principale source d'alimentation des périmètres irrigués. Les exploitants par le biais de motopompes ou d'un système mécanique irriguent leur.

Graphique n°10

" " " " " " " " " " " " " "

Janv Fé v M ars A vril M ai Ju in Ju ill A oû t S ep t O ct Nov Déc Janv

TENDANCE GENE

COTON

SORGHO

MAÏS

RALE

LE CALENDRIER AGRICOLE A DEREGOUE

B uttage

Sarclage
Sé me nce

LEGENDE

Labour
Récolte

Source: E n quête de terrain 2005/2006 Néya Sihé Août 2006

2.4.2. L'élevage

L'abondance du potentiel fourrager et la présence de nombreux points d'eau naturels ont favorisé le développement de l'élevage dans le département de Sidéradougou, et partant à Dèrègouè. Ce développement s'est accentué suite aux luttes contre les glossines sur les rives de la rivière Koba et à l'aménagement de la zone pastorale de Sidéradougou. Les espèces élevées et les systèmes d'élevage sont divers.

2.4.2.1. Les espèces élevées

Le cheptel est composé principalement de ruminants (bovins, ovins, caprins, asins) et des monogastriques (volailles, porcs, etc.). Dans la Comoé, l'effectif de ces espèces a augmenté ces dernières années comme le démontre le tableau ci-dessous. Cependant, cette croissance cache des problèmes vécus par certains éleveurs de la zone et qui entraînent une migration de ces derniers vers des pays voisins. En effet, selon S. D, un responsable de groupement d'éleveur peul dénommé « Djamdjalo », le cheptel est en régression dans la zone, car de nombreux éleveurs migrent vers les pays voisins, en particulier le Ghana où ils sont bien accueillis. « J'ai moi même une partie de mon cheptel dans ce pays ». Selon lui, cette émigration des éleveurs peul vers le Ghana s'explique par la saturation foncière qui se traduit par le manque de pâturages et de passages pour les troupeaux, suite à l'accroissement des parcelles de culture.

Tableau N° 3: Evolution du cheptel dans la province de la Comoé

Espèce

Années

Bovins

Ovins

Caprins

Asins

Porcins

Volaille

1995-1996

22.069

17.157

6.083

-

-

114.151

2002-2003

26.000

19.600

7.200

20

500

128.000

 

Source : plan de campagne 1995/1996 et DPRA/Comoé, déc. 2003

2.4.2.2. Les techniques d'élevage

L'élevage dans la zone d'étude est de type extensif. L'alimentation du bétail est en général assurée par les ressources naturelles (eau, végétation, etc.) et les résidus de culture. L'exploitation du pâturage naturel implique soit la sédentarisation soit la transhumance. Par ailleurs, ces techniques évoluent selon l'activité principale des producteurs et l'amplitude de mobilité du cheptel. Ainsi, deux principaux types d'élevage se distinguent dans la zone. Il s'agit de l'élevage peul et l'élevage des agriculteurs.


· L'élevage peul

L'élevage peul a un caractère culturel et économique. Les espèces sont seulement vendues pour faire face à des besoins (achat de moyen de locomotion, préparation des cérémonies, etc.). Il est difficile d'obtenir des chiffres fiables sur la taille des bovins, car les Peul sont réticents à fournir des informations à ce sujet. Néanmoins, nous avons dénombré 20 à 30 têtes de bovins conduits généralement par les pasteurs que nous avons rencontrés pendant les enquêtes. L'élevage peul peut être classé comme suite :

- l'élevage transhumant ; il concerne les bovins zébus (bos indicus) et les taurin (bos Taurus) et se caractérise par une grande mobilité des pasteurs en compagnie de leurs bétails. Les éleveurs sont en perpétuel mouvement à la recherche de pâturages et de points d'eau pour d'abreuver les troupeaux. Ils se déplacent sur de longues distances d'une saison à une autre. Selon Chartier (1982) cité par Chrystel Meallet et al. (1997 :13) « L'amplitude de transhumance est en moyenne de 35 Km avec un maximum de 100 Km ». Cet élevage de transhumance côtoie un élevage moins mobile ;

- l'élevage sédentaire ; il se traduit par des mouvements de bétail de faible amplitude qui se limite au terroir avec un rayon de mobilité d'environs 5 Km. Les troupeaux sont à chaque fois ramenés dans les concessions. Les terres de culture récoltées sont les lieux de parcage du troupeau. Mais en pleine saison de culture des enclos sont construits afin de pouvoir les garder.

Les ruminants sont les espèces dominantes de cet élevage ; néanmoins, ces éleveurs pratiquent l'élevage de la volaille, notamment les pintades. Outre l'élevage peul, on' y observe l'élevage pratiqué par les paysans dont la vocation principale est l'agriculture.


· L'élevage des paysans agriculteurs

Les espèces élevées sont des métis. Parmi ces paysans qui pratiquent l'élevage, on y distingue les agro-pasteurs d'avec les agriculteurs, en ce sens que la part relative du bétail dans les revenus globaux des agro-pasteurs est supérieure à celle des agriculteurs. Chez les agro-pasteurs, il existe un équilibre entre l'élevage et l'agriculture, ce qui n'est pas le cas pour ce qui concerne les agriculteurs. Dans le système d'élevage des paysans, l'utilisation des résidus de récolte comme fourrage est général ; la fumure animale ainsi que la traction animale sont utilisées.

Les agro-pasteurs associent l'élevage aux activités agricoles et leur troupeau est confié aux éleveurs peul. Par conséquent, Leurs bêtes font aussi l'objet de transhumance. Par contre, les agriculteurs sédentaires pratiquent surtout l'élevage de boeuf de traction et de la volaille à cause du développement de la culture attelée. Les boeufs de traction sont utilisés pour les travaux champêtres. Les animaux partagent la même concession que ces agriculteurs.

En dépit de la délimitation des zones pastorales et agro-pastorales, l'élevage, notamment celui des ruminants, se trouve confronté à des difficultés liées à l'accès aux pâturages et aux points d'eau. Ces problèmes que rencontre l'élevage dans cette zone sont stimulés par la pression démographique et la saturation foncière, conséquence de la colonisation agricole massive amorcée ces dix dernières années dans la zone d'étude.

CONCLUSION PARTIELLE

Le site de Dèrègouè offre des atouts pour le développement des activités agricoles et pastorales. Cela a entrainé ces dernières années une intensification des flux d'immigration. Ces migrations, en plus du croît naturel, ont contribué à l'accroissement de la population. Ainsi, la structure socio-ethnique traditionnelle du site a été transformée avec une population migrante composée majoritairement de mossi en supériorité numérique. Par conséquent, deux organisations s'y côtoient, celle des autochtones et des migrants.

Les cultures céréalières et le coton sont les principales spéculations des paysans de la zone d'étude. L'usage des engrais chimiques et l'irrigation sont les techniques mises en oeuvre par les paysans pour fertiliser les sols de leurs champs. L'élevage est de types sédentaire et transhumant avec un cheptel à dominance bovine.

Cette dynamique socio-démographique et économique à influencé les pratiques foncière que nous aborderons dans la deuxième partie du document.

DEUXIEME PARTIE :

LES PRATIQUES FONCIERES Á DEREGOUE

Dans cette partie de l'étude, l'analyse porte sur:

- les pratiques liées aux modes d'accès à la terre en vigueur dans la zone d'étude ainsi que les problèmes fonciers qui en découlent ;

- les incidences engendrées par les problèmes fonciers.

CHAPITRE III : LES MODES D'ACCES Á LA TERRE Á DEREGOUE

Les modes d'accès à la terre à Dèrègouè sont régis par un système foncier traditionnel en mutation, laissant apparaître de nouvelles transactions foncières. Celles-ci mettent aux prises des acteurs aux intérêts divers.

3.1. LES ACTEURS DU FONCIER

Dans la zone d'étude, nous avons identifié les catégories d'acteurs suivantes: les propriétaires du foncier, les exploitants agricoles et les pasteurs. Á travers leurs rapports avec la terre d'une part, et d'autre part leurs rapports réciproques, ces derniers influencent les modes d'accès à la terre.

3.1.1. Les propriétaires du foncier

Ils détiennent le pouvoir de décider de l'attribution et de l'utilisation des terres, ainsi que de l'expulsion d'une personne sur une parcelle. Á Dèrègouè, deux instances détiennent de fait ces prérogatives : l'Etat et les autorités coutumières

L'Etat use d'une autorité légale en matière de gestion foncière et est représenté par les autorités administratives locales que sont les préfets et les RAV, qui interviennent respectivement à l'échelle départementale et villageoise. Avec l'avènement de la RAF et l'aménagement de la zone pastorale, l'autorité de l'Etat, bien que mal perçue par certains usagers de la terre, s'affirme de plus en plus dans la zone d'étude. Il intervient dans la gestion foncière à travers le suivie des pratiques liées à l'exploitation des ressources naturelles, de l'occupation des terres et la résolution des litiges fonciers. Il facilite souvent l'acquisition des terres à des individus. C'est ainsi que l'Etat à travers ses structures déconcentrées a demandé aux chefs terriens d'accueillir les burkinabé de retour de la Côte d'Ivoire suite au déclanchement de la crise dans ce pays et de leur attribuer des parcelles. Aussi son

intervention dans la gestion foncière n'a-t-elle pas été remarquable lorsqu'il a déguerpi en mai 2004 les exploitants agricoles de la zone pastorale de Sidéradougou.

Les autorités coutumières sont représentées par les chefs de terre et le chef des eaux pour ce qui concerne respectivement la gestion des terres et des ressources hydriques. Notre attention s'est plus focalisée vers les chefs de terre, car ils sont les premiers responsables de fait de la gestion des terres à Dèrègouè. Ils installent les migrants et attribuent des terres de culture à ceux qui en font la demande. Aussi interviennent-ils dans la régulation des litiges fonciers.

3.1.2. Les exploitants agricoles

Ils exploitent la terre à des fins agricoles, soit pour la subsistance soit pour le commerce. Ils se distinguent de par leurs sexes, âges, statuts sociaux, statuts de résidence, activités principales, etc., qui déterminent à priori leurs droits fonciers et, partant, leurs accès différenciés à la terre. Ainsi, nous avons distingués les exploitants agricoles suivants : autochtones, migrants, jeunes, femmes et « nouveaux acteurs ».

· Les exploitants agricoles autochtones

Ils appartiennent au groupe ethnique tiéfo et partagent souvent le même lignage qu'un des chefs de terre de la zone. En fait, ils sont les héritiers potentiels de ces derniers. Ils se distinguent des autres exploitants, car ce sont les hôtes de Dèrègouè. Dans la pratique, ils accèdent à la terre sans verser de contreparties. Ceux-ci cohabitent avec les autochtones dioula, descendants des pionniers de l'islamisation de Dèrègouè. Les Dioula ne sont pas propriétaires terriens coutumiers et accèdent à la terre en versant des contreparties symboliques, le « landa ». Bien qu'ils soient usufruitiers, ceux-ci jouissent de droits fonciers qui sous-entendent une « appropriation définitive » de la terre : droit de planter, non versement de la redevance périodique, droit de transmission des parcelles acquises, etc.

· Les agriculteurs migrants

Représentant 64% des exploitants enquêtés, les migrants sont les plus nombreux. Ils se distinguent des autres exploitants car ils sont soumis au versement annuel d'un loyer en nature qui leur rappelle leur statut d'usufruitiers. Á l'inverse, des assimilés dioula ils sont soumis à priori à des restrictions : interdiction de réaliser des investissements pérennes sur les terres qu'ils exploitent. Les termes, vente ou d'achat de terre, sont apparus dans les transactions

foncières suite à leurs arrivées. Les migrants se distinguent selon leurs durées d'installation dans la zone : les anciens migrants et le nouveau migrants

- les anciens migrants ou « douna kôrôou »; ils appartiennent à la première et la deuxième vagues de migrations et sont arrivés dans un contexte où la terre était disponible. Ils ont accédé aux espaces cultivables sans que leurs parcelles ne soient définies à l'hectare. Ainsi, ces derniers ont eu le privilège de bénéficier de vastes superficies.

- les nouveaux migrants ou « douna kouraou »; ils appartiennent à la dernière vague (1995- 2005). Ces migrants, en particulier les migrants de l'année 2000, sont arrivés dans un contexte de saturation foncière. Ils ont une expérience des enjeux fonciers car venant en général de la « vielle zone cotonnière » et des zones de plantations de la Côte d'ivoire où les contrats fonciers monétaires, l'insécurité foncière et les conflits fonciers sont récurrents. Ces nouveaux migrants n'hésitent pas à proposer des sommes importantes d'argent pour accéder à la terre. En plus ils sont beaucoup plus orientés vers la pratique des cultures de rente telles que le coton et les cultures arbustives. Ils sont souvent méprisés des anciens migrants car ces derniers estiment qu'ils sont la cause de la réduction des superficies dont ils sont victimes.


· Les nouveaux acteurs

Ils sont pour la plupart des opérateurs économiques, des agents de l'administration publique ou privée, des hommes politiques, etc. L'agriculture ne représente qu'une activité secondaire pour ceux-ci. Ces « nouveaux acteurs » ne passent que des séjours temporaires hormis les fonctionnaires exerçant leur fonction dans la zone. Ils se distinguent des autres usagers de la terre par :

- l'étendue de leurs parcelles qui atteint au moins 10 hectares;

- la pratique d'activités agro-pastorales orientées vers le commerce (culture de coton, cultures d'anacarde et de manguier, etc.) ;

- la présence d'ouvriers agricoles et la mobilisation de techniques modernes (irrigation) dans les champs ;

- l'acquisition des terres au prix d'argents. Le terme achat est couramment employé par les paysans pour désigner la manière dont ils accèdent à la terre.

Parmi ces « nouveaux acteurs », il y'a ces citadins qui, du fait du manque d'emploi en ville, se dirigent vers la zone pour surtout pratiquer la culture du coton. Après les récoltes, ces derniers retournent en ville.


· Les femmes et les jeunes

Les femmes exploitent des parcelles, mais ne sont pas directement impliquées dans les transactions foncières sauf à des exceptions près. Elles s'y accèdent par l'entremise de leurs époux qui leur cèdent une portion de terre. Il est très rare de voir une femme solliciter une parcelle agricole sans l'aval de son mari. Leurs droits de culture sur la terre sont en général temporaires.

Les jeunes ont un âge compris entre 15 et 35 ans. Ils sont soit célibataires, soit mariés et possèdent des champs individuels acquis par le biais de leurs parents (père). C'est le cas très fréquent chez les migrants. En fait le père attribue une portion de sa parcelle à son fils ou fait la demande d'une nouvelle parcelle auprès d'un chef de terre au nom de son fils. Par ailleurs, certains jeunes négocient directement la terre sans l'appui d'un tiers. Il s'agit en général des jeunes qui ont migré seuls dans le village et certains jeunes autochtones. Les jeunes sont plus orientés vers la pratique des cultures commerciales, notamment le coton.

3.1.3. Les pasteurs

Nous entendons par pasteur, les éleveurs qui pratiquent le nomadisme et la transhumance. La recherche de pâturages est l'une des raisons de leurs migrations dans la zone d'étude. Néanmoins, certains d'entre eux pratiquent l'agriculture vivrière dont la production est destinée à l'auto-consommation. Ces éleveurs bénéficient d'une zone pastorale qui, aujourd'hui, suscite de nombreuses polémiques. Les conflits entre ces derniers et les agriculteurs sont très fréquents car chaque groupe revendique les espaces, notamment l'espace dit à vocation agro-pastoral. Ils sont en désaccord avec certains paysans, qui les soupçonnent d'être à la base du déguerpissement des agriculteurs de la zone pastorale.

Tableau n °4: Récapitulatif des acteurs fonciers enquêtés

Acteurs

Statuts

Total enquêté

Propriétaires du foncier

L'Etat (Préfet, RAV)

3

 

5

Exploitants agricoles

autochtones

150

 
 
 
 

Nomades, transhumants

3

Total

 

161

 

Source : enquête de terrain2005/2006

3.2. L'ACCES Á LA TERRE À DEREGOUE

L'accès à la terre, préalable pour la pratique des activités agricoles, se déroule selon des modalités diverses qui se distinguent de par la nature, le type de droits conférés, la contrepartie versée en échange d'une parcelle. Ces éléments qui permettent de distinguer les transactions foncières laissent apparaître de nos jours diverses formes d'accès à la terre qui découlent du système foncier traditionnel.

3.2.1. LE SYSTEME FONCIER TRADITIONNEL

La gestion des terres est assurée par les chefs de terre qui interviennent dans leurs domaines fonciers respectifs (Cf. carte n°3, page 50). Ils y installent et attribuent les terres selon des principes coutumiers dont l'application change selon que le demandeur d'une parcelle est autochtone ou migrant.

Selon les chefs de terre de la zone d'étude la « terre est un bien collectif. Nous ne la refusons pas à quiconque voudrait l'exploiter pour subvenir à ces besoins de subsistance. On ne la vend pas». La superficie des terres attribuées aux « étrangers » est fonction de la taille de leurs ménages respectifs. Certes la terre est un bien collectif à Dèrègouè comme dans toute société traditionnelle africaine, mais les règles qui régissent la mise en valeur des parcelles attribuées permettent de distinguer deux types de droits :

- le droit de « propriété » ou droit « éminent » dévolu aux propriétaires terriens ;

- le droit d'usufruit, c'est-à-dire « un droit réel de jouissance qui confère à son titulaire (usufruitier), le droit d'utiliser une chose, d'en percevoir les revenus, mais non d'en disposer » (Gérard Ciparisse, 2005) ; il est délégué aux individus n'appartenant pas aux groupes des propriétaires terriens.

L'installation des étrangers et le défrichement de l'espace à des fins agricoles par ceux-ci sont précédés de rituel accompli avec :

- des poulets lorsque l'usager ne doit pas habiter dans son champ ;

- des poulets plus une chèvre lorsque l'usager doit construire une concession dans son champ.

Le versement de cette contrepartie appelé « landa » doit précéder le défrichement et l'exploitation de l'espace attribué. Á la fin de la saison agricole, chaque exploitant offre une part non-définie de sa récolte pour les cérémonies, dont le but est d'adresser des remerciements aux ancêtres pour la saison écoulée et les implorer pour de bonnes récoltes à l'avenir. Par ailleurs, les migrants sont tenus de respecter des interdits et les obligations relatifs à la mise en valeur des terres par les populations dites « étrangère ».

Á priori, lorsque la terre est attribuée à un exploitant allochtone qui n'est pas membre du lignage d'un chef de terre celui-ci est dans l'obligation de cultiver du « siman », qui correspond aux cultures vivrières destinées à la consommation (sorgho, millet, maïs). En conséquence, il ne bénéficie pas du droit de planter des arbres pérennes. En plus, pour éviter que son droit ne lui soit retiré par les propriétaires terriens, il doit par conséquent respecter les interdits suivants :

- ne pas travailler dans le champ les lundis et vendredi ;

- ne pas jouir des certains arbres présents dans le champ : Karité, Néré, Tamarinier ; - interdiction de creuser des puits et des forages ;

- S'abstenir de faire des rapports sexuels dans le champ, etc.

Selon les chefs de terre le « non-respect des interdits entraîne le retrait de la parcelle, voir l'expulsion de celui qui en est l'auteur ».

Ces principes coutumiers régissant la gestion foncière dans la zone ne sont pas stables, ils évoluent. En effet, les travaux de terrain ont révélé l'évolution de plusieurs éléments qui caractérisent l'accès à la terre dans la zone d'étude : les contreparties versées lors de l'attribution des terres, les interdits relatifs à l'exploitation des parcelles, etc. Ainsi, plusieurs modes d'accès à la terre se distinguent dans la zone d'étude.

3.2.2. LES MODES D'ACCES A LA TERRE EN VIGUEUR À DEREGOUE

L'analyse des clauses qui régissent les contrats fonciers ainsi que les acteurs qui s'y impliquent dans la zone d'étude a révélé les deux grandes formes suivantes : les modes d'accès à la terre à durée limitée et les modes d'accès à durée illimité.

3.2.2.1. Les modes d'accès à la terre à durée illimitée

La singularité de ces formes d'accès à la terre est que la durée de validité des droits qui en découlent n'est pas limitée à priori et les types de terre qui concerne ces transactions sont en général des brousses non appropriées. Par ailleurs, nos enquêtes ont révélé que des terres ayant déjà subi un défrichement (ancienne jachère et terres en culture) font l'objet de réattribution avec délégation de droits permanents suite à la remise en cause de certains contrats. Sur le total des terres transférées avec délégation de droits permanents, 85.3% était des brousses, 4.6% des anciennes jachères et 10% des terres en culture. Pour ce qui concerne l'accès à la terre à durée non-définie, les travaux de terrain ont révélé les formes suivantes : le don, le prêt, le métayage et la vente.

3.2.2.1.1. Le don coutumier

C'est une forme traditionnelle d'accès à la terre dans laquelle le donateur est un chef de terre, et le bénéficiaire en général un membre de la famille des propriétaires terriens coutumiers. Aucune contrepartie n'est versée dans cette forme de transaction foncière et il se traduit par la délégation des droits d'usage permanents, voire définitifs sur la parcelle transférée.

Lorsqu'un individu appartenant au lignage des propriétaires terriens désire acquérir un champ en son nom, il en fait la demande auprès de l'aîné de son groupe qui assure la fonction de chef de terre. Ce dernier lui cède une parcelle sans conditionnalité. Le bénéficiaire devient dès l'instant propriétaire légitime de la parcelle acquise et peut y réaliser différents types d'investissement: planter des arbres pérennes (anacarde, manguier, etc.). Il a même la possibilité de céder la parcelle à une tierce personne, mais ne doit pas la vendre par principe.

« Anka yôrô bo », c'est-à-dire c'est chez nous ou « oya diiyan » (on m'a donné) sont les termes généralement employés pour désigner ce transfert de terre par don. Nous avons préféré cette appellation de don dans ce type de transfert car le bénéficiaire accède à la terre sans contrepartie. En plus, il a la possibilité de réaliser des investissements qui, pour les populations locales renvoie une forme d'appropriation privée et définitive de la terre: planter des arbres à longévité durable. Sur un total de 254 transferts de terre enregistré à travers les 150 chefs d'exploitation agricole enquêtés, 8.3% étaient faits sous forme de don.

3.2.2.1.2. Le prêt traditionnel

Cette modalité d'accès à la terre représente 8% des transactions dénombrées. Les parties concernées par ce type de prêt sont en général des assimilés dioula (emprunteurs) et les chefs de terre (prêteurs).

Les emprunteurs de parcelles par prêt sont des Dioulas. Ceux-ci sont des autochtones, mais pas des propriétaires terriens coutumiers. Par conséquent, ils ne peuvent qu'être des usufruitiers des terres. Les droits d'usage sur les terres qui leur sont attribués sont permanents. En échange, ils versent au chef de terre qui leur a cédé la parcelle le « banda ». En plus, après chaque récolte, ils peuvent en guise de reconnaissance donner une part de leurs récoltes non- définie à priori. Cette part de récolte est utilisée pour des cérémonies de reconnaissance vis à vis des ancêtres. Mais, cette pratique a disparu avec l'islamisation des villages sous l'influence des Dioula.

Le bénéficiaire de parcelles par ce prêt jouit des prérogatives suivantes : droits de cultures à cycle de production quasi-annuelle (cultures vivrières, coton, etc.) et droits de réalisations d'investissements durables (pratique de l'arboriculture, construction de diguettes anti-érosives, etc.). Il a la possibilité de mettre sa parcelle en jachère au cas où le besoin se fait sentir. Aussi, il peut la prêter à une tierce personne. Cependant, l'emprunteur est tenu de respecter certains interdits coutumiers relatifs à la mise en valeur des terres par les usufruitiers traditionnels : s'abstenir des actes sexuels tant que les sacrifices qui rendent possibles ces pratiques n'ont pas été faits, de quereller dans le champ et ne pas y travailler les lundis et les vendredis.

3.2.2.1.3. Le métayage

Cette transaction est apparue avec l'accroissement de l'effectif des migrants à partir des années 80 et renvoie à un « loyer que paie en nature (part de la production fixée par bail) un agriculteur (métayer) pour exploiter les terres appartenant à un propriétaire » (Françis Beaucire et al, 1987 :285). Dans le métayage « le bailleur et le preneur (appelé métayer) conviennent que le produit de la terre, travaillée par le métayer, sera partagé entre eux selon une proportion convenue à l'avance. » (FAO, 2003).Ces définitions s'assimilent à ce qui se passe dans la pratique à Dèrègouè. Lorsqu'un migrant y arrive et demande la terre pour cultiver, le chef de terre la lui cède. En échange, le migrant bénéficiaire donne au chef de terre le « landa » et la redevance périodique en nature. Le métayer doit s'acquitter de cette redevance annuelle après chaque récolte à compter de la deuxième saison de culture qui suit l'ouverture du champ. Elle varie entre 2 et 4 tines de mil, sorgho ou maïs.

Les chefs de terre sont munis de cahiers de charge dans lesquels figurent les noms de tous les migrants sous contrat de métayage permanent. Lorsqu' un métayer s'acquitte de son loyer, le chef prend le soin de le mentionner dans le cahier. Le non-versement régulier de la redevance peut entraîner la remise en cause des accords. Par ailleurs, lorsque le migrant n'a pas la possibilité de verser le loyer en nature, il a cette chance de le donner en espèces. Pendant les enquêtes, sous sa forme espèce, le loyer correspondait à la somme de 3000, 4500 ou 6000 F CFA respectivement pour les 2, 3 ou 4 tines. Ces montants peuvent varier selon le prix de la tine de céréales sur le marché.

En retour, le chef de terre délègue au métayer un droit de culture permanent, mais celui n'a que le droit de cultiver des plantes à durée de vie saisonnière : par exemple le maïs, le sorgho, le coton, etc. Par conséquent, il ne doit pas planter des arbres, ne doit pas réaliser

des investissements pérennes (construction de puits ou forage par exemple). Une absence prononcée sur la parcelle peut entraîner la reprise et la réattribution de la parcelle à un autre demandeur.

L'accès à la terre par métayage représente 39.4% des transferts enregistrés et se présente sous deux formes, qui se distinguent selon le nombre de parties impliquées dans ce contrat et le versement ou le non-versement du « landa »: le métayage avec « landa » et le métayage sans « landa ».

· Le métayage avec « landa »

Les parties impliquées dans le métayage avec « landa » sont : les chefs terriens, partie cédeur et, les migrants, partie preneuse ou métayer.

Dans ce type de métayage, le métayer a une double contrepartie à verser : une contrepartie symbolique, versée une seule fois, et une redevance en nature dont il s'acquitte périodiquement. Ce qui n'est pas le cas dans la deuxième forme de métayage à savoir le métayage sans « landa ».

· Le métayage sans « landa »

Il implique trois parties regroupant des migrants et des autochtones :

- un premier migrant, cédeur ;

- un deuxième migrant, réattributaire ;

- un chef de terre, propriétaire éminent et percepteur de la redevance.

Il se traduit par une réattribution de parcelle à un tiers migrant, généralement un parent sans terre, sous l'accord du chef de terre concerné qui, en retour, perçoit le loyer en nature sur le nouvel acquéreur. Ce dernier accède à la terre, mais ne verse pas le « landa » puisqu' il avait été versé auparavant par son parent migrant qui lui a cédé la terre. L'avantage de ce métayage est que le réattributaire, qui est le nouveau métayer, ne verse pas le « landa » avant de défricher sa parcelle.

3.2.2.1.4. L'héritage

C'est un transfert de terre d'un défunt usager (père, oncle, etc.) à un héritier légitime. Lorsqu'un exploitant décède, ses droits d'usage sur une parcelle sont transmis à un héritier qui peut être le fils, le neveu, le frère, etc. L'accès à la terre par héritage représente 16% des transferts de terre enregistrés et se présente sous deux aspects: l'héritage sans redevance et l'héritage avec redevance.

· L'héritage sans redevance

Il concerne les autochtones et représente 92.3% des transactions par héritage enregistrées. Lorsqu'un héritier hérite des terres de son défunt parent, il accède aux droits fonciers dont jouissait ce dernier de son vivant. Il ne verse aucune redevance au chef de terre et exploite la terre acquise sans restriction. Ce qui n'est pas le cas pour les héritiers migrants dont les défunts parents ont exploités les terres sous des contrats de métayage à durée illimitée.

· L'héritage avec redevance

Il concerne les héritiers migrants dont les défunts parents exploitaient de leur vivant les terres sous contrat de métayage permanent. Ce type d'héritage est moins fréquent et ne représentent que 7.3%. Lorsqu'un migrant qui exploite une terre sous métayage permanent décède, son héritier doit en faire de même, c'est-à-dire continuer de verser la redevance en nature que son défunt versait au chef de terre quitte à se voire retirer son héritage. Si un migrant décède, son héritier peut continuer d'exploiter la parcelle, mais avec l'accord du chef de terre. Une fois qu'il accède à la terre, il doit continuer de verser le loyer en nature (les 2, 3. ou 4 tines de mil, maïs ou sorgho) que versaient ses parents auprès des propriétaires terriens, afin d'éviter toute tentative de remise en cause de l'héritage.

Les droits fonciers des héritiers, autochtones ou migrants, restent les mêmes que ceux de leurs défunts parents dont les parcelles furent héritées. Pour ce qui concerne les migrants, en particulier, l'héritier est tenu de respecter les interdits (ne pas planter, creuser des puits, travailler les lundis et vendredis dans le champ, etc.). Dans le cas contraire, la parcelle peut lui être retirée.

3.2.2.1.5. Le « Sanny/Féré » ou la « vente » de terre

Dans une société où la cession définitive de parcelles aux migrants n'est pas encore admise (surtout par les « vieux »), et où les différentes formes d'accès à la terre ne sont pas encore déterminées par un marché officiel (du genre offre et demande), il est difficile de parler de vente au sens moderne du terme3. C'est pour cette raison que nous avons préféré mettre le terme vente entre guillemet. Par contre, nous l'utilisons pour mettre l'accent sur l'appropriation définitive de la terre et la mobilisation de forte somme d'argents qu'entraine cette transaction.

La vente de terre est une pratique qui s'est développée ces dernières années à Dèrègouè et représente 2% des contrats fonciers enregistrés à Dèrègouè. Les termes employés par les populations locales pour désigner cette transaction sont le « Féré » ou le « Sanny », qui signifie respectivement la « vente » ou l' »achat » de terre. Elle se caractérise par :

- l'accès à la terre au prix d'argents définis à l'hectare et supérieure largement au

« landa » converti en espèce, c'est-à-dire supérieur en général à la somme de

10.000 FCFA. Par exemple pendant les enquêtes le prix de l'ha de parcelle

fluctuait entre 20000 et 50000 F CFA ;

- le non-versement du loyer annuel en nature ;

- l'accès au droit de planter, voire au droit de réalisation d'investissements pérennes.

Cependant, ce terme n'est pas apprécié des propriétaires terriens coutumiers car selon eux la terre ne se vend pas. Ils préfèrent plutôt employer le terme « benhin », qui signifierait « entente » pour témoigner d'un arrangement à travers lequel le cédeur perçoit de l'argent dont le montant est largement supérieur au « landa » converti en espèce. En retour, le preneur se voit transférer des droits qui lui permettent de réaliser des investissements durables sur la parcelle et de transférer sa parcelle à une autre personne.

La vente se pratique à Dèrègouè et entraine une appropriation privée, mais aucun écrit ne l'atteste. Elle se traduit particulièrement à travers l'accès au droit de planter, car dans les perceptions locales il est difficile de retirer le champ d'une personne qui y a planté des arbres. Nous avons pu identifier trois formes de vente de terre qui se distinguent de par les contreparties et le type de terre en jeu :

3 C'est-à-dire un contrat par lequel une partie (le vendeur) transfert ou s'engage à transférer la propriété d'une chose ou un droit à l'autre partie (l'acheteur, ou acquéreur), qui s'oblige à en payer le prix en argent.

Les problèmes fonciers en zone de front pionnier agricole : cas de Dèrègouè dans la Comoé

· La « vente » sur terre non-cultivée

C'est un transfert de terre non cultivé (brousse ou ancienne jachère) en échange d'une contrepartie en argent fixée à l'hectare. Le montant varie selon les domaines fonciers coutumiers des chefs de terre et le temps. Entre 2000 et 2005, le prix de l'hectare a évolué de 15000 à 50000 FCFA.

· La « vente » sur terre en culture et la « vente » par troc

Elle concerne les terres occupées et mises en culture. En fait, lorsqu'un migrant veut planter des arbres dans son champ, il en fait la demande au chef de terre qui lui a cédée la terre sous contrat de métayage. Si ce dernier approuve la demande, il délègue au migrant le droit de planter en contrepartie d'une somme d'argents définie en fonction de la superficie occupée par les arbres : pour un ha d'arbres plantés, la contrepartie équivaut à 25000 F CFA, puis 12500 F CFA pour un demi-ha. Cette forme d'accès à la terre vient mettre une fois de plus en exergue le rôle capital de l'arbre dans l'appropriation définitive de la terre et montre combien les modes d'accès à la terre ne sont pas stables, mais s'adapte au contexte sociopolitico économique.

Quant à la « vente » de terre par troc, il se traduit par l'acquisition d'une parcelle en échange d'un bien que le preneur donne au cédeur. Ces biens sont en général des engins mobylettes. C'est une pratique qui se déroule en général entre les « nouveaux acteurs » et la nouvelle génération de propriétaires terriens: les jeunes.

3.2.2.2. Les modes d'accès à durée limitée

Ce sont des transferts de terre avec délégation de droits de culture temporaires définis dans les clauses des contrats. Ils représentent 26.4% des modes d'accès à la terre en vigueur. Les droits d'usage sur la terre qui en découlent sont temporaires avec une durée de validité saisonnière qui correspond à la période campagne agricole. Celle-ci dure d'avril à décembre/janvier.

Les exploitants agricoles qui accèdent à la terre par le biais de contrats fonciers temporaires ne peuvent jouir que du droit de cultiver des plantes dont la longévité ne dure que le temps d'une campagne agricole. Il s'agit des céréales, du coton, etc. En conséquence, les investissements durables : plantation d'arbres pérennes, construction de maison, ne leur sont pas autorisés. Ces contrats peuvent être renouvelés lorsque les cédeurs ne manifestent pas le désir de remettre leur terre en valeur ou de la retransmettre à un autre exploitant.

Les transactions foncières temporaires dénombrées à Dèrègouè se distinguent selon les contreparties versées par les exploitants concernés, qui se présentent sous formes de loyer en nature ou en espèce. Ainsi, nous avons pu identifier les formes suivantes : le prêt, le métayage, la location et le contrat de prestation saisonniers.

3.2.2.2.1. Le prêt saisonnier

Dans ce contrat, les emprunteurs et les préteurs sont soit des migrants, soit des autochtones. L'emprunteur, une fois qu'il accède à la parcelle, n'est pas dans l'obligation de verser une contrepartie au propriétaire. Cependant, il peut en guise de reconnaissance offrir quelques tines de céréales ou autres cadeaux à celui qui lui a attribué la parcelle.

Le terme local couramment employé pour désigner cette transaction est le « samian dondoly », ce qui signifierait en français prêt d'une saison de culture. Elle représente 17.3% des transactions dénombrées et 65.7% des contrats fonciers saisonniers.

3.2.2.2.2. Le métayage saisonnier

Comme défini plus haut, le métayage prend son sens lorsque l'exploitant est dans l'obligation de verser une part de sa récolte au propriétaire de la parcelle.

Á Dèrègouè, le métayage qui ne dure qu'une campagne agricole représente 20% des contrats saisonniers enregistrés. Il consiste à céder une parcelle à une tierce personne qui, en retour, verse au cédeur une part de la récolte de son mil, maïs ou sorgho qui varie entre 2 et 4 tines. Les métayers sont des migrants, en particulier les nouveaux migrants installés après l'année 2000 dans la zone. Par contre les cédeurs sont soit des migrants, soit des autochtones.

3.2.2.2.3. La location saisonnière

Représentant 4.5% des transferts à durée déterminée dénombrés, les locations saisonnières sont des accords qui se traduisent par le versement d'un loyer en argent en échange de la parcelle acquise. Ce loyer est défini à l'hectare de superficie et varie entre 10000 et 20000 F CFA.

Ce sont des pratiques qui se déroulent en général entre les autochtones, cédeurs, et migrant, locataires. Mais selon certains enquêtés, des migrants cèdent des portions de leur terre sous forme de location à d'autres migrants.

3.2.2.2.4. Les contrats de prestations saisonniers

Désignés aussi sous le terme « benly », ils représentent 9% des contrats temporaires. Ce sont des accords dans lesquels les preneurs fournissent des prestations aux bénéficiaires en échange des droits d'exploitation acquis. Ces prestations correspondent à la main-d'oeuvre que les preneurs apportent pendant les travaux champêtres au bailleur pour les travaux de labour, semis, sarclage, récolte, etc. Le bénéficiaire décide de travailler dans le champ du bailleur pendant un certain nombre de jours de la semaine, en général trois fois.

C'est une pratique développée entre migrants, mais il arrive que des autochtones soient des bailleurs dans les contrats de prestation. Ce type de transaction offre l'opportunité aux cédeurs d'alléger leurs dépenses pour ce qui concerne l'acquisition de la main d'oeuvre pendant les travaux champêtres.

L'insuffisance et le manque de terre sont les facteurs qui obligent certains exploitants à accepter les contrats temporaires. Ces contrats temporaires leur permettent ainsi d'accroître leur production d'une part, et d'autre part, d'arriver à pratiquer l'agriculture le temps d'accéder à un droit permanent. Les parcelles attribuées dans les modes d'accès à durée limitée sont des terres en jachère et en exploitation.

Tableau n°5 : Récapitulatif des modes d'accès à la terre en vigueur à Dèrègouè

Modes d'accès à la terre

Total

(%)

Droits transférés

Contreparties

Cédeurs

Attributaires

Durée illimitée

190

 
 
 
 
 

Don coutumier

 

8,3

cultures saisonnières et pérennes

néant

Chefs de terre

Propriétaire terrien

coutumiers

Prêt coutumier

 

8

cultures saisonnières et pérennes

"landa"

 

Autochtones assimilés

Métayage

 

39,4

Cultures saisonnières

"landa" et redevance en nature

Chefs de terre/Migrants

Migrants

Sans "landa"

 
 
 

redevance en nature

Migrants

Migrants

Avec "landa"

 
 
 

"landa" et redevance en nature

Chefs de terre

Migrants

Héritage

 

16

 
 

Autochtones/Migrants

Autochtones et migrants

Sans loyer

 

92,3

 

"landa"

Autochtones

Autochtones

Avec loyer

 

7,3

 

redevance en nature

Migrants

Migrants

"Vente"

 

2

Cultures saisonnières et pérennes

 

Chefs de terre

Migrants

simple

 
 
 

1 ha compris entre 20000

Chefs de terre

Migrants

Par plantation d'arbre

 
 
 

1ha à 25000,

1/2 ha à 12500 FCFA

Chefs de terre

Migrants

par troc

 
 
 

Motocyclette

Chefs de terre

Migrants

Durée limitée

64

26,4

Temporaire

 

autochtones ou migrants

 

Prêt

 

17,3

cultures saisonnières

volontaire

 

Autochtones et migrants

Métayage

 

21

 

redevance en nature

 

Location

 

4,5

 

1 ha à 15000 ou 20000 FCFA

 

Migrants

Contrat de prestation

 

9

 

main d'oeuvre

 

Migrants

Total

254

 
 
 
 
 
 

CHAPITRE IV : LES PROBLEMES LIES AUX PRATIQUES FONCIERES

Pour faire allusion aux problèmes d'accès à la terre auxquels ils sont confrontés, les exploitants agricoles de la zone d'étude emploient couramment la phrase « dougou makolo komi ban dégué », ce qui signifie les difficultés liées à la terre dont nous souffrons. Ces problèmes sont multiples et s'assimilent à des situations d'instabilité des droits d'usage sur la terre telles que l'insécurité et la précarité des contrats fonciers.

4.1. LES PROBLEMES D'INSECURITE FONCIERE

Ils sont variés en raison de la diversité des objets mises en cause et des perceptions paysannes. En effet, les problèmes d'insécurité rencontrés à Dèrègouè diffèrent selon que les exploitants sont soit des migrants, soit autochtones.

4.1.1. L'insécurité foncière chez les migrants

Pour les migrants enquêtés, l'insécurité foncière est liée au risque de remise en cause des droits d'exploitation agricole qui leur ont été cédés par les propriétaires terriens coutumiers. Elle se manifeste à travers les retraits de terres et les réductions de superficie.


· L'insécurité liée aux retraits de terre

Elle renvoie au risque de remise en cause des contrats fonciers, qui sont perceptibles à travers les retraits de terre. Sur le total des exploitants enquêtés, 7 cas de retrait de parcelles ont été enregistrés, soit 50% de victimes de cette pratique. Les parcelles ainsi retirées sont réattribuées à d'autres demandeurs qui, le plus souvent, sont des migrants.

Le besoin de terre et le non-respect des clauses qui définissent les contrats sont les principales raisons évoquées par les propriétaires terriens coutumiers pour justifier les retraits de terre. Par contre, pour les victimes que sont les migrants c'est plutôt la recherche du gain qui pousse ces derniers à retirer les terres pour les céder de nouveau aux plus offrants.


· L'insécurité liée à la réduction de superficies

Elle est la conséquence du manque et de l'augmentation des demandes de terre suite à l'accroissement démographique. C'est une pratique dans laquelle la victime se voit interdire l'exploitation d'une portion de son champ. Cette portion est ensuite réattribuée à un nouveau demandeur. 7 cas de réduction de superficie ont été enregistrés au cours des enquêtes, soit 50% des cas de remise en cause des droits d'usage sur la terre.

Pour les propriétaires terriens, c'est pour satisfaire les nouvelles demandes de terre qui ne cessent d'augmenter que certaines parcelles sont réduites, notamment celles dont les superficies sont estimées grandes. Les victimes de réduction de parcelle enquêtées exploitaient plus de 5 ha. Si certains migrants acceptent cette pratique, d'autre par contre la trouvent injuste. Pour ces derniers, certes les parcelles sont grandes, mais il ne faudrait pas ignorer la taille du ménage qui s'agrandit au fil des années.

L'émergence des retraits de terre et des réductions de superficie, en dépit du caractère permanente des contrats fonciers, suscite un sentiment de doute et de crainte chez les migrants quant à la durée de leurs droits d'usage sur la terre. En effet, bien que la durée des droits ne soit pas limitée à priori dans le temps, ils ne sont pas de plus en plus épargnés de ces problèmes fonciers. De plus avec la pression foncière qui s'intensifie, les risques de réduction de superficies s'accentuent. Cette situation place les migrants, notamment ceux qui ont une assise sociale fragile, dans une situation d'incertitude.

Comme mentionné auparavant, les migrants se distinguent selon leurs durées d'installation, leurs provenances et leurs statuts économiques. Ces critères, qui permettent d'une part de distinguer les anciens migrants d'avec les nouveaux, les migrants en provenance des localités du pays d'avec les migrants burkinabé de retour de la côte d'Ivoire d'autre part, influencent leur rapport avec les propriétaires terriens. En effet, les anciens migrants qui ont bénéficié de vastes superficies sont les plus exposés aux phénomènes de réduction de la taille des champs. Les superficies des champs sont réduites pour satisfaire les nouvelles demandes de terre faites par les nouveaux migrants, surtout par les migrants de retour de la Côte d'Ivoire et les « nouveaux acteurs ». Les migrants sont tous exposés aux retraits de terre, mais ce phénomène affecte le plus les migrants qui n'ont pas d'assise socio-économique solide dans la zone. Les problèmes d'accès à la terre ne sont pas spécifiques aux migrants, car les autochtones évoquent aussi des faits qui rendent incertains leur autorité foncière.

4.1.2. L'insécurité foncière chez les autochtones

Elle est variée et diffère selon le statut social des autochtones. Cette insécurité se rapporte au non-respect des clauses qui régissent les modes d'accès établis avec certains migrants et au manque de terre de plus en plus perceptible dans la zone.

· L'insécurité liée au non-respect des clauses

Les clauses, notamment les interdits et les obligations, que les propriétaires terriens imposent aux exploitants agricoles sont des éléments qui leur permettent de préserver à priori leur contrôle foncier. Par exemple, les interdictions coutumières et les redevances permettent d'abord aux chefs de terre d'empêcher toutes les tentatives de remise en cause de leur autorité sur les terres qu'ils ont attribuées aux migrants. Ensuite, cela leur permet de rappeler aux bénéficiaires que la terre qu'ils exploitent ne leur appartient pas et que toute opposition à ces obligations peut entraîner une reprise des parcelles. Si les migrants ont longtemps respecté ces clauses, ces dernières années nombre d'entre eux enfreignent à ces règlements.

Les propriétaires terriens coutumiers n'approuvent pas le fait que certains migrants adoptent des pratiques relatives à la mise en valeur des terres sans leur consentement : planter des arbres, céder la parcelle à une tierce personne, refuser de verser le loyer dans les contrats de métayage. Selon eux, elles viseraient à remettre en cause leur autorité sur les terres de leurs ancêtres. Toutes ces pratiques désapprouvées par les chefs terriens se déroulent dans un contexte où l'autorité coutumière est fragilisée par la présence du pouvoir administratif.

· L'insécurité liée au manque de terre : une menace future

C'est un problème que vivent les jeunes autochtones. Avec l'arrivée massive des migrants et l'intérêt économique que ces derniers suscitent dans la compétition foncière, les aînés propriétaires terriens leur attribuent les terres sans penser à l'avenir de leurs cadets. « Il n'y a plus de terre, les chefs de terre ont tout attribué aux migrants, et il serait difficile de reprendre ces parcelles dans les années avenirs quand ils en auront besoins » affirme SM, un jeune autochtone. Ces propos mettent en lumière le souci de pouvoir accéder à leur « patrimoine foncier collectif » à long terme. Si les terres sont toutes cédées aux migrants c'est le contrôle foncier des jeunes, relève de la chefferie terrienne coutumière, qui serait menacé. Au fait, les jeunes autochtones se sentent dans une situation d'insécurité qui s'inscrit dans le long terme.

Malgré les divergences au niveau de la perception des situations d'insécurité, les enquêtes menées dans le front pionnier de Dèrègouè ont révélé que les autochtones et les migrants vivent aussi une même instabilité foncière. Il s'agit du déguerpissement des paysans de la zone dite pastorale.

4.1.3. Le déguerpissement foncier : une situation d'insécurité vécue par les migrants et les autochtones

Le déguerpissement foncier est un phénomène qui « consiste à chasser les occupants d'un sol par voie d'exécution forcée administrative, l'administration considérant que ces gens n'ont aucun droit à être là. L'évacuation du lieu se fait généralement par la force et sans en référer à l'autorité judiciaire» (Tribillon J-F, 1993 ; cité par Gérard Ciparisse et al, 2005). Cette définition reflète ce qui s'est déroulé les 24 et 25 mai 2004, en pleine campagne agricole dans la zone pastorale de Dèrègouè. Des paysans qui exploitaient ce site à des fins agricoles, ont été expulsés par les autorités étatiques (préfecture, police, gendarmerie, service technique, etc.) du département de Sidéradougou.

4.1.3.1. Le peuplement de la zone pastorale et le déguerpissement

La zone pastorale de la Koba (allusion faite à la rivière Koba qui jouxte la partie Est et Nord de la zone pastorale) est située à cheval sur les départements de Sidéradougou et de Péni. Ce site fait partie de la grande « zone aménagée de Sidéradougou » qui, elle, a été identifiée dans les années 1960/70 dans le cadre du projet « Amélioration de l'élevage traditionnel dans les CRPA des Haut-bassins et de la Comoé » financé par la FED. Cet espace d'une superficie de 308.700 ha est réparti en zones pastorale, agropastorale et agricole couvrant respectivement 128.800 ha, 51.800 ha et 144.100 ha. Ce n'est qu'en l'an 2000 que cette zone a été entièrement balisée par arrêté conjoint portant délimitation de la zone pastorale.

L'aménagement de la zone pastorale et les sécheresses des années 1970 ont stimulé la migration d'éleveurs peul vers la zone de Sidéradougou en cette période. Par ailleurs, nos enquêtes ont révélé que les premiers éleveurs en provenance du nord et du centre du pays se sont sédentarisés à Dèrègouè dans les années 1980. Mais avant la délimitation de la zone, des hameaux de culture y existaient et étaient habités par des agriculteurs. Ce constat montre que la zone pastorale de la Koba a été occupée et exploitée par des agriculteurs avant le déguerpissement en 2004.

L'année 2000 marque la période d'intensification des migrations agricoles dans la zone d'étude, et surtout le retour des émigrés burkinabé de la Côte d'Ivoire dans des conditions difficiles. Pour mieux gérer le retour de ces migrants, l'Etat à travers ses démembrements a sollicité l'appui des chefs de terre pour faciliter l'insertion de ces migrants dans les localités où ils voudront s'installer. Cette situation a offert l'opportunité aux chefs de terre qui convoitaient la zone pastorale. Ainsi, de nombreuses parcelles y seront attribuées à des migrants avec pour conséquence, un accroissement des superficies emblavées et une régression du pâturage et des pistes de bétail. Cela a entraîné une recrudescence des litiges entre agriculteurs et éleveurs. Ces derniers iront se plaindre par le canal du syndicat des éleveurs SEOAB auprès l'autorité administrative qui a décidé enfin de déguerpir les paysans installés dans la zone pastorale en mai 2004.

Pour ce qui concerne ce déguerpissement, notons que des préavis ont été adressés aux paysans par l'entremise des RAV. Mais ils n'ont pas influencé les paysans qui ont continué d'exploiter la zone. Fort de ce constat, la préfecture, la police, la gendarmerie, les services techniques d'agriculture et d'élevage, de façon conjointe, ont déguerpi de force les paysans les 24 et 25 mai 2004. Ainsi, des champs ont été détruits, des habitations saccagées et incendiées pour obliger les agriculteurs à abandonner le site et les champs qu'ils avaient ensemencé (Cf. photo n°3, 4 et 5, en annexe 2 page 119).

4.1.3.2. La situation des paysans après le déguerpissement

Après le déguerpissement, l'incertitude et la crainte sont devenues les principaux sentiments des agriculteurs de la zone d'étude, notamment les paysans qui ont leur champ situé dans la zone pastorale.

L'année 2004 a été un cauchemar pour les exploitants agricoles victimes du déguerpissement. Certains exploitants n'ont pas pu pratiquer les activités agricoles en cette année du fait leur déguerpissement. Ainsi, pendant la campagne agricole 2005-2006 certains paysans ont migré plus au Sud dans la province du Poni, tandis que d'autres y sont restés faute d'acquisition de nouvelles parcelles agricoles. Ces derniers se sont réinstallés dans la zone pastorale, sous autorisation des autorités administratives à condition qu'aucun conflit ne soit provoqué en cas de dégât de champs par le bétail des éleveurs. Cette situation témoigne de l'instabilité dans laquelle se trouvent de nombreux paysans installés dans la zone pastorale. En effet, en juillet 2006 les autorités administratives, à travers le ministère de ressources animales, ont de nouveau demandé aux exploitants agricoles de quitter la zone pastorale.

Le déguerpissement foncier en mai 2004 a surtout affecté les nouveaux migrants qui, à majorité, ont été installés dans la zone pastorale. Il n'a pas non plus épargné les anciens migrants et les autochtones. Ce déguerpissement n'a affecté que les hameaux suivants: Dèrègouè 1, Kounbrigban, Babolo, Tôrko et Bougoura (Cf. Carte n°4, page 68). Sur les 150 chefs d'exploitation agricole enquêtés, nous avons enregistré 26 victimes du déguerpissement4, soit 17.3%. Les paysans dont les champs sont situés dans ladite zone se sentent dans une situation d'insécurité, car n'ayant pas la garantie que leurs droits fonciers sur cet espace ne seront pas encore remis en cause. Tout se passe comme si ces derniers jouissaient de droits d'usage provisoires sur les terres pastorales. La conséquence de cette situation d'instabilité est la récurrence des dégâts de champs par les animaux face auxquels certains exploitants restent inertes au risque d'être chassé par les autorités administratives.

4 Nous désignons par victimes du déguerpissement, les exploitants qui ont vu leur champ ou leur concession saccagé par les forces de l'ordre.

Les problèmes fonciers en zone de front pionnier agricole : cas de Dèrègouè dans la Comoé

Les différentes formes d'insécurité ne sont pas les seuls problèmes qui préoccupent les paysans de Dèrègouè. La cession des droits d'exploitation agricole précaires y constitue aussi une inquiétude.

4.2. LES PROBLEMES DE PRECARITE FONCIERE

Ils sont liés d'une part à la durée de validité des droits d'usage sur la terre, et d'autre part, à la longévité des cultures imposées aux exploitants agricoles. Ces problèmes ne relèvent pas des perceptions locales comme c'est le cas pour ce qui concerne l'insécurité foncière. Mais c'est un état de fait qui, même s'il permet aux paysans de cultiver, ne leur permet cependant pas d'orienter leurs activités agricoles dans le long terme. Ainsi, les travaux de terrains ont révélé deux formes de précarité foncière :


· La cession des droits de culture temporaires

La cession des droits de culture temporaires est une pratique émergente dans la zone d'étude. Sur les 254 transferts de terre enregistrés, 64 contrats fonciers, soit 26,6% étaient des contrats précaires, c'est-à-dire de courte durée. Cette pratique consiste en général à céder un droit de culture saisonnier dont la validité ne dure que pendant une campagne agricole à une tierce personne lorsque cette dernière sollicite une terre pour cultiver. Les raisons qui expliquent l'émergence d'une telle pratique sont l'insuffisance et le manque de terre et surtout, le désir des cédeurs de consolider leur emprise sur les parcelles non exploitées.

Faute d'acquérir des parcelles où ils pourront jouir de droits d'usage permanents sur la terre, certains exploitants sont contraints d'accepter les contrats précaires même s'ils ne leur permettent que d'exploiter lesdites terres pour une période limitée. C'est une alternative pour pratiquer l'agriculture dans un contexte où la terre est « finie », mais lorsque cette situation perdure elle devint un souci pour l'exploitant et sa famille.

La cession de droits d'usage saisonniers sur la terre n'est pas le seul fait qui empêche de bâtir une emprise foncière durable voire pérenne sur la terre. Il y'a aussi le fait d'interdire à un exploitant le droit de planter des arbres à longévité pérenne sur sa parcelle, gage de pérennisation d'un contrôle foncier sur l'espace.

Les exploitants les plus exposés aux droits d'usage de courte durée sur la terre sont les nouveaux migrants moins nantis, installés dans la zone ces cinq dernières années. Arrivés dans un contexte de raréfaction de la terre, ces migrants négocient des parcelles sous contrats de courtes durées quitte à ce qu'ils gagnent de nouveaux espaces cultivables où ils jouiront de droits d'usage permanents sur la terre. 2.7% des exploitants enquêtés sont des attributaires saisonniers. Par ailleurs, certains bénéficient de droits permanents, mais exploitent des terres

par le biais de contrats précaires du fait de l'insuffisance de terres. Ces derniers ont des champs dont les superficies varient entre 2 et 3 ha.


· L'interdiction de pratiquer les cultures arbustives

Les cultures arbustives pratiquées en général dans la zone d'étude sont les arbres fruitiers : manguier, anacardier, agrume, etc. Ces arbres ont une longue durée de vie. Outre leurs intérêts économiques, ils jouent un rôle déterminant dans les rapports fonciers entre les individus. En effet, planter un arbre dans un champ est perçu comme un signe d'appropriation, voire d'aliénation de l'espace. En conséquence, les chefs de terre interdisent à priori sa plantation aux personnes qu'ils considèrent être des « étrangers» dans le village. « Si tu donnes une place (référence faite à une parcelle de culture) à quelqu'un et s'il plante des arbres, cela veut dire que la terre ne t'appartient plus. C'est pourquoi on refuse la plantation d'arbre à certaines personnes » Ce sont les propos couramment tenus pour justifier l'interdiction de planter sur les parcelles.

L'interdiction de planter sous-entend la culture de plantes dont la longévité ne dépasse pas la période d'une campagne agricole. Ce qui suppose que la durée de validité des droits correspond à la durée de vie des cultures mises en terre. Dès l'instant qu'elles sont récoltées, la terre revient au cédeur qui peut décider de rompre le contrat avec l'exploitant. C'est cette situation qui pose des difficultés à certains migrants. Les remises en cause de contrats sont récurrentes et la seule garantie de pouvoir conserver leurs champs est la plantation d'arbres. Très souvent, l'arbre n'est pas planté à des fins économiques, mais plutôt pour marquer une présence pérenne sur la parcelle exploitée. Cependant, lorsqu' un exploitant n'arrive pas à planter des arbres dans son champ, tout se passe comme si la durée du droit dont il jouit était une campagne agricole, parce que la terre pouvant faire l'objet de retrait après chaque récolte.

L'interdiction de planter est devenue un problème sérieux avec l'émergence de la « vente » du droit de planter. De plus en plus, les migrants qui ont les moyens financiers accèdent au droit de planter en contrepartie d'argent. Cette situation défavorise les moins nantis qui, faute de moyens, sont contraints de se contenter du droit de cultures annuelles.

Pour ce qui concerne la précarité liée à l'obligation de cultiver des plants annuels au détriment des cultures pérennes, tous les migrants sont vulnérables. Mais cette vulnérabilité diminue avec la durée d'installation dans la zone. Plus l'installation d'un migrant dure, moins le droit de planter des arbres dans son champ lui sera interdit. En général, il s'agit des exploitants migrants installés pendant la première et deuxième vague de migration, c'est-àdire entre les années 70 et 80. De même, le statut économique permet à certains migrants

d'avoir un accès facile au droit de planter. Ainsi, l'ancienneté et le pouvoir économique deviennent deux paramètres qui permettent aux migrants d'être moins vulnérables aux droits fonciers précaires.

4.3. LA DURABILITE DES DROITS D'USAGE SUR LA TERRE DANS LA ZONE DE DEREGOUE

Nous définissons la durabilité comme étant le temps durant lequel un exploitant a pu exploiter la parcelle qu'il lui a été cédé. C'est la durée d'un droit calculé à partir de la période d'acquisition d'une parcelle et la période de rupture d'une transaction foncière. Cette durabilité des droits d'usage sur la terre est fonction du type de modes d'accès à la terre.

Dans les modes d'accès à la terre à durée illimitée la longévité des droits de culture est relative. Car même si les droits d'usage sont dits permanents bon nombre ne sont pas « définitifs ». En effet, nos enquêtes ont révélé que la durabilité de certains droits d'usage sur la terre détenus par des migrants et des autochtones est de 20 à 30 ans. Par contre, du fait des retraits et réductions de terre ainsi que des déguerpissements, des droits détenus à majorité par des migrants n'ont pas atteint cette durée. Sur les 28 chefs d'exploitation agricole victimes d'annulation de droits d'usage sur la terre, 53% ont pu jouir de leurs droits sur une période comprise entre 0 et 5 ans, 28,6% sur une période allant de 5 à 10 ans et 18% entre 10 et 20 ans. Cet état de fait vient témoigner une fois de plus du caractère non-définitif des droits issus des contrats permanents que nous avons désignés sous l'appellation mode d'accès à la terre à durée illimitée.

Pour ce qui concerne les modes d'accès à la terre à durée limitée, la durée de validité des droits de culture est en général d'une campagne agricole. Mais, certains exploitants ont pu jouir de ces droits saisonniers pendant plus d'une saison de culture, car ayant été renouvelés. Ces contrats saisonniers sont rarement renouvelés plus de 5 fois.

Les problèmes d'accès à la terre et de leur mise en valeur sont des situations qui ne sont pas appréciées par les exploitants, ce qui affecte très souvent les pratiques agricoles, les rapports sociaux, etc.

4.4. LES INCIDENCES ENGENDREES PAR LES PROBLEMES FONCIERS

Les incidences engendrées par les problèmes fonciers sont perceptibles à travers : la disparition de la jachère, le nomadisme agricole, le poids du loyer en nature sur les ménages, les conflits fonciers et les migrations de départ.

4.4.1. Les incidences sur les pratiques agricoles 4.4.1.1. La disparition de la jachère

Tant que la terre est disponible et les demandes moins fortes, la convoitise des espaces cultivables dévient moindre; en conséquence, les champs en jachère peuvent rester sans susciter des polémiques. Ce constat part du fait que les terres mises en jachère stimulent de plus en plus des intentions de remise en cause des contrats fonciers du fait du manque de terre conjugué à la forte demande. Pour prévenir ces situations, les exploitants, en particulier les migrants, s'abstiennent de mettre leur terre en jachère.

Lorsqu'un exploitant laisse sa terre au repos, cela sous-entend qu'il a assez de parcelles en réserve et que les terres qu'il a ensemencées suffisent pour satisfaire ses besoins. Et comme d'autres exploitants en ont besoin, ces jachères sont reprises pour ensuite être réattribuées. « Si tu laisses ta parcelle au repos (allusion faite à la jachère) les propriétaires terriens disent que c'est parce que tu en as beaucoup que tu gardes d'autres au repos, et ils profitent te la retirer pour ensuite la céder à d'autres migrants. Souvent ce sont les migrants qui vont dire aux chefs que tu ne veux plus cultiver ton champ et qu'eux en ont besoin. Comme ces derniers proposent de l'argent, les dougoukolotigew, surtout les jeunes, n'hésitent pas à te la retirer pour ensuite la réattribuer à d'autres migrants ». C'est ce que nous a confie OA, un migrant mossi installé dans la zone en 1987. Au risque donc de perdre une parcelle parce qu'elle est mise en jachère, certains préfèrent la céder sous forme de prêt, métayage ou location pour en tirer profit. Cela entraîne l'exploitation continue des terres au détriment de la pratique de la jachère. Cette technique est en général remplacée par l'utilisation intensive des engrais lorsque le rendement baisse.

4.4.1.2. Le « nomadisme agricole » et le blocage des investissements pérennes

Le nomadisme agricole est la conséquence du manque de stabilité sur les parcelles exploitées. Il se traduit par la mobilité agraire qui renvoie aux mouvements des exploitations

agricoles dans l'espace. Par exemple, lorsque les contrats de courte durée d'un exploitant ne sont pas renouvelés, celui-ci est obligé de renégocier d'autres contrats fonciers pour pouvoir continuer son activité. Ce qui l'amène à ouvrir un nouveau champ à un notre endroit. Ce nomadisme agricole est aussi visible lorsque les paysans se voient interdire l'exploitation de leurs champs par les propriétaires terriens coutumiers ou par les autorités administratives. Après le déguerpissement qui a eu lieu dans à Dèrègouè, certains ont abandonné leur champ situé dans la zone pastorale pour en renégocier de nouveaux dans la zone agro-pastorale.

Le blocage des investissements pérennes est lié au refus de permettre à un exploitant de réaliser des investissements durables dans son champ et aux contrats de courte durée (1, 2, 3 ou 5 ans). Lorsqu'ils ne bénéficient pas d'autorisation pour planter, de moyens financiers pour s'octroyer ce droit ou parce qu'ils jouissent de droits temporaires, de nombreux migrants n'arrivent pas à pratiquer la culture arbustive sur les parcelles.

Les incidences ne sont pas perceptibles seulement au niveau des pratiques agricoles, car les problèmes fonciers affectent aussi la situation socio-économique des paysans.

4.4.2. Les incidences sur le plan socio-économique

La charge du prélèvement du loyer en nature sur la production des ménages et les conflits fonciers sont les principales incidences socio-économiques des problèmes d'accès à la terre à Dèrègouè.

4.4.2.1. L'impact du prélèvement du loyer en nature sur la production des ménages

Le prélèvement du loyer en nature sur la production des métayers est perçu comme une charge insupportable pour certains. Les exploitants qui cultivent des champs qu'ils estiment petites en superficies pour faire face aux besoins des membres de leurs ménages jugent que le prélèvement du loyer en céréales sur leur production constitue une charge économique. Pour eux, les récoltes ne suffisent pas aux besoins de subsistance de la famille et lorsque les chefs viennent à prélever cette redevance, cela aggrave davantage la situation. Mais ceux-ci n'ont d'autres choix que de s'acquitter de cette contrepartie périodique quitte à se voir retirer leur parcelle du moment où leur confrère migrant s'acquitte des leurs.

Si pour les métayers le loyer a un impact négatif sur leur production, ce n'est pas le cas pour les propriétaires terriens. Le loyer annuel représente une source de richesse pour ces propriétaires, car chaque année ce loyer est acheminé vers les marchés locaux et urbains pour être vendu ce qui leur procure des revenus. Selon certains migrants, c'est cette redevance

périodique qui a permis à des propriétaires de s'enrichir (construction de maison en ciment, achat de mobylette, radio, télévision, etc.).

4.4.2.2. Les conflits fonciers et leurs résolutions

Les conflits fonciers opposent d'une part les autochtones entre eux puis ceux-ci et les migrants, et d'autre part les éleveurs aux agriculteurs ainsi que l'Etat aux agriculteurs. Ces différends sont la conséquence des retraits de terres, des réductions de superficie, du non- respect des clauses des transactions, des dégâts d'animaux et du déguerpissement.

Bien qu'ils soient fréquents dans la zone, nous n'avons été témoin que de sept (7) conflits fonciers au cours de nos travaux de terrain: Trois (3) différends causés par les dégâts d'animaux, deux (2) relatifs à la révocation des droits d'usage sur la terre et un (1) lié au non- respect des limites de parcelles et un (1) autre lié à l'implication des jeunes dans la gestion foncière. Ainsi, nous avons pu identifier les conflits suivants:


· Les conflits fonciers entre autochtones

Ce sont des désaccords entre les membres d'un même lignage dans la gestion foncière. Certains jeunes se trouvent confrontés aux aînés parce qu'ils attribuent les terres aux migrants sans consulter les plus âgés. En revanche, les jeunes n'apprécient pas le fait que leurs aînés attribuent des terres aux migrants en contrepartie d'argents dont ils ne bénéficient guère. Ainsi, chaque jeune cherche à attribuer de façon personnelle la terre sans interférence d'un autre membre du lignage. Cette situation s'explique par deux raisons : d'abord les jeunes veulent se garantir des réserves pour l'avenir et veulent profiter de l'arrivée massive des migrants agricoles en leur attribuant des parcelles, le plus souvent par la « vente ».

Monsieur KS est le neveu d'un des chefs de terre de la zone d'étude, et du fait de l'âge très avancé de son oncle (le chef de terre, frère aîné de sa mère) il a eu le privilège d'être le cédeur des terres relevant du territoire coutumier de son oncle. Le fils légitime du chef de terre ne pouvait assumer cette tâche à cause de son jeune âge. Mais au fil des années, ce dernier s'impliquait dans l'attribution des terres aux migrants sans le consentement de son cousin KS. Celui-ci n'a pas apprécia pas cette attitude, et le fait de voir le fils du chef impliqué dans la gestion des palabres relatives au conflit n'est pas aussi vu d'un bon oeil. Aujourd'hui, un conflit latent existe entre les deux cousins du fait de l'émancipation du jeune cousin dans la gestion foncier. Pour certains témoins de ce litige latent « ce sont les fortunes (construction de maison en dur, achat de moto, train de vie de la bourgeoisie villageoise, etc.)

qu'obtient K.S à travers la gestion des terres qui ont incité le fils légitime du chef de terre à s'y impliquer de plus en plus ».

· Les conflits entre les autochtones et les migrants

Ils résultent de l'opposition manifestée vis à vis de certaines pratiques telles que les retraits de terre et les réductions de superficie ainsi qu'au non-respect des interdits imposés aux migrants (interdiction de planter, de céder la parcelle à une tierce personne sans accord des chefs de terre, respect des limites des terrains cédées, etc.). Ce sont des situations qui ont émergé à partir de l'année 2000, période marquant le début l'intensification des migrations dans notre zone d'étude.

· Les conflits entre les éleveurs et les agriculteurs

Ils sont récurrents dans la zone pastorale et déclenchent suite à des dégâts de champ par le bétail. Même si ladite zone revient de droit aux éleveurs, il ne faut cependant pas occulter le fait qu'elle est revendiquée par les agriculteurs qui n'approuvent pas les incursions de bétail des pasteurs dans leurs champs. Selon les éleveurs, c'est le manque de pistes pour conduire le troupeau vers les pâturages et les points d'eau suite à « l'envahissement » de la zone pastorale par les agriculteurs qui rendent récurrents les incursions de bétail dans les champs. Par contre, pour les paysans, la période de mobilité (période de récolte) des éleveurs n'est pas propice et les dégâts de champs par les animaux sont prémédités par les éleveurs peul, mais il est difficile de mettre un terme à cette situation puisque le site revient de droit aux éleveurs. L'inertie des agriculteurs face aux dégâts de champs par le bétail est confirmée par DS, éleveurs installé dans la zone pastorale de Dèrègouè il y'a 10ans : « Avant, lorsqu'il y 'a des incursions de bétail dans les champs situés dans la zone pastorale, les paysans en faisaient un problème et il y 'avait toujours des querelles. Mais depuis qu'ils ont été déguerpis pour la première fois, ils ne se plaignent plus lorsque des dégâts sont causés dans leurs champs par les troupeaux de bétails. ».


· Les conflits entre les agriculteurs et Etat

Le premier conflit a été perceptible à travers le déguerpissement foncier. Ce conflit s'est traduit en deux phases: le préavis de suspension des activités dans la zone pastorale qui fut désapprouvé par les agriculteurs et le déguerpissement sous la direction des forces de l'ordre. Si certains agriculteurs se sont réinstallés dans la zone après une demande adressée aux autorités administratives, d'autres par contre se sont réinstallés parait-il sous pression des hommes politiques.

La résolution des conflits à Dèrègouè impliquent plusieurs acteurs : les chefs de terre, le préfet, les RAV et souvent les agents techniques de l'agriculture ou de l'élevage. Les protagonistes exposent leurs problèmes en vue d'une résolution aux acteurs qui peuvent départager à leur faveur. C'est le cas de certains migrants qui préfèrent soumettre leurs problèmes au préfet lorsqu'ils n'ont pas été satisfaits au niveau du village. Au fait ce sont les conflits qui opposent les migrants aux propriétaires terriens qui sont le plus souvent exposés à l'autorité administrative. Par contre, lorsque les protagonistes sont tous des migrants, les faits sont soumis aux chefs de terre ou aux RAV qui leur départagent. Souvent, ces deux instances de régulation s'unissent pour trancher un litige. Dans ce cas de figure, l'autorité administrative est le dernier recours lorsque l'arbitrage n'a pas été satisfait à l'échelle locale.

Les différentes émanations de l'Etat et les services techniques s'impliquent dans les conflits qui opposent les exploitants agricoles aux éleveurs. Par exemple, pour résoudre la question des conflits entre éleveurs et agriculteur dans la zone pastorale, ils ont décidé du déguerpissement des agriculteurs. Les services techniques, notamment les ATC, sont aussi impliqués dans la résolution des litiges qui opposent les agriculteurs aux éleveurs et qui résultent des dégâts de champ de coton par le bétail. Leur rôle est, comme nous l'avons constaté à Hobaga, de faire le constat des dégâts et d'en évaluer le coût qui sera communiqué à l'éleveur dont appartenait le troupeau. Pour entrer en possession de son troupeau, celui-ci doit s'acquitter du coût des dégâts estimés par L'ATC.

4.4.3. Les incidences démographiques

Les incidences démographiques engendrées par les problèmes liés à l'accès à la terre et à la mise en valeur des parcelles se traduisent par le dépeuplement de certains hameaux de culture. Ces migrations de départ sont internes et externes.

Les mouvements de population internes se traduisent par les départs de population d'un hameau vers d'autres relevant de Dèrègouè. Ce sont les départs de paysans jadis installés dans la zone pastorale, vers la zone agro-pastorale. Ils ont débuté suite aux travaux d'aménagement de la zone à vocation pastorale. Les hameaux de départs étaient principalement Kounbrigban et Hobaga, tous situés de part et d'autre des balises marquant la limite du site pastoral d'avec la zone agro-pastorale. 2% des chefs d'exploitation enquêtés ont été affectés par ce type de départ. Mais avec le déguerpissement ces mouvements de départ se sont intensifiés, mais cette fois orientée vers le sud-ouest de la Comoé, et plus précisément dans les provinces du Poni et du Noumbiel.

CONCLUSION PARTIELLE

De l'étude des problèmes fonciers liés à l'accès à la terre et des incidences qu'ils engendrent, nous pouvons retenir les aspects suivants : pour ce qui concerne les modes d'accès à la terre, on constate que le système foncier traditionnel a évolué et de nouvelles transactions foncières qui se distinguent à priori de par la durée de validité des droits d'usage cédés. Ils sont soit permanents, soit limités dans le temps.

Ces modes d'accès à la terre n'épargnent pas les exploitants des problèmes d'insécurité foncière qui s'assimilent aux risques de remise en cause des droits d'utilisation de la terre. Ces situations d'insécurité sont perceptibles à travers les retraits de terre, les réductions de superficie, le non-respect des contrats, le manque de terre qui inquiète l'avenir de la jeunesse paysanne. Par ailleurs, les problèmes liés au déguerpissement foncier affectent les autochtones et les migrants presque au même degré. Á cela s'ajoutent les problèmes de précarité dont les principales formes sont la cession de droits de culture temporaire et de droits de cultures annuelles. Jadis rares dans les pratiques foncières, ces difficultés ont émergés ces dernières années suite à l'intensification des migrations. Ils affectent les pratiques agricoles, la situation socio-économique des paysans, ce qui entraîne des conflits ainsi que des départs de populations vers d'autres zones rurales.

TROISIEME PARTIE :
LES FACTEURS EXPLICATIFS DES PROBMEMES FONCIERS Á
DEREGOUE ET LES STRATEGIES LOCALES DE SECURISATION
FONCIERE

Cette partie porte une analyse sur :

- les facteurs explicatifs de l'émergence des problèmes fonciers ;

- les stratégies locales mises en oeuvre par les paysans pour sécuriser leur droit d'usage sur la terre.

CHAPITRE V : LES FACTEURS EXPLICATIFS DES PROBLEMES FONCIERS

Les problèmes liés à l'instabilité des droits fonciers des exploitants agricoles sont récurrents à Dèrègouè ces dernières années et cette situation résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs. Les données collectées sur le terrain à partir du questionnaire et des guides d'entretien, ont révélé que ces facteurs sont d'ordre démographique, socio-économique et politique.

5.1. LES FACTEURS DEMOGRAPHIQUES

La démographie a influencé les pratiques foncières à Dèrègouè à travers l'accroissement de la population et ses corollaires que sont l'accroissement des espaces de culture, ainsi que la pression démographique sur les terres.

Comme nous l'avons mentionné plus haut, la population de la zone d'étude a augmenté ces dernières années avec un taux de progression de 64,4% entre 1996 et 2004. Cette croissance est due aux migrations et au croît naturel. Elle a entraîné dans la zone une augmentation des demandes de terre avec comme conséquence un accroissement des superficies cultivées (Cf. carte de l'occupation des sols à Dèrègouè en 1984 et 2000, pp 86- 87). C'est ainsi qu'une forte pression démographique a été exercée sur la terre, ce qui a accéléré la saturation foncière.

En effet, les populations enquêtées disent que la terre est « finie » à Dèrègouè à cause de l'intensification des immigrations qui, conjuguée au croît naturel, a accéléré la croissance de la population et partant, la saturation des terres ces dernières années. Cette saturation foncière explique le fait que les nouvelles demandes sont de moins en moins satisfaites ou sont accordées aux prix de retraits de champs et de réductions de superficie. Ce manque de terre est en effet l'argument avancé par bon nombre de propriétaires terriens coutumiers pour justifier la réduction de la superficie des champs afin de satisfaire de nouvelles demandes de terres. Un des faits illustrant la saturation foncière dans la zone est l'attribution importante des espaces cultivables de la zone pastorale aux migrants installés dans les années 2000. Cela a

entraîné le rétrécissement des zones de pâturage qui a été l'un des mobiles du déguerpissement des exploitants du site pastoral.

Les données de la campagne agricole 2002/2003 dans le département de Sidéradougou, dont relève notre zone d'étude, montrent aussi que les superficies cultivées ont augmenté. En effet, entre 1995 et 2003, période d'intensification des immigrations agricoles dans le département, elles ont connu un taux de progression de 29%. Cet accroissement de superficie cultivée a été accéléré de 1995 à 2003, mais a entamé une phase de ralentissement à partir de l'année 2003, période de la saturation foncière (Cf. graphique n°11, page 84). La croissance de la superficie des terres cultivées se confirme à travers les cartes d'occupation des sols qui présentent un accroissement des superficies entre 1984 et 2000. En 1984 les champs étaient concentrés autours des concessions. Par contre en 2000, ils occupaient la quasi-totalité de la zone au détriment de la végétation naturelle. Les concessions ont augmenté en nombre avec la naissance de villages tels que Tomora, Soukroulaye, Wopé, Tôrko, Ouratenga, etc., occupé à majorité par les migrants.

Graphique n°11

35000

30000

25000

20000

15000

10000

5000

0

Evolution de la superficie cultivée dans le département de
Sidéradougou de 1995 à 2004

1995/1996 2002/2003 2003/2004

Période

Superficie cultivée

Source : ZATA du département de Sidéradougou, campagne agricole 2002-2003

L'accroissement démographique n'est pas le seul facteur explicatif des problèmes fonciers à Dèrègouè. Il y'aussi les déterminants socio-économiques.

5.2. LES FACTEURS SOCIO-ECONOMIQUES

La dynamique foncière à Dèrègouè s'explique aussi par l'essor de la culture du coton, la monétarisation des transactions foncières à travers l'influence socio-économique des nouveaux migrants et les facteurs politiques.

5.2.1. L'influence de l'essor de la culture du coton

Le développement de la culture du coton dans la Comoé a engendré la création de la zone cotonnière de Banfora. Mais, nous nous intéressons surtout à son influence sur les pratiques foncières. Elle s'est traduite par l'extension des terres cultivées et une monétarisation des modes d'accès à la terre.

la superficie des champs de coton a connu de 2003 à 2004 un taux de progression de 18.2%, en passant de 8.460 à 10.000 ha dans le département de Sidéradougou (ZATA de Sidéradougou, 2003), tandis que dans la région cotonnière de Banfora qui couvre les provinces de la Comoé et de la Léraba, elle a connu une régression de 0.9% en passant de 64.589 à 64.021 ha en cette même période (Sofitex,2005). Nous pouvons donc conclure que le développement de la Culture de coton dans le département de Sidéradougou est très important. L'essor de cette spéculation a contribué ainsi à l'accélération de la saturation foncière car elle a mobilisé de vastes superficies. Cette situation a stimulé certaines pratiques telles que les retraits de terre, la réduction de superficies des champs, les déguerpissements et, surtout les dégâts de champ par les animaux.

Si le coton a contribué à l'accélération de la saturation des terres, il ne faut cependant pas occulter son impact sur les transactions foncières. En effet, avec la culture du coton, le métayage permanent a pris la forme de fermage en ce sens qu'en lieu et place du loyer en nature, les producteurs de coton qui ne cultivent pas les céréales sont dans l'obligation de verser l'équivalent des tines de « siman » en espèces (Cf. tableau n°6)

Tableau n°6 : Situation du loyer en nature versé par les métayers selon les chefs de terre

Chefs de terre

Redevance en nature (en tine)

Redevance

en nature (en Kg)

Equivalent

de la redevance en espèce (en FCFA)

Ouattara Bassabana

2

67

[3.000 - 3.600]

Ouattara Baladji

2

67

[3.000 - 3.600]

Ouattara Bas sandi & Bamory

2

67

[3.000 - 3.600]

Ouattara Bakary

3

100

[4.500 - 5.400]

Ouattara Adama

4

133,2

[6.000 - 7.200]

 

Source : Enquête de terrain 2005/2006

Ainsi, la culture du coton avec les revenus monétaires qu'elle procure et qui permettent à certains paysans de s'acheter certains biens (motocyclette, boeuf, etc.) ont fait perde à la terre son caractère sacré. Elle est de moins en moins perçue comme un bien sacré et collectif qui permet de subvenir aux besoins de subsistance, mais plutôt comme une source de revenus et de profit, stimulant ainsi les transactions foncières monétarisées. L'essor de la culture du coton a entraîné « le développement de l'économie de marchande qui est guidée par la recherche du profit au détriment de l'économie de subsistance ; et dans une région où la terre est de plus en plus valorisée, le régime foncier subit nécessairement de profondes transformations » (J.M Kohler, 1968 ; cité par Bakayogo Nouhoun, 2003 : 83). Á Dèrègouè, ces transformations sont perceptibles à travers l'émergence de la « vente », les retraits de terres, l'augmentation des contreparties données en échange d'une parcelle, etc.

La dynamique des pratiques foncières consécutives à l'essor de la culture du coton a été renforcée par l'influence économique des migrants.

5.2.2. L'influence socio-économique des migrants

Elle se traduit à travers :


· La monétarisation des modes d'accès à la terre

Il faut entendre par monétarisation des transactions foncières, l'introduction de la variable argent dans les clauses qui régissent l'accès à la terre. En lieu et place des contreparties en nature, les paysans versent des contreparties en espaces. Cette pratique a été

introduite avec l'arrivée des migrants. Lorsqu'ils sont arrivés dans la zone d'étude, les migrants ont demandé aux chefs de terre qu'on leur permettre de verser les contreparties en nature (poulets, chèvre, etc.) sous forme espèce, ce qui a été accepté par ces propriétaires terriens coutumiers. Au fil des années, cette contrepartie en argents a augmenté. Elle est passée de 1.500 à 7.500 F CFA entre 1970 et 2000 lorsque l'exploitant migrant décide de ne pas habiter dans son champ, et de 3.000 à 10.000 F CFA, voire 15.000 F CFA lorsqu' il choisit de construire une concession et d'habiter dans son champ.

Par ailleurs, les enquêtes ont révélé qu'à cause de la forte demande de terre par les migrants, celle-ci est devenue une véritable source de revenus monétaires. Ainsi, les paysans nantis sont privilégiés par rapport aux démunis dans la compétition foncière. De plus, les terres attribuées et qui ne sont pas marquées par des signes attestant une présence humaine font de plus en plus l'objet de retraits et de réductions de superficie ce, pour satisfaire les nouvelles demandes qui permettent d'engranger des fortes sommes d'argent. Dans ce contexte, seuls les paysans démunis sans véritables assises sociales et économiques solides sont défavorisés dans la course pour l'accès à la terre.


· L'influence économique des nouveaux migrants : les « rapatriés » et les nouveaux acteurs »

Comme mentionné auparavant, le terme « rapatrié » est employé pour désigner les émigrés burkinabé de Côte d'Ivoire qui ont été contraints de retourner au Burkina Faso suite à la crise qui a déclenché dans ce pays en 1999. Á leurs arrivés, la majorité de ces migrants se sont installés dans les régions telles que Banfora où le potentiel agro-climatique est quasi semblable à celui de leurs zones de provenance. Ces « rapatriés » ont une expérience des transactions monétaires et de la culture des arbres qu'ils tentent de pratiquer dans leur zone d'accueil dont Dèrègouè. Ainsi, l'engouement pour la culture de rente, notamment la culture arbustive, a pris de l'ampleur. Ce qui a amené les autochtones à attribuer le droit de planter en contrepartie d'argents pour s'adapter au changement socio-économique dans un contexte où l'autorité coutumière, même si elle prévaut, n'est épargnée des remises en cause incessantes.

Le retour au pays des émigrés burkinabé de la Côte d'Ivoire et leur installation dans la zone d'étude représentent des enjeux socio-politiques et économiques. En effet, les autorités administratives ont mobilisé les populations pour faciliter l'installation de ces migrants. Ainsi dans la zone de Sidéradougou, il a été demandé aux paysans, notamment aux chefs de terre, de faciliter leur installation et leur accès à la terre. Bien qu'ils aient été favorables, cette sollicitation a été une opportunité pour les chefs de terre qui cherchaient des alibis valables

pour légitimer leur projet d'occupation de la zone pastorale dont l'aménagement a remis en cause leur contrôle foncier sur cet espace. C'est ainsi que les terres de la ZP ont été attribuées à de nombreux « rapatriés ». Cette occupation a été de courte durée puisqu'ils ont été déguerpis en mai 2004 sur le site sous l'ordre des autorités administratives du département de Sidéradougou.

Les « nouveaux acteurs » regroupent les fonctionnaires, les opérateurs économiques, etc. qui investissent dans les activités agro-pastorales à Dèrègouè. Ils influencent les pratiques foncières à travers leur pouvoir économique par « l'achat » des terres. L'intérêt qu'ils accordent à la terre et les moyens financiers qu'ils y investissent ont donné une valeur marchande à cette ressource. Par conséquent, les propriétaires terriens préfèrent conclure des arrangements avec ces derniers pour tirer le maximum de profit de leur patrimoine. Par ailleurs, l'intervention des « nouveaux acteurs » a entraîné l'émergence de certaines transactions telles que l'achat de terre par troc.

Á l'influence économique des migrants qui a entraîné la monétarisation des modes d'accès à la terre et accentué la compétition pour l'accès à la terre, s'ajoute l'instabilité des clauses qui régissent les contrats fonciers.

5.2. 3. L'instabilité des clauses des modes d'accès à la terre

Elle se traduit par l'évolution dans le temps des contreparties versées par les exploitants pour accéder à la terre et la défricher. Par exemple, le coût du « landa » en espèces versé avant tout défrichement d'un espace à Dèrègouè ne cesse d'augmenter. Elle est passée de 1.500 à 12.500 FCFA, voire 15.000 FCFA entre les années 1970 et 2000 (Cf. Tableau n°7).

Tableau n 7: Evolution du coût du « landa » en espèce

Période (année)

Coût (en FCFA)

1970-1985

1.500 à 5.000

1985-1995

5.000 à 7.500

1995-2005

7.500 à 15.000

 

Source : Enquête de terrain, 2005/2006

Cette dynamique de la contrepartie influence les pratiques foncières des paysans dans un contexte de raréfaction de la terre. Les espaces cultivables sont « finis» et les demandes de terre par les migrants ainsi que le coût du « landa » augmentent, ce qui pousse souvent les propriétaires terriens à réduire la superficie des champs en exploitation ou en jachère. Certains

exploitants pensent que c'est pour gagner de l'argent à travers les nouvelles demandes que les propriétaires réduisent les superficies. Par ailleurs ce sont souvent les migrants qui demandent aux chefs de terre de leur permettre d'exploiter une parcelle mise en jachère par un autre migrant au prix d'une forte somme d'argent.

De plus en plus pour accéder à un lopin de terre, un paysans migrant n'a pas moins de 10.000 F CFA à donner en plus du loyer versé régulièrement à son chef de terre, raison pour laquelle des efforts sont faits pour satisfaire ces nouvelles demandes même si la terre est en manque. D'où les pratiques telles que les retraits de terre et les réductions de superficie qui alimentent les incertitudes pour ce qui concerne l'exploitation durable des champs par certains paysans.

5.2.4. L'implication des jeunes dans la gestion foncière

Les jeunes sont des groupes sociaux subordonnés aux personnes âgées. Ils n'interférent dans la gestion foncière que sur l'accord des plus âgés. Cependant, ces dernières années ceux-ci s'y ingèrent sans l'entremise de leurs aînés. Ils concluent des accords avec des nouveaux demandeurs, retirent les terres que leurs aînés avaient cédées à des migrants sans le consentement de ceux-ci. Cette implication des jeunes dans la gestion foncière a fait perdre à la terre son caractère sacré, car l'on estime dans la zone que leur forme privilégiée de transactions foncières est la « vente » de terre. Pour cette jeune génération, la terre est une source de revenus, ce qui est en contradiction avec la vision des vieux qui estiment que cette ressource est sacrée, inaliénable et ne doit pas être vendue.

L'implication des jeunes dans la gestion des terres a vu le jour dans un contexte où la terre est « finie ». Or les demandes d'espaces cultivables par les migrants et, surtout les « nouveaux acteurs » et les « rapatriés » ne cessent d'augmenter. En conséquence, à défaut de pouvoir retirer la terre de certains migrants, ils les réduisent pour satisfaire les nouvelles demandes de terre qu'ils estiment plus rentables sur le plan économique.

OS est un jeune autochtone dont l'implication dans la gestion foncière est récente suite au décès de son père qui assurait de fait la fonction de chef de terre de leur domaine foncier coutumier à Dèrègouè. Celui-ci s'est impliqué dans la gestion foncière à un moment où la quasi-totalité des terres relevant de leur autorité ont été attribuées. Pour tirer le maximum de profit dans ce contexte de forte demande et de pression foncière, OS procèderait souvent à des retraits de terre et des réductions de parcelle sans le consentement de ces aînés, ce pour satisfaire les nouvelles demandes qui lui sont faites. « On leur a dit de ne pas vendre la terre

car elle est précieuse, mais il refuse d'écouter » affirmait OM, un autre jeune autochtone dont le père n'apprécie pas le fait que les jeunes cèdent les terres en contrepartie de forte somme d'argent.

Aux facteurs démographiques et socio-économiques explicatifs de la dynamique des pratiques foncières, et surtout de l'émergence des problèmes d'insécurité et de précarité, s'ajoutent l'intervention de l'Etat.

5.3. L'INTERVENTION DE L'ETAT

Elle a influencé les pratiques foncières locales par le biais de la RAF, des politiques aménagements du territoire et de reboisement.

5.3.1. L'influence des interprétations locales de la RAF

Si la RAF a été promulgué pour assurer la sécurité des exploitants agricoles et veiller à une gestion rationnelle des ressources naturelles, elle est loin d'avoir atteint ses objectifs dans les zones rurales, notamment à Dèrègouè. Les enquêtes de terrain ont en effet révélé que les textes qui la régissent sont méconnus des paysans. Par ailleurs, même si ces derniers sont au courant de l'existence de ces textes, leurs interprétations et appréciations diffèrent d'un acteur à un autre, notamment des migrants aux autochtones.

Les textes de la RAF qui stipulent que « la terre appartient à celui qui la cultive ou celui qui la met en valeur » et que « l'Etat propriétaire de la DFN » ainsi que « la non- reconnaissance du droit coutumier » influencent les perceptions que les paysans ont de la terre. Certains migrants, en s'appuyant sur la cette législation foncière, adoptent des pratiques à l'encontre des interdits dictés par les autochtones sous prétexte que « la terre appartient à tout le monde ». Ils empiètent sur les terres qui ne leur ont pas été attribuées ou plantent des arbres sans l'accord des chefs de terre. Cette situation crée du côté des propriétaires terriens coutumiers des sentiments de crainte pour ce qui concerne l'avenir de leur emprise sur les terres. Comme eux-mêmes le disent, de nombreux migrants ne respectent plus les principes coutumiers ; et lorsqu'ils veulent leur sanctionner, ils sont convoqués auprès des autorités administratives.

Le sentiment d'insécurité foncière que suscite la RAF est surtout vécu par les propriétaires terriens qui les perçoivent comme une sorte de remise en cause de leur autorité en matière de la gestion foncière. En effet, de nombreux migrants qui ont acquis des parcelles

de culture par l'entremise de ces propriétaires terriens, se basent sur la RAF pour s'opposer à certains principes coutumiers en matière de gestion foncière : plantation d'arbres, attribution de parcelles à une tierce personne sans accord des chefs de terre. Pour ces migrants, la modernité devient de plus en plus une garantie de la sécurité foncière au détriment de la coutume.

Si l'avènement de la législation foncière moderne a fragilisé le pouvoir coutumier, l'approche des politiques d'aménagement du territoire ne l'a pas consolidé non plus.

5.3.2. L'impact de l'aménagement de la zone pastorale

La création et la délimitation d'une zone pastorale à Dèrègouè a d'abord entraîné un rétrécissement des espaces cultivables, et par conséquent le domaine foncier coutumier des chefs de terre. Cet aménagement conjugué à la croissance démographique a aussi accéléré la saturation des sites agricoles et agro-pastoraux. Ne disposant pas d'assez d'espace de culture dans ces deux dernières zones, les paysans se sont tournés vers la zone pastorale où la terre est encore disponible pour y installer les migrants arrivés dans les années 2000. Ainsi on a assisté à des défrichements intensifs et l'accroissement des superficies cultivées. Cette situation a entrainé la recrudescence des dégâts de champs par les troupeaux de bétail, qui engendraient des conflits entre éleveurs et agriculteurs. Conscient de la menace que représente la colonisation agricole de la zone pastorale, les éleveurs ont interpellé les autorités administratives sur cet état de fait. C'est ainsi qu'en 2004 des exploitants agricoles ont été déguerpis de ce site par les autorités administratives.

La zone pastorale cause des problèmes de manque de terres cultivables, mais il ne faut pas occulter le manque d'approche participative lors de son aménagement. En effet, des balises ont été installées pour marquer les limites de la zone pastorale d'avec le site agro- pastoral sans que le bien fondé d'un tel aménagement ne fasse l'objet d'une sensibilisation. Les autochtones affirment qu'ils n'ont pas été sensibilisés sur le bien-fondé de la création d'une zone pastorale. C'est pourquoi à Dèrègouè où l'activité principale est l'agriculture cet espace réservé aux éleveurs se trouve être inexistant aux yeux de ses agriculteurs. Cela est soutenu par une autorité administrative qui pense que le manque de sensibilisation et d'infrastructures d'élevage sont les raisons explicatives de l'occupation anarchique de la zone pastorale par les agriculteurs. Ainsi, on assiste à une recrudescence des conflits qui opposent ces derniers aux éleveurs à cause des dégâts de champs par le bétail. Ce qui a amené les

autorités administratives de Sidéradougou a déguerpi les agriculteurs de la zone au profit des éleveurs.

5.3.3. L'impact des politiques de reboisement

Pour lutter contre l'avancée du désert, des campagnes de reboisement ont été lancées et les populations encourager à planter des arbres. Cette action est certes salutaire, mais à Dèrègouè elle est appréciée sous divers angles. Pour les migrants, les campagnes de reboisement encouragées par l'Etat vient mettre un terme à l'interdiction de planter des arbres dans un champ que leur imposent les propriétaires terriens. Par contre, les chefs de terre n'approuvent pas cette politique parce qu'elle encourage les migrants à planter des arbres dans leur champ sans qu'eux ne soient aviser. Cela vient une fois de plus remettre en cause de leurs autorités sur la terre.

Les chefs de terre, pour faire face à cette situation, ont pris une mesure qui a consistée à monnayer le droit de planter sur les parcelles où ce droit a été au préalable interdit aux migrants. Ainsi, tous les migrants qui veulent planter des arbres dans leur champ doivent payer.

L'agriculture étant leur activité principale, les exploitants de Dèrègouè ne restent pas passifs face à l'émergence des pratiques qui compromettent la stabilité de leurs emprises foncières.

CHAPITRE VI : LES STRATEGIES LOCALES DE SECURISATION FONCIERE

Les exploitants agricoles de la zone d'étude ne restent pas inactifs face aux problèmes fonciers auxquels ils sont confrontés. Ils mettent en oeuvre diverses stratégies, c'est-à-dire qu'ils prennent des initiatives de prévention dans la perspective de consolider leur emprise sur les terres qu'ils exploitent. Ces mesures de prévention sont multiples et changent selon le statut social des exploitants. Ces stratégies ont été analysées sur la base des informations collectées à partir du questionnaire et des guides d'entretien.

6.1. LES STRATEGIES DE SECURISATION DES MIGRANTS

Plusieurs initiatives sont prises par les migrants dans le but d'assurer la stabilité de leurs droits d'usage sur les terres qu'ils exploitent. Parmi ces stratégies, nous avons relevé :

· La sécurisation par les relations sociales

Cette stratégie consiste à maintenir de bonnes relations avec les propriétaires terriens, notamment ceux qui leur ont cédé les parcelles qu'ils exploitent. Les migrants tentent de satisfaire les chefs de terre en leur rendant souvent divers services, par exemple fournir à ces autochtones la main d'oeuvre dans les champs. Cette attitude permet de maintenir de bonnes relations qui pourraient leur épargner des situations de remise en cause de leurs droits d'usage sur la terre. Par ailleurs, les « étrangers » participent aux cérémonies des autochtones telles que les mariages, les funérailles, les baptêmes, etc. Cela leur permet d'entretenir entre les propriétaires terriens et eux des relations d'amitié et de confiance. Mais, ces stratégies adoptées par les migrants sont moins suffisantes pour endiguer certaines pratiques telles que la remise ne cause des droits d'usage sur la terre.

· La sécurisation par le versement régulier du loyer en nature

Sur les 150 chefs d'exploitation migrants enquêtés, 96 soit 64% sont des métayers. Ceux-ci sont dans l'obligation de verser, outre le « landa », une certaine quantité de leurs récoltes de céréales après chaque campagne agricole aux chefs de terre qui leur ont cédé des parcelles. Le versement régulier ou non de cette redevance est déterminant dans l'évolution des relations entre les migrants métayers et les propriétaires terriens. Le non-respect du versement de ce loyer en céréales peut amener les chefs de terre à retirer la terre à un métayer

et la réattribuer à une autre personne. En effet, 34.3% des exploitants agricoles enquêtés préfèrent verser régulièrement cette rente céréalière pour maintenir de bonnes relations avec leurs hôtes, en vue d'empêcher toute tentative de remise en cause de leurs droits sur les terres qu'ils exploitent.

Dans le contexte de raréfaction de la terre conjuguée à la forte demande dont elle fait l'objet, les propriétaires terriens cherchent des moyens pour satisfaire les nouveaux demandeurs. Par conséquent, l'absence de régularité dans le versement du loyer par les métayers peut être un alibi pour remettre en cause leur droit. Conscients de cet état de fait, certains exploitants qui n'arrivent pas à verser la rente prennent le soin d'aviser leurs hôtes afin qu'ils leur accordent la possibilité de s'en acquitter la saison de culture suivante.


· La sécurisation par la plantation d'arbre

Les arbres sont perçus par les paysans autochtones et migrants, comme un élément qui garantit la stabilité des droits d'usage sur la terre. De ce fait, des exploitants agricoles, notamment les migrants, tentent de consolider leur emprise foncière par la plantation des arbres. Cette stratégie représente 25.5% des mesures de sécurisation foncières. Cependant, l'approche adoptée pour planter ces arbres diffère selon la situation socio-économique des migrants. Au cours des enquêtes, nous avons identifié deux stratégies de sécurisation par la plantation d'arbres à Dèrègouè. Il s'agit de :

- la plantation des arbres par l' « achat » du droit de planter : il concerne les migrants métayers à qui le droit de planter a été interdit. Parmi eux, certains achètent le droit de planter qui leur permet de consolider davantage leur emprise sur la terre qu'ils exploitent.

- la plantation d'arbres à l'insu des propriétaires terriens : dans ce cas de figure, l'exploitant plante des arbres sans prévenir le chef de terre. Ainsi, lorsque celui-ci constate les faits, il lui est difficile de retirer la parcelle. Lorsqu'il demande à l'exploitant d'arracher les arbres, il est le plus souvent convoqué devant les autorités administratives. Une fois arrivée devant les autorités, un arrangement est conclu pour permettre au migrant de conserver sa parcelle et ses arbres.

Ainsi, l'arbre n'est donc pas planté pour seulement des besoins économiques, mais aussi dans le but de prévenir les situations d'instabilité des droits d'usage sur la terre. Car très souvent l'exploitant plante quelques pieds d'arbres pour seulement marquer une présence pérenne.

· La sécurisation par l'achat de terre

L'une des caractéristiques de l'«achat» de terre est l'importante somme d'argent versée en échange de la parcelle acquise. Cette contrepartie en espèces permet de consolider le contrôle foncier de l'acheteur, qui devient un recours pour le cédeur lorsqu'il est dans des situations difficiles : besoin d'argent pour la résolution de certains problèmes. Le rapport qui naît ainsi entre l' « acheteur » et le « vendeur » empêche le dernier d'entreprendre des tentatives de remise en cause des droits d'usage sur la terre de l'acquéreur. Aussi, épargne-t-il le bénéficiaire des interdits relatifs à la réalisation d'investissements durable. Tout se passe dans l' « achat » de terre comme si l'acheteur venait de bénéficier d'un « droit de propriété ». C'est pourquoi là où la notion de « vente » intervient, les bénéficiaires arrivent à réaliser des investissements pérennes sans que les cédeurs s'y opposent.

Malgré l'assurance qu'engendre cette transaction foncière en ce qui concerne l'exploitation à long terme des terres, des réserves sont émises par les bénéficiaires quant à durée de leurs droits. Pour eux, l'acquisition de « papiers » qui attestent les transactions est plus rassurante. Toute chose que les propriétaires terriens refusent. De ce fait, certains n'hésitent pas à recourir au « fama » (terme employé pour désigner les autorités administratives) pour stabiliser leurs droits d'usage sur la terre.

· La sécurisation par l'autorité administrative

Pour les exploitants migrants, le recours à l'autorité administrative est aussi un moyen pour sécuriser les droits d'usage sur la terre. Lorsque les propriétaires terriens coutumiers manifestent le désir d'interdire l'exploitation d'une parcelle à un migrant, celui-ci n'hésite pas à interpeller l'autorité, notamment le préfet. Le plus souvent, c'est lorsque le migrant se sent victime d'une injustice qu'il recourt à l'administration ; dans le cas contraire il s'abstient. Deux des migrants enquêtés ont interpellé l'administration lorsque les propriétaires terriens ont tenté de retirer leurs parcelles, ce qui leur a permis de continuer l'exploitation de leurs champs.

· La sécurisation par le morcellement des terres acquises

Suite à la forte demande de terre dans un contexte de saturation foncière, des champs font l'objet de réduction en superficies pour satisfaire les nouvelles demandes. En revanche, pour éviter que leur parcelle ne fassent l'objet d'une réduction, certains migrants morcellent leur terres et les cèdent à des parents à travers des contrats de courte

durée, souvent renouvelables. Cette stratégie leur permet ainsi de marquer une présence humaine sur leurs réserves foncières, afin de réduire la probabilité des réductions de superficies ou de retrait de terres.

Si la cession de droits précaires, c'est-à-dire de courte durée, constitue un problème d'instabilité pour certains migrants, pour les cédeurs de ces types de droits, elle représente une stratégie de consolidation des droits.

Les migrants ne sont pas les seuls à adopter des stratégies pour garantir leur contrôle foncier à Dèrègouè. Ces mesures préventives contre toute situation d'insécurité foncière concernent également les autochtones. Au fait, ce qui est souvent perçu comme un élément de sécurité pour les migrants est appréhendé comme une source d'insécurité pour les autochtones et vis-versa. Aussi prennent-ils des initiatives pour consolider leur emprise sur les espaces cultivables relevant de leurs autorités.

Tableau n°8: Fréquence des stratégies de sécurisation foncière des migrants

Stratégies de sécurisation

Fréquence

Maintenir de bonnes relations avec les propriétaires terriens

29.4

Verser régulièrement le loyer en nature

34.3

Planter des arbres

25.5

Acheter la terre

2

Interpeller l'autorité administrative

2

Morceler les terres

1

Néant

5.9

Total

100

 

Source : enquête de terrain2005/2006

6.2. LES STRATEGIES DE SECURISATION DES AUTOCHTONES

Parmi les initiatives de prévention prises par les autochtones en vue de consolider leur contrôle foncier dans le long terme, nous pouvons mentionner :

· Le refus de formaliser les règles d'accès à la terre

Lorsque les migrants accèdent à la terre en contrepartie d'argent qu'ils estiment élevées, certains d'entre eux tentent de réclamer des écrits attestant la transaction. Cette logique n'est pas appréciée par les propriétaires terriens qui préfèrent conclure avec les migrants des contrats oraux. Au fait le recours à l'écrit dans les transactions est perçu comme une perspective de remise en cause de leur contrôle foncier sur les espaces cultivables.

Le refus de formaliser par l'écrit les transactions permet aux propriétaires terriens de garantir leur emprise foncière en anticipant sur toutes les tentatives de revendication des terres qu'ils ont cédées aux migrants. Mais, il y'a aussi le fait de percevoir le loyer en nature qui rend les migrants redevables auprès des autochtones sur le plan foncier.

· La perception du loyer en nature

La rente en nature que les chefs de terre perçoivent auprès des migrants métayers est un élément qui leur permet de maintenir une relation de dépendance entre ces derniers et eux. En effet, il rappelle aux métayers que la terre ne leur appartient pas, et qu'une quelconque opposition au versement de cette rente peut entraîner la remise en cause des contrats qui leur lient.

Lorsqu'un exploitant exploite un bien qui lui rend redevable vis à vis de la personne qui l'a cédé, cela sous-entendrait qu'il ne t'appartient pas. C'est ce rapport de dépendance qui lie la majorité des exploitants migrants aux propriétaires terriens. Car, Ceux que nous appelons migrants métayers sont dans l'obligation de verser une partie de leurs récoltes ; dans le cas contraire les champs qu'ils exploitent peuvent être retirés.


· L'acquisition individuelle des parcelles

L'attribution des terres du patrimoine collectif aux migrants est perçue comme une source d'insécurité par de nombreux jeunes autochtones. Pour garantir leur sécurité en matière de gestion foncière, ces jeunes revendiquent leurs parts du patrimoine foncier collectif, en tentant d'acquérir et de gérer de façon individuelle les terres. Par ailleurs, certains jeunes qui s'impliquent dans la gestion foncière remettent en cause des contrats que leurs aînés ont conclus avec des migrants. Cette attitude permet à cette jeune génération d'autochtones d'étendre et consolider leur assise foncière dans un contexte où « la terre est finie ».

CONCLUSION PARTIELLE

La recrudescence des problèmes fonciers ainsi que leurs incidences à Dèrègouè sont la conséquence de l'accroissement démographique consécutif à la migration et au croît naturel. Á ces facteurs démographiques s'ajoutent des facteurs socio-économiques et politiques liés à la culture du coton, à l'influence socio-économique des migrants, à la politique de l'Etat en matière de la gestion des ressources naturelles, etc.

Cette situation amène certains exploitants à adopter des stratégies en vue de consolider leurs droits fonciers. L'accès au droit de planter et le versement régulier du loyer de céréales sont autant de stratégies mises en oeuvre par les migrants pour rendre durables leurs droits sur la terre. Par contre, le refus de formaliser les transactions foncières et la perception du loyer en nature auprès de ces derniers sont des moyens qui permettent aux propriétaires terriens d'affirmer leur autorité sur les espaces cultivables.

CONCLUSION GENERALE

Située au sud-ouest du Burkina Faso, plus précisément au Nord-est du département de Sidéradougou dans la province de la Comoé, le site de Dèrègouè présente des conditions naturelles favorables au développement des activités agro-pastorales. La nature des sols, la végétation conjuguée à la relative abondance et régularité des précipitations, sont des facteurs qui ont rendu possible la diversification des activités agricoles. Ce potentiel a favorisé le choix de cette région pour l'aménagement d'un site agro-pastoral par les autorités étatiques. Aussi a-t-il stimulé ouverture d'un front pionnier de forte colonisation agricole par l'immigration de populations de provenances variées. Ce qui a influencé les pratiques foncières.

Nous avons abordé l'étude des problèmes fonciers à Dèrègouè sur la base des 3 hypothèses suivantes :

1. l'accroissement démographique et la pression sur les terres sont l'un des facteurs déterminants des problèmes fonciers qui affectent les pratiques agricoles;

2. les droits d'exploitation agricole qui découlent des modes d'accès à la terre en vigueur à Dèrègouè ont crée des situations d'insécurité et de précarité foncières

3. les problèmes d'insécurité et de précarité foncières incitent les exploitants agricoles à mettre en oeuvre des stratégies pour stabiliser leurs droits d'usage sur la terre.

L'analyse des données collectées confirme ces hypothèses. En effet, le site de Dèrègouè a connu un accroissement rapide de sa population suite à la migration et au croit naturel. En 8 ans (1996 à 2004), la population a augmenté avec un taux de progression de 64.4%. Cette croissance, surtout liée à la migration, a intensifié la pression démographique sur la terre, entraînant ainsi une mutation des modes d'accès à la terre. Des transactions foncières telles que le métayage, la « vente » et les contrats fonciers de courte durée ont émergé. La terre est devenue un objet de convoitise, accentuant de ce fait la compétition foncière entre les acteurs aux origines, statuts socio-économiques et objectifs variés. Ce contexte a favorisé la recrudescence des problèmes d'insécurité et de précarité foncières. Ces difficultés se traduisent à travers les retraits de terre, la réduction de la superficie des champs, la remise en cause de l'autorité coutumière, les déguerpissements fonciers, l'interdiction de planter et la cession de droits de culture de courte durée. Elles ont des incidences sur les pratiques agricoles, les rapports entre les

acteurs : abandon de la jachère, blocage des investissements agricoles à long terme, émigrations agricole, conflits fonciers etc.

Bien que son effet ait été significatif dans l'émergence des problèmes fonciers, la croissance démographique n'est pas le seul facteur explicatif des difficultés liées à l'accès à la terre. En effet, le développement de la culture du coton avec ses corollaires que sont l'extension des superficies et la monétarisation des transactions foncières ainsi que l'intervention de l'Etat (RAF, politique d'aménagement du territoire et de reforestation) ont aussi contribué à rendre instables les droits d'usage sur la terre à Dèrègouè. Face à la recrudescence de ces problèmes, certains paysans mettent en place des stratégies pour stabiliser leurs droits dans le temps et l'espace. Mais malgré ces stratégies, les problèmes demeurent. C'est pourquoi, il est nécessaire pour une amélioration de la situation foncière des paysans et partant, pour la stabilité sociale d'entreprendre les actions suivantes:


· empêcher les remises en cause de contrats fonciers sans raisons valables

Il est donc nécessaire d'adopter une approche participative dans les situations de retraits de terres et de réductions de superficies de champs dont bénéficient certains exploitants. Cette approche doit être consensuelle en impliquant les personnes ressources : par exemple, les décisions de remise en cause des contrats fonciers permanents devraient être prises par un collège composé de personnes ressources autochtones et migrantes avec l'implication de l'autorité administrative. Les motifs avancés dans ces situations doivent être en phase avec les principes traditionnels dont le non-respect pourrait permettre une expulsion. Dans les cas de réduction de superficies des champs, il est nécessaire de fixer un seuil de superficie à partir duquel une parcelle pourrait faire l'objet de réduction. Par exemple la taille moyenne des ménages étant de 7 habitants dans la Comoé (INSD, 1996), on pourrait permettre une telle pratique lorsque l'exploitant possède un champ dont la superficie en hectare est supérieure à l'effectif des membres résidents de son ménage. Pour ce qui concerne le déguerpissement des exploitants de la ZPS, la mesure devrait s'appliquer à tous si elle doit avoir lieu. Elle ne devrait pas être localisée comme ce fut le cas en 2004 à Dèrègouè où seulement quelques hameaux de culture ont été saccagés. En plus, il serait important de trouver des lopins de terre pour satisfaire les exploitants installés dans la ZP si ceux-ci doivent définitivement quitter la zone au profit de l'élevage. Car bien avant que le site ne soit délimité des populations d'agriculteurs y vivaient. Dans le cas contraire, il serait adéquat de faire un inventaire des exploitants installés sur ledit site tout en vérifiant la végétation naturelle encore disponible, afin de créer des conditions où éleveurs et agriculteurs pourraient vivre en harmonie. Aussi, faudra t-il freiner les

nouveaux défrichements du fait de l'essor de la culture du coton. Par ailleurs, il serait bien de réaménager les pistes de bétail qui mèneront au pâturage encore disponible et aux points d'eau. Ensuite sensibiliser les exploitants afin que les dégâts de champ ne fassent pas l'objet de conflits, mais en retour interpellé aussi les éleveurs pour que les incidences ne soient pas préméditées.


· Stabiliser les clauses qui régissent les transactions foncières

Il concerne en particulier les contreparties fixes ou « landa » (part symbolique versé pour les offrandes, avant tout défrichement) et périodiques (redevance en nature versé en tine de céréales), puis l'interdiction de planter imposée à certains exploitants.

Le constat est que le versement « landa » sous sa forme nature est rare. Elle est en général donnée en espèces et n'est plus stable. Ce qui entraîne des divergences dans l'appréciation des transactions foncières comme c'est le cas pour la « vente » de terre. En plus, cette contrepartie offre plus de chance aux nantis dans la course pour l'accès à la terre. Cela crée des confusions dans les pratiques qui suscitent des craintes pour ce qui concerne la durabilité des droits. Il est donc nécessaire d'harmoniser et de rendre stable la contrepartie qui doit être donnée avant de défricher une parcelle. La valeur de cette contrepartie doit se faire en fonction de la superficie cédée. Il serait donc intéressant que les autorités administratives définissent les types de contrats fonciers en tenant compte des réalités du terrain. Pour ce qui concerne le loyer en nature, il doit être redéfinir : par exemple fixer le nombre de tines versé par chaque métayer en fonction de la superficie des champs qu'il exploitent en tenant compte du rendement moyen de céréales à l'hectare. Ce loyer doit servir aussi au développement de la zone. On pourrait par exemple demander à chaque propriétaire terrien de verser une certaine quantité de sacs qu'il perçoit chaque fin de campagne agricole auprès des métayers, qui pourrait être vendue et épargner en vue de la construction d'infrastructures socio-économiques pour l'intérêt de la zone.

Si la culture arbustive regorge des intérêts économiques, il ne faut cependant pas occulter le contrôle foncier pérenne qu'il permet ; raison pour laquelle les propriétaires terriens craignent que les usufruitiers plantent des arbres sur leur domaine. Il y'a donc nécessité d'intégrer le droit de planter dans les transactions foncières. Il faut permettre aux agriculteurs exploitants qui veulent se sédentariser dans la zone de planter des arbres dans leurs champs. Les exploitants, autochtones comme migrants, doivent avoir la possibilité de planter. Cependant, lorsqu'ils voudraient quitter le village définitivement, la terre devrait revenir sous le contrôle foncier de la communauté villageoise si celui-ci n'a plus de membre de son ménage dans le village.

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ANNEXES

ANNEXE 1 : OUTILS DE COLLECT DES DONNEES

QUESTIONNAIRE ADRESSE AUX CHEFS D'EXPLOITATION AGRICOLE (CEA) MODULE 1 : IDENTIFICATION

1. Numéros d'ordre :

2. Quartier (ou hameau de culture) :

3. Nom et prénom du CEA :

4. Sexe : Ethnie :

5. Age ou date de naissance : Lieu de naissance :

6. Situation matrimoniale : 1. Célibataire 2. Marié (e) 3. Veuf (Ve) 4. divorcé (e)

7. Taille du ménage :

8. Position dans le lignage :

1. Chef de lignage ..2. Chef de ménage .3. Autres (précisez ? )

9. Statut dans la famille : 1. Aîné 2. Cadet 3. Autres (précisez : )

10. Fonction occupée dans le village ..

1. Representant de groupement .2. Délégué CVGT .

3. Chef des migrants 4. Chef de quartier ..5. Autres (précisez : )

11. Statut de résidence: 1. Autochtone 2. Allochtone ..

12. Date d'arrivée ou durée d'installation du migrant : Date . Durée .

13. Résidence précédente du migrant :

14. Village d'origine du migrant :

15. Résidence précédente et date de retour de l'autochtone :

16. Raison d'installation ou de retour du CEA :

17. Activité secondaire :

18. Type de problèmes fonciers vécus par le CEA :

1. retrait de parcelle avant expiration du contrat 2. Déguerpissement

3. Non-renouvellement du contrat 4. Réduction de la superficie de la parcelle

5. retrait de terre sans préavis 6. Destruction des cultures par le bétail

7. néant 7. Autres (précisez les : )

MODULE 2: MODES D ACQUISITION ET D'ATTRIBUTION DES TERRES PAR LE CEA

MODULE 2 .1 Modalité d'acquisition des terres exploitées par le CEA

1. Combien de champs exploitez-vous ?

2. Qui vous a cédé votre (os) champ(s) ?

1. migrant 2. Autochtone 3. Autres (précisez ..)

. Champ 1 : . Champ 2 . Champ 3 .

3. Comment avez-vous acquis les terres de vos champs (déterminez l'appellation en dioula ou en moré) ? ..

- .champ 1 : .champ 2 champ 3 :

4. les droits d'usage sur la terre dont vous jouissez sont-ils temporaires, permanents ou définitifs ?

- . champ 1 : champ 2 : champ 3 :

5. Si ce droit est temporaire quelle est sa durée de validité ?

1. Annuelle 3. Bis annuelle 5. Trois ans

2. quatre ans 4. Cinq ans 6. + De cinq ans (précisez : )

6. Qu'avez-vous donné en contrepartie des terres acquises ? ..

1. en espèce (précisez la valeur) :

2. en nature (précisez la valeur) :

7. Cette contrepartie est-elle obligatoire ou volontaire ?

1. volontaire 2. Obligatoire 3. Autres (précisez )

8. Si la contrepartie est obligatoire ? À quelle période la versez-vous généralement ?

1. après la récolte 3. Avant le début des travaux champêtres

2. pendant les travaux champêtres 4. Autres (précisez : )

9. Le non-respect du versement peut-il entraîner le retrait de la parcelle ? 1. oui 2. Non

10. Avez-vous déjà été dans le cas ? 1. oui 2. Non

11. Quels sont les interdits et les obligations qui vous ont été imposés par les cédeurs ?

1. Interdire de planter des arbres

2. Interdire de couper ou de jouir des fruitiers (néré, karité, tamarinier, etc.)

3. Interdire de réaliser des infrastructures socio-économiques (puits, maison, etc.)

4. Interdire de céder la parcelle sans autorisation du cédeur

5. Autres (précisez )

12. L'un de vos champs a- t-il déjà fait l'objet de retrait ? 1. oui 2. Non

13. Si oui, pendant combien de temps l'avez-vous exploité ?

1. année d'acquisition de la parcelle : 19

2. année de retrait : 19

3. durée : ans

14. Avez -vous déjà été victime de retrait de parcelles avant le terme du contrat ?

15. Si oui, précisez .
·

1. la date d'acquisition de la parcelle .
· 19......

2. la date de la fin du contrat .
· 19......

3. la date de retrait de la parcelle : 19

16. Et pourquoi ?

MODULE 2. 2 Modalités d'attribution de parcelles agricoles par le CEA

1. Avez-vous déjà cédé des terres de culture à quelqu'un ? 1. oui 2. Non

2. Si oui , combien .

3. Et à qui ? 1. migrant 2. Autochtone

3. Nouveaux acteurs 4. Autres (précisez )

4. Et quelle était la nature du droit concédé?

1. définitif

2. permanent

3. temporaire (la durée: )

5. Q' avez-vous pris en contrepartie de la cession de la parcelle

1. en nature (précisez la valeur)

2. en espèce (précisez la valeur)

6. Comment se fait ce versement?

1. après la récolte 2. Avant le début des travaux champêtre

3. pendant les travaux champêtre 4. Autres (précisez .)

7. Avez -vous retiré des parcelles cédées ? 1. Oui 2. Non

8. Si oui, quand ?

9. Et pourquoi ?

1. irrégularité dans le versement de la contrepartie 2. Non respect des interdits

3. besoin de terres de culture 4. Autres (précisez : )

10. Quelle était la nature du droit sur la parcelle ?

1. définitif

2. permanent

3. temporaire

11. Ce retrait s'est-il fait avant le terme du contrat ? 1. Oui 2. Non

12. Si oui pourquoi ?

1. besoin de la terre

2. non respect des interdits

3. autres (précisez )

MODULE 3 : TECHNIQUES DE CULTURE ET MODES D'INVESTISSEMENT AGRICOLE

1. Où se situent vos champs ?

1. Ancienne jachère2. Bas-fond

2. Brousse 3. Autres ( )

2. Quelles cultures pratiquez-vous dans vos champs ?

1. Sorgho 2. Petit mil 3. Maïs 4. Riz 5. Arachide

6. Coton 7. Anacarde 8. Mangue 9. Igname 10. Autres (précisez )

3. Quels outils utilisez-vous pour vos travaux champêtres ?

1. daba 2. Traction animale 3. tracteur 4. Autres

4. Comment avez-vous obtenu ces outils ?

1. Achat (coût ) 2. Emprunt.....3. Location (coût : )

4. Don 5. Autres (précisez )

5. Quelles cultures associez-vous dans vos champs ?

6. Comment pratiquez-vous l'assolement dans vos champs ?

.année 1 : Année 2 : année 3 : année 4: .Année 5 :

7. Quels investissements faites-vous pour accroître la fertilité ou le rendement de vos champs?

1. apport de fumure organique 2.apport d'engrais (nom : )

3. achat de mains d'oeuvre 4. Jachère

5. autres (autres : )

8. Quels investissements faites-vous pour lutter contre la dégradation des sols de ce champ....

1. construction de brise-vent

2. construction de diguettes anti-érosives

3. jachère

4. autres ( )

9. A combien estimez-vous le coût des investissements faits sur ce champ ?

10. A combien estimez-vous la quantité des produits récoltés sur vos champs ?

1. maïs 2. Sorgho 3. Petit mil . . . 4. Riz

5. coton :

6. autres (précisez la spéculation et la quantité) :

MODULE 4 : FACTEURS ET MANIFESTATIONS DES PROBLEMES FONCIERS

1. Comment évolue les modes d'accès à la terre et la durée des droits de culture ?

2. Les droits de culture cédés aux exploitants durent-ils ? 1. Oui 2. Non

3. Certains exploitants jouissent-ils de droits de culture temporaires? 1. Oui 2. Non

4. Si oui, qui sont-ils ?

1. anciens migrants 4. Nouveaux migrants

2. vieux 5. Jeunes

3. autochtones 6. autres (citez les )

5. Etes - vous dans ce cas 1. Oui 2. Non

6. Etes -vous obligé de pratiquer des cultures annuelles sur vos champs ? 1. Oui 2. Non

Si oui, pourquoi ?

8. Aimerez-vous pratiquer des cultures pérennes dans vos champs ? 1. Oui 2.non.....

9. Est-ce possible de pratiquer des cultures pérennes sur vos champs? 1. Oui 2. Non

10. Pourquoi des personnes à qui des droits d'usage permanents sur la terre ont été cédés se les voient retirer ?

11. Avez-vous déjà changé de champs ? 1. Oui 2. Non

12. Si oui combien de fois ? .

13. Et pourquoi ?

14. Comptez-vous rester longtemps dans ce village ? 1. Oui 2. Non

15. Si oui pourquoi ? (expliquez-vous)

16. Si non, pourquoi ?

1. manque de terres cultivables 5. Recrudescence des retraits de terre

2. émergence de cession de droits de culture temporaires

3. recrudescence des déguerpissements 6. Coût élevé des transactions

4. autres (précisez-les )

17. Possédez-vous des champs dans d'autres villages ? 1. Oui 2. Non

18. Si oui, pourquoi ?

19. Si non, pourquoi ?

20. D'autres paysans ont-ils aussi des champs dans certains villages ? 1. Oui 2. Non

21. Si oui, est-ce pour les mêmes raisons ?

22. Pourquoi les droits de culture deviennent instables dans le village ?

1. Forte migration agricole 3. Forte demande de terre de culture

2. Manque de terres de culture 4. Monétarisation des transactions

5. Autres (précisez-les )

23. Si vos droits de culture sont permanents et définitifs, feriez-vous de lourds

investissements dans vos champs ? 1. Oui 2. Non

24. Si oui, que feriez-vous ?

1. Planter des arbres (quels arbres .)

2. Mettre en jachère

3. Protéger les sols contre l'érosion

4. Autres (précisez-les )

25. Si non, que feriez-vous ? .

26. Que faites-vous pour vous sédentariser sur les champs que vous exploitez ?

GUIDE D'ENTRETIEN ADRESSE AUX ET SERVICES TECHNIQUES DU DEPARTEMENT DE SIDERADOUGOU

I .IDENTIFICATION

1. Numéros d'ordre :

2. Nom et prénom : Age : sexe :

3. Nom de la structure :

4. Domaine d'intervention :

5. Date d'installation ou de prise de fonction :

II .THEMES

Thème 1 : PEUPLEMENT DE DEREGBOUE Points à évoquer :

- premiers occupants du site de Dèrègouè et ethnies autochtones ;

- vagues de migration (ethnies, provenance, raisons, période) ;

- raisons du découpage de Dèrègouè en deux entités administratives, c'est à dire Dèrègouè 1 et Dèrègouè 2 ;

- villages satellites ou hameaux de culture rattachés à Dèrègouè 1.

Thème 2 : MODES D'ACCES A LA TERRE EN VIGUEUR A DEREGBOUE Points à évoquer :

- acteurs impliqués dans les modes de cession des terres agricoles ; - modes d'accès à la terre en vigueur ;

- formalisation des transactions foncières ;

- évolution de la durée de validation des droits d'usage sur la terre.

Thème 3 : SITUATION FONCIERE DES EXPLOITANTS AGRICOLES

Points à évoquer :

- types de problèmes fonciers selon le statut de résident des exploitants ;

- conflits fonciers (protagonistes, causes, dates) ;

- modes de résolution de problèmes fonciers ;

- RAF et stabilisation des droits d'exploitation des exploitants. (état des lieux et suggestions)

Thème 4 : FACTEURS DE L'INSTABILITE DES DROITS DE CULTURE Points à évoquer :

- Les formes d'instabilité des droits d'utilisation de la terre ;

- facteurs démographiques (migrations, pression démographique, rajeunissement de la population) ;

- facteurs socio-économiques (perceptions paysannes de RAF, dislocation des familles, développement des cultures commerciales, etc. ) ;

- perceptions des formes d'instabilité des droits d'usage sur la terre et leurs manifestations ;

- suggestions pour une stabilisation des droits d'usage sur la terre ;

GUIDE D'ENTRETIEN ADRESSE AUX PERSONNES RESSOURCES LOCALES

I. IDENTIFICATION

1. Numéros d'ordre : Village : quartier ou hameau :

2. Fonction occupée dans le village :

3. Nom et prénom(s) : Age : Sexe :

4. Ethnie : Statut de résident :

5. date ou durée d'installation :

6. motifs d'installation :

II. THEMES

Thème 1 : HISTOIRE DU PEPEUPLEMENT DU SITE D'ETUDE

Points à évoquer :

- fondateur du village (nom, ethnie, origine ; période et raisons d'installation) ;

- ordre d'installation des populations (ethnies, périodes et raisons de leurs installations) ;

- mise en place des quartiers (premiers occupants, période d'occupation et ethnie dominante) ; - migrations de départ (personnes concernée, période des départs, causes).

Thème 2: ORGANISATION SOCIALE ET PRATIQUES RELIGIEUSES

Points à évoquer :

- lieux sacrés du village ;

- cérémonies religieuses coutumières (période, acteurs) ;

- religions pratiquées dans le village ;

- rôle et place des composantes sociales autochtones (vieux, jeunes, femmes) ;

- relations inter-communautaires (communautés concernées, nature de la relation).

Thème 3: ACTIVITES ECONMIQUES : AGRICULTURE, ELEVAGE Points à évoquer :

- activités agricoles (spéculations, outils de culture types de champ et intrants) ; - évolution des pratiques agricoles (causes, pratiques émergentes) ;

- typologie des exploitants agricoles (origines, durée d'installation, spéculation principale et activités secondaire);

- élevage (acteurs, espèces et types d'élevage, rapport éleveur /agriculteur);

- autres activités économiques (acteurs).

Thème 4: REGIME FONCIER COUTUMIER ET MODES D'ACCES A LA TERRE

Points à évoquer :

- régime foncier coutumier (perception et représentation de la terre, personnes habilitées à cédées la terre, nature du doit d'utilisation de la terre, contreparties et interdits, etc.)

- types de champ cédés : cas des autochtones et migrants ;

- évolution des modes d'accès à la terre (quand, pourquoi, comment et conséquences) ; -perceptions et représentations que gens se font actuellement de la terre.

Thème 5: LITIGES FONCIERS ET LEURS MODES DE RESOLUTION

Points à évoquer :

- Causes et protagonistes des litiges (agriculteurs / agriculteurs, éleveurs /agriculteurs, - institutions de résolution des litiges.

ANNEXE 2 : PLANCHES PHOTOGRAPHIQUES

Photo n°1 : Paysans en pleine récolte de coton

Source : Enquête de terrain 2005/2006

Photo n°2 : Entrée d'une ferme agro-pastorale d'un « nouvel acteur »

Source : Enquête de terrain 2005/2006

Photo n°3 : Etat des plants de maïs pendant le déguerpissement foncier dans la zone

pastorale

Source : Projet Claims/ISSP 2004

Photo n°4 : Restes d'une habitation d'agriculteurs incendiée pendant le déguerpissement foncier

Source : Projet Claims/ISSP 2004

Photo n°5 : Paysans déguerpis de la zone pastorale dans leur hameau de culture

saccagé

Source : Projet Claims/ISSP 2004

Photo n°6: Paysan déménageant après le déguerpissement des agriculteurs de la zone pastorale

Source : Projet Claims/ISSP 2004






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery