WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'applicabilté des conventions internationales relatives au droit de l'enfant au Tchad

( Télécharger le fichier original )
par Eugène Le-yotha Ngartebaye
Université Catholique de Lyon - Master 2 Recherche Fondements des droits de l'homme 2007
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

FACULTE DE DROIT

INSTITUT DES DROITS DE L'HOMME

L'applicabilité des Conventions Internationales relatives aux Droits de l'Enfant au Tchad

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Master II Fondement des Droits de L'Homme

Présenté par: Sous la direction de :

NGARTEBAYE Eugène Le-Yotha Didier Têtevi AGBODJAN (Dr)

Maître de Conférences en Droit.

Directeur pédagogique de Master1

Année Universitaire 2007-2008

A

Feu Colonel Nelde Rigobert

Pour le sens du sacrifice

Remerciements

Nous voudrions remercier tous ceux qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire, notamment  à:

Notre Directeur de Mémoire, Mr. Didier Têtevi AGBODJAN, qui en dépit de ses multiples occupations nous a été d'un apport considérable

M. GEDEON Laurent, directeur de l'Institut des droits de l'homme, pour ses conseils et son soutien au cours de cette année académique

Tous les enseignants de L'IDHL pour le savoir qu'ils nous ont transmis

La Fondation Nationale de France pour son Soutien financier

ALLADOUM NDOGNGAR Désire et ORMENATHE LE-NABOYO Michel pour leurs apports financiers et matériels

A PALUKU Jean Berchmans et Gaëlle LE ROUX pour la relecture et les corrections de ce mémoire

LA FACULTE N'ENTEND DONNER AUCUNE APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS CE MEMOIRE. CES OPINIONS DOIVENT ETRE CONSIDEREES COMME PROPRES A L'AUTEUR

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE

PREMIERE PARTIE : LA DETERMINATION DES CRITERES D'APPLICABILITE DANS LE CONTEXTE TCHADIEN

CHAPITRE I : L'ESQUISSE DE DETERMINATION DES CRITERES D'APPLICABILITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANT

Section I : La détermination des critères d'évaluation de la mise en oeuvre

Section II : L'existence des dispositifs administratif et judiciaire de protection de l'enfance

CHAPITRE II : LES OBSTACLES D'ORDRE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE

Section I : L'instabilité politique : une histoire chronique

Section II : Les pesanteurs économiques et sociales

DEUXIEME PARTIE : L'EFFECTIVITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANCE

CHAPITRE III : L'ENCADREMENT NORMATIF TCHADIEN DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET LEUR RAPPORT AUX NORMES INTERNATIONALES

Section I : Les lois tchadiennes et les normes du droit international de protection des droits de l'enfant

Section II : Les us et coutumes

CHAPITRE IV : LES MECANISMES DE GARANTIE DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET DOTATIONS HUMAINES ET BUDGETAIRES

Section I : Les structures administratives de garantie de protection des droits de l'enfant

Section II : Les dotations humaines et budgétaires

CONCLUSION GENERALE

INTRODUCTION GENERALE

L'adoption de la déclaration du millénaire en 2000 par la Communauté Internationale comme base de travail pour l'édification d'un monde meilleur au 21ème siècle reste un évènement qui marque l'esprit des Etats. Les objectifs de la déclaration font une place importante à l'enfant en assignant aux décideurs, tant publics que privés, l'obligation d'oeuvrer pour lui donner les moyens de grandir dans le bonheur afin qu'il puisse réaliser ses potentialités : une bonne alimentation, une meilleure couverture sanitaire, une bonne éducation.... etc.

L'ancien Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies, Koffi ANNAN, précisait dans un avant-propos de « L'enfance en péril »1(*) que « laisser les enfants ainsi en péril c'est compromettre l'avenir de tous. Ce n'est qu'en progressant vers la réalisation des droits de tous les enfants que les nations se rapprocheront de leur objectif de développement et de paix ».

Mais depuis 2005, les droits de l'enfant peinent à trouver pleine application dans plusieurs pays et en particulier au Tchad où nous envisageons de mener une étude portant sur l'applicabilité des Conventions Internationales relatives aux droits de l'enfant. Un bref rappel du contexte de l'étude nous aiderait à mieux situer notre question avant de procéder à la clarification des notions de notre travail.

Situé entre les 7ème et 24ème degrés de latitude Nord et les 13ème et 24ème degrés de longitude Est, avec une superficie de 1.294.000 km², le Tchad est au carrefour de l'Afrique du Nord arabo-musulmane et de l'Afrique subsaharienne. Sans aucune ouverture sur la mer, le territoire tchadien est entouré par le Soudan à l'Est, la Libye au Nord, le Niger, le Nigeria, le Cameroun à l'Ouest et par la République Centrafricaine au Sud. Devenu République en 1958, il acquiert son indépendance le 11 août 1960.

Plus de 9,27 millions de personnes vivent sur le territoire du Tchad, parmi lesquelles on dénombre plus de 50% d'enfants2(*). Au nombre de ceux-ci, 391 000 ont entre 0 et 1 an, et 1 610 500 entre 6 et 11 ans.

Le pays a une population jeune de 5 032 000 habitants avec un taux d'accroissement naturel de 3,2%3(*).

On note trois zones climatiques dominantes, à savoir :

- La zone saharienne qui s'étend au Nord, où l'on pratique l'élevage des chameaux. La population de cette zone est nomade.

- La zone sahélienne au centre est par excellence le domaine de l'élevage des boeufs. Cette zone est habitée par deux types de populations : les éleveurs nomades et les semi-nomades qui vivent de l'élevage et de la terre.

- La zone soudanienne au Sud, propice à l'activité agricole et peuplée par des agriculteurs sédentaires.

Depuis l'indépendance, le pays est en proie à une interminable guerre interne opposant les pouvoirs centraux successifs à des groupes armés. Régulièrement ces derniers parviennent à renverser le pouvoir avant d'en être eux-mêmes chassés. Ce cycle infernal fait de violents coups d'Etat se perpétue depuis à peu près trois décennies. Cette situation de conflits permanents a eu de terribles répercussions sur le développement économique du pays.

Le Tchad est passé du rang de 167ème pays le plus pauvre en 2000 à celui de 173ème sur 177 en 2003, selon l'Indice de Développement Humain4(*). Le pays connaît donc une situation de pauvreté endémique dont les principales victimes sont les enfants.

Selon l'Enquête sur la Démographie et la Santé au Tchad (ci-après EDST) 2005, 37% des enfants présentent une insuffisance pondérale et 83% des enfants qui ont entre 5 et 17 ans travaillent dans des conditions déplorables5(*). Le même rapport attire l'attention sur le nombre élevé d'enfants enrôlés dans l'armée (qu'il s'agisse des forces gouvernementales ou des factions rebelles).6(*)

Cette situation des enfants est plus préoccupante quand on sait que le Tchad est lié à plusieurs Conventions et traités internationaux (tant régionaux qu'internationaux)7(*).

La situation du contexte de l'étude faite, il convient de saisir les notions d'« applicabilité » et de « droit de l'enfant ».

L'applicabilité dérive du verbe appliquer, qui provient lui-même du latin « applicare ». C'est, selon le vocabulaire juridique8(*), le caractère de ce qui est applicable ; la vocation pour un système juridique ou une norme à régir une situation. L'applicabilité se résume donc à l'aptitude à être appliquée, c'est la transcription concrète d'une norme pour lui permettre de produire les effets escomptés.

Le droit international laisse la définition des procédures d'application des Accords ou Traités signés ou ratifiés par les Etats au droit interne de chaque Etat. Ainsi, au Tchad, selon les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 2 de la Constitution, « les Traités et Accords ne prennent effet qu'après avoir été approuvés et ratifiés ». Et ils ont une valeur supérieure à la loi au sens de l'article 219 de la Constitution. On comprend alors que l'application d'un Accord ou Traité ne prend effet qu'après approbation, ratification et publication. Cette pratique obéit bien à la logique du principe de « pacta sunt servenda » qui gouverne les relations entre les Etats au plan international.

C'est pourquoi la Convention relative aux Droits de l'enfant, la Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action en vue de leur élimination, ou la Charte africaine des droits et bien être de l'enfant, pour ne citer que ceux là, ont été ratifiées et publiées. Il convient donc de mesurer les effets qu'ils ont induit depuis leur incorporation dans le corpus juridique Tchadien.

Au Tchad, le statut de l'« enfant » se trouve souvent résumé dans les proverbes et expressions populaires. Par exemple : « Une maison sans enfant est une tombe » ; « ce qui appartient à l'enfant, appartient à la mère » ; « le manque d'enfants est le plus grand défaut ». Ces proverbes et expressions d'origine chinoise et africaine posent la problématique du statut de l'enfant dans la société. Ils montrent que l'enfant est à la fois celui que l'on protège et celui que l'on exploite. D'où vient ce paradoxe ?

La difficulté vient de la définition même du concept enfant. Qu'appelle-t-on enfant ? Doit-on le définir par son âge, son rôle, ou sa société ?

Chez les Romains, Infans (qui a donné enfant) veut dire « celui qui ne parle pas », c'est à dire un bébé. Ailleurs, on est considéré comme enfant jusqu'à l'âge de la majorité. Le lexique des termes juridiques donne deux sens au mot enfant. Au sens large, il s'agit de toute personne mineure protégée par la loi (enfant abandonné, assisté, délaissé). Au sens strict, c'est un descendant au premier degré.

En droit civil par exemple, l'enfant est le descendant au premier degré. Mais plus largement, il est la personne mineure protégée par la loi (c'est le cas des enfants abandonnés ou des enfants assistés).

En droit du travail, l'enfant est considéré comme tel jusqu'à ce qu'il dépasse l'âge scolaire, c`est à dire 16 ans. Il lui sera interdit de travailler avant cet âge, mais pourra par contre être apprentis, exercer des travaux légers ou participer à des spectacles.

Au Tchad, le code de travail (Art.46) interdit l'emploi professionnel des enfants avant l'âge de 14 ans, sauf dérogations fixées par décret, sur proposition du Ministre du travail et de la sécurité sociale et celui de la santé. Dans ce cas il faudra obtenir l'accord des représentants légaux de ces enfants. L'enfant est donc perçu comme une « pépinière » qu'il faudra entretenir et protéger des prédateurs. S'il existe une ambivalence dans la conception de l'enfant, l'histoire des droits tente de la clarifier.

Historiquement, lorsqu'on évoque la question des droits de l'enfant, on pense à l'anglaise Eglantyne Jebb qui s'est battue pour que les droits de l'enfant obtiennent la reconnaissance juridique internationale en 1919. Elle avait créé l'association « Save the Children Fund » pour remédier à la misère des milliers d'enfants européens au sortir de la première guerre mondiale. Ses ambitions dépassent le simple apport de secours immédiats quand en 1920 naquit l'Union Internationale de Secours aux Enfants, qui se transforma en Union Internationale de Protection de l'Enfance. C'est cette dernière organisation qui rédigea l'avant-projet de la Déclaration de Genève des droits de l'enfant de 1924 adoptée par l'Assemblée de la Société des Nations. Les droits de l'enfant connaissent encore en 1959 une reconnaissance par la Déclaration des Nations Unies. Mais au-delà de ces différentes évolutions, le contenu des droits de l'enfant reste sujet à controverse.

L'approche traditionnelle, qui se revendique de la philosophie des droits de l'homme - en particulier de Kant et de Condorcet - pose l'idée fondamentale de l'éducation et de l'instruction. Si l'homme est par essence un être libre, il n'y parvient véritablement qu'en accomplissant le processus éducatif qui le fait accéder à l'autonomie et la responsabilité. Juridiquement, la référence aux droits de l'homme implique d'abord de tirer toutes les conséquences de la spécificité de l'enfance. La minorité, écrit Irène THERY, « ne maintient pas l'enfant dans le non droit, elle signifie que s'il est titulaire de droits dès sa naissance, il ne saurait être sommé de les exercer immédiatement  lui-même »9(*).

C'est pourquoi on désigne des personnes (le plus souvent les parents ou les représentants légaux) qui ont le pouvoir et le devoir de veiller au respect des droits fondamentaux de l'enfant. L'incapacité juridique est donc le droit à l'irresponsabilité, c'est-à-dire à ne pas être soumis aux devoirs qu'implique la capacité. C'est cette acceptation protectrice qui avait présidé à la convention de Genève de 1924 sur les droits de l'enfant, ainsi qu'à la Déclaration des droits de l'enfant de l'ONU de 195910(*). C'est le droit applicable à l'enfant.

Mais cette conception a été critiqué par les partisans de l'autodétermination des enfants qui considèrent la protection de l'enfant comme la forme moderne d'une oppression séculaire. D'où la naissance de l'approche moderne qui privilégie l'autonomie de l'enfant, sa capacité. Cette vision qui a été adopté par les rédacteurs de la Convention onusienne des droits de l'enfant de 1989.

Le texte onusien de 1989, tout en prenant en compte le sens du « droit de l'enfant » de la convention de Genève de 1924 et de la Déclaration de 1959, définit clairement les « droits de l'enfant » comme droits à « une protection spéciale »11(*). Outre les droits à la protection, ce texte considère d'autres types de droits n'ayant de sens qu'exercés par leurs bénéficiaires et supposant la responsabilité : le droit à la liberté d'opinion, liberté d'expression, liberté de pensée, de conscience, etc. Le changement de terminologie exprime un renversement de perspective : la situation de l'enfant doit désormais être envisagée du point de vue de l'enfant, et autant que possible par l'intéressé lui-même. Ce changement de perspective s'est accompagné d'une référence par la Convention de l'ONU à l'« intérêt supérieur » de l'enfant. Tous les textes postérieurs à 1989 se placent dans cette perspective.

Ainsi le Tchad, ayant ratifié ces différents textes, adhère à cette nouvelle conception. Mais la situation de l'enfant tchadien est alarmante : famine, maladie, exclusion, discrimination, manque d'éducation, etc. C'est fort de ce constat que nous nous posons la question suivante : A quoi tient l'échec du droit et du politique à garantir efficacement les droits de l'enfant au Tchad ? Suffit-il de ratifier les Conventions en matière des droits de l'enfant pour en conclure à leur application effective ? L'application des droits de l'enfant se résume t-elle aux aspects institutionnels de l'Etat ? Ce sont là autant de questions qui méritent d'être analysées. Pour étudier ces interrogations nous formulons les hypothèses suivantes :

L'applicabilité fait appel à une mesure. Dès lors il faudrait déterminer les critères pour opérer cette mesure tout en mettant en lumière le contexte de l'étude qui peut constituer a priori un élément assez important à prendre en compte.

Puis il faudrait procéder à la mesure proprement dite à travers les normes, les us et coutumes et les dispositifs administratifs, financiers et humains.

Aussi faut-il souligner que ce travail suscite plusieurs intérêts tant au niveau scientifique que social.

Au niveau scientifique, ces questionnements permettront d'évaluer la mise en oeuvre des droits de l'enfant pour faire ressortir tout ce qui entrave la pleine jouissance de ces droits au Tchad. L'appréciation se fera à travers les éléments techniques, humains et matériels.

Ils contribueront aussi à la recherche de nouvelles pistes pour une application effective, en dépassant la grille de lecture centrée sur le droit pour intégrer une vision plus large, englobant les fonctionnements et influences des structures sociales.

Au niveau social, le Tchad a connu au mois de novembre 2007 le scandale de « l'Arche de zoé ». Cette étude mettrait aussi en exergue la part de responsabilité de la société dans l'application des droits de l'enfant. Cette société qui, sciemment ou inconsciemment, refuse toujours de voir en l'enfant un être autonome.

Ce travail n'a pas pour ambition d'aborder toutes les Conventions Internationales ratifiées par le Tchad. Il se limitera à la Convention Onusienne des droits de l'enfant de 1989 et ses Protocoles Facultatifs12(*), à la Charte Africaine des droits et du bien être de l'enfant et à la Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination. Ce choix se justifie par le fait que l' application de ces conventions produit des effets visibles sur la vie des enfants.

Notre travail portera dans la première partie sur l'esquisse de détermination des critères d'appréciation de l'applicabilité dans le contexte tchadien. Cette étude nous permettra, dans la deuxième partie, de mieux apprécier le niveau de mise en oeuvre, c'est à dire l'effectivité.

PREMIERE PARTIE : LA DETERMINATION DES CRITERES D'APPLICABILITE DANS LE CONTEXTE TCHADIEN

L'application des Conventions relatives aux droits de l'enfant ne peut échapper à la question qui se pose quant à l'application du Droit International d'une manière générale.

En effet, l'application du Droit International est envisagée à la lumière de deux principes. Le premier est énoncé à l'article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités : « une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non exécution d'un traité. » Cette disposition pose la question des possibles modifications de certaines dispositions de l'ordre juridique interne afin de donner effet à leurs obligations conventionnelles. Ainsi, après la ratification, l'Etat doit prendre des mesures législatives internes pour intégrer son engagement international. Il découle de ce premier principe, s'agissant de la mesure de l'application, la nécessité d'avoir les critères pour mieux apprécier la mise en oeuvre des droits de l'enfant.

Le second principe est énoncé à l'article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme : « toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou la loi ». Ici, c'est la question de la justiciabilité qui se dessine. En d'autres termes, le second principe pose le problème des structures, qu'elles soient administratives ou judiciaires, et des moyens, tant humains que matériels, pour garantir de manière effective la jouissance par les individus (enfants) des droits issus des obligations internationalement contractées.

C'est pourquoi nous nous attacherons à déterminer les critères (Chapitre I) qui nous permettrons de mesurer le niveau d'effectivité des droits de l'enfant, et ce, en prenant en considération le contexte tchadien (Chapitre II) comme ne permettant pas, a priori, une application réelle.

CHAPITRE I : L'ESQUISSE DE DETERMINATION DES CRITERES D'APPLICABILITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANT

La détermination des critères obéit à une logique d'inventaire des éléments de mesures qui nous permettront de procéder, au moment opportun, à l'appréciation des mesures de protection de l'enfance au Tchad. Ces critères doivent se trouver tant dans le domaine législatif (section I) que dans les dispositifs administratifs, humains et financiers (section II).

Section I : La détermination des critères d'évaluation de la mise en oeuvre

D'une manière générale, sous réserve des dispositions internes propres à chaque Etat, les normes internationales contraignantes relatives aux droits de l'Homme devraient s'appliquer directement et immédiatement dans le cadre du système juridique interne de chaque Etat partie, et permettre aux personnes d'en tirer les bénéfices nécessaires. Mais les conventions sur les droits de l'enfant, qu'elles soient régionales ou internationales, ne définissent pas concrètement les modalités de leur propre application dans l'ordre juridique national. De plus elles ne contiennent aucune disposition obligeant les Etats parties à l'incorporer intégralement au droit national ou à leur accorder un statut particulier dans le cadre de ce droit. Toutefois, bien que les modalités concrètes pour donner effet dans l'ordre juridique interne soient laissées à la discrétion de l'Etat partie, les moyens utilisés doivent être appropriés, c'est-à-dire produire des résultats attestant que l'Etat s'acquitte intégralement de ses obligations. C'est le sens des dispositions du paragraphe 2 de l'article 1er de la CIDE, de l'article 1er de la Convention 182 de l'Organisation Internationale du Travail ou encore de l'article 1 de la CADEF13(*).

Les différentes dispositions sus énumérées font obligation à l'Etat ayant contracté les traités d'adopter une politique législative favorisant la jouissance effective des droits (§1). Mais si l'adoption de la politique législative ressort de la compétence des organes de l'Etat, la mise en application effective des droits dépend également de facteurs sociaux (§2). La détermination de ces critères n'est pas le fruit du hasard, elle répond à des réalités qui se trouvent prises en compte tant par le droit international régional qu'universel.

§1- L'obligation d'adoption des politiques législatives : pour une application concrète

Afin que les droits énoncés dans les traités contractés produisent leurs effets, l'Etat doit modifier les dispositions de ses lois internes pouvant être en contradiction avec les traités internationaux ou les vider de leur sens. Cette obligation ne se résume pas à la seule modification des lois. Elle doit aussi montrer de manière concrète, à travers les critères, comment l'Etat entend appliquer les droits, qu'il s'agisse des droits sociaux et économiques (B) ou des droits civils et politiques (A).

A- L'existence législative des critères d'application des droits civils et politiques

Désignés comme étant la première génération des droits de l'homme, les droits civils et politiques sont des droits que l'individu peut opposer à l'État. On les nomme « les libertés résistance ».

Historiquement, ces droits, déjà embryonnaires dans la Constitution coutumière anglaise, se sont développés à la fin du XVIIIe siècle et ont été reconnus lors des révolutions américaine (1787) et française (1789). Ils sont repris dans tous les instruments pertinents de protection des droits de l'homme : la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte International portant sur les Droits Civils et Politiques de 1966, la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant, la Charte africaine des droits et du bien être de l'enfant, etc.

Classiquement, on distingue :

- Les libertés individuelles qui consistent pour chaque individu « à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». On peut compter parmi ces dernières : la liberté « physique », qui se traduit en premier lieu par le droit à la vie, puis l'interdiction de l'esclavage, l'interdiction de la torture et des peines inhumaines ou dégradantes et l'interdiction de la détention arbitraire ( Habeas corpus) appelée aussi sûreté (Montesquieu) ; les libertés familiales (liberté du mariage, filiation, et aujourd'hui vie privé) ; la propriété privée (assimilée par la Déclaration de 1789 à un droit naturel et imprescriptible de l'homme, articles 2 et 17) ; la liberté contractuelle (article 1134 du Code civil français).

- Les libertés politiques, c'est-à-dire le droit de vote, le droit de résistance à l'oppression, le droit de réunion pacifique.

Mais pour notre travail, nous n'allons pas aborder tous les aspects des droits civils et politiques. Nous avons choisis les critères suivants : l'enfant, l'intégrité physique, la liberté d'expression et d'opinion, l'égalité. Ce choix se justifie par leur pertinence et leurs effet sur la réalisation des autres droits.

1- La définition de l'enfant

La définition du concept « enfant » s'avère être un des critères les plus importants à déterminer par la législation interne. L'enfant est défini dans la Convention Internationale des Droits de l'Enfant comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans »14(*). Cette définition stricte n'est pas celle retenue par la convention onusienne de 1989 qui fixe l'âge à dix huit ans tout en l'assortissant d'une possibilité d'atteindre la majorité avant cet âge si la législation nationale l'autorise15(*). Mais, d'une façon générale, on considère que l'enfant est une personne de moins de dix huit ans. La reprise de cette définition par une loi interne ne semble pas saugrenue. Elle a l'avantage de forger une acceptation commune de ce que l'on entend par « enfant » du point de vue national et international. Elle unifie la vision sur cette personne que l'on désigne par « enfant » ; alors qu'on a souvent tendance à donner une définition de l'enfant selon ses rites, ses habitudes ou croyances.

La matérialisation de la définition de l'enfant nécessiterait l'existence d'un état civil qui permettrait de lever d'éventuels doutes quant aux questions de l'âge, de l'identité, et tous les effets qui lui sont rattachés. La détermination et la fixation d'un âge de l'enfant éviterait toute tentative de se soustraire à l'acceptation commune reconnue universellement pour en attribuer une autre vision, ou acceptation.

Ainsi, l'existence de la définition de l'enfant ou la reprise de la définition de l'enfant contenue dans les dispositions conventionnelles permettrait de mieux voir les autres critères.

2- La vie ou le respect de l'intégrité physique

Par la vie, nous entendons mettre en exergue l'aspect de l'intégrité physique, car si l'enfant est né et qu'il a une identité, il doit pouvoir vivre en toute tranquillité. C'est pourquoi le respect de son intégrité physique s'avérerait impérieux.

On note de plus en plus que les parents, les structures d'éducation ou la société de manière générale sont portés à exercer des violences contre les enfants. Ce constat a été fait en 1993, par le Comité onusien des droits de l'enfant, lorsqu'il a estimé « qu'il ne fallait pas négliger la question des châtiments corporels si l'on voulait améliorer le système de promotion et de protection de l'enfant »16(*).

Les Châtiments corporels ou physiques impliquent l'usage de la force physique et visent à infliger un degré de douleur ou de désagrément à l'enfant. La plupart des châtiments se traduisent par l'administration d'une « tape », d'une « gifle », d'une « fessée ».

Mais pour la société, ces châtiments apparaissent comme des mesures disciplinaires ou éducatives. C'est le cas des coups de fouets que peut donner un instituteur ou des claques que les parents administrent à leurs enfants.

La violence consiste aussi à porter atteinte de manière grave à l'intégrité physique de l'enfant, c'est à dire à une partie de son corps (l'excision par exemple).

Mais elle prend également la forme de pressions faites sur les enfants pour obtenir d'eux un rendement meilleur dans le travail, au détriment de leur intérêt : c'est l'utilisation des enfants dans les champs de guerre, pour des travaux industriels dangereux ou encore l'exploitation sexuelle.

Pour que ces différents agissements prennent fin, il faut l'existence de lois qui définissent le statut des enfants, organisent et encadrent leur travail et punissent les abus dont ils font l'objet. Ces lois doivent être en même temps préventives, répressives et réparatrices pour permettre à l'enfant victime de la violence d'obtenir la réparation de son intégrité bafouée.

3- La liberté d'expression et d'opinion

L'exercice de la liberté d'expression et d'opinion s'avère capitale pour les enfants. Il leur permet de se faire entendre sur leur situation et de résister contre les pratiques oppressives. En parlant ouvertement, soit dans les contextes politiques ou culturels, les enfants oeuvrent pour l'amélioration de leur statut dans leur société. L'écoute des enfants permet une meilleure prise en compte de leurs intérêts et la mise en oeuvre d'actions en leur faveur.

Ainsi, il faudrait que l'Etat, par une disposition législative ou réglementaire, institue des activités ponctuelles ou régulières tel que le Parlement des enfants. Ceci pour stimuler et favoriser une prise de conscience de la société face à l'expression des opinions des enfants. L'existence du Parlement des enfants ne doit en aucune façon s'inscrire dans l'ordre du symbolique. Il doit veiller à repérer les opinions représentatives des enfants afin de mieux mettre en oeuvre les droits qui leur sont reconnus.

Si les critères du respect de l'intégrité physique et de la liberté d'expression sont posés de façon concrète dans les dispositions législatives, encore faudrait-il que l'égalité le soit également.

4- Le principe de l'égalité

L'égalité signifie que tous les enfants sont égaux, quelles que soient leurs situations ethnique, sociale, linguistique, sexuelle et religieuse etc. C'est l'égalité des droits reconnue à tous les enfants. A travers le principe d'égalité, c'est celui de la non discrimination qui est aussi proclamé. Il postule de ne point donner plus de droits à une catégorie qu'à une autre.

Mais il signifie aussi qu'il faut s'efforcer d'identifier les enfants ou groupes d'enfants dont les droits ne sont pas reconnus ou appliqués ; et mettre en place si nécessaire des mesures spéciales pour les faire appliquer. Il convient de souligner que l'application du principe de non discrimination ne signifie pas un traitement identique pour tous. C'est pourquoi le Comité des Droits de l'Homme a souligné, dans une observation générale, « qu'il était important de prendre des mesures spéciales afin d'éliminer les conditions à l'origine de la discrimination ou d'en réduire l'ampleur »17(*).

Cependant, il est impératif que la loi affirme le principe de la non discrimination pour permettre aux bénéficiaires de l'invoquer devant les instances veillant à son respect.

La jouissance des droits ne peut s'analyser seulement sous le prisme des « acquis », mais doit aussi s'étudier sous l'angle des respects, c'est-à-dire des devoirs.

Les enfants disposent non seulement de droits, mais aussi de devoirs. Tout manquement à ses devoirs entraîne des sanctions. Afin d'organiser ces sanctions, l'Etat doit définir des mesures permettant de prévenir les cas des enfants susceptibles d'entrer en conflit avec la loi. Ces mesures préventives doivent consister à la définition de la politique globale de la justice pour mineurs, au système de placement et d'insertion des enfants. Elles doivent indiquer comment elles s'appliqueront, tout en respectant l'égal accès aux instances de prévention et de répression.

Aux critères d'application des droits fondamentaux, il faudrait adjoindre ceux des droits économiques, sociaux et culturels.

B- L'existence législative des critères d'application des droits économiques, sociaux et culturels 

Après les droits civils et politiques dits de première génération, viennent les droits économiques, sociaux et culturels. Ils sont dits de la deuxième génération. Ce sont des droits qui nécessitent l'intervention de l'État pour être mis en oeuvre. L'individu est ici en mesure d'exiger de l'État une certaine action, prestation.

De là vient l'expression « droits-créances » sous laquelle on désigne aussi les droits économiques, sociaux et culturels. Cette théorie pose les droits-créances comme la compensation de l'abandon d'une part de la liberté des citoyens dans la société politique. Elle trouve application avec l'instauration de l'Etat providence, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Aujourd'hui, elle est considérée comme un critère à part entière de l'Etat de droit.

On peut en donner une liste non-exhaustive : droit au travail, droit à l'éducation, droit syndical, etc. Dans les développements qui suivront, nous nous concentrerons sur le droit à l'éducation, le droit à la santé et le droit au travail. Nous estimons que le choix de ces trois entrées se justifie par la le fait que leurs traductions et effets sont plus visibles.

1- Le droit à l'éducation

« Une tête bien faite, un esprit éclairé et actif capable de vagabonder librement est une des joies des récompenses de l'existence ». Cet adage résume le rôle et l'importance de l'éducation dans le développement d'un enfant.

En effet, l'éducation est à la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de voûte de l'exercice des autres droits inhérents à la personne humaine. L'éducation donne aux enfants tous les moyens pour participer pleinement à la vie de la communauté. L'éducation joue un rôle majeur, qu'il s'agisse de rendre les enfants autonomes, de les protéger contre les exploitations, l'exercice d'un travail dangereux ou l'exploitation sexuelle, de promouvoir les Droits de l'Homme et la démocratie, de préserver l'environnement, etc. Elle est « de plus en plus considérée comme un des meilleurs investissements financiers que les Etats puissent réaliser »18(*).

Ainsi, pour donner tout son sens au droit à l'éducation, les mesures législatives doivent porter de façon précise sur les « dotations », accessibilités, acceptabilités, adaptabilités qui sont interdépendantes.

En effet, les « dotations » impliquent l'existence d'infrastructures et de programmes éducatifs en nombre suffisant. Leur fonctionnement est tributaire de nombreux facteurs, dont l'environnement par exemple puisqu'il faut prévoir des bâtiments ou autres structures offrant un abri contre les éléments naturels.

L'accessibilité fait aussi référence aux établissements d'enseignement et aux programmes éducatifs qui doivent être à la portée de tous les enfants. Elle revêt trois dimensions qui se chevauchent :

- La non-discrimination. L'éducation doit être dispensée à tous en droit et en fait, notamment aux groupes vulnérables, sans discrimination fondée sur une quelconque considération.

- L'accessibilité physique signifie que l'enseignement doit être dispensé en un lieu raisonnablement accessible. Les enfants dans les campagnes, par exemple, ne doivent pas faire beaucoup d'efforts pour joindre leur établissement (parcourir des dizaines de kilomètres chaque jour).

- L'accessibilité, du point de vue économique, indique que l'éducation doit être économiquement à la portée de tous les enfants. L'enseignement primaire doit être « accessible gratuitement à tous et obligatoire » (sous réserve de l'instauration progressive de la gratuité de l'enseignement secondaire et supérieure).

L'acceptabilité fait appel à la forme et au contenu de l'enseignement, y compris les programmes scolaires et les méthodes pédagogiques qui doivent être acceptables (pertinents et culturellement appropriés et de bonne qualité) pour les enfants et selon le besoin des parents.

L'adaptabilité implique la souplesse de l'enseignement et son adaptation aux besoins des sociétés et des communautés en mutation, tout comme aux besoins des enfants de niveaux sociaux et culturels différents.

C'est avec l'application de ces critères « interdépendants et essentiels », que l'intérêt de l'apprenant se réalisera.

2- Le droit à la santé

Droit fondamental de l'être humain, la santé est indispensable à l'exercice des autres droits. La réalisation du droit à la santé peut être assurée par de nombreuses actions qui sont complémentaires. Il s'agit notamment de la formulation de politiques en matière de santé ou de la mise en oeuvre d'instruments ou de mesures spécifiques pouvant rendre effectif le droit à la santé.

Le droit à la santé suppose à la fois des libertés et des droits. Les libertés comprennent le droit de l'être humain à contrôler sa propre santé et son propre corps, y compris le droit à la liberté sexuelle et à la procréation, ainsi que le droit à l'intégrité physique. Les droits englobent le droit d'accès à un système de protection de la santé qui garantisse à chacun, sur un pied d'égalité, la possibilité de jouir du meilleur état de santé possible.

La notion de « meilleur état de santé susceptible d'être atteint » fait à la fois appel à la situation biologique et socioéconomique de chaque individu au départ et aux ressources dont dispose l'Etat.

Ainsi le droit à la santé doit être entendu comme le droit de jouir d'une diversité d'installation, de biens, de services et de conditions nécessaires à la réalisation du droit au « meilleur état de santé susceptible d'être atteint ».

Pour pouvoir trouver application, la législation doit énoncer un certain nombre de critères qui permettent de traduire en actes le droit à la santé. Ces critères substantiels s'analysent en la disponibilité, l'accessibilité et l'acceptabilité.

S'agissant de la disponibilité, il doit exister, en quantité et en qualité suffisante, des installations, des biens et services. Il est ici surtout question des cadres de soins de santé primaire et des services axés sur les besoins des adolescents, notamment en matière de santé sexuelle et mentale. Les structures doivent contenir tous les éléments fondamentaux déterminants de la santé : l'eau, salubre et potable, des installations appropriées, hôpitaux, dispensaires et du personnel médical qualifié.

L'accessibilité est relative à l'accès aux structures de soins pour tous les enfants. Il doit exister des centres de soins partout, que l'on se trouve en milieu rural ou urbain. L'accessibilité comporte les éléments de :

- La non-discrimination, c'est-à-dire que tous les enfants doivent avoir accès aux services et biens liés à la santé, en particulier les groupes d'enfants vulnérables (enfants porteurs de handicaps, enfants réfugiés, enfants des minorités) ou marginalisés (couches sociales défavorisées).

- Du point de vue physique, l'accessibilité fait référence à la possibilité d'accéder aux installations sans danger et en tout temps. C'est la notion géographique qui se trouve visée. Elle comprend en outre l'accès approprié aux bâtiments pour les enfants handicapés.

- Du point de vue économique, c'est la question des coûts qui peut poser problème. Les services sanitaires doivent être abordables pour les enfants.  L'établissement des coûts des services de santé devra donc se faire sur la base du principe de l'équité, pour faire en sorte que ces services, qu'ils soient fournis par les opérateurs publics ou privés, soient abordables pour tous, y compris pour les groupes socialement défavorisés. L'équité exige que les ménages les plus pauvres ne soient pas frappés de façon disproportionnée par les dépenses de santé par rapport aux ménages les plus aisés.

Enfin, l'accessibilité impose de porter à la connaissance de tous les adolescents l'existence des établissements, des matériels et services de santé, mais aussi de leur faciliter l'accès dans le respect de la confidentialité.

L'acceptabilité fait appel au respect des valeurs culturelles, la « sexospécificité », les principes d'éthique médicale. Il implique que les bénéficiaires acceptent les soins.

La qualité des services sanitaires impose que le service et les matériels médicaux répondent aux exigences scientifiques posées, à savoir le personnel qualifié en nombre suffisant, des installations adéquates et des méthodes scientifiques.

Le droit à la santé se décline aussi à travers l'existence des politiques sectorielles et globales de santé.

3- Le droit au travail

Quand au droit au travail, l'existence de la loi en la matière permet d'encadrer le travail des enfants. Cet encadrement concerne l'âge, les heures de travail (une distinction doit être opérée entre le jour et la nuit) et les domaines dans lesquels les enfants peuvent normalement travailler, ceci dans le but de permettre aux enfants de participer à leur développement économique.

Les lois doivent organiser la répression de l'exploitation des enfants sous toutes ces formes, en définissant de manière claire et précise les peines encourues en cas de violation. En outre, les dispositions législatives et réglementaires touchant le travail des enfants doivent prévoir des structures d'accueil et de formation des enfants exploités.

Si l'existence des différents critères énumérés, qu'il s'agisse des droits fondamentaux sociaux, économiques ou culturels, permet de rendre opératoires ces droits, les critères à eux seuls ne peuvent suffire. Il faut tenir compte du contexte socioéconomique du pays.

§2- Le contexte socioéconomique de l'application

La traduction effective des droits de l'enfant fait appel a des ressources financières dont l'Etat dispose (A) pour s'acquitter des obligations conventionnelles. La réalisation de ces droits n'est pas seulement une obligation étatique, elle résulte aussi de la contribution de la société dans son ensemble (B).

A - Les ressources financières

Nul ne peut douter que la réalisation de tout droit nécessite des moyens financiers considérables. Mais le niveau de développement diffère d'un pays à un autre et les conventions relatives aux droits de l'enfant ont bien intégré cette préoccupation. C'est ce qui ressort de l'article 4 de la Convention des droits de l'enfant, en ces termes : « les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente convention. Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s'il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale ».

Compte tenu des effets néfastes des programmes d'ajustement structurel et de la transition vers l'économie de marché sur la situation des enfants, l'application des droits nécessite un suivi rigoureux. L'objectif est de créer du changement au niveau des politiques publiques afin de mieux protéger les enfants.

Ainsi, l'existence des problèmes économiques ne dispense pas l'Etat de ses obligations. C'est pourquoi le gouvernement doit adopter des lignes budgétaires adéquates pour toutes les structures intervenant dans la protection et la promotion de l'enfance.

L'Etat doit définir les crédits qu'il alloue à telle ou telle structure dans le but de réaliser les droits de l'enfant. L'important en matière budgétaire n'est pas d'avoir une ligne de crédit très importante, mais d'orienter et d'utiliser le peu dont on dispose afin d'atteindre des objectifs précis et produire les effets escomptés.

L'Etat ne doit pas invoquer indéfiniment le manque des moyens pour retarder la réalisation des droits de l'enfant.

Par ailleurs il faut souligner que cette réalisation n'incombe pas seulement à l'Etat, elle doit aussi être portée par la société.

B- La contribution de la société

Nous entendons ici définir les critères applicables aux parents et aux organisations de la société civile afin d'aider les enfants à bénéficier concrètement de leurs droits.

La famille est considérée comme le milieu traditionnel de vie de l'enfant. Le respect ou les questions relatives à ces droits concernent en premier lieu la famille (parents, tuteurs, représentants, communauté, etc.). C'est pourquoi les traités relatifs aux droits de l'enfant imposent aux parents, tuteurs ou à tous les membres de la société, des obligations afin de favoriser l'éclosion et le respect des droits de l'enfant.

Mais pour que ces obligations trouvent ancrage, il faut que les personnes susvisées connaissent ces obligations. La connaissance se heurte au problème de l'alphabétisation. Outre la question de l'alphabétisation, se pose également le problème de la perception de l'enfant. En effet, les parents et la communauté doivent savoir reconnaître que l'enfant est un être autonome doté de raison et aspirant à une vie propre.

Le respect ou l'application des droits de l'enfant par les parents et la communauté dépend encore du niveau de ressources financières qui doit être suffisant pour subvenir aux besoins de l'enfant.

Les organisations de la société civile se définissent comme des acteurs neutres n'appartenant ni aux structures administratives ni aux groupes ou formations politiques. Elles sont l'oeuvre citoyenne de personnes souhaitant donner leur point de vue sur la gestion de la chose commune.

En effet, eu égard au déficit qu'accuse l'Etat pour assurer ses fonctions traditionnelles (sécurité, providence), il apparaît aujourd'hui que les organisations de la société civile tentent tant bien que mal de suppléer l'Etat dans certaines de ces fonctions. Leurs champs d'interventions varient et restent multisectoriels.

En matière de protection et de promotion des Droits de l'Homme en général et des droits de l'enfant en particulier, on ne peut occulter le travail que font ces organisations. C'est pourquoi les conventions relatives aux droits de l'enfant leur reconnaissent un rôle non négligeable. Mais pour que leur travail produise un effet, il faudrait qu'elles développent des programmes spécifiques de protection de l'enfance.

Ces programmes peuvent concerner les enfants en général, mais aussi et plus spécifiquement les malades, les handicapés, ou ceux issus de situations particulières.

Etant donné leur nombre croissant et leurs interventions diverses, les organisations de la société civile gagneraient à mettre en place un cadre de coordination afin de mieux gérer leurs interventions. Le cadre de coordination devrait se situer à deux niveaux : d'abord entre elles (entre celles qui oeuvrent pour la protection au niveau local, national et international), puis entre elles et les structures étatiques intervenant pour la protection de l'enfant.

Section II : L'existence des dispositifs administratif et judiciaire de protection de l'enfance

On peut avoir les meilleures dispositions législatives en matière de protection de l'enfance, mais elles ne serviront à rien s'il n'existe pas d'infrastructures chargées de leur traduction (§1) d'une part, et des moyens humains (§2) de l'autre.

§1- Les dispositifs administratif de protection de l'enfance

La mise en oeuvre des droits de l'enfant fait appel à un nombre considérable de moyens. Ces moyens peuvent être des structures d'accueil (A) ou encore des instances juridictionnelles (B).

A- L'existence des structures de protection de l'enfance

Considérant le statut particulier de l'enfant et la situation de dépendance dans laquelle il vit, il serait judicieux d'avoir au niveau de l'administration centrale des structures spécifiques à l'enfant et des centres de protection infantile. En effet, les questions relatives à l'application des droits de l'enfant trouveraient rapidement un écho s'il existait au sein des administrations des structures qui leur sont propres.

L'important est de ne pas avoir de structures spécifiques au niveau administratif de manière générale, mais dans des structures administratives jugées clés pour l'épanouissement de l'enfant.

Ainsi le Ministère de la Santé devrait mettre en place des services spécifiques (avec toutes les divisions nécessaires) chargés de l'application des politiques sanitaires des enfants. De la même façon le Ministère de l'Action Sociale et de la Famille pourrait créer une direction de l'enfance. Les Ministère de la justice et de la Fonction Publique pourraient se doter respectivement d'une direction de la protection de l'enfance et d'inspections de suivi du travail des enfants. Ou encore, le Ministère de la Sécurité ouvrirait une division de la police chargée des enfants, etc.

Mais toutes ces directions et structures administratives ne peuvent être efficaces et performantes que s'il existe un cadre de coordination qui planifie et fixe des objectifs précis à atteindre avec des échéanciers prévus. Si l'existence de ces différentes divisions administratives laisse présumer un travail dans le sens de la réalisation de l'intérêt supérieur de l'enfant, encore faudrait-il qu'elles disposent des centres d'accueil.

L'existence des centres d'accueil doit obéir aux besoins réels des enfants, c'est-à-dire exister dans les domaines jugés nécessaires pour le développement harmonieux de l'enfant. C'est pourquoi au niveau éducatif, afin de prendre en charge les nourrissons, il est nécessaire de créer des crèches et des jardins d'enfants. S'agissant des mineurs en conflit avec la loi, il faudrait des centres d'internement et d'éducation adaptés.

Le Ministère de l'Action Sociale devrait disposer de centres sociaux pour la prise en charge des enfants abandonnés et ceux qui ont raté leur cursus scolaire normal. L'existence de ces différents centres doit obéir au principe de la non discrimination. Il faudrait donc des centres spécifiques pour l'accueil, la réadaptation et la réinsertion des enfants soldats démobilisés, des services de soutien adaptés aux besoins psychologiques des anciens enfants soldats traumatisés ou handicapés à vie. Il en faudrait également pour les filles victimes de l'excision ou de l'exploitation sexuelle, ou encore les enfants victimes de travaux humiliants et dégradants.

Les structures sociales se révèlent également indispensables pour les enfants des couches défavorisées ou vulnérables (les enfants réfugiés, enfants issus des minorités, enfants porteurs des handicaps). Au niveau de la santé, il faudrait prévoir des services chargés de la protection infantile pour la prise en charge des enfants nés avec des complications prénatales (les couveuses pour les enfants prématurés).

Au niveau du Ministère de la Justice, plusieurs structures devraient être mises en place : les services chargés de la prévention, de la répression, du conseil des enfants et de centres d'incarcération et d'éducation.

B- Les institutions de justice pour mineur

La justice pour mineur devrait s'investir tout d'abord au niveau de la prévention. La prévention consisterait à disposer d'une instance de médiation permettant de régler de manière rapide les affaires des enfants. Elle permettrait d'accéder à des services spécialisés au sein de la police pour traiter les questions relatives aux enfants. Ces services auraient pour fonction d'assurer la gestion des affaires courantes et faciliter la transmission des dossiers aux instances judiciaires si nécessaire.

Le droit n'a de sens que lorsqu'il est justiciable. La justiciabilité du droit peut s'opérer dans le sens de la revendication, c'est-à-dire demander la réparation en cas de violation, ou du respect lorsqu'il est question d'assurer sa responsabilité en cas d'entorse à la loi.

C'est pourquoi la constitution de tribunaux adaptés aux enfants et à leur statut parait fondamentale. L'institutionnalisation des tribunaux pour enfant doit se faire en tant qu'entité séparée ou en tant que sous-division des tribunaux régionaux ou de districts existants.

Ces tribunaux doivent avoir des droits procéduraux qui leur soient propres, avec les définitions et l'application des mesures permettant de traiter les enfants en conflit avec la loi. Ils doivent fonctionner dans le strict respect des principes garantissant l'équité des procès, et avec des défenseurs spécialisés ou autres représentants maîtrisant davantage les situations de détention ou d'incarcération d',enfants et susceptibles d'offrir une assistance adéquate.

§2- La dotation humaine

Par dotation humaine, nous entendons les compétences en matière de ressources humaines que l'Etat déploie pour favoriser la protection de l'enfance. Elle doit s'entendre en termes de qualité et de quantité. Comme nous l'avons évoqué dans les développements précédents, la réalisation des droits de l'enfant passe par la jonction de plusieurs éléments : politiques législatives, politiques budgétaires, infrastructures. Mais tous ces éléments ne peuvent produire l'effet escompté que si les moyens humains sont adaptés. La dotation humaine se décline différemment suivant que l'on aborde les questions de santé, d'éducation, de justice, etc.

Le personnel sanitaire doit être en nombre suffisant et suffisamment qualifié pour répondre aux besoins spécifiques de l'enfant. L'accent serait mis sur les médecins pédiatres, les sages femmes et les agents auxiliaires sanitaires qui oeuvrent dans le domaine de la santé infantile. Un accès au personnel, partout et pour tous - qu'il s'agisse des zones rurales ou urbaines - est à prioriser.

Dans le secteur de l'éducation, les difficultés se concentrent essentiellement autour de l'enseignement primaire et des jardins d'enfants où le problème de la qualité et de la quantité de personnel occupe une place de choix. Il ne suffit pas d'avoir le personnel pour les grandes villes, mais il faut en disposer sur tout le territoire.

La justice fait intervenir trois types de personnel :

- D'abord, les policiers. Afin de mieux protéger les enfants contre les atteintes à leurs droits, la disposition d'un corps de policiers spécialisés sur les sujets relatifs à l'enfant s'avérerait impérieuse. Ce corps doit être en nombre suffisant et posséder la qualification requise pour le besoin de la cause.

- Ensuite viennent les magistrats. Ils doivent être affectés à des postes spécifiques pour les affaires des enfants. Outre leur formation de magistrat initial, les magistrats pour enfant devraient acquérir des connaissances sur les sujets de droits de l'enfant et être en nombre suffisant.

- Enfin ce sont les agents des administrations pénitentiaires. C'est à eux que reviennent les tâches de surveillance et de conseil aux enfants détenus dans les locaux pénitentiaires. Ces agents doivent avoir une bonne qualification dans le domaine des droits de l'enfant car l'équilibre futur de ce dernier dépendra fortement d'eux.

CHAPITRE II : LES OBSTACLES D'ORDRE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE

Si l'application des normes internationales obéit à des procédures internes propres à chaque Etat (ratification, publication, incorporation), elle reste cependant soumise au contexte politique du pays qui va au-delà de ces aspects techniques (section 1) et à son développement économique et social (section 2) qu'il convient d'analyser.

Section I : L'instabilité politique, une histoire chronique

Après son accession à la République le 28 Novembre 1958 et son indépendance le 11 août 1960, le Tchad n'a connu qu'une relative période de tranquillité. Très vite les tensions et les luttes pour la conservation le placèrent dans un cycle infernal de violence (§1). Ce contexte de violence a très vite sapé les quelques fragiles édifices de la construction d'Etat. Ainsi, l'Etat de Droit au Tchad reste et demeure jusqu'aujourd'hui une quête sans résultat (§2).

§1 - Le cycle infernal de la guerre au Tchad

Le Tchad traverse depuis plus de trois décennies une violence politique (A) qui ne cesse, paradoxalement, de s'accroître avec le retour à la démocratie amorcée depuis 1990 (A).

A- La violence politique

L'inscription de la violence dans la vie politique actuelle peut s'expliquer par l'histoire tourmentée qu'a connu le Tchad peu après son indépendance. En effet, trois ans après son indépendance, le pays fait face à une tension de trésorerie qui obligea les autorités de l'époque à recourir à l'emprunt public. Cet emprunt ouvre la voie à toutes les exactions conduisant à une jacquerie contre l'administration à Magalmé (Est du Tchad en 1963).

Cette révolte constitua un précédent et servit de limon pour la naissance du premier mouvement rebelle, le Front National de Libération du Tchad (Frolinat)19(*). Ayant l'ambition de conquérir le pouvoir central, le Frolinat s'engagea dans une lutte armée et occasionna de ce fait une désorganisation de l'administration. Le Tchad bascula dans une vie politique fortement militarisée avec les coups d'Etats successifs : prise du pouvoir par l'armée le 15 avril 1975. Cette violence connut son paroxysme avec la guerre civile de février 1979. Elle continua de s'installer durablement sous le régime du Général Malloum, puis celui du gouvernement d'union nationale du Tchad (GUNT).

L'avènement de Hissein Habre de 1982 à 1990 n'a fait qu'augmenter la violence. C'est le règne de la terreur la plus absolue avec le parti unique, l'union nationale pour l'indépendance et la révolution (L'UNIR) et la Direction de Documentation et la Sécurité (DDS) devenue célèbre pour ces exactions, tortures et emprisonnements arbitraires. C'est le règne où la culture de la violence a été institutionnalisée pour la pérennisation au pouvoir ; c'est pourquoi Tetemadi Bangoura observe que « la prise du pouvoir de Habré en 1982 conduit à l'installation de l'un des autoritarismes les plus durs que connaît le continent africain »20(*).

Mais ceci n'a pas empêché Idriss Deby de prendre le pouvoir en 1990 sous couvert de la démocratie. Malgré le mouvement général de démocratisation enclenché en 1990, on est loin de cette société tchadienne où  la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics, laquelle volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement. Car depuis sa prise de pouvoir en 1990, et malgré les deux mandats passés, Idriss Deby n'a pas la volonté de favoriser l'alternance au pouvoir. La preuve est qu'il a modifié la Constitution pour s'éterniser au pouvoir. L'armée n'est plus une force publique destinée à protéger les citoyens. Au contraire elle les rançonne, sème la désolation, organise les pillages de population, n'hésitant pas à faire usage des armes pour asseoir le pouvoir de leur chef suprême. Cette situation fait que le règne de Deby reste le plus controversé eu égard au nombre de mouvements politico-militaires en guerre contre le pouvoir central.

Cette situation de prises violentes du pouvoir fait de la vie politique un « jeu de cache-cache politico-militaire » pour reprendre l'expression chère à Nebardoum Derlemari21(*). On assista à une désorganisation des structures étatiques, à la fragilisation du social. L'Etat reste et brille dans le domaine du provisoire. Toutes tentatives de constructions et d'édification de l'Etat buttent sur des considérations et des intérêts égoïstes de quelques groupes d'individus ou d'ethnies. Le pouvoir politique se décline sous le prisme ethnique.

Et ceci se vérifie très aisément au regard des derniers développements des guerres successives des 13 avril 2006 et 12 février 2008, qui ont conduit à une bataille dans la capitale N'djamena, mettant aux prises les forces gouvernementales aux rebelles. Si ces affrontements n'ont pu produire l'effet escompté, à savoir le renversement du régime sur place, ils restent lourds de conséquences sur les quelques infrastructures existantes (pillages des bureaux, destruction des marchés et écoles, etc.), sur la population (déplacement massif vers Kousseri, la ville frontalière camerounaise, arrestations massives des personnes), ainsi que sur le régime des libertés publiques (instauration de l'état d'urgence). Pour le maintien de son pouvoir, Déby use des moyens les plus violents pour dissuader toutes tentatives d'insurrections et ce, avec le soutien de certaines puissances étrangères qui trouvent leurs intérêts dans ce désordre.

Les conflits de ces derniers temps, que François Soudan nomme le « cancer tchadien »22(*), viennent ouvrir les plaies non bien cicatrisées des précédentes guerres civiles.

Une fois encore, le Tchad renoue avec son cycle de violence après quelques relatives années d'accalmies observées depuis les années 199023(*). Cette instabilité politique joue considérablement en défaveur de toutes les tentatives des politiques publiques pour le bien-être des enfants. La question principale des décideurs politiques se décline davantage dans le maintien du pouvoir.

Si la vie politique se militarise de plus en plus, il convient de noter qu'une démocratisation est en construction (B).

B- La construction de la vie démocratique enclenchée en 1990

A la faveur du discours de La Baule, le Tchad se sépare d'un des plus grands dictateurs de l'Afrique, Hissein Habre. La fin du régime de Habré annonçait l'instauration de la démocratie et le respect des droits de l'homme. Après une période de transition qui a abouti à la conférence nationale en 1995, le Tchad mis un terme à la transition avec le referendum constitutionnel de Mars 1996 qui le dota d'une Constitution fondée sur la séparation du pouvoir et le respect des libertés publiques. La constitution marque le début d'une nouvelle ère avec la reconnaissance des droits et libertés fondamentales (Titre II de la Constitution) et le principe de séparation de pouvoir. La vie démocratique s'organise avec la naissance des partis politiques et l'émergence des organisations de la société civile, et notamment l'apparition d'une presse dite « indépendante ». Le Tchad veut tourner la page sombre de son destin. Après les premières élections de 1996 puis celles de 2001, le pays retombe à nouveau dans la crise en 2006 avec les luttes armées suite à la modification constitutionnelle qui permit au régime au pouvoir de s'y maintenir encore une fois. C'est pourquoi la question de l'Etat de Droit reste entière, sans trouver une amorce de solution. Dans cette recherche d'instauration de l'état de droit, les droits fondamentaux des personnes et plus particulièrement des enfants, ne sont pas toujours pris en considération. C'est pourquoi on note une carence de législation ou une législation vieillissante.

§2- L'épineuse question de la réalisation de l'Etat de droit

Le concept «  Etat de droit » est apparu à la fin du XIXème siècle dans la doctrine juridique allemande. Il a été considéré comme un dispositif technique de limitation du pouvoir résultant de l'encadrement du processus de production des normes juridiques24(*). Ainsi entendu au sens courant, l'Etat de droit suppose que l'Etat soit « lié par la règle juridique »25(*). Cela exige, selon Didier Boulet que « l'Etat et les collectivités publiques soient soumis au respect du droit positif au même titre que les particuliers »26(*).

Par l'Etat, on entend uniquement l'Etat au sens juridique tel qu'il est défini, par le droit interne où ses bases sont l'existence d'un territoire dans des frontières sûres et connues, une population et un système politique de nature à préserver l'autonomie d'action sur la scène internationale. La fiction présente l'Etat comme une institution voire une personne morale dotée d'une volonté propre, exerçant un contrôle politique, titulaire de droits et soumise à des obligations27(*). L' « Etat » en tant que situation dans un milieu est envisagé comme la manière d'être par le Petit Larousse28(*). C'est la situation d'un Etat qui respecte le ou les droit(s). C'est la manière dont les droits sont respectés par tous les acteurs de la vie sociale : personnes physiques ou morales, publiques ou privées.

Le droit qui n'apparaît plus comme un instrument d'action de l'Etat, c'est-à-dire de la puissance de l'Etat, s'exprime par la norme juridique et passe par l'édiction des règles obligatoires. La limitation du pouvoir par le droit réside par conséquent dans la référence aux « droits de l'Homme ». L'Etat de droit implique alors une conception des rapports entre l'individu et l'Etat.

La puissance de l'Etat trouve ses limites dans les droits fondamentaux reconnus aux individus parce que, s'il n'y a pas de limitation, l'Etat dans sa toute puissance peut « écraser » l'individu qui est substrat du pouvoir. L'Etat de droit ne tend qu'à assurer aux citoyens la protection de leurs droits et de leur statut individuel. Cette protection suppose la reconnaissance des droits et des voies de recours.

C'est ce qui distingue l'Etat de droit de l'Etat de Police qui accorde une large place à un droit purement instrumental sur lequel l'administration dispose d'une maîtrise totale sans être tenue au respect des normes supérieures qui s'imposeraient à elles, servant à imposer les obligations aux administrés, sans être en retour source de contrainte pour l'administration ; il est l'expression et le condensé de la toute-puissance administrative.29(*)

Pour Carré de Malberg « l `Etat de Police est celui dans lequel l'autorité administrative peut, d'une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l'initiative, en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre à chaque moment les fins qu'elle se propose »30(*).

A l'Etat de Police qu'il englobe et dépasse, le Droit n'est plus seulement un instrument d'action pour l'Etat, mais aussi un vecteur de limitation de sa puissance. Aussi acquiert-il un caractère ambivalent pour l'administration à qui il permet d'agir, mais surtout en pesant en même temps sur elle comme contrainte. Par « Etat de droit », il faut entendre, selon Carré de Malberg « un Etat qui, dans ses rapports avec ses sujets, et la garantie de leur statut individuel, se soumet lui-même à un régime de droit, et cela par des règles, dont les unes déterminent les droits réservés aux citoyens, dont les autres fixent par avance les voies et moyens qui pourront être employés en vue de réaliser les buts étatiques »31(*).

Ainsi, conçu dans l'intérêt des citoyens, l'Etat de droit a pour but « de les prémunir et de les défendre contre l'arbitraire étatique ». Cela traduit un pouvoir d'agir devant une autorité juridictionnelle à l'effet d'obtenir l'annulation, la réformation ou, en tous cas, la non application des actes administratifs qui auraient porté atteinte aux droits de l'individu.

C'est dans ces objectifs que Gérard Conac affirme que l'Etat de Droit, c'est l'existence des « magistrats capables de juger l'Etat, qu'il s'agisse des actes administratifs-ce qui est le cas du conseil d'Etat...-ou qu'il s'agisse des actes et abus possibles du législateur, c'est le rôle du Conseil Constitutionnel »32(*)

Ce qui frappe immédiatement, concernant l'Etat de droit, c'est que cette notion, bien que relativement récente, jouit d'une notoriété considérable mais que chacun peut comprendre d'une façon profondément différente.33(*) Presque tous les Etats de la Communauté internationale en effet se réclament Etat de droit ; et la plupart des auteurs en vantent les mérites34(*). Jacques Chevalier observe à cet effet que « tout Etat qui se respecte doit désormais se parer de couleurs avenantes de l'Etat de droit, qui apparaît comme un label nécessaire sur le plan international »35(*).

Le concept « Etat de Droit » est un héritage de l'Allemagne bismarckienne à travers le mot « rechtsstaadt » qui devient d'usage dans la doctrine juridique allemande de la première moitié du 19ème siècle pour s'affirmer à la fin du même siècle. L'objectif majeur de l'Etat de droit est d'encadrer et de limiter la puissance de l'Etat par le droit.

La théorie de L'Etat de Droit exprime une volonté de renforcement de la juridiction d'un Etat entièrement coulée dans le moule du droit. L'Etat de droit, c'est tantôt un Etat qui agit au moyen du droit en la forme juridique, tantôt l'Etat qui est assujetti au droit, tantôt encore l'Etat dont le droit contient certains attributs intrinsèques. Il s'agit là des trois versions formelle, hiérarchique et matérielle de l'Etat de droit.

Si l'appropriation de la notion « Etat de droit » est bien ancienne en Europe Occidentale, sa prise en compte dans les régimes politiques africains a commencé à s'observer d'une manière timide au cours de la dernière décennie du 20ième siècle. Pour Jacques Chevalier, l'Etat de Droit se structure « à travers la soumission des gouvernants à la loi assortie d'un recours possible devant un juge indépendant »36(*). Cela induit l'existence d'une autorité juridictionnelle capable de sanctionner les actes administratifs qui porteraient atteinte au droit de l'individu.

D'une manière générale, l'Etat de droit renvoie à trois caractères : respect de la hiérarchie des normes, légalité des sujets devant le bloc normatif, et l'existence d'une justice indépendante.

L'existence d'une hiérarchie des normes est l'un des meilleurs remparts de l'Etat de droit. L'Etat qui lui-même est une construction juridique doit soumettre l'action des dépositaires de la puissance publique au respect scrupuleux de l'architecture normative pyramidale consacrée. Ainsi, au sommet, figure la Constitution suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A la base de la pyramide, nous avons les décisions administratives et les conventions entres les personnes privées.

L'Etat, tout comme un particulier, est soumis au principe de la juridicité qui rappelle, selon le professeur Maurice KAMTO, que la règle de Droit « une fois qu'elle est créée, (elle) échappe à son créateur et s'impose à lui autant qu'aux autres membres du corps social »37(*).

Tous les sujets de droit, y compris l'Etat, sont égaux devant le bloc normatif. Ici, dès lors qu'une intervention de la puissance publique se trouve en contradiction avec un principe de valeur supérieure, tout individu, toute organisation peut en contester l'application  (au Tchad, outre les voies de recours ordinaires, l'article 171 de la Constitution permet à tout citoyen de soulever l'exception d'inconstitutionnalité d'une loi devant une juridiction dans une affaire qui le concerne) sans que l'Etat puisse bénéficier d'un privilège de juridiction, ni d'un régime dérogatoire au droit commun (exception faite des actes de gouvernement qui, de part leur nature, sont exempts d'être attaqués et de ce fait, bénéficient d'une immunité totale des juridictions).

A ce propos, le Professeur Maurice KAMTO pense que « ...l'Etat ne crée pas la loi pour d'autres, mais bien pour tous y compris lui-même. Il ne pourrait appeler avec succès au respect de la loi s'il ne la respecte pas lui-même »38(*). La notion d'Etat de droit serait illusoire s'il n'existe pas de juridictions indépendantes pour trancher les conflits entre les sujets de droits dans l'application de la loi. Bien qu'il soit indispensable que le système judiciaire, dans son ensemble, soit apte à dire le droit dans les litiges administratifs et judiciaires nés des interventions de la puissance publique, il est essentiel qu'un organe unique et spécialisé soit compétent, en raison de la complexité du sujet, pour connaître du contentieux lié au contrôle de constitutionnalité. C'est la tâche confiée par la constitution tchadienne dans son titre 7 au Conseil Constitutionnel.

En somme, disons à la suite du Professeur Maurice KAMTO que la notion de l'Etat de Droit est « fondée sur la primauté du droit entendu comme un système de normes articulées, consignées par l'écriture et servi par un appareil judiciaire qui en garantit le respect »39(*).

Tel que conçu, l'Etat de droit reste une vue d'esprit en dépit de son inscription dans le préambule de la Constitution « Affirmons par la présente constitution notre volonté de vivre ensemble (...) ; de bâtir un Etat de Droit et une Nation unie fondée sur les libertés publiques et les droits fondamentaux de l'homme, la dignité humaine et le pluralisme politique, sur les valeurs africaines de solidarités et de fraternité ».40(*)Car, il n'est de doute pour personne que ni le pouvoir judiciaire ni le pouvoir législatif ne sont distincts au pouvoir exécutif au Tchad.

Tout se concentre entre les mains d'un homme, sinon entre une poignée d'individus. L'administration publique est facilement accessible à ceux qui font preuve de l'appartenance au parti au pouvoir et non de la citoyenneté tchadienne. Ainsi, un grand nombre de gouverneurs (tous des généraux nommés par le président Déby), de préfets et de sous préfets ne sont rien d'autres que les militants du mouvement patriotique du salut, le parti au pouvoir. La promotion à des postes de responsabilité n'échappe pas à cette logique. L'Etat de Droit reste une énonciation sur le papier, rien de plus.

Section II : Les pesanteurs économiques et sociales

Certains droits ne peuvent être réalisés que si l'on atteint un niveau de vie minimum. Or, au Tchad la question de la pauvreté (§1) et ses effets sur la société se lit très aisément sur les enfants portés sur le marché de l'emploi (§2).

§1- L'incidence de la pauvreté

La pauvreté n'est pas un phénomène récent. Elle affecte des millions de personnes aussi bien dans les pays industrialisés que ceux en voie de développement. Cependant, elle connaît une progression remarquable dans les pays d'Afrique subsaharienne et plus particulièrement au Tchad pour diverses causes : l'incidence de la crise économique causée par l'imposition des programmes d'ajustement structurel des années 1980 et les effets conjugués de la dévaluation du franc CFA en 1994. Ces facteurs ont accru la pauvreté des ménages. Mais que désigne le terme « pauvreté » ?

Le concept de pauvreté et la charge affective dont il est porteur n'ont cessé d'évoluer au cours des siècles. On s'accorde généralement pour reconnaître au terme pauvreté deux sens : un sens socioéconomique caractérisé par un état de manque (absence d'un minimum de moyens matériels) et un sens religieux. Mais il est indéniable que la signification de ce mot a beaucoup varié en fonction de l'évolution des sociétés.

Selon Peter Towsend, « les individus, familles ou groupes de la population peuvent être considérés en état de pauvreté quand ils manquent des ressources pour obtenir l'alimentation type, la participation aux activités et avoir les conditions de vie et de commodités qui sont habituellement ou sont au moins largement encouragées ou approuvées dans les sociétés auxquelles ils appartiennent. Leurs ressources sont si significativement inférieures à celles qui sont déterminées par la moyenne individuelle ou familiale qu'ils sont, de fait, exclus des modes de vie courants, des habitudes et des activités »41(*).

Quant à la Banque Mondiale, elle définit la pauvreté suivant la réunion de trois éléments : « le capital naturel (la valeur économique de la terre, l'eau, des richesses du sous sol, des matières premières), le degré d'équipement industriel (les usines, infrastructures, moyen de transport), les ressources humaines - le degré de formation et d'instruction de la population -, la situation sanitaire et nutritionnelle »42(*).

Le Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud ci-après) estime que l'interprétation de la pauvreté passe par la prise en compte « du degré de l'instruction de la population, du revenu par habitant et de l'espérance de vie »43(*). C'est cette conception qui donne un Indicateur de Développement Humain (IDH).

L'IDH consiste en une évaluation du niveau de vie des populations par la prise en compte des indicateurs monétaires, l'espérance de vie à la naissance, le taux d'alphabétisation des adultes et le taux de scolarisation.

A partir de cette définition de la pauvreté, le Tchad reste l'un des pays le plus pauvres de la planète. Sa situation s'est considérablement dégradée. Selon le rapport mondial sur le développement humain, le Tchad est passé de 167ème rang en 2000 au 173ème rang sur 177 en 2003 avec un Indice de Développement Humain de 0,341.

Cette extrême pauvreté produit d'énormes effets sur la réalisation des droits humains comme le rappelle si bien le rapport des Nations Unies sur l'extrême pauvreté44(*). Ces incidences produisent des effets considérables sur les enfants. Ils s'observent particulièrement sur :

- la faim et la malnutrition.

Au Tchad, plus de 500 00045(*) personnes se trouvent chaque année en situation d'insécurité alimentaire chronique et conjoncturelle. La faim frappe notamment des personnes particulièrement vulnérables en milieu rural ou urbain : veuves, handicapés, retraités de la fonction publique, personnes âgées sans soutien, ménages avec un grand nombre d'enfants en bas âge.

La malnutrition chez les enfants est très prononcée. Selon les données de l'EIMT 2000, 28,3 % des enfants souffrent de la malnutrition aiguë. Cette proportion a baissé de 12 points par rapport aux résultats de l'EDST 1996/1997 où 40 % des enfants étaient touchés par cette forme de malnutrition. Par ailleurs, 12 % des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë (14 % en 1997), soit une baisse de 2 % par rapport aux résultats de l'Enquête sur la Démographie et la Santé au Tchad46(*). La malnutrition chez les enfants se manifeste également par de nombreux cas d'insuffisance pondérale (26 % des enfants de moins de cinq ans), ou de goitre (5,5 % des enfants de 6 à 12 ans).

La faim et la malnutrition sont essentiellement dues à l'insécurité alimentaire et à une alimentation inappropriée ne permettant pas à l'organisme de disposer des vitamines et micro nutriments indispensables. L'analyse des apports caloriques des produits vivriers par zone (données ECOSIT I) qui montre une diversité des situations nutritionnelles, souligne aussi que, par rapport à la moyenne mondiale de 2100 cal/hab./jour, 2 zones seulement sur 8 réalisent des productions qui leur permettent de couvrir leurs besoins énergétiques (Chari Baguirmi rural et ville d'Abéché).

- la mortalité maternelle.

Le niveau de la mortalité maternelle (827 décès pour 100 000 naissances vivantes) est parmi les plus élevés au monde. La moyenne en Afrique est de 600 décès pour 100 000 naissances vivantes. Les décès maternels sont dus aux accouchements dystociques, aux éclampsies, aux infections graves dans la période qui suit l'accouchement, aux hémorragies, aux complications des avortements provoqués et aux maladies (paludisme, hépatite).

Le niveau élevé de mortalité maternelle est dû au faible accès des femmes aux services de santé de la reproduction, notamment les services de planification familiale, de maternité sans risque, de prévention et prise en charge des complications des avortements, de traitements des IST et de prévention du VIH. En effet, l'utilisation des services de planification familiale reste encore faible, même si l'on constate une certaine progression. Selon l'EDST, le taux de prévalence contraceptive est de 1,2 %, variant de 0,3 % en milieu rural à 7 % à N'Djaména et 4 % dans les autres villes47(*).

- la prévalence élevée du VIH/SIDA.

La séroprévalence au VIH est estimée à 5,2 % de la population sexuellement active en 2003 et le nombre de cas cumulés de SIDA notifiés de 1986 à fin 2002 a atteint le chiffre de 17.878, contre 13.385 à fin 2004. Ces chiffres sont loin de refléter la réalité du phénomène car la surveillance épidémiologique reste faible. On remarque néanmoins une très forte tendance à la féminisation de l'épidémie du VIH/SIDA.

La forte propagation du VIH/SIDA s'explique d'abord par les comportements à risque : multi-partenariats sexuels, faible utilisation des moyens de protections, infections sexuellement transmises mal soignées, transfusion de sang non dépistée pour le VIH, faible niveau de l'hygiène dans les formations sanitaires, recrudescence de la prostitution, etc.. Il y a ensuite les facteurs de vulnérabilité tels que : les pratiques sociales admises (relations sexuelles coercitives, dépendance des femmes dans le mariage, persistance de pratiques traditionnelles néfastes aux jeunes filles et aux femmes) ; les conditions aggravantes de faim et de malnutrition ; les conditions socio-économiques difficiles dues aux migrations vers les pôles de développement (projet d'exportation du pétrole), à l'afflux de réfugiés, au chômage des jeunes, aux emplois exposant les jeunes filles et les femmes, ou encore à la faiblesse du système éducatif.

La cause principale de la propagation est surtout liée à la faiblesse qualitative ou quantitative des programmes de prévention et de protection : les groupes vulnérables prioritaires cibles sont très peu couverts par les interventions.

- La forte incidence du paludisme.

L'incidence élevée du paludisme en fait un problème majeur de santé publique au Tchad. C'est la première cause de consultation dans les structures sanitaires (37 % des problèmes notifiés dans les centres de santé et 45 % dans les hôpitaux en 2002). Les cas les plus fréquents sont notifiés pendant la saison des pluies, de juillet à novembre. Les populations les plus touchées sont les enfants de moins de 5 ans (54 %) et les incidences les plus élevées se rencontrent dans la zone méridionale : Mayo-Kebbi, Logone Occidental, Logone Oriental, Tandjilé et Moyen Chari.

Un des principaux déterminants du paludisme réside dans l'insuffisance de la prévention. En effet, l'utilisation de moustiquaires imprégnées ou non est extrêmement limitée. Plus de 73,1 % des enfants de moins de 5 ans ne dorment pas sous moustiquaire et parmi les 26,9 % qui l'utilisent, on compte 94,4 % de moustiquaires non imprégnées. Il faut noter qu'il existe dans le cas du paludisme une tendance générale à l'automédication. La connaissance insuffisante des moyens de protection ne permet pas l'application des mesures de prévention. A cela s'ajoute l'environnement insalubre qui caractérise la plupart des villes et favorise ainsi la multiplication des moustiques, porteurs du paludisme.

- L'accès limité à l'eau potable et aux systèmes d'assainissement.

(45,7% en zones urbaines et 26,7% en zones rurales)

L'accessibilité à l'eau potable et aux systèmes d'assainissent est fort limité. Globalement l'accès permanent à l'eau potable est limité à 23 % de la population totale du Tchad48(*). Une autre manifestation est la forte proportion de la population ne disposant pas de latrines (moins de 2 % des citadins disposent d'installations sanitaires avec eau courante). Selon l'EIMT, près de trois personnes sur quatre vivent dans des ménages qui ne disposent pas de toilettes49(*). Ceci explique la forte prévalence des maladies liées à l'eau et à l'hygiène telle que le paludisme, la bilharziose, la diarrhée.

Les coûts élevés de l'eau constituent par ailleurs un facteur limitatif de l'accessibilité. Ces coûts reflètent les frais exorbitants de réalisation ou de maintenance de certains ouvrages (points d'eau, forages dans certaines régions, infrastructures hydrauliques) ou encore de distribution d'eau. Les populations les plus défavorisées peuvent ainsi acheter l'eau au revendeur de 15 à 25 fois plus cher que l'abonné qui dispose d'un branchement particulier.

Le problème de sous-équipement est plus crucial pour ce qui est de l'assainissement. Cela s'explique d'une part par le fait que les villes soient situées sur des sites inondables, mais qu'aucune d'entre elles ne dispose d'un système fonctionnel d'évacuation des eaux usées ni de réseaux de collecte en bon état de marche. D'autre part, il n'existe pas de système d'évacuation des excréta et des ordures ménagères, ni de traitement des déchets solides, pas plus que (ou très peu) de systèmes d'évacuation des eaux pluviales. Le faible usage des latrines s'explique par leur insuffisance, elle-même liée aux coûts élevés de leurs constructions, lesquelles s'avèrent inabordables pour la majorité de la population.

194 %o soit un taux de mortalité infanto-juvenile parmi les plus élevées au monde

Des villes entières sans système d'évacuation

et des latrines pour 10% de ménages

§2- La pauvreté comme facteur favorisant le travail des enfants

Dans une vision classique, le travail de l'enfant est perçu comme un processus de socialisation par lequel l'être humain s'affirme conformément aux valeurs de sa communauté. Selon Roger Brown, à la naissance les enfants n'ont aucune conception du monde auquel ils appartiennent. Ils acquièrent des valeurs qui contribuent à leur développement.50(*)

De ce fait, la socialisation aurait un caractère déterminant sur toute la durée de la vie. Mais, si cette conception reste plus ou moins justifiée, elle est aujourd'hui remise en cause.

En effet, on observe depuis un certain temps que le travail de l'enfant revêt un caractère économique. Ceci s'explique par la situation de pauvreté que connaissent les familles tchadiennes.

La pauvreté et le travail des enfants sont des phénomènes imbriqués. Comme l'affirme Bénédicte Manier : « les liens sociologiques entre pauvreté et travail des enfants ont été clairement établis »51(*).

Les effets de la pauvreté sont surtout caractérisés par l'extrême misère des populations qui « vivent dans des conditions, tant physiques que sociales et humaines effroyables, sous- alimentation, accès à l'eau courante très difficile, voire inexistant, manque absolue d'hygiène et de lieu de scolarisation(...) le travail des enfants perpétue la misère. »52(*)

Pour faire face à cette situation, les familles nombreuses considèrent que chaque membre doit participer à l'équilibre vital du foyer tout en satisfaisant ses propres besoins. C'est ce contexte qui explique le développement du « phénomène bouvier » et « mouhadjir » qu'il convient d'approfondir.

Selon Larousse, le bouvier désigne toute 0 personne qui conduit et garde les boeufs. Un bouvier, a fortiori enfant, est surtout un acteur social travaillant contre une rémunération en nature ou en espèce (exception faite des fils d'éleveurs).

S'il en est ainsi, où réside le mal ? En effet, la pratique de bouvier fait partie des us et coutumes d'une bonne partie de la population du sud du Tchad, et plus particulièrement des agriculteurs. Ceux-ci ont en effet pour coutume de confier leurs enfants aux éleveurs nomades du Nord qui viennent au Sud à la recherche de pâturages. Cette pratique correspond à deux symboles.

D'une part, elle symbolise l'amitié que l'agriculteur tisse avec l'éleveur nomade venu du nord et représente l'hospitalité accordée. D'autre part, elle permet à l'enfant de l'agriculteur de bénéficier d'une culture nomade et d'apprendre le métier d'éleveur. Durant les années 60 à 70, période pacifique, cette pratique avait un caractère purement symbolique.

Mais depuis les troubles politiques qui ont traversé le pays, ainsi que les années de sécheresse des années 80, cette pratique de bouvier a pris un tout autre sens. Elle devient conflictuelle et source d'exploitation.

Elle ne relève plus de la volonté d'un père de former son enfant au métier de l'élevage, mais plutôt d'un recrutement massif d'enfants employés auprès des éleveurs. Elle fait intervenir les autorités publiques (les chefs de cantons, chefs de villages) et un membre de la famille pour établir le contrat moyennant une commission.

Considérant que les parents ont vendu l'enfant, l'employeur nomade assimilera plus facilement « l'employé-enfant » à un objet En général, l'enfant perd son nom d'origine et doit répondre au nom que lui attribue l'employeur. Outre la perte de son nom, l'enfant abandonne aussi sa religion. Il doit impérativement pratiquer la religion de son employeur, à savoir la religion musulmane. L'employeur devient en quelque sorte le maître de l'employé qui, contrairement au contrat initial, ne peut plus prétendre à une rémunération.

Ce phénomène se développe aujourd'hui de manière exponentielle dans une grande partie du Sud du Tchad, et plus précisément dans la région du Mandoul, du Bahr sara. Les conditions d'exercice de l'élevage n'y sont guère reluisantes. Un enfant peut avoir la garde de plus 200 à 300 têtes de boeufs, et ce quelque soient les conditions climatiques. Il n'a le droit qu'à un repas par jour à la nuit tombante, mais seulement s'il n'a pas commis de faute dans la journée. Si le phénomène connaît un regain de vitalité dans les zones rurales, en ville c'est la mendicité, connue sous le nom de « mouhadjir », qui sévit. Sébile en main ou pendu au cou à l'aide d'une corde, en groupe ou seuls, les enfants « mouhadjirine », ces élèves de l'école coranique, se rencontrent dans les rues, sur les places des marchés, devant les mosquées, les institutions bancaires, etc. Malgré la noble intention des géniteurs de leur procurer une solide formation religieuse, certains enfants, à cause de leur condition de vie, risquent de devenir des cas sociaux.

Le terme « mouhadjirine » est un mot arabe. C'est le pluriel de « mouhadjir » qui signifie émigrant, migrant, ou exilé. Ce sens étymologique ne diffère pas du sens que le mot a pris en Islam. Historiquement, les « mouhadjirine » sont les fidèles du Prophète Mohammed qui, au VIème siècle, ont accepté de s'exiler avec ce dernier de la Mecque ou en Abyssinie, actuelle Ethiopie, à la suite des persécutions qu'ils subissaient du fait d'avoir embrassé l'islam dans le monde des idolâtres qu'était la Mecque.

Depuis lors, ce mot a pris une dimension religieuse. Il désigne ceux qui quittent leur territoire à la recherche des enseignements islamiques. Mais au Tchad la désignation de mouhadjirine est devenue péjorative et a été dénaturée par rapport à son sens premier, religieux et noble. Ce détournement de sens a eu lieu pour plusieurs raisons propres au pays. Certains enseignants, contrairement à ceux qui se font payer par les parents d'élèves, acceptent de dispenser des cours aux enfants sans contrepartie financière. Ils posent comme condition de pouvoir se déplacer avec les enfants en dehors de leur milieu naturel, loin des parents.

Le plus souvent, ces enseignants des villages viennent s'installer en ville, prétextant la recherche d'une occupation parallèle à l'enseignement. Les parents qui connaissent des situations d`extrême pauvreté fuient leurs responsabilités et se cachent derrière l'obligation religieuse pour se décharger de leurs enfants.

Profitant de cet état, les marabouts cupides n'hésitent pas à exploiter les enfants qui leur sont confiés. Ils les font mendier et les engagent auprès des structures contre rémunération. Au lieu de leur apprendre le coran, les marabouts les font enrôler dans les contrebandes de marchandises en provenance de Kousseri au Cameroun voisin.

Il est de coutume que le mouhadjir apporte sa contribution journalière à son enseignant. Mais de nos jours la situation devient paradoxale lorsque chaque matin avant de prendre la route, le marabout fixe le montant que l'enfant doit ramener sous peine de représailles. Ces enfants vivent chaque jour dans des situations peu enviables car ils se livrent à toutes sortes de travaux pour ne pas s'exposer à la sanction du maître, la flagellation. Cette situation les conduit le plus souvent à quitter le marabout pour se retrouver dans la rue. Le « mouhajir » sort donc du cadre pour lequel il a quitté sa famille et devient un enfant de la rue. Nous sommes dans « un monde qui dévore ses enfants »53(*).

Qu'il s'agisse de la violence politique, de la réalisation de l'Etat de droit ou encore de la pauvreté, il apparaît après analyse que le contexte tchadien représente un obstacle à la traduction des mesures de protection de l'enfant.

DEUXIEME PARTIE : L'EFFECTIVITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANCE

Dans cette partie, il sera question de faire une analyse, à l'aide des critères dégagés dans le chapitre premier de la première partie, des lois, us et coutumes tchadiennes de protection de l'enfance en rapport avec les Conventions relatives au droit de l'enfant (CHAPITRE III). Cette analyse a pour ambition de montrer les lacunes qui peuvent être à l'origine du non respect des droits de l'enfant.

Elle permettra aussi de porter un regard sur les dispositifs administratifs ainsi que les moyens matériels, financiers et humains dégagés par l'Etat (CHAPITRE IV) pour permettre aux enfants de jouir des droits issus des conventions internationales. L'accent sera davantage mis sur les carences des moyens.

CHAPITRE III : L'ENCADREMENT NORMATIF TCHADIEN DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET LEUR RAPPORT AUX NORMES INTEde RNATIONALES

Dans ce chapitre, nous ferons un état des lieux d`effectivité, c'est-à-dire l'appréciation rapportée aux normes internationales de protection de l'enfance. Cette appréciation se fera essentiellement sur les lois tchadiennes portant sur la protection de l'enfant aux normes du droit international, qu'ils s'agissent des normes régionales ou universelles (Section I) mais aussi des normes traditionnelles, des us et coutumes (section II) de l'autre.

Section I : Les lois tchadiennes et les normes du droit international de protection des droits de l'enfant

Afin de donner effet aux obligations conventionnelles en matière de protection des droits de l'enfant, le Tchad doit harmoniser les lois pour qu'elles ne soient pas en contradiction avec ses engagements internationaux.

Or, force est de constater qu'il existe un fossé entre les lois nationales et celles issues des obligations conventionnelles contractées par le Tchad. Ce fossé se retrouve aisément à travers le hiatus des lois garantissant les droits civils et politiques (§1) d'un côté et, de l'autre des droits économiques, sociaux et culturels (§2).

§1- L'écart entre les lois et les normes internationales

En analysant les lois tchadiennes qui garantissent les droits civils et politiques par rapport aux normes internationales, de nombreux point d'achoppement apparaissent. Il s'agit tout d'abord de la définition de l'enfant et le droit à la vie qui constitue son attribut (A), ensuite de la liberté d'expression et d'opinion (B), et enfin du principe de l'égalité (C).

A. L'existence de la contradiction au niveau de la définition de l'enfant et du droit à la vie

L'être que l'on désigne par `enfant' se reconnaît par rapport à l'âge. Au regard du droit international, est considéré comme enfant « toute personne n'ayant pas atteint l'âge de dix huit ans »54(*). Pour la législation tchadienne, l'enfant est différemment défini suivant qu'il soit une fille ou un garçon. En effet, selon l'article 144 du Code Civil français de 1958 toujours en vigueur au Tchad, l'âge minimum de mariage est de 18 ans pour le garçon et de 15 pour la fille55(*). Cette différence instituée par la loi a des répercussions considérables sur la vie de l'enfant.

Que ce soit dans la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, dans la Charte Africaine des droits et du bien-être de l'enfant, ou dans les nombreux textes internationaux56(*) qui organisent et protègent l'enfant, l'intérêt supérieur de l'enfant est toujours mis en exergue. Et comme l'indique clairement, à titre d'exemple, l'article 4 alinéa 1 de la CADE, « dans toute action concernant un enfant, entrepris par une quelconque personne ou autorité, l'intérêt supérieur de l'enfant sera la considération primordiale ». Cet intérêt supérieur ne peut se réaliser si le droit à la vie ne se trouve pas bafoué.

Constitutif du noyau dur des droits de l'homme, le droit à la vie est un droit intangible et constitue un attribut inaltérable de la personne humaine qui forme la valeur suprême dans l'échelle des droits de l'homme57(*). Il est consacré dans plusieurs textes internationaux58(*) .

Mais le droit à la vie n'a de sens que si les lois assurent le respect à l'intégrité physique. Or plusieurs dispositions législatives permettent de porter impunément atteinte à l'intégrité physique. Le Code Pénal, dans son article 252, parle volontiers de coups et blessures sans préciser ce qu'il entend par ces termes. Cette imprécision laisse le champs libre à la violence.

En effet, compte tenu du contexte tchadien marqué par des guerres civiles et une pauvreté accrue, l'enfant ne cesse de faire l'objet d'actes de violence. La violence est le lot commun dont souffre la majorité des enfants tchadiens, surtout ceux nécessitant des mesures spéciales de protection. Elle a tendance à être utilisée comme une forme d'éducation familiale et sociale de l'enfant.

Voir des enfants battus, ligotés pour des fautes parfois anodines est un triste spectacle hélas fréquent dans les familles - de la part des parent, des tuteurs ou des employeurs, dans les institutions d'accueil (notamment les mahadjirines59(*)), dans les écoles et les centres de détention, mais aussi dans la rue.

Banalisée, la violence finit par être assimilée par les enfants eux-mêmes qui l'exercent volontiers entre eux, mais aussi contre les adultes et les enseignants en particulier. Le lieu d'éducation aux valeurs positives que devrait être l'école se transforme par endroits en lieu de la culture de la violence.

En dépit de l'existence de la loi n°6 sur la santé de reproduction du 15 avril 2002 qui stipule dans son article 9 alinéa 2 que « toutes les formes de violences telles que les mutilations génitales féminines, les mariages précoces, les violences domestiques et les sévices sexuels sur la personne humaine sont interdites », l'excision continue d'être pratiquée sans aucune crainte.

Alors qu'aujourd'hui la communauté internationale de manière générale, et les organisations de défense des droits de l'homme en particulier, s'investissent pour éradiquer l'excision dans les pays où elle est encore pratiquée, au Tchad elle semble plutôt gagner du terrain.

Une bonne partie des communautés tchadiennes, qu'il s'agisse des communautés musulmanes et animistes, trouvent des justificatifs à la pratique de l'excision. Les données de 2004 indiquent que plus 45%60(*) des femmes au Tchad ont subi une mutilation génitale féminine. Il ressort de ce rapport que les mutilations sexuelles varient en fonction de la résidence et de l'appartenance ethnique. Ainsi, dans les zones de Batha, Salamat, Ouaddai, et Wadi Fira, 92% des femmes ont été excisées, contre 4% dans les zones du Borkou Ennedi Tibesti. La pratique reste aussi élevée dans les régions du Mandoul et du Moyen Chari avec 80%.

L'imprécision de la procédure pénale sur la répression de la violence permet aussi le développement de la violence sexuelle. Il ressort de l'étude sur les abus sexuels réalisée en 2002 par le Ministère de l'Action Sociale avec l'appui de l'UNICEF, que les cas d'abus sexuels sont rarement déclarés aux services officiels. De 1993 à 2002, seuls 155 cas d'abus sexuels et 24 cas d'exploitation sexuelle sont déclarés aux services officiels.

Cette même étude montre que les abus sexuels signalés touchent beaucoup plus les mineurs âgés de 13 à 15 ans (41,3%), la classe d'âge de 10 à 12 ans (25,8%), celle de 6 à 9 ans (15,5%) et enfin celle de 16 à 17 ans (12,9%). Il faut aussi observer que 94,8% des victimes sont des filles.

En effet, le flou qui existe d'abord dans la formulation des textes et la répression qui s'ensuit fait que certaines violations de l'intégrité physique de l'enfant passe pour un fait banal. Aujourd'hui plus qu'hier, en dépit de l'abondance des textes qui prohibent les atteintes à l'intégrité physique et surtout à la mutilation génitale, les filles continuent de connaître ce triste sort. Cette situation trouve son fondement dans la non transcription de cette pratique dans le Code Pénal. L'atteinte à l'intégrité corporelle telle que visée par la section 2 du chapitre premier du Titre V du Code Pénal, plus précisément l'article 253, évoque amputation, privation et mutilation beaucoup plus dans le sens de coups et blessures et non de mutilation génitale. C'est pourquoi cette violence faite à la fille perdure.

Au regard de cette description, il existe des textes61(*) qui interdisent tout châtiment corporel à tout citoyen. En ce qui concerne le mariage coutumier, l'article 277 du Code Pénal stipule que « la consommation d'un mariage coutumier avant que la fille n'ait atteint l'âge de treize ans est assimilable au viol et punie comme telle ». Cette disposition pose l'âge du mariage à treize ans. Donc, toutes les violences exercées sur les filles de treize à dix-huit ans pour les contraindre au mariage ne seront pas punies car légales.

Ce hiatus laisse libre cours au proxénétisme. Force est aussi de reconnaître que bien des actes assimilables aux violences ne sont expressément visés par les textes. On en voudra pour preuve la non prévision du harcèlement dans le dispositif du corpus pénal tchadien.

Par ailleurs, le fait que la loi opère une distinction entre l'âge légal de mariage d'une fille et d'un garçon, conduit à exclure bon nombre de filles de la protection.

Enfin, il n'existe aucune législation propre qui vise l'interdiction de la production, de la détention et de la diffusion de matériel pornographique. Le droit à la vie se trouve emprise par les diverses sortes de violences qui nuisent à son épanouissement.

Au demeurant, la question de l'adoption reste toujours régie par les dispositions du Code Civil français de 1958. Le projet de Code des personnes et de la famille qui contient des dispositions fortes intéressantes en faveur de la protection de l'enfant ne semble plus être aujourd'hui une priorité de l'Etat.

B- La liberté d'expression et d'opinion

La reconnaissance de la liberté d'expression obéit au besoin de prise en compte de l'opinion de l'enfant dans les décisions le concernant.

C'est pourquoi la société et l'Etat doivent permettre à l'enfant de s'exprimer sur les questions qui touchent à son intérêt. On sort de la logique du « faire pour » pour aboutir à la logique du « faire avec lui ». C'est le respect de cette logique qui permettrait de mieux organiser la protection de l'enfant.

L'Etat tchadien semble obéir à cette logique en instituant un parlement des enfants par le décret n°55/PR / MASF du 30 décembre 2000. Mais la teneur de ce décret porte à croire que le Parlement des enfants ne permet pas à ces derniers de réellement se prononcer sur les questions les concernant. La logique voudrait que cette institution, même si elle n'est pas permanente, siège trois à quatre fois dans l'année pour permettre une meilleure prise en compte de l'opinion des enfants.

Or le parlement des enfants ne se réunit qu'une seule fois dans l'année au terme de l'article 5 du décret. La session se tient le 16 juin de chaque année, date de la commémoration de l'enfant africain.

On comprend dès lors que cette institution s'inscrit beaucoup plus dans le symbolique que dans une réelle volonté de laisser s'exprimer les enfants par rapport aux questions qui touchent leurs intérêts.

De plus, la loi ne dit pas si à la fin de chaque session, des recommandations doivent être faites aux pouvoirs publics pour que ceux-ci puissent accélérer tel ou tel point jugé pertinent par les enfants.

C- Le principe de l'égalité

Le principe de l'égalité a pour corollaire le principe de la non discrimination. La non discrimination est au Tchad un principe constitutionnel. Il figure dans les articles 13 et 14 de la Constitution. Ce principe est aussi énoncé dans l'article 2 de la Convention Internationale des droits de l'enfant, et à l'article 3 de la Charte Africaine des Droits et du Bien être de l'enfant

Cependant, l'appréciation concrète de la jouissance effective des droits de l'enfant fait apparaître une discrimination. Cette appréciation se décline suivant que l'enfant est de sexe masculin ou féminin, porteur d'un handicap ou en situation difficile.

S'agissant de la discrimination fondée sur le sexe, le législateur tchadien fait une grande distinction entre l'âge de mariage d'une fille (treize ans), et celui d'un garçon (dix-huit ans). Le législateur autorise et légitime cette discrimination en méconnaissant les engagements internationaux qu'il a contracté et qui lui font obligation de veiller à assurer une égalité de droit entre les enfants.

§2- Les droits économiques, sociaux et culturels

Il ne s'agit pas pour nous d'établir un aperçu général de tous les droits sociaux économiques, mais plutôt de prendre comme exemple la question du droit à la santé (A), du droit à l'éducation (B) et du droit au travail (C).

A- Le droit à l'éducation

La question de l'éducation a été l'une des préoccupations de la communauté internationale à la fin du XXème siècle. L'histoire de l'éducation a connu de nombreux forum : forum mondial sur l'éducation de Dakar d'avril 2000 et les déclarations des Nations Unies dites du millénaire de septembre 2000 pour ne citer que ceux là.

Ces rencontres ont mis l'accent, à différents niveaux, sur l'éducation de l'enfance. Ainsi le forum de Dakar se donne comme premiers objectifs de :

- développer et améliorer tous les aspects liés à la protection et l'éducation de la petite enfance, et notamment des enfants les plus vulnérables et défavorisés ;

- faire en sorte que, d'ici à 2015, tous les enfants, en particulier les filles, les enfants en difficulté et ceux qui appartiennent à des minorités ethniques, aient la possibilité d'accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit, de qualité et de le suivre jusqu'à son terme.

La déclaration du millénaire préconise huit objectifs parmi lesquels figurent :

- que d'ici à 2015, les enfants partout dans le monde, garçons comme filles, soient en mesure d'achever un cycle complet d'études primaires et que les filles et les garçons aient un égal accès à tous les niveaux.

Si ces objectifs ont reçu l'adhésion des Etats et en particulier du Tchad, leur traduction ne semble pas trouver ancrage dans le système éducatif tchadien.

En effet, les articles 35 et 36 de la Constitution énoncent le droit à l'éducation, comme il en ressort des dispositions du droit international de protection de l'enfance. Cependant, le droit à l'éducation connaît des difficultés de mise en oeuvre.

En effet, l'éducation préscolaire est peu connue en raison de l'absence de toute politique de sensibilisation et de mobilisation des acteurs concernés. Faute d'informations, ils ne sont pas convaincus du bien-fondé de ce sous secteur, notamment en ce qui concerne son impact sur la socialisation et la préparation de l'enfant à accéder de façon harmonieuse à l'enseignement élémentaire.

Dans l'imaginaire populaire, l'éducation préscolaire est assimilée à une simple garderie qui offre beaucoup plus d'activités ludiques qu'éducatives. Par ailleurs, le manque de sérieux et de professionnalisme observé dans certains établissements renforce malheureusement cette opinion.

Ainsi, dans un rapport de 2003, Makhoumy Fall62(*) observe qu'il existe sur l'ensemble du territoire tchadien 29 écoles maternelles. Ces rares écoles sont fréquentées par les enfants des milieux aisés des grands centres urbains. La différence du milieu de résidence montre que 0,4% des enfants des milieux ruraux ont accès à l'éducation préscolaire contre 2,1% en milieux urbains63(*). Il en résulte que seulement 2 950 sur 1 220 395 enfants âgés de 0 à 6 ans sont admis dans ces structures. On estime à 2,4%64(*) le nombre d'enfants qui reçoivent une éducation préscolaire. Mais ce pourcentage varie selon le sexe : 1% de garçons contre 0,6% des filles.

S'agissant de l'enseignement élémentaire, même si le principe de la non discrimination est affirmé, la disparité entre les centres urbains et ruraux en matière d'accès aux services publics de l'éducation reste criarde.

Il résulte que les zones rurales n'ont pas d'infrastructures d'accueil. L'éloignement des écoles et l'absence de cantine scolaire contribuent à accroître la discrimination. C'est pourquoi on note que 25,3% seulement des enfants sont inscrits à l'école primaire. Les conditions d'enseignement restent encore précaires. Le ratio élèves/maîtres est très élevé (70) dans le primaire, à cela s'ajoute l'insuffisance des manuels scolaires à tous les niveaux et pour toutes les disciplines.

Ce même constat reste aussi valable pour les infrastructures d'accueil. Sur 11 653 salles de classes recensées, 65%65(*) sont des abris provisoires dont la durée de vie n'excède pas un an. Le plus souvent, ces classes sont construites par les communautés et elles ne disposent pas de mobiliers fonctionnels. Nombreux sont les enfants assis à même le sol faute de tables banc.

La discrimination est également présente chez les enfants porteurs d'un handicap (les non voyants, infirmes, les déficients mentaux, etc.). Si l'on s'en tient aux données fournies66(*), on constate une prévalence de handicaps chez les enfants de 0 à 4 ans (1,4%). Ces enfants handicapés ne bénéficient pas d'une éducation faute de structures spécialisées adaptées à leurs besoins. Ainsi, les structures existantes ne se trouvent que dans les grands centres urbains à l'instar des écoles des sourds (N'djamena, Moundou, Doba, Sarh). On comprend aisément que la bonne partie des enfants des zones rurales et ceux des nomades porteurs de handicaps ne peuvent bénéficier de ces structures.

B- Le droit à la santé

Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS),  «  la santé est un état de complet bien être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique et sociale ».67(*)

Le droit à la santé est un droit de l'homme clairement énoncé dans les textes internationaux acceptés par les Etats, textes incorporés dans l'ordre juridique interne68(*). Il s'agit d'un droit fondamental bénéficiant d'une protection constitutionnelle.

Le droit à la santé fait partie des droits économiques, sociaux et culturels, dont l'une des caractéristiques fâcheuses est la faible justiciabilité, du moins par rapport aux droits civils et politiques. Cette faiblesse de justiciabilité reste conditionnée par l'évolution progressive de la situation économique des Etats.

Toutefois, sans remettre en cause cette dynamique de progressivité, le principe de l'indivisibilité des droits a conduit la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à retenir une jurisprudence audacieuse en matière de droits sociaux qui relativise la portée de l'argument économique que peuvent tenter d'utiliser les pays en voie de développement.

On peut se référer ainsi à la décision rendue par la Commission de Banjul dans l'affaire 241/01, PUROHIT et MOORE contre Gambie, en mai 2003, et notamment au paragraphe 84 ainsi libellé : la Commission africaine « souhaiterait(...) préciser qu'elle est consciente du fait que des millions de personnes en Afrique ne jouissent pas du droit à un meilleur niveau de santé physique et mentale qu'elles soient capables d'atteindre, parce que les africains sont en général confrontés au problème de pauvreté qui les rend incapables de fournir les équipements, infrastructures et ressources qui facilitent le pleine jouissance de droit. En conséquence, ayant dûment tenu compte de ces circonstances tristes mais réelles, la Commission souhaiterait lire dans l'article 16 l'obligation, de la part des Etats partie à la Charte africaine, de prendre des mesures concrètes et sélectives tout en tirant pleinement profit des ressources disponibles, en vue de garantir que le droit à la santé est pleinement réalisé sous tous ses aspects sans discrimination d'une quelconque nature. »

Or on note avec regret l'écart qui existe entre les possibilités d'accès aux soins et le coût des médicaments. En effet, l'accès aux services de soins est de plus en plus limité du fait de la faiblesse des revenus, de l'insuffisance de l'offre de ces services. Le recours à la consultation prénatale par exemple varie de façon très importante avec le niveau d'instruction de la femme. Le suivi est fait pour la quasi-totalité (92%) des naissances issues de femme ayant un niveau d'instruction supérieur.

Par ailleurs, on constate que pour seulement 17% des naissances, la première visite s'est effectuée à moins de quatre mois de grossesse.69(*) Ainsi, on observe un taux de mortalité de moins de cinq ans qui s'était amélioré entre 1993 (222/1000) et 1997 (194/1000), puis s'est à nouveau dégradé en 2003 (200/1000). Les maladies diarrhéiques, le tétanos néonatal, le paludisme et les infections respiratoires aiguës sont les causes majeures du décès des enfants. Ils sont liés aux faibles couvertures et performances des services de santé, à leur éloignement ainsi qu'à leur inaccessibilité, aux pratiques d'hygiène et d'assainissement70(*), au faible accès à l'eau potable71(*) et à la faible utilisation des moustiquaires imprégnées.

Le taux élevé de mortalité maternelle est lié à un faible recours aux consultations prénatales (33%), à l'insuffisance de la couverture des services de santé de reproduction ainsi qu'aux accouchements non assistés (8%) en milieu rural, aux mariages précoces et aux nombreuses naissances trop rapprochées.

Le niveau de malnutrition des enfants reste élevé, l'insuffisance pondérale est de 28% par malnutrition aiguë globale, dont 12% de malnutrition sévère.72(*) En plus des problèmes sus évoqués, la propagation du sida constitue une contrainte supplémentaire avec la destruction des structures sociales et productives qu'elle entraîne.

Le taux de prévalence du VIH/SIDA est estimé à 4,8%. Selon le Cadre Stratégique National de Lutte contre le Sida 2005-2009, les problèmes majeurs sont la forte mortalité des malades du sida et la propagation rapide chez les 15-24 ans. La précocité des rapports sexuels, la multiplicité des partenaires, la méconnaissance des voies de transmission et de prévention expliquent cette progression. Le déni de la maladie et la stigmatisation freinent également la prise en charge des cas.

L'épidémie est évolutive à l'échelle nationale, affectant à des degrés variés toutes les régions. A l'hôpital de référence national de N'djamena, à titre d'exemple, on estime que 600 enfants naissent de mères séropositives par an.

Selon l'ONU SIDA73(*) le nombre d'enfants de 0 à 14 ans vivant avec le VIH sida est estimé à 18 000 et celui des orphelins du sida à 96 000. Cependant, la prévention de la transmission de la mère à l'enfant du VIH sida n'est pas proportionnelle. Les orphelins du sida reçoivent peu d'appui à l'exception de l'action de quelques associations caritatives.

A ces difficultés d'accès aux soins, viennent s'ajouter les coûts des soins eux-mêmes. Ces coûts sont la conjugaison des frais des consultations et des médicaments, tous très élevés. Même si nous ne disposons pas de données statistiques concernant les coûts financiers de l'accès aux services sanitaires au Tchad pour les enfants, cette considération reste une réalité qu'il faut prendre en compte lorsqu'il est question du droit à la santé.

C- Le droit au travail

La problématique du travail des enfants reste un sujet de préoccupation étant donné la situation de pauvreté et l'instabilité politique du Tchad. En effet, la législation tchadienne sur cette question date de 1969. C'est la loi n°55/PR/MTJS/DTMOPS du 8 février 1969. Jamais cette loi n'a connu de modification pour tenir compte des ratifications des nombreux traités sur la protection de l'enfance par le Tchad.

Le caractère vieillissant de la loi permet l'utilisation de plus en plus des enfants sur le marché de l'emploi sans crainte de quelconques représailles. D'où le développement des enfants bouviers et des mouhadjirines.

L'inquiétude demeure grande lorsque le travail de l'enfant ne s'analyse pas en tant que processus de socialisation mais plutôt comme une richesse économique des adultes, comme nous avons tenté de décrire plus en amont. Ces jeunes travaillent dans des conditions épouvantables.

Les bouviers par exemple se lèvent très tôt et ne rentrent qu'à la nuit tombante. Ils ne bénéficient d'aucune couverture sanitaire et lorsqu'ils sont malades, leurs employeurs les menacent allant parfois jusqu'aux châtiments corporels. Le bouvier ne connaît pas de repos. Une fois arrivée à la maison, après avoir pris son unique repas quotidien (en général les restes de nourriture consommée par son employeur), il doit faire la lessive de la famille.

« Le monde civilisé, disait Maria Montessori, devient un immense camp de concentration dans lequel tous les jeunes êtres humains qui arrivent sur terre sont relégués et mis en servitude, niés dans leur valeur, anéantis dans leurs pulsions créatives, soustraits aux stimulations vivifiantes auxquelles tout homme à droit aux milieux de ceux qui l'aiment »74(*). L'enfant est perçu comme une valeur marchande. C'est pourquoi les enfants deviennent des commerçants ambulants : vente de journaux, de cigarettes, de produits alimentaires... ils évoluent dans le secteur marchand, même si à l'heure actuelle on ne peut dire avec précisions quel est leur apport dans l'économie.

Pour les mahadjirines, le maître, également appelé marabout, est libre de disposer de ces enfants comme il l'entend. Le plus souvent, il loue leur force de travail aux entreprises de transport ou pour réaliser des travaux domestiques. Mais le marabout peut aller jusqu'à « vendre » les enfants dont il la charge. Il peut les livrer à des groupes militaires pour leur enrôlement, ou à des particuliers. L'affaire de l'arche de zoé en est la patente illustration.

Si aujourd'hui il est fait de plus en plus état des trafics d'enfants entre l'Afrique de l'Ouest et du Centre75(*), au Tchad cette pratique ne s'est pas encore développée. Par contre, il se développe un trafic à l'intérieur du pays, assimilable à la traite.

La traite consiste au recrutement des enfants par des moyens répréhensibles comme des tromperies, des abus d'autorité ou en profitant de situation de vulnérabilité. En effet, s'il n'existe pas d'étude spécifique qui pose de façon claire et précise la question de la traite des enfants aux Tchad, bon nombre de pratiques qui ont cours dans le pays s'en rapprochent. C'est le cas des enfants bouviers et de la mendicité des mahadjirins.

Aussi faut-il souligner que l'article 18 de la loi n°038/PR/96 portant Code du Travail au Tchad fixe l'âge de seize ans pour l'établissement d'un contrat d'apprentissage. Or les enfants bouviers ou les moudjirines ne peuvent en aucune manière être considérés comme des apprentis. En outre le code du travail n'aborde pas la question du travail dans le secteur informel, lequel secteur emploi, en nombre, de la main d'oeuvre infantile.

La législation reste par contre muette sur l'emploi des enfants dans l'armée. Or le travail des enfants dans l'armée prend des proportions très inquiétantes. « Un peuple en guerre n'a plus d'enfants, il n'a que de soldat »76(*). Cette citation illustre une situation que connaissent bien les pays qui, même s'ils ne sont pas en guerre au sens strict du terme, font face à des problèmes de troubles intérieurs et utilisent des enfants.

Le 10 novembre 1998, l'Assemblée Générale des Nations Unies a adopté une résolution désignant la période 2001-2010 « décennie internationale de promotion d'une culture de la non- violence et de la paix, au profit des enfants du monde. » Mais force est de reconnaître qu'aujourd'hui plus qu'hier, des centaines de millions d'enfants ne sont pas à l'abri des guerres.

L'expression « enfant soldats » désigne toute personne âgée de moins de 18 ans qui fait partie de tout groupe armé, régulier ou irrégulier. Peu importe que cet enfant manipule des armes, soit cuisinier, messager, porteur de bagages ou qu'il accompagne un de ces groupes77(*). En général, l'âge des enfants varie entre 7 et 17 ans.

La participation des enfants et des adolescents aux combats et leur socialisation par des institutions militaires ne datent pas d'aujourd'hui. Déjà au VIIIéme siècle avant Jésus Christ, l'éducation militaire des enfants palliait au manque de soldats. En 1945 au Japon par exemple, de nombreux enfants se sont battus à Okinawa contre les américains, et environ 5 000 membres de la jeunesse hitlérienne ont participé à la bataille contre l'armée rouge. Si l'histoire montre qu'il s'agit d'un phénomène ancien, il n'est reste pas moins que l'inquiétude est grande lorsqu'on observe aujourd'hui encore le nombre croissant d'enfants dans les champs de combats.

Selon l'Organisation des Nations Unies, plus de 300 000 enfants dans le monde participent aux combats, dont 120 000 uniquement en Afrique78(*). On les situe dans les zones de conflits armés en Afghanistan, en Tchétchénie, en Irak, au Cambodge, au Vietnam, en Bosnie, en Somalie, au Rwanda, en République Démocratique du Congo, au Tchad, etc. L'ampleur considérable du phénomène79(*) « enfant soldat » pose bien des questions au début de ce XXIéme siècle où on assiste au développement de techniques de guerres utilisant des armes très nocives.

Au Tchad, il est difficile voire impossible de donner avec exactitude le nombre d'enfants impliqués dans les conflits armés. Cependant, il faut noter que le gouvernement a reconnu, pour la première fois en 2006 lors de la bataille d'avril, l'existence d'enfants soldats au sein de son armée80(*).

Cette reconnaissance a permis la conclusion d'un accord entre le gouvernement et l'Unicef Tchad, le 9 mai 2006, pour la réinsertion sociale de ces enfants soldats. L'accord avançait le nombre de 400 enfants.

La comptabilisation est difficile pour plusieurs raisons :

- D'abord, le recrutement de ces enfants n'obéit à un aucun processus formel puisqu'il est illégal. La logique des mouvements de rebellions tchadiens relève souvent de considérations tribales, régionales, ou religieuses. Les membres de la famille sont prêts à envoyer les enfants combattre afin de soutenir la cause qu'ils entendent défendre .Il est, en outre, difficile d'accéder aux entités armées qui les utilisent en période de conflit et a fortiori d'enquêter sur eux. Dans beaucoup de régions du pays, le service d'état civil ne fonctionne pas normalement ou n'existe pas. Il est donc très difficile de connaître l'âge de ces enfants.

- Enfin, il s'agit d'un enjeu politique pour les groupes armés : un groupe aurait toujours tendance à annoncer un effectif inférieur à la réalité pour ne pas être mis au ban par les Institutions Internationales, ou supérieur pour être en position de force au moment des négociations.

La défense de la patrie et de l'intégrité du territoire national face à une agression extérieure est un devoir pour tout citoyen aux termes de l'alinéa 1er de l'article 51 de la Constitution tchadienne. C'est ce qui justifie l'enrôlement des enfants dans l'armée. Or, cette hypothèse est à exclure car les conflits sont tchado-tchadien et opposent le plus souvent un groupe de dissidents au pouvoir central. Dès lors, c'est ailleurs qu'il convient de déceler les raisons de la présence des enfants au combat.

En effet, la présence des enfants soldats au Tchad trouverait sa justification dans l'existence endémique de la rébellion, porte ouverte à l'intensification du phénomène.

Ce phénomène des « enfants soldats » a de beaux jours devant lui tant que persisteront les conflits. Les enfants sont devenus des chaires à canon, dépouillés de toutes vie car privés pour la plupart de leur droit à l'éducation, à la santé et menant une vie misérable. Cette situation subsistera tant que les valeurs coutumières continueront à soutenir de telles pratiques.

Section II : Les us et coutumes

L'analyse de l'appréciation de l'état de la mise en oeuvre des droits de l'enfant ne doit pas se limiter au droit positif, elle doit aussi examiner comment la société peut aider ou non à la réalisation de ces droits. C'est pourquoi une lecture des valeurs traditionnelles et coutumières permettraient d'identifier les considérations issues des traditions, coutumes et us qui peuvent être un obstacle à la réalisation des droits civils et politiques de l'enfant (§1) d'une part, et des droits économiques, sociaux et culturels d'autre part (§2).

§1- Les considérations coutumières comme frein à la réalisation des droits civils et politiques

C'est du regard porté par la société sur l'enfant (A) que dépendrait l'impact de la réalisation des droits civils (B).

A- L'enfant dans l'imaginaire tchadien

Pour mieux comprendre pourquoi la société tchadienne reste réticente ou non à l'éclosion des droits de l'enfant, il faudrait saisir la perception que cette société a de l'enfant. Cette perception correspond-t-elle à celle des autres sociétés, notamment la société occidentale ? La réponse semble être négative.

Levain naturel de la société, l'enfant, en Afrique d'une manière générale et au Tchad en particulier, n'est pas simplement une catégorie biologique mais constitue une catégorie sociale dont l'histoire s'énonce différemment selon la société considérée.

C'est pourquoi, parler de l'enfant dans l'imaginaire tchadien reviendrait à le « situer à l'intérieur de la culture de son univers particulier où prédomine telle forme de pensée, tel climat affectif, tel niveau technique, tel mode d'affirmation de soi, tel type de langage(....)Il serait de mauvaise méthode de voir le développement de l'enfant autrement qu'en référence à ce champ de force culturel qui lui impose ses structures et ses coordonnées mentales. »81(*).

Et justement, l'enfant dans l'imaginaire tchadien n'est pas un être autonome, doué de raison et capacité . Il est plutôt considéré comme un incapable que la société doit protéger et orienter afin qu'il devienne un de ses membres. Tout est décidé à sa place car la société estime qu'elle fait le choix qui va dans l'unique intérêt de l'enfant. Cette logique de « penser l'enfant » propre à la société tchadienne fait qu'il n'existe pas de critères de délimitation d'âge. L'âge varie en fonction des considérations des structures mentales. L'enfant devient adulte, par exemple, lorsqu'il aura accompli un certain rituel dans certaines traditions (les rites initiatiques dans certaines sociétés pour les garçons et l'excision pour les filles). D'où le constat posé par les travaux de l'anthropologue Ferme Marianne selon lesquels l'enfance en Afrique Subsaharienne est souvent assimilée à un moment d'ambiguïté, un état hybride et instable82(*).

Et c'est à bon droit que Philippe ARIES83(*) soutenait que la perception de l'enfance comme état d'innocence et comme une condition à part de l'âge d'adulte est une représentation relativement récente propre aux sociétés occidentales. Cette perception fait que l'enfant reste un sujet non autonome auquel la société dicte ses lois et ne tient pas forcément compte de son avis. Cette conception conduit, la plupart du temps, à la méconnaissance des droits de l'enfant.

B- Les effets de la conception de l'enfant sur les droits civils et politiques

Selon une conception idéaliste, l'enfant est perçu au Tchad comme un petit être sans capacité physique et totalement dépendant des adultes. C'est pourquoi tout ce qui concourt à la manifestation de sa croissance, de sa maturité ou de son mental, n'échappe pas aux parents et au village qui lui accordent des soins particuliers.

Ainsi, prétextant pérenniser le lien social entre les familles, les tribus ou les lignages, les familles « s'échangent les enfants ». Ces échanges sont de véritables actes d'adoption mais n'obéissant à aucune règle formelle. Le placement d'enfants entre les familles connaît des dérives mais il est difficile d'intervenir car c'est au « nom des valeurs coutumières et traditionnelles » que ce placement a été fait. L'enfant devient un objet entre les mains des adultes qui décident de son sort au gré de leurs convenances et leurs intérêts relationnels.

C'est au nom du respect de la coutume ou des préceptes religieux que les atteintes les plus graves sont portées à l'intégrité physique de la fille : la pratique de l'excision, les violences exercées sur les filles pour leur mariage précoce, les coups donnés par les parents comme mesures disciplinaires ou encore les coups de fouets administrés par les marabouts.

La question de l'égalité entre les enfants n'a pas droit de cité. Il existe une nette discrimination entre les filles et les garçons. L'importance davantage donnée aux garçons car on pense que ce sont eux qui perpétuent la lignée. C'est pourquoi les droits successoraux n'existent qu'au détriment de la fille qui est considérée comme une « étrangère dans sa propre famille », car elle a vocation à aller vivre « ailleurs », c'est-à-dire chez son mari. La discrimination entre filles et garçons est acceptée voire encouragée.

La discrimination est également présente entre les enfants nés avec un handicap et ceux nés « sains ». En effet, les enfants nés avec un handicap sont vus comme porteurs de malédiction dans la famille ou dans la société. A cause de cela, la société leur accorde peu d'importance et organise parfois même leur disparition84(*).

S'agissant de la liberté d'expression et d'opinion, l'enfant n'a pas son mot à dire dans la prise des décisions qui le concerne. En effet, en matière de mariage par exemple, le choix de l'époux ou de l'épouse se fait sans consulter les personnes concernées. Ce sont les deux familles des futurs conjoints qui décident de l'union de leurs enfants respectifs. Cette situation s'aggrave encore lorsqu'il est question de donner la fille en mariage dans certaines sociétés. On comprend dès lors que le droit à la vie de l'enfant est entre les mains de la société qui peut décider de ce qu'elle estime être le mieux pour l'enfant ; et non l'intérêt supérieur de l'enfant qui trône aux frontons des lois et conventions de protection de l'enfance.

Fort de ces considérations de perception et des effets qui découlent sur les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels ne peuvent être épargnés.

§2- L'influence des considérations traditionnelles sur les droits économiques et sociaux culturels

Il nous est impossible d'aborder tous les aspects des droits économiques, sociaux et culturels. Notre analyse se basera sur le droit au travail (A) et le droit à l'éducation (B). Le choix de ces deux angles se justifie par leur impact particulièrement grave sur l'enfant.

A- L'impact des considérations traditionnelles sur le droit au travail

Dans la majeure partie de la pensée traditionnelle, c'est par le travail que l'enfant devient adulte. C'est pourquoi on s'attèle à mieux orienter son avenir afin qu'il joue pleinement son rôle dans sa future vie active. Ainsi, le processus de socialisation de l'enfant se réalise conformément aux traditions et valeurs de sa communauté.

Il n'y aurait aucun problème si le processus de socialisation de l'enfant par le travail était accompli uniquement dans l'intérêt de ce dernier. Or, il apparaît de manière évidente que le travail des enfants sort du cadre de la socialisation pour se situer sur le terrain économique.

La force de travail de l'enfant devient une valeur marchande. L'enfant s'insère de plus en plus dans les systèmes de production. C'est ainsi que le phénomène des enfants bouviers connaît un essor dans les contrées du sud du Tchad. L'enfant est devenu un objet économique comme l'illustre ce témoignage d'un enfant bouvier du village de Nderguigui, Koute Ndoroumbaye, 11 ans, orphelin de père85(*) : « mon père Djimé (son patron éleveur) était venu voir mon oncle chez nous à Nderguigui. Il lui a donné la somme de 6000 FR CFA à mon Nangyam pour que je travaille avec lui comme bouvier en contre partie de deux boeufs pendant 13 mois ». En dépit des conditions difficiles dans lesquelles évoluent les enfants bouviers ( la garde des boeufs en particulier), les parents de Canton Matkaga, rapporte le Messager86(*), éprouvent une certaine fierté en voyant leurs enfants partir en brousse garder les boeufs des éleveurs.

Le nombre important d'enfants travaillant dans le secteur informel montre que les parents sont enclins à encourager le travail de leurs progénitures. Il sont utilisés comme vendeurs à la sauvette ou ramasseurs d'ordures contre de faibles rétributions. Confiés au marabout pour assurer leur éducation religieuse, les talibés sont très vite employés par leur maître dans ce qu'il conviendrait de nommer « l'industrie de la mendicité ». Ici le marabout éducateur tire le maximum de profit car tous les revenus des travaux et services lui reviennent de droit.

A côté de « l'industrie de la mendicité », certains parents trouvent normal que leurs enfants soient enrôlés dans l'armée car celle-ci peut permettre une ascension sociale plus rapide que l'école. C'est ce qui fait dire que « la kalachnikov te fait devenir plus rapidement riche que le stylo ».

La vision du travail comme processus de socialisation de l'enfant est ainsi corrompue et fait place à une conception servant davantage l'intérêt des adultes ou de la société. Que dire des effets sur l'éducation ?

B- L'éducation est le domaine par excellence où brillent les effets de la tradition et des us

Considérant la discrimination opérée sur le sexe telle que nous l'avons analysé ci-dessus, l'éducation se fait différemment selon que l'enfant est une fille ou un garçon.

Dans une perspective historique, cette discrimination est perçu comme une caractéristique des sociétés non occidentales87(*). Elle se justifiait par le besoin de remplacer les cadres coloniaux par des hommes, l'éducation des filles apparaissant de fait comme mineur.

Au-delà de cette approche historique, les traditions voulaient que l'éducation de la jeune fille se fasse toujours en rapport à son futur rôle de mère. Cette idée a perduré après l'introduction de « l'école des blancs ». La jeune fille fut même considérée comme incapable de `faire l'école des blanc'. Parfois, la décision de scolarisation de la fille dépend de ses frères : le fait d'aller à l'école ne doit pas porter préjudice à ses frères et la fille doit rester à la maison pour leur préparer à manger.

CHAPITRE IV : LES MECANISMES DE GARANTIE DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET DOTATIONS HUMAINES ET BUDGETAIRES

La mise en oeuvre pratique des droits de l'enfant ne se limite pas à l'existence des lois, décrets et règlements. Elle exige aussi des structures administratives (section 1) qui sont à même de traduire les normes législatives et réglementaire en actes. Mais les structures administratives existeront de manière efficace et efficiente que si elles reçoivent des dotations humaines et budgétaires les mieux adaptées à leur fonctionnement (section 2).

Section I : Les structures administratives de garantie de protection des droits de l'enfant

Nous entendons par structures administratives les dispositifs institutionnels en charge de la protection de l'enfance (§1) d'une part et judiciaire d'autre part (§2).

§1- Les dispositifs institutionnels à caractères généraux

L'existence des indices de la traduction concrète des droits de l'enfant s'observe à travers les centres administratifs de protection de l'enfance. Ces centres peuvent revêtir le caractère général (A) ou être spécifiques aux besoins des bénéficiaires (B).

A- Les centres administratifs de protection à caractère général

Afin de prévenir les dangers susceptibles de nuire à la santé physique ou morale d'un enfant, ou si les conditions de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement insatisfaisantes, l'idéal serait qu'il existe des institutions administratives qui assurent la prise en charge de l'enfant concerné. Ces institutions doivent exister dans les secteurs de l'action sociale, de l'éducation, de la santé, de la police et de la gendarmerie.

Nul ne peut douter de l'effort que les pouvoirs publics tchadiens fournissent pour assurer une meilleure protection de l'enfance à travers la direction de l'action sociale et de la famille. Le Ministère de l'Action Sociale et de la Famille dispose de centres sociaux qui tentent de prendre en charge les enfants dans le cadre de programmes d'enseignement préscolaire. Cependant, ces centres sociaux88(*) ne sont pas en nombre suffisant pour répondre aux besoins de l'enfance tchadienne, ou ne fonctionnent que dans les grands centres urbains. Ce disfonctionnement est lié à l'organisation administrative décentralisée des services publics. Ainsi, une bonne parie des enfants ne peuvent prétendre accéder aux services sociaux. Par ailleurs, les centres existants ont été installés dans de très vieux édifices de l'administration coloniale. Ces centres font partie des parents pauvres de l'administration tchadienne car les priorités de l'Etat se situent ailleurs.

Après l'éducation préscolaire reçue dans les centres sociaux, l'enfant entre dans le cycle de l'enseignement élémentaire. Ce cycle relève du Ministère l'Education Nationale par l'entremise de sa Direction de l'Enseignement de Base. Cette direction trouve ses relais dans les régions, les préfectures, et les sous-préfectures dans les délégations régionales de l'enseignement de base. Si du point de vue de découpage administrative, le Ministère de l'Enseignement Secondaire semble être un modèle, les conditions d'apprentissage reste une des questions préoccupantes de l'enseignement au Tchad. Certaines salles de classe comptent jusqu'à 150 élèves dans les grandes villes. Outre le problème de surcharge des classes, les cours peuvent être interrompus en cas de pluies ou vent faute de constructions fiables dans les zones rurales.

Jusqu'à aujourd'hui, dans plusieurs contrées du Tchad, les salles de classes sont construites avec des matériaux rudimentaires et dégradables. A titre d'exemple, nous citons les salles de classes construites par les « seiko » qui ne résistent pas aux intempéries naturelles (pluie, vent, etc.). Par ailleurs, l'inexistence des tables bancs fait que les enfants sont assis à même le sol et sont parfois couverts de poussière à la sortie des classes. Ces conditions déplorables d'enseignement facilitent l'apparition et la transmission de maladies. Certaines écoles ne disposent même pas de toilettes ni d'accès à l'eau potable.

Dans le domaine de la santé, la situation n'est guère reluisante. L'état spécifique de l'enfant exige des structures de santé adaptées. Seulement, la question de l'accès aux soins des enfants ne s'analyse pas uniquement du point de vue de l'éloignement des centres de santé, mais aussi et surtout en termes de rareté des structures. Aujourd'hui, rares sont les villes ou les centres ruraux qui disposent de centres de protection maternelle infantile.

Tout se résume à l'hôpital du district de la localité qui s'occupe de tout le monde. Il existe en moyenne une structure d'hospitalisation pour 165 000 habitants et 51 lit/places pour 100 000 habitants, avec de fortes disparités entre les régions. Les centres se consacrant spécifiquement aux enfants sont quasi inexistants. Et quand il existent, ils sont dans un état de délabrement avancé ou manquent de personnel (question que nous développerons dans la seconde section de ce chapitre). Les quelques rares centres de protection maternelle infantile qui existent sont l'oeuvre d'initiatives privées.

Au demeurant, les rares districts sanitaires qui existent n'ont pas été aménagés pour recevoir les nouvelles technologies qui contribueront de manière non négligeable à la réalisation de la santé des enfants. Les délégations sanitaires sont souvent dans un tel état d'insalubrité qu'elles ressemblent davantage à des dépotoirs.

Pour mieux organiser la sécurité et assurer une défense de l'enfance, les services de police et de la gendarmerie devraient avoir des divisions spécifiques à même de s'occuper des affaires opposant les adultes aux enfants ou encore les enfants à la loi. Or on constate que les services de sécurité ne possèdent pas, pour la plupart, ces structures. Et celles qui existent ne sont fonctionnelles que dans la capitale et quelques rares villes. Les délégations régionales de police ou de la gendarmerie ne font pas très souvent la différence entre les prévenus. L'inexistence des services de la police et de la gendarmerie spécifique aux enfants sur toute l'étendue du territoire compromet de manière grave les chances pour ceux-ci de pouvoir mieux bénéficier des garanties judiciaires.
B- Les centres spécialisés

Certains enfants méritent d'être admis dans des centres spécialisés pour favoriser leur intégration.

Dans un premier temps, les centres spécialisés devraient répondre aux besoins des enfants ayant rencontré des problèmes dans leur milieu familial, des enfants vivant dans la rue, des toxicomanes ou encore ceux victimes de violence de tout ordre.

Ensuite, vient la question des enfants privés de libertés, en particulier ceux détenus. De part les engagements de l'Etat, il devrait y avoir des centres spécialisés chargés d'accueillir les enfants en conflit avec la loi pour leur permettre de mieux s'insérer dans le système social. Or, il n'existe pas au Tchad, en matière de maison pénitentiaire, de chambres séparées des adultes. Les enfants sont détenus avec les adultes dans les maisons d'arrêts. Le gouvernement évoque le manque de moyens pour se soustraire de ces engagements. Le ministère de la justice reste lui aussi parent pauvre en matière budgétaire. Cette situation ne permet pas d'offrir les garanties d'une justice équitable aux enfants car, le plus souvent, sans parents, ils sont rarement défendus par un avocat. Le désintéressement du barreau tchadien des affaires relatives aux enfants s'explique par le fait que l'Etat ne s'acquitte généralement pas des honoraires des requis. Il privilégie beaucoup plus les assises criminelles.

Enfin, on note une insuffisance des programmes de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale des jeunes délinquants. Et même s'ils existent, les structures d'encadrements des enfants sont antidatées. C'est le cas du centre de Koundoul qui date de 1962 et qui n'accueille que les enfants de la rue. Ce centre ne répond plus aux exigences modernes car il n'accueille que des garçons, favorisant ainsi la discrimination vis à vis des filles. Il est urgent d'adapter les institutions en charge de la protection de l'enfance aux réalités actuelles, et non de se référer à des institutions devenues caduques. L'inexistence des structures capables d'accueillir et d'encadrer les enfants en conflit avec la loi fait qu'une fois incarcérés, ces enfants peuvent subir de profonds traumatismes, comme des agressions sexuelles.

A leur sortie, ces hommes ont des difficultés à se réinsérer car ils ont enduré des blessures non soignées fautes de structures adaptées. Par ailleurs, vu les difficultés (décès des parents, abandon du foyer conjugal, famine, etc.) qui conduisent certains enfants à interrompre très tôt leur scolarité, l'Etat devrait créer des centres de formation professionnelle pour donner une chance à ces enfants de s'insérer professionnellement.

Les enfants victimes de violences, de traumatismes, de conflits, ont besoin de structures de prise en charge psychothérapeutique. Aujourd'hui, eu égard à tous les troubles qui ont secoué le Tchad et continuent de le secouer, de nombreux enfants ont participé de façon directe aux combats (les enfants soldats) ou en sont victimes (les enfants mutilés par des mines anti-personnels ou d'autres armes). Ils sortent de ces combats avec des séquelles qui en font des handicapés à vie.

L'Etat devrait pouvoir les intégrer en créant des centres qui leur donnent la chance de se former, de bénéficier de soins adéquats car ils nécessitent des considérations particulières. Or, dans ce domaine, l'Etat brille par son absence la plus totale. Ces enfants sont soustraits à la vie et laissés à leur triste sort.

Au niveau de l'éducation, on note l'insuffisance des centres pour la formation des enfants nés sourds muets, aveugles ou porteurs de handicaps. Non seulement ces enfants voient leur droit à l'éducation entravé de manière grave par l'insuffisance de structures, mais de surcroît ils ne peuvent arpenter les couloirs des services publics pour revendiquer leurs droits ou accéder simplement aux prestations de service car les édifices publics sont construits sans tenir compte des personnes handicapés, de manière générale, et des enfants en particulier.

Ces considérations se retrouvent aussi dans les services de l'administration judiciaire.

§2- Les services de l'administration judiciaire

L'intérêt supérieur de l'enfant commande qu'il dispose d'une administration judiciaire distincte des adultes (B). Au nom de ce même intérêt, il conviendrait de traiter les affaires qui mettent l'enfant en conflit avec la communauté dans les structures de médiation (A) avant d'arriver à la justice proprement dite.

A. Les structures de médiation pour enfant

La médiation a pour objet la facilitation, la circulation de l'information entre les personnes en conflit. C'est le seul moyen assisté par un tiers qui vise la liberté de décision des protagonistes d'un conflit.

Le plus souvent la médiation est confondue avec la conciliation qui peut conduire à des propositions de solutions. La médiation fait partie des modes alternatifs de résolution des conflits. Elle consiste dans l'accompagnement de la réflexion des parties à un différend pour leur permettre de le résoudre par eux-mêmes de manière pacifique, sans soumission ni contrainte. Elle implique l'intervention d'un tiers, neutre, impartial et indépendant, le médiateur, lequel est un intermédiaire dans les relations.

Elle reste distincte de la négociation qui suppose un parti pris du négociateur qui représente les intérêts d'une partie. Elle se différencie aussi de l'arbitrage qui fait intervenir un arbitre qui rend une décision qui s'impose aux parties.

L'existence d'une instance de médiation pour enfant permet de faire participer ceux-ci à la recherche de solutions aux conflits qui les concernent. Elle signifierait la reconnaissance des compétences des enfants pour pouvoir résoudre les conflits, et partant de là, permettre la prise en compte de leur opinion. Elle favoriserait aussi la responsabilisation de l'enfant. L'existence d'une structure de médiation dans les conflits qui peuvent survenir entre les parents d'un côté, et de l'autre les lois de la République, pourrait contribuer à privilégier les intérêts de l'enfant.

Mais malheureusement, il n'existe pas au Tchad de structure de médiation institutionnalisée. Par ailleurs, les structures de médiation traditionnelles qui existent ne peuvent aller dans le sens de l'intérêt de l'enfant en considération du regard que porte la société traditionnelle sur l'enfant, comme il ressort de l'analyse que nous avons fait dans la partie précédente. Si la médiation connaît des heures glorieuses pour les enfants sous d'autres cieux, elle ne l'est pas encore pour l'enfant tchadien. Dès lors la question de l'administration de la justice pour enfant se pose.

B. L'administration judiciaire

Le statut particulier de l'enfant impose que, lorsqu'il est en conflit avec la loi, son cas connaisse une procédure distincte de l'appareil judiciaire en général, et qu'il soit traité en prenant en considération son intérêt supérieur.

Cette considération a trouvé un écho favorable au niveau du pouvoir public tchadien qui, par la loi n°007/PR/99, institue les tribunaux pour mineurs.

Cependant, la traduction concrète, en termes de structures devant accueillir les tribunaux, connaît d'énormes difficultés.

En effet, depuis 1999, date de la prise de loi concernant les tribunaux pour mineurs, jusqu'à aujourd'hui, une partie du territoire tchadien ne dispose pas du cadre judiciaire propre aux enfants. Ce type de tribunal n'existe de manière visible qu'à N'djamena, la capitale. Mais même là, cette structure n'existe que dans une petite pièce au sein des structures du Tribunal de Grande Instance. Par ailleurs, dans les régions et départements, on note une absence totale, comme si la bonne volonté de l'Etat tchadien de respecter ses obligations internationales se limitait à la capitale. Les enfants des contrées lointaines sont-ils des sous enfants ? Ne sont-ils pas des citoyens comme tous les autres enfants ? Cette situation laisse penser qu'il s'agit en fait de « tribunaux de façade ». Même si ces tribunaux doivent être logés au sein des bâtiments abritant l'appareil judiciaire de manière général, il faudrait leur accorder un espace assez grand pour un fonctionnement efficient.

Outre cette question du cadre institutionnel, il ne faut pas non plus occulter les dotations humaines et budgétaires qui constituent une entrave à la protection effective des droits de l'enfant.

Section II : Les dotations humaines et budgétaires

C'est à travers la mobilisation des ressources humaines (§1) et financières (§2) que l'on peut véritablement évaluer les efforts qu'un Etat réalise pour assurer aux enfants le respect de leurs droits.

§1- Les ressources humaines

Le problème le plus aiguë que l'Etat doit affronter quand il est question de la mise en pratique des droits reconnus à l'enfant, c'est la disposition en nombre et en qualité du personnel pour assurer les services publics. Qu'ils s'agissent des services publics judiciaires, de la santé ou de l'éducation.

A-Au niveau du service public de la justice

Le service public judiciaire accuse un déficit de personnel. Cette situation est due au trop petit nombre de magistrats affectés au sein de ces tribunaux, mais aussi à la surabondance des dossiers jugés prioritaires par rapport aux questions des mineurs en conflit avec la loi.

Par ailleurs,  la question de la qualité occupe une place prépondérante. En effet, il faut observer que la question des droits de l'enfant mérite une connaissance approfondie des conventions internationales. Or, il se trouve que les magistrats tchadiens, dans la quasi-totalité, ont été formés dans un contexte d'autoritarisme où le discours sur les droits de l'homme était considéré comme subversif. Le traditionnel cours sur les libertés publiques abordé que de manière prudente, voire sommaire. A cela s'ajoutent des notions tout aussi superficielles de droit international avec peu ou pas de perspectives d'en appliquer les normes, sans oublier, par ailleurs, les controverses interminables sur les conditions à observer et le formalisme à accomplir pour incorporer le traité dans l'ordre juridique interne. D'où le peu d'engouement des magistrats à se pencher sur des dossiers qui soulèvent des interrogations dont ils ne maîtrisent pas très bien les contours. C'est ce que souligne à juste titre Djienna Wembou : « les obstacles à l'application des droits de l'homme en Afrique tiennent à des facteurs aussi variés que la faiblesse de la formation du juge interne dans le domaine des droits de l'homme, la complexité des droits de l'homme, les limites de fait (ignorance, peur d'affronter l'administration) »89(*) .

Peu nombreux sont des magistrats qui ont bénéficié des formations supplémentaires en rapport avec la problématique des droits de l'enfant. Ce faisant les magistrats pratiquent ce que le professeur Louis Edmond PETTITI nomme le « le chauvinisme national juridique » c'est-à-dire la propension pour les magistrats à conclure à la non violation des droits de l'homme, pour parler comme le politique. Ce constat vient renforcer les inquiétudes émises par le professeur LALIVE, qui disait il y a plus d'un demi siècle:  « les juges internes appelés à interpréter des principes qui leur sont étrangers et dont la précision n'est pas la qualité dominante, partiront des données connues et feront application souvent involontaire des notions familières, celle du droit interne, pour les transposer sur le plan international, en les décorant de l'étiquette « droit international ».90(*) Ce constat trouve bien application quand il est question d'un droit assez novateur, le droit de l'enfant.

Aussi faut-il encore observer que le regard que la société tchadienne porte sur l'enfant ne permettrait pas aux magistrats d'avancer dans la répression des atteintes des violations dont peuvent être victimes les enfants ou auteurs des infractions. Dès lors, la question de l'adaptation des jugements par rapport à la réalité s'impose aux juges. Il ne suffit pas simplement de connaître les droits de l'enfant mais encore faut-il opérer une péréquation aux coutumes pour faire mieux accepter la loi.

B- Au niveau du service public de la santé

S'agissant du Ministère de la Santé au Tchad, le manque de personnel soignant reste une préoccupation particulière. En effet, les données statistiques de la division du système d'information sanitaire qui datent de 2000 font un constat plus que triste pour le pays.

Il ressort qu'il y a un médecin pour 31 763 habitants soit un total de 335 médecin, un infirmier pour 7 499 habitant soit 152 infirmiers qualifiés, une sage femme pour 10 909 femmes de quinze à quarante neuf ans soit 247 sage femme et 13 assistants sanitaires.

Ces données statistiques montrent de manière éloquente la pénurie de personnel sanitaire. Par ailleurs, la question de qualité se pose avec acuité car, on note par exemple, un seul radiologue, un seul anesthésiste, et 16 pédiatres pour tout le Tchad. Une étude sur l'évaluation des besoins en soins obstétricaux d'urgence réalisée en 2002 dans les hôpitaux montre que seulement 42% de ces structures offrent la gamme complète de soins obstétricaux. Dans la plupart des districts sanitaires, on trouve une forte proportion d'agents secouristes qui, grâce à une formation et à la pratique, sont devenus de véritables aides soignant. Le Tchad dispose d'une seule faculté de Sciences de la Santé qui accueille un nombre très limité d'étudiants en médecine. Les écoles de formation des infirmiers diplômés d'Etat quant à elle, fonctionnent difficilement avec l'incursion du politique et de la corruption. La politique de formation des spécialistes en médecine reste un sujet assez délicat, car ce sont ceux qui ont vraiment de la chance qui peuvent parachever une spécialité.

Cette question du personnel a, de manière inéluctable, des répercussions sur le droit à la santé des enfants. C'est pourquoi on constate des taux de mortalité infantile très élevés suivant qu'on se trouve dans en zone rurale ou urbaine : 208 pour mille en zone rurale contre 179 en ville.

C- Au niveau de l'enseignement secondaire

Au Ministère de l'Education, nonobstant les efforts fournis par le gouvernement et la coopération internationale, la question du personnel n'est guère plus reluisante. Il n'existe pas de données statistiques pouvant nous renseigner de manière précise sur la question. Toutefois, on note une forte proportion des enseignants communautaires qui s'élève à 56%91(*). Les enseignants communautaires n'ont pas reçu de formation adaptée pour l'enseignement. Ce sont des personnes du village qui ont arrêté leur scolarité et se chargent de l'encadrement des enfants dans les écoles communautaires, sans aucune formation pédagogique. Ce déficit de formation pose l'interrogation de la qualité des enseignants.

En effet, le personnel enseignant formé n'a pas reçu des qualifications requises pour donner des enseignements spécifiques, à l'instar de l'enseignement pour aveugle, pour les sourds ou les enfants nomades. C'est ce manque de personnel qualifié qui aggrave la question de la discrimination que l'on observe vis à vis des enfants. Par ailleurs, notons que le personnel formé n'accède pas à la Fonction Publique du fait des questions de redressement de l'économie nationale.

De plus, après la sortie des écoles normales des instituteurs, il n'existe pas de programmes de formation complémentaire pour réadapter de temps en temps les niveaux du corps enseignant. Les multiples séminaires qui s'organisent prennent peu en considération la question des formations. Par ailleurs, ce sont toujours les même personnes qui assistent aux séminaires, plus intéressés par les per diem que le contenu des formations.

A ces questions du personnel, viennent ensuite s'ajouter les épineuses interrogations des ressources financières.

§2- Les dotations financières

On peut avoir les meilleurs textes législatifs, disposer des meilleurs dispositifs administratifs avec du personnel qualifié, mais ne rien en faire s'il n'existe pas de moyens financiers qui accompagnent ces structures. En effet, c'est par les dotations budgétaires que l'on peut véritablement mettre en acte tous les autres dispositifs.

La question ne se pose pas en termes de quantité des moyens affectés à tel ou tel Ministère, mais plutôt en termes d'orientation des moyens dont on dispose et de recherche d'efficience

Or on constate que les budgets des Ministères qui oeuvrent de près à la réalisation des droits de l'enfant ne cessent de connaître un recul par rapport au pourcentage des dépenses globales de l'Etat. Ainsi, il ressort de l'analyse que les dépenses budgétaires du Ministère de la Santé qui étaient à 7% du budget général en 2002, accusent une baisse pour atteindre 3% en 2006.

Ce budget réduit fait que toutes les politiques de santé publiques initiées par le gouvernement n'induisent pas un effet considérable. La dotation budgétaire joue aussi de manière non négligeable sur la politique de recrutement et de formation du personnel sanitaire.

Au niveau du ministère de l'Education Nationale, les difficultés des structures d'accueil, et de personnel trouvent leurs origines dans la part du budget allouée à ce département ministériel. En effet, comme pour la Santé, le département de l'éducation fait partie des secteurs clés du pays. A cet égard, il mérite une attention particulière même si le pays traverse une crise économique.

Or cela ne semble pas véritablement être le cas du Tchad depuis 2003, date à laquelle le pays commence à exploiter son or noir avec une entrée importante de devises. Paradoxalement, c'est depuis cette date que le pourcentage du budget du département de l'éducation régresse de manière considérable dans le budget de l'Etat. Il est passé de 12% en 2003 à 5% en 2006. On ne comprend pas cette évolution au moment où le Tchad semble se préoccuper de la protection de l'enfance en ratifiant différentes conventions et en élaborant différentes politiques de lutte contre l'analphabétisme.

Mis à part cette baisse généralisée du budget du département de l'éducation, nous ne disposons pas de données plus précises sur la répartition budgétaire, notamment entre la Direction de l'enseignement élémentaire et celle de l'enseignement de la petite enfance.

Mais au regard des difficultés (problèmes de personnel, manque de salles de classes) que connaissent ces directions, il est permis de penser qu`elles ne disposent que d'une infime partie des dotations budgétaires.

CONCLUSION GENERALE

A quoi tient l'échec du droit et du politique à garantir efficacement les droits de l'enfant au Tchad ? Telle est la question centrale qui a conduit à la rédaction de ce mémoire.

En effet, à travers cette interrogation, nous voulons cerner les éléments qui entravent la pleine application des droits de l'enfant au Tchad, alors même qu'il existe des textes nationaux et internationaux auxquels le Tchad est partie. Et pour en arriver aux causes nous nous sommes donnés un certain nombre de critères qui doivent nous aider à les déceler.

En recherchant ces causes, il nous est apparu de prime à bord que le contexte du pays contribue très fortement au non respect des mesures de protection de l'enfance. Le contexte marqué par l'instabilité politique fait que les gouvernants sont plus enclins à résoudre les questions politiques voire militaires. Les efforts sont concentrés sur la pérennité du régime à travers la formation et le réarmement. Outre cette situation de guerre permanente, l'état de pauvreté vient aggraver de manière considérable la situation des enfants. Il est évident que les droits de l'enfant ne peuvent trouver ancrage dans ce contexte. Qu'il s'agisse de l'Etat ou de la société d'une manière générale, l'accent est davantage mis sur la survie. On en vient à se demander si les droits de l'enfant ne seraient pas un luxe.

A ce contexte peu favorable viennent se greffer les questions techniques telles la législation, les moyens matériels, humains et budgétaires.

Les questions techniques se résument en premier lieu à la législation. L'analyse des lois et règlements nationaux par rapport aux conventions internationales nous a permis de comprendre qu'il existe un fossé entre les normes nationales et internationales. Ce fossé se traduit par une contradiction. L'Etat n'a pas toujours procédé à la modification de son droit interne, comme le veut le droit international, pour favoriser une application effective et efficiente des normes internationales des droits de l'enfant qu'il a souscrit. Ce fossé résulte aussi de la vieillesse des textes nationaux, très épars dans le domaine de la protection de l'enfant. Puis viennent les questions de dotations matérielles, humaines et budgétaires. La traduction concrète des droits de l'enfant dépend particulièrement des moyens que l'Etat déploie pour assurer sa mise en oeuvre. Or il nous est apparu, à travers l'analyse, que de grandes difficultés subsistent dans le domaine des dispositifs administratifs (manques de structures d'accueil des enfants, de salles classes, de centres de santé, etc.).  Les moyens humains sont en sous nombre par rapport à la difficile mission d'assurer la protection des enfants. Et ce sous nombre n'est pas suffisamment bien qualifié pour réellement contribuer à une bonne application des droits de l'enfant. De plus les pouvoirs n'accordent pas assez de lignes de crédits budgétaires à la réalisation des droits de l'enfant.

Par ailleurs, la difficulté que rencontre l'application les mesures de protection de l'enfance s'explique aussi par la persistance des barrières socioculturelles. Une des difficultés majeures réside dans la considération de la société tchadienne de l'enfant. Ces considérations sont à l'origine de la non appropriation et l'intégration par la société des droits de l'enfant. Elle considère que ces droits sont une manière étrangère de voir l'enfant et ne correspond à aucune des valeurs qui lui sont propres.

L'enfant se trouve, s'agissant du respect de ses droits, dans une double situation d'orphelin, car ni les pouvoirs publics ni la société ne veulent lui donner les moyens dont il a besoin pour son plein épanouissement.

Ce travail nous a permis de saisir les raisons qui expliquent l'échec du politique et du droit à garantir efficacement les droits de l'enfant au Tchad, mais il n'a pas pu cerner tous les angles de la question. Il gagnerait en apport si l'angle de la participation des organisations de la société et de la coopération internationale avait été abordée. Cet angle aurait pu nous fournir bien des éléments qui contribuent à la protection de l'enfant nonobstant les difficultés liées au contexte et aux questions techniques. Aussi faut-il souligner que ce travail gagnerait davantage si une enquête de terrain avait été réalisée pour savoir si les enfants eux- mêmes ont connaissances des droits qu'ils disposent et qu'ils peuvent revendiquer vis à vis de la société.

Au demeurant, ce travail nous a permis de savoir qu'il ne suffit pas uniquement de promulguer les lois ou de ratifier les conventions internationales pour conclure à leur application. Il faut aussi avoir une volonté de traduire ces droits de manière à les rendre justiciables. Cette traduction peut se faire à travers l'élaboration d'un Code de l'enfant afin de réunir la législation concernant l'enfant pour faciliter son application. Il serait aussi judicieux de promulguer le projet Code de la Famille (resté dans les tiroirs depuis 2000) en modifiant certaines de ces dispositions qui restent encore contradictoires avec les obligations internationales contractées par le Tchad.

Le Tchad aurait aussi à gagner en modernisant ses structures en charge de la protection de l'enfance, et en créant de nouvelles avec des moyens financiers, techniques et humains suffisants pour assurer la protection de l'enfance. Il importe aussi qu'un travail de sensibilisation, d'information et de formation soit fait pour permettre à la population de se rendre compte de l'importance des droits de l'enfant afin d'assurer leur protection.

1- Bibliographie

ARIES, P., L'enfant et la vie famille sous l'Ancien Régime, Paris, Seuil, 1973,647p

BOUTET, D., Vers l'Etat de Droit : la théorie de l'Etat et du Droit, Paris, l'Harmattan, 1991, 217p

BRISSET, C., Un monde qui dévore ses enfants, Paris, Liana Lévi, 1997,173p

BRISSET, C., Pauvretés, Paris, Hachette, 1996,212p

BUJTENHUIJS, R., Le Frolinat et les guerres civiles du Tchad1977-1984, Paris, Karthala, ASC, 1987.312 p

CARRE de MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l'Etat, 2 tomes, Paris, Sirey 1920-1922,

CHEVALIER, J., L'Etat de droit, Paris, Montchrestien 2è éd, 1994, 254p

CHINUA ACHEBE, Le monde s'effondre, Paris, Présence Africaine, 1973

CORNU, G., Vocabulaire Juridique, PUF, Paris, 2003

COLAS, D., L'Etat de Droit, Paris, PUF, 1987, 254p

CONAC, G. (Sous dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme, Paris, Economica, 1993, 517p

CHAPLEAU, P., Enfants-soldats. Victimes ou criminels de guerre ? Monaco, Rocher, 2007,

DERLEMARI, N., Les Labyrinthes de l'instabilité politique au Tchad, Paris, L'Harmattan, 1998, 245p

DUHAMEL, O., MENY, Y. (sous dir.), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, 985p

ERNY, P., L'enfant dans la pensée traditionnel de l'Afrique Noire, Paris, L'Harmattan 1968,197p

GODART, P., Contre le travail des enfants, Strasbourg, Desmarets, 2001,

LANGE, M-F., « l'évolution des inégalités d'accès à l'instruction en Afrique depuis 1960 » in LOCOH, T (sous dir.), Genre et Société en Afrique, Paris, INED, 2007, pp 185-19

KAMTO M, L'urgence de la Pensée, réflexions sur une pré condition du développement en Afrique, Yaoundé, Mandara, 1993,207p

KOUROUMA, A., Allah n'est pas obligé, Paris, Seuil, 2000,233p

MANIER, B., Le travail des enfants dans le monde, Paris la Découverte, 171p

PECHON, D. (sous dir.), Dictionnaire encyclopédique : le petit Larousse illustré 1996,

TETEMADI BANGOURA, M., Violence politique et conflit en Afrique : cas du Tchad, Paris L'Harmattan, 2007, 487p

2- Articles et Revues

BEGUY R.,  « Les enfants soldats. Le phénomène persiste » in Tchad et Culture N° 258 pp4

Cahiers de philosophie politique et juridique, 1993, n°14, Presses universitaires de Caen 258/2007

THERY, I., « Nouveaux droits de l'enfant, la potion magique » ESPRIT N°3-4 Mars-Avril 1992 pp5-30

SOUDAN, F., « Le cancer tchadien » in Jeune Afrique N° du 12-18février 2008 pp17-18

OLINGA A D., « L'impératif démocratique dans l'ordre régional africain », Revue CADHP, vol.8, tome 8, N°1, 1999 pp65-18

NGUELE ABADA, « Etat de Droit et démocratisation au Cameroun », Revue CADHP, vol.5, tome n°1 et 2 ; pp1-37

« Démocratie sans Etat : contribution à l'étude des processus démocratiques en Afrique », Revue CADHP, vol.8 tome 7, n°1, 1998 pp35-51

Tchad et Culture N°258 Juin 2007 spécial Enfant soldat

3- Rapports

* Comité des Droits de l'Enfant, rapport sur la quatrième session, 25 octobre 1993. Consultable sur CRC/C/20/Paragraphe 176

* Comité des droits de l'Homme,

Observation générale N°18 (1989) HRI/GEN/1/ rev.6 paragraphe P. 147 et suivant

Observation générale N°12

Commentaire général N°13 sur les mesures d'application de la convention.

* Ministère de l'Agriculture/CONACILSS « Propositions nationales sur le développement d'une sécurité alimentaire durable au Tchad dans une perspective de réduction de la pauvreté ». 09.2000

* Ministère de la Promotion économique et du développement : Enquête par grappes à indicateurs multiples. Rapport complet 2001

* NATIONS UNIES

Rapport CRC/C/TCD/2 du 7 juin 2007

Rapport sur le Sida Donnée de 2003

Rapport CRC/C/TCD/2

Rapport de l'ONU sur les enfants soldats 2007

* PNUD Rapport sur le Développement Humain 2005

* UNICEF Rapport sur la situation des enfants dans le monde 2000

Rapport sur L'enfance en péril 2005.

Rapport 2004, enfant santé, éducation, égalité

E/ICEF/2005/P/L/Rev1, 02 Novembre 2005

Rapport 2002 sur les violences sexuelles au Tchad, N'djaména Inédit.

Rapport 2000 sur le travail des enfants au Tchad, N'djaména Inédit.

Rapport 2007 sur la violence en milieu scolaire au Tchad, N'djaména Inédit.

* UNESCO Rapport sur les défis de l'Enseignement primaire au Tchad, 2003, 17p

4- Les Textes nationaux et les Conventions

a- Les Textes nationaux

* Constitution de la République du Tchad de 1996 modifiée par la Loi Constitutionnelle N°008/PR/2005 du 15 juillet 2005

* Code de Pénal Tchadien

* Code de Travail Tchadien

* Loi n°007/PR/99 portant procédure de poursuite et jugement des infractions commises par les mineurs de treize (13) à moins de dix huit ans (18)

* Décret n°55/PR-MTJS-DTMOPS du 08 février 1969 relatif au travail des enfants

* Décret n° 373/PR/MFPT du 04juillet 1992 portant modification et complément de l'article 6, paragraphe 8 du Décret n° 55/PR/MTJS/DTMOPS du 08 février 1969

* Décret n°634/PR/MASFdu 30décembre 2000 portant institutionnalisation du parlement des enfants

* Décret n°100/AFF-SOC du 18 juin 1963 relatif à la protection de l'enfance et de l'adolescence

b- Les Conventions

* Convention des Nations Unies de 1989 relative aux droits de l'enfant

* Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination.

* Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption

* Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

* Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, et concernant la participation des enfants aux conflits armés.

* Protocole facultatif à la Convention des droits de l'enfant concernant la vente d'enfant, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

5- Les sites consultés

www.hrw.org

www.zombie.org

www.unicef.org

www.unchchr.ch

www.ilo.org

www.un.org

TABLE DES MATIERES

DEDICACE II

REMERCIEMENTS III

AVERTISSEMENTS IV

SOMMAIRE 1

INTRODUCTION GENERALE 2

PREMIERE PARTIE : LA DETERMINATION DES CRITERES D'APPLICABILITE DANS LE CONTEXTE TCHADIEN 9

CHAPITRE I : L'ESQUISSE DE DETERMINATION DES CRITERES D'APPLICABILITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANT 10

Section I : La détermination des critères d'évaluation de la mise en oeuvre 10

§1- L'obligation d'adoption des politiques législatives : pour une application concrète 11

A- L'existence législative des critères d'application des droits civils et politiques 11

1- La définition de l'enfant 12

2- La vie ou le respect de l'intégrité physique 13

3- La liberté d'expression et d'opinion 14

4- La principe de l'égalité 14

B- L'existence législative des critères d'application des droits économiques, sociaux et culturels 15

1- Le droit à l'éducation 16

2- Le droit à la santé 17

3- Le droit au travail 19

§2- Le contexte socioéconomique de l'application 19

A- Les ressources financières 19

B- La contribution de la société 20

Section II : L'existence des dispositifs administratif et judiciaire de protection de l'enfance 22

§1- Les dispositifs administratif de protection de l'enfance 22

A- L'existence des structures de protection de l'enfance 22

B- Les institutions de justice pour mineur 23

§2- La dotation humaine 24

CHAPITRE II : LES OBSTACLES D'ORDRE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE 26

Section I : L'instabilité politique : une histoire chronique 26

§1- Le cycle infernal de la guerre au Tchad 26

A- La violence politique 26

B- La construction de la vie démocratique enclenchée en 1990 29

§2- L'épineuse question de la réalisation de l'Etat de droit 29

Section II : Les pesanteurs économiques et sociales 33

§1- L'incidence de la pauvreté 33

§2- La pauvreté comme facteur favorisant le travail des enfants 39

DEUXIEME PARTIE : L'EFFECTIVITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANCE 42

CHAPITRE III : L'ENCADREMENT NORMATIF TCHADIEN DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET LEUR RAPPORT AUX NORMES INTERNATIONALES 43

Section I : Les lois tchadiennes et les normes du droit international de protection des droits de l'enfant 43

§1- L'écart entre les lois et les normes internationales 43

A- L'existence de la contradiction au niveau de la définition de l'enfant et du droit à la vie 44

B- La liberté d'expression et d'opinion 47

C- Le principe de l'égalité 48

§2- Les droits économiques, sociaux et culturels 48

A- Le droit à l'éducation 48

B- Le droit à la santé 50

C- Le droit au travail 53

Section II : Les us et coutumes 57

§1- Les considérations coutumières comme frein à la réalisation des droits civils et politiques 57

A- L'enfant dans l'imaginaire tchadien 57

B- Les effets de la conception de l'enfant sur les droits civils et politiques 58

§2- L'influence des considérations traditionnelles sur le droits économiques et sociaux culturels 60

A- L'impact des considérations traditionnelles sur le droit au travail 60

B- L'éducation est le domaine par excellence où brillent les effets de la tradition et des us 61

CHAPITRE IV : LES MECANISMES DE GARANTIE DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET DOTATIONS HUMAINES ET BUDGETAIRES 62

Section I : Les structures administratives de garantie de protection des droits de l'enfant

§1- Les dispositifs institutionnels à caractères généraux 62

A- Les centres administratifs de protection à caractère général 62

B- Les centres spécialisés 64

§2- Les services de l'administration judiciaire 66

A- Les structures de médiation pour enfant 66

B- L'administration judiciaire 67

Section II : Les dotations humaines et budgétaires 68

§1- Les ressources humaines 68

A- Au niveau du service public de la justice 68

B- Au niveau du service public de la santé 70

C- Au niveau de l'enseignement secondaire 70

§2- Les dotations financières 71

CONCLUSION GENERALE 73

Bibliographie 76

Articles et revues 77

Rapports 77

Les textes nationaux et les conventions 78

Les sites consultés 79

* 1 ANNAN, K. « avant propos » in UNICEF L'enfance en péril 2005. Consultable sur le site : www.unicef. org/french/2005

* 2 UNICEF Rapport sur la situation des enfants dans le monde 2000, p. 74. Consultable sur le site : www.unicef. Org /french/2000

* 3 Les statistiques que nous utilisons sont tirées des données de la Direction de la Coordination des Activités en matière de Population/Ministère de l'Economie, du Plan et de la coopération et de l'Enquête démographique et de la Santé au Tchad 2005.

* 4 Programme des Nations Unies pour le Développement : Rapport sur le Développement Humain 2000. Consultable sur le site www.undp.org

* 5 Il s'agit surtout du travail des enfants bouviers, des enfants mendiants dans les rues des grandes villes, et des domestiques.

* 6 A propos des enfants soldats au Tchad lire le numéro spécial de la revue Tchad et Culture N°258 Juin 2007.

* 7 Citons quelques exemples : la Convention relative aux Droits de l'enfant de 1990 ; la Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination ; la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ; la Charte africaine des droits et du bien être de l'enfants ; le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, et concernant la participation des enfants aux conflits armés, etc.

* 8 CORNU  G. : Vocabulaire Juridique, PUF, Paris, 2003.

* 9 THERY, I, « Nouveaux droits de l'enfant, la potion magique » ESPRIT N°3-4 Mars -Avril 1992 p.7

* 10 Pour une présentation de ces textes, Cf. Droits de l'enfance et de la famille, n°29, spécial Convention Internationale des droits de l'enfant, Centre de Formation et d'Etudes de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, 1990.

* 11 Le terme est repris trois fois dans le préambule, qui se réfère aux précédents déclarations : « ayant présent à l'esprit que, comme indiqué dans la déclaration des droits de l'enfant, « l'enfant a besoin d'une protection spéciale et des soins spéciaux, notamment d'une protection juridique, avant comme après la naissance. »

* 12 Protocole Facultatif du 25 mai2000 concernant la participation des enfants aux conflits armés entré en vigueur le 12 février 2002 ; le Protocole Facultatif concernant la vente, la prostitution des enfants et la Pornographie mettant en scène des enfants

* 13 Nous pouvons aussi nous référer à l'article 2 de la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international des enfants, article 1er du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant et concernant la participation des enfants aux conflits armés, etc.

* 14 Article 2 de la Charte africaine des droits et du bien être de l'enfant.

* 15 Article premier de la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant.

* 16 Comité des droits de l'enfant, rapport sur la quatrième session, 25 octobre 1993 CRC/C/20/Paragraphe 176. Consultable sur le site : www.un.org

* 17 Comité des droits de l'Homme, observation générale N°18 (1989) HRI/GEN/1/ rev.6 paragraphe 147 et suivant . Consultable sur le site : www.un.org

* 18 CESRR, commentaire général N°13 sur les mesures d'application de la convention, CRC/GC/2003/5 p.1 consultable sur le site : www.un.org

* 19 Pour amples informations lire BUJTENHUIJS, R. : Le Frolinat et les guerres civiles du Tchad 1977-1984, Paris, Karthala, ASC, 1987.

* 20 TETEMADI BANGOURA, M.: Violence politique et conflit en Afrique : cas du Tchad, Paris L'Harmattan, 2007, p 309

* 21 DERLEMARI, N. : Les Labyrinthes de l'instabilité politique au Tchad, Paris, L'Harmattan, 1998, p.30

* 22 Soudan, F. :« Le cancer tchadien » in Jeune Afrique N° du 15 au 22 février 2008.

* 23 Nous tenons à préciser que cette date marque le retour à la démocratie et au pluralisme politique ; cependant cette situation n'a pas empêché les différents groupes de mener des actions en vue de renverser le régime existant. Rappelons pour mémoire que le 13 avril 2006 il y avait eu également des batailles aux portes de la capitale.

* 24 CHEVALIER, J., L'Etat de droit, Paris, Montchrestien 2è éd, 1994, p.9

* 25 COLAS, D., L'Etat de Droit, Paris, PUF, 1987 p.146

* 26 BOUTET, D., Vers l'Etat de Droit : la théorie de l'Etat et du Droit, Paris, l'Harmattan, 1991, p.9

* 27 DUHAMEL, O. et MENY, Y. (sous dir.), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p.412

* 28 PECHON, D. (sous dir.), Dictionnaire encyclopédique : le petit Larousse illustré 1996, p. 409

* 29 CHEVALIER J., op. cit. p.16

* 30 CARRE de MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l'Etat, 2 tomes, Paris, Sirey 1920-1922, p.488

* 31 CARRE de MALBERG cité par Chevalier, op.cit, p.16

* 32 CONAC, G. (Sous dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme, Paris, Economica, 1993, p.79

* 33 - COLAS, D. (sous dir.), L'Etat de droit, Paris, PUF, 1987, p.02

- Cahiers de philosophie politique et juridique, 1993, n°14, Presses Universitaires de Caen

- CHEVALIERr, J., L'Etat de droit, Paris, Montchrestien, 1994, p.158

* 34 On lira utilement sur ce sujet NGUELE ABADA, « Etat de Droit et démocratisation au Cameroun », Revue CADHP, vol.5, tome n°1 et 2 ; « Démocratie sans Etat : contribution à l'étude des processus démocratiques en Afrique », Revue CADHP, vol.8 tome 7, n°1, 1998 ainsi que OLINGA A D, « L'impératif démocratique dans l'ordre régional africain », Revue CADHP, vol.8, tome 8, N°1, 1999.

* 35 CHEVALIER J, Op. cit. p.7

* 36 CHEVALIER, J, « L'Etat de droit » in RDP, n°2, 1988, p.317

* 37 KAMTO M : L'urgence de la Pensée, réflexions sur une pré condition du développement en Afrique, Yaoundé, Mandara, 1993, p.104

* 38 Ibid, p.105

* 39 Ibid, p.100

* 40 Préambule de la Constitution Tchadienne du 31 Mars 1996, révisée par loi Constitutionnelle n°008/PR/2005 du 15 juillet 2005.

* 41 TOWSEND, P., Les cahiers français n°286

* 42 BRISSET, C. Pauvretés, Paris, Hachette, 1996, p. 24

* 43 Ibid.

* 44 Comité des droits de l'homme : Droit de L'homme et extrême pauvreté consultable sur le site/www.un.org / A/HRC/7/15

* 45 Ministère de l'Agriculture/Conseil National du Comité Inter Etat de Lutte conte la Sécheresse au Sahel « Propositions nationales sur le développement d'une sécurité alimentaire durable au Tchad dans une perspective de réduction de la pauvreté ». 09.2000

* 46 Ces chiffres varient selon le niveau socio-économique ou le milieu de résidence. On note que la proportion d'enfants souffrant de retard de croissance dans les ménages les plus pauvres est plus élevée (30,4 %) que dans les ménages les plus riches (25,6 %). La prévalence de la malnutrition présente un écart assez important selon le milieu de résidence : 29,2 % en milieu rural et 25,2 % en milieu urbain.

* 47 L'utilisation de la contraception est liée également au niveau d'instruction et à la religion. Elle varie de 2,5 % chez les femmes ayant un niveau d'instruction primaire à 12,8 % chez les femmes ayant un niveau secondaire et plus. Ce taux est de 0,9 %chez la femme musulmane, 1,2 % chez la femme catholique et 2,3 % chez la femme protestante.

* 48 Les études menées dans le Cadre du Schéma Directeur de l'Eau (SDEA) indiquent qu'environ une personne sur trois a accès à l'eau potable : 45,7 % dans les zones urbaines et 26,7 % dans les zones rurales. Dans le milieu villageois le taux d'accès réel en 2000 est de 17% ; dans les milieux urbain et semi-urbain de plus de 2000 habitants, ce taux est de 33 %. Dans les villes équipées d'un réseau d'adduction d'eau potable, seulement 9,7 % de la population dispose d'un branchement, tandis que 27,5 % se ravitaillent à la fontaine publique et que le reste, soit 63 %, doit s'approvisionner aux puits, souvent de type traditionnel.

* 49 Il ressort des études menées dans le cadre du SDEA que 10,6 % des ménages utilisent des latrines rudimentaires améliorées et 88,5 % des ménages utilisent la nature comme lieu d'aisance.

* 50 BROWN, R.., Social psychology, New york, Free Press, 965p

* 51 MANIER, B., Le travail des enfants dans le monde, Paris la Découverte, p32

* 52 GODART, P., Contre le travail des enfants, Strasbourg, Desmarets, 2001, p58

* 53 BRISSET, C., Un monde qui dévore ses enfants, Paris, Liana Lévi, 1997,173p

* 54 C'est la définition retenue par la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant. Cependant, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant retient aussi 18 ans, tout en admettant une possibilité que la majorité puisse être atteinte avant cet âge si la législation interne l'autorise.

* 55 Ceci nous paraît curieux car même le projet du Code des personnes et de la Famille élaboré en 2000 et non adopté n'a pas totalement corriger cette discrimination pour harmoniser l'âge. Pour le projet du Code, l'âge légal de mariage de la fille est fixé à 17ans contre 18 pour le garçon.

* 56 Nous citons à titre illustratif la Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination ; la Convention sur les aspects civiles de l'enlèvement internationale d'enfants ; la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, etc.

* 57 CEDH, 22/03/2001Khin Calleuse

* 58 Voir les articles 6 de la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant ; 5 de la CADE ; 6 du Pacte des Droits Civils et Politiques ; et 3 articles Communs aux quatre Conventions de Genève de 1949.

* 59 Enfants séparés de leurs familles et confiés à des marabouts pour l'apprentissage du coran dans des institutions Ad hoc ou en itinérantes.

* 60 UNICEF Rapport 2004, enfant santé, éducation, égalité. N'Djamena Inédit.

* 61 Article 18 de la Constitution, article 9 de la loi n°6 sur la santé de reproduction ou des articles 252 et 254 du Code Pénal.

* 62 FALL, M Rapport sur les défis de l'Enseignement primaire au Tchad, UNESCO, 2003, 17p

* 63 Ministère de la Promotion Economique et du Développement : Enquête par grappes à indicateurs multiples. Rapport complet 2001 N'djamena, Tchad.

* 64 Rapport CRC/C/TCD/2 op. Cit. p.51

* 65 FALL, op cit p.5

* 66 Nations Unies Rapport CRC/C/TCD/ 2 op. cit.

* 67 §1et 2 du préambule de la Constitution de l'OMS, adoptée par la Conférence Internationale de la Santé à New-York du 19 juin au 22 juillet1946. Consultable sur  le site : www .who.int.fr /cgi-bin/om

* 68 cf. article 16 de la Charte Africaine des Droits de L'Homme et des Peuples ; Article25 de la Déclaration Universelle des Droits de L'Homme. 

* 69 Nations Unies : Rapport CRC/C/TCD/2 du 7 juin 2007 p.42

* 70 A propos de l'hygiène et l'assainissement, l'UNICEF souligne que 92% n'utilisent pas de latrines. Cf. UNICEF E/ICEF/2005/P/L/Rev1, 02 Novembre 2005 p.2

* 7134% dans les régions.

* 72 MICS2000.

* 73 ONU SIDA Donnée de 2003 consultable sur le site www.onusida.org

* 74 MONTESSORI, M. : La formation de l'homme cité par BRISSET op. cit. p.10

* 75 Lire NDEMBI, L D. : Le travail des enfants en Afrique subsaharienne, Paris, L'Harmattan, 2006.

* 76 FALISE, T, cité par CHAPLEAU, P., Enfants-soldats. Victimes ou criminels de guerre ? Monaco, Rocher, 2007, p.7

* 77 PRINCIPES DU CAP DE 1997.

* 78 Rapport de l'ONU sur les enfants soldats 2007. Consultable sur le site :www.un.org/french/ecosocdev/geninfo/afric/vol21

* 79 Pour un aperçu de la gravité de la question lire HONWANA, A « Innocents et coupable. Les enfants soldats comme acteurs tactique »in Politique Africaine N°80pp58-78 ou le roman fiction KOUROUMA, A., Allah n'est pas obligé, Paris, Seuil, 2000 ; ou visionner « Blood diamant » ou « Ezra » de Newton Aduaka.

* 80 cf. BEGUY R, « les enfants soldats. Le phénomène persiste » in Tchad et Culture, N°258/2007.

* 81 ERNY, P. : L'enfant dans la pensée traditionnel de l'Afrique Noire, Paris, 1968, p.85

* 82 FERME, M.: The underneath of things. Violence, History and the everyday life in Sierre Leone, Berkely,University of California Press,2001, pp. 197-198

* 83 ARIES, P : L'enfant et la vie famille sous l'Ancien Régime, Paris, Seuil, 1973.

* 84 A titre d'exemple on se référerait aux enfant jumeaux jetés dans les forêts dans la tradition Ibo au Nigeria que raconte CHINUA ACHEBE dans Le monde s'effondre ,Paris, Présence Africaine,1973 ou encore à la pratique très répandue dans certaines régions du Tchad à jeter un enfant né avec des graves tares prétextant que c'est un « serpent enfant ».

* 85 Témoignage rapporté dans la Revue Tchad et Culture N°266/2007.

* 86 Journal d'analyse générale de la localité du Moyen Chari, n°017 du 26 juin au 09 Juillet 2006 p.1

* 87 LANGE, M-F.: « l'évolution des inégalités d'accès à l'instruction en Afrique depuis 1960 » in LOCOH, T. (sous dir.) : Genre et Société en Afrique, Paris, INED, 2007, pp 185-190

* 88 Il serait intéressant de mettre en exergue ici le nombre exact de centres sociaux en fonction au Tchad, mais malheureusement nous ne disposons pas de données sur la matière. Néanmoins nous posons le constat général qui fait l'état de la situation.

* 89 DJIENA WEMBOU cité par JEUGUE DOUNGUE, M, « les juges africains et les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme » in ZOMBIE. Consultable sur le site : www.zombie.org

* 90 LALIVE cité par JEUGUE DOUNGUE, op. cit. p.5

* 91 Selon les sources du Ministère de l'Education Nationale fournies par UNESCO Institut de Statistiques, 2008.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote