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Education pour tous et qualité: Accès des femmes nigériennes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida

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par Laouali TANKO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar/ Chaire Unesco en Sciences de l'éducation (CUSE) de la Faculté des Sciences et Technologies - DEA en Sciences de l'éducation 2009
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION

L'étude de l'origine socio-économique et culturelle des femmes et la participation de celles-ci à l'éducation en matière de santé en général, et en matière de sida en particulier, constituent l'objet de notre recherche. Nous voulons savoir si le milieu socio-économique et culturel des femmes a un effet sur leur participation à l'éducation en matière de santé et sur la prévention du VIH/SIDA.

La présente recherche comprend quatre chapitres.

Dans le premier chapitre, nous avons présenté le contexte de la recherche en passant en revue le bilan des actions en faveur de l'éducation au Niger, les perspectives alternatives pour améliorer l'accès à l'éducation des groupes vulnérables que sont les femmes. Cette analyse de la situation dans laquelle les filles et les femmes nigériennes vivent, nous amène à notre question problème générale de recherche.

Le deuxième chapitre trace le cadre conceptuel et la recension des écrits sur l'éducation des filles et des femmes. Nous avons d'abord procédé à la définition des concepts-clés qui structureront notre cadre problématique et par la suite, nous avons fait un état des lieux des recherches menées sur l'éducation des filles et des femmes en Afrique en général et au Niger en particulier.

Le cadre problématique et les hypothèses font l'objet du chapitre trois. Nous avons montré comment nous comptons opérationnaliser les variables de notre étude. Dans le quatrième chapitre nous exposons le cadre méthodologique de la recherche dans lequel nous présentons : population cible, échantillon et instruments permettant la collecte des données.

Enfin, le chapitre cinq présente l'analyse des résultats de notre recherche.

La conclusion ou synthèse nous permet de faire un bilan de notre recherche, de comparer les idées annoncées et les résultats obtenus en perspective d'une thèse.

L'éducation demeure l'une des préoccupations importante de l'espèce humaine. Elle est un droit universel que toute société humaine assure à ses membres. L'éducation entretient les valeurs, les conduites et les comportements essentiels à la cohabitation pacifique et à l'épanouissement des individus. Selon Weil, (1971) «rien d'humain ne se fait, rien d'humain ne s'est jamais fait sans éducation». Dans le même sens, Louke, (1981) affirme que «l'éducation est aussi cause et effet de l'évolution du monde».

Dans de nombreux pays en Afrique, l'école est un héritage de la colonisation dont elle ne s'est pas complètement démarquée. Elle continue, dans de nombreux Etats, à appliquer et à poursuivre les finalités, les objectifs, les contenus et les structures définis et mis en place par l'école coloniale. Pourtant, partout en Afrique, le développement de l'éducation est l'une des revendications essentielles des luttes de libérations nationales et ces revendications continuent à occuper la première place dans les politiques de l'éducation nationale, c'est-à-dire la formation des citoyens, la scolarisation et les problèmes qu'elles soulèvent. Malgré tout le poids du passé ici et là facilement repérables, des efforts louables ont été accomplis.

Dans les années 1960, au lendemain des indépendances, la majorité des Etats africains s'était fixé comme objectif l'amélioration sensible et durable de leurs systèmes éducatifs. Les mesures visaient à créer des écoles qui favorisent les apprentissages fondamentaux, l'insertion des jeunes dans leur milieu et leur préparation à la vie active. C'était l'affirmation d'une véritable refondation des systèmes éducatifs car l'école, dans son contenu et ses orientations, n'était pas suffisamment ouverte aux réalités du milieu. Aujourd'hui encore, la plupart des familles africaines ne voient en l'éducation scolaire qu'une formation nécessaire pour devenir fonctionnaire. La situation est encore plus préoccupante, parce que les ruraux qui souhaitaient envoyer leurs enfants à l'école voient leurs chances se réduire à cause de la crise économique du moment. La fonction publique et le secteur privé recrutent de moins en moins alors qu'ils constituent les seules chances d'insertion socioprofessionnelle.

Compte tenu de la combinaison des efforts du passé et des difficultés économiques du moment, les systèmes éducatifs africains en général et le système éducatif nigérien en particulier ne semblent pas avoir relevé, voire être en mesure, de relever tous les défis. Face à la demande d'éducation, d'énormes efforts sont à faire. Par exemple, les inégalités d'accès à l'enseignement de base et les disparités entre sexes demeurent importantes dans l'ensemble des pays en développement où l'on note un plus grand pourcentage d'accès des garçons en première année de l'école primaire que les filles (UNESCO, MINEDAF VII, 1998).

Face aux défis qui sont : l'accroissement démographique de la société et les variations de la qualité de l'éducation, d'autres expériences méritent d'être testées pour améliorer l'effort d'accès, de rétention et les résultats de l'éducation.

En effet, la scolarisation formelle n'est pas le seul mode d'éducation connu de l'homme, même s'il est le système dominant à travers le monde. Or, cette forme de scolarisation ne permet pas toujours d'accéder à la réussite dans de très nombreux pays à travers le monde. Aujourd'hui en Afrique en général et au Niger en particulier, les principaux obstacles à la scolarisation sont de nature économique et financière. Aussi, le Niger, l'un des pays les moins scolarisés de l'Afrique Occidentale francophone, recherche-t-il des systèmes alternatifs moins coûteux et adaptés à ses besoins. Les recommandations de la sixième Conférence des Ministres de l'Education des Etats membres d'Afrique (MINEDAF VI Dakar, 1991) et du Forum «Education Pour Tous» (Dakar, 2000) servent de cadre général aux innovations en cours de réalisation au Niger. Ces innovations visent l'éducation pour tous, mais surtout l'éducation de base avec un accent sur les jeunes enfants, les filles, les femmes, les groupes marginaux, les pauvres, les jeunes analphabètes et les adultes, afin de répondre à leurs besoins éducatifs fondamentaux (UNESCO, Jomtien 1990, article 1, point 1 de la Déclaration mondiale sur l'Education pour Tous).

Les innovations et alternatives éducatives mises en oeuvre doivent tout à la fois contribuer à améliorer l'accès à l'éducation, en particulier des groupes sensibles de la population, rehausser la qualité et l'efficacité des systèmes éducatifs en général, mais aussi permettre aux individus de trouver des réponses pertinentes à leurs besoins et attentes spécifiques. Dans bien des cas, les innovations et alternatives éducatives doivent permettre de faire face à la résistance à l'éducation de type formel et au phénomène de déscolarisation qui semblent gagner du terrain dans certaines régions des pays confrontés à des revendications économiques, culturelles et religieuses. Nous pouvons noter parmi celles-ci la montée des intégrismes religieux.

Dans ce sens, les innovations et alternatives éducatives devront être considérées comme des composantes crédibles et significatives des systèmes formels d'enseignement. C'est à ce titre qu'elles doivent en plus de l'amélioration de l'accès qui semble être la préoccupation primordiale des pouvoirs publics, dispenser des programmes d'alphabétisation aux effets durables et offrir des programmes pertinents à la fois par rapport aux attentes et besoins actuels, sans perdre de vue la réalisation de bonnes conditions d'autonomie économique à leurs bénéficiaires.

Dans cette perspective et pour la première fois de son histoire, le système éducatif nigérien s'est vu doter d'une loi n°98-12 du 1er juin 1998, qui vise à asseoir le système sur des bases nouvelles et réalistes. La loi de 1998 vise à faire face aux nombreux défis de formation et d'apprentissage, y compris dans le domaine de l'éducation en matière de santé et en particulier en VIH/SIDA.

En réalité, l'éducation en matière de santé semble vouée à un bel avenir. C'est un volet essentiel des nouvelles approches en éducation. Elle prend un relief particulier du fait du sida. Le péril du VIH/SIDA a encore rendu plus pertinente cette approche en matière d'éducation.

Quelles stratégies mettre en oeuvre pour vaincre les obstacles socioculturels à l'éducation des filles et des femmes et atteindre un plus grand nombre de participants ? Dans quelle mesure les programmes d'éducation comme l'éducation en matière de sida pourraient-ils contribuer à l'amélioration de l'accès à l'éducation d'un grand nombre de filles et de femmes ? Cette approche alternative permet-elle de pallier la qualité de l'éducation qui passe par l'acquisition des compétences socialement et économiquement utiles ? Dans quelle mesure ces programmes d'éducation en matière de santé permettent-ils à un plus grand nombre de participants d'accéder à un certain type de savoir réservé à l'éducation formelle en particulier les femmes ?

Quels sont les attentes et besoins d'éducation des femmes qui s'inscrivent au programme de santé et de lutte contre le sida ? Quelles perceptions les bénéficiaires des programmes d'éducation en matière de santé et du sida, en particulier les femmes et les jeunes filles, ont-elles de ces programmes spécifiques d'éducation ? Quel est leur degré d'adhésion et d'engagement dans le suivi des formations dispensées ? Quels profits, les bénéficiaires de ces programmes en tirent-ils ?

C'est à toutes ces questions que nous tenterons de trouver des réponses tout au long de notre recherche.

CHAPITRE 1

Contexte de la recherche

Dans ce chapitre, nous présentons la situation du système éducatif nigérien à travers son évolution historique, ses forces et ses faiblesses afin de circonscrire la place que l'éducation en matière de santé en général et de lutte contre le VIH/SIDA en particulier pourrait y occuper.

La présentation physique, démographique, culturelle, politique, socio-économique et scolaire du Niger est indispensable pour bien comprendre le contexte général de notre recherche. La situation scolaire retiendra particulièrement notre attention ; elle nous permettra d'examiner l'environnement éducatif dans lequel vivent les filles et les femmes.

Faisant suite à la description du contexte éducatif en général, nous traiterons des programmes spécifiques et alternatifs d'éducation, comme l'éducation en matière de VIH/SIDA, et la justification de l'intérêt qu'ils portent aux filles et aux femmes.

1.1. Présentation du Niger

1.2. Caractéristiques physiques et climatiques

Le Niger est situé dans la partie Est de l'Afrique Occidentale, en zone sahélo-saharienne entre le 12è et 13è degré de latitude Nord. Il a une superficie de 1.267.000 km2. C'est un immense pays plat, parsemé de montagnes et de plateaux où l'altitude culmine à 2000 mètres dans sa partie Nord-Est dans l'Aïr (MEN, 2001). Le Niger est délimité : au Nord par l'Algérie et la Libye ; à l'Est par le Tchad ; au Sud par le Nigeria (sur environ 1500 km) et le Bénin ; au Sud-Ouest par le Burkina Faso et à l'Ouest par le Mali.

Le climat de type sahélien au Sud se caractérise par deux saisons : une saison sèche d'octobre à juin et une saison de pluies de juin à septembre. Les journées sont chaudes et les nuits sont fraîches. Au Nord par contre, le climat saharien règne sur le désert du Ténéré et sur l'Aïr. Les pluies y sont rares voire inexistantes et les températures fort contrastées. Les nuits sont froides en hiver (10°C) et les journées torrides (40°C).

1.3. Caractéristiques démographiques

La population du Niger est estimée à 11.422.995 habitants en 2001 (Recensement Général de Population 1988 réactualisé). Avec un taux d'accroissement de 3,4%, la population nigérienne doublera d'ici 21 ans. Le Niger se caractérise par un profil démographique pouvant être résumé comme suit :

· une croissance rapide de la population, proche de 3,4% par an, avec un taux de mortalité de 20 pour mille et un taux de fécondité de 7,5 enfants en moyenne par femme en âge de procréer ;

· près de 80% des habitants sont des ruraux et 63% des nigériens sont extrêmement pauvres c'est-à-dire vivent avec moins d'un dollar par jour par habitant selon l'Indice du Développement Humain (IDH) (PNUD, 2000) ;

· 50% des nigériens ont moins de 15 ans d'où une forte pression sur l'école ;

· une légère prédominance féminine (51% de la population totale). Bien que la jeunesse soit une potentialité humaine importante pour le développement, son poids excessif constitue une charge pour la vie active en termes d'investissements énormes pour satisfaire les besoins d'éducation, de santé, d'alimentation et d'emploi ;

· un taux d'alphabétisation chez les 15 ans et plus de 25,1% pour les hommes et 9,3% pour les femmes selon l'UNESCO (2004).

Carte du Niger avec indication des régions

Source www.izf.net

1.4. Caractéristiques culturelles et politiques

La société nigérienne est constituée principalement de huit ethnies. Les plus importantes sont les Haoussa, les Touaregs, les Djerma, les Peuls, les Kanouri.

Les religions les plus répandues sont l'Islam (presque 98,6% de la population est musulmane), le Christianisme (0,22%) et l'Animisme. Jusqu'à présent, les différents groupes culturels ont su cohabiter de manière intelligente et pacifique, se fréquentant mutuellement tout en étant perméables aux influences exogènes des colonisateurs tels les Européens et les Arabes.

Toutefois, on constate dans certains milieux, des formes de résistance à l'école moderne du fait des valeurs véhiculées par celle-ci. Mais, cela ne semble pas pour autant nier l'existence de l'influence de l'école coloniale au Niger.

La société nigérienne semble subir les mutations importantes et accélérées de l'urbanisation. Ces changements culturels sont liés à des modèles de comportements véhiculés par les moyens d'information et de communication, et aux valeurs d'un système éducatif peu adapté et en rupture avec l'identité culturelle du pays. La société nigérienne a subi de ce fait des mutations culturelles aux antipodes des valeurs traditionnelles.

Conjointement, le développement de l'individualisme apparaît en même temps que l'aggravation de la déscolarisation et de la marginalité sociale qui ont pour corollaires : délinquance, criminalité, etc. Tout cela s'accompagne d'une situation climatique défavorable et qui a pour conséquence un impact défavorable sur l'essor économique.

Au plan politique, le Niger se caractérise par un processus de démocratisation amorcé en 1991 au sortir de la Conférence Nationale tenue du 29 juillet au 3 novembre 1991. C'est à partir des recommandations de cette Conférence Nationale que la tenue des Etats Généraux de l'Education a eu lieu en 1992, afin de mettre en place un nouveau système éducatif qui satisferait les exigences nationales en s'adaptant aux besoins et attentes des populations.

1.5. Caractéristiques socio-économiques

Les politiques d'ajustement structurel adoptées depuis 1987 accroissent les disparités individuelles et régionales.

La privatisation, le poids de l'endettement extérieur, la chute du cours de l'uranium et la détérioration des termes de l'échange grèvent les politiques du gouvernement ces quinze dernières années. Les difficultés socio-économiques affectent plus particulièrement le monde rural où elles ont pour conséquences le déficit alimentaire, la dégradation continue de l'écosystème, la paupérisation croissante des campagnes et un état de santé précaire (42% de couverture sanitaire, MSP/LCE Niger , 2000). Cette situation de pauvreté pousse des familles entières à émigrer vers des régions plus clémentes et plus favorables pour leurs activités. C'est ainsi que l'exode rural est de plus en plus massif au Niger. Il concerne généralement les paysans qui profitent de la période de soudure c'est-à-dire la saison sèche (d'octobre à juin) pour aller chercher un travail temporaire en ville ou dans un pays voisin avant la saison des pluies.

En somme, la situation démographique, culturelle, politique et socio-économique du Niger s'accompagne d'une dégradation des conditions de vie des populations les plus démunies et les plus vulnérables parmi lesquelles les filles et les femmes. Ces problèmes sont susceptibles d'entraver l'accès des filles et des femmes à l'éducation en général, et aux programmes spécifiques d'éducation comme l'éducation en matière de santé en particulier.

1.6. Caractéristiques scolaires

Le système éducatif du Niger est défini par la loi n°98-12 du 1er juin 1998 comme "l'ensemble constitué par les instances d'initiatives et de conception, les structures de planification, de production, et de gestion, ainsi que les établissements d'enseignement et de formation qui concourent en interrelation à la transmission des savoirs , des savoir-faire et des savoir-être" (article 1er ).

C'est ainsi que le système éducatif nigérien se caractérise par :

· un taux brut de scolarisation (Tbs) dans l'enseignement primaire de 40% en 2002 ; les perspectives d'amélioration de l'accès au primaire sont faibles en raison des contraintes budgétaires, mais aussi de la défiance des populations de certaines zones qui considèrent l'école comme un facteur de libertinage et de dégradation des moeurs surtout chez les filles qui ont échoué.

Malgré le système bien connu en Afrique des classes multigrades et à double flux, le taux de scolarisation au Niger est toujours faible. Le redoublement dans l'enseignement primaire est très élevé. Il est de 10 à 20% entre le CI et le CM1 (c'est-à-dire la première et la cinquième année de scolarisation primaire) et de 36% au CM2 , où seuls 22% des élèves réussissent à l'examen final de fin de cycle de base 1 selon le programme décennal de développement de l'éducation au Niger (PDDE Niger, 2001). Beaucoup d'élèves, après avoir quitté l'école, tombent dans l'illettrisme :86,4% de la population adulte est analphabète (UNESCO, 1999).

De surcroît, les taux de scolarisation et d'analphabétisme cachent des disparités entre les garçons et les filles, entre régions, et entre zones urbaines et zones rurales. Dans le primaire, les garçons sont scolarisés à hauteur de 41,4% contre 26,9% pour les filles. Le milieu urbain enregistre un taux de scolarisation de 50,9% contre 27,8% pour le milieu rural. Le taux de scolarisation primaire des régions varie de 23,6% à 42,4% (exclu le cas de la communauté urbaine de Niamey) (PDDE Niger, 2001).

Quatre sous systèmes composent le système éducatif nigérien :

L'éducation formelle, l'éducation non formelle, l'éducation informelle et l'éducation spécialisée.

A. L'Education formelle

L'éducation formelle comprend trois niveaux : l'enseignement de base, l'enseignement moyen, et l'enseignement supérieur.

A.1. L'enseignement de base se compose :

· du préscolaire (enfants de 3 à 5 ans) ;

· du cycle de base 1 qui accueille les enfants de 6 -7 ans avec une durée de scolarité de 6 ans. Ce cycle est sanctionné par le diplôme du Certificat de Fin d'Etudes du Premier Degré (CFEPD). Il prépare au cycle de base 2 (collège) pour les détenteurs du CFEPD, ou ouvre les portes à la vie active ;

· du cycle de base 2 qui accueille les enfants de 12 à 13 ans, avec une scolarité de 4 ans. Ce cycle, est sanctionné par un diplôme de fin d'étude de base appelé Brevet de Fin d'Etudes du Premier Cycle (BEPC). Il donne accès à l'enseignement moyen (lycée) ou ouvre les portes à la vie active.

A.2. L'enseignement moyen accueille les élèves de 16 à 17 ans avec une durée de scolarité de 3 ans. Il comprend :

· l'enseignement moyen général qui a pour mission de consolider les acquis de l'éducation de base ; d'apporter à l'élève de nouvelles connaissances dans le domaine scientifique et littéraire, le raisonnement, l'expérimentation et la recherche, l'analyse et la synthèse, le jugement et l'invention ; de le préparer à l'enseignement supérieur ou à la vie active (MEN, 1998) ;

· l'enseignement moyen technique et professionnel dont les missions sont entre autres :

- d'apporter à l'élève de nouvelles connaissances dans les domaines des

sciences, des techniques et des arts ;

- de produire une main d'oeuvre qualifiée pour des niveaux professionnels intermédiaires ;

-de faire acquérir des connaissances techniques et des compétences professionnelles nécessaires pour développer l'agriculture, l'élevage, l'artisanat, l'industrie, le commerce et l'économie ;

-de susciter des vocations dans le domaine de l'ingénierie et de préparer les jeunes aux autres techniques en vue des études supérieures ;

-d'assurer la formation continue des professionnels et de préparer les jeunes à la vie active ou à l'enseignement supérieur.

L'accès à l'enseignement moyen est ouvert aux titulaires du diplôme de fin d'études de base (BEPC). Les études sont sanctionnées par le diplôme du Baccalauréat qui donne accès à l'enseignement supérieur (MEN, 1998).

A.3. L'enseignement supérieur

Il comprend toutes les formations post enseignement moyen. Il vise à fournir aux services de l'Etat et au secteur privé des cadres qualifiés, à former des cadres supérieurs capables de jouer un rôle significatif dans la création et le développement de la pensée et de la science universelle (MEN, 1998).

B. L'éducation non formelle

La loi n°98-12 du 1er juin 1998 définit l'éducation non formelle comme un mode d'acquisition de l'éducation et de formation professionnelle dans le cadre non scolaire. Elle s'adresse aux jeunes (garçons et filles) et aux adultes (hommes et femmes). Elle est assurée dans les centres d'alphabétisation et de formation des adultes, dans les écoles confessionnelles, les centres de formation des structures occasionnelles de formation et d'encadrement. Elle permet, par des méthodes appropriées, l'éducation des personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont pas reçue jusqu'à son terme. En 2000, le taux d'alphabétisation était de 19,9% selon l'enquête à indicateurs multiples de l'Unicef (MICS) , (Unicef Niger, 2000). Les programmes spécifiques d'éducation comme l'éducation en matière de santé trouvent ici leur place dans le système éducatif tel que défini par la loi n°98-12 .

C. L'éducation informelle

L'éducation informelle est définie comme étant le processus par lequel une personne acquiert, durant sa vie, des connaissances, des aptitudes et des attitudes par l'expérience quotidienne et les relations avec le milieu. Ses principaux canaux sont la cellule familiale, la communauté, les groupes sociaux, les médias communautaires et les autres instruments de communication, les divers mouvements associatifs. Elle comprend l'éducation traditionnelle offerte naturellement par la société. Elle dispense l'éducation traditionnelle ou pré- coloniale pratiquée en Afrique noire d'après Erny (1977) qui montre dans quelle mesure les difficultés actuelles de l'éducation dans les pays africains comme le Niger sont les résultats directs de la négation de l'éducation traditionnelle par la colonisation.

A travers l'éducation traditionnelle, à partir de l'âge de six-sept (6-7) ans environ, de nouveaux modes de socialisation interviennent. Selon le sexe, l'enfant est pris en charge soit par la mère, soit par le père. Il se tisse entre parents, adultes et enfants des relations de maître à disciple. L'enfant apprend à participer au fonctionnement des mécanismes sociaux et à jouer son rôle de producteur. Le garçon ira chercher de l'herbe nécessaire à nourrir le cheval de son père, il accompagnera celui-ci au champ où il sera initié au maniement des instruments aratoires et apprendra à garder les animaux de la famille. Quant à la jeune fille, elle ira puiser de l'eau avec sa mère, se rendra au marché avec elle, s'occupera aussi des animaux, veillera sur ses frères et soeurs cadets, nettoiera la concession, fera la vaisselle, allumera et surveillera le feu de la cuisine.

Toutes ces activités traditionnelles permettent aux jeunes enfants de s'initier à ce que sera leur véritable rôle de producteurs dans leur milieu naturel et traditionnel quand ils seront grands.

Toujours à travers l'éducation traditionnelle, à l'adolescence (10-15 ans), l'enfant participe directement aux activités sociales et de façon responsable. La formation des corps de métiers selon la division sociale du travail indispensable au fonctionnement de la société est assurée à cette étape (paysans, cordonniers, tisserands, forgerons, etc.). C'est au cours de cette période que la jeune fille reçoit une éducation toute particulière qui la prépare à son rôle de future épouse ou mère. Pendant l'adolescence, les jeux occupent une place importante dans l'éducation traditionnelle des nigériens. Les activités ludiques et ludomotrices contribuent beaucoup à former le caractère et à développer les aptitudes physiques et morales de l'adolescent.

Le passage de l'adolescence à l'âge adulte est marqué par une série d'épreuves dont l'initiation.

Le facteur clé de l'éducation traditionnelle réside dans la maîtrise parfaite de la langue d'éducation de l'enfant, langue qui est d'ailleurs celle de son milieu (Moumouni, 1967).

L'éducation informelle n'a pas d'écriture propre et le processus d'apprentissage n'est assujetti à aucune programmation stricte. Elle correspond à l'éducation traditionnelle qui prévalait avant la colonisation au Niger. C'est cette éducation qui maintient la fille dans une position sociale vis-à-vis du garçon. Cette éducation prépare la jeune fille à son rôle de future épouse ou de mère. La jeune fille apprend comment se tenir en présence d'un jeune homme (éventuel mari), comment lui adresser la parole, comment s'habiller, etc. La fille est ainsi préparée à la vie au foyer. Son instruction ne semble pas avoir autant d'importance et d'intérêt que celle du garçon.

D. L'éducation spécialisée

L'éducation spécialisée a pour mission l'éducation ou la rééducation et la formation des citoyens handicapés physiques, mentaux ou sensoriels (sourds-muets, malvoyants) afin de faciliter leur insertion ou réinsertion sociale. Elle est assurée dans des établissements pour handicapés physiques ou mentaux et les centres de rééducation des jeunes délinquants (cas du centre de rééducation de Dakoro au Niger). Les filles et les femmes sont absentes dans ce genre de structures qui semblent être destinées aux garçons et aux hommes. Le handicap chez une fille ou femme est perçu comme une fatalité. Beaucoup plus que l'homme, la femme handicapée doit s'en remettre au sort. D'où la faible prise en charge des filles et des femmes dans les institutions spécialisées pour handicapés.

1.7. Forces et faiblesses du système éducatif nigérien

En 1960, année de son accession à l'indépendance, le Niger était l'un des pays les moins scolarisés de l'Afrique de l'Ouest francophone. Dans l'enseignement primaire, on dénombrait à cette époque 21.054 élèves, soit 3,6% de la population scolarisable (MEN, 2000).

Dans le domaine de l'alphabétisation des adultes, la situation était encore plus préoccupante. Le taux d'alphabétisation du Niger était de 1% en 1960 (MEN, 2000).

Ces taux très faibles rendent compte du faible niveau de développement des ressources humaines. C'est un défi à relever en déployant de gros efforts dans le domaine de l'éducation.

a). Les réalisations

L'éducation est un facteur privilégié pour accélérer le développement économique et social d'un pays. C'est à ce titre que les nouvelles autorités du Niger ont mis en oeuvre dès 1960 une politique ayant pour objectif de développer la scolarisation au plan quantitatif en application du plan d'Addis Abéba (1961) qui prévoyait, en vingt ans (1960-1980) la généralisation de l'enseignement primaire sur l'ensemble du continent africain. Dans cette perspective, d'incontestables progrès ont été enregistrés en matière d'expansion des effectifs.

Pour améliorer la fréquentation scolaire, le Niger a tenté l'expérience de la télévision scolaire commencée à Niamey en 1964 dans deux (2) classes totalisant 70 élèves. En 1966, l'expérience s'est étendue à 20 classes primaires rurales situées au nord-ouest de Niamey, le long du fleuve niger. En 1972, l'expérience devrait s'étendre à l'ensemble des régions du pays. Mais ce modèle d'enseignement télévisé a été abandonné en 1975 et l'arrêté n° 51/MEN/DEPCS du 6 octobre 1980 recommande le retour à l'ancien système d'enseignement.

Alors qu'à l'indépendance en 1960, le taux de scolarisation était de 3,6%, il est passé à 12,97% en 1970 et 24,56% en 1980. En 1990, il atteint 27,5% puis 34,14% en 2000. Ce taux de scolarisation donc a augmenté de 30,54% en 40 ans comme le montre le tableau n° 1 suivant.

Tableau n°1 Evolution des taux bruts de scolarisation de base (de 1960 à 2000)

Années

1960

1970

1980

1990

2000

Taux de scolarisation

3,6%

12,97%

24,56%

27,5%

34,14%

Source : MEN/DEP, Niger, 2000

Toutefois, ce tableau montre aussi qu'avec un taux de scolarisation de 34,14% en 2000, 2 enfants nigériens sur 3 ne vont pas à l'école.

Depuis l'année de l'indépendance, le nombre d'écoliers s'est considérablement accru. De 1960 à 1986, en chiffres absolus, le nombre d'enfants scolarisés (tous niveaux primaires confondus) est passé de 21.054 à 272.622 élèves. Il faut noter que l'évolution des effectifs ne s'est pas faite au même rythme et de manière continue au fil du temps comme le montrent les pourcentages des taux de croissance du tableau n°2 qui suit.

Tableau n° 2 Taux de croissance des effectifs scolaires primaires au Niger de 1960 à 1999

ANNEES

Taux de croissance des effectifs

1960-1969

16,3%

1970-1979

9,3%

1980-1989

4,7%

1990-1999

4,1%

Source : Annuaire des statistiques scolaires MEN/DEP,Niger, 2000

Le taux de croissance des effectifs a ainsi régulièrement diminué de décennie en décennie. Mais ce sont principalement les périodes 1980-1989 et 1990-1999 qui marquent de façon significative la diminution du taux de croissance des effectifs. Cette situation résulte du contexte économique du pays. En effet, c'est au début des années 1980 que le Niger est entré dans une période d'austérité provoquée par la crise économique qui continue encore à grever l'économie. Cette situation économique provoque aussi une baisse drastique des investissements dans tous les secteurs notamment dans celui de l'éducation.

Malgré ces difficultés, les réalisations sont sommes toutes importantes. En effet, en 2000, c'est-à-dire quarante (40) ans après l'indépendance, le cycle de base 1 (enseignement primaire) compte 579.486 élèves, soit 27,5 fois les effectifs de 1960 avec un accroissement moyen des effectifs de 8,6% par an. Dans l'enseignement secondaire (tous cycles confondus, c'est-à-dire le collège et le lycée), les effectifs ont été multipliés par 96, passant de 1040 élèves en 1960 à 99.780 élèves en 2000 (MEN, 2001).

L'alphabétisation des adultes a enregistré elle aussi des progrès appréciables et appréciés en termes d'expansion des effectifs d'auditeurs du fait de l'extension de l'offre liée aux besoins et aux préoccupations du moment : 1% en 1960, et 19,9% en 1999, d'après l'Unesco (1999). Des campagnes d'alphabétisation en langues nationales (haoussa, fulfulde, djerma, tamachek, etc.), des programmes liés au développement rural, des activités de formation des travailleurs du secteur moderne, post-alphabétisation, alphabétisation fonctionnelle, des programmes d'alphabétisation des femmes liés à des activités génératrices de revenus, tels sont les principaux atouts de la politique d'alphabétisation au Niger.

Malgré ces résultats appréciables, force serait de constater que les femmes en auraient moins bénéficié que les hommes. Il serait intéressant d'évaluer si les programmes d'alphabétisation, les taux de participation des filles et des femmes, leur permettent d'être indépendantes économiquement. De la même manière, l'impact positif des programmes d'alphabétisation sur les filles et les femmes mériterait d'être lui aussi mesuré. D'une manière générale, ce sont les limites imposées à ces programmes par les obstacles culturels qui devraient être objectivement évalués.

En effet, c'est la situation particulière des filles et des femmes dans le domaine de l'éducation et de l'alphabétisation qui a conduit à l'élaboration de la loi n°98-12 du 1er juin 1998 portant orientation du système éducatif nigérien.

b). L'éducation des filles et des femmes au Niger

La loi n°98-12 vise à asseoir le système éducatif nigérien sur de nouvelles bases plus réalistes. Elle se réfère à la déclaration de Jomtien sur l'éducation pour tous de 1990. Elle réaffirme que l'école nigérienne est non confessionnelle. L'éducation doit donner des chances égales à tous, fondées sur le mérite et l'aptitude. La priorité est donnée à l'alphabétisation, à l'éducation de base et à la formation professionnelle. Toutes les dispositions de la loi n°98-12 mettent l'accent sur la réduction des disparités entre sexes et la réduction de l'analphabétisme.

Le Niger, à l'instar des autres pays, s'investit dans l'éducation de base en menant des actions en faveur des filles. C'est ainsi que le projet sectoriel de l'enseignement fondamental (PROSEF) a été initié par arrêté n°171/MENS/R du 11 octobre 1994. Il a pour objectif de porter la proportion des filles scolarisées de 36% en 1995 à 40% en 2000 dans l'enseignement de base. Cet objectif a occasionné la création d'une cellule technique pour la promotion de la scolarisation des filles (CTPSF). Cette cellule a pour mission de sensibiliser les parents et les leaders d'opinion à la nécessité d'envoyer les filles à l'école et de les protéger contre le mariage précoce. Pour ce faire, des zones d'action prioritaires (ZAP) ont été identifiées. Des activités de proximité dans ces zones, avec des ONG locales, ont été organisées. Après cinq années de fonctionnement, un bilan conclut à un impact positif sur la scolarisation des filles. La promotion de l'accès des filles à l'éducation de base a progressé de 39,2% en 1999, 39,4% en 2000 et 40% en 2001 pour les inscriptions en première année de l'enseignement primaire ou CI (cours d'initiation) (MEN/ CTPSF, 2001).

D'une manière générale, à tous les échelons et dans divers domaines de l'éducation, la préoccupation est la même : lever les obstacles à la différenciation et à la participation des filles et des femmes à l'éducation. Des progrès ont été enregistrés, mais l'évolution du taux de scolarisation des filles dans l'enseignement primaire reste encore faible. Les filles représentent 23,4% des effectifs en 1999 (MEN, 2000). En effet, il est fréquent au Niger que les filles aînées ne soient pas inscrites à l'école ou l'abandonnent dès qu'elles doivent s'occuper de leurs petits frères ou soeurs. Il est aussi rare que ces mêmes filles retournent à l'école lorsqu'elles deviennent un peu plus âgées. Aujourd'hui encore, certaines pratiques, croyances sociales et culturelles sont de véritables freins à la scolarisation des filles. En effet, dans certaines communautés rurales du Niger, envoyer une fille à l'école, est synonyme de l'exposer aux risques de la perversion. Assez souvent encore, la jeune fille est retirée de l'école à la puberté pour commencer une vie matrimoniale.

Certes beaucoup de mesures ont été prises en vue de l'amélioration de la scolarisation de la fille ou de la femme au Niger.

Mais compte tenu des faibles taux de scolarisation et d'alphabétisation et des disparités importantes entre régions et entre genres, le Niger doit encore faire de gros efforts pour atteindre les objectifs de 2015 qui sont de «faire en sorte que d'ici 2015, tous les enfants, notamment les filles-y compris les plus pauvres, les enfants qui travaillent et les enfants ayant des besoins spéciaux- aient la possibilité d'accéder à un enseignement primaire de qualité et de le suivre jusqu'à son terme» (EPT, Dakar, 2000).

Les objectifs visés en 2000 ne sont pas encore atteints compte tenu du contexte économique difficile. Toutes les réformes ont surtout traité des questions d'accès à l'éducation formelle, de réformes de l'enseignement, de la politique d'élaboration des manuels scolaires, des programmes d'enseignement et de formation, etc. Elles se sont peu intéressées aux programmes spécifiques pour ceux qui n'ont pas accès ou ceux qui ont été exclus du système éducatif. Pourtant, les filles et les femmes sont de plus en plus au centre des préoccupations actuelles de l'éducation en matière de santé. Ainsi, pour la Banque Mondiale «en offrant aux femmes la possibilité de s'instruire, un pays peut réduire la pauvreté, améliorer la productivité, alléger les pressions démographiques et assurer à ses enfants un meilleur avenir » (Herz, Subbaro, Habib et Raney, 1993, p.iii).

En effet, le faible niveau de scolarisation et d'alphabétisation de la majorité des femmes dans le monde en général, constitue un obstacle majeur à la transmission des messages éducatifs selon Seck (1999).

En général, les dysfonctionnements de la scolarisation révèlent de faibles rentabilités internes et externes des systèmes éducatifs. Ces problèmes et difficultés suscitent la nécessité d'adopter d'autres approches pour accroître l'accès et améliorer la qualité et les bénéfices des retombées de l'éducation. De nouvelles perspectives ouvrent de nouvelles dimensions à la campagne en faveur de l'éducation pour tous (EPT). L'engagement des participants au forum mondial sur l'éducation en faveur de l'éducation pour tous est de «répondre aux besoins éducatifs de tous les jeunes. Les Etats doivent assurer aux jeunes un accès équitable à des programmes adéquats ayant pour objectif l'acquisition des connaissances ainsi que des compétences liées à la vie courante» (UNESCO, Dakar, 2000).

Selon Oxfam (1999), «l'éducation est plus que jamais la seule arme efficace contre la pauvreté dans le monde. Elle sauve des vies». En ce sens, l'éducation en matière de santé est, elle aussi, plus que jamais, l'une des armes efficaces contre la propagation du VIH/SIDA.

Les programmes d'éducation en matière de santé doivent contribuer à résoudre les problèmes d'accès, d'équité et de qualité du système éducatif. Ces programmes seraient un moyen de pallier le manque de ressources nécessaires pour éradiquer l'analphabétisme. Ils peuvent être dispensés tout en tenant compte de la disponibilité des femmes, et à partir de leur motivation individuelle à apprendre.

C'est à ce titre qu'il paraît intéressant de se demander dans quelles mesures les programmes d'éducation en matière de santé permettent d'améliorer les conditions de vie des bénéficiaires, et de manière significative à les mettre à l'abri de certaines situations à risque telle l'infection au VIH/SIDA.

Car aujourd'hui, le monde fait face à la pandémie du sida qui est un problème lié au seul comportement humain. Chaque société se caractérise par ses propres modes de transmission. Pour le moment l'éducation préventive est l'une des armes efficaces pour lutter contre la propagation du VIH/SIDA dans le monde.

1.8. La lutte contre le VIH/SIDA au Niger

Depuis l'apparition de la pandémie du sida au Niger en 1987, le nombre de cas ne cesse de croître. De 18 cas en 1987, les données actuelles font état de 5598 cas en 2000 selon le Programme National de Lutte contre le Sida et les Infections Sexuellement Transmissibles (PNLS/IST Niger, 2001).

Le début de la lutte contre le VIH/SIDA au Niger remonte à mars 1987 après une table ronde télévisée dont l'objectif était de faire prendre conscience à la population de l'ampleur du fléau. Un mois après, un comité national de lutte contre le sida (CNLS) était constitué auquel le Global Program Aids de l'OMS (prédécesseur de l'ONUSIDA) apportait son appui technique et financier.

Un programme à court terme a été mis en place. Des actions multiformes telles que des activités d'information, d'éducation et de communication (IEC) visant à sensibiliser les jeunes, les femmes en général et tous les groupes vulnérables en particulier, ont été menées par différents intervenants publics, privés, confessionnels et associatifs. Tous avaient pour objectif la réduction de la transmission hétérosexuelle du VIH/SIDA au Niger.

Des séminaires de formation à l'attention des médecins, des assistants sociaux, des infirmiers, des leaders d'opinion, des professeurs de sciences naturelles des collèges et lycées et des animateurs de jeunesse non scolarisée ont été organisés sur l'ensemble du territoire nigérien. Des productions et diffusions de matériels didactiques comme des affiches sur les préservatifs, des cassettes audio, des banderoles, des pièces de théâtre ont été réalisées à travers le pays pour démontrer le danger que représente le sida dans une communauté.

Des enquêtes CAP (connaissances, attitudes et pratiques) sur le VIH/SIDA ont été effectuées sur l'ensemble du pays, et même un «projet pilote sida et migration au Niger» (1993) initié par l'ONG Care International a été monté. Il avait pour objectif de suivre les migrants nigériens du Département de Tahoua jusqu'à leur lieu d'exode à Abidjan en Côte d'Ivoire, principal pays d'accueil.

Toutes ces différentes actions de sensibilisation visaient à faire prendre conscience aux populations nigériennes de l'intérêt qu'il y a à adopter des comportements responsables à moindres risques partout où les populations se retrouvent. En raison de l'absence d'un vaccin pour éradiquer le sida, la prévention qui passe par l'éducation est l'une des armes les plus sûres pour combattre la pandémie du sida. L'éducation préventive doit jouer un rôle important dans cet effort de réduction de la progression et de l'impact de la pandémie du sida. Cette prévention porte sur la sensibilisation et les méthodes non formelles pour l'éducation des adultes et des jeunes déscolarisés. Elle inclut aussi des informations spécifiques sur les modes de contamination et de prévention du VIH/SIDA. Elle dispense à ses auditeurs :

· des connaissances nécessaires pour prendre de bonnes décisions ;

· des informations pour se comporter d'une manière saine ;

· et surtout, des opportunités d'alphabétisation et d'acquisition de compétences spécifiques pour l'indépendance économique.

En effet, malgré les bonnes intentions qui consistent à faire prendre conscience aux populations du fléau que représente le VIH/SIDA, le nombre de victimes ne cesse de croître. Aussi les éducateurs en général sont-ils les premiers interpellés face à cette pandémie dont la solution requiert l'éducation des populations à défaut de réponse à caractère médical. En l'état actuel, les programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida mettent un accent particulier sur l'éducation des filles et des femmes qui sont leurs principales cibles. Celles-ci ont moins accès à l'école que les garçons et les hommes ; et elles présentent également les plus forts taux d'abandon scolaire.

Cependant, malgré les efforts et l'attention dont elles sont l'objet de la part des promoteurs de ces différents programmes d'éducation, elles semblent manifester de réelles résistances même à cette forme d'action éducative dont elles sont les bénéficiaires. Manifestent-elles ainsi leur résistance à toute action éducative ou simplement leur rejet de cette forme d'éducation qui met à nu les comportements sociaux ?

En effet, les croyances et les comportements socioculturels dans des sociétés encore fortement traditionnelles comme il en existe au Niger, imposent à chaque catégorie sociale des règles de vie et de comportement à adopter pendant toute la vie. La résistance est d'autant plus tenace s'il s'agit d'institution occidentale telle l'école en laquelle ces catégories voient une forme d'agression socioculturelle. Pourtant, c'est pour faire face au nouveau péril que constitue le sida que s'inscrivent les programmes de lutte contre ce fléau. L'une des motivations premières est d'offrir des programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida, par le truchement des ONG et le PNLS/IST pour atteindre les populations défavorisées des zones rurales et des quartiers péri-urbains surpeuplés et pauvres. Les filles et les femmes sont les plus exposées à cause de leurs statut et rôle dans la société nigérienne que nous traiterons dans la partie qui suit.

1.9. Le statut et le rôle de la femme au Niger

Il est important de s'intéresser au statut et au rôle des femmes dans la société nigérienne pour comprendre pourquoi les femmes sont les cibles privilégiées des programmes d'éducation de santé pour lutter contre le VIH/SIDA. Le Niger est un pays à forte dominance islamique (98,6%) et la religion joue un rôle important dans la définition du statut et du rôle de la femme. Mais la religion n'est pas le seul facteur explicatif qui confine au foyer les femmes. En effet, selon Deblé, (1980, p.89), «le facteur religieux n'est que l'un des facteurs culturels qui peuvent rendre plus ou moins rigides les limites imparties au «rôle» de la femme dans un groupe donné». Aux facteurs religieux viennent s'ajouter d'autres facteurs culturels hérités des traditions séculaires. Le souvenir de l'imposition d'une éducation occidentale, qui est liée au christianisme et des incitations à la conversion restent encore vivaces au Niger, d'où la préférence que les parents accordent à une éducation islamique surtout des filles plus que des garçons. La crainte est en effet de voir l'éducation occidentale promouvoir chez les filles des valeurs et un comportement qui sont contraires aux normes culturelles souvent présentées comme des obligations religieuses (Odaga et al, 1996, p.21). Cependant, les normes et préceptes de la religion se substituent souvent aux normes culturelles définissant le rôle des femmes. Aussi est-il nécessaire, bien que difficile, de distinguer les facteurs religieux des culturels selon Kane et Brun (1993).

Le statut et le rôle dévolus aux femmes ne sont pas des réalités uniformes au Niger. Ils varient en fonction des contextes ethniques et sociaux.

Aujourd'hui, la réclusion des femmes et leur statut social sont justifiés par les hommes au nom de l'islam. Selon Soumaré (1994) certains parents maliens des milieux ruraux croient que l'éducation scolaire compromet la foi de leurs filles et, par conséquent, préfèrent le mariage à l'école pour les filles adolescentes.

Dans les sociétés traditionnelles en Afrique de l'Ouest, le type d'éducation dispensé aux femmes et la limitation des métiers qu'elles peuvent pratiquer répondaient à des normes relativement strictes. Toutefois, celles qui ont reçu une éducation occidentale ont des choix professionnels plus variés. Ces nouvelles possibilités s'accompagnent malgré tout de la réticence de la part des parents à envoyer leurs filles à l'école. Du fait du poids des traditions, les débouchés offerts aux femmes instruites sur le marché du travail sont encore restreints. Le mariage des femmes instruites est un casse-tête pour ces femmes, surtout avec l'âge, à cause du cursus scolaire. Il faut noter que passés 15 ans, la fille est considérée dans la communauté comme une vieille fille dont aucun homme ne voudra plus. C'est un véritable drame pour les parents, la famille et pour la fille elle-même qui a le sentiment de rater sa vie de femme et de mère.

Ainsi, à Maradi, dans le centre du Niger, malgré les efforts des pouvoirs publics pour promouvoir l'éducation primaire universelle, les parents de cette région persistent dans leurs attitudes négatives à l'égard de l'éducation occidentale et préfèrent l'éducation coranique pour les filles. Après l'école coranique, elles sont initiées à la pratique du commerce et données en mariage avant qu'elles ne prennent des libertés, une fois devenues adultes. Dans cette région, l'école française est considérée comme un facteur de libertinage et de dégradation des moeurs (UNICEF, 1999).

En général, dans la culture nigérienne, scolariser les filles est moins valorisé que scolariser les garçons ; les rôles et les statuts des femmes dans la société traditionnelle restent liés au mariage et à la procréation. Les filles sont confinées dans les tâches ménagères et la garde de leurs frères cadets plutôt qu'à fréquenter l'école. Les explications données pour la non scolarisation des filles dans certaines communautés au Niger sont culturelles et liées à la religion islamique (Raynaut, 1987). En effet, la vision de l'école est associée au risque de compromettre la chasteté féminine et la crainte que les filles instruites ne soient pas des épouses dociles, obéissantes et soumises. D'où la réticence des parents à envoyer leurs filles à l'école.

Le faible taux d'accès des femmes à l'enseignement formel pendant la période coloniale se reflète aujourd'hui par le faible taux de participation féminine à toutes les activités. Au demeurant, les préjugés et perceptions continuent à limiter les possibilités d'éducation de nombreuses filles et femmes en Afrique subsaharienne. Il n'est donc pas surprenant que dans une perspective féministe, une attitude plus militante émerge en réaction à ce désir de maintenir les femmes dans des rôles traditionnels. Certes, les femmes instruites seraient de meilleures mères de famille et de meilleures épouses, mais certains craignent encore que l'éducation leur donne l'habileté d'analyser et de penser, ce qui est par exemple, un risque à ne pas prendre.

En réalité, les perceptions traditionnelles du rôle des femmes sont un obstacle majeur à leur participation à tout projet éducatif, que ce soit des projets d'éducation formelle, d'alphabétisation, de formation professionnelle ou d'éducation en matière de santé. Ces résistances sociales expliquent le faible taux d'alphabétisation et de scolarisation des femmes et des filles.

Le faible taux d'alphabétisation et de scolarisation des femmes et des filles au Niger expliquerait qu'elles n'ont généralement pas une compréhension suffisante des questions de santé reproductive et ont un accès limité à l'information concernant le VIH/SIDA d'où leur vulnérabilité à l'infection. Pourtant, l'ignorance rend difficile la maîtrise d'une éducation préventive dans les pays en développement comme le Niger. Bien souvent, il ne suffit pas d'informer les populations pour changer les comportements. L'éducation préventive, doit aussi prendre en compte l'éducation des mentalités et les valeurs culturelles sur lesquelles les comportements reposent, afin de susciter les attitudes, de dispenser le savoir-faire et de créer des motivations requises pour introduire des comportements nouveaux propices à réduire les risques d'infections.

Face aux difficultés des femmes au Niger d'accéder à l'éducation formelle, l'éducation en matière de santé pourrait être l'un des programmes par lequel les femmes et les filles peuvent accéder à d'autres formes d'éducation qui pourraient contribuer à l'amélioration de la qualité de leur vie de tous les jours.

Telle semble être la vision des autorités politiques du Niger en lançant le programme d'éducation en matière de VIH/SIDA à l'intention des filles et des femmes pour améliorer leur niveau de prise de conscience du danger que représente le sida. Ce programme permet aux filles et femmes l'acquisition d'habiletés et de connaissances sur le sida et les infections sexuellement transmissibles afin d'adopter des attitudes et des comportements responsables devant le risque de l'infection. L'éducation doit jouer un rôle important dans l'effort de réduction de la progression de la pandémie du sida. Elle doit inclure non seulement l'éducation préventive, mais également porter sur l'alphabétisation et recourir aux méthodes non formelles pour l'éducation des adultes et des jeunes déscolarisés. Le rôle de l'éducation est en effet déterminant dans tous les secteurs et toutes les activités humaines. Le manque d'éducation en général et d'éducation en matière de santé risque d'augmenter la propagation de la pandémie si aucune solution n'est trouvée. Le VIH/SIDA réduit à néant les progrès obtenus après des années d'efforts en matière de développement selon Kelly (2000). L'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA devrait à ce titre être fondée sur une action éducative inscrite dans une perspective plus générale.

En effet, quelle que soit la volonté de prévenir ou de réduire la propagation du VIH/SIDA au niveau de toutes les populations, il est essentiel de comprendre et d'expliquer la manière dont les populations appréhendent les messages et les changements qui affectent leur vie.

Ce n'est qu'à ce titre que les différentes stratégies mises en oeuvre, les unes plus ingénieuses que les autres, pourront amener les populations en général et les filles et femmes en particulier à modifier leurs conditions d'existence en terme de réinvestissement des acquis pédagogiques de ces programmes dans les activités économiques et dans leur protection en matière de santé.

C'est dans cette perspective globale que doivent s'inscrire les actions éducatives en cours en matière d'éducation pour la santé et de lutte contre le VIH/SIDA.

Aussi, les ONG, les autorités administratives et coutumières profitent-elles de toutes les occasions publiques qui leur sont offertes pour rappeler cette triste réalité qu'est le VIH/SIDA. Dans tous les discours et toutes les campagnes de sensibilisation l'accent est mis sur l'éducation, les modes de contamination et la prévention du sida. Des activités de proximité sont menées sur les places publiques où toutes les associations masculines et féminines appelées «fadas» se retrouvent. Les activités d'animation et de sensibilisation sont menées par des pairs éducateurs de chaque genre pour faire acquérir à leur auditoire les connaissances essentielles dans le domaine de la santé et leur droit à l'information sur le VIH/SIDA. Des saynètes sont faites pour illustrer les informations véhiculées par les différents intervenants.

Dans une perspective éducative moderne et globale, face à l'émergence des programmes alternatifs d'éducation comme l'éducation en matière de VIH/SIDA, il est essentiel de comprendre comment les femmes nigériennes perçoivent ces projets éducatifs et quels sont les facteurs qui facilitent ou au contraire, entravent leur participation. Dans le cas de l'éducation en matière de santé, l'accessibilité, les compétences qu'elle permet d'acquérir, mais aussi les facteurs socioculturels et économiques ont un effet sur la motivation et l'engagement des femmes à y participer.

Pour comprendre l'engagement des femmes dans les programmes d'éducation en matière de VIH/SIDA, il faut :

· étudier comment elles perçoivent et vivent cette expérience éducative,

· identifier les groupes sociaux qui ont accès à cette éducation et qui en tirent le plus de profits, et enfin,

· déterminer le poids de l'origine socio-économique et culturelle dans la participation des femmes aux programmes d'éducation en matière de VIH/SIDA. Ces questions serviraient à la fois à délimiter le thème de recherche et le problème général abordé. C'est ainsi que nous formulons notre question-problème générale de la manière suivante :

Dans quelle mesure l'origine sociale, économique et culturelle des microcosmes familiaux est-elle favorable ou non à la participation des jeunes filles et des femmes à des programmes d'éducation alternative comme l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA ?

Pour appréhender notre objet d'étude qui est la participation des femmes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida, il nous faut préciser les concepts qui fondent notre question-problème de recherche. Par conséquent, il nous faudra définir ce que nous entendons par origine sociale, économique et culturelle des femmes, l'éducation en matière de VIH/SIDA et d'autres concepts sous-jacents et qui peuvent être déterminants pour la compréhension de notre recherche. Par la suite, nous ferons une revue critique de la littérature et des recherches effectuées sur l'accès des filles et femmes à l'éducation en général et à l'éducation en matière de VIH/SIDA en particulier.

CHAPITRE 2

Cadre conceptuel et recension des écrits

L'objectif de ce chapitre est d'opérationnaliser les concepts choisis qui structureront notre cadre problématique.

Nous présenterons les concepts tels qu'ils apparaissent dans les dictionnaires et les publications spécialisées. Ensuite nous tenterons de les expliciter dans le cadre approprié à l'objet de notre étude.

2.1. Education

Dans un sens général, l'éducation est la mise en oeuvre par des adultes et éducateurs professionnels des moyens aptes à favoriser le développement des facultés proprement humaines de l'enfant : affectivité, intelligence, volonté, etc. (Foulquié, 1971). Dans une perspective sociologique, «l'éducation est l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états, physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné» (Durkheim, 1977).

Ces définitions générales, ont aujourd'hui pour cadre particulier d'application et de mise en oeuvre les systèmes éducatifs et les institutions scolaires et pédagogiques.

Dans un contexte pédagogique, «l'éducation est une acquisition de bonnes manières, politesse, savoir-vivre, bonne conduite en société, formation et information reçues par une personne pendant ses années d'études» (Legendre, 1993, p.435).

Compte tenu du rôle accru qu'ils doivent jouer dans l'éducation comme processus global, les systèmes scolaires revêtent de plus en plus un caractère obligatoire jusqu'à un certain âge. Partant du cadre de la loi nigérienne qui inclut dans le système éducatif toutes les formes d'éducation formelle, non formelle et informelle, nous nous intéressons aux problèmes de la participation des femmes à l'éducation en matière de santé comme relevant de l'éducation des adultes.

L'éducation des adultes peut-être définie comme «toute activité éducative structurée et organisée dans un cadre non scolaire (apprentissage traditionnel, mouvement de jeunesse, clubs et association diverses). D'autres lieux que les établissements de formation s'offrent à l'adulte pour poursuivre sa formation, par exemple les organisations volontaires d'éducation populaire, les municipalités, les organismes socio-communautaires, les syndicats, les associations professionnelles, les entreprises et les médias» (Legendre 1993, p.446).

Tout comme l'éducation dispensée aux élèves dans les institutions, l'éducation des adultes a elle aussi des structures spécialisées et des programmes.

Cependant, les informations éducatives doivent être apprises dans une certaine «organisation de situations d'apprentissage» dont l'enseignement qui donne forme à l'éducation. Le terme enseignement selon le Nouveau petit Robert (2003, p.897), fait penser à «l'action, l'art d'enseigner, de transmettre des connaissances à un élève». Quant au verbe enseigner qui vient du latin «insignire» qui veut dire signaler, il traduit l'idée de «transmettre à un élève de façon qu'il comprenne et assimile (certaines connaissances)». Se référant à Legendre (1993), Raynal et Rieunier (1997) font remarquer qu'enseigner comporte par définition l'intention de faire apprendre et que l'enseignement ne se réduit pas à une simple transmission de savoirs. Certes, l'intention de faire apprendre est inséparable de l'activité d'enseigner. L'enseignement peut à cet effet, transmettre des connaissances aussi bien théoriques que pratiques dans le cadre d'un métier ou d'une activité donnée.

Si les programmes scolaires définissent l'enseignement, dans la formation d'adultes ils renvoient à la formation.

En somme, qu'il s'agisse de l'enseignement ou de la formation, «éduquer, ce n'est pas seulement instruire ou informer. C'est faire adopter des attitudes nouvelles, c'est apporter le changement, c'est l'art de convaincre les gens» (Sillonville, 1979). Le concept d'éducation d'après les définitions précédentes, fait allusion à des stratégies d'acquisition des connaissances au cours desquelles l'individu développe ses potentialités en participant aux activités.

Les concepts «éducation et enseignement» sont employés indifféremment, mais le terme enseignement a un sens plus limité et se réfère surtout aux activités qui se déroulent dans un système scolaire où l'on privilégie la transmission des connaissances» selon Baudin (1996, p.62) qui réaffirme que cette perspective peut-être différente (ou complémentaire) de ce qui se donne dans le cadre de l'éducation des adultes nommée aussi enseignement aux adultes.

Notre étude est axée sur ce que Legendre appelle «éducation non formelle des adultes». A cet égard, l'éducation des femmes en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA relève de l'éducation non formelle des adultes et trouve bien sa place dans le cadre de la loi nigérienne n°98-12. C'est une éducation alternative qui permet l'acquisition d'habiletés, de connaissances et de compétences pour se protéger du VIH/SIDA et améliorer les conditions d'existence ; d'où une visée dépassant le cadre restreint de l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA et débordant sur des objectifs plus généraux d'éducation globale de la personne et de la personnalité.

2.2. L'éducation en matière de santé

«Education pour la santé» ou «l'éducation sanitaire» signifie «l'action qui cherche à informer les populations en vue de leur faire comprendre l'intérêt et ensuite de leur donner le désir et les moyens de chercher à protéger, rétablir ou perfectionner leur propre santé et celle de leur collectivité» (Labusquier, 1982). Dans un sens plus restreint, Isely (1985) définit «l'éducation sanitaire comme l'ensemble des efforts destinés à modifier volontairement le comportement des individus d'une population en face de leur santé». Il apparaît ici que l'éducation pour la santé est aussi un concept englobant dépassant nécessairement le cadre limité de la seule santé.

Ainsi selon le Dictionnaire actuel de l'éducation, l'éducation pour la santé est «une éducation qui vise à faire adopter des attitudes et des comportements favorables au maintien et au développement de la santé chez les personnes, les groupes d'individus et les populations» (Legendre, 1993, p.440).

L'ensemble de ces définitions suppose universelle l'expression d'un point de vue particulier, orienté vers des fins pratiques de l'existence quotidienne.

La participation des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA qui est au centre de notre étude, n'est pas de nature académique. Elle consiste en une participation à la formation, à son résultat sous la forme de connaissances et de compétences pour se préserver du risque d'infection au VIH/SIDA.

Dans un souci de compréhension plus claire de la participation des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA, l'approche andragogique part du postulat que «l'adulte est un individu qui a un vécu professionnel et affectif important. Si l'on a la charge de le former, il faut impérativement tenir compte de ce vécu. Si l'on souhaite que la formation ait une quelconque efficacité, il est indispensable que l'individu concerné soit clairement informé des buts de cette formation, ou mieux qu'il ait participé à leur définition, afin d'obtenir son adhésion et garantir ainsi sa motivation» (Raynal et Rieunier, 1997, p.266). A ce titre, participer à un programme de formation pour la santé ne se limite pas pour autant à ce seul domaine, il en déborde.

En effet l'approche andragogique permet de tenir compte du milieu social, économique et culturel qui influence le plus souvent l'accès et la participation des femmes à des programmes spécifiques de formation comme l'éducation en matière de VIH/SIDA.

L'origine socio-économique qui pourrait influencer la participation des femmes à l'éducation en matière de santé intervient de manière significative dans leur décision de suivre ou non cette éducation. Pour toute forme d'éducation, en particulier l'éducation des adultes et singulièrement celle des jeunes filles et des femmes, les facteurs socio-économiques et les attentes personnelles ont un poids relativement important voire déterminant. Dans un rapport de la Banque Mondiale, Odaga et Heneveld (1996) soutiennent que «les facteurs socio-économiques, qui influencent la demande d'éducation des filles interviennent de manière significative dans les décisions d'investir, ou non dans cette éducation. «Parmi ces facteurs», la pauvreté, les coûts prohibitifs de l'éducation, les coûts d'opportunité de l'éducation, le manque de débouchés sur le marché du travail, le manque de possibilité de poursuivre des études et le rôle économique essentiel des filles» jouent un rôle déterminant. (Banque Mondiale, 1996).

Au regard de ce qui précède, il s'avère indispensable de préciser le sens qui sera donné à l'expression "origine socio-économique et culturelle".

2.3 Origine socio-économique et culturelle

Une société est une «communauté distincte de personnes organisées qui ont des liens durables d'intérêts, des habitudes, des coutumes, des croyances, des fidélités, des valeurs et des institutions communes ainsi que des comportements semblables régis par des lois» (Legendre, 1993, p.1169).

Ces divers éléments que les membres de la société ont en commun sont organisés en systèmes. Ce sont les systèmes culturel, social, économique, politique, éducatif, etc. Ils sont en interaction permanente.

L'origine socio-économique et culturelle des familles dont il est question dans notre recherche se réfère aux systèmes social, économique et culturel de la société.

Le système social c'est «l'ensemble des êtres humains, de leurs diverses interactions et des facteurs conditionnant les rapports interpersonnels dans un milieu» (Legendre, 1993, p.1269).

Dans un sens plus précis, le système social se réfère essentiellement aux relations humaines dans un milieu donné.

Quant au système culturel, il désigne "l'ensemble des aspirations, des connaissances, des idéologies, des normes, des traditions, des us et des coutumes qui constituent un fait et qui conditionnent l'existence et les pratiques du système social" (Legendre, 1993, p.1221).

Il faut cependant remarquer que les relations interpersonnelles sont régies par des normes et des pratiques partagées par les membres de la société. Le système social et le système culturel interagissent.

Les sphères sociales et culturelles se combinent avec les sphères économiques, politiques et religieuses pour former un tout au sens des sociologues.

Dans ce «tout», le système économique, désigne "l'ensemble coordonné des ressources humaines, matérielles et financières, des buts, des principes, des règles et des procédés en vue de la réalisation d'une mission complexe particulière" (Legendre, 1993, p.1214).

Le système économique renvoie à la mobilisation de toutes les ressources de la société afin de réaliser des missions spécifiques de production et de reproduction de la vie. Cette mobilisation des ressources ne peut être indépendante des facteurs socioculturels. Les modes de production ont aussi une dimension affective et culturelle.

Ainsi, par origine socio-économique et culturelle nous entendons l'ensemble des facteurs sociaux, économiques et culturels qui coexistent à un moment donné et qui sont susceptibles d'influencer le comportement des membres de la société. Ici nous nous intéressons à ces variables à l'échelle de la famille.

Dans le contexte restreint de la famille, l'origine sociale désigne «la fonction ou le rôle qu'occupent les membres de la famille dans la société». Parmi les indicateurs de la variable fonction/rôle, nous avons retenu chômeur, ouvrier, employé, cadre supérieur et profession libérale.

Pour nous, la fonction/rôle des individus dans leur groupe social détermine les conditions, les croyances et les attitudes de la famille sur la participation à un programme d'éducation comme l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.

Nous définissons l'origine économique comme l'ensemble des moyens matériels et financiers propres à faciliter les conditions d'existence des membres de la famille. On peut citer parmi les indicateurs de cette variable, les sources et les revenus des familles, la disposition des commodités, le type de résidence et le quartier de résidence.

L'origine culturelle quant à elle, désigne le niveau d'instruction des membres de la famille. Les niveaux analphabète, alphabétisé, primaire, secondaire et supérieur sont autant d'indicateurs de cette variable. Il y a aussi la variable religion qui a pour indicateurs musulman, chrétien ou autres.

A cet effet, l'origine sociale, économique et culturelle sont en étroite relation.

Quant à «L'origine socioculturelle», nous la définissons comme les manières d'être et d'agir partagées par les membres de la famille, à travers les normes et les pratiques partagées par les membres de la société. Dans une certaine mesure, ce sont les manières d'aborder, de concevoir la vie et de l'orienter (aspect culturel) ; déterminer la nature et la qualité des rapports interpersonnels (aspect social). C'est à ce titre qu'une origine socioculturelle et économique regroupe l'ensemble de variables sociales, culturelles et économiques qui coexistent à un moment donné et qui sont susceptibles d'orienter, de déterminer le comportement des membres de la société. Nous nous intéressons à ces variables telles qu'elles se manifestent dans le cadre de la famille.

Avant d'aborder les différentes situations vécues par les filles, les femmes et leurs familles, il est indispensable de nous poser certaines questions par rapport à certaines approches scientifiques relatives à l'éducation en général et en particulier à la scolarisation des filles et des femmes. Ces éclairages permettent de mieux cerner le phénomène de l'accès des femmes à l'éducation. C'est dans cette tentative d'explication et de réflexion que nous consacreront la partie qui suit.

2.4. Les travaux de recherche sur la scolarisation des femmes

Dans cette partie, nous présentons différents travaux de recherches sur la scolarisation des femmes. L'accès des femmes à l'éducation dans les systèmes scolaires des pays d'Afrique subsaharienne dépend de nombreux facteurs dont l'origine sociale, culturelle et économique. Actuellement, il est ordinaire de considérer que les origines sociale, culturelle et économique sont susceptibles d'influencer l'accès des femmes à l'éducation créant aussi des variations dans les performances scolaires (Hyde, 1996).

La plupart des études consultées ont été établies pour répondre à la demande de divers bailleurs de fonds en vue de clarifier les principaux problèmes que pose l'éducation des femmes. Ces études aident à orienter la formulation des politiques et programmes d'éducation. Il est évident que beaucoup d'efforts ont été consacrés à ce sujet, lesquels ont produit quelques aperçus intéressants sur les facteurs qui limitent les possibilités d'éducation des filles.

Ces études démontrent une complexité de plus en plus grande des interactions entre les divers facteurs qui entravent la scolarisation des femmes en Afrique. Ce qui est moins évident, c'est de déterminer, parmi ces facteurs, ceux qui sont susceptibles de promouvoir la participation des femmes dans l'éducation.

Nous présentons quelques écrits d'auteurs qui ont traité de la question, suivant différentes approches, le problème d'accès des femmes à l'éducation de façon théorique et empirique, aussi bien en Afrique en général qu'au Niger en particulier. Mais avant, un aperçu historique de l'éducation des filles en Afrique est nécessaire.

2.5. Aperçu historique de l'éducation des filles en Afrique subsaharienne

La participation limitée des filles dans les systèmes éducatifs d'Afrique subsaharienne a des précédents historiques bien connus. Ce qui suit met en évidence les facteurs identifiés dans la littérature et qui restreignent l'accès des filles à l'éducation formelle.

L'islam, et le christianisme figurent parmi les facteurs qui ont introduit l'éducation non indigène c'est-à-dire exogène en Afrique subsaharienne. L'éducation des filles n'était alors envisagée que dans la mesure où elle favorisait le développement de l'islam ou du christianisme et la consolidation des communautés religieuses. Lorsque l'administration coloniale a pris l'enseignement en charge, l'éducation des femmes n'avait pas d'importance. D'ailleurs l'école occidentale a suscité des résistances à ses débuts, car l'idée d'envoyer les filles semblait absurde aux indigènes.

Quand l'éducation des femmes a été finalement incorporée dans les programmes de développement des communautés indigènes, le type d'enseignement dispensé visait à développer les vertus domestiques. Les femmes africaines formées ne le sont que pour devenir de bonnes ménagères, et de bonnes mères principalement au profit d'une nouvelle classe d'employés et au profit de l'église. C'est ainsi que naît l'idée de la femme épouse, mère et ménagère, confinée au foyer et économiquement dépendante de son mari dans la culture africaine. Cette optique occidentale et patriarcale ignore la valeur essentielle de la femme africaine dans les sphères publiques et économiques de la société. Les femmes qui ont eu une éducation occidentale ne pouvaient choisir que la profession d'infirmière, ou occuper un emploi connexe dans le secteur des soins de santé, le métier d'enseignante, et le mariage (Banque Mondiale, 1993). Ces options perdurent encore aujourd'hui.

Tous ces facteurs, pratiques et traditions ont limité la demande sociale d'éducation des femmes en Afrique subsaharienne. Leur persistance nous amène à poser la question : Quels sont les facteurs qui limitent les possibilités d'éducation des filles et des femmes en Afrique actuellement ?

2.5.1.La scolarisation des femmes à travers l'Afrique subsaharienne

La littérature est relativement abondante sur le sujet de la scolarisation des filles. C'est le fait en grande partie des agences de développement international comme la Banque Mondiale, l'Unicef, l'Unesco, etc.

La littérature sur la scolarisation des femmes a fait l'objet d'analyses diverses, visant à signaler son importance pour le développement économique et la santé des populations. Les sources consultées énumèrent les facteurs qui entravent l'accès des filles à l'éducation. Ce sont les études de Akpaka et Gaba (1991) ; Brock et Cammish (1991) et (1994) ; Banque Mondiale (1993), (1998), Davidson et Kanyuka (1992) ; Hyde (1993) ; Koukou (1992) ; Lawson-Body (1993) ; Maïga (1991) ; Sall et Michaud (2002) ; Unesco/Unicef (1992) (1994) ; Unesco/Onu sida (2001) ; Unesco/IIPE (2003) etc.

Nous avons exploré certaines approches caractéristiques qui ont privilégié des facteurs explicatifs d'ordre socioculturel, socio-économique, institutionnel et politique. Cette analyse nous permettra de mieux comprendre ce que ces auteurs considèrent comme susceptible d'entraver l'accès des filles à la scolarisation à partir d'observations empiriques.

Ces facteurs peuvent être classés de différentes manières. Certains d'entre eux relèvent des politiques et pratiques institutionnelles, d'autres sont liés aux coutumes, convictions et attitudes spécifiques à chaque pays à l'égard des rôles, des responsabilités et des capacités des femmes. Notre analyse regroupe la documentation disponible sous deux catégories : celles traitant des facteurs socio-économiques d'une part et celles relatives aux facteurs socioculturels d'autre part. Les facteurs socio-économiques et socioculturels qui influencent la demande d'éducation des filles interviennent de manière significative dans les décisions familiales d'investir dans l'éducation des filles. En effet, les idéologies qui règnent un peu partout en Afrique au niveau des familles et des communautés favorisent le plus souvent les garçons au détriment des filles et entraînent des différences d'opportunités et de résultats sur le plan de l'éducation.

Selon Unesco/Unicef (1993), environ 36 millions de filles ne vont pas à l'école en Afrique subsaharienne. Ces écarts entre les enrôlements scolaires masculins et féminins semblent être plus marqués dans certains pays du Sahel comme le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad où les effectifs féminins baissent lors du passage d'un niveau d'enseignement à un autre. En 1990, les filles représentent 45% des élèves du primaire, 40% du secondaire, et 31% du supérieur dans ces mêmes pays (Unesco, 1996). Bien que les filles soient plus nombreuses que les garçons en Afrique, leur accès à la scolarisation se rétrécit partiellement entre les niveaux primaire et secondaire. Ceci est dû aux faibles performances de ces dernières aux examens nationaux et aussi à l'insuffisance de l'offre d'éducation. Il ressort d'une analyse de l'éducation des filles en Côte d'Ivoire que celles-ci, une fois l'enseignement primaire achevé, ont 37% de chance de moins que les garçons d'aller au secondaire et, lorsqu'elles ont terminé le premier cycle du secondaire (collège), elles ont 14% de chance de plus que les garçons de poursuivre dans le deuxième cycle du secondaire (lycée) (Appleton et All, 1990).

L'accès à l'enseignement primaire n'est qu'une partie du problème qui se pose aux filles. Une fois scolarisées, elles ont souvent des taux de redoublement, d'échec et d'abandon qui se traduisent par de faibles taux d'achèvement du primaire. L'abandon scolaire chez les filles est associé à leurs faibles performances scolaires et il est évident selon Hyde (1994) que les filles ont souvent des résultats inférieurs à ceux des garçons dans les enseignements primaire et secondaire. Cette situation trouve son explication dans la pauvreté des familles et l'analphabétisme élevé des femmes en Afrique. L'Unesco (1995) affirmait que «les femmes et les filles sont prisonnières d'un cycle qui fait que les mères analphabètes ont des filles, qui l'étant aussi, se marient très jeunes, et sont condamnées à leur tour à la pauvreté, à l'analphabétisme , à un taux de fécondité élevé et à une mortalité précoce» (Unesco, 1995, p.44).

Une étude sur les redoublements et les abandons dans les écoles primaires effectuée au Mozambique conclut que le facteur le plus important qui entraîne les mauvais résultats scolaires est le travail pour la survie de la famille (Palme, 1993). En Côte d'Ivoire, les effectifs féminins des écoles secondaires publiques et privées sont restés aux alentours de 30% au cours des dix dernières années et il y a une forte proportion de redoublement et d'abandon entre le premier et le deuxième cycles de l'enseignement secondaire (Eholie, 1993). Au niveau universitaire, les taux de redoublement et d'abandon sont aussi élevés chez les filles. Les taux sont de 3% pour les hommes et de 20% pour les femmes à l'Université de Makerere en Ouganda (Naidu, 1992).

Un autre aspect saillant de la sous représentation des femmes dans l'éducation est la répartition des sexes selon la discipline. Les femmes ont généralement tendance à suivre des programmes d'éducation et d'art et sont sous-représentées dans les programmes de sciences et de mathématiques qui sont plus fréquentés par les hommes. Par exemple, en 1990 dans l'enseignement secondaire en Côte d'Ivoire, 23,2% des étudiants en lettres, 13,2% des étudiants en sciences commerciales, 12,2% des étudiants en sciences naturelles et 7,1% des étudiants en mathématiques étaient des filles (Eholie, 1993). La présence des filles et des femmes dans les cours de sciences, de mathématiques et de formation professionnelle et technique est très faible. Ce qui a pour effet selon Naidu (1992) de limiter l'accès des femmes au marché officiel du travail ou bien elles sont orientées vers les emplois inférieurs.

D'une manière générale, l'analphabétisme des femmes demeure très élevé. C'est sur cette toile de fond que se présente l'analyse ci-après des obstacles à l'éducation des filles et des femmes en Afrique subsaharienne.

Dans la partie qui suit, nous mettons en relief les facteurs socioculturels identifiés dans la documentation comme facteurs restrictifs de la scolarisation des femmes dans l'éducation formelle.

2.5.2. Approche socioculturelle

L'approche socioculturelle a donné lieu à une série de travaux de nombreux chercheurs en sociologie de l'éducation qui ont établi un ensemble de résultats concordants quant à l'influence des facteurs socioculturels sur l'accès à la scolarisation des femmes en Afrique.

Selon les tenants de cette approche, la désignation de l'enfant qui bénéficiera de l'investissement en éducation dépend en grande partie de l'idéologie dominante sur le rôle respectif des hommes et des femmes. Il s'agit d'attitudes socioculturelles, c'est-à-dire du comportement que la société attend de ses membres. L'attitude des parents et des familles influence fortement la décision d'investir dans l'éducation des enfants.

Les travaux des auteurs comme Davidson (1993), Davidson et Kanyuka (1992), Kapakasa (1992), Prather (1991), Lange (1994) mettent en évidence une ambivalence à l'égard de l'investissement dans l'éducation des femmes qui repose sur de nombreuses perceptions négatives sur les filles et les femmes. Certains parents pensent que les garçons sont plus intelligents, qu'ils obtiennent de meilleurs résultats scolaires et qu'il est plus rentable d'investir dans leur éducation que dans celle des filles. En outre, les parents craignent de gaspiller de l'argent pour instruire les filles qui risquent d'être enceintes ou de se marier avant la fin de leurs études. Il est généralement considéré que les filles, une fois mariées, font partie d'une autre famille, de ce fait, tout investissement parental sur les filles est perdu.

Dans certaines communautés et familles, les filles instruites sont mal vues. Par exemple au Tchad, les parents croient que les écoles poussent les filles instruites à se prostituer, les incitent à tromper leur mari et les rendent difficiles à être contrôlées par les parents (Bello et all, 1993). Dans certaines régions du Cameroun, les filles instruites sont considérées comme étant trop indépendantes et trop exigeantes. Les familles craignent qu'elles ne soient pas des épouses dociles (Cammish et Brock, 1994).

Envoyer les filles à l'école risque d'être une entrave au mariage à cause des idées répandues sur les filles instruites. C'est pourquoi les parents craignent de laisser leurs filles trop longtemps à l'école (Brock et Cammish, 1991 ; Kapakasa, 1992 ; Niane et all, 1993).

Les espérances socioculturelles des filles et la priorité donnée à leur rôle futur d'épouse et de mère ont un impact fortement négatif sur leurs possibilités d'instruction. Les coutumes et croyances influencent les décisions d'envoyer les filles à l'école ou de les retirer (Unicef, 1996).

En effet, craignant que les filles scolarisées n'aillent à l'encontre des us, coutumes et normes sociales traditionnelles certaines familles préfèrent ne pas envoyer leurs filles à l'école. Sall et Michaud (2002), rapportent "qu'il existe des pères et des maris africains qui croient que refuser d'offrir une éducation formelle aux filles devient la garantie qu'elles vont jouer leur rôle traditionnel d'épouse et de mère". Bowman et Anderson (1980), cités par Sall et Michaud (2002), avaient noté que la perception traditionnelle du rôle des filles déterminait non seulement la décision de les inscrire à l'école, mais aussi la période de temps durant laquelle elles y demeurent. Dans certains milieux, pour atteindre cette fin, on leur impose de se marier très tôt.

Les traditions liées aux mariages précoces qui aboutissent le plus souvent à des grossesses précoces et à des maternités rapprochées constituent un obstacle majeur pour la scolarisation des filles surtout en Afrique. Les mariages précoces peuvent être expliqués pour des raisons d'ordre moral et de préservation de l'honneur de la famille (MINEDAF VII, 1998).

Mais en Afrique, les traditions sont tenaces et difficiles à combattre surtout dans les zones rurales qui sont restées à l'abri des mutations des mentalités apportées par la modernisation qui se fait sentir beaucoup plus dans les grands centres urbains.

Les cérémonies d'initiation restent importantes dans certaines communautés d'Afrique subsaharienne. La recherche en sociologie et en éducation a exploré l'influence de ces cérémonies sur la fréquentation scolaire des filles. Selon Kapakasa (1992) et Lewis (1990), les jeunes filles initiées ont du mal à revenir à l'école et à se concentrer sur leurs études parce que leur esprit est alors centré sur le mariage. Certains parents préfèrent le mariage à l'école pour leurs filles pour une question d'honneur et de conviction religieuse.

Pourtant, de nos jours, il est de plus en plus admis qu'«éduquer une femme c'est éduquer une nation». A cet effet, un rapport de la Banque Mondiale soutient "qu'en offrant aux femmes la possibilité de s'instruire, un pays peut réduire la pauvreté, améliorer la productivité, alléger les pressions démographiques et assurer à ses enfants un meilleur avenir" (Herz, Subbaro, Habib et Raney, 1993 p. iii).

Au Niger, ces questions ont autant d'importance qu'ailleurs si l'on pense au rôle dévolu aux ressources humaines dans le développement. La recherche sur l'accès des femmes à l'éducation n'y est pas encore fortement développée. Parmi les rares études, sur la fréquentation et la scolarisation des filles au niveau primaire au Niger en 1991, il a été identifié un certain nombre de facteurs qui entravent la scolarisation des filles.

Parmi ces facteurs, le facteur religieux est l'un des plus déterminants ou le plus souvent cité. Selon les représentations sociales, les filles qui vont à l'école prennent beaucoup de liberté ; l'école dégrade les moeurs, surtout chez celles qui n'ont pas réussi. Ensuite, particulièrement, l'islam serait peu favorable à la scolarisation, surtout des filles (Maïga, 1991). La perception générale est que "les filles n'ont pas besoin de savoir lire puisqu'elles ont peu de chance d'être éduquées, elles n'ont besoin que d'apprendre les prières" (Anderson-Levitt et All, 1994). En conséquence les filles fréquentent en général l'école coranique moins longtemps que les garçons.

Une autre étude réalisée au Niger, citée par Sall et Michaud (2002), a scruté les perceptions entretenues à l'égard de l'éducation des femmes dont les conclusions sont d'une part les inconvénients perçus : les familles où les filles sont instruites ne profitent pas de leur travail physique ; plus les filles demeurent longtemps à l'école, plus grande est leur chance d'avoir une grossesse hors mariage ; les examens de fin d'études coïncident avec l'âge traditionnel du mariage des filles ; et enfin le fait de savoir lire et écrire n'augmente pas les perspectives d'emploi (Colclough, Rose et Tembon, 1998)

L'autre obstacle principal à la scolarisation des filles est le mariage précoce. Une étude menée en 1995 par le CERPOD (Centre d'Etudes et de Recherche sur la Population pour le Développement) révèle que 45% des femmes nigériennes se marient avant l'âge de 15 ans, contre 9% au Burkina Faso, 17% en Gambie et 19% au Sénégal. Une enquête de l'Unicef (2000) rapporte que 44% des femmes nigériennes actuellement âgées de 20 à 49 ans, ont été mariées avant l'âge de 15 ans, contre 34% au Tchad, et 21% au Burkina Faso. Cette situation de mariage précoce au Niger est responsable de 30% des abandons scolaires des filles selon l'Unicef (2000). L'étude complémentaire à la recherche faite par Maïga (1991), réalisée par l'UNICEF/UNESCO (1992), insiste sur le faible taux d'accès à l'éducation des femmes au Niger est dû à la pauvreté des populations, ce qui entraîne le niveau extrêmement élevé de l'analphabétisme des femmes.

Pourtant, selon l'Unicef (1999) "l'éducation des filles a un impact vital sur l'ensemble du développement humain. Non seulement elle fait diminuer la mortalité infantile des moins de cinq ans, en même temps qu'elle améliore la nutrition et la santé des enfants en général, mais elle réduit aussi la croissance démographique".

Les facteurs socioculturels ont des effets négatifs sur l'éducation des filles. Ils affectent l'accès à l'éducation de celles qui veulent entreprendre des études et la persévérance de celles qui y sont déjà. Cependant, certains spécialistes démontrent que le manque de ressources pour couvrir les coûts directs et d'opportunité de l'éducation des filles est aussi l'un des grands obstacles. Ces conceptions sont défendues par les tenants de l'approche socio-économique dont les travaux sont présentés dans la section qui suit.

2.5.3. Approche socio-économique

Envoyer les filles à l'école entraîne pour les familles des coûts directs et d'opportunité prohibitifs surtout pour les familles pauvres et rurales. Ces contraintes économiques et certaines perceptions sous-tendent la décision de ne pas envoyer les filles à l'école ou les retirer. Plusieurs publications scientifiques éclairent les liens entre les niveaux socio-économiques de la famille et l'accès à l'éducation des filles (Asomaning et All, 1994 ; Njeuma, 1993 ; Palme, 1993).

Les dépenses liées aux frais de scolarisation, les tenues et fournitures scolaires sont quelques-uns des motifs invoqués par les parents pour justifier le non envoi de leurs enfants surtout les filles à l'école.

Ces coûts prohibitifs de l'éducation limitent la possibilité de faire instruire les enfants des communautés et des ménages démunis. Au Mali, par exemple les parents doivent acheter tout le mobilier de l'école et faire une contribution mensuelle, ce qui constitue un engagement économique que certaines familles ne peuvent pas ou ne veulent pas prendre pour les filles (Soumaré, 1994). Pour des raisons de décence et de sécurité, certaines études ont montré qu'au Ghana, en Guinée, au Malawi et au Zimbabwe, les coûts de scolarité sont plus élevés pour les filles que pour les garçons. Cela tient en partie au coût des uniformes des filles qui ne portent pas volontiers des uniformes déchirés ou mal ajustés. En plus, les parents dépensent davantage pour le transport des filles pour leur éviter d'éventuelles agressions par des hommes (Davidson et Kanyuka, 1992 ; Hyde, 1993 ; Kapakasa, 1992).

Les résultats des études descriptives révèlent l'existence de lien entre le statut socio-économique des familles et l'accès à l'éducation des femmes. Mais comme le souligne Lawson-Body (1993), l'accent a souvent été mis sur le statut socio-économique du père comme élément de référence dans ce cas explicatif : relation «origine sociale» versus «accès à l'éducation des filles».

Examinant, en particulier, comment le revenu et le niveau d'éducation des parents affectent l'accomplissement de la scolarité dans les pays en développement, Cammish et Brock (1994) montrent que sous l'effet des contraintes financières, ce sont les filles plutôt que les garçons qui ne vont plus à l'école ou qui en sont retirées. Ces auteurs suggèrent que les filles des familles plus aisées des zones urbaines ont plus de chances de fréquenter l'école et d'y rester longtemps que les filles des familles pauvres dans les zones rurales. En outre, dans les régions où les taux de scolarisation sont généralement peu élevés, les écarts entre garçons et filles sont plus importants.

Une étude de McSweeney et Freedman (1980) réalisée au Burkina Faso, rapportée par Sall et Michaud (2002) a mis en évidence que dans plusieurs villages, les femmes ne voient pas les retombées positives de l'éducation. Les programmes qui semblent les plus appréciés sont les rares programmes pratiques qui mettent l'accent sur l'agriculture, les métiers et la santé. Ce sont les seuls programmes qui attirent les femmes. Ces quelques constats n'excluent pas le fait que les perceptions des avantages procurés par l'éducation des femmes varient beaucoup de village en village et de famille en famille. La décision de faire instruire une fille dépend des bénéfices économiques et sociaux perçus par les parents et les personnes dans leur environnement immédiat.

Cependant, dans de nombreux pays en développement, certains élèves doivent couvrir eux-mêmes les coûts de leur éducation. Ceci a un impact négatif sur la durée de leur scolarité voire leur accès à l'éducation. La tendance à faire supporter les dépenses d'éducation par les parents selon le principe du partage des coûts est fort probablement préjudiciable à la scolarisation des filles selon Naidu (1994). Quand les droits de scolarité ont été instaurés au Nigeria, entre 1982 et 1986, les taux de fréquentation de l'école primaire ont chuté de 92 à 75 % (Obadina, 1993).

Au Mozambique, les frais de scolarité sont considérables et dépassent les possibilités financières d'un grand nombre de familles rurales ou suburbaines. La plupart des familles rurales ne peuvent pas envisager d'envoyer leurs enfants surtout les filles, à l'école en ville pour achever le cycle primaire ou suivre l'enseignement secondaire. Les questions de logement, de la prise en charge, de l'entretien de la fille et de l'acquisition du matériel scolaire sont autant de préoccupations des parents ruraux (Palme, 1993).

Au Cameroun, les frais d'inscription des écoles secondaires sont trop élevés, ce qui semblerait affecter les filles plus que les garçons (Cammish et Brock, 1994).

Selon des auteurs comme Asomaning et All (1994), Camfed (1994), Brock et Cammish (1991) et Fanta (1991), pour les jeunes filles qui fréquentent l'enseignement primaire, secondaire ou supérieur, la nécessité d'assumer les coûts de leurs études les amène souvent à avoir des relations sexuelles avec des hommes plus âgés qui peuvent les entretenir, ou les employer comme domestiques.

De telles relations impliquent le risque de grossesse qui peut mettre fin à leurs études. Ceci expose aussi les filles aux infections sexuellement transmissibles y compris le sida.

En Afrique Subsaharienne par exemple la dégradation de la situation économique conduit beaucoup de jeunes femmes à la prostitution. A cet égard, une étude sur le Matebeland en Afrique du Sud indique que «les adolescentes ont sept fois plus de risque d'être séropositives que les garçons de leur âge» (Camfed, 1994).

Avec la croissance rapide de l'urbanisation, la demande de main-d'oeuvre domestique dans les zones urbaines s'est elle aussi accrue. Les ménages ruraux pauvres ont répondu à cette demande en envoyant leurs filles sur le marché de l'emploi domestique en échange de revenus réguliers. Ceci contribue évidemment à maintenir les filles hors de l'école selon Fanta (1991), Niane et All (1992), et Lange (1994). D'ailleurs, des auteurs comme Bownman et Anderson (1980), McSweeney et Freedman (1980), Davidson et Kanyuka (1992), cités par Sall et Michaud (2002), ont constaté que le manque de temps explique la faible participation des filles aux activités éducatives. C'est ainsi que McSweeney et Freedman (1980, cités par Sall et Michaud, 2002), estimaient que les femmes en Afrique ne disposaient seulement que d'une heure et vingt minutes par jour de temps qui n'était pas consacré à des tâches domestiques ou familiales.

D'autres recherches effectuées par le Department of Community Development du Ghana montrent que les jeunes filles rurales sont souvent envoyées en ville pour servir de domestiques dans les familles auxquelles elles sont ou non apparentées. Les départs ont souvent lieu pendant les années d'école primaire. Les parents sont payés pour les services assurés par leurs filles, mais celles-ci n'ont que peu ou pas de possibilités de retourner à l'école (Asomaning et All, 1994).

Le travail des enfants est indispensable à la survie de certains ménages, aussi la fréquentation de l'école représente-t-elle un manque à gagner. D'une manière générale, les enfants des zones rurales de la Guinée et du Mali passent plus de temps à travailler dans les ménages que ceux des zones urbaines. Il y a moins de filles venant des zones rurales dans les écoles (Soumaré, 1994). D'autres formes d'éducation sont considérées par la société comme étant plus efficaces que le système formel d'enseignement pour préparer les filles à leur rôle d'épouse et de mère. Les familles jugent en général la valeur de l'éducation en fonction des rémunérations obtenues sur le marché du travail. Les parents estiment que l'apprentissage donne des aptitudes pratiques aux jeunes du pays mieux que l'éducation formelle. Ces programmes sont appréciés par les parents qui souhaitent que leurs filles acquièrent quelques compétences pratiques avant de se marier. La couture et le commerce sont particulièrement recherchés selon Gaba (1992). Dans certains cas, les filles quittent l'école d'elles-mêmes pour s'engager dans les activités économiques. Souvent les parents et les familles invoquent le manque de ressources pour expliquer la non scolarisation des filles. La pauvreté impose certes de réelles limites à la fréquentation de l'école; les coûts économiques de l'éducation sont prohibitifs pour certaines familles. Les recherches en éducation donnent cependant à penser que cette situation doit être examinée de près. Des études menées au Niger, dans la région de Maradi et Zinder, suggèrent en effet que le manque de moyens peut-être dans certains cas, un prétexte à la réticence des parents et des familles à investir dans l'éducation des filles. De la même manière leur perception socioculturelle du rôle des femmes dans la société est une entrave à la scolarisation des filles (UNICEF, 1994). En effet, l'école coloniale n'enseignait aucune habileté pratique socialement valorisée ou reconnue, rendait les femmes encore plus dépendantes des hommes. Celles qui y sont allées, sont perçues comme non productives du point de vue économique, car elles en sortaient avec des perceptions archaïques et des habiletés périmées (Robertson, 1984).

Les facteurs socio-économiques et culturels et les perceptions des communautés sur l'école entravent l'éducation des femmes. Leurs effets sur l'instruction des femmes les relèguent au bas de la hiérarchie et leur présence reste symbolique. A ce titre, il est utile de bien comprendre comment les origines socioculturelles et socio-économiques déterminent la participation des femmes à des programmes qui les visent comme cibles principales, afin de formuler des stratégies destinées à lutter contre l'analphabétisme, et à prémunir les femmes contre le risque d'infection au VIH/SIDA.

En effet, la documentation spécialisée montre que les femmes en Afrique manquent d'information et d'éducation en matière de santé en général, et du sida en particulier. Beaucoup de femmes courent des risques parce que personne, y compris les éducateurs, les agents de santé ou les médias, ne leur a parlé du VIH/SIDA ou du moins ne leur dit comment se protéger et protéger les autres. Bien qu'on sache depuis plus de quinze ans selon l'ONUSIDA (2001) dans le monde entier qu'il faut faire intervenir l'éducation et la communication pour stopper le VIH/SIDA. Les femmes n'ont encore que des possibilités limitées d'apprendre ce que c'est le VIH/SIDA.

Bien qu'on reconnaisse largement l'importance de l'éducation concernant le VIH/SIDA, seuls 18% des écoles en Afrique ont un programme complet d'éducation en matière de santé en général, et du sida en particulier (ONUSIDA, 2001).

Or, selon ONUSIDA/UNESCO (2002), dans beaucoup de pays d'Afrique Subsaharienne, les missionnaires chrétiens ont découragé les rites d'initiation qui définissaient le passage de la jeunesse à l'âge adulte et qui prenaient en charge l'éducation sexuelle. L'occasion de parler aux jeunes de la sexualité a été ainsi perdue comme il se faisait traditionnellement dans le cadre de ces rites. Les liens et les traditions sociaux qui servaient à mouler le comportement des jeunes et à les aider à faire la transition vers l'âge adulte se sont affaiblis en présence de nouvelles attitudes à l'égard de la sexualité. C'est pourquoi, il y a plus de jeunes (hommes et femmes) qui sont sexuellement actifs mais qui manquent d'information suffisante pour se protéger du sida notamment.

Jusqu'ici, le manque de compréhension de la propagation du sida dans différents milieux s'est aggravé par le fait que le grand public n'est pas suffisamment informé sur la nature de la maladie et ses modes de transmission.

Les enquêtes démographiques et de santé (EDS) effectuées en 1996 par la Banque Mondiale, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Kenya, en Tanzanie et en Zambie, ont constaté que de 20% à 50% des femmes de ces pays ne connaissent aucune méthode de prévention du VIH/SIDA. Parmi les professionnelles du sexe du Mali, 17% seulement sont capables de nommer les méthodes de prévention et quelques symptômes du sida selon la Banque Mondiale (1996). Les jeunes femmes ont beaucoup moins de connaissances du VIH que les jeunes hommes à travers le monde. Par exemple, dans les pays d'Afrique Subsaharienne le pourcentage des femmes qui connaissent un moyen de se protéger contre le VIH/SIDA est de moitié le pourcentage des hommes (Banque Mondiale, 1996). En outre, les femmes hésitent souvent à s'insurger contre les informations erronées que leur donnent leurs partenaires masculins, de peur de sembler être trop informées sur la sexualité. Beaucoup parmi ces femmes à travers le monde, pensent à tort que le VIH/SIDA peut se transmettre par des façons qui n'ont rien à voir avec les risques connus.

Dans des enquêtes menées en Papouasie Nouvelle Guinée chez les étudiantes à qui il a été demandé comment se protéger contre le sida, 27% ont déclaré qu'il suffisait de savoir que leur partenaire n'avait pas eu de rapports sexuels durant les six mois précédents. Parmi ces enquêtées, plus de 30% ne savent pas qu'une personne qui paraît en bonne santé peut être séropositive. En Afrique du Sud et au Lesotho, 50% à 75% des femmes âgées de 15 à 24 ans ne savent pas qu'une personne atteinte du sida peut sembler en bonne santé (ONUSIDA/UNESCO, 2003).

Des enquêtes CAP (Connaissances, Attitudes, et Pratiques) effectuées dans certains pays d'Afrique Subsaharienne par la Banque Mondiale en 1994 ont noté que 15% seulement des femmes de ces pays croyaient qu'on pouvait attraper le VIH à la suite d'une piqûre de moustique, ou en buvant au même verre utilisé par une personne infectée.

De fausses informations au sujet de la transmission du VIH contribuent à des attitudes négatives et le manque d'éducation éloigne davantage les femmes de la réalité du sida.

Le VIH/SIDA a pendant longtemps été considéré comme un problème essentiellement médical. Mais aujourd'hui, il est admis que la prévention est capitale et que l'éducation pourrait bien être l'une des armes possibles contre la transmission du VIH/SIDA. Les bas niveaux d'instruction et la non maîtrise des langues du milieu restreignent le plus souvent l'accès des femmes à l'information et aux services qui pourraient atténuer les risques de contracter le sida.

D'une manière générale, plus le niveau d'éducation est élevé, moins on est vulnérable à l'infection du VIH/SIDA selon IIPE (2003). Une étude menée à Abidjan en Côte d'Ivoire, par Yelibi, Valenti et Volpe (1998) a montré que 38% de toutes les immigrantes ne comprenaient pas le français et par conséquent ne recevaient aucune information sur la prévention du VIH/SIDA véhiculée dans ladite langue.

Les femmes nigériennes n'échappent pas à cette catégorie de femmes sous informées et moins éduquées en matière de VIH/SIDA. En effet, l'enquête CAP (Connaissances Attitudes et Pratiques) effectuée au Niger en 1991, souligne que seuls 5% des femmes âgées de 15 à 24 ans connaissent les modes de transmission et prévention du VIH/SIDA (Banque Mondiale, 1997). Une autre enquête menée au Niger en 1998, par le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), rapporte que les hommes résistent à l'utilisation du préservatif que les femmes sont incapables d'obtenir par la persuasion des pratiques sexuelles plus sûres qui les préserveraient du risque accru d'infection par le VIH. Souvent les hommes profitent de la naïveté des femmes, pour les arguer d'une perte de sensibilité avec le préservatif, et de leur ignorance quant à la manière de l'utiliser correctement. Ces mêmes hommes craignent que l'usage du préservatif ne compromette la fécondité de manière permanente. Les plus extrémistes croient que le préservatif contient le virus du sida, et qu'il est prohibé par la religion musulmane.

Ce panorama du manque d'éducation en général et d'information sur le VIH/SIDA chez les femmes indique que ces dernières sont sous informées sur la pandémie. Ce manque de connaissances les expose au risque d'infection au VIH. Beaucoup d'idées fausses existent et persistent dans les communautés ayant un accès limité à une information exacte. Souvent, les mythes portent préjudice aux femmes victimes de discrimination.

A ce point de la revue de la littérature, il est intéressant de se demander quelles peuvent être les finalités des actions éducatives ciblant particulièrement les femmes. C'est à cette question que sont consacrés les paragraphes suivants.

Pour pallier le faible taux d'accès des femmes à l'éducation, les programmes de santé et de lutte contre le sida doivent jouer un rôle important dans l'effort d'accroître le nombre et la qualité de vie des bénéficiaires. Pour ce faire, ils doivent inclure non seulement l'éducation préventive pour les plus jeunes, mais aussi doivent également comporter un volet alphabétisation et des méthodes non formelles pour l'éducation des adultes. En plus d'assurer l'éducation de base pour tous, ces programmes doivent permettre aux auditeurs d'acquérir les compétences essentielles pour qu'ils puissent communiquer et comprendre des informations sur la pandémie du sida. Enfin, ces programmes devraient adopter des stratégies de défense contre le VIH/SIDA qui tiendraient compte du niveau d'information des populations sur le sujet.

De nombreuses recherches indiquent que l'information sur le VIH/SIDA est d'abord véhiculée par les médias, ensuite par les parents, les amis et les connaissances.

Selon Quenum (2000), toute information véhiculée par la radio, qui est pour beaucoup d'africains l'une des principales sources d'information, est d'emblée considérée comme crédible et digne de foi. Des sondages indiquent également qu'après les sujets politiques, la santé vient en seconde position dans les attentes du public des médias. Les centres de santé aussi dispensent à tous ceux qui les fréquentent surtout les femmes, une bonne éducation en matière de santé. Les médias sont mis largement à contribution pour atteindre le grand public.

Au Niger, dans le cadre de la lutte contre le VIH/SIDA, le PNLS/IST, les ONG de lutte contre le sida, les Associations professionnelles et confessionnelles tentent de faire prendre conscience aux populations des risques liés à l'infection du VIH/SIDA. Le changement de comportement souhaité passe par trois composantes : Information, Education et Communication (IEC). L'information à partir de ce que les populations connaissent en matière de santé et du sida ; l'éducation à partir des méthodes pédagogiques susceptibles d'informer les populations en vue de leur faire comprendre de l'intérêt qu'elles ont à se protéger et ensuite de leur donner les moyens de chercher à se protéger ; la communication enfin à partir des canaux les mieux adaptés pour une population en majorité analphabète.

L'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida présente une composante pratique. Il est utile de suivre ces programmes pour améliorer les conditions de vie des bénéficiaires en général et des femmes en particulier.

Comme toute action éducative, l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida devrait viser des changements de comportements, entraîner de nouvelles conceptions «plus rationnelles» et améliorer les conditions ou le cadre de vie quotidienne.

A titre d'exemple, les buts visés pour un changement de comportement responsable afin de répondre à la menace d'une maladie peu comprise, seraient :

· de protéger les jeunes en leur fournissant des informations et une éducation qui encourage un comportement sans risque ;

· d'améliorer l'accès aux préservatifs masculins et féminins et à leur utilisation ;

· de prévenir la transmission sexuelle du VIH et des autres IST qui facilitent la diffusion du sida ;

· de mettre les femmes et les filles en mesure de refuser les relations sexuelles dans des conditions dangereuses, de s'abstenir de relations sexuelles en cas de doute et de négocier l'utilisation de préservatifs ;

· de scolariser les filles et leur garantir un cadre d'apprentissage sûr et efficace pour qu'elles poursuivent leur scolarité normalement.

Au total, sous l'éclairage des différentes recherches citées, nous percevons que la problématique de l'accès des femmes à l'éducation en général semble englober un vaste champ concernant divers facteurs. Ces facteurs sont souvent d'origine culturelle, sociale, religieuse, idéologique et économique.

Pour le besoin de notre recherche, nous ne nous intéressons qu'aux seules causes socioculturelles et socio-économiques qui sont à nos yeux plus déterminantes de l'accès des femmes à l'éducation en général, et à l'éducation en matière de VIH/SIDA en particulier.

«Sans l'éducation pour les filles et les femmes, il n'y a pas de développement possible» déclare madame Torid Skard de l'UNICEF (1998). Si l'Afrique veut entrer dans le XXIè siècle avec une démographie maîtrisée, une population instruite et qualifiée, un espoir de réaliser son développement humain durable, elle doit miser à 100% sur la scolarisation des filles , mères et agents de développement de demain. L'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA participe à cet effort global.

Au même titre, ces approches éducatives peuvent être des contributions appréciables à l'atteinte des objectifs d'éducation pour tous tout au long de la vie. La généralisation de tels programmes éducatifs alternatifs accélèrerait l'atteinte des objectifs visés par Dakar 2000 et les objectifs de 2015, etc.

CHAPITRE 3

Cadre problématique

La revue de la littérature relative à l'accès des femmes à l'éducation et particulièrement à l'éducation en matière de VIH/SIDA et le cadre conceptuel nous ont guidé dans le choix des variables que nous allons présenter dans cette partie. Les variables explicatives qui sont à la base des inégalités entre genre en matière d'éducation sont d'origine sociale, économique et culturelle.

Dans ce cadre problématique, nous cherchons à déterminer la relation entre la participation des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA et l'origine sociale, économique et culturelle de leurs familles.

La variable expliquée (effet) est la participation des jeunes filles et des femmes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.

La variable intermédiaire (processuelle) est l'éducation, particulièrement l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.

Il s'agit de voir d'une part, les relations que ces deux groupes de variables (effet, et processuelles) entretiennent avec les variables d'entrée qui sont les caractéristiques individuelles des femmes et d'autre part, vérifier si l'origine sociale, économique et culturelle de la famille est favorable ou non à la participation des jeunes filles et des femmes au programme d'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.

Le cadre problématique classique utilisé comprend généralement trois (3) types de variables qui sont les variables d'entrée, les variables processuelles et les variables effets.

Les variables d'entrée sont les caractéristiques individuelles, socioculturelles et socio-économiques de la population ciblée. Ces variables sont statiques et ne sont pas susceptibles de changement tout au long de notre travail.

La variable processuelle concerne l'éducation, particulièrement l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA. Cette variable n'est pas statique, elle peut être manipulée par le chercheur afin de vérifier les relations postulées entre deux ou plusieurs variables. C'est un essai de clarification des relations qui existent entre les variables et les questions auxquelles le chercheur cherche des réponses.

Les variables effets représentent la situation causée par les variables processuelles en relation avec les variables d'entrée. Ce sont les variables qu'il faut expliquer décrire, améliorer ou comprendre.

3.1. Questions-problèmes et hypothèses

D'abord rappelons que notre question problème générale de recherche est :

«Dans quelle mesure l'origine sociale, économique et culturelle des microcosmes familiaux est-elle favorable ou non à la participation des jeunes filles et des femmes à des programmes d'éducation alternative comme l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA ?»

A cette question problème générale nous émettons une hypothèse générale:

(HYP.G) «L'origine sociale, économique et culturelle des microcosmes familiaux influence la participation des jeunes filles et des femmes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA».

Les différences de participation constatées, seraient dues aux caractéristiques individuelles des femmes et à l'origine sociale, économique et culturelle de leurs familles.

L'origine socio-économique et culturelle est une macro variable à trois (3) dimensions : une dimension sociale, une dimension économique et une dimension culturelle. Chacune des macro variables renferme des micro variables et ses indicateurs.

Le tableau n°3 suivant présente les macro variables origine sociale, économique et culturelle et leurs indicateurs.

Tableau n°3 Les macro variables et leurs indicateurs

Macro variables

Micro variables

Indicateurs

Caractéristiques sociales

Structure de la famille

-Taille de la famille

-Lien de parenté entre les membres de la famille

Organisation familiale

-Répartition des tâches

-Rôles/Fonction des membres de la famille

-Relation d'autorité

Caractéristiques économique

Niveau socio-économique

-Revenu de la famille

-Sources de revenu

Caractéristiques de la résidence

-Type d'habitation

-Type d'éclairage

-Approvisionnement en eau potable

Caractéristiques culturelles et antécédents scolaires

Passé scolaire de la famille

Attitude vis-à-vis de l'éducation

Rôles et Statuts selon le sexe

Perspective temporelle

-Niveau d'instruction des parents, ou du mari et des autres membres de la famille

-Alphabétisation

-Perception de l'éducation de ses buts et utilité

-Perception des rôles selon le sexe

-Projets envisagés

Religion

-Islam, Christianisme, et Autres

Ces trois dimensions sociale, économique et culturelle sont intimement liées. C'est la coexistence d'éléments sociaux, économiques et culturels spécifiques, à un moment donné, à un individu et au groupe auquel il appartient, qui sert de cadre de référence, qui définit et oriente les comportements des membres de la famille plus précisément la participation à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.

La variable participation est une macro variable que nous présentons dans le tableau n°4 suivant

Tableau n°4 Macro variable effet :participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA et ses indicateurs.

Macro variable

Micro variables

Indicateurs

Participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA

Motivation

Engagement

Origine socioculturelle

Durée dans la formation

-Inscription au programme,

-Assiduité à la formation,

-Mise en pratique des acquisitions,

-Exécution des recommandations proposées par le programme.

Pourquoi ? Par qui ?

Depuis quand ? Combien de temps ?

Bénéfices

· Attentes

· Effectifs

-Accès à l'éducation

-Alphabétisation

-Savoir se protéger contre le VIH/SIDA

-Apprendre un métier

-Toutes les filles et les femmes âgées de 15 à 49 ans

Par rapport à la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA, la question problème générale et l'hypothèse générale entraînent les questions spécifiques suivantes :

1. Le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il fonction de l'appartenance sociale de leurs familles ?

2. Le niveau économique des familles, influence-t-il le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA ?

3. Le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il déterminé par l'identification culturelle des familles ?

4. La religion que pratiquent les familles détermine-t-elle le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA ?

Nous pensons que chaque sphère (sociale, économique, culturelle, religieuse, etc.) prise isolément influence significativement le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

Nous déduisons de notre cadre problématique des questions-problèmes spécifiques auxquelles sont associées des hypothèses spécifiques.

· A la question spécifique, le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il fonction de l'âge de la femme ? nous émettons l'hypothèse que l'âge détermine le degré d'engagement et de participation de la femme à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

· A la question spécifique, le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il lié à leur statut matrimonial ? nous supposons que le statut matrimonial détermine le degré d'engagement et de participation des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

· La question spécifique, le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il déterminé par leur statut et fonction sociale ? nous laisse penser que le statut et la fonction déterminent le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

· De la question spécifique, le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il en relation avec leur niveau d'éducation ? nous déduisons que le niveau d'éducation influence le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

· Pour la question spécifique, le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il fonction de leur religion ? nous pensons que la religion influe sur le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

· Enfin la question spécifique, le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il déterminé par le quartier de résidence ? nous fait supposer que le quartier de résidence détermine le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

Après la formulation des hypothèses spécifiques, nous explicitons les variables prises en compte dans notre étude.

3.2. Explicitation des variables

Les filles et les femmes qui participent au programme d'éducation en matière de VIH/SIDA durant l'année 2002-2003 constituent la cible principale de notre recherche. C'est au cours de cette année que beaucoup d'activités en matière d'éducation en VIH/SIDA au Niger ont été menées.

3.2.1. Les variables d'entrée

Les variables d'entrée ou explicatives sont les caractéristiques individuelles des filles et des femmes, leurs caractéristiques sociales, culturelles, religieuses, économiques, leurs antécédents scolaires, leur participation à des actions d'alphabétisation dans un passé récent, etc.

Ces caractéristiques sont les variables socioculturelles et socio-économiques relatives à l'âge, au niveau d'instruction, à la position dans la famille et dans la fratrie, à la situation matrimoniale, à la profession, au quartier de résidence, à la répartition des tâches, à la perception des rôles selon le sexe, au lien de parenté entre les membres de la famille, à la perception de l'éducation, de ses buts et de son utilité, à la religion pratiquée, aux sources de revenu, à la participation à l'économie familiale, au type d'habitation, etc.

3.2.2 Les variables processuelles

La variable processuelle est l'éducation, particulièrement l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.

Le choix de l'éducation en matière de VIH/SIDA varie selon que les bénéficiaires sont motivées, engagées et qu'elles en espèrent tirer des bénéfices en fonction de leurs attentes. Il serait intéressant de savoir ce qui motive les femmes et les filles à rester dans les programmes jusqu'à la fin ou qu'est ce qui les empêche d'aller jusqu'au bout. Intéressant aussi de déterminer quels programmes sont offerts et quels programmes sont souhaités, quels programmes sont annoncés et quels programmes sont réellement mis en oeuvre, et quelles sont les compétences visées, etc.

3.2.3. La Variable effet ou expliquée

Le niveau de participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA est la macro variable effet que nous tentons de comprendre et d'expliquer dans le cadre de notre recherche.

Les variables de cette macro variable sont importantes pour nous parce que les études de Perrenoud (1970) et Convers (1975) de même que les écrits de Caglar (1983) soulignent l'influence décisive des facteurs sociaux sur la réussite scolaire. Ainsi, Caglar écrit : «à la fin de la première année à l'école primaire, les résultats scolaires de l'élève portent l'empreinte des caractéristiques culturelles familiales. La durée, la qualité des études de l'enfant vont dépendre en grande partie de son origine sociale» Caglar (1983, p.22). Louis Legrand (1993) aussi, affirme que ce serait «dans la famille que l'échec se prépare par les habitudes contractées de «codes sociaux» handicapants par rapport aux exigences de l'école» (Louis Legrand in préface à Duru-Bellat et Mingat, 1993) cité par SALL (1996).

Les conditions économiques des parents déterminent en grande partie une bonne scolarité des enfants selon la théorie de l'habitus développée par Bourdieu (1970) pour expliquer la reproduction culturelle et l'inégalité scolaire.

Les enfants dont les parents ne disposent pas de sources de revenus substantiels ont d'énormes difficultés pour suivre leurs apprentissages. Les caractéristiques socioculturelles et économiques des parents seraient alors déterminantes pour d'une part, l'accès ou non et d'autre part, pour le maintien ou non des filles dans le système scolaire. Les conclusions de certaines études semblent aller dans cette direction : Duru-Bellat (1992) ; Mime/Martissano (1998) ; Diop/Kane (1998) ; et les résultats de Sall (1996) qui rapporte que «la préoccupation des recherches en éducation était de dégager les facteurs liés aux échecs (ou à la réussite) scolaire compte tenu des principaux groupes des sociétés étudiées. Ces principaux groupes identifiés sont généralement les classes sociales et les catégories socioprofessionnelles. La question centrale étudiée dans cette perspective avait trait à l'inégalité des chances. C'est en ce sens que les principales conclusions des recherches de type classique en sociologie de l'éducation mettent en exergue les poids des facteurs socio-économiques et des facteurs socioculturels sur l'échec ou la réussite scolaire»

Toutes les études fondées sur des données empiriques et basées sur l'approche sociologique de la réussite scolaire arrivent à une même conclusion. «Pour les sociologues de l'éducation, les différences de réussite scolaire seraient dues aux différences d'environnement social et culturel et non à des inaptitudes naturelles. Les enfants d'origine populaire, qui souffrent d'un environnement moins favorable, se retrouveraient tout naturellement en situation d'échec scolaire» Mime/Martissano, (1998, p.16)

Après avoir explicité les variables de notre recherche à travers l'analyse de nos questions problèmes, nous présenterons le dispositif méthodologique mis en place pour la vérification de nos hypothèses. Mais avant, rappelons la spécification du thème, de la problématique et des hypothèses de la recherche.

Le thème est :Femmes et éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.

Le problème général est de savoir quelles filles et femmes bénéficient des programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida au Niger ?.

En tenant compte de notre question générale telle qu'elle a été formulée (voir chapitre 1, p. 33), l'objectif général de notre étude est une contribution à une explication scientifique de l'origine socio-économique et culturelle des familles qui facilite ou entrave la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. Particulièrement, nous allons tenter de déterminer :

· dans quelle mesure les approches alternatives ou projets alternatifs à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA peuvent contribuer d'une part à l'amélioration de l'accès à l'éducation du plus grand nombre de filles et de femmes, et d'autre part, dans quelles mesures, ces projets éducatifs alternatifs peuvent améliorer la qualité ou l'efficacité externe des systèmes éducatifs traduisibles en compétences, savoirs, savoir-faire, savoir-être, savoir-devenir socialement utile à chaque individu tout au long de sa vie.

L'objectif spécifique de notre recherche est l'identification des facteurs socio-économiques et culturels qui sont liés à la participation, à la motivation et à l'engagement des filles et des femmes à suivre ces programmes d'éducation. Quelles catégories de filles ou de femmes s'inscrivent à ces programmes ? Quels profits en tirent-elles réellement ?

Nous mettons dans un tableau de synthèse les variables retenues dans le cadre problématique restreint à la page 72, tableau n°5 schéma 1. Il s'agit :

de la variable d'entrée : les caractéristiques socio-économiques et culturelles des filles et femmes ;

de la variable processus : l'éducation en matière de VIH/SIDA, des programmes, des contenus, de la durée de formation, des lieux où se déroule la formation ;

de la variable effet : la participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

3.3.Explicitation du cadre problématique

Le cadre problématique choisi peut être manipulé dans un sens quelconque. Ainsi, dans notre recherche, la direction des relations postulées va de gauche vers la droite c'est-à-dire des variables entrée vers les variables effets, et des variables processuelles vers les variables effets. Aucun effet réciproque ne sera testé. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas ce type d'effet. Bien au contraire, il peut y avoir une causalité réciproque entre les variables caractéristiques sociale, économique et culturelle et la participation des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA avec un signe positif ou négatif à déterminer. De même entre la variable processuelle et les deux autres groupes de variables.

Un programme donné d'éducation y compris l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA peut être «modifié» compte tenu des «expériences acquises» lors des différentes phases d'application ou lors d'une répétition avec d'autres cibles ou les mêmes cibles quelques temps plus tard.

C'est en fonction des effets obtenus en cours et à la fin de la formation que le programme peut-être revu : combien d'inscrites parviennent en fin du programme de formation ? Quel est le degré de réalisation des objectifs du programme ? Quel est le degré d'atteinte des objectifs pédagogiques visés ?

Tableau n°5 Schéma 1 du cadre problématique

(3)

Variables d'entrée

Variables processus

Education,

Education en matière de VIH/SIDA

-Programmes

-Contenus

-Durée

-Ressources

-lieux

Variables effets

Participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA

-Motivation

-Engagement

-Alphabétisation

-Apprentissage d'un métier,

-Image dans la société

-Possibilité de réinvestissement : 

-social

-familial,

-personnel,

-économique etc.

Caractéristiques individuelles

V

Caractéristiques sociales

cccc

Caractéristiques culturelles et antécédents scolaires

(1) (2)

Caractéristiques économiques

Religion

L'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA n'est pas une

variable statique. Elle peut être influencée par les variables d'entrée entre autre par l'âge ou la profession par exemple.

Donc nous pouvons dire qu'il existe une relation entre les variables d'entrée et les variables processus (flèche n°1).

La relation entre l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA et la participation des filles et des femmes à cette éducation (flèche n°2) constitue l'élément central de notre recherche. Les différences de participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA des femmes s'expliqueraient-elles par les différences d'origine sociale, économique et culturelle de leurs familles ? Cette relation porte sur l'intuition que nous cherchons à prouver et les interrogations auxquelles nous cherchons des réponses.

Enfin, nous pensons aussi qu'il existe une relation entre les variables d'entrée qui sont les caractéristiques individuelles, et les caractéristiques socioculturelles, religieuses et économiques des familles et la participation des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA (flèche n°3). Nous savons qu'avec le temps, l'effet de la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA, et le programme d'éducation en matière de VIH/SIDA lui même, il y aurait changement de l'environnement socio-économique et culturel des apprenants. D'où la notion de boucles rétroactives qui désigne «l'action des états de sortie d'un système sur les états d'entrée du même système» (Thines et Lempereur, 1984, p.841). Dans notre recherche, de la variable effet vers les variables entrée en passant par la variable processus (voir tableau n°5, schéma n°1, p.72).

Bien que nous ne testions pas les relations en sens inverse, nous les figurons dans le tableau n°6, schéma 2 du cadre problématique qui suit. Nous le traiterons dans une perspective de thèse.

Tableau n°6 du schéma n°2 du cadre problématique

Variables effets

Participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA

-.Motivation

-Engagement

-Alphabétisation

-Apprentissage d'un métier,

-Image dans la société

-Possibilité de réinvestissement : 

-Social,

-familial,

-personnel

-économique, etc.

Variables d'entrée

Variables processus

Education,

Education en matière de VIH/SIDA,

-Programmes

-Contenus

-Durée

-Ressources

-Lieux

Caractéristiques individuelles

Caractéristiques

sociales

Caractéristiques culturelles et Antécédents scolaires

Caractéristiques économiques

Religion

Partant du cadre problématique, nous tentons d'identifier les causes qui déterminent le degré d'engagement et de participation des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

Dans une perspective de thèse, nous analyserons le phénomène de la participation et de l'identification des filles et des femmes qui participent au programme de santé et de lutte contre le VIH/SIDA. Cette analyse montrerait une sorte d'imbrication d'effets rétroactifs des différents niveaux tels les variables d'entrée, les variables processus et les variables effet.

En réalité, l'éducation en matière de VIH/SIDA intéresse les institutions publiques, les ONG et Associations de lutte contre le VIH/SIDA qui la dispensent ainsi que les filles et les femmes qui en bénéficient. Ces programmes d'éducation et les bénéficiaires subissent tous l'influence du temps qui agit à travers les différentes perceptions, les conceptions et les croyances de l'époque. En un mot, les filles, les femmes et les institutions interagissent et s'influencent mutuellement.

Au fil du temps, les programmes d'éducation en matière de VIH/SIDA et les différents niveaux auxquels ils s'analysent en termes d'entrée et de sortie relèvent de la boucle récursive plus riche que la rétroactive simple. Le système apprend, s'enrichit, se développe, et s'améliore de lui-même.

Ainsi la notion de boucle récursive empruntée à Edgard MORIN (1986) et rapportée par SALL (1996), éclaire le tableau n°6 schéma n°2 de la page p.74 qui tente de matérialiser l'analyse de l'éducation en matière de VIH/SIDA prise dans son sens le plus général. Le niveau d'interaction le plus élémentaire comprend les besoins et les attentes des filles et des femmes au plan de la formation d'une part, de la société sous forme de réinvestissement socioculturel d'autre part.

Le degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA qui est l'objet même de notre étude, laisse entrevoir la nécessité de tenir compte de l'évolution des attentes et des besoins des filles et des femmes à travers le temps d'une part, et d'autre part les possibilités de réinvestissement occasionnées par l'acquisition de compétences nouvelles. Cette dialectique des besoins et attentes des filles et des femmes que nous tentons de mesurer plus tard est un exemple de processus récursif au sens que E. MORIN (1986), cité par SALL (1996), en donne «c'est un processus où les effets ou produits sont en même temps causateurs et producteurs dans le processus lui-même, et où les états finaux sont nécessaires à la génération des états initiaux. Ainsi le processus récursif est un processus qui se produit/reproduit lui-même, à condition évidemment d'être alimenté par une source, une réserve ou un flux extérieur. L'idée de boucle récursive n'est pas une notion anodine qui se bornerait à décrire un circuit, elle est bien plus qu'une notion cybernétique qui désigne une rétroaction régulatrice, elle nous dévoile un processus organisateur fondamental et multiple dans l'univers physique, qui se développe dans l'univers biologique, et qui nous permet de concevoir l'organisation de la perception et l'organisation de la pensée, laquelle ne peut être conçue que selon une boucle récursive où computation et cognition s'entregénèrent».

Nous obtenons le nombre de filles et de femmes en prenant dans chaque strate un nombre d'individus égal dans chaque localité choisie. Ainsi, nous avons une cohorte de filles et de femmes dans chaque localité, c'est-à-dire un groupe de filles et de femmes qui suivent ensemble le même programme d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. Legendre (1993, p.208-209) définit une cohorte comme «l'ensemble des élèves fréquentant ou ayant fréquenté la même classe (échelon du programme d'études au cours du même intervalle de temps)».

Pour les besoins de la thèse, nous comptons suivre ces filles et femmes pendant cinq ans jusqu'en 2007.

Toutefois, nous avons mis en place un dispositif méthodologique qui nous permettra de réaliser cet objectif qui sera exploité dans la thèse.

Le tableau n°7, schéma n°3 suivant est le cadre problématique de la perspective de la thèse.

T0 =début de notre étude, T1, T2, T3, et T4 les autres années de suivi des cohortes jusqu'en 2007.

Tableau n°7 schéma n°3 Cadre problématique de la perspective de la thèse :Suivi des cohortes jusqu'en 2007.

T0

Effet

Processus

Entrée

T1

Processus

Entrée

Effet

T2

Effet

Processus

Entrée

T3

Effet

Processus

Entrée

T4

Entrée

Processus

Effet

CHAPITRE 4

Méthodologie

Notre recherche se caractérise par son approche descriptive. Elle privilégie la combinaison d'approches qualitative et quantitative. Notre étude porte sur l'effet de l'origine sociale, économique et culturelle de la participation des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA. Nous voulons vérifier si la participation des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est favorisée ou non par l'origine sociale, économique et culturelle des microcosmes familiaux.

Nous présentons dans ce chapitre la population cible, l'échantillonnage que nous appliquerons à notre population, les instruments nous permettant la collecte des données indispensables à la réalisation de notre objectif et le traitement des données recueillies.

4.1. Population cible

Amyotte définit une population comme «un ensemble de tous les faits, de tous les objets ou de toutes les personnes sur lesquels porte une étude ou une recherche» (Amyotte, 1996 p.11).

Notre population cible pour mener notre recherche est constituée de filles et de femmes nigériennes âgées de 15 à 49 ans, célibataires, mariées, divorcées, veuves ou autres qui suivent les programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. Ces filles et femmes sont scolarisées, déscolarisées ou analphabètes. Elles sont des employées, chômeuses ou sans emploi. Il s'agit des filles et des femmes des communes de Niamey et de Maradi.

Nous avons choisi ces deux (2) communes parce qu'elles présentent des degrés différents d'éducation des filles et des femmes et de la masse d'informations disponibles sur la perception de l'éducation en général des filles et des femmes et en particulier en matière de VIH/SIDA.

La communauté urbaine de Niamey est choisie en raison de son caractère urbain ; elle est la capitale politique et administrative du Niger. La plus grande partie des ONG et Associations de lutte contre le sida au Niger est basée à Niamey où elle mène ses activités. Nous pouvons raisonnablement avoir les informations dont nous aurons besoin. En plus, étant nous mêmes membre d'une des ONG de lutte contre le sida basées à Niamey dénommée «Mieux Vivre avec Sida», la récolte des informations nous sera plus aisée.

Quant à la ville de Maradi, elle est caractérisée par ses activités économiques et sa proximité avec le Nigeria dont la ville la plus proche est à 50 km de la frontière. Les mouvements intégristes musulmans du Nigeria en font leur arrière base. Nous sommes également originaires de ladite région et nous pouvons servir de facilitateur local pour nos interviews et nos focus-groups.

Le projet éducatif en matière de santé et de lutte contre le sida est ouvert à tous et à toutes surtout aux populations vulnérables que sont les filles et les femmes. Ces dernières bénéficient de cette éducation qui leur permet d'acquérir un savoir-faire, un savoir-être, et un savoir-devenir selon leurs intérêts. C'est à partir de 15 ans que la jeune fille est considérée comme sexuellement active et apte à fonder un foyer surtout si elle ne fréquente pas l'école.

En l'état actuel des données disponibles, il n'est pas possible de déterminer la taille exacte et précise de cette population.

4.2. Echantillon

«Il n'est point besoin de manger tout le plat pour savoir si nous pouvons le servir (. . .) il n'est point nécessaire, ni souhaitable, ni possible parfois d'étudier toute la population pour bien la connaître» (Amyotte, 1996 p.60).

Ainsi, compte tenu de la nature même de notre population de référence et de l'impossibilité de bien la circonscrire, nous allons recourir à l'échantillonnage non probabiliste.

4.2.1. Taille de l'échantillon

Divers éléments sont pris en compte pour déterminer la taille d'un échantillon. Il s'agit de voir quelques uns de ces aspects qui sont entre autres : la marge d'erreur avec laquelle le chercheur accepte de travailler, le caractère homogène de la population visée, et le niveau d'analyse souhaité.

D'après Albarello, «la taille de l'échantillon ne dépend nullement du nombre de personnes qui composent la population de référence. Il faut bannir la réflexion en termes de «taux de sondage» qui serait une proportion idéale entre la population et l'échantillon. L'idée selon laquelle «mon échantillon serait représentatif parce qu'il comporte 5 ou 10 ou 20% de la population-parent», bien qu'elle soit une idée répandue, est une idée inexacte !» (Albarello, 1999 p.109). En ce qui concerne notre recherche, nous ne pouvons calculer la taille de notre échantillon selon le nombre de filles et de femmes de notre population-mère dont nous ignorons le nombre exact. Nous allons pour ce faire, justifier la taille de notre échantillon selon la marge d'erreur avec laquelle nous acceptons de travailler. Dans ce sens, Albarello écrit «par exemple, s'il faut un échantillon de 196 individus pour être assuré (à 95 chances sur 100 -ceci est l'intervalle de confiance-) d'une marge d'erreur maximale de 7%, il faut 267 individus pour une marge de 6%. Il en faut 384 pour une marge de 5% et 600 pour une marge de 4%». (voir graphique des marges d'erreurs selon la taille de l'échantillon dans «Apprendre à chercher» de Albarello, 1999 p.110). C'est ainsi que nous avons opté pour une marge d'erreur maximale à 8%.

Donc, la taille de notre échantillon sera de cent cinquante (150) unités d'observation, reparties équitablement entre Niamey et Maradi.

4.2.2. Techniques d'échantillonnage

Après avoir défini la taille de notre échantillon, nous allons choisir les individus pressentis pour constituer notre plan d'échantillonnage. Nous allons recourir à la technique d'échantillonnage stratifié dans le choix des unités d'observation qui constituent notre échantillon. Cette technique d'échantillonnage non aléatoire ou non probabiliste est utilisée dans le cas où on ne connaît pas la taille de la population-parent. Par conséquent, notre échantillon est déterminé par la marge d'erreur avec laquelle nous avons accepté de travailler.

La population peut être divisée en groupes distincts relativement homogènes appelés strates. Amyotte (1996, p.69) définit une strate comme étant «un groupe d'individus relativement homogène au sein d'une population ; défini par une caractéristique précise».

En effet, l'usage de la technique d'échantillonnage stratifié se justifie dans notre étude parce qu'elle nous permet de prélever un échantillon ayant la même composition que la population de référence. C'est ce que Amyotte appelle «un véritable modèle réduit de la population» (Amyotte, 1996 p.69)

C'est en fonction des caractéristiques individuelles, des variables sociales, économiques et culturelles que nous allons opérer.

Pour chaque commune, nous avons choisi de faire neuf (9) focus-groups composés de sept (7) individus chacun et douze (12) interviews individuelles.

Au total, dix-huit (18) focus-groups seront réalisés avec les bénéficiaires directes du programme d'éducation en matière de santé et lutte contre le sida que sont les filles et les femmes, et vingt-quatre (24) interviews individuelles seront administrées aux leaders d'opinion qui sont les non-bénéficiaires directs du programme. De par leur situation, les leaders d'opinion jouissent d'une grande audience et peuvent influencer, par leurs prises de position, une grande partie de la population. Ils peuvent, en s'engageant résolument dans la lutte contre le sida, sensibiliser les gens et les pousser à un changement de comportement. Les leaders d'opinion peuvent favoriser l'élaboration de politiques et de stratégies de lutte efficaces et cohérentes en mettant à la disposition des programmes de lutte contre le sida des moyens de lutte. Ces leaders d'opinion se retrouvent parmi les hommes et les femmes. C'est pourquoi, nous les interviewons sans distinction de sexe.

Nous présentons dans le tableau qui suit, notre échantillon en focus-groups et en interviews individuelles par localité

Tableau n°8 Les Focus-groups et les interviews individuelles par localité

Localités

Focus-Groups

Interviews individuelles

Niamey

Jeunes filles scolaires, déscolarisées et analphabètes (21)

Leaders religieux (2)

Niamey

Femmes mariées employées, chômeurs ou sans emploi (21)

Educateurs :

(enseignants, pair-éducateurs, et médecins) (8)

Niamey

Femmes divorcées, veuves et autres (21)

Responsable de projet/programme de lutte contre le sida (2)

Maradi

Jeunes filles scolaires, déscolarisées et analphabètes (21)

Leaders religieux (2)

Maradi

Femmes mariées employées, chômeurs et sans emploi (21)

Educateurs :

(enseignants, pair-éducateurs, et médecins) (8)

Maradi

Femmes divorcées, veuves et autres (21)

Responsables de projet/programmes de lutte contre le sida (2)

Total

126 individus (18 Focus-Groups de 7 personnes)

24 interviews individuelles

-Les filles et femmes qui participent aux focus-groups sont choisies parmi l'ensemble des filles et des femmes ayant participé au programme d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida dans chacune des localités retenues.

-Les interviews individuelles s'intéressent aux leaders d'opinion dans chaque localité.

Six (6) critères ont présidé au choix des participantes :l'âge, le lieu de résidence, la profession, le statut matrimonial, le niveau d'instruction et la religion.

1. L'âge : pour encourager la libre expression des participantes, elles seront réparties en groupes d'âge. Cette homogénéité nous permet d'examiner les points de vue et les expériences différentes au sujet de la perception de l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida et la participation à cette éducation.

2. Le lieu de résidence : comme signalé précédemment, sont les communes de Niamey et de Maradi dans lesquelles sont sélectionnées les participantes. Nous essayerons de voir s'il existe une différence de participation au programme d'éducation de lutte contre le sida entre les filles et les femmes du milieu urbain et du péri-urbain.

3. La profession : nous permet de savoir si les filles et les femmes participent à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida en fonction de leur profession ou de leurs intérêts.

4. Le statut matrimonial : nous permet de savoir si le lien de mariage pouvait avoir un impact sur la participation des femmes à l'éducation en matière de sida. Nous allons regrouper les participantes selon leur statut matrimonial.

5. Le niveau d'instruction : nous permet de savoir si la participation à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida est une alternative à l'éducation formelle pour celles qui n'ont pas été scolarisées.

6. La religion : la complexité de l'intégrisme musulman au Niger particulièrement dans ces deux régions nous permettra de savoir si la religion facilite ou entrave la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida.

4.3. Collecte des données

Pour collecter nos données, nous allons procéder au regroupement des individus et des strates en fonction des localités (Niamey et Maradi), des lieux et occasions propices aux focus-groups. Nous définissons les caractéristiques des strates et nous allons stratifier en fonction des caractéristiques individuelles et de la nature des variables prises en compte dans notre recherche.

Nous constituerons des groupes de 7 individus qui ont des caractéristiques ou des intérêts communs et sensiblement le même statut social.

Enfin, nous nous convenons d'une date, d'une heure, et d'un lieu de rencontre avec les groupes pour la présentation de l'instrument.

4.3.1 L'instrument de collecte des données

Dans notre recherche, les instruments de collecte des données choisis sont le focus-group et l'interview individuelle. Ils ont pour fonction de cueillir ou de produire des informations nécessaires à la vérification de nos hypothèses de recherche.

Il s'agit ici d'une observation indirecte telle que définit par Quivy & Van Campenhoudt (1995) «dans le cas d'une observation indirecte, le chercheur s'adresse au sujet pour obtenir l'information recherchée. En répondant aux questions, le sujet intervient dans la production de l'information» (Quivy & Van Campenhoudt, 1995, p.164).

Nous avons choisi la technique du focus-group pour les bénéficiaires directes du programme d'éducation en matière de VIH/SIDA pour mieux cerner le sujet de notre étude sous tous ses angles. Cet instrument de collecte d'informations permet aux enquêtés d'exprimer leurs perceptions, leurs sentiments ou leurs attitudes sur les questions de la participation au programme d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. La discussion à l'intérieur du groupe permet aux participants de réfléchir, de se rappeler des choses oubliées qui ne seraient pas remontées autrement à la mémoire ; le groupe agit comme auto-correcteur en permettant à la personne de modifier son jugement et de donner une opinion plus nuancée ; le groupe peut recréer une sorte de microcosme social où le chercheur peut identifier les valeurs, les comportements, les symboles des participants selon Deslauriers et Graw-Hill (1991, p.33). La richesse de cette expression spontanée offre des pistes qui permettent de comprendre la manière dont les filles et les femmes au Niger communiquent sur les questions de la participation au programme d'éducation en matière de sida devenue un sujet quotidien.

L'interview semi dirigée qui sera pratiquée avec les leaders d'opinion, quant à elle, est une forme d'entretien individuel qui présente plus de liberté de parole parce que la contrainte sociale y est moins grande que lors d'une discussion de groupe. «Selon le cas, une interview peut-être libre, semi-dirigée ou dirigée : elle sera libre lorsque l'intervieweur s'abstient de poser des questions visant à réorienter l'entretien ; elle sera dite dirigée lorsque le discours de la personne interviewée constitue exclusivement la réponse à des questions préparées à l'avance et planifiées dans un ordre précis ; elle sera semi-dirigée lorsque l'intervieweur prévoit quelques questions à poser en guise de points de repère» De Ketele et Roegiers (1996, p.19).

L'interview individuelle semi-dirigée pourrait nous aider à faire ressortir des contradictions culturelles souvent subtiles mais riches en enseignements. A propos de la procédure, Albarello (1999) fait remarquer que «les entretiens semi-directifs sont menés sur la base d'un guide d'entretien constitué de différents «thèmes-questions» préalablement élaborés en fonction des hypothèses. Un guide d'entretien comprend généralement une douzaine de thèmes questions qui, sauf exception à justifier, seront abordés dans un ordre à chaque fois identique afin d'éviter que la place du thème dans l'interview n'influence la qualité des réponses (on ne répond pas avec la même intensité à une dernière question qu'à la première posée)» (Albarello, 1999 p.66).

Nous faisons recours à ces interviews individuelles parce que nous voulons comprendre l'objet de notre étude en profondeur à l'aide des personnes témoins privilégiées, bien placées pour se prononcer. Ce sont les leaders d'opinion qui désignent aussi bien les leaders religieux, que les éducateurs (enseignants, pairs-éducateurs, et médecins), les responsables de projets et programmes d'éducation en matière santé et de lutte contre le sida.

Les interviews et les focus-groups seront animés par un assistant ou modérateur formé au préalable et nous même. Nous les enregistrons sur bandes magnétiques audio et les retranscrirons intégralement pour ensuite les analyser.

Le guide d'entretien contient des questions fermées, et des questions ouvertes qui nous ont servi à mener l'enquête.

Les principaux thèmes abordés sont :

-l'identification des participantes :âge, sexe, niveau d'instruction, statut matrimonial, profession, quartier de résidence, religion.

-la perception du rôle et des buts de l'éducation en général des filles et des femmes et en particulier de l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida ;

-les avantages ou les bénéfices de l'éducation en matière de VIH/SIDA ;

-l'accessibilité de la formation en éducation en matière de VIH/SIDA ;

Le questionnaire élargit la liste des variables susceptibles d'avoir un impact sur la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida telles que la religion pratiquée et la profession exercée.

Le questionnaire sera d'administration indirecte parce que nous lirons nous mêmes les questions et les réponses de l'enquêté seront enregistrées sur bandes magnétiques audio.

Dans le focus-group, il n'est pas toujours possible ou souhaitable de se limiter strictement aux questions initialement prévues. Ces questions servent d'habitude de protocole de base pour les discussions de groupe. Nous poserons des questions au cours du débat pour l'explicitation des arguments avancés par les participants, ou pour les amener à bien exprimer et défendre leurs idées. Cela permet de minimiser les erreurs et omissions.

4.3.2. Les lieux de l'enquête

Nous avons limité notre champ d'étude aux seules communes de Niamey et de Maradi comme précédemment annoncé.

Du point de vue géographique, ces deux communes sont implantées dans deux régions distinctes du Niger.

A. La Communauté Urbaine de Niamey

Niamey est une ville de création récente dont l'existence remonte dans les années 1900.

La ville de Niamey est située à l'ouest du territoire national nigérien. Elle est partie intégrante du département de Tillabéry. Elle fut érigée en capitale en 1926 grâce au gouverneur Brevié. En 1952, Niamey devient le premier centre urbain du Niger avec 11.790 habitants. A partir de 1970, l'explosion démographique de Niamey a été très rapide. De 108.000 habitants, la population a quadruplé pour atteindre 398.265 habitants en 1986 soit une augmentation de 18.141 habitants par an. La densité optimum d'occupation atteint 150 à 400 habitants par km2. En 2002, la population était de 720.468 habitants selon la Direction de la statistique et des comptes nationaux (DSCN). C'est un brassage de cultures où cohabitent plusieurs ethnies nationales et de la sous-région. Cette forte concentration démographique pose de nombreux problèmes d'urbanisation, de scolarisation, d'emploi, de santé et d'environnement.

Le développement de la ville de Niamey se traduit par une transformation de son couvert végétal qui était constitué de palmiers doum dans la vallée du fleuve niger. Comme toute capitale africaine, la Communauté Urbaine de Niamey est confrontée aux problèmes de l'immigration et surtout au phénomène de l'exode rural d'où un taux d'accroissement de la population de 4,7% pour une moyenne nationale de 3,47% (DSCE/MSP/LE, Niger, 2002)

La rapidité de la croissance démographique et spatiale n'ont pas permis aux pouvoirs publics de doter la ville de Niamey de l'ensemble des infrastructures collectives nécessaires à la vie quotidienne des Niaméens. Cette insuffisance est particulièrement ressentie dans plusieurs domaines, surtout l'éducation et la santé. La vie socio-économique et culturelle des populations de Niamey reflètent ces difficultés liées à une urbanisation relativement embryonnaire et quelque peu sauvage, c'est-à-dire peu ou pas planifiée.

B. La Commune de Maradi

Maradi se trouve à 670 km à l'Est de Niamey, sur la route nationale n°1 au sud du Niger et à la frontière du Nigeria.

Le département de Maradi a une superficie de 41.811 km2 soit 3% de la superficie totale du pays. En 2003, la population du département de Maradi était estimée à 2.202.035 habitants. Il s'agit d'une population relativement jeune, car plus de 50% ont moins de 30 ans. La densité moyenne est de 548 habitants au km2.

La ville de Maradi regroupe un large éventail d'ethnies représentant l'ensemble du Niger. La population est à dominante haoussa qui représente 87% de la population. Cette population est de diverses origines venues pour y faire fortune. En effet, dans cette partie du Niger les mouvements migratoires sont une vieille tradition d'origine variée provenant des zones géographiques proches du département. L'exode rural est également un phénomène important dans la région de Maradi. Ce phénomène massif et temporaire concerne surtout les jeunes de moins de 30 ans (Grégoire et Raynaut, 1986). Ces migrations saisonnières ont beaucoup contribué, avec la natalité, à accentuer le phénomène de la croissance urbaine.

En effet, on constate une certaine stabilité dans les flux migratoires que Herry (1989) classe en deux catégories :

1. les migrations anciennes en provenance des arrondissements proches et lointains de Maradi ;

2. les migrations récentes en provenance d'autres régions plus éloignées du Niger dues à la grande sécheresse de 1974 et surtout au renvoi massif des étrangers par le Nigeria. Cette situation fait de la ville de Maradi une ville où cohabitent toutes les ethnies du Niger et aussi toutes sortes de religion (islam, christianisme, et autres).

Tous les différents groupes ethniques se sont fondus depuis de générations dans un syncrétisme culturel et religieux dans lequel prédominent les valeurs musulmanes. L'islam a une prédominance sur les autres religions telles le christianisme et l'animisme. Actuellement se développent plusieurs courants islamiques dont le plus important est le mouvement «izala» en provenance du nord Nigeria. Le mouvement «Izala» se veut rénovateur de l'islam ; il prône une vie simple, mais exige également le port du voile par les femmes et reprend avec ardeur le phénomène de la claustration qui consiste à enfermer les épouses dans les maisons. Les femmes mariées ne sortent pas de la maison quel que soit le motif sans l'autorisation de leur époux et personne n'y entre sans permission, surtout les hommes. Les adhérents à cette pratique sont hostiles à l'éducation occidentale de la femme, surtout en ce qui concerne la fréquentation scolaire des filles et des femmes. Pour eux, la scolarisation susciterait la dépravation des moeurs ce qui explique les faibles taux de scolarisation et d'alphabétisation de Maradi, avec un grand écart entre les hommes et les femmes. Le contexte socioculturel du milieu est hostile à toute forme d'éducation occidentale. Les écoles coraniques existantes dispensent une éducation traditionnelle. L'immense majorité des jeunes ne va pas à l'école ou ne fréquente plus les structures d'éducation formelle. Les populations de religion islamique se souviennent encore du peu de crédit que les colonisateurs accordaient à l'islam ; elles se souviennent également des conversions forcées au christianisme et adoptent de nos jours, la mémoire collective aidant, une attitude de défiance vis-à-vis de «l'école des blancs».

Jadis, capitale économique du Niger, Maradi offre d'énormes potentialités touristiques, commerciales , agricoles encore mal exploitées. Mais la crise économique a contraint les opérateurs économiques à mettre la clé sous le paillasson laissant se développer le secteur informel. Tout tourne au ralenti par rapport aux années fastes de 1978 à 1986 période du «boum» de l'uranium au Niger.

Depuis la montée de l'intégrisme religieux au début des années 1999, et l'adoption de la loi islamique (Shari'a) dans certains Etats du nord Nigeria frontaliers de Maradi, beaucoup d'étrangers se sont repliés à Maradi et alentours. Depuis lors, la situation de Maradi semble explosive, d'où la nécessité d'agir par un renforcement d'action de sensibilisation, d'information et d'éducation de ces populations.

4.4. Traitement et Analyse des données

Nous présentons dans cette partie les techniques de traitement et d'analyse des résultats recueillis. Nous allons procéder en trois étapes qui sont :

-la codification ;

-le traitement statistique et

-l'analyse des résultats obtenus.

4.4.1. La codification

Nous élaborons une légende de codage pour chaque question considérée comme variable, et nous indiquerons les modalités des réponses possibles.

La première partie du questionnaire est relative aux questions d'identification telles que :l'âge, le sexe, le niveau d'instruction, le statut matrimonial, le quartier de résidence, la profession, et la religion pratiquée.

La deuxième partie du questionnaire est relative au recueil des données qualitatives de la recherche. Ces données font l'objet d'une analyse de contenu et d'une catégorisation en fonction des thèmes évoqués par les enquêtés.

4.4.2. Le traitement statistique

Pour le traitement des données, nous utiliserons la méthode de traitement des données quantitatives et des données qualitatives.

Pour les données quantitatives, nous aurons recours à la statistique descriptive (avec le calcul des fréquences, des indices de tendance centrale et de dispersion) et la statistique inférentielle pour les tests adéquats. Nous utiliserons l'analyse de contenu pour les données qualitatives et surtout les extraits de discours ou de discussions les plus pertinents ou saillants.

Concernant les variables nominales telles que le statut matrimonial, le quartier de résidence, le type de résidence, la profession et la religion, nous utiliserons le pourcentage. Pour les variables ordinales, nous considérons la médiane (par exemple le niveau d'instruction) et pour les variables d'intervalles, la moyenne et l'écart type (par exemple l'âge des interviewés).

4.4.3. L'analyse des variables processus

La variable processus sont les programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. Il s'agit de voir d'une part l'efficacité de ces programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida à travers les contenus, la durée de la formation et les ressources allouées pour la formation des participantes, et d'autre part, les perceptions des familles sur l'éducation en matière de VIH/SIDA des filles et des femmes. Nous osons affirmer qu'au fil du temps, les programmes et le contenu évoluent et s'améliorent pour enfin agir sur les variables d'entrée.

4.4.4. L'analyse des variables effets

La variable effet (participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA) peut être analysée comme suit :.

Comme l'éducation en matière de VIH/SIDA a pour objectif de faciliter l'accès des filles et des femmes à l'éducation, et l'acquisition par celles-ci des compétences nouvelles qui leur permettent de modifier leurs conditions d'existence en termes de réinvestissement d'acquis pédagogiques de ces programmes dans leurs activités économiques, dans leur vie sanitaire, alors beaucoup de filles et de femmes devraient s'inscrire à ces programmes et aller jusqu'au bout de la formation.

La difficulté d'accès à l'éducation formelle des filles et des femmes serait comblée par la contribution de l'éducation en matière de VIH/SIDA qui contribue à l'amélioration de la qualité ou de l'efficacité externe du système éducatif traduisible dans des compétences telles que le savoir, le savoir-faire, le savoir-être et le savoir-devenir socialement utile à chaque individu tout au long de sa vie.

Privilégiant une analyse générale, nous tenterons d'avoir une vue d'ensemble sur toutes les données recueillies.

Le présent chapitre méthodologie de la recherche a traité de quatre points principaux :

-la population cible qui sera constituée de filles et de femmes de la communauté urbaine de Niamey, et de la commune de Maradi, ayant bénéficié du programme d'éducation en matière de VIH/SIDA et des leaders d'opinion ;

-l'échantillon non probabiliste stratifié sera retenu ;

-le recueil d'informations se fera au moyen des focus-groups complétés par des interviews individuelles ;

-les données recueillies lors des focus-groups et des interviews individuelles seront traduites en français et préparées en vue d'une analyse de contenu et d'un traitement de type thématique.

Cependant, le délai qui nous est imparti pour le D.E.A est de deux ans, et compte tenu de notre situation académique très particulière et des contraintes financières, nous sommes obligés de limiter nos ambitions. A ce stade du D.E.A, nous sommes dans l'impossibilité d'organiser nos enquêtes en focus-groups et interviews individuelles sur les populations cibles basées au Niger pour des raisons de contraintes d'ordre financier.

Par conséquent, nous avons décidé de tester un seul instrument de collecte de données sur les deux (2) prévus. Il s'agit de l'interview individuelle. Cet instrument sera testé en situation réelle et sur place au Sénégal auprès de quatre (4) personnes ayant les caractéristiques des leaders d'opinion qui composent notre échantillon. Ce test servira de contrôle du niveau de compréhension de la formulation des phrases, de la pertinence des mots et enfin l'organisation correcte des questions etc.

Nous avons interrogé un médecin, un responsable de projet/programme de lutte contre le sida, un formateur en VIH et développement et un leader religieux.

Le chapitre qui suit traite de l'analyse et du traitement des résultats obtenus.

CHAPITRE 5

Analyse et traitement des résultats

Le but de notre recherche est de mieux comprendre les raisons pour lesquelles certaines filles et femmes n'ont pas accès à l'éducation en général et particulièrement l'éducation en matière de VIH/SIDA. Nous cherchons à savoir si ce phénomène de la participation ou de la non participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA en particulier est lié à l'appartenance socio-économique et culturelle des microcosmes familiaux.

Nous avons postulé des hypothèses et procédé à des observations pour vérifier si les informations collectées confirment ou infirment les hypothèses avancées.

Pour ce faire, nous allons d'abord décrire les données qui seront présentées sous forme de distribution de fréquence ou de graphique ; ensuite analyser les relations entre les variables supposées liées ; comparer les résultats observés avec les résultats attendus et enfin tenter d'interpréter les différences.

Ce chapitre rapporte les résultats d'interviews individuelles réalisées auprès de quatre (4) leaders d'opinion dans la ville de Dakar. Il s'agit d'un médecin, d'un responsable de projet de lutte contre le sida, d'une formatrice et d'un leader religieux musulman.

Le protocole d'interview dresse une liste de 18 questions regroupées sous six (6) thèmes principaux :Importance du rôle de l'éducation/Perception de l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida/Avantage de l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida/Accessibilité à la formation en matière de santé et de lutte contre le sida/Participation à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida et enfin les causes de la non participation à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida.

Les quatre leaders d'opinion (médecin, responsable de projet/programme de lutte contre le sida, formateur en VIH et développement et leader religieux musulman) ont répondu aux interviews qui ont été enregistrées sur bandes magnétiques. Une fois les interviews terminées, les enregistrements ont été retranscrits et soumis à une analyse qualitative visant à identifier, différencier, et comparer les éléments fournis par les répondants. Un schéma du dépouillement du corpus obtenu a été préparé. Après avoir fait une «lecture d'imprégnation» de ces interviews afin de nous familiariser avec leur contenu, nous avons divisé leur contenu en six grandes parties correspondant aux grands thèmes de réflexion annoncés précédemment. Tout d'abord la description des caractéristiques individuelles les plus marquantes des répondants, qui font apparaître les variables susceptibles d'expliquer la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA, et l'analyse qualitative des items révélateurs.

5.1. Présentation des caractéristiques des interviewés

5.1.1.Distribution de la variable âge

Tableau n°9 Variable V1 âge

Age

Hommes
Femmes
Effectifs
Pourcentage

37 ans

38 ans

42 ans

45 ans

0

1

1

1

1

0

0

0

1

1

1

1

25%

25%

25%

25%

 
 
 

N=4

 

La distribution de la variable âge va de 37 ans à 45 ans. Elle nous permet d'avoir confiance en leurs propos puisqu'ils ont atteint tous l'âge de la raison. Ces leaders sont des responsables. Ils ont effectué un cursus universitaire jusqu'en maîtrise au moins. Ils travaillent et ont atteint un certain nombre d'années d'expérience.

Tableau n°10 Variable V3 statut matrimonial

Statut matrimonial

Hommes

Femmes

Effectifs

Pourcentage

Mariés

Célibataires

2

1

0

1

2

2

50%

50%

 
 
 

N=4

 

En ce qui concerne le statut matrimonial, comme le montre le tableau n°10 ci-dessus, il y a autant de mariés que de célibataires parmi les interviewés. En tant qu'adultes, leurs propos pourraient nous édifier sur une signification particulière de la perception des adultes mariés ou célibataires de l'éducation des filles et des femmes en matière de VIH/SIDA.

Tableau n°11 Variable V4 niveau d'instruction

Niveau d'instruction

Hommes

Femmes

Effectifs

Pourcentage

Supérieur

3

1

4

100%

 
 
 

N=4

 

Tous les répondants sont des diplômés de l'enseignement supérieur. Ils ont au minimum le baccalauréat plus cinq ans d'études. De ce fait, en leur qualité de diplômés supérieurs, leurs propos seraient pertinents et objectifs concernant l'éducation des femmes en matière de santé et de lutte contre le sida. Ils pourraient dire des choses intéressantes à propos de l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida des filles et des femmes. Cette variable nous permet de vérifier si plus le niveau d'éducation est élevé chez les leaders d'opinion, plus, ils comprennent, dépassent certaines considérations et adhèrent à la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA. Ils auront peut-être une perception positive de l'éducation en général et de l'éducation en matière de VIH/SIDA en particulier.

Tableau n°12 Variable V5 Profession

Profession

Hommes

Femmes

Effectifs

Pourcentage

Médecin

1

0

1

25%

Formateur en IEC/VIH/SIDA

0

1

1

25%

Responsable de projet de lutte contre le VIH/SIDA

1

0

1

25%

Leader religieux

1

0

1

25%

 
 
 

N=4

 

Pour la variable profession, tous les répondants sont des professionnels dans leur domaine respectif. Cela pourrait influer sur la nature des réponses aux questions sur l'importance de l'éducation en matière de VIH/SIDA chez une fille ou femme. Ils ont tous des responsabilités au niveau de leurs structures.

Tableau n°13 Variable V8 Religion

Religion

Hommes

Femmes

Effectifs

Pourcentage

Musulmane

Chrétienne

3

0

0

1

3

1

75%

25%

 
 
 

N=4

 

La majorité des interviewés sont des musulmans 75% sauf la femme qui est de confession chrétienne. La variable religion sert de contrôle parce qu'elle peut influer sur la perception de l'éducation des filles et des femmes en général et en particulier en matière de VIH/SIDA. Dans nos sociétés traditionnelles, on ne peut séparer la religion de la tradition. Certains fanatiques religieux voient en l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida, comme une dépravation des moeurs alors qu'elle contribue à la protection du VIH/SIDA.

5.2. Analyse des données concernant l'importance du rôle et des buts de l'éducation des filles et des femmes

Sous cette thématique, trois (3) questions ont été regroupées. Il s'agit de :

· Quel rôle joue l'éducation des filles et des femmes ?

· Est-il nécessaire d'éduquer une fille ou femme ? Pourquoi ?

· L'éducation peut-elle changer la vie d'une femme ? Comment ?

Les leaders d'opinion interrogés valorisent tous l'éducation d'une fille ou femme. Leurs propos ont été regroupés sous les thèmes éducation et analphabétisme, éducation et rôle de la femme et avantages de l'éducation.

-Education et analphabétisme

Les leaders interviewés accordent une importance capitale à l'éducation. Ils admettent que l'éducation permet l'épanouissement de la famille à travers la femme. Selon eux, toute femme éduquée est différente d'une analphabète parce qu'elle prend en main son destin. L'éducation change radicalement la vie d'une femme parce que la femme éduquée contribue au développement de la famille et au delà, toute la société. D'ailleurs, le leader religieux musulman affirme :

«quand une femme est éduquée, c'est une chance donnée aux enfants, le Prophète (psl) a dit que la femme est la première école qu'il faut protéger» ; «une femme sans éducation est comme un chauffeur qui n'a pas étudié le code de la route» ; «une femme éduquée est très utile dans la société ; elle peut aider les autres membres de la famille à respecter certaines règles d'hygiène et de santé ; bien soigner les enfants malades en se référant à l'ordonnance du médecin ; et toute femme non éduquée ne peut connaître ses droits et devoirs envers les autres».

-Education et rôle de la femme

Dans la société, une femme éduquée est considérée comme un exemple à suivre. D'une part, l'éducation rend la femme responsable vis-à-vis de la communauté, et d'autre part, l'éducation a un impact sur la femme en tant que personne. La femme éduquée force l'admiration et le respect parce qu'elle a une mentalité et un comportement dignes d'une société civilisée. Les leaders ont parlé de la femme éduquée qui est synonyme d'une bonne mère, épouse et éducatrice qui partage et participe à l'épanouissement des enfants. Ils font référence à la femme éduquée comme une personne phare, pilier de la famille, elle est donc appelée à exercer des tâches nobles et à représenter la société. La seule femme parmi ces leaders interviewés a exprimé son amertume de ne pas voir plus de femmes éduquées que d'hommes dans la société : «les femmes sont «un tout» pour la société et plus responsables que certains hommes, surtout si elles sont éduquées, c'est aussi un véritable décollage économique».

-Avantages de l'éducation

Les leaders interviewés voient beaucoup d'acquis positifs dans l'éducation des femmes. La femme éduquée jouit d'un prestige et d'un statut dans la communauté qui lui permettent d'être bien vue. Elle est respectée de tous et considérée comme responsable. En somme, il faut remarquer que l'éducation est perçue par les leaders comme essentielle à l'épanouissement personnel et au développement de la société. Les leaders estiment que l'éducation est un bien personnel et aussi un investissement collectif préalable au développement social de la communauté. En effet, les interviewés voient l'éducation des filles et des femmes comme incontournable dans toute société. Si la femme n'est pas éduquée, c'est toute la société qui en pâtit. Le manque d'éducation entraîne la recherche d'une alternative éducative qui a un impact sur la vie des apprenants. D'où la section qui suit.

5.3. Analyse des données à propos de la perception de l'éducation des femmes en matière de VIH/SIDA

Comme dans la précédente partie, les réponses complémentaires aux questions nous ont permis de rédiger cette partie qui suit. Les questions posées étaient :.

· L'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida peut-elle avoir un impact sur le rôle que la femme joue dans la société ? Comment ?

· Que pense votre entourage de l'éducation des femmes en matière de santé et de lutte contre le sida ? Pourquoi ?

· La religion est-elle pour ou contre l'éducation des femmes en matière de santé et de lutte contre le sida ? Pourquoi ?

Pour les leaders interrogés, l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida prodiguée aux femmes joue différents rôles. Ces rôles sont : la protection, l'hygiène de la vie, la fidélité, le savoir-être, etc. Les leaders interviewés perçoivent tous le rôle opportun que joue l'éducation en matière de sida chez la femme parce que cette dernière est plus exposée et plus vulnérable que son conjoint pour des raisons socioculturelles (poids de la tradition) et économiques (pauvreté). La vie dans nos sociétés d'aujourd'hui est devenue plus sûre depuis l'avènement de l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida qui permet aux femmes de se protéger et protéger les autres. Le responsable de projet/programme de lutte contre le sida souligne : «le sida ne connaît ni le riche, ni le pauvre, ni l'intellectuel, ni l'ignorant, il frappe tout le monde sans distinction de race, ni de religion si vous ne prenez aucune précaution, et seule l'éducation des femmes dans ce sens vous préserve du mal». Cette vision ne fait pas l'unanimité des autres leaders interrogés. La femme formatrice fait remarquer que «dans nos sociétés africaines, les femmes subissent le sexe au lieu de le vivre, elles n'ont aucun pouvoir de décision sur la gestion de leur sexualité». Cependant, les leaders reconnaissent tous que la religion ne fait pas d'obstacles à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. Mais le leader religieux musulman déclare qu' «elle exerce un contrôle sur les femmes pour une question de bonnes moeurs. C'est pourquoi d'ailleurs certains religieux dans leurs prêches encouragent les mariages précoces dans le but de préserver la fille de rapports sexuels hors mariage tout en lui enseignant la fidélité dès le bas âge en lui interdisant l'adultère». La femme formatrice qui est de confession chrétienne souligne de son côté que la religion accorde à la femme la même importance qu'à l'homme : «la femme est l'associée de l'homme dans la construction de la vie. Les femmes constituent les parents les plus stables dans la vie de beaucoup d'enfants».

D'une manière générale, les leaders reconnaissent que l'environnement social change avec l'existence des programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. Aussi, les conditions de vie des femmes qui ont bénéficié de ces programmes d'éducation sont différentes de celles qui n'en ont pas bénéficié. Tous reconnaissent que dans les circonstances actuelles, l'entourage des filles et femmes est favorable à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. Le responsable du projet d'éducation de lutte contre le sida souligne que «les filles et les femmes suivent la formation par mimétisme ou sur conseils des pairs. C'est ainsi que nous recevons beaucoup de clientes qui ont connaissance du but de la formation par le biais des parents, amis et connaissances». Quant à la femme formatrice, elle dit que les femmes qui ont bénéficié de l'éducation en matière de VIH/SIDA sont «des phares de la société et sont enviées des autres qui n'en ont pas bénéficié. Ces femmes éduquées en matière de VIH/SIDA ont la charge d'enseigner et de fournir un modèle de responsabilité sur le plan sécuritaire en vue de la prévention du sida parmi les adolescents, population plus vulnérable de toutes».

Nous avons demandé aux interviewés de nous décrire les avantages de l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. Nous présentons leurs opinions dans la partie suivante.

5.4. Analyse des données concernant les avantages de l'éducation en matière de VIH/SIDA chez les bénéficiaires

Les leaders pensent que l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida présente de nombreux avantages. Elle permet aux bénéficiaires de se préserver du risque de contamination, de connaître les différents modes de transmission de la maladie tout en évaluant les risques personnels. Elle permet aux femmes d'adopter des comportements responsables et d'appliquer les acquisitions de la formation dans la vie courante. Selon le médecin, «la femme est le vecteur potentiel sur lequel il faut agir. Il faut l'encadrer pour l'amener à adopter des comportements responsables face au libertinage sexuel auquel se livrent certains hommes». En somme, l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida change la vie des femmes dans leurs pratiques quotidiennes. Elles se libèrent et prennent leurs responsabilités en évitant des pratiques nuisibles qui hypothèquent leur santé et leur vie et celle des autres (partenaires, enfants). Cependant, il existe des liens étroits entre la précarité du statut des femmes dans la santé, leur prédisposition au risque d'infection, la pauvreté, l'analphabétisme et leur absence de pouvoir dans la société. Si on ne règle pas toutes ces questions, les solutions médicales à elles seules ne peuvent avoir que peu d'effet.

Quelles sont celles qui accèdent à cette éducation ? c'est de cette question que nous traiterons dans la partie qui suit.

5.5. Analyse des données relatives à l'accessibilité de la formation en matière de VIH/SIDA

Dans cette partie, les quatre questions ont été groupées ainsi qu'il suit :

· La formation en matière de VIH/SIDA est-elle accessible à tous ? Pourquoi ?

· Selon vous, qui bénéficie le plus de cette formation ? Pourquoi ?

· Selon vous, qu'est-ce qui pousse les femmes à suivre la formation en VIH/SIDA ?

· Dites-nous comment amener les femmes à s'intéresser à la formation en VIH/SIDA ?

Les leaders rencontrés n'hésitent pas à affirmer que la formation en matière de santé et de lutte contre le sida n'est pas accessible à toutes les femmes, encore moins à tout le monde. Cela, compte tenu non seulement de l'emplacement des lieux de formation qui sont généralement situés en ville, mais aussi du manque de temps des femmes à cause de leurs activités ménagères.

Quand nous avons posé la question qui bénéficie le plus de cette formation ? et pourquoi ? Les leaders ont répondu que seules les citadines parmi lesquelles certaines catégories socioprofessionnelles y ont accès. Ce sont les prostituées, les coiffeuses, les serveuses des bars, les marchandes ambulantes etc. Les militaires, les policiers et les douaniers sont également mentionnés. Tous ces leaders reconnaissent le danger auquel ces catégories socioprofessionnelles sont exposées à cause de leur métier ou de leur précarité socio-économique. Parmi les leaders, le médecin déplore la difficulté de communication avec certains religieux musulmans extrémistes qui pensent que l'éducation en matière de VIH/SIDA est une passerelle vers une dépravation des moeurs. Cependant, tous sont d'accord également qu'un travail de sensibilisation et d'information reste à faire et suggèrent qu'il faut associer l'éducation en matière de VIH/SIDA à des activités socio-économiques comme l'apprentissage d'un métier et à des activités culturelles telle l'alphabétisation pour mieux attirer les femmes et les maintenir dans le programme jusqu'au bout de la formation.

En résumé, l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida, n'est accessible qu'à une partie de la population parce que le savoir-faire acquis connaît des entraves liées aux facteurs socioculturels. L'opinion du leader religieux laisserait-elle supposer que les populations fortement islamisées rejettent ce genre d'éducation qui enfreint les tabous traditionnels et pousse les gens à parler du sexe, du préservatif etc. Cependant, des contraintes, voire des facteurs d'ordre économique freinent toutes les politiques de développement d'éducation pour les femmes et pour les filles.

La suivante section traite de la question de la participation à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida et l'appartenance socio-économique et culturelle des participantes.

5.6. Analyse des données concernant la relation entre la participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA et l'appartenance socio-économique et culturelle

Trois questions ont été groupées dans la présente section.

· Existe t-il un lien entre la participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA et l'appartenance socio-économique de la femme ?

· Existe t-il de différence de participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA entre les femmes instruites et les femmes analphabètes ? Justifiez votre réponse.

· L'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida donne t-elle de pouvoir aux bénéficiaires ?

Les interviewés sur ces questions pensent que l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida est une éducation pour tout le monde sans distinction de statut. Les leaders soulignent que tous ceux qui pensent n'être pas concernés à cause de leur pouvoir économique, se trompent. C'est ainsi que le responsable du projet de lutte contre le sida souligne «En tant que responsable de structure de lutte contre le sida, je vous dis que personne n'est épargné et tous avons besoin d'être éduqués en matière de santé et de lutte contre le sida pour notre propre sécurité en tant que personne vivant parmi les autres». Quant à la différence de participation à cette éducation, il est plus facile pour une femme instruite de participer à l'éducation qu'une femme analphabète selon le responsable du projet de lutte contre le sida. «Si une femme n'a jamais fréquenté l'école, elle a peu de chance d'accéder à l'information et à cette forme d'éducation qu'est l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida» ; «une femme éduquée se sent plus libre et plus courageuse qu'une analphabète» déclare le médecin. Dans cette perspective, l'éducation en matière de santé est perçue chez les leaders comme une source de pouvoir pour les bénéficiaires. Pour appuyer ces arguments, la femme éduquée en matière de santé et de lutte contre le sida serait plus apte à :

-éduquer la famille en matière de santé

-convaincre ses pairs

-connaître ses droits et devoirs

-apprendre un métier

Mais souvent, on est plutôt surpris du comportement jugé impudent des femmes éduquées en matière de santé et de lutte contre le sida. «Elles n'ont pas honte de parler du sexe et de négocier le port du préservatif. Cela choque l'homme qui pense que la femme est allée trop loin. Et puis ces femmes éduquées sont trop libres, orgueilleuses et ne se plieront pas aux ordres et aux bons vouloir de leurs partenaires» a dit le leader religieux musulman. Malgré les bons résultats des programmes d'éducation en matière de santé constatés auprès des bénéficiaires, le médecin perçoit cette éducation comme peu compatible avec les valeurs traditionnelles africaines. La femme doit s'occuper de la maison, éduquer ses enfants, et se soumettre entièrement à son époux. Elle doit être patiente quand son époux manque à ses devoirs envers elle. Il existe aussi des obstacles réels de communication en matière d'éducation de lutte contre le sida. L'ensemble des mots clés liés au concept du VIH/SIDA ne sont pas traduisibles en langue vernaculaire alors que la plupart des femmes n'ont pas le niveau d'instruction requis pour la compréhension des messages en français.

Les difficultés de communication ont également été évoquées en réponse à la question des causes de la non participation des femmes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida.

5.7. Analyse des données relatives à la cause de la non participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA

Les réponses aux questions regroupées dans cette thématique nous permettent de rédiger la présente partie.

Les questions sont les suivantes :

· Existe t-il des raisons qui empêchent les filles et les femmes de participer à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida ?

· L'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida répond t-elle aux besoins de la communauté ? Pourquoi ?

· Que faut-il pour avoir l'adhésion de toute la communauté concernant l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida ?

Tous les répondants, sont d'accord sur deux points :

-Le manque de temps pour les femmes pour suivre la formation compte tenu de leurs multiples occupations ménagères,

-L'analphabétisme de celles-ci limite leur accès à l'information et à la formation.

Mais aussi, ils se rendent compte en même temps d'un obstacle majeur :les tabous traditionnels. Il est délicat de parler de sexe, de préservatifs aux filles et aux femmes, c'est un problème de moeurs qui constitue ce blocage.

Mais les leaders pensent qu'il est nécessaire d'encourager l'éducation en matière de VIH/SIDA surtout auprès des jeunes générations. Le médecin s'est montré plus réaliste en disant :

«je préfère parler du préservatif et du sexe aux jeunes, plutôt que de les voir mourir gratuitement».

Tous les leaders interviewés proposent une éducation par les pairs fondée sur les jeunes, par leurs conseils réciproques et l'accès à des sources d'informations appropriées tels les centres de santé, les médecins, les parents et les adultes bien informés.

Dans les quatre interviews réalisées, les leaders d'opinion ont affirmé leur foi et leur confiance en l'éducation des femmes et des filles. A plusieurs reprises des propos comme «éduquer une femme c'est éduquer toute une nation, ou c'est assurer une chance aux enfants, c'est toute la société qui gagne» sont revenus. Le ton et le contexte de ces affirmations sont suffisamment convaincants pour que nous puissions mettre en doute leurs convictions. L'éducation des filles et des femmes est perçue d'une part comme le moyen de rendre les femmes autonomes et d'autre part comme un investissement social et économique pour la communauté. La femme éduquée est «un tout» pour la société. Aussi, les leaders apprécient positivement les programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida qui proposent : les savoir-être, savoir-faire, et savoir-devenir qu'ils considèrent comme une amélioration au modèle scolaire connu jusqu'ici. Les contenus de la formation constituent un programme réaliste et pertinent pour les bénéficiaires. D'ailleurs, la femme formatrice parmi les leaders souligne qu'aujourd'hui les établissements secondaires constituent aussi des lieux où on tente d'intégrer l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida dans les programmes scolaires officiels.

L'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida

Bien que les expériences avec l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida aient été modestes au Sénégal, des institutions nationales, des ONG et Associations de lutte contre le sida offrent leurs services à toutes et à tous et ont permis à ceux qui le désirent d'acquérir un savoir-faire, un savoir-être et un savoir-devenir en matière de santé et de lutte contre le sida dans la gestion quotidienne de leurs activités. Par contre, les leaders reconnaissent qu'il existe des difficultés d'accessibilité à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida et déplorent la faible participation des filles et des femmes à cette éducation, à cause du manque de temps nécessaire pour suivre la formation, l'analphabétisme des femmes et les contraintes socioculturelles. Toutefois, l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida donne accès à des avantages de protection à la santé et en hygiène publique. Elle permet aussi d'adopter des comportements sociaux positifs pour faire face aux pressions négatives telles que le sentiment d'invulnérabilité, l'effet de groupe et la croyance aux fausses rumeurs. C'est ainsi, que le ministère de la santé et de la prévention du Sénégal, les ONG et Associations de lutte contre le sida dont le Groupe pour l'Etude et l'Enseignement de la Population (GEEP) ont très tôt compris en s'investissant dans diverses activités qui ciblent les jeunes du Sénégal. Des activités d'animation et de sensibilisation pour stimuler la créativité chez les jeunes par des moyens privilégiés de formation et de transmission de messages de sensibilisation de la communauté :pièces de théâtre, sketchs, poèmes et de production de manuels d'auto formation par les pairs. Ces activités d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida sont universelles même si des stratégies d'approches diffèrent d'une contrée à l'autre. Elles sont partout presque les mêmes et visent le même public.

Au Niger, comme au Sénégal, l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida est une éducation basée sur des valeurs et des principes qui guident les différentes stratégies de la lutte contre les IST/VIH/SIDA. Le PNLS/IST, les ONG et Associations de lutte contre le sida travaillent en étroite collaboration en vue de faire prendre conscience aux groupes prioritaires visés par leurs programmes du danger que représente le sida. C'est ainsi que des activités d'éducation, d'information et de communication (IEC), la promotion du comportement à moindre risque et la réduction des pratiques à risques de transmission du VIH/SIDA sont organisées en direction des jeunes.

La problématique du sida est intégrée dans toutes les politiques et les programmes de développement. C'est pourquoi des approches novatrices ont été mises en oeuvre dans les programmes de lutte contre le sida. Elles comportent, outre l'alphabétisation, des formations dans le domaines de l'organisation et de la gestion d'activités génératrices de revenus, la mise en place des «fadas» ou groupements des jeunes en vue de la pérennisation des activités. Des groupes relais, des leaders d'opinion et les tradipraticiens constituent aujourd'hui les facilitateurs dans ces programmes.

5.8. Les limites de l'étude

Cette étude et surtout l'ampleur des données collectées n'ont qu'une modeste portée. L'étude doit être considérée comme un point de départ pour la recherche sur un phénomène aussi complexe que la participation des filles et des femmes à l'éducation en général, et l'éducation en matière de VIH/SIDA en particulier.

L'échantillon étudié est restreint aux leaders d'opinion, et les contenus sont spécifiques. Le focus group prévu n'a pas été testé sur place à Dakar du fait que les populations visées ne parlent pas français et nous mêmes ne parlons pas la langue du milieu, ce qui peut engendrer des pertes d'informations liées à la traduction. Cependant, nous sommes conscients de ces limites et pensons qu'il est possible de les surmonter.

Malgré les différences des lieux d'enquête, il existe des similitudes culturelles et religieuses entre le Niger et le Sénégal sur le plan de l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida. L'une des barrières constatées est la langue du milieu.

Toutefois, malgré ces limites, nous croyons que les résultats obtenus par l'analyse des réponses des leaders d'opinion permettent de faire certains constats en ce qui concerne la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA. Ils mettent tout d'abord en évidence un lien entre le pouvoir économique, le manque de temps, l'analphabétisme et la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA. Il existe aussi des liens étroits entre la participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA et la profession de l'intéressée, et son lieu de résidence.

Les opinions recueillies auprès des leaders d'opinion permettent d'attirer l'attention sur certains aspects positifs et leur engagement auprès des filles et des femmes. Les leaders d'opinion acceptent que la femme est la première école, la base de la famille à laquelle il faut apporter les soins nécessaires et l'encadrement adéquat.

Les facteurs propres à l'environnement familial et social entreraient également en ligne de compte dans la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA. En effet, les données recueillies mettent en lumière les opportunités qu'offre la famille élargie c'est-à-dire les oncles et les cousins aussi bien pour l'encadrement parental, que l'implication des frères et soeurs bien informés sur l'éducation en matière de VIH/SIDA.

Cette étude a montré que la participation des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est déterminée par plusieurs facteurs dans lesquels interviennent plusieurs éléments. Ceci confirme les approches socioculturelles et socio-économiques élaborées par plusieurs auteurs. Les questions qui ont été plusieurs fois soulevées signalent la nécessité de se pencher plus attentivement sur la variable «religion». En Afrique en général, la religion occupe une place importante de la vie. Deux personnes sur trois fréquentent une mosquée, un temple ou une église. Cet attachement à la religion constitue une référence pour les communautés africaines fortement islamisées qui rejettent toute éducation qui ne prend pas en charge l'éducation religieuse des filles et des femmes. Nous avons relevé que les leaders mettent en avant la religion pour contrôler ce genre d'éducation qui semblerait donner de liberté à parler du sexe et des préservatifs. La religion conseille aux filles et aux femmes d'être subtiles et pudiques dans tout sujet évoquant la sexualité. La finalité de toute éducation, selon le guide religieux est d'exercer un contrôle sur les filles et les femmes pour qu'elles soient de bonnes moeurs.

CHAPITRE 6

Conclusion et Perspectives

L'analyse de la situation de l'éducation des filles et des femmes en Afrique subsaharienne en général, et au Niger en particulier a révélé qu'une bonne partie de femmes n'ont pas accès à l'éducation.

Les travaux relatifs à cette question ont mis en exergue les facteurs explicatifs de ce phénomène. Il s'agit principalement des facteurs socio-économiques et culturels. Nous nous sommes également penchés sur la participation et l'engagement des filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA qui est une alternative éducative. Cette participation et cet engagement sont liés essentiellement aux besoins d'amélioration de l'accès des auditrices à l'éducation et d'acquisition de compétences nouvelles.

Pour aborder cette recherche, nous avons procédé à un état des lieux de la situation de l'éducation des filles et des femmes. Nous avons pu voir que beaucoup de mesures importantes ont été prises par la communauté internationale afin d'améliorer l'accès des filles et des femmes à l'éducation et que ces mesures ont fait l'objet de décisions politiques internes des Etats dont le Niger.

Des études sur la situation socio-économique et culturelle des filles et des femmes ont montré que tout développement durable ne peut être atteint sans la participation effective des femmes et que l'éducation de base demeure l'un des indicateurs les plus importants pour assurer l'accès équitable de toutes les couches de la société au développement.

Si la situation scolaire en Afrique subsaharienne, est assez bonne, il a été démontré que beaucoup reste à faire pour combler les écarts énormes entre les sexes.

Le cadre théorique de notre recherche, nous a permis de faire l'état des différentes études sur l'accès des filles et des femmes à l'éducation. Ce qui nous a aidé dans le choix des variables à mettre en exergue et dans le choix d'une démarche qui complétera certains aspects qui n'ont pas été abordé par ces recherches. Nous pensons à la religion qui semble être fortement ancrée dans la mémoire collective des populations africaines.

Quant au cadre conceptuel, il nous a permis de définir les variables retenues pour mieux situer notre question de recherche. Ensuite, le cadre problématique met en relation les variables d'entrée (caractéristiques individuelles des filles et des femmes), les variables processus (éducation, et éducation en matière de VIH/SIDA) et la variable effet qui est la participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA.

A partir des questions posées, des hypothèses ont été émises et la méthodologie a permis de mettre en place un dispositif pour le recueil et le traitement des données.

Les résultats obtenus ont montré que tous les leaders d'opinion interrogés sont favorables à l'éducation des filles et des femmes en général et à l'éducation en matière de VIH/SIDA en particulier. Les interviewés mariés et parents d'enfants ont tous une perception positive de l'éducation en matière de VIH/SIDA des filles et des femmes. En analysant les propos de ces leaders d'opinion, nous avons noté que tous sont d'accord qu'il faut davantage de sensibilisation et d'information pour amener toutes les filles et les femmes à participer au programme d'éducation en matière de VIH/SIDA. Ils pensent que ce n'est qu'une partie des filles et des femmes qui y participent à cause de l'idée que tout le monde n'est pas concerné.

Pour la suite de notre recherche, nous allons suivre des cohortes de filles et de femmes qui participent au programme d'éducation en matière de VIH/SIDA pendant quatre ans en vue de déterminer l'intensité du phénomène. Ensuite, nous verrons avec le temps ce que sont devenues les participantes au programme ? Quelle a été l'influence des programmes et des structures sur la participation de ces bénéficiaires ?

Cependant, comme dans toute recherche, les limites et les difficultés liées à diverses situations ne manquent pas de se poser.

Une étude longitudinale requiert du temps pour obtenir le maximum de cas de participation des filles et des femmes. A la fin du suivi, nous comparerons les profils de la participation par rapport à l'origine des familles des filles et des femmes. Il y a lieu de souligner que nous aurons des cas de pertes compte tenu des déplacements des familles, des migrations internes et des changements de l'environnement socio-économique et culturel.

Dès lors, la nécessité de mettre en place une étude plus approfondie pour obtenir des réponses plus objectives à nos questions-problèmes se trouve ainsi justifiée. Dans le cadre de la thèse, nous pourrons :

· Procéder à des prises de données successives dans le temps pour nous permettre de mieux dégager les liaisons entre les variables ;

· Augmenter le nombre d'interviews et de focus-groups et tester à nouveau nos hypothèses de recherche, car la taille de l'échantillon relativement faible (4 interviews) constituerait une première limite ;

· Appliquer les focus-groups aux participantes au programme d'éducation en matière de VIH/SIDA afin de recueillir leur point de vue ;

· Comparer les profils des filles et des femmes qui arrivent au bout de la formation avec ceux des autres filles et femmes qui n'ont pas achevé la formation. Ces cohortes seront suivies jusqu'en 2007/2008 pour pouvoir déterminer l'intensité de la participation et le temps du phénomène.

Ce travail mené à terme sera utile à tous les Ministères de la république du Niger et aux ONG et Associations de lutte contre le sida dans le cadre de l'amélioration de l'éducation non formelle définie par la loi n°98-12 du 1er juin 1998. L'éducation en matière de santé et de la lutte contre le VIH/SIDA est multisectorielle au Niger.

Devant le nombre de cas de sida enregistrés en Afrique subsaharienne et particulièrement au Niger, ce travail dont nous terminons la première partie, pourrait à terme contribuer à améliorer, grâce à une éducation soutenue en matière de santé et de lutte contre le sida des filles et des femmes, la qualité de vie, l'accès à l'éducation et l'adoption des comportements à moindres risques ; nous tenterons également de dégager les liens entre projets d'éducation alternatifs (éducation en matière de santé) et éducation formelle afin d'étudier si les projets alternatifs contribuent à moyen ou long terme à améliorer à la fois l'accès et la qualité de l'éducation, surtout pour ceux qui sortent des systèmes éducatifs et qui se retrouvent dans la vie active. L'éducation constitue l'un des moyens de promouvoir la construction d'une société harmonieuse et équilibrée ainsi que l'affirmation de l'indépendance d'une nation. C'est par l'éducation que la société transmet sa culture, socialise sa jeunesse, forme ses cadres et prépare les futurs citoyens. L'école est l'institution scolaire par excellence, le cadre privilégié de l'éducation c'est-à-dire de socialisation et de professionnalisation ; elle est considérée comme le pivot de tous les autres domaines d'activités d'une société. C'est à ce titre que les effets positifs ou négatifs, les réussites ou les échecs de l'action éducative se répercutent sur les autres secteurs d'activité sociale.

Le meilleur potentiel dans la lutte contre le sida reste néanmoins celui d'un programme d'éducation intégré dans les programmes d'enseignement du système éducatif formel. Le fait que le système éducatif formel offre un auditoire facile à atteindre requiert la nécessité de s'assurer que le contenu et les méthodes de présentation, de même que la participation de l'auditoire, sont de qualité pour que, quel que soit leur âge, les élèves se sentent personnellement concernés à l'égard de l'information diffusée et assimilent cette information de manière à changer par la suite leurs comportements dans la bonne direction.

Pensons nous avec l'ONUSIDA que «aller à l'école contribue à protéger du VIH/SIDA, car l'éducation est notamment l'une des premières lignes de défense contre la propagation du VIH et contre les effets du sida» (ONUSIDA, 2004).

Dans cette perspective, l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida joue un rôle clé dans la création d'un environnement permettant d'éliminer les facteurs qui favorisent la transmission du VIH/SIDA, environnement notamment caractérisé par la réduction de la pauvreté, la responsabilisation et l'égalité entre les sexes. Cette éducation en matière de santé et de lutte contre le sida permet de réduire également la dépendance des femmes vis-à-vis des hommes et elle demeure une éducation alternative aux autres formes d'éducation. Elle devient de plus en plus une éducation phare compte tenu des mutations que connaît le système éducatif classique. L'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida développe des stratégies en matière d'éducation depuis que la crise durable des systèmes éducatifs persiste, que les multiplications de l'intrusion de projets/programmes éducatifs alternatifs dans l'éducation formelle continuent, le besoin de prise en charge des particularismes entraînant différentes formes d'éducation communautaire et/ou le rejet de l'éducation formelle actuelle gagnent considérablement du terrain eu égard à la montée du phénomène de déscolarisation.






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote