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Education pour tous et qualité: Accès des femmes nigériennes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida

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par Laouali TANKO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar/ Chaire Unesco en Sciences de l'éducation (CUSE) de la Faculté des Sciences et Technologies - DEA en Sciences de l'éducation 2009
  

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D. L'éducation spécialisée

L'éducation spécialisée a pour mission l'éducation ou la rééducation et la formation des citoyens handicapés physiques, mentaux ou sensoriels (sourds-muets, malvoyants) afin de faciliter leur insertion ou réinsertion sociale. Elle est assurée dans des établissements pour handicapés physiques ou mentaux et les centres de rééducation des jeunes délinquants (cas du centre de rééducation de Dakoro au Niger). Les filles et les femmes sont absentes dans ce genre de structures qui semblent être destinées aux garçons et aux hommes. Le handicap chez une fille ou femme est perçu comme une fatalité. Beaucoup plus que l'homme, la femme handicapée doit s'en remettre au sort. D'où la faible prise en charge des filles et des femmes dans les institutions spécialisées pour handicapés.

1.7. Forces et faiblesses du système éducatif nigérien

En 1960, année de son accession à l'indépendance, le Niger était l'un des pays les moins scolarisés de l'Afrique de l'Ouest francophone. Dans l'enseignement primaire, on dénombrait à cette époque 21.054 élèves, soit 3,6% de la population scolarisable (MEN, 2000).

Dans le domaine de l'alphabétisation des adultes, la situation était encore plus préoccupante. Le taux d'alphabétisation du Niger était de 1% en 1960 (MEN, 2000).

Ces taux très faibles rendent compte du faible niveau de développement des ressources humaines. C'est un défi à relever en déployant de gros efforts dans le domaine de l'éducation.

a). Les réalisations

L'éducation est un facteur privilégié pour accélérer le développement économique et social d'un pays. C'est à ce titre que les nouvelles autorités du Niger ont mis en oeuvre dès 1960 une politique ayant pour objectif de développer la scolarisation au plan quantitatif en application du plan d'Addis Abéba (1961) qui prévoyait, en vingt ans (1960-1980) la généralisation de l'enseignement primaire sur l'ensemble du continent africain. Dans cette perspective, d'incontestables progrès ont été enregistrés en matière d'expansion des effectifs.

Pour améliorer la fréquentation scolaire, le Niger a tenté l'expérience de la télévision scolaire commencée à Niamey en 1964 dans deux (2) classes totalisant 70 élèves. En 1966, l'expérience s'est étendue à 20 classes primaires rurales situées au nord-ouest de Niamey, le long du fleuve niger. En 1972, l'expérience devrait s'étendre à l'ensemble des régions du pays. Mais ce modèle d'enseignement télévisé a été abandonné en 1975 et l'arrêté n° 51/MEN/DEPCS du 6 octobre 1980 recommande le retour à l'ancien système d'enseignement.

Alors qu'à l'indépendance en 1960, le taux de scolarisation était de 3,6%, il est passé à 12,97% en 1970 et 24,56% en 1980. En 1990, il atteint 27,5% puis 34,14% en 2000. Ce taux de scolarisation donc a augmenté de 30,54% en 40 ans comme le montre le tableau n° 1 suivant.

Tableau n°1 Evolution des taux bruts de scolarisation de base (de 1960 à 2000)

Années

1960

1970

1980

1990

2000

Taux de scolarisation

3,6%

12,97%

24,56%

27,5%

34,14%

Source : MEN/DEP, Niger, 2000

Toutefois, ce tableau montre aussi qu'avec un taux de scolarisation de 34,14% en 2000, 2 enfants nigériens sur 3 ne vont pas à l'école.

Depuis l'année de l'indépendance, le nombre d'écoliers s'est considérablement accru. De 1960 à 1986, en chiffres absolus, le nombre d'enfants scolarisés (tous niveaux primaires confondus) est passé de 21.054 à 272.622 élèves. Il faut noter que l'évolution des effectifs ne s'est pas faite au même rythme et de manière continue au fil du temps comme le montrent les pourcentages des taux de croissance du tableau n°2 qui suit.

Tableau n° 2 Taux de croissance des effectifs scolaires primaires au Niger de 1960 à 1999

ANNEES

Taux de croissance des effectifs

1960-1969

16,3%

1970-1979

9,3%

1980-1989

4,7%

1990-1999

4,1%

Source : Annuaire des statistiques scolaires MEN/DEP,Niger, 2000

Le taux de croissance des effectifs a ainsi régulièrement diminué de décennie en décennie. Mais ce sont principalement les périodes 1980-1989 et 1990-1999 qui marquent de façon significative la diminution du taux de croissance des effectifs. Cette situation résulte du contexte économique du pays. En effet, c'est au début des années 1980 que le Niger est entré dans une période d'austérité provoquée par la crise économique qui continue encore à grever l'économie. Cette situation économique provoque aussi une baisse drastique des investissements dans tous les secteurs notamment dans celui de l'éducation.

Malgré ces difficultés, les réalisations sont sommes toutes importantes. En effet, en 2000, c'est-à-dire quarante (40) ans après l'indépendance, le cycle de base 1 (enseignement primaire) compte 579.486 élèves, soit 27,5 fois les effectifs de 1960 avec un accroissement moyen des effectifs de 8,6% par an. Dans l'enseignement secondaire (tous cycles confondus, c'est-à-dire le collège et le lycée), les effectifs ont été multipliés par 96, passant de 1040 élèves en 1960 à 99.780 élèves en 2000 (MEN, 2001).

L'alphabétisation des adultes a enregistré elle aussi des progrès appréciables et appréciés en termes d'expansion des effectifs d'auditeurs du fait de l'extension de l'offre liée aux besoins et aux préoccupations du moment : 1% en 1960, et 19,9% en 1999, d'après l'Unesco (1999). Des campagnes d'alphabétisation en langues nationales (haoussa, fulfulde, djerma, tamachek, etc.), des programmes liés au développement rural, des activités de formation des travailleurs du secteur moderne, post-alphabétisation, alphabétisation fonctionnelle, des programmes d'alphabétisation des femmes liés à des activités génératrices de revenus, tels sont les principaux atouts de la politique d'alphabétisation au Niger.

Malgré ces résultats appréciables, force serait de constater que les femmes en auraient moins bénéficié que les hommes. Il serait intéressant d'évaluer si les programmes d'alphabétisation, les taux de participation des filles et des femmes, leur permettent d'être indépendantes économiquement. De la même manière, l'impact positif des programmes d'alphabétisation sur les filles et les femmes mériterait d'être lui aussi mesuré. D'une manière générale, ce sont les limites imposées à ces programmes par les obstacles culturels qui devraient être objectivement évalués.

En effet, c'est la situation particulière des filles et des femmes dans le domaine de l'éducation et de l'alphabétisation qui a conduit à l'élaboration de la loi n°98-12 du 1er juin 1998 portant orientation du système éducatif nigérien.

b). L'éducation des filles et des femmes au Niger

La loi n°98-12 vise à asseoir le système éducatif nigérien sur de nouvelles bases plus réalistes. Elle se réfère à la déclaration de Jomtien sur l'éducation pour tous de 1990. Elle réaffirme que l'école nigérienne est non confessionnelle. L'éducation doit donner des chances égales à tous, fondées sur le mérite et l'aptitude. La priorité est donnée à l'alphabétisation, à l'éducation de base et à la formation professionnelle. Toutes les dispositions de la loi n°98-12 mettent l'accent sur la réduction des disparités entre sexes et la réduction de l'analphabétisme.

Le Niger, à l'instar des autres pays, s'investit dans l'éducation de base en menant des actions en faveur des filles. C'est ainsi que le projet sectoriel de l'enseignement fondamental (PROSEF) a été initié par arrêté n°171/MENS/R du 11 octobre 1994. Il a pour objectif de porter la proportion des filles scolarisées de 36% en 1995 à 40% en 2000 dans l'enseignement de base. Cet objectif a occasionné la création d'une cellule technique pour la promotion de la scolarisation des filles (CTPSF). Cette cellule a pour mission de sensibiliser les parents et les leaders d'opinion à la nécessité d'envoyer les filles à l'école et de les protéger contre le mariage précoce. Pour ce faire, des zones d'action prioritaires (ZAP) ont été identifiées. Des activités de proximité dans ces zones, avec des ONG locales, ont été organisées. Après cinq années de fonctionnement, un bilan conclut à un impact positif sur la scolarisation des filles. La promotion de l'accès des filles à l'éducation de base a progressé de 39,2% en 1999, 39,4% en 2000 et 40% en 2001 pour les inscriptions en première année de l'enseignement primaire ou CI (cours d'initiation) (MEN/ CTPSF, 2001).

D'une manière générale, à tous les échelons et dans divers domaines de l'éducation, la préoccupation est la même : lever les obstacles à la différenciation et à la participation des filles et des femmes à l'éducation. Des progrès ont été enregistrés, mais l'évolution du taux de scolarisation des filles dans l'enseignement primaire reste encore faible. Les filles représentent 23,4% des effectifs en 1999 (MEN, 2000). En effet, il est fréquent au Niger que les filles aînées ne soient pas inscrites à l'école ou l'abandonnent dès qu'elles doivent s'occuper de leurs petits frères ou soeurs. Il est aussi rare que ces mêmes filles retournent à l'école lorsqu'elles deviennent un peu plus âgées. Aujourd'hui encore, certaines pratiques, croyances sociales et culturelles sont de véritables freins à la scolarisation des filles. En effet, dans certaines communautés rurales du Niger, envoyer une fille à l'école, est synonyme de l'exposer aux risques de la perversion. Assez souvent encore, la jeune fille est retirée de l'école à la puberté pour commencer une vie matrimoniale.

Certes beaucoup de mesures ont été prises en vue de l'amélioration de la scolarisation de la fille ou de la femme au Niger.

Mais compte tenu des faibles taux de scolarisation et d'alphabétisation et des disparités importantes entre régions et entre genres, le Niger doit encore faire de gros efforts pour atteindre les objectifs de 2015 qui sont de «faire en sorte que d'ici 2015, tous les enfants, notamment les filles-y compris les plus pauvres, les enfants qui travaillent et les enfants ayant des besoins spéciaux- aient la possibilité d'accéder à un enseignement primaire de qualité et de le suivre jusqu'à son terme» (EPT, Dakar, 2000).

Les objectifs visés en 2000 ne sont pas encore atteints compte tenu du contexte économique difficile. Toutes les réformes ont surtout traité des questions d'accès à l'éducation formelle, de réformes de l'enseignement, de la politique d'élaboration des manuels scolaires, des programmes d'enseignement et de formation, etc. Elles se sont peu intéressées aux programmes spécifiques pour ceux qui n'ont pas accès ou ceux qui ont été exclus du système éducatif. Pourtant, les filles et les femmes sont de plus en plus au centre des préoccupations actuelles de l'éducation en matière de santé. Ainsi, pour la Banque Mondiale «en offrant aux femmes la possibilité de s'instruire, un pays peut réduire la pauvreté, améliorer la productivité, alléger les pressions démographiques et assurer à ses enfants un meilleur avenir » (Herz, Subbaro, Habib et Raney, 1993, p.iii).

En effet, le faible niveau de scolarisation et d'alphabétisation de la majorité des femmes dans le monde en général, constitue un obstacle majeur à la transmission des messages éducatifs selon Seck (1999).

En général, les dysfonctionnements de la scolarisation révèlent de faibles rentabilités internes et externes des systèmes éducatifs. Ces problèmes et difficultés suscitent la nécessité d'adopter d'autres approches pour accroître l'accès et améliorer la qualité et les bénéfices des retombées de l'éducation. De nouvelles perspectives ouvrent de nouvelles dimensions à la campagne en faveur de l'éducation pour tous (EPT). L'engagement des participants au forum mondial sur l'éducation en faveur de l'éducation pour tous est de «répondre aux besoins éducatifs de tous les jeunes. Les Etats doivent assurer aux jeunes un accès équitable à des programmes adéquats ayant pour objectif l'acquisition des connaissances ainsi que des compétences liées à la vie courante» (UNESCO, Dakar, 2000).

Selon Oxfam (1999), «l'éducation est plus que jamais la seule arme efficace contre la pauvreté dans le monde. Elle sauve des vies». En ce sens, l'éducation en matière de santé est, elle aussi, plus que jamais, l'une des armes efficaces contre la propagation du VIH/SIDA.

Les programmes d'éducation en matière de santé doivent contribuer à résoudre les problèmes d'accès, d'équité et de qualité du système éducatif. Ces programmes seraient un moyen de pallier le manque de ressources nécessaires pour éradiquer l'analphabétisme. Ils peuvent être dispensés tout en tenant compte de la disponibilité des femmes, et à partir de leur motivation individuelle à apprendre.

C'est à ce titre qu'il paraît intéressant de se demander dans quelles mesures les programmes d'éducation en matière de santé permettent d'améliorer les conditions de vie des bénéficiaires, et de manière significative à les mettre à l'abri de certaines situations à risque telle l'infection au VIH/SIDA.

Car aujourd'hui, le monde fait face à la pandémie du sida qui est un problème lié au seul comportement humain. Chaque société se caractérise par ses propres modes de transmission. Pour le moment l'éducation préventive est l'une des armes efficaces pour lutter contre la propagation du VIH/SIDA dans le monde.

1.8. La lutte contre le VIH/SIDA au Niger

Depuis l'apparition de la pandémie du sida au Niger en 1987, le nombre de cas ne cesse de croître. De 18 cas en 1987, les données actuelles font état de 5598 cas en 2000 selon le Programme National de Lutte contre le Sida et les Infections Sexuellement Transmissibles (PNLS/IST Niger, 2001).

Le début de la lutte contre le VIH/SIDA au Niger remonte à mars 1987 après une table ronde télévisée dont l'objectif était de faire prendre conscience à la population de l'ampleur du fléau. Un mois après, un comité national de lutte contre le sida (CNLS) était constitué auquel le Global Program Aids de l'OMS (prédécesseur de l'ONUSIDA) apportait son appui technique et financier.

Un programme à court terme a été mis en place. Des actions multiformes telles que des activités d'information, d'éducation et de communication (IEC) visant à sensibiliser les jeunes, les femmes en général et tous les groupes vulnérables en particulier, ont été menées par différents intervenants publics, privés, confessionnels et associatifs. Tous avaient pour objectif la réduction de la transmission hétérosexuelle du VIH/SIDA au Niger.

Des séminaires de formation à l'attention des médecins, des assistants sociaux, des infirmiers, des leaders d'opinion, des professeurs de sciences naturelles des collèges et lycées et des animateurs de jeunesse non scolarisée ont été organisés sur l'ensemble du territoire nigérien. Des productions et diffusions de matériels didactiques comme des affiches sur les préservatifs, des cassettes audio, des banderoles, des pièces de théâtre ont été réalisées à travers le pays pour démontrer le danger que représente le sida dans une communauté.

Des enquêtes CAP (connaissances, attitudes et pratiques) sur le VIH/SIDA ont été effectuées sur l'ensemble du pays, et même un «projet pilote sida et migration au Niger» (1993) initié par l'ONG Care International a été monté. Il avait pour objectif de suivre les migrants nigériens du Département de Tahoua jusqu'à leur lieu d'exode à Abidjan en Côte d'Ivoire, principal pays d'accueil.

Toutes ces différentes actions de sensibilisation visaient à faire prendre conscience aux populations nigériennes de l'intérêt qu'il y a à adopter des comportements responsables à moindres risques partout où les populations se retrouvent. En raison de l'absence d'un vaccin pour éradiquer le sida, la prévention qui passe par l'éducation est l'une des armes les plus sûres pour combattre la pandémie du sida. L'éducation préventive doit jouer un rôle important dans cet effort de réduction de la progression et de l'impact de la pandémie du sida. Cette prévention porte sur la sensibilisation et les méthodes non formelles pour l'éducation des adultes et des jeunes déscolarisés. Elle inclut aussi des informations spécifiques sur les modes de contamination et de prévention du VIH/SIDA. Elle dispense à ses auditeurs :

· des connaissances nécessaires pour prendre de bonnes décisions ;

· des informations pour se comporter d'une manière saine ;

· et surtout, des opportunités d'alphabétisation et d'acquisition de compétences spécifiques pour l'indépendance économique.

En effet, malgré les bonnes intentions qui consistent à faire prendre conscience aux populations du fléau que représente le VIH/SIDA, le nombre de victimes ne cesse de croître. Aussi les éducateurs en général sont-ils les premiers interpellés face à cette pandémie dont la solution requiert l'éducation des populations à défaut de réponse à caractère médical. En l'état actuel, les programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida mettent un accent particulier sur l'éducation des filles et des femmes qui sont leurs principales cibles. Celles-ci ont moins accès à l'école que les garçons et les hommes ; et elles présentent également les plus forts taux d'abandon scolaire.

Cependant, malgré les efforts et l'attention dont elles sont l'objet de la part des promoteurs de ces différents programmes d'éducation, elles semblent manifester de réelles résistances même à cette forme d'action éducative dont elles sont les bénéficiaires. Manifestent-elles ainsi leur résistance à toute action éducative ou simplement leur rejet de cette forme d'éducation qui met à nu les comportements sociaux ?

En effet, les croyances et les comportements socioculturels dans des sociétés encore fortement traditionnelles comme il en existe au Niger, imposent à chaque catégorie sociale des règles de vie et de comportement à adopter pendant toute la vie. La résistance est d'autant plus tenace s'il s'agit d'institution occidentale telle l'école en laquelle ces catégories voient une forme d'agression socioculturelle. Pourtant, c'est pour faire face au nouveau péril que constitue le sida que s'inscrivent les programmes de lutte contre ce fléau. L'une des motivations premières est d'offrir des programmes d'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida, par le truchement des ONG et le PNLS/IST pour atteindre les populations défavorisées des zones rurales et des quartiers péri-urbains surpeuplés et pauvres. Les filles et les femmes sont les plus exposées à cause de leurs statut et rôle dans la société nigérienne que nous traiterons dans la partie qui suit.

1.9. Le statut et le rôle de la femme au Niger

Il est important de s'intéresser au statut et au rôle des femmes dans la société nigérienne pour comprendre pourquoi les femmes sont les cibles privilégiées des programmes d'éducation de santé pour lutter contre le VIH/SIDA. Le Niger est un pays à forte dominance islamique (98,6%) et la religion joue un rôle important dans la définition du statut et du rôle de la femme. Mais la religion n'est pas le seul facteur explicatif qui confine au foyer les femmes. En effet, selon Deblé, (1980, p.89), «le facteur religieux n'est que l'un des facteurs culturels qui peuvent rendre plus ou moins rigides les limites imparties au «rôle» de la femme dans un groupe donné». Aux facteurs religieux viennent s'ajouter d'autres facteurs culturels hérités des traditions séculaires. Le souvenir de l'imposition d'une éducation occidentale, qui est liée au christianisme et des incitations à la conversion restent encore vivaces au Niger, d'où la préférence que les parents accordent à une éducation islamique surtout des filles plus que des garçons. La crainte est en effet de voir l'éducation occidentale promouvoir chez les filles des valeurs et un comportement qui sont contraires aux normes culturelles souvent présentées comme des obligations religieuses (Odaga et al, 1996, p.21). Cependant, les normes et préceptes de la religion se substituent souvent aux normes culturelles définissant le rôle des femmes. Aussi est-il nécessaire, bien que difficile, de distinguer les facteurs religieux des culturels selon Kane et Brun (1993).

Le statut et le rôle dévolus aux femmes ne sont pas des réalités uniformes au Niger. Ils varient en fonction des contextes ethniques et sociaux.

Aujourd'hui, la réclusion des femmes et leur statut social sont justifiés par les hommes au nom de l'islam. Selon Soumaré (1994) certains parents maliens des milieux ruraux croient que l'éducation scolaire compromet la foi de leurs filles et, par conséquent, préfèrent le mariage à l'école pour les filles adolescentes.

Dans les sociétés traditionnelles en Afrique de l'Ouest, le type d'éducation dispensé aux femmes et la limitation des métiers qu'elles peuvent pratiquer répondaient à des normes relativement strictes. Toutefois, celles qui ont reçu une éducation occidentale ont des choix professionnels plus variés. Ces nouvelles possibilités s'accompagnent malgré tout de la réticence de la part des parents à envoyer leurs filles à l'école. Du fait du poids des traditions, les débouchés offerts aux femmes instruites sur le marché du travail sont encore restreints. Le mariage des femmes instruites est un casse-tête pour ces femmes, surtout avec l'âge, à cause du cursus scolaire. Il faut noter que passés 15 ans, la fille est considérée dans la communauté comme une vieille fille dont aucun homme ne voudra plus. C'est un véritable drame pour les parents, la famille et pour la fille elle-même qui a le sentiment de rater sa vie de femme et de mère.

Ainsi, à Maradi, dans le centre du Niger, malgré les efforts des pouvoirs publics pour promouvoir l'éducation primaire universelle, les parents de cette région persistent dans leurs attitudes négatives à l'égard de l'éducation occidentale et préfèrent l'éducation coranique pour les filles. Après l'école coranique, elles sont initiées à la pratique du commerce et données en mariage avant qu'elles ne prennent des libertés, une fois devenues adultes. Dans cette région, l'école française est considérée comme un facteur de libertinage et de dégradation des moeurs (UNICEF, 1999).

En général, dans la culture nigérienne, scolariser les filles est moins valorisé que scolariser les garçons ; les rôles et les statuts des femmes dans la société traditionnelle restent liés au mariage et à la procréation. Les filles sont confinées dans les tâches ménagères et la garde de leurs frères cadets plutôt qu'à fréquenter l'école. Les explications données pour la non scolarisation des filles dans certaines communautés au Niger sont culturelles et liées à la religion islamique (Raynaut, 1987). En effet, la vision de l'école est associée au risque de compromettre la chasteté féminine et la crainte que les filles instruites ne soient pas des épouses dociles, obéissantes et soumises. D'où la réticence des parents à envoyer leurs filles à l'école.

Le faible taux d'accès des femmes à l'enseignement formel pendant la période coloniale se reflète aujourd'hui par le faible taux de participation féminine à toutes les activités. Au demeurant, les préjugés et perceptions continuent à limiter les possibilités d'éducation de nombreuses filles et femmes en Afrique subsaharienne. Il n'est donc pas surprenant que dans une perspective féministe, une attitude plus militante émerge en réaction à ce désir de maintenir les femmes dans des rôles traditionnels. Certes, les femmes instruites seraient de meilleures mères de famille et de meilleures épouses, mais certains craignent encore que l'éducation leur donne l'habileté d'analyser et de penser, ce qui est par exemple, un risque à ne pas prendre.

En réalité, les perceptions traditionnelles du rôle des femmes sont un obstacle majeur à leur participation à tout projet éducatif, que ce soit des projets d'éducation formelle, d'alphabétisation, de formation professionnelle ou d'éducation en matière de santé. Ces résistances sociales expliquent le faible taux d'alphabétisation et de scolarisation des femmes et des filles.

Le faible taux d'alphabétisation et de scolarisation des femmes et des filles au Niger expliquerait qu'elles n'ont généralement pas une compréhension suffisante des questions de santé reproductive et ont un accès limité à l'information concernant le VIH/SIDA d'où leur vulnérabilité à l'infection. Pourtant, l'ignorance rend difficile la maîtrise d'une éducation préventive dans les pays en développement comme le Niger. Bien souvent, il ne suffit pas d'informer les populations pour changer les comportements. L'éducation préventive, doit aussi prendre en compte l'éducation des mentalités et les valeurs culturelles sur lesquelles les comportements reposent, afin de susciter les attitudes, de dispenser le savoir-faire et de créer des motivations requises pour introduire des comportements nouveaux propices à réduire les risques d'infections.

Face aux difficultés des femmes au Niger d'accéder à l'éducation formelle, l'éducation en matière de santé pourrait être l'un des programmes par lequel les femmes et les filles peuvent accéder à d'autres formes d'éducation qui pourraient contribuer à l'amélioration de la qualité de leur vie de tous les jours.

Telle semble être la vision des autorités politiques du Niger en lançant le programme d'éducation en matière de VIH/SIDA à l'intention des filles et des femmes pour améliorer leur niveau de prise de conscience du danger que représente le sida. Ce programme permet aux filles et femmes l'acquisition d'habiletés et de connaissances sur le sida et les infections sexuellement transmissibles afin d'adopter des attitudes et des comportements responsables devant le risque de l'infection. L'éducation doit jouer un rôle important dans l'effort de réduction de la progression de la pandémie du sida. Elle doit inclure non seulement l'éducation préventive, mais également porter sur l'alphabétisation et recourir aux méthodes non formelles pour l'éducation des adultes et des jeunes déscolarisés. Le rôle de l'éducation est en effet déterminant dans tous les secteurs et toutes les activités humaines. Le manque d'éducation en général et d'éducation en matière de santé risque d'augmenter la propagation de la pandémie si aucune solution n'est trouvée. Le VIH/SIDA réduit à néant les progrès obtenus après des années d'efforts en matière de développement selon Kelly (2000). L'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA devrait à ce titre être fondée sur une action éducative inscrite dans une perspective plus générale.

En effet, quelle que soit la volonté de prévenir ou de réduire la propagation du VIH/SIDA au niveau de toutes les populations, il est essentiel de comprendre et d'expliquer la manière dont les populations appréhendent les messages et les changements qui affectent leur vie.

Ce n'est qu'à ce titre que les différentes stratégies mises en oeuvre, les unes plus ingénieuses que les autres, pourront amener les populations en général et les filles et femmes en particulier à modifier leurs conditions d'existence en terme de réinvestissement des acquis pédagogiques de ces programmes dans les activités économiques et dans leur protection en matière de santé.

C'est dans cette perspective globale que doivent s'inscrire les actions éducatives en cours en matière d'éducation pour la santé et de lutte contre le VIH/SIDA.

Aussi, les ONG, les autorités administratives et coutumières profitent-elles de toutes les occasions publiques qui leur sont offertes pour rappeler cette triste réalité qu'est le VIH/SIDA. Dans tous les discours et toutes les campagnes de sensibilisation l'accent est mis sur l'éducation, les modes de contamination et la prévention du sida. Des activités de proximité sont menées sur les places publiques où toutes les associations masculines et féminines appelées «fadas» se retrouvent. Les activités d'animation et de sensibilisation sont menées par des pairs éducateurs de chaque genre pour faire acquérir à leur auditoire les connaissances essentielles dans le domaine de la santé et leur droit à l'information sur le VIH/SIDA. Des saynètes sont faites pour illustrer les informations véhiculées par les différents intervenants.

Dans une perspective éducative moderne et globale, face à l'émergence des programmes alternatifs d'éducation comme l'éducation en matière de VIH/SIDA, il est essentiel de comprendre comment les femmes nigériennes perçoivent ces projets éducatifs et quels sont les facteurs qui facilitent ou au contraire, entravent leur participation. Dans le cas de l'éducation en matière de santé, l'accessibilité, les compétences qu'elle permet d'acquérir, mais aussi les facteurs socioculturels et économiques ont un effet sur la motivation et l'engagement des femmes à y participer.

Pour comprendre l'engagement des femmes dans les programmes d'éducation en matière de VIH/SIDA, il faut :

· étudier comment elles perçoivent et vivent cette expérience éducative,

· identifier les groupes sociaux qui ont accès à cette éducation et qui en tirent le plus de profits, et enfin,

· déterminer le poids de l'origine socio-économique et culturelle dans la participation des femmes aux programmes d'éducation en matière de VIH/SIDA. Ces questions serviraient à la fois à délimiter le thème de recherche et le problème général abordé. C'est ainsi que nous formulons notre question-problème générale de la manière suivante :

Dans quelle mesure l'origine sociale, économique et culturelle des microcosmes familiaux est-elle favorable ou non à la participation des jeunes filles et des femmes à des programmes d'éducation alternative comme l'éducation en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA ?

Pour appréhender notre objet d'étude qui est la participation des femmes à l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida, il nous faut préciser les concepts qui fondent notre question-problème de recherche. Par conséquent, il nous faudra définir ce que nous entendons par origine sociale, économique et culturelle des femmes, l'éducation en matière de VIH/SIDA et d'autres concepts sous-jacents et qui peuvent être déterminants pour la compréhension de notre recherche. Par la suite, nous ferons une revue critique de la littérature et des recherches effectuées sur l'accès des filles et femmes à l'éducation en général et à l'éducation en matière de VIH/SIDA en particulier.

CHAPITRE 2

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King