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La commercialisation du gibier au Gabon

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par Georgin MBENG NDEMEZOGO
Université Omar Bongo - Maîtrise 2006
  

Disponible en mode multipage

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Depuis des millénaires, les hommes ont toujours puisé les ressources de leur environnement, pour satisfaire leurs besoins : besoins de se nourrir, besoins de se soigner, besoins de travailler etc. La faune sauvage est dans ce sens, l'une des principales ressources exploitées.

L'intérêt que l'homme porte au gibier n'a pas toujours été un intérêt mercantile. Dans les sociétés traditionnelles, la chasse se pratiquait pour des raisons alimentaires, mais aussi rituelles. Elle est un des fondements de l'initiation des jeunes garçons qui apprennent la forêt aux côtés des aînés, en même temps qu'ils s'ouvrent à la conscience de leur rôle en s'éloignant des fillettes cantonnées dans le giron maternel. Patrick Houben et al1(*) affirment que « les sociétés traditionnelles, dépendantes pour leur survie, étaient régies par le respect d'un ensemble de règles cynégétiques prenant la forme de règles coutumières. Elles ont toujours permis le processus de régénération ». Mais avec le temps, cela ne sera plus possible. Des facteurs modernes, dont l'émergence est liée au développement de nouvelles activités ou de nouveaux modes de vie, menacent la régénération de la ressource faunique. De nos jours, on ne chasse plus en quantité suffisante pour se nourrir et nourrir son petit monde, mais en quantité industrielle pour gagner de l'argent. L'appât du gain est devenu l'objectif principal poursuivit par ces hommes et femmes. On passe donc d'une chasse de subsistance, avec des techniques rudimentaires, à une chasse industrielle. L'émergence de la commercialisation du gibier puise ses origines dans plusieurs facteurs, parmi lesquels le passage d'une société traditionnelle à une société moderne (usage de la monnaie...), qui se traduisent par l'acceptation de nouvelles règles qui obéissent aux lois de l'économie de marché et non plus à celles de l'économie de subsistance.

La présence de nouveaux contextes socioculturels place en effet les populations, dans une société de marché, où le commerce est économiquement rentable. Il sera ainsi pratiqué tout azimut, et aucun produit ne sera épargné, encore moins le gibier, particulièrement en milieu urbain. Les activités commerciales vont ainsi connaître au Gabon un essor particulier depuis la crise économique des années 1980. Avec cette crise, plusieurs entreprises et industries fermeront les portes et plusieurs personnes se retrouveront sans emplois. Ayant perdu tout espoir de trouver de l'emploi, ces personnes vont s'autogérer à partir des activités économiques qu'elles créeront. Elles se retourneront vers la forêt nourricière notamment la faune sauvage. D'aucuns feront de la chasse, et d'autres comme les « bayames » achèteront du gibier, puis le revendront. Elles utiliseront les techniques traditionnelles de chasse, associées aux techniques modernes, pour chasser le gibier en quantité. La chasse intensive sera pour l'heure l'activité qui permettra à certains de subvenir à leurs besoins. Les animaux sauvages chassés sont présentés aux consommateurs soit dans les marchés, soit dans les restaurants. Les consommateurs comprenant des populations d'horizons divers, sont en majorité des anciens ruraux qui ont gardé leurs habitudes alimentaires. C'est dire que s'il y a commercialisation du gibier, c'est à cause de sa consommation importante. En d'autres termes, la vente du gibier répond donc aussi à un besoin de consommation.

Mais chasser ou vendre du gibier de manière abusive constitue un délit et est strictement interdit par la loi gabonaise depuis 1981. Vendre de la viande de brousse se serait défier la loi en vigueur pour protéger la faune. La protection de la faune manifeste non seulement dans la loi, mais aussi dans la création des parcs nationaux, trouve sa justification dans la préservation des espèces fauniques pour les générations futures, et dans les devises produites par l'écotourisme. Or, la commercialisation du gibier, qui est notre objet d'étude, est un nouveau secteur de l'économie gabonaise. Sa pertinence nous amène à étudier ses composantes, les partenaires impliqués ainsi que ses conséquences sur la faune et sur l'économie gabonaise. Ce commerce défendu par la loi, nous permettra d'étudier celui-ci, ses atouts et ses limites. L'observation empirique montre que la faune est sollicitée à la fois par les populations et par l'Etat. Comment l'Etat pourrait-il de ce fait gérer durablement la faune tout en contenant les besoins des populations ?

Pour mieux aborder et appréhender ce travail sur le plan anthropologique, il nous revient de l'orienter dans un champ ou un cadre théorique précis qui nous permettra de mesurer les limites de notre recherche.

En tant que système d'échange obéissant à la loi du marché, le commerce fait appel aux opérateurs économiques, à la production, à la conservation, au circuit du produit, à sa vente et à sa consommation. Ainsi, parler de commercialisation, c'est inévitablement traiter de l'économie en anthropologie, donc le champ de l'anthropologie économique. Nous voulons effectivement faire ressortir tous les systèmes qui concourent à la production, à la vente et à la consommation du gibier au Gabon.

A cette dimension économique de l'étude s'ajoute une dimension fonctionnaliste, vu que le commerce du gibier obéit à une fonction qui correspond à un ensemble de besoins. La faune gabonaise constitue en effet un enjeu important. Car, elle répond à un triple besoin, notamment le besoin de consommation, le besoin financier et le besoin de régulation du secteur de la faune au Gabon. Nous cherchons donc aussi «  à déterminer le rapport entre un acte culturel et un besoin de l'homme, besoin primaire ou besoin dérivé »2(*). Nous pensons que si un fait culturel tel que le commerce du gibier persiste, c'est qu'il remplit une fonction dans la société gabonaise. En effet, toute société manifeste des besoins élémentaires liés à la nature biologique, sociale, économique concourant au maintien de l'ordre social. C'est dans cet esprit que les populations se tournent vers la faune pour combattre la pauvreté. L'Etat à son niveau tentera de réglementer cette activité, afin d'en faire lui aussi des bénéfices. La persistance du phénomène, malgré les textes mis en vigueur, prouve le vide juridique ou les limites de la juridiction. Il y a de ce fait un besoin juridique qui se fait sentir. Les consommateurs urbains, qui ont la préférence pour la viande de brousse au détriment de la viande de boucherie, sont la preuve suffisante que la commercialisation du gibier au Gabon joue un rôle capital au sein de la société. Autant de finalités et de fonctions qui démontrent le caractère irréversible du phénomène de la commercialisation du gibier. « A la source de toutes les réalisations culturelles, on trouve la satisfaction directe ou indirecte d'un besoin »3(*) primaire ou dérivé. Partout les êtres humains sont soumis à des conditions élémentaires qui doivent être remplies si les individus doivent survivre. Ceci pour dire que ce n'est pas hasardeux si les individus développent une mentalité quelque part. C'est parce qu'il sentent un besoin impérieux, nécessaire. La vente et la consommation du gibier font partie de ces mentalités. Les analyses fonctionnelles et institutionnelles nous permettront d'expliquer les différentes fonctions remplies par la faune et d'étudier l'organisation de ce phénomène.

Partant des propos qui précèdent, nous nous posons les questions de savoir:

- Qui commercialise le gibier au Gabon ? 

- Quels sont les circuits d'approvisionnement ou de production ?

- Quels sont les circuits et les lieux de vente ou de consommation ?

- Quels sont les moyens de conservation ? 

Pour répondre à ces différentes interrogations, nous avons ainsi d'une part, consulté de nombreux ouvrages, composés entre autres des rapports académiques et extra académiques, qui nous ont été fournis par les centres de documentation tels que le centre culturel français (CCF), la bibliothèque du département d'anthropologie, le laboratoire d'anthropologie (Laban), la bibliothèque universitaire centrale (BUC) et Internet, puis nous avons d'autre part réalisé une enquête de terrain dans plusieurs localités du Gabon sur les modalités pratiques du commerce du gibier.

Parmi les documents consultés, nous avons entre autres ceux de Ludovic Mba Ndzeng4(*), Patrick Houben et al5(*), Roland Pourtier6(*) dont l'objectif est justement de nous faire ressortir les origines ou les fondements même du commerce de la viande de brousse au Gabon.

Ludovic Mba Ndzeng, auteur des «  formes de gestion de l'écosystème du village Mbenga » dans la province du WOLEU-NTEM, attirera notre attention quand il abordera le rapport que les populations de ce village entretiennent avec la forêt notamment la faune. L'auteur met l'accent sur la chasse, en valorisant d'abord les méthodes traditionnelles de chasse. Les populations locales avaient la notion de régénération à partir du prélèvement qu'elles pratiquaient. Avec l'introduction du fusil, ces valeurs et méthodes de chasse prendront un coup à cause de l'argent ou l'appât du gain. Nous sommes dans une situation où la monnaie vient briser les lois établies par la société. Le principe de la jachère longue perd sa force au profit de la jachère courte et de l'exploitation abusive. L'auteur propose une adaptation des valeurs traditionnelles au contexte actuel.

Patrick Houben et al, dans « L'élevage de gibier, une alternative de gestion de la faune sauvage et de satisfaction de la consommation traditionnelle de gibier », font remarquer que la faune est menacée par les techniques modernes de chasse. Ils font état des facteurs qui participent à l'exploitation abusive de la ressource faunique, et présentent les limites des lois en vigueurs. Il est évident que la consommation du gibier est le propre de l'africain et du gabonais en particulier. Cette consommation est d'abord un fait de culture. Les lois coutumières mises en place par les anciens permirent la pérennité de ce fait de culture, la préservation et la régénération des espèces fauniques. Ils expliquent l'émergence de la commercialisation du gibier par le passage d'une société dite traditionnelle à une société dite moderne, mais aussi par le nombre croissant des chasseurs. On ne chasse plus pour l'autoconsommation mais pour rentabiliser la commercialisation. Les limites des lois en vigueur seront évoquées dans les difficultés de gestion de la faune au Gabon. Ils proposent enfin que la pratique de l'élevage se substitue à la chasse afin de renverser la tendance pour la préférence de la viande de brousse.

Roland Pourtier aussi, dans « La chasse », traite de la chasse dans sa pratique ancienne et contemporaine. Docteur ès Lettres et professeur de géographie tropicale à l'Université de Paris I, Pourtier place d'abord l'importance du gibier dans les sociétés gabonaises. L'habileté et l'ingéniosité des chasseurs font d'eux des artistes. Il rappelle dans cet article les fonctions alimentaire et initiatique de la chasse. L'auteur va montrer les transformations qui se produiront non seulement au niveau de la chasse mais aussi au niveau de la société. Les valeurs et pratiques de la chasse vont s'effriter par l'introduction du fusil.

Par ailleurs, Henri-Paul Bourobou Bourobou7(*) et Lee White8(*) répondent communément à la question de la préservation de la faune. Auteur d' « Inventaire de la biodiversité », Henri-Paul Bourobou Bourobou traite dans cet article de la biodiversité et de sa disparition. L'auteur fait remarquer que la définition du concept de biodiversité est pluridisciplinaire. Selon lui, parler de disparition c'est d'abord faire l'inventaire de cette biodiversité dont la disparition est le fait de la sélection naturelle et la surexploitation. La question de cette biodiversité doit être conjointe et sa conservation est possible par la création des aires protégées qui sont accompagnées de la législation.

Lee White, auteur d' « Exploitation forestière et gestion de la faune », soulève dans un premier temps les conséquences de l'exploitation forestière sur la faune sauvage. Des études menées près des zones d'exploitation ont démontré que le bruit des engins des chantiers d'exploitation provoque le déplacement des animaux, ce qui reste est le plus souvent chassé par les familles des employés des sociétés forestières. Notons également que les pistes forestières facilitent la chasse, la maîtrise de la forêt par les chasseurs. Dans un deuxième temps, il émet une piste de solution qui consiste en la création des réserves afin de canaliser la faune et les informations les concernant.

Le propos de Marius Indjieley9(*), géographe et enseignement à l'Université Omar Bongo (UOB), va s'atteler à démontrer la place qu'occupe le consommateur dans la commercialisation du gibier. Dans « La consommation de la viande de brousse par les librevillois : une forme de relation entre les populations rurales et les populations urbaines », l'auteur souligne que la consommation de la viande de brousse est avant tout un fait de culture. A cause des difficultés économiques, les populations vont se retourner vers la richesse faunique pour subvenir à leurs besoins. Si le phénomène prend de l'ampleur de nos jours, le tord revient à la forte croissance démographique constatée dans les agglomérations.

A partir des travaux antérieurs sus mentionnés, nous avons formulé quelques hypothèses afin de mieux orienter ce travail.

Notre première hypothèse cherche à démontrer que le commerce industriel du gibier suscite d'autres techniques de chasse différentes des méthodes traditionnelles. En effet, les dynamiques de chasse ont changé considérablement dans les décades récentes. Les premières générations capturaient le gibier par des techniques traditionnelles rudimentaires. Elles tournaient autour des arbalètes, des lances, des filets, des pièges fabriquées avec du matériel local, des fosses et bien encore qui ont contribué à la régénération des espèces. Les fusils étaient rares. De nos jours, les chasseurs se servent plus de fusils de chasse, des pièges à câble métallique et des feux à éclats (ou torche). Les réalités socioéconomique et culturelle ont changé cette donne. L'intensification de la chasse est partiellement due à la prolifération de ces technologies modernes. Les techniques de piège ont été adaptées au contexte actuel.

La deuxième hypothèse s'attache à prouver que le commerce du gibier remplace et se distingue du mode de répartition familiale du butin. La forêt constitue le lieu par excellence où les populations locales tirent l'essentiel de leurs ressources à la fois dans le domaine alimentaire que celui de la production des biens. Autrefois, le gibier occupait une place de choix dans l'alimentation des populations. La chasse, qu'elle soit individuelle ou collective, occasionnait toujours la répartition du gibier. On chassait pour se nourrir et nourrir son petit monde. On chassait pour donner à son frère, sa soeur... Le gibier, n'étant pas commercialisable, mettait en évidence deux acteurs notamment le chasseur et le consommateur. Le chasseur étant lui-même consommateur. Une fois devenu un produit commercialisable, le phénomène met en scelle trois partenaires à savoir le chasseur, la bayame et le consommateur. Nous avons déjà une personne médiane entre le chasseur et le consommateur. Le chasseur exerce déjà pour gagner de l'argent.

Notre troisième hypothèse est la preuve que le commerce du gibier en milieu urbain répond aux besoins de consommation des ruraux devenus citadins. En effet, l'accroissement de la vente du gibier se justifie dans l'existence d'une importante demande solvable de gibier dans les centres urbains. Ces derniers sont peuplés pour l'essentiel des ruraux en voie d'urbanisation. Leurs habitudes alimentaires provenant de leur milieu d'origine portent à préférer la consommation de la viande de brousse à celle de la viande de boucherie. Les raisons de la consommation sont multiples. Elles vont du goût à l'habitude en passant par la richesse en vitamine, sans oublier la variété alimentaire. L'alimentation carnée à base de gibier dans les centres urbains, associée à l'explosion démographique ne pouvait que conduire la constitution d'une demande solvable sans cesse croissante de viande de brousse.

Dans la quatrième hypothèse, il s'agit de montrer que le gibier constitue un produit de consommation de première catégorie dans le secteur restauration africaine. C'est un aspect qui est observable dans plusieurs quartiers de Libreville. Le gibier est un produit qui est proposé de plusieurs façons non seulement par le cru mais aussi par le cuit. Cette dernière variété est justement proposée par les restaurants. Pendant que certains vont dans les marchés de la place, d'autres consomment du produit cuit. C'est un service proposé également par les femmes, appelées bayames parce qu'elles achètent et revendent aux consommateurs. Ces restaurants sont visités au même titre que les marchés publics.

La cinquième hypothèse est l'illustration que ce commerce industriel du gibier constitue un facteur destructeur de la faune gabonaise. En effet, l'augmentation de la pression des activités cynégétiques sur la faune sauvage autour des grandes agglomérations, qui constituent des zones à forte intensité cynégétique, pourrait conduire à la disparition d'espèces comme la tortue luth, le lamantin aquatique, l'hippopotame, l'éléphant, voire le buffle, et dans une moindre mesure le gorille des plaines. Pour les plages du Gabon, cette disparition constituerait une perte considérable de leur potentiel touristique. La commercialisation du gibier peut conduire à l'érosion de la biodiversité faunique du Gabon. Ce risque est d'autant plus préoccupant que de nombreuses espèces abondantes. Il y a seulement une décennie, sont devenues de plus en plus rares.

Notre sixième et dernière hypothèse s'atèle à démontrer que le commerce du gibier est une activité rentable de l'économie gabonaise. Nous constatons que la dégradation de la situation économique dans les années 1980, aggravée par la crise des années 1985/86 et l'augmentation du chômage qui s'en est suivie dans un contexte de fort développement de la demande de viande de brousse dans les centres urbains, ont fait de la chasse une opportunité économique au demeurant très lucrative. C'est ainsi que de nombreux actifs en cours d'adaptation à la vie citadine, qui ont perdu leur emploi, se sont reconvertis dans les activités cynégétiques. « Les profits dégagés dans ce secteur qui représente un chiffre d'affaire d'environ 19 milliard F CFA »10(*), ont suscité le développement d'un véritable secteur viande qui emploie un nombre significatif de personnes.

Sur le plan de la pratique de terrain, la vérification de toutes ces hypothèses se fera bien évidemment à partir de l'enquête de terrain que nous avons réalisé. Le phénomène de la commercialisation du gibier est connu en partie de l'enquêteur que nous sommes depuis plusieurs années. Car, nous avons des parents qui revendent de la viande de brousse au marché de Mont Bouet. Du moins, nous savions déjà à partir de ces femmes qu'une tranche de la population vivait de viande de brousse. Mais quand nous allions leur rendre visite, tantôt les agents des eaux et forêts venaient brusquement saisir leur gibier tantôt, à un autre moment, elles couraient dans tous les sens cherchant à vouloir cacher leur gibier. Le jour où le gibier est saisi, c'est la désolation totale, c'est un nouveau capital qui sera mis en place quelques jours après afin de redémarrer l'activité. Notre curiosité résidait dans le facteur qui incitait ces femmes à continuer à vendre du gibier malgré les problèmes rencontrés. La familiarité avec le terrain était donc évidente à chaque fois que nous allions rendre visite à ces parents bayames. Cette familiarité peut être considérée comme la première ébauche de notre pré-enquête.

Celle-ci nous a permis de mesurer l'importance du phénomène auprès de quatre catégories de personnes constituant ainsi notre population d'enquête à savoir : les chasseurs, les bayames, les consommateurs et les agents des Eaux et Forêts. Nous sommes donc partis sur une base hasardeuse de trente informateurs. Au regard des données recueillies sur nos informateurs, nous constatons que nous avons questionné des hommes et des femmes dont l'âge varie entre 19 et 63 ans. Cette tranche d'âge nous est révélée par les données de terrain. Ces mêmes données nous amènent à constater que nous avons pu rencontrer trois nationalités (gabonaise, camerounaise, équato- guinéenne) et d'ethnies différentes lors de nos enquêtes. La majorité de nos informateurs se trouvent à Libreville notamment dans les quartiers indiqués sur la carte. Il est à ajouter à cela les villages d'Andem et de Mbel qui n'ont pas été situé sur la carte.

Pour enquêter sur ce phénomène et rencontrer ces informateurs c'est parcourir plusieurs endroits représentant notre champ d'enquête et la carte ci-dessus illustre notre parcours. Car, le commerce du gibier est une pratique observée dans plusieurs villes et villages du Gabon. C'est à partir du mois de novembre que notre enquête a commencé par les villes de Libreville (Oloumi, Nkembo, Ndzeng Ayong, Rio, Mont Bouét, Centreville, Sorbonne), Owendo (SNI) et s'est étendue sur les villages environnants (ENEF, Andem et Mbel). Les milieux cités plus haut ont la particularité d'abriter soit un marché soit des restaurants ou encore un lieu de production ou un circuit d'acheminement des gibiers sur Libreville. Le premier village (Andem) est sur la voie routière et/ou ferrée de l'axe Libreville - Kango, à 76 km de Libreville. C'est dans ce village, en attendant la draisine, que nous avons rencontré notre premier chasseur. Le deuxième village (Mbel) est sur la voie ferrée à 85 km d'Owendo. Les populations de ce village connaissent difficilement le bruit d'une voiture. Ils vivent aux sons des trains. C'est dans ce village que nous fîmes notre excursion en forêt avec le concours d'un chasseur. Cette marche en forêt nous a permis de produire quelques images constituant ainsi la majorité de notre corpus visuel. Nous avons passé un séjour de 72h avec les habitants de ce village. Mais la marche entreprise dans la forêt nous a pris 6h de notre temps. Elle consistait en la visite des pièges de notre chasseur. Une marche pénible mais intéressante et riche d'enseignements. Nous avons collecté ces données en usant des techniques propres à l'anthropologie. Cela exige naturellement une méthode particulière.

Nous avons fait appel à l'observation directe et à la technique d'entretien. La méthode utilisée consistait à constater sur le terrain la pratique par les populations du phénomène de la commercialisation du gibier au Gabon. Nous allions toujours sur le terrain pour collecter des données précises et auprès des différentes catégories d'informateurs sus énoncées. Chaque catégorie ayant en effet un guide d'entretien (voir annexes), cela nous a permis de cerner clairement notre objet d'étude. Les entretiens se déroulaient au lieu de travail selon qu'on est bayame ou agent des eaux et forêts, au lieu de résidence selon qu'on est consommateur ou chasseur. Pour appuyer les techniques citées ci-dessus, nous nous sommes servis d'un appareil photo numérique pour avoir une représentation visuelle de la commercialisation du gibier.

Malgré toutes ces techniques et démarches, nous n'avons pas pu mesurer tous les contours de ce phénomène. L'histoire nous enseigne qu'une oeuvre humaine n'est jamais parfaite. Il y a toujours des limites, des insuffisances dans une recherche. Nous n'avons pas pu recueillir des informations dans les grands restaurants. Ceux que nous avons parcourus sont de petite taille. Nous avons voulu mesurer les données dans les deux types de restaurants afin d'avoir une idée de l'usage du gibier. Nous n'avons pas eu, hélas, des informateurs fiables pour nous entretenir sur ce type de restaurants. Il nous a été également difficile d'assister à l'une des missions de police organisées par les agents des eaux et forêts. C'était effectivement l'un de nos souhaits. Mais on nous affirma au préalable que ces missions étaient toujours improvisées. Cela nous aurait permis de savoir la route empruntée par les saisies de gibier et aussi savoir la moyenne des saisies. Mais nous ne pouvions faire l'impossible.

Tout de même, pour rendre compte des problèmes de commercialisation du gibier au Gabon, nous entendons produire quatre (4) parties. La première partie nous établit les rapports de l'humain à l'écosystème. D'abord, nous tenterons de comprendre le concept d'écosystème. Ensuite, nous ferrons ressortir les usages humains de l'écosystème. La deuxième partie est constituée du corpus textuel sur la faune gabonaise. Elle nous propose des discours, d'une part, des chasseurs et des bayames, et, d'autre part, ceux des consommateurs et des agents des eaux et forêts. La troisième partie aborde le circuit commercial du gibier au Gabon. Cette partie nous permet de savoir que ce commerce est un héritage colonial, et dans un deuxième temps étudier le circuit actuel. Dans la quatrième et dernière partie, nous faisons la lecture anthropologique d'une gestion étatique de la faune. Nous étudions d'abord la législation et la Direction de la Faune et de la Chasse avant d'aborder l'approche conflictuelle des parcs nationaux.

Chapitre I : Qu'est-ce que l'écosystème ?

L'apport essentiel de l'écologie est sans doute d'avoir montré que les ensembles de populations existant dans un même milieu et entretenant entre elles des interactions multiples, telles que relation de cohabitation, de compétition, de prédation, de parasitisme, constituaient avec le milieu où elles vivent des systèmes biologiques, les écosystèmes, qui demandaient une étude globale. Les écosystèmes ont comme tout système une structure qui doit être précisée dans plusieurs domaines. Leur flore comme leur faune possèdent une composition spécifique, particulière, affectée d'une variation saisonnière qui caractérise leur structure temporelle. Ces espèces végétales et animales se répartissent en outre dans l'espace en organisant à la fois une structure verticale et une structure en plan. Nous n'avons pas l'ambition de détailler l'écologie. Nous pensons qu'il est intéressant de rappeler l'inventaire des richesses existantes dans la nature. Nous voulons montrer la différence spatiale qui peut exister entre l'espace forestier du Gabon et celui du Mali ou de la Tanzanie par exemple. Le Gabon est situé dans le deuxième plus grand bassin forestier du monde. Il nous revenait de le repréciser. Notre objet, la faune, mérite d'être repréciser dans son ensemble qui est l'écosystème. Il faut dire pourquoi la faune gabonaise est diversifiée et abondante. Faire ressortir le rapport de l'homme à son écosystème, revient à étudier cet écosystème riche et diversifié. Et si nous parlons de la faune, nous verrons qu'elle est abondante. Cela nous amène à étudier également les conditions dans lesquelles cette faune se trouve, c'est introduire le paysage qui est alimenté par un certain climat. Tous ces paramètres nous donnent la reprécision dont nous avons besoins.

1 - 1 Climat et paysages

1 - 1 - 1 Climat

Le Gabon se trouve sous l'influence des déplacements saisonniers de la convergence intertropicale ou du front qui circonscrit les masses d'air atlantique, transportées au-dessus du continent par un courant d'ouest. Epaisses de 1000 à 2000 m, ces masses d'air sont aspirées par la zone de basses pressions qui s'étend sur l'ensemble des régions équatoriales d'Afrique et qui sont d'origine thermique. Ce front équatorial donnerait à un grand nombre de perturbations pluvieuses, de trajectoire est-ouest, se manifestant sous forme de grains, ainsi qu'à d'autres perturbations de caractère zonal, presque stationnaires. Mais le vrai climat équatorial ne semble pas exister au Gabon, puisque partout nous constatons des variations saisonnières marquées dans le régime des précipitations. Celui-ci présente deux maxima bien séparés, l'un de mars à mai, l'autre de septembre à décembre. S'il n'y a plus jamais plus de quatre mois secs, nous observons, au sud de l'équateur, une véritable saison sèche, de juin à octobre. Cette saison sèche est bien plus caractéristique des variations climatiques que la faible amplitude annuelle des températures qui n'excède pas 2 ou 3°c.

Par contre, certaines années, c'est le déluge ininterrompu. Nous pouvons expliquer ces variations annuelles de la pluviométrie par la position géographique du Gabon. Ce dernier est placé entre les influences semi-arides de l'Afrique australe et celles du golfe de Guinée très arrosé. A ces traits d'ensemble du climat gabonais, s'ajoutent des nuances régionales, difficiles d'ailleurs à localiser. Certaines régions sont très arrosées et d'autres le sont moins. Ces différences ne figurent pas dans ce travail, nous n'avons pas la prétention d'en faire une étude géographique. Nous tenons tout de même à souligner qu'il était important pour nous de situer le Gabon dans son climat. En effet, si l'écosystème du Gabon est si diversifié comme il se présente, c'est parce qu'il évolue dans un climat favorable, avec une pluviométrie qui l'alimente suffisamment. Ces traits climatiques ont une influence sur le maintien de la forêt équatoriale notamment son paysage et sur des êtres qui y vivent.

1 - 1 - 2 Paysages

La forêt qui couvre au Gabon une superficie de 140000 km2, plus de la moitié du pays, donne aux paysages une certaine uniformité. Mais cette dominante végétale voisine avec la savane herbeuse qui s'enchevêtre parfois avec la forêt ou couvre des régions entières. Ailleurs, la forêt-galerie suit les grands axes hydrographiques, laissant découverts les interfluves. Dans les îlots de forêt dense s'ouvrent des clairières herbeuses ou bien au milieu d'une plaine surgit le bloc fermé de la sylve ombrophile. Cette interprétation forêt- savane et savane- forêt est autant le fait des sècheresses saisonnières qui maintiennent la forêt équatoriale dans un équilibre précaire que le fait de la géologie. La grande forêt gabonaise se rattache à l'ensemble forestier de l'Afrique équatoriale, aux sylves congolaises et guinéennes. Forêt primaire, elle présente tous les traits classiques des forêts ombrophiles et couvre le haut pays, les monts de Cristal, le massif Du Chaillu, le Mayombé dont le nom signifie dans la langue des vili et des yaka une région accidentée, couverte de forêts. Elle s'étend sur le Moyen- Ogooué, les plateaux du nord et subsiste en noyaux au coeur des interfluves. Forêt dense, à demi obscure, d'une grande richesse floristique, elle montre la disposition classique de ses voûtes stratifiées.

De nombreuses espèces voisinent sur un espace limité, car l'hétérogénéité du peuplement forestier est le signe distinctif des forêts primaires. La forêt gabonaise est peuplée d'une faune variée adaptée selon les cas, à l'humidité, l'obscurité, l'insolation, les disponibilités en nourriture. Au sol, sous les débris des feuilles pourrissantes, dans l'obscurité humide des bois, vivent toutes sortes d'insectes, papillons, lézards, serpents, petits rongeurs et carnivores. Dans les branches, oiseaux et singes consacrent la moitié de la journée à rechercher leur nourriture de fruits et de feuilles. Il nous a été aussi nécessaire de présenter succinctement l'écosystème gabonais et ses constituants notamment la flore et la faune. C'est en effet de leurs usages qu'il s'agit dans ce travail notamment l'usage de la faune.

1 - 2 Flore et faune

Comme l'ensemble du bloc forestier du Bassin du Congo, les forêts gabonaises sont très mal connues du point de vue de la biodiversité. Du fait de l'indigence des données disponibles, il est très difficile d'estimer le nombre d'espèces abritées par les forêts gabonaises. Néanmoins, en raison de leur importance économique et médicale, les plantes supérieures, les mammifères et les oiseaux représentent les groupes les plus connus. Et c'est donc pour l'essentiel en référence aux données disponibles sur ces groupes que le présent diagnostique de l'état de la biodiversité est établi. Les forêts gabonaises appartiennent au centre d'endémisme régional guinéo- congolais. Le Gabon est ainsi un sanctuaire et un centre d'endémisme des plus importants pour les espèces végétales et animales de la forêt sempervirente guinéo- congolaise.

1 - 2 - 1 La flore

Du point de vue de la flore, le Gabon est l'une des régions les plus riches, peut-être la plus riche, du vaste ensemble des forêts africaines. Bien qu'encore fragmentaires, les plus récents inventaires botaniques confirment cette observation d'Aubreville11(*). En effet, la flore gabonaise qui compte 10 à 11000 espèces de végétaux supérieurs (dont seulement 1900 décrites) est l'une des plus riches du continent. On recense, en effet, plus d'espèces botaniques au Gabon sur 230000 km2 que dans toute l'Afrique de l'ouest sur 600000 km2. Dans les milieux les plus riches, certaines familles sont représentées par plus de 200 espèces pour 200 m2, soit une diversité impressionnante, que l'on pensait réservée à la région caraïbo- américaine. Au total, on estime que la forêt gabonaise abrite 30 à 40% de la flore du Bassin du Congo sur 10% du territoire de la sous- région.

La grande forêt gabonaise se rattache à l'ensemble forestier de l'Afrique équatoriale, aux sylves congolaise et guinéenne. Forêt primaire, elle présente tous les traits classiques des forêts ombrophiles et couvre le haut pays, les monts de Cristal, le massif du Chaillu. Elle s'étend sur le Moyen Ogooué, les plateaux du nord et subsiste en noyaux au coeur des interfluves. Forêt dense, à demi obscure, d'une grande richesse floristique, elle montre la disposition classique de ses voûtes stratifiées. Des voûtes les plus hautes qui peuvent atteindre 40m, s'élancent quelques géants de 70m de haut. Les voûtes médianes se placent entre 25 et 30m et les plus basses entre 10 et 20m. Les grands arbres ont d'énormes troncs droits, élargis à la base en épais contreforts, qui se couvrent jusqu'à la cime de lianes et d'épiphytes. De nombreuses espèces voisinent sur un espace limité, car l'hétérogénéité du peuplement forestier est le signe distinctif des forêts primaires. Pour les botanistes, la flore de ces forêts se rapproche beaucoup de celle qu'on rencontre au Cameroun ou au Nigeria, mais présente aussi de nombreuses espèces endémiques. Les botanistes distinguent plusieurs types d'association végétales à l'intérieur de la sylve sempervirente du Gabon : la forêt à légumineuse du nord qui se poursuit au Cameroun, la forêt du centre à Desbordesia et Calpocalix, la forêt à Marantacées localisée aux confins du pays. La densité des grands arbres qui laisse à pénétrer la lumière retarde la régénération de la forêt dont le sous-bois est peu fourni. Cette sylve est composée d'essence de la forêt primaire. Après 7 ou 8 ans de croissance les arbres peuvent atteindre 20m de hauteur. Beaucoup de familles d'arbres à bois tendre remplacent les troncs durs des géants de la rain-forest. Parmi les essences les plus caractéristiques, le Parasolier a formé de véritables peuplements. La cime de cet arbre s'étale en un parasol de feuilles digitées, son tronc à écorce blanche s'accompagne de racines aériennes. L'Okoumé, une des richesses du Gabon, est une espèce ordinaire d'acajou dont les formations homogènes sont particulièrement denses le long de la vallée de la Ngounié et sur le Moyen Ogooué. Faisant pendant à la flore qui lui est associé, la faune quant à elle est unique et exceptionnellement riche et diversifiée.

1 - 2 - 2 La faune

La faune se définie comme l'ensemble des espèces animales présentes dans un biotope ou un milieu donné. Faisant pendant à la flore qui lui est associée, la faune gabonaise est unique et exceptionnellement riche et diversifiée. Les mammifères sont représentés par 200 espèces (dont 3 espèces endémiques). La diversité de la faune mammalienne place le Gabon au quatrième rang des pays du Bassin du Congo après la république démocratique du Congo, le Cameroun et la Centrafrique. Ces trois pays appartiennent tous à la zone de transition qui abrite aussi bien les espèces de la forêt pluviale humide que celles caractéristiques des savanes soudaniennes au nord et angolaises au sud. La diversité de la faune aviaire suit le même modèle, avec 680 espèces d'oiseaux, dont 25 pour lesquelles le pays représente la limite de la répartition septentrionale. Les faunes piscicole (4 espèces endémiques), reptilienne (65 espèces) et amphibienne sont également très bien représentées.

Le Gabon est un véritable sanctuaire pour les primates. Ils sont représentés par 20 espèces (dont une espèce et 2 sous-espèces endémiques) et pour la grande faune mammalienne menacée de disparition en Afrique. Estimée à 85000 individus, la population d'éléphants (2 sous-espèces) est de loin la plus considérable du continent africain. Les densités moyennes sont de l'ordre de 1individu/km2 dans les milieux non perturbés, avec des pointes saisonnières de 10 individus/km2 pendant les périodes de migration. La biomasse de l'éléphant représente 50 à 75% de la biomasse mammalienne. Nous avons donc ici un bon indicateur de l'impact de ce grand herbivore sur les milieux naturels gabonais et qui ne va pas sans poser des problèmes de compétition avec l'homme (destruction des plantations).

Notons également que le Gabon est le seul pays africain où les gorilles des plaines de l'ouest, qui compte 35000 individus, se rencontrent encore sur les plages de l'Océan Atlantique. Le chimpanzé est représenté par 64000 individus. Fait très rare pour être très rapporté, un singe endémique, le cercopithèque à queue de soleil a été décrit récemment dans la forêt des Abeilles, au centre du pays. Les espèces emblématiques en voie de disparition en Afrique sont représentées par la tortue luth, dont le Gabon est une importante zone de reproduction. En effet, ce reptile est présent tout le long des plages de la côte atlantique. Nous avons également le lamantin aquatique (considéré comme disparu en Centrafrique, mais largement réparti dans les lagunes et les fleuves côtiers) et la baleine, plus rare. Bien qu'il pénètre plus profondément à l'intérieur des terres, l'hippopotame (autre espèce intégralement protégée comme le lamantin, la tortue luth, le gorille, le chimpanzé...) suit approximativement la même répartition. Deux espèces seulement sont actuellement considérées comme disparues. Il s'agit du lion et du lycaon qui abondaient autrefois dans les savanes du sud-est.

Ainsi qu'il a été noté à propos de la flore, des disparités régionales existent dans la distribution de la faune gabonaise. Bien qu'elle abrite encore tout ce que la faune gabonaise compte d'espèces charismatiques (gorille des plaines, tortue luth, hippopotame ou éléphant de forêt), ainsi que des mammifères de grande taille tels que le buffle de forêt, le situtunga et le guib harnaché, la zone littorale, pourtant représentée par une mosaïque d'habitats très contrastés et d'écotones, est celle qui présente la plus faible diversité zoologique, comparée à la zone des massifs montagneux et des plateaux continentaux. Bien que menacées par les pressions anthropiques qui distinguent le Gabon faunique du reste du territoire, la présence de toutes ces espèces sur les plages du Gabon constitue un patrimoine touristique inestimable.

En sommes, les forêts d'Afrique centrale sont occupées essentiellement par le massif forestier du Bassin du Congo. Ce Bassin renferme la plus vaste étendue de forêts tropicales en Afrique et la deuxième dans le monde. Ces forêts denses tropicales regorgent d'innombrables essences végétales et animales dont la biodiversité constitue une richesse inestimable. Dans cette immense Bassin du Congo, le Gabon, qui représente 10,29% de superficie, a une importante diversité biologique. C'est elle qui constitue l'essentiel du travail abattu dans le chapitre ci-dessus. Il nous fallait justifier sa diversification et son abondance de par le paysage et le climat dans lesquels ces richesses se trouvent, en excluant d'abord l'homme. L'étude suivante va s'atteler à étudier les interactions entre l'homme et son milieu par rapport à des usages plus ou moins précis.

Chapitre II : Les usages humains de l'écosystème

A peu d'exceptions près, les peuples du Gabon vivent sous le couvert des arbres, cernés par la forêt. L'ouverture sur les savanes n'exerce que des effets marginaux, sensible surtout dans certaines régions du pays (Haut- Ogooué). En ces rares espaces de contact, l'identité des groupes se conforme à leur environnement végétal. Il y a ainsi les habitants de la savane claire et ceux de la forêt obscure et l'on perd son identité et son âme en franchissant la limite. Le couple clair/obscur, fréquent dans les traditions de la région résume l'opposition écologique majeure sur les marges de la forêt. L'obscur ne désigne pas seulement le manque de luminosité, mais renvoie à des psychèmes sédimentés dans la mémoire collective sur les marges incertaines du conscient et de l'inconscient. La forêt, c'est de la représentation pour ces peuples et leur adaptation est fonction d'elle. Dans ses recherches sur les rites et croyances des peuples du Gabon, Raponda Walker, cité par Pourtier, n'oublie pas de mentionner l'impact de la forêt dont la profondeur facilite le séjour des esprits en même temps que l'impression de leurs demeures. La forêt exerce des effets multiformes sur la perception, les mouvements du corps, les représentations, et, au-delà, les comportements psychologiques et sociaux. Tout ceci s'explique et se comprend à partir des usages que ces peuples là font de cette forêt.

Parler d'usage ici, c'est évoquer le rapport direct que ces peuples entretiennent avec leur forêt. Prenons le cas des objets qui se situent à la jonction entre le milieu qui en fournit la matière et la société qui en prescrit l'usage. La médiation qu'ils établissent est d'autant plus directe que la société est peu distanciée de la nature, façonnée en étroite symbiose avec le milieu. La lecture de leur réalité instrumentale et de leur finalité introduit dans le système de relation qui unit les groupes sociaux à leur environnement. Il est nécessaire d'analyser d'un peu plus près les systèmes de représentation que les individus et les groupes, membres d'une société déterminée, se font de leur environnement, puisque c'est à partir de ces représentations qu'ils agissent sur cet environnement à partir des activités spécifiques. Elles peuvent être de l'ordre alimentaire, rituel, thérapeutique, économique. Nous n'avons pas la prétention d'expliquer ici ce que nous ferrons plus bas, mais plus tôt vous présenter brièvement la question que nous allons traiter dans les lignes qui suivront celles-ci. Et le premier souci de l'homme a toujours été celui de s'alimenter afin d'entretenir l'équilibre morphologique.

2 - 1 l'usage alimentaire

La particularité des cultures alimentaires gabonaises est qu'elles intègrent un grand nombre de familles botaniques et zoologiques. Nous savons d'abord que les plantes alimentaires qui sont essentiellement les phanérogames mais avec, au Gabon, une importance inhabituelle des cryptogames. Ces derniers sont assez communs dans l'alimentation gabonaise, contrairement à ce qu'on constate dans les cultures occidentales. Ils sont représentés par les champignons et beaucoup de fougères comestibles. Les phanérogames, comme partout, représentent la plus grande partie des plantes alimentaires. On y trouve l'aliment de base. Mais contrairement à la majorité des habitudes alimentaires connues dans le monde, les céréales ne représentent pas les aliments de base. Ceux-ci sont diversifiés à savoir : la tubercule de manioc (la plus commune), puis vient le taro suivi de la patate douce et les innombrables variétés d'ignames. Le manioc se consomme sous plusieurs variétés. Ces variétés regorgent « mbong » (le manioc en bâton), « apouma mbong » (les tubercules préparés), « ameng mbong » (variété de manioc que l'on fume après rouissage), « ngue mbong » (tubercule préparé que l'on consomme après rouissage). Même les feuilles de ce manioc sont à consommation variables. Elles peuvent être associées aux noix de palm (la plus consommée au nord du Gabon), à la patte d'arachide ou à l'huile tout simplement. Comme féculents très présents, on trouve aussi la banane plantain. L'autre caractéristique des plantes alimentaires gabonaises est d'avoir plus partie comestible et souvent des utilisations non alimentaires.

Nous avons enfin les animaux. Lorsque l'on observe l'utilisation de la faune à l'échelle de la sous- région, nous constatons que tous se mangent. Mais les animaux font l'objet de beaucoup d'interdits que les plantes. Ils sont utilisés en pharmacopée et dans les rituels. Chaque groupe, chaque clan, chaque famille ou chaque individu a ses interdits alimentaires spécifiques qui protègent une espèce particulière. De la façon dont on constate que tout se mange, on peut aussi remarquer que chaque espèce animale est protégée quelque part. Les poissons ostéichtyens et les mammifères sont les sources protéiques qui prédominent dans les cultures alimentaires gabonaise, comme dans la plupart des cultures du monde, avec tout de même des caractéristiques propres à la sous- région. La conséquence de cette diversité dans les produits alimentaires est que la pression de l'action de l'homme est étalée sur plusieurs espèces. Ce qui la rend moins aiguë et permet de considérer un équilibre numérique. Il faut aussi rappeler que la production des ces aliments provient des activités cycliques telles que la pêche, la chasse, la cueillette, l'agriculture. En dehors de l'alimentation, beaucoup parmi ces plantes comestibles servent de matériaux, d'ustensiles et de médicaments dans les rituels.

2 - 2 L'usage rituel

Les variétés animales interviennent de beaucoup dans la composition des « fétiches » ainsi que dans les rites liés à un événement social spécifique. Divers « fétiches » apparaissent sous la forme de sous- produits (peaux, plumes, dents, griffes, cornes et poils) associés ou non à des plantes, racines ou écorces d'arbres et statuette. Ainsi, musingi en Pové par exemple désigne un type de « fétiches » exploité dans les technologies agricoles, de chasse ou de piégeage dans le but de réussir une récolte ou une partie de chasse. Selon les usages, ce « fétiche » aurait la faculté de rentabiliser la production agricole en prélevant les produits viviers dans les champs des voisins pour les reproduire dans le champ de celui qui le détient et l'exploite. Il aurait aussi la faculté d'attirer le gibier vers le chasseur.

Si les plantes de la forêt gabonaises constituent un élément indispensable à la vie du sylvatique, elles sont aussi les accessoires indispensables des rites. Depuis les costumes rituels, pour les danses et autres cérémonies, jusqu'aux boites à byeri destinées à contenir les crânes et tibias des grands ancêtres, en passant par des breuvages d'initiation, certains fards rituels, les instruments de musique, statuettes rituelles, sans parler évidemment, des temples, tout n'est que bois, fibres, écorces, racines, feuilles, poudres végétales et sucs divers. Il faut remarquer que les peuples du Gabon ne peuvent pas concevoir leur monde ou leur existence sans intégrer la nature. Elle est incorporée en eux. Donc parler de rites ou de rituels, c'est inévitablement parlé de symbolisme. Ces rituels peuvent être religieux ou sociaux. Et ce sont les éléments de cette nature ou de la forêt qui symboliseront la manifestation collective et consciente ou inconsciente. Dans les cérémonies de mariage ou funèbres, il est facile de constater la présence, même de nos jours, des branches de palmiers afin d'indiquer le lieu de la cérémonie. Aussi, chez les fang à l'arrivée d'un invité, la bienvenue est souvent symbolisée par la présentation de la cola à l'invité ou par l'égorgement d'un coq. Le tronc du bananier coupé sert dans les rituels de bénédiction et autres cérémonies. Nous pouvons effectivement multiplier des exemples qui démontrent la nécessité de la forêt ou de la nature dans les représentations des peuples du Gabon. La vie de ces peuples n'est que rites et rituels, en d'autres termes que symbolisme et représentations. Des rites qui concourent soit à la construction de l'homme spirituel soit à sa guérison somatique.

2 - 3 L'usage thérapeutique

Les populations gabonaises utilisent les propriétés médicinales de certaines substances animales pour recourir à la santé ou retrouver l'équilibre biologique. Plusieurs d'entre elles sont connues comme de véritables médicaments. Par exemple, les Pové utilisent régulièrement le porc- épic (atherurus africana), la gazelle (céphalophe bleu), l'écureuil à pattes rouges pour traiter les cas de sorcellerie. Ces espèces servent aussi au traitement des maladies féminines notamment les douleurs aux trompes. Notons enfin que le système thérapeutique pové, comme dans les autres ethnocultures du Gabon, associe à la fois les éléments de la faune, de la flore et l'homme : animaux, feuilles, poudres des racines et écorces, lianes, parole, le geste, le temps, l'espace. Les graines de manioc sont utilisées pour soigner les affections de la peau. Les feuilles de manioc calment les contractions utérines qui suivent l'accouchement. L'ensemble de ces éléments concourt à la quête de la guérison qui ne vise pas uniquement à soustraire les symptômes de la maladie mais aussi à réintégrer le malade dans son environnement social.

Pour comprendre cet aspect de la vie de ces peuples, il convient d'abord de comprendre leur représentation de la maladie. Notons d'abord que le corps de l'individu humain a toujours été considéré comme signifiant autre chose que l'organisme physiologique animal auquel peut le réduire la science actuelle. Le corps est solidaire de l'environnement physique mais aussi social. Le Gabonais ne réalise sa personne que dans un cadre naturel ou environnemental donné. Corrélativement, le malheur, la malchance, la maladie concernent, à partir d'un certain degré de gravité, encore plus que l'individu, tout l'ensemble de son groupe. Donc, maladie, peu importe sa nature, peut provenir du déséquilibre de l'environnement social. Le traitement de la maladie sera donc fait par un spécialiste dans la pharmacopée, dans la divination, dans l'interprétation et la manipulation, le thérapeute ou médecin traditionnel qui unit dans sa thérapie toutes ces compétences. La cure traditionnelle, par exemple, est formée d'un ensemble d'actions d'ordre différents, symbolique et réel, où techniques pharmacologiques, religieuses, divinatoires, verbales, graphiques s'entremêlent de telle façon que l'on ne peut pas comprendre le sens et le poids de l'une si l'on ne connaît pas celui de chacune des autres et l'enchaînement existant entre elles. Notre objectif n'est pas de détailler le champ médicale ou thérapeutique, mais montrer l'importance capitale que requiert la faune et la flore dans l'équilibre de l'humain. A tous les niveaux de la vie sociale, elles participent du maintien de l'individu dans la société afin que celui-ci vive du fruit de son travail symbolisant ici les activités économiques.

2 - 4 L'usage économique

L'élaboration de l'espace procède de l'exploitation de la nature, c'est-à-dire tout d'abord, de l'acquisition des subsistances. C'est d'abord autour de la nourriture qu'appartiennent les premières formes d'organisation spatiale et que se nouent les premiers rapports sociaux. Pour en comprendre les processus, il convient de prendre en compte la totalité des actes à finalités alimentaires, qu'il s'agisse de prélèvements sur l'écosystème ou d'agriculture. Celle-ci ne représente en effet qu'un volet d'un système de production des vivres dans lequel la chasse, la cueillette et la pêche sont nécessaires à l'équilibre alimentaire.

L'économie villageoise actuelle, par suite d'un relâchement de la symbiose avec la forêt, ne donne qu'une image affaiblie de la part qui revenait autrefois à la production extra- agricole. Toutefois, les permanences sont encore nombreuses et les souvenirs assez proches pour qu'on puisse reconstituer un tableau significatif. L'usage économique ou l'activité économique repose essentiellement sur les principales activités que sont la chasse, la pêche, la cueillette qui sont basées sur le prélèvement et l'agriculture. La chasse a une importance qui tient au fait que le gibier représente l'essentiel de l'apport protéidique dans un régime alimentaire basé sur l'hydrate de carbone, pauvre en protéines végétales. L'élevage n'est pas le fort de ces peuples pour des raisons typiquement géographiques. L'essentiel de leur élevage comprend les poules et cabris qui servent aux besoins cérémoniels. C'est une activité essentiellement masculine, avec des moyens rudimentaires.

La pêche, quant à elle, est pratiquée par les deux sexes. La pêche féminine, dans sa manifestation sociale la plus riche, se déroule dans un cadre collectif. La technique la plus courante consiste à barrer un fond de marigot à l'aide de la terre ou des claies végétales, puis à en vider l'eau avec des paniers ou des seaux jusqu'à ce que les poissons puissent être capturés à la main. A côté de cette activité conviviale, la pêche individuelle à laquelle s'adonnent hommes et femmes, est partout pratiquée pour peu qu'on réside près d'une rivière. Elle fait appel à un arsenal technique à la fois simple et divers, différents types de nasses et pièges à vannerie, filet, barrages, empoisonnement de cours d'eau à l'aide de nombreuses plantes ichtyotoxiques. L'outillage est confectionné avec le matériel végétal que fournit l'environnement, rotins, lianes, frondes de fougères, fibres d'ananas ou de coton sauvage.

La cueillette complète la gamme des activités de prélèvement. Fruits, racines, feuilles, écorces, sèves de dizaines voire centaines sont susceptibles d'être utilisés sous réserve d'en connaître l'usage et les vertus. Les plus recherchés sont destinés à la boisson, et à la confection des sauces. Parmi eux citons le manguier sauvage dont les amandes servent à préparer le très populaire chocolat indigène. Ou encore le fruit de l'arbre à beurre, le fameux « adzap » des Fang dont on extrait des amandes une matière grasse culinaire. Mais l'arbre roi est sans conteste le palmier à huile, inégalement disséminé dans la forêt mais généralement présent près des lieux habités. Ces produits de cueillette, les plus importants par la généralisation de leur usage et le commerce auquel ils donnent lieu, ne constituent qu'un petit échantillon de ce que fournit la forêt.

Le milieu rural au Gabon, a encore peu évolué et les méthodes de culture ont gardé leur caractère traditionnel et familial. Les femmes y ont une part prépondérante, les hommes s'occupent rien que du défrichage du sol. Cette agriculture est liée au brûlis, pratiquée aux dépens de la forêt et à l'emploi de la jachère à longue révolution. Au cours de la saison sèche, les hommes coupent les arbres, débroussaillent et allument les feux. Sur le terrain, enrichi des cendres et préparé hâtivement, les femmes plantent l'igname, le manioc et les végétaux qui leurs sont associés. Au nord du Gabon, il est facile de remarquer la présence de deux types de champs, l' « esep » ou champ d'hivernage et l' « oyon » ou champ de saison sèche. La culture de l'arachide est prépondérante dans ces types de champs. C'est à partir de cette culture et bien sur du manioc que les parents préparent les rentrées scolaires de leurs enfants de nos jours. En dehors de ces champs, chaque famille a son jardin derrière la case, et celui-ci est consacré à la bananeraie, à la culture de certains condiments... Le développement des plantations a beaucoup modifié le comportement de la population rurale nord- gabonaise, en fixant l'habitat et en changeant le régime foncier. Le sol cultivé devient de plus en plus objet de droits précis et officialisés.

En définitive, ces activités nous permettent de montrer que la perception sociale d'un environnement n'est pas faite seulement des représentations plus ou moins exactes des contraintes de fonctionnement des systèmes techno- économiques, mais également de jugement de valeur et de croyances fantasmatiques. Un environnement a toujours des dimensions imaginaires. Il est le lieu d'existence des morts, la demeure de puissance surnaturelles bienveillantes ou malveillantes censées contrôler les conditions de reproduction de la nature et de la société. Ne soyons pas de ce fait surpris de constater ces reproductions sociales dans nos centres urbains manifestées par des phénomènes tels que la commercialisation du gibier. La partie ci-dessous nous présente la manifestation progressive de ce fait culturel.

Chapitre I : Chasseurs et bayames

1 - 1 Chasseurs

Récit 1

Entretien en français12(*) réalisé avec Ondo Edou Théophile sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Je faisais la chasse et j'en fais toujours. Mais pour le moment je suis en vacances. Je m'occupe d'autres choses maintenant. Je n'avais pas de travail, j'ai donc décidé de pratiquer la chasse. J'avais un besoin d'argent afin de subvenir aux besoins. Avant je travaillais à l'entreprise Colas. J'ai aussi travaillé à Brossette. C'est après le licenciement que je me suis orienté vers la forêt pour me procurer de l'argent. Je creusais aussi l'or durant le temps que j'ai passé dans ce campement de chasse. J'étais un coupeur libre, c'est-à-dire que je travaillais pour moi. Mais je reversais quelque chose à l'Etat. C'est une activité qui me rapportait de l'argent. L'activité a pris fin parce que l'or est finit à cet endroit.

2 - Je faisais des pièges, je chassais aussi au fusil. Je faisais toujours la chasse du jour. Les animaux féroces me faisaient peur. Ils n'aiment pas la torche. C'est le cas par exemple de l'éléphant qui n'aime pas qu'on lui fixe la torche. La chasse de nuit est plus bénéfique que celle du jour. La nuit, on tue beaucoup plus par rapport au jour. Les animaux se baladent plus la nuit que le jour. Il n'y a peut-être que les singes que l'on peut avoir le jour. En général, les animaux qui marchent en groupe sont possibles d'être chassés le jour. La chasse du jour me rapporte trois ou quatre gibiers. La nuit, pour un autre chasseur, c'est plus que ça. Les pièges profitent plus par rapport au fusil. Un chasseur peut avoir plus de 150 pièges. La variation est donc possible dans la chasse. On peut avoir un chasseur ayant un fusil, pratiquant la chasse du jour, qu'il associe aux pièges ; un chasseur ayant un fusil, pratiquant la chasse de nuit, qu'il associe aux pièges ; un chasseur ayant juste les pièges ; un chasseur ayant un fusil et chassant le jour comme la nuit.

3 - Je chassais et tuais les animaux de genres et d'espèces confondus.

4 - Les clients provenaient de Libreville pour nous retrouver en brousse. J'étais à Edénya (après Oyan-gare vers Bangos). L'achat était exercé par les femmes. Ce sont elles qui viennent vendre à celles qui vendent dans les marchés et restaurants. Mes clients venaient deux fois par semaine. Elles laissent des congélateurs et des glaçons. Il m'arrivait d'avoir des recettes de 60000 francs. Mais quand on a tué le gros gibier, on sérieusement de l'argent. Et le prix dépend de la grandeur du gibier.

5 - Je travaillais pour moi-même. Mais d'autres chasseurs l'étaient aux comptes des particuliers.

6 - Je réalisais de projets avec cet argent. Si ne pratiquais pas la chasse je n'aurais rien fais dans la vie.

7 - De fois je ne tue rien. On comprendra que ça ne paye pas tout le temps. Et contrairement, quand la chasse a payé, c'est le transport qui pose problème. Soulignons aussi l'effet de la sècheresse. En effet, en cette période là, les animaux sont rares. Ils se dirigent vers d'autres endroits humides. Le chasseur n'a pas de porteur. Il se contente lui-même de transporter le gibier chassé.

8 - Les chasseurs savent que la vente de gibier est interdite au Gabon. Ils savent cela à travers les saisies que les agents des Eaux et Forêts opèrent souvent. Ces derniers arrivent brusquement soit en cassant les portes soit au retour de la chasse. Les femmes qui venaient acheter le gibier nous amenaient en retour le manioc, le sucre, les dindons, bref tout ce qu'on n'avait pas et qu'on retrouvait en ville. On ne savait pas pourquoi on interdisait la vente. Les agents nous disaient seulement de ne pas trop chasser sinon les animaux disparaîtront.

9 - On disait aux agents que l'on ne peut pas laisser la chasse. Nous vivons de chasse. Nous ne pouvons pas venir croiser les bras à Libreville sans rien faire et en attendant que l'Etat nous donne quelque chose pour acheter de quoi manger.

10 - Quand le gibier se fait rare à un endroit, on change de campement de chasse. Les animaux fuient le bruit. Les chasseurs créent eux-mêmes les campements. J'ai habité un campement forestier. Mais les forestiers n'aiment pas la présence des chasseurs.

COMMENTAIRE

Ondo Edou Théophile est un gabonais âgé de 59 ans, originaire du Woleu- Ntem, fang, célibataire avec deux enfants, chômeur. Il habite le quartier Mont Bouet et est chasseur. Mais pour le moment il est en vacances. Il fréquenta la forêt pendant huit années. L'informateur a chassé les animaux de toutes sortes. Ces animaux étaient chassés soit aux pièges soit au fusil. Il chassait toujours le jour non pas la nuit. Il avait peur des animaux féroces qui détestaient la torche. Selon lui, on peut avoir plusieurs types de chasseurs. Il y a des chasseurs qui associent le fusil aux pièges, préférant chasser le jour. D'autres ont les mêmes techniques mais chassant la nuit. Il y a une catégorie qui n'a que les pièges et une autre chassant nuit et jour ayant aussi les pièges. Ondo Edou travaillait pour lui et avait des clients femmes qui provenaient de Libreville. Il nous dira au passage que certains chasseurs sont la propriété de certaines personnes. Selon lui, les chasseurs ne sont pas suffisamment informés. Ils savent, par le biais des missions des agents des Eaux et Forêts, que la vente du gibier est interdite au Gabon pour cause de disparition des espèces, leur dit-on. Signalons enfin que ce monsieur a travaillé à Brossette et à Colas mais a été licencié. A par la chasse, il cherchait aussi l'or, et pense qu'on ne devrait pas interdire la chasse car beaucoup vive de ça.

Récit 2

Entretien en français13(*) réalisé avec Ondo Ndong Ferdinand sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Pour le moment je suis charcutier. Le charcutier est le fabriquant de jambon, saucisson, saucisse. Mais bien avant cela, j'ai travaillé dans un chantier forestier. Dans ce chantier, j'ai constaté que le travail de bille était moins rentable que la chasse que je pratiquais aussi. A la fermeture du chantier, je me suis focalisé sur la chasse. Le chantier se trouvait à Medouneu précisément à Assok. La fermeture du chantier m'a poussé à pratiquer la chasse. Je ne pouvais plus subvenir à mes besoins.

2 - J'utilisais beaucoup plus le piège. J'ai aussi utilisé le fusil, seulement quand je fais la chasse de nuit. Je peux entraîner le fusil la journée quand je vais regarder mes pièges. J'avais environ 60 pièges. La forêt était giboyeuse. Et avoir plus de 100 pièges, cela nous amenait un problème de transport. Quand je chasse, je ne peux faire la distinction entre le sexe, savoir si l'animal est enceinte. Je tire et le constat est fait après. La chasse de nuit est moins pénible que celle du jour.

3 - Je tuais beaucoup plus les antilopes, porc épics, gazelles, sangliers. Ces espèces sont les plus nombreuses dans la forêt. Leur reproduction est très rapide. Elles peuvent reproduire deux fois par an.

4 - Je vendais mon gibier auprès des commerçantes. Elles revenaient de Libreville et de la ville de Medouneu. Elles venaient deux fois par semaine. La semaine, je pouvais avoir entre 150000 et 300000 francs. Je visitais les pièges en l'espace de deux jours. Et le gibier était conservé dans les caisses contenant des glaçons. Le chantier n'était pas électrifié.

5 - Je travaillais pour moi-même. Et je transportais personnellement la marchandise. Mais quand la chasse a payé, j'étais aidé par d'autres chasseurs.

6 - Je nourrissais mes enfants, payais leur scolarité et j'ai également construis une maison avec cet argent.

7 - La difficulté première que je peux citer est celle de la coupure ou de la cassure du pont qui nous reliait de l'extérieur. Le pont, une fois cassé, va nous empêcher d'être en contact avec les clients. Cela a pour conséquences la dégradation du gibier, privation des vivres. Aussi, quand la saison bat le plein, les animaux se font rares. Avec ça on peut passer tout le temps sans tuer.

8 - Je savais que la vente de gibier était interdite au Gabon. Mais notre survie en dépendait. Les gendarmes venaient souvent dans des campements, s'ils vous trouvent en possession de viande de brousse, ils saisissent ou brûlent carrément le campement.

9 - L'Etat doit se contenter de protéger les réserves. Il doit laisser l'autre partie qui est non protégée pour la chasse. Toutes les actions que l'on mène contribuent à la satisfaction des besoins de tous. L'Etat ne doit pas seulement voir les entrées financières.

10 - Quand les animaux se font rares, nous quittons le campement. Nous pouvons habiter le campement durant 2 ans. Et quand il n'y a plus de viande nous changeons et allons à plus de 5 km de celui dans lequel nous étions. Nous pouvons revenir dans ce campement après 6 ans. Le chasseur est un nomade. Le déplacement des populations animales cause celui des chasseurs. L'animal se déplace quand il sent le bruit et la présence humaine.

COMMENTAIRE

Ondo Ndong Ferdinand est un gabonais âgé de 59 ans, originaire du Woleu- Ntem, fang, marié avec enfants. Il est charcutier et habite Mont Bouet. C'est un chasseur qui a décidé de s'occuper de la charcuterie en ce moment. Il a pratiqué la chasse durant 4 ans. Dans la pratique de la chasse, il a utilisé le piège et le fusil. Ses recettes variaient et la clientèle était programmée deux fois par semaine. Il était à son propre compte afin de subvenir à ses propres besoins. La dégradation du pont, de la viande, la sècheresse causant la rareté du gibier sont là les différentes difficultés qu'il a rencontré durant l'exercice de son métier. Il est conscient de l'interdit mais la survie passe avant tout. Quand le gibier est rare à un endroit, il change de lieu de chasse.

1 - 2 Bayames

Récit 3

Entretien en français14(*) réalisé avec Mengue Clémentine sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Je suis une revendeuse de gibier. Je ne fais rien d'autre que cela. C'est pour subvenir à mes besoins que je le fais. C'est pour survivre. Je ne faisais rien d'autre voilà pourquoi je me suis lancée dans ce métier.

2 - Je quitte chez moi à 6h, je viens au marché pour attendre les livreurs, ou de fois je vais à la gare d'Owendo.

3 - J'entretiens mes petits fils et filles en payant leur scolarité, sans oublier les autres charges.

4 - La principale difficulté que je peux souligner ici est celle des agents des Eaux et Forêts qui me saisissent souvent la viande. Cela me fais toujours mal de voir le gibier que j'ai acheté afin de subvenir à mes besoins partir de cette façon.

5 - Je vends généralement l'antilope, la gazelle, le porc épic, le singe. Et les clients achètent beaucoup plus la gazelle, le porc épic.

6 - Les clients sont fonction des périodes. Quand la période est bonne, je peux avoir vingt clients le jour.

7 - Je sais que la vente de gibier est prohibée au Gabon par le canal d'autres personnes. Ce texte, nous ne l'avons jamais vu. C'est plutôt moi qui demande pourquoi on interdit la vente du gibier. Nous n'avons pas grandi avec la viande importée. Nos parents nous ont élevé avec la viande de brousse.

8 - Le Gabon a des forêts. Ce sont ces forêts qui regorgent des animaux et ces animaux nous permettent de vivre. L'Etat doit nous faire des agréments comme il en a fait aux autres. Je sais que l'Etat ne peut pas m'aider donc je trouve mieux de continuer à vendre.

COMMENTAIRE

Mengue Clémentine est une gabonaise ayant une cinquantaine d'années, originaire du Woleu-Ntem, fang, du clan essaben, mariée avec enfants ; Elle habite Sotéga et est revendeuse au marché de Mont Bouet. Elle exerce cette activité dans le but de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Très tôt le matin, elle vient attendre les livreurs ou bien elle se dirige à la gare d'Owendo pour s'en procurer. Elle vend l'antilope, la gazelle, le porc épic, le singe car ils sont les plus consommés. Mengue Clémentine sait que la commercialisation est interdite au Gabon. Elle déplore même les missions des agents des Eaux et Forêts qui lui saisissent souvent le gibier. Clémentine pense que l'Etat ne devrait pas interdire la vente du gibier puisque ce dernier ne leur proposera rien d'autre. Tout en sachant que la vente est prohibée au Gabon, l'informatrice ignore la raison de cette prohibition. Etant donné qu'elle ne fait rien d'autre, elle ne ferra que le commerce du gibier au marché.

Récit 4

Entretien en français15(*) réalisé avec Chantal Bilogho sur la commercialisation du gibier au Gabon.

1 - Je suis commerçante.

2 - Je le fais parce que je n'ai pas de travail. Cela me permet de faire vivre la famille.

3 - J'ai des livreurs au niveau de la gare. Elles viennent de Makokou, Boué, Ndjolé, Ayem...

4 - Avant je vendais la tomate mais cela ne marchait pas alors j'ai pris l'initiative de vendre du gibier.

5 - Cet argent nous permet d'abord de payer les taxes municipales, la scolarité de nos enfants, sans oublier le loyer et d'autres problèmes que nous pouvons rencontrer.

6 - Les problèmes sont plusieurs mais le plus récurent est les agents des Eaux et Forêts qui saisissent la marchandise. Le plus énervant dans tout cela c'est qu'ils nourrissent leurs familles avec ses saisies et vendent le reste dans les restaurants.

7 - Nous savons que la vente de gibier est interdite dans tous les pays. Je le sais personnellement. C'est à cause de la disparition des espèces fauniques.

8 - Il serait souhaitable qu'on fasse des agréments, il faut règlementer le phénomène. L'Etat doit tenir compte de notre condition sociale. Interdire totalement ne nous arrangerait. Nos enfants n'iront plus à l'école, plus de quoi manger...

9 - Je vend le porc épic, singe, gazelle, sanglier, antilope. En réalité tout est consommé au même niveau.

10 - Les recettes ici dépendent des périodes du mois. Du 30 au 10 nous avons des clients. La recette varie.

11- Je ne fais rien d'autre.

COMMENTAIRE

Chantal Bilogho est une camerounaise ayant 38 ans, originaire de la province du centre Cameroun, fang, du clan effack, célibataire avec enfants. Elle habite la Sorbonne et est revendeuse ou bayame au marché de Mont Bouet. Elle exerce cette activité dans le but de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Très tôt le matin, elle vient exposer sa marchandise en attendant le premier client. Elle se procure son produit à la gare de trains d'Owendo auprès des livreurs provenant d'horizons divers. Elle vend le porc épic, le singe, la gazelle, le sanglier et l'antilope. Chantal Bilogho a une connaissance suffisante sur la faune et son interdiction au Gabon et dans d'autres pays de la sous- région. Selon elle, la disparition probable de la faune est à l'origine de l'interdiction de la vente du gibier. Mais la condition sociale ne leur permet pas de respecter la législation qui protège la faune. Le principal problème qu'elle rencontre provient des saisies des agents des Eaux et Forêts.

Récit 5

Entretien en français16(*) réalisé avec Evourou Didine sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Je suis commerçante. Je ne fais rien d'autre à par mon bar/restaurant. Dès que j'ai perdu mon mari, j'ai eu des problèmes à élever mes enfants. J'ai donc décidé de faire du commerce. J'étais d'abord à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. Je faisais la cuisine là-bas. Une fois retraité, je me suis lancée dans cette activité.

2 - Je vais au marché d'Oloumi ou de Mont Bouet, de fois les femmes viennent me livrer sur place. Ces femmes proviennent des campements de chasse. Elles payent de munitions et vont remettre aux chasseurs. Je ne sais pas exactement d'où elles viennent. Ce que je sais c'est qu'elles viennent sur la route d'Oyem.

3 - Je paye la scolarité, l'alimentation des enfants et les charges de la famille. Cet argent me sert aussi à payer mes employés. Dans mon bar/restaurant, j'emploie des gabonais particulièrement mes parents. Chacun a une spécialité et le salaire est justement en fonction de la tâche que la personne occupe. J'emploie en tout huit personnes.

4 - Je perds beaucoup. Il y a des moments où je n'ai pas de clients. J'achète le sanglier par exemple pour 120 000 FCFA, s'il n y a pas de clients, la nourriture va se gaspiller. C'est la principale difficulté que j'ai. Mais je ne peux pas laisser car c'est cela qui fait vivre ma famille.

5 - Je vends beaucoup plus le porc épic, la gazelle, le sanglier. Ce sont eux qui passent. La demande des consommateurs s'y trouve. Je prépare en tenant compte de ce que les clients aiment manger.

6 - Le nombre de clients est fonction du nombre de plats. Si une gazelle produit cinq plats, on a cinq personnes qui sont passées. Les plats peuvent nous amener à une recette de 100000 francs le jour, à raison de 4000 francs le plat. Mais tout cela varie.

7 - Je le sais. Mais c'est la seule alimentation que nous avons. Nous avons été élevés à base de la viande de brousse. C'est pour la génération future, je sais. Mais cela ne peut pas faire en sorte que l'on meurt de faim.

8 - La chasse est en nous. Nous sommes habitués à cela. L'interdit sera donc difficile à respecter. Dans nos villages, on pratique la chasse. C'est peut-être les citadins qui respecteront cette loi mais pas les villageois.

COMMENTAIRE

Evourou Didine est une gabonaise âgée de 40 ans, originaire du Haut-Oguoué, téké, veuve avec enfants, retraitée à la CNSS. Elle habite Likouala. Cette veuve est propriétaire d'un bar/restaurant. Avec ses employés, elle cuisine le porc épic, la gazelle, le sanglier. A la mort de son mari, elle a trouvé mieux de subvenir aux besoins de la famille en vendant du gibier. Sa situation de retraitée ne lui facilitait non plus le tâche. Une activité lucrative, mais difficile comme tout métier, qui lui permettait de payer la scolarité, l'alimentation des enfants. Elle aussi, comme toutes les autres, sait que la vente du gibier est prohibée au Gabon. Elle sait qu'interdire nous amène à penser aux générations futures. Mais l'interdit ne doit pas nous empêcher de consommer le gibier. C'est une seconde nature pour nous.

Récit 6

Entretien en français17(*) réalisé avec Marie Gibier sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Je fais le restaurant depuis 35 ans, mais 20 avec le gibier. Ce travail me permet de gagner ma vie. En faisant du gibier, je gagne facilement ma vie. Avant je ne faisais rien d'autre. J'ai commencé avec le restaurant. Et c'est la seule activité que j'ai actuellement.

2 - Je prends ma viande au marché. Je n'ai pas de livreur. Les femmes du marchés sont mes abonnées.

3 - Les enfants à l'école avec cet argent, mes besoins en dépendent. Je fais des travaux avec cet argent. Je loue le local et je travail avec ma fille qui se démerde avec ce travail pour assurer, elle aussi, la scolarité de ses enfants. Son mari l'a abandonné.

4 - Le principal problème est le capital. Je n'ai pas de capital. Je prends la viande en bon.

5 - Je vends plus le porc épic, le sanglier, le singe, la gazelle. Ces animaux sont aussi les plus consommés.

6 - La clientèle est périodique. Elle est fonction du mois. Il est de ce fait difficile de déterminer la recette que l'on a par jour.

7 - Non. La viande qui est en brousse est à la disposition de tous. Dieu a mis la viande en brousse pour que l'homme en mange.

8 - L'Etat n'a pas le droit de nous interdire la vente du gibier. C'est elle qui nous permet d'envoyer nos enfants à l'école afin qu'ils deviennent des personnes demain. Si l'Etat interdit la vent du gibier nous allons croiser les bras et là notre avenir en dépend. Je peux laisser sauf si j'ai une activité autre que la vente du gibier. L'Etat doit nous trouver du travail.

9 - Ce travail n'a pas de difficultés en tant que telles. Il ne demande pas d'investissement conséquent.

10 - Oui. Je paye les timbres de 1000F à la mairie. Avant, je payais la patente. Depuis un an, je n'en paye plus. J'ai décidé de payer les taxes journalières à la mairie. Il y avaient plusieurs contrôleurs. C'est à partir de la décision présidentielle que nous sommes revenus à la taxe journalière.

COMMENTAIRE

Mare gibier est une camerounaise âgée de 55 ans. Elle est originaire de la province de l'ouest Cameroun. Bamiléké, elle est mariée avec quatre enfants et six petits- fils. Elle réside à l'avenue de Cointet où elle gère son restaurant de spécialités africaines notamment la viande de brousse. Son appellation proviendrait même de cette activité. Ce restaurant est sa principale activité et condamne même la politique d'interdire la vente de la viande de brousse. Selon elle, les animaux résident en forêt et sont une création divine. L'Etat ne doit pas interdire ce bien naturel réservé à tous. Dans ce restaurant, elle reçoit des clients périodiquement qui consomment le porc épic, le sanglier, le singe, la gazelle. Et elle se la procure au marché de Mont Bouet. C'est une activité qu'elle exerce sans capital fixe et paye des taxes journalières municipales. Elle ne peut laisser cette activité que sauf si elle a une autre. La lui interdire entraînera d'énormes conséquences pour elle et sa famille.

Chapitre II : Consommateurs et administrateurs

2 - 1 Consommateurs

Récit 7

Entretien en français18(*) réalisé avec Idiata Jocelyn sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Oui. Je la consomme quand les parents l'achète au marché pour les repas familiaux Je peux la consommer aussi quand nous même nous la ramenions de la brousse. Ce dernier cas se présente souvent au village.

2 - Je consomme le plus souvent la gazelle, l'antilope, le porc épic, quelque part, il m'arrive de consommer du gros gibier. Ces animaux abondent dans les marchés et voilà pourquoi c'est eux que je consomme le plus. En ville, je consomme de manière occasionnelle la viande de brousse. Je peux estimer la consommation de la viande de brousse par mois. Mais au village, j'en consomme chaque semaine. En ville la consommation est différente de celle du village. C'est l'argent qui dicte, par contre au village on peut chasser tout le temps.

3 - L'ETat a le droit d'interdire la vente de gibier. Quand le gibier abonde dans les marchés cela signifie que plusieurs personnes font la chasse de manière abusive. D'autre part, l'Etat ne devrait pas interdire la vente. Cette vente permet à ceux qui ne connaissent pas les mécanismes de chasse d'en manger. Tous les citadins ne connaissent les mécanismes de chasse. L'Etat devrait plutôt limiter la quantité du gibier sur le marché. Le chasseur chasse d'abord pour ses besoins propres ensuite pour les besoins des citadins ou des consommateurs. Ils veulent tirer profit de leur chasse afin de subvenir à leurs besoins.

4 - Il faut rentrer dans les faits sociaux, savoir pourquoi les gens pratiquent une chasse abusive, vendent du gibier. Il faut savoir la catégorie de personnes qui pratique ce phénomène. il faut mener une étude sérieuse qui fera ressortir la solution. Il faut préciser le quota de viande de brousse dans les marchés, ceci selon les espèces. C'est le chômage qui pousse les populations à pratiquer la chasse. Auparavant, il n'y avait pas trop de chasseurs. Il y a aussi d'autres personnes qui emploient des chasseurs afin de profiter de la faune. La concentration des industries à Libreville est l'un des facteurs de ce phénomène. Toutes les industries sont à la capitale. La chasse, elle, se pratique à la périphérie, dans les coins retirés du Gabon. Si le contraire se présenterait cela ralentirait la vente. Cela occuperait les populations concernées par le phénomène. Le temps et la capacité de chasse du chasseur seront réduits. Il ne chassera plus comme il le faisait auparavant. Si l'entreprise l'occupe pendant 5 ou 6 jours dans la semaine, il n'aura que le sixième ou le septième jour pour chasser. D'aucuns chassent sept jours sur sept (les employés bien sur), d'autres ont la notion du dimanche en tête.

5 - Je vais d'abord m'appuyer sur le plan des besoins. Tant que l'homme aura toujours un besoin, il y aura toujours quelqu'un pour chasser et pour consommer. Il sera difficile de respecter la loi tant qu'il y a besoin. Les textes ne sont pas connus par tout le monde. Le chasseur chasse en ignorant les textes. Le grand problème se situe au niveau de l'information. Elle n'est pas véhiculée. Le non respect de la réglementation provient des politiques. Ces derniers entretiennent même des groupes de chasseurs travaillant à leur compte. Le non respect de la réglementation par les politiques va même révolter les personnes qui veulent survivre. J'insiste sur l'information. Si les populations ne sont pas au contact de l'information, rien ne sera respecté.

6 - Quand on chasse de manière abusive, la viande devient rare. L'Etat veut préserver l'espèce animale. On constate que la demande de préservation provient de l'extérieur. Elle devrait d'abord commencer sur le plan national. On constate également la disparition de certaines espèces fauniques. Le problème est que le chasseur tire sur ce qu'il voit. Il constate après. Il faut penser à la reproduction. Les animaux se font rares à cause de la surexploitation, de la sélection naturelle. La reproduction n'est pas rapide ou brusque. C'est quelque chose qui nécessite des années.

COMMENTAIRE

Idiata Jocelyn est un jeune gabonais âgé de 19 ans, originaire de la Ngounié, Sango, du clan mululu, célibataire. Cet élève habite sotéga. Le jeune homme consomme de la viande de brousse provenant du marché ou de la brousse, au village quand il va à la chasse avec les autres. Et celle qu'il consomme le plus est celle que l'on retrouve beaucoup plus sur le marché, c'est-à-dire la gazelle, le porc épic, l'antilope et quelque part le gros gibier. Jocelyn pense que l'Etat a le droit d'interdire la vente du gibier pour cause de disparition des espèces fauniques. La chasse abusive serait la cause première de cet interdit. Il reconnais l'origine socioéconomique de la vente de gibier. Et dénonce la concentration des industries dans la seule capitale gabonaise. Donc, l'une des résolutions du problème partira de là. Il ajoutera le déficit d'information qui alimente le non respect de la loi ; Selon lui, la préservation par l'Etat des espèces est accentuée à cause de la disparition des espèces fauniques.

Récit 8

Entretien en français19(*) réalisé avec Akome Zogho Jean sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Oui. J'en consomme obligatoirement. Mes parents m'ont élevé à base de la viande. C'est que je déteste le poisson, autour de nous il n'y avait que la forêt pas de rivière. Si je ne chasse pas personnellement, je l'achète par le canal d'autres personnes. De fois je me la procure au marché. D'autres fois, je vais dans des campements de chasse.

2 - Les animaux les plus consommés sont la gazelle, le porc épic, l'antilope que l'on retrouve facilement. Et voilà pourquoi ils abondent sur les marchés publics. La consommation est fonction des moyens financiers. Je peux en consommer 3 ou 4 fois par mois.

3 - Je sais que la vente de gibier est interdite au Gabon. Et je suis contre cette politique. Nous n'avons pas de structures qui peuvent nous ravitailler en viande de boeuf par exemple. Il y a des endroits où l'on ne trouve pas de rivière. Et ces populations n'auront que la forêt pour s'alimenter. Il n'y a pas de grandes factories européennes qui peuvent nous ravitailler en viande importée. Le peu de viande importée ne suffit pas à alimenter tout le territoire national. En fait, ces structures ne sont pas implantées dans les lieux reculés du Gabon. L'homme gabonais ne vit que de cueillette et de chasse. On ne devrait donc pas nous interdire la viande de brousse. La viande de brousse fait partie de notre culture. Interdire la vente de gibier revient à interdire sa consommation. Ce n'est pas tout le monde qui chasse. La vente est une forme d'échange, c'est-à-dire d'aucuns vendent d'autres achètent.

4 - La chasse était réglementée auparavant. Ce n'est pas tout le temps que l'on doit chasser. Les chasseurs savent le temps de la reproduction, les techniques de chasse. On ne peut pas interdire la chasse. L'élevage n'existe pas. On doit avoir les périodes de chasse et celles qu'on ne doit pas chasser. L'autosuffisance alimentaire étant déficitaire au Gabon, cela va amener les populations à puiser dans la forêt.

5 - La loi n'est pas respectée au Gabon parce que l'Etat n'a pas prévu une activité qui pourrait se substituer à la chasse, à la vente de gibier en général. C'est la principale raison. La viande de brousse est la seule denrée alimentaire qui est adaptée à la culture gabonaise. La loi n'est pas respectée parce que les gens veulent survivre. Les populations n'ont pas d'autres activités qui pourraient les occuper. Donc, il faut occuper les populations. Les chasseurs n'ont rien d'autre à faire à par chasser. Le woleu- ntemois était occupé par le cacao. Une fois le cacao parti, il n'aura plus d'occupation. L'activité qui viendra remplacer le cacao est la chasse. On peut même supprimer la vente de munitions, les populations trouveront toujours un moyen pour chasser et vendre du gibier. C'est leur survie qui est en jeux.

COMMENTAIRE

Akome Zogho Jean est gabonais du Woleu- Ntem, Fang du clan nkodjen, marié. Il est âgé de 50 ans, électricien, habitant le quartier Mont Bouet. Il consomme obligatoirement de la viande de brousse qu'il trouve au marché ou après une partie de chasse. La gazelle, l'antilope, le porc épic sont les animaux qu'il consomme le plus. Et il pense que l'Etat ne devrait pas interdire sa vente. Car le Gabon n'a pas de structures qui pourraient ravitailler la population en viande. Et le peu de viande importée n'est pas suffisante. Elle n'est pas présente dans les coins les plus reculés du pays. Interdire la vente c'est interdire la consommation du gibier. Il faut réglementer la chasse et son commerce. Et si la loi n'est pas respectée c'est parce qu'il n'y a pas d'activité de substitution. Mais interdire pour préserver ne résoudra pas le problème. Avant de penser au futur, combattons d'abord le présent.

2 - 2 ADMINISTRATEURS

Récit 9

Entretien en français20(*) réalisé avec Bivingou Abdon sur la commercialisation du gibier au Gabon.

1 - En tant qu'agent oui. C'est une activité exercée par certains compatriotes.

2 - L'activité ne représente rien d'autre qu'un danger pour la conservation, c'est une menace, dans la mesure où on ne maîtrise pas la régénération. Il y a un problème de pérennité en jeu.

3 - La commercialisation n'est pas autorisée au Gabon. C'est la chasse d'autoconsommation qui est autorisée. Donc la chasse de subsistance. Tout le monde peut chasser au Gabon, grâce à un permis de chasse et de port d'armes. Le problème se trouve au niveau des animaux tués. La quantité requise est inférieure à cinq, trois animaux de la même espèce. Mais cette loi n'est pas applicable à tous les animaux. L'espèce protégée par l'Etat est exempte de cette loi. La chasse des femelles n'est pas autorisée. Il faut tenir compte des périodes de chasse. Il y a une période que les femelles reproduisent. Et il faut chasser le gros gibier. Les chasseurs maîtrisent toutes les techniques de chasse. La reproduction a lieu entre le 15 septembre et le 15 mars. La chasse est fermée à cette période là.

4 - Il n'y a que des polices de chasse. Mais avant cela il y a une sensibilisation. Ces missions de police sont insignifiantes. Leur fréquence est limitée. Les gibiers arrivent tous les jours mais les polices ne sont effectuées qu'une fois par mois. Il y a un problème humain, financier et la volonté politique. Il y a le plus souvent des interventions quand on a saisi. Des gens appellent de tous les côtés, se réclamant propriétaire de telle ou telle marchandise saisie. Les missions sont d'abord insignifiantes pour le seul cas de Libreville, comparée au Gabon tout entier. Les chasseurs sont plus des personnes venant d'autres horizons. La mission de police comprend des agents des Eaux et Forêts, gendarmerie ou police. Les campements de chasse sont le plus souvent à proximité des réserves ou des aires protégées.

5 - Les raisons socioéconomiques sont à l'origine de ce phénomène. Les gens veulent avoir une activité pour se faire de l'argent. L'Etat est quand même en retard. Il devrait plutôt réglementer le phénomène. Il ne fait que l'ignorer alors qu'il est persistant.

6 - Oui. C'est d'abord par souci de conservation que l'on interdit. On conserve pour tout le monde. Le cas de l'éléphant nous prouve que la conservation est nécessaire. Les selles de l'éléphant à l'origine de la naissance de certaines de flore. Donc la conservation de la faune est celle de la flore. Il faut penser aux générations futures. Les réserves sont les zones de concentration de la faune. Ces animaux, à un effectif élevé, peuvent sortir de la réserve pour la périphérie. Et une fois qu'ils sentent la menace, ils reviennent dans la réserve. Les organismes ont constaté la carence à certains endroits de la Terre. Voilà pourquoi ils appuient le Gabon dans son programme de conservation. Les animaux se font rare. Cela peut profiter aux organismes dans une certaine mesure, aussi aux populations par la consommation en protéines. Il y a un inventaire qui a été fait. La population animale est estimée à 270 espèces de mammifères, 330 espèces d'oiseaux. Ce sont là les espèces recensées. D'autres ne le sont pas. L'évaluation de la perte est insignifiante, car les moyens ne nous le permettent pas.

7 - Le code forestier n'a fait que récupérer la loi 1/82. C'est dans le code forestier que l'on retrouve la loi sur la protection de la faune.

8 - L'Etat n'a rien prévu à par l'élevage de petit gibier. Ce projet est dans sa phase expérimentale. Les techniques ne sont pas encore très bien maîtrisées. La faiblesse de ce projet est d'élever une seule espèce. On souhaitait également réorienter ces femmes dans d'autres activités. Mais le projet n'a pas pu voir le jour à cause des financements.

9 - Le phénomène persiste. La politique qu'on mettra en place doit intégrer la préservation, d'une part, la consommation et la pratique de la chasse, d'autre part.

COMMENTAIRE

Bivingou Abdon est gabonais, originaire de la Nyanga, d'ethnie punu, agent des Eaux et Forêts. Pour réaliser cet entretien et recueillir les informations ci-dessus, nous avons été reçu en matinée par cet agent des eau et forêts. Il faudra noter que ce dernier n'a pas répondu à nos attentes au niveau de l'identification. Il souhaitait juste nous livrer l'information que nous voulions. Bivingou connaît le phénomène de la commercialisation du gibier. Pour lui, c'est un danger pour la faune et pour la conservation. Il sait que ce sont les raisons socioéconomiques qui poussent les populations à exercer ce genre d'activité. Selon la réglementation étatique, la chasse de subsistance est autorisée, mais la vente du gibier qui est prohibée. Il dira que les moyens de l'Etat sont limités. Les missions de police que les textes prévoient ont une fréquence trop insignifiante. L'informateur nous a fait part de la loi 1/82 relative à la protection de la faune, loi que l'on retrouve dans le code forestier. Pour lui, l'interdiction a un lien avec la conservation. Il souligna, par la suite, que le projet initié par l'Etat, dans le but de renverser la tendance du braconnage, était l'élevage du petit gibier. Ce projet ne vit pas le jour pour des raisons financières. Pour résoudre de manière durable le phénomène de la commercialisation, cet informateur propose que la politique à mettre en place devrait intégrer la préservation, d'une part, la consommation et la pratique de la chasse d'autre part.

Récit 10

Entretien en français21(*) réalisé avec Ndong Ondo Saint-Yves sur la commercialisation du gibier au Gabon au Gabon

1 - Oui. Je le connais à partir des personnes spécialisées dans la vente du gibier. En dehors des marchés publics, il y a également des restaurants. Il a pris de l'ampleur avec l'évolution des techniques de chasse. La chasse était pour la survie, rationnelle afin de diversifier le régime alimentaire. Les techniques étaient rudimentaires (fosse, filet, feu de brousse etc.).

2 - Pour nous c'est du braconnage. Ce phénomène n'est pas légal au Gabon. La chasse est réglementée dans notre pays. Sa fermeture va du 15 septembre au 15 mars. Le Gabon prône une politique de chasse sélective. Un animal enceinte ne doit pas être chassé. Ce sont les males adultes qui sont recommandés. L'influence de la civilisation est la cause principale de ce phénomène. En d'autres termes, les raisons socioéconomiques. C'est un moyen de gain facile. On a l'arme et les munitions, le tour est joué. Actuellement, on utilise aussi les câbles métalliques. On chasse de jour comme de nuit et dans n'importe quelle zone.

3 - La sensibilisation, éducation en amont, et en aval la répression fait son effet. Elle est caractérisée par la saisie systématique des armes ou du gibier. La loi n'est pas appliquée en tant que telle. La saisie seule ne peut pas freiner le braconnage. L'application de la loi est surtout rigoureuse près ou/et dans des parcs nationaux. Il y a une différence entre une réserve et un parc national. La réserve est uniquement faunique et le parc est biodiversité. Les moyens humains sont insuffisants. On a plus de cadres que d'agents d'exécution. La pyramide est en fait renversée. Cela est dû à l'élévation du niveau de recrutement. Le mieux serait de recruter à partir de la classe de troisième. Le permis de port d'arme ne nous est pas assigné. Les moyens de tous ordres sont nécessaires. La durée de formation est longue. Les effectifs des Eaux et Forêts sont vieillissants. Les moyens doivent être adaptés au contexte de l'évolution. La population ne participe pas à la lutte.

4 - La misère, pauvreté, chômage. Le commerce est une activité très rentable. Les peaux, les dents sont également vendues. La consommation n'est pas seulement charnelle, elle est aussi celle de certaines parties de l'animal comme l'éléphant, la panthère et autre.

5 - L'interdiction a un lien avec la conservation. On prône une chasse réglementée. La chasse intensive est interdite

6 - La loi utilisée actuellement est la loi 16/01. Article 14 : nul ne peut se livrer à la récolte, au transport et à la commercialisation d'un produit issu de la forêt sans une autorisation préalable de l'administration des Eaux et Forêts. Si cela était appliqué, la chasse, du moins, la commercialisation serait réglementée. La non application peut être moins bénéfique pour le Gabon. On aura la fuite des capitaux.

7 - L'Etat travail surtout dans l'importation des produits. La population n'est pas adaptée à cela. Elle veut toujours consommer naturel. Les politiques de substitution n'ont pas été mises en place par les pouvoirs publics. Même les seules structures qu'on avait ne s'adaptaient pas au régime alimentaire des populations. Peut-être, les générations futures s'adapteront au régime alimentaire importé. Nous sommes donc une génération transitoire. On trouvait du gibier partout dans la forêt mais aujourd'hui c'est plus le cas.

8 - La population doit aider les gouvernants à divulguer l'information concernant la réglementation de la chasse. Si l'Etat le fait c'est au profit des gabonais. Les chasseurs sont généralement des sujets camerounais et les équato- guinéens. La population gabonaise entretient des foyers de chasse. Elle est dépendante de l'étranger. C'est la conséquence de la paresse, de l'exode rural, manque d'activité économique. La loi 16/01 porte sur le code forestier. Elle est juste une reforme de la loi 1/82. Il y a toujours un problème d'adaptation qui se pose. L'obtention de la carabine à grande chasse n'est pas à la portée de tous. La décision est avant tout politique. Et c'est le politique qui entretient justement ce phénomène. Le gibier saisi est déposé soit dans des casernes, prison, services sociaux moyennant une décharge. Quand la chasse est fermée, ce n'est pas seulement un problème de quantité. On ne doit pas dépasser plus de trois gibiers de la même espèce. On parle de braconnage lorsque la quantité dépasse les normes requises. Quand la chasse est fermée, on ne devrait plus vendre les munitions. Le travail en synergie est nécessaire. La loi est défaillante.

COMMENTAIRE

Ndong Ondo Saint-Yves est gabonais, originaire du Woleu-Ntem, d'ethnie Fang, du clan yegui, célibataire avec quatre enfants. Il est âgé de 35 ans, agent des Eaux et Forêts, habitant Ozangué (cinquième arrondissement). Il connaît l'existence de la commercialisation du gibier. La chasse pratiquée auparavant était pour la survie et permettait la diversification alimentaire. Pour Ndong Ondo, ces personnes font du braconnage. Le commerce du gibier n'est pas légal au Gabon. Mais les moyens permettant de lutter contre ce commerce sont limités. Alors que ces moyens doivent s'adapter au contexte actuel. Pour lui, les cadres sont plus nombreux que les agents d'exécution. Nous avons donc un renversement de la pyramide. Une étude sérieuse doit être menée afin d'adapter les moyens au phénomène. L'informateur est conscient des raisons socioéconomiques qui amènent les populations à exercer cette activité. Il nous signifiera aussi que la consommation du gibier n'est pas seulement celle de la chair. Il nous a pris l'exemple des dents de la panthère, l'ivoire, les peaux... La conservation est bénéfique pour tout le monde. L'informateur évoquera les faiblesses de la loi. Sa non application ne profite pas à l'Etat. Il pense qu'au moment de la fermeture de la chasse, on devrait également arrêter les ventes des munitions. Il avancera que les politiques de substitutions étaient défaillantes. Pour lui, la population n'est pas adaptée aux produits importés. Il n'y a pas de ce fait une activité qui pourrait remplacer le phénomène. Par ailleurs, la population devrait participer à la sensibilisation. Il souligne que c'est la population qui alimente les foyers de chasse.

Chapitre I : L'héritage colonial

1 - 1 Le commerce de l'Estuaire et ses produits

Vers 1840, à la veille de la fondation et dans les premiers temps du comptoir français, la traite négrière représentait encore l'essentiel des échanges extérieurs de la région de l'Estuaire. Certes, depuis les premières décennies du siècle, le commerce licite n'avait pas cessé de faire des progrès. En effet, en 1819, une estimation de la valeur annuelle des exportations de l'Afrique occidentale, pour les années 1812/1817, évaluait celles en provenance du Gabon à 18400 livres sterling. Néanmoins tous les témoignages, des capitaines britanniques Owen et Boteler au français Montagnès de Le Roque, s'accordent pour reconnaître au commerce licite un rôle seulement complémentaire par rapport à celui des esclaves. Cette interdiction de la traite des Noirs ne représentait que le moment initial et l'aspect négatif de l'adaptation au commerce licite. En effet, pour maintenir le niveau des échanges, assurer la prospérité du comptoir et l'extinction de l'influence française, jeter les fondements d'une collaboration fructueuse entre français et mpongwé, il était nécessaire qu'aux esclaves se substitue un autre type de marchandise. C'est cet autre type de marchandises que nous tenterons d'étudier dans les lignes qui vont suivre.

1 - 1 - 1 Le troc

Notons que la production locale reposait sur une économie cynégétique et de cueillette, peu soucieuse d'assurer la reproduction des richesses naturelles et par conséquent un niveau constant et élevé de l'offre. Ces deux caractères, outre qu'ils contribuaient à la faiblesse générale des échanges extérieurs, les ont assujetti à un rythme cyclique, un produit détenant quelques années, voire quelques décennies, une primauté bien marquée au sein des exportations. C'est ainsi que jusque vers 1860, trois cycles se succédèrent, qui ne recoupent pas tout à fait les fluctuations conjoncturelles. Nous avons d'abord celui du bois, puis celui de l'ivoire (considéré comme le plus long) et enfin celui du caoutchouc.

Nous constaterons que les deux premiers présentent cette originalité déjà signalée d'avoir été longtemps complémentaire par rapport aux esclaves. Le cycle du bois (essentiellement le bois rouge de teinture) s'étendit jusque vers 1820. Une demande particulièrement forte avait augmenté le prix qui semble s'être maintenu à un niveau élevé jusqu'à cette date. Le cycle de l'ivoire commença vers 1820. Le changement est dû à une évolution des prix européens plus favorables à l'ivoire qu'aux bois de teinture ou d'ébénisterie, du moins en Angleterre. L'ivoire du Gabon était alors le plus beau qu'on pût trouver. Il représentait pendant les mauvaises années (1849 par exemple) 50% et pendant les bonnes années jusqu'à 70% et même 80% des exportations de l'Estuaire. Pour ce qui concerne le caoutchouc, les limites chronologiques de son cycle, surtout le terminus ad quem, sont plus difficiles à cerner. L'origine de son exploitation remonte tout de même à 1851. Mais son exploitation nécessitait des déplacements en forêt. Ainsi, les hommes vivaient en forêt pour travailler sans trêve.

Néanmoins, l'abatage des céphalophes s'accentua pour se nourrir mais également pour nourrir les femmes, les enfants et les vieillards restés au village. Bongoatsi- Eckata22(*) souligne qu' « en 1925 s'ouvrit un marché pour les peaux de céphalophes qui étaient lannées sur place et expédiées en France pour faire les manteaux et des peaux de chamois. L'Afrique Equatoriale Française (AEF) exporta en 1937 un tonnage de peaux de céphalophes équivalent à 800 000 animaux. Après la seconde guerre mondiale une demande forte de peaux brutes s'établit ».

En revanche, les populations locales recevaient des marchandises de plusieurs variétés. Ces marchandises révèlent une continuité remarquable, signe que les goûts et les exigences qualitatives des populations locales n'ont pas varié de façon sensible. C'est le cas des tissus qui étaient présents dans toutes les transactions et formaient la base des opérations de troc au Gabon. Il s'agissait le plus souvent des tissus de coton, vendus très chers en raison de la forte demande locale. En second lieu, entre 5 et 20% de la valeur des importations, venaient des produits aussi importants pour le troc. Il y avait les alcools d'origine américaine ou française, les tabacs américains, les fusils et les cuivreries, formées surtout de chaudrons en cuivre. Parmi les divers, qui formaient l'accessoire et dont le taux pouvait être très élevé, on trouvait des marchandises les plus variées dont certaines formaient au Gabon des objets de luxe très recherchés et constituaient des signes de richesse. C'est le cas des miroirs, des boucles d'oreille en cuivre doré et les coffres. Le luxe remplaçait la nécessité. Ambouroue Avaro23(*) mentionne qu' « en échange les Cama reçoivent : l'alugu ( eau de vie de traite ), du tabac, des fusils, des parfums, des bonnets rouges et noirs, des souliers, des perles, des anneaux de fer et de cuivre creux, des couvertures, des coffres, des miroirs de Hambourg ».

En sommes, le commerce de l'Estuaire était un commerce bien pensé. Il profitait aux colons qui jouissaient de l'ignorance des populations locales. L'analyse première de ce commerce nous permet de dégager trois éléments en rapport avec notre objet d'étude. Nous avons dans un premier temps, l'activité cynégétique (à travers les éléments corporels des animaux chassés que les européens exportaient), dans un second temps, l'exploitation du bois facilitant ainsi la maîtrise de la forêt, en troisième lieu, les fusils reçus par les populations locales. Les européens introduisaient volontairement les fusils dans les produits qu'ils échangeaient afin d'entretenir l'activité cynégétique.

1 - 1 - 2 L'introduction de la monnaie

Le commerce de l'Estuaire se faisait le plus souvent sous les formes les plus traditionnelles du troc (échange de marchandises de traite contre les produits locaux). La connaissance de la monnaie viendra avec le temps. Certes, la présence du comptoir français avait contribué à la circulation d'une certaine masse monétaire. En réalité, les monnaies dont les Mpongwe avaient connaissance ont d'abord été d'origine espagnole. Ce sont les doublons, pièces d'or introduites à l'époque de la traite négrière et entrées dans la langue mpongwe sous la forme de « dobilo ». Puis, après la création du Fort Aumale et les dépenses faites sur place par les agents du poste et les équipages français, ce fut le tour du franc dont plusieurs témoignages soulignent l'usage croissant.

A partir de 1840 environ, l'offre des marchandises européennes était devenue plus diversifiée sinon plus abondante et, pour garder leur liberté de choix, les courtiers avaient de plus en plus tendance à réclamer des troqueurs le payement en argent et non en marchandises. Enfin, en 1854 et 1863, les agents du comptoir rappelaient encore aux troqueurs la nécessité d'apporter une certaine quantité d'argent, car les courtiers indigènes ne cessaient d'en demander. Mais le principal obstacle à la circulation et à la diffusion du monéraire ne venait pas tant des Mpongwe que les traitants européens pour qui l'échange direct restait de loin le mode le plus rémunérateur. L'envie d'utiliser la monnaie était ressentit partout et par tous. La monnaie devenait donc une nécessité dans les échanges. Au fil du temps, les populations locales, avec l'introduction des produits et de la monnaie européens, perdaient leurs habitudes au détriment des habitudes européennes. La valeur marchande gagnait le quotidien de ces populations. Le passage du mode de vie traditionnel au mode de vie moderne est entrain d'être amorcé.

Ainsi, la présence de nouveaux contextes socioculturels va placer, en effet, les populations dans une société de marché où le commerce est économiquement rentable. Il sera ainsi pratiqué tout azimut, et aucun produit ne sera épargné, encore moins le gibier, particulièrement en milieu urbain. Dans le chapitre suivant, nous étudierons l'ampleur de ce commerce actuellement.

Chapitre II : Le circuit actuel

Dans les sociétés traditionnelles d'Afrique en général et au Gabon en particulier, la faune sauvage était, pratiquement et de tout temps, la seule source de protéine animale. Son exploitation était strictement réglementée par une série d'interdits et une organisation complexe. En effet, certains gibiers n'étaient pas chassés, d'autres étaient interdits à certaines catégories de la population notamment les femmes et les enfants à bas âges, ou réservés aux initiés. Ces interdits traditionnels découlaient de la nécessité de conserver un garde manger bien rempli et était aussi reliés aux croyances et pratiques médico- magiques.

De nos jours, l'exploitation de cette faune a pris une vitesse qui inquiète les pouvoirs publics. Il est facile de constater la raréfaction de la faune sauvage dans nos forêts. Plusieurs raisons expliquent cette situation déplorable. De manière brève, nous dirons que la sédentarisation des populations, l'urbanisation, la monétarisation de l'économie, les raisons socioéconomiques et culturelles font vivre ce phénomène sous sa forme actuelle. La faune est un produit commercialisable et rentable. Son commerce, mal cerné, est un secteur qui génère de l'emploi à une certaine couche sociale. L'émergence d'un nouveau marché notamment les milieux urbains et les circuits commerciaux modernes, comme les besoins nouveaux résultant de l'intégration des pays d'Afrique dans la société de consommation globale, ont accéléré cette tendance. De ce commerce, une certaine classification va s'opérer. Nous aurons donc une société nouvelle de chasseurs, de bayames et de consommateurs. De cette catégorisation, nous voyons effectivement qu'il y a des transactions financières qui s'opèrent à tous les niveaux. Dans les lignes qui suivent, nous tenterons de bien vouloir faire distinguer cette classification.

2 - 1 Le circuit de production

Les individus humains font leur vie sociale, leur histoire et l'histoire générale. Mais ils ne font pas l'histoire dans les conditions choisies par eux, déterminées par un décret de leur volonté. Dans son action, tout en modifiant la nature et le monde qui l'environnent, l'individu subit des conditions qu'il n'a pas créé. Par leur activité même, les individus humains entrent dans les rapports déterminés, qui sont des rapports sociaux. Les rapports fondamentaux pour toute société sont les rapports avec la nature. Pour l'homme, le rapport avec la nature est fondamental, non parce qu'il reste un être de la nature, mais au contraire parce qu'il lutte contre la nature. Au cours de cette lutte, mais dans les conditions naturelles, il arrache à la nature ce qu'il faut pour entretenir sa vie et dépasser la vie simplement naturelle. Les relations fondamentales de toute société humaine sont les rapports de production.

L'objectif de cette partie est d'expliquer voire démontrer le circuit productif du gibier proposé au consommateur. Cette production va donc se faire à deux niveaux et ces niveaux constituent justement deux étapes du travail. Ces deux étapes font intervenir deux types d'agents économiques. Nous avons d'un côté les chasseurs, de l'autre les bayames. Ainsi, le gibier chassé sera proposé sur le marché par les bayames. Les rapports de production révèlent à l'analyse faite plus haut trois facteurs ou éléments. Nous avons les conditions naturelles, les techniques, l'organisation et la division du travail social. Il est évident que la structure d'une société, l'activité des individus qui la constituent, leur distribution, leurs situations réciproques, ne peuvent se comprendre si l'on ne commence pas par cette analyse. Ces trois éléments constituent ce que le marxisme nomme les forces productives.

En introduisant le concept de spécialisation, nous constatons qu'à chaque agent économique correspond un mode de production et des moyens matériels et techniques spécifiques. En d'autres termes, il y a des forces productives. Par division du travail, on désigne le fait que les individus ou les groupes se spécialisent dans certaines activités complémentaires les unes des autres. Et la spécialisation constitue, rappelons-le, l'une des particularités des sociétés de marché partant de son économie. Certains analystes considèrent que la division du travail tend à conférer aux individus sujets d'un groupement de tâches particulières un véritable statut social.

Toutefois, il faut préciser la relation établie entre la tâche de l'ouvrier et la nature des outillages sur lesquels cette tâche est réalisée si l'on veut percevoir correctement les modifications qualitatives introduites dans la division du travail, en dépit de la référence au statut. Nous constaterons tout au long de cette partie que la spécialisation des travailleurs dont nous parlons tient beaucoup plus au genre. La distinction des genres s'accompagne d'une division dite sexuelle du travail. En effet, la chasse est une activité masculine et la vente du gibier chassé constitue une activité féminine. Dans les lignes qui suivent, nous tenterons d'explorer ces deux étapes de la production qui correspondent en même temps aux niveaux de catégorisation sociale. La tâche nous reviendra d'étudier aussi d'autres éléments pouvant concourir à cette production.

2 - 2 - 1 La chasse

La chasse constitue l'une des plus vieilles activités que l'homme a exercé depuis la nuit des temps. De nos jours, elle prend des allures beaucoup plus intensives, avec des moyens matériels favorisés par les progrès techniques et une réglementation spécifique à l'activité exercée.

Ainsi, avec le développement de l'économie monétarisée et l'ouverture des sociétés traditionnelles sur la société de consommation, la nécessité de produire des marchandises vendables et la nécessité de se procurer (en échange de ces marchandises) des ressources monétaires, se fait de plus en plus sentir. Dans ce contexte, qu'est-ce que l'habitant du milieu rural a à vendre ? Du gibier, des poissons, des productions agricoles ou des produits de cueillette. Parmi ces productions, quelle est l'activité qui demande le moins d'investissement, qui est la moins difficile à mener et qui rapporte le plus rapidement toute l'année ? C'est la chasse.

Catégorisation

Nous allons vous présenter ici les quelques catégories de chasseurs que l'on peut rencontrer dans ce commerce. Primo, lorsque les jeunes hommes, après leurs études, ne trouvent pas de débouchés en ville ou ne peuvent prétendre à un emploi dans une société de la place, ils rentrent au village et se mettent à chasser. Cela explique en partie l'expansion de cette activité et le fait que les élites économiques et politiques des villes disposent des finances nécessaires pour investir dans la chasse commerciale, trouvent dans les villages un terrain favorable.

La deuxième catégorie de chasseurs est celle des personnes ayant déjà exercé dans une entreprise quelconque. La personne est soit retraitée soit licenciée de cette entreprise. Ce cas précis trouve son origine dans la restructuration des entreprises. C'est la situation que nous vivons maintenant au Gabon. En effet, depuis la dévaluation, l'Etat gabonais a tenté de privatiser ses sociétés. Et les premières victimes de cette situation étaient les chefs de ménage. Ils se sont retrouvés ainsi sans emploi et sans source de revenus.

L'autre catégorie que nous pouvons rencontrer est celle des expatriés. Ce passage nous permet de faire un bref rappel sur ce qui avait déjà été dit sur ces derniers. Ceci pour dire que les villes gabonaises sont un brassage des populations rurales et des populations étrangères. Ces dernières viennent au Gabon pour des raisons socio-économiques entre autres la recherche d'un emploi afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs parents. Gagnées par le désespoir, elles se déverseront dans la forêt pour pratiquer la chasse. La population des chasseurs va ainsi `augmenter du jour au jour.

Nous avons identifié plus haut les différentes catégories de chasseurs qui exploitent la faune gabonaise. Nous pouvons avoir d'autres regroupements. Dans ces campements et villages, il y a des chasseurs que nous pouvons qualifier d'indépendants, qui vivent de leurs propres produits. Et les moyens matériels qu'ils utilisent sont leur propriété. Parmi ces moyens matériels, nous avons le fusil de calibre. Les données du Ministère en charge de la faune nous rappellent que quand on est propriétaire d'une arme de chasse, inévitablement il y a une redevance à payer auprès de ladite administration. Est-ce que cela est le cas pour ces chasseurs indépendants ?

Le deuxième type de chasseurs est constitué de personnes au service de cadres, de fonctionnaires ou autres personnes hautement placées ou non qui arment les chasseurs. Donc, ils les recrutent, les utilisent, leur donnent armes, munitions, lampes tempêtes et autres. Et ils sont approvisionnés toutes les semaines en denrées alimentaires. En contre partie, ils envoient toutes les semaines du gibier à leurs patrons. Les chasseurs que nous avons rencontré nous disent recevoir deux fois par semaine la visite de leurs employeurs. Il faut tout de même souligner que ces derniers sont en majorité des Gabonais. La question que l'on peut se poser est celle de savoir si leurs employeurs payent les taxes sur les permis de chasse et de port d'arme ? Il nous sera difficile d'y répondre car le terrain ne nous a pas permis de rencontrer les employeurs des chasseurs qui nous ont renseigné sur cette situation. Ils ignorent tous si leurs patrons sont en règle avec l'administration. Dans ce type de chasseurs, il y a effectivement des rapports que nous faisons ressortir. Rappelons que les rapports de production sont des relations qui s'établissent entre catégories ou classes sociales en fonction de leur accès respectif aux forces productives et à leur contrôle. Nous pouvons assimiler ces rapports de production à ceux de Marx notamment son mode de production capitaliste faisant intervenir les bourgeois et les prolétaires. Mais, à la place de ces deux concepts, nous parlerons plutôt d'employeurs et d'employés.

Le dernier regroupement que l'on peut faire ne nous a pas parut simple au début des travaux. C'est avec le concours d'Ondo Edou24(*) qu'il est devenu plus clair. Ses informations nous ont permis d'ajouter à la liste des catégories de chasseurs que nous avions au préalable d'autres chasseurs. Ainsi, parmi les chasseurs que nous pouvons rencontrer, il y a ceux qui associent le fusil aux pièges mais chassant le jour. Il y a également des chasseurs qui associent le fusil aux pièges mais chassant la nuit (chasse au fusil). C'est le cas d'Ondo Ndong Ferdinand qui associait à son fusil ses 60 pièges. Nous avons aussi des chasseurs qui n'ont que des pièges. Ondo Edou, par exemple, déclare avoir plus de 150 pièges. Ces chasseurs nous affirment qu'ils font la visite de leurs pièges chaque deux jours, sinon certains gibiers se dégraderont. La dernière catégorie est celle des chasseurs qui n'ont que le calibre et chassant le jour ou la nuit.

L'activité cynégétique

Par ailleurs, la viande de brousse contribue significativement aux moyens d'existence des populations rurales notamment les chasseurs, généralement pauvres. En effet, elle constitue une source de revenus financiers pour les chasseurs. Nous tenons à faire remarquer que le chasseur appartient déjà entièrement à une économie monétaire et est animé du désir de maximiser ses profits matériels. Il a plus tendance à se comporter comme un prédateur et à exploiter au maximum les ressources fauniques. Nous tenterons d'étudier certains chiffres d'affaire qui peuvent ressortir de ce commerce et si possible les prix fixés par les chasseurs à leurs clients.

L'objectif de ce point est de faire ressortir les faits marquant de cette activité notamment le professionnalisme, le lieu de la chasse et si possible les techniques de chasse.

Le professionnalisme

Photos 1 et 2 : les gibiers chassés (cliché Georgin Mbeng Ndemezogo) novembre 2005

Les images plus haut nous présentent du gibier chassé par un chasseur professionnel de Mbel. Elles ont été prises pendant que le chasseur marchandait son gibier avec ses clients. La chasse a donné quatre crocodiles à nugue cuir, trois athérures (porcs épics), un céphalophe bleu (gazelle), deux cercocèbes noir (singes) et un varan. Sur ces photos nous n'avons qu'un singe. Elles présentent deux clients différents. C'est le troisième qui paya le deuxième singe et ne voulu pas qu'on prenne en photo son singe. L'un des objectifs de ces photos était de faire ressortir la production du gibier après une partie de chasse et de savoir par la suite le chiffe d'affaire qu'un chasseur pourrait avoir après la vente de son produit. Ce détail nous sera fournit par le tableau ci-après :

Espèces

Nombre

Prix unitaire

Totaux

Crocodiles

4

5500

22000

Athérures

3

5000

15000

Céphalophe bleu

1

4000

4000

Cercocébes noir

2

6000

12000

Varan

1

4000

4000

Totaux

11

24500

57000

Tableau 1 : Chiffre d'affaire d'un chasseur

Source : Georgin Mbeng Ndemezogo

Ce tableau fait ressortir le gain d'un chasseur. Nous parlons ici en termes d'estimation. Le chiffre d'affaire est changeant en fonction de la grosseur des espèces, de leur état bon ou dégradé et bien d'autres paramètres. La colonne des prix représente les montants communément usités par les chasseurs. C'est un choix car les chasseurs ne nous révèlent jamais leurs chiffres d'affaire. Nous avons ceux-ci par le canal de l'une des bayames. L'application est ainsi faite sur ce chasseur dont le gain, après sa chasse, nous est donné par le tableau 1. De fait, la marge bénéficiaire est presque équivalente au chiffre d'affaire. Le retour sur investissement est immédiat (pas besoin d'attendre plusieurs années pour amortir) et les flux monétaires générés sont très réguliers. Il faut souligner que l'investissement dont nous parlons ici est avant tout celui de l'achat du matériel (cartouches, câbles métalliques...), avant de subvenir à ses besoins. De par les chiffres, nous pouvons penser ce commerce rentable, avec des gains faciles.

La chasse comme profession est celle qui ravitaille les populations extérieures aux zones de production. Elle est pensée, pour les populations rurales notamment les chasseurs, comme un métier au même titre que ceux connus par tous. Nous allons comprendre le concept de profession comme une occupation. Et pour les chasseurs, l'activité qu'ils pratiquent en constitue une. C'est elle qu'ils exercent toute la semaine durant. Et cela a évidemment un impact considérable sur la faune et sur l'écosystème. Cela démontre justement les limites de l'industrialisation gabonaise qui se vit dans les capitales politique et économique du Gabon au détriment des autres capitales provinciales. L'autre revers est même étant industrialisées comme elles le sont, ces villes n'embauchent pas mais licencient. Nous avons donc une double conséquence de manque d'emplois et de licenciement. Nous savons bien qu'au Gabon, on travaille cinq jours sur six donc la personne ou l'employé n'aura qu'un jour libre pour la chasse. De cette façon la fréquence de chasse sera réduite. D'autre part, embaucher le plus grand nombre revient à réduire l'effectif plus que croissant de nos jours des chasseurs. Cela pourra également ramener à la baisse l'effectif des chasseurs. Or, l'activité des chasseurs s'étale sur six jours.

Les lieux de chasse

Autre situation que nous allons étudier dans les lignes qui suivent est celle du lieu de chasse. Force est de constater que le lieu de chasse s'éloigne du village ou du campement. L'excursion en forêt effectuée à Mbel pourra nous servir d'exemple dans ce cas précis. Nous dirons que les pièges de notre chasseur étaient à 4 km du village. Nous avons même rencontré lors de nos enquêtes dans ce village un autre chasseur qui dit avoir un campement à 7 km du village et ses pièges étaient à 3 km de son campement. Donc ses pièges étaient à 10 km du village. Les animaux semblent s'éloigner du village et ce pour plusieurs raisons que nous tenterons d'étudier dans cette étude.

Carte 3 : Diffusion de l'effort de chasse

Si on retient le niveau des prix et les volumes commercialisés sur les marchés publics comme indicateurs, les zones de plus forte pression cynégétique peuvent être identifiées comme étant localisées autour des grandes villes (Libreville et Port-Gentil, surtout, mais aussi Franceville et Oyem) et des principaux chantiers forestiers (et des mines d'or et de diamant), ainsi que le long du Transgabonais. La carte N°3 montre la répartition géographique de ces zones, qui se signalent par l'éloignement des terroirs encore favorables à la chasse pour un butin de plus en plus maigre. Cette carte montre que la pression cynégétique est concentrée dans la zone côtière qui présente la plus forte demande et offre les meilleurs prix, ainsi qu'autour des chantiers forestiers et des voies de communication qui desservent cette zone. Elle est plus diffuse sur le reste du territoire. A partir de la carte, nous avons une idée de l'influence de la chasse sur la faune gabonaise, une idée des zones pourvoyeuses et les moyens qui facilitent l'accès à cette faune.

Les techniques de chasse

Cette carte nous introduit d'une manière ou d'une autre dans les techniques de chasse utilisées par les chasseurs. Afin d'apprécier la dynamique de ces techniques de chasse, nous ferrons une étude évolutive voire diachronique de celles-ci.

Il faut souligner que les sociétés traditionnelles avaient plusieurs techniques mais le piège est la seule technique de chasse qui prenait plus de temps. Et étudier les techniques de piège dans la forêt équatoriale, revient à passer en revue les différentes sortes de savoir-faire existant dans cette région. L'abondance et la variété de la faune le laissent d'ailleurs supposer, car les pièges n'épousent que les gibiers. Ils s'adaptent à leurs morphologies et à leurs habitudes tout en tenant compte des conditions ambiantes. Dans son propos, Ndong Edzang25(*) va démontrer que les ntumu connaissaient les frappes, les fosses, les filets, les nasses, les leurres, les gluaux, les appeaux, les hameçons et les poisons. Leur panoplie est si riche que l'on pourrait penser que les ntumu ont le mieux côtoyé avec les pygmées pour maîtriser toutes les techniques de piège qui sont au rendez-vous dans ce biotope. Bahuchet26(*) dira dans ses écrits sur les pygmées, plus que toute autre activité, que la chasse repose sur les connaissances et le savoir-faire des hommes baka, par la simplicité des moyens mis en oeuvre : une sagaie, parfois une arbalète, un chien. Mais en les combinant avec des tactiques diverses, on réalise des types de chasse différents qui mènent à la capture de gibiers variés. Les baka n'utilisent en effet aucune sorte de filet.

La mise au point des diverses techniques de piège requiert des matériaux, des sources d'énergie et des connaissances. Elles n'ont pas pu s'acquérir et se perfectionner qu'au prix de nombreuses observations et de nombreux tâtonnements. Elles étaient à la fois la résultante des éléments naturels, fournis par les écosystèmes, des capacités inventives des populations et leurs représentations culturelles. C'est l'apparition de l'agriculture, qui est certainement pour corollaire la sédentarisation, qui a entraîné une prolifération des techniques individuelles. Effectivement, pour protéger les cultures des déprédateurs, « les hommes, nous dit J. Vansina, cité par Bongoatsi-Eckata Wilfried, s'occupaient à construire enceinte solide ou un système de pièges autour du champ pour prévenir la déprédation par les animaux sauvages »27(*), et l'animal pris au piège est la propriété individuelle. Outre la protection des champs, le développement des techniques individuelles permet au chasseur de jouir pleinement du produit de la chasse mais également de se libérer des techniques collectives, sommes toutes contraignantes et qui d'une manière intermittente demandent la coopération des chasseurs. La technique du piégeage sera récupérée et associée au fusil à chasse pour surexploiter la faune.

Photo 3 : calibre semi- automatique (cinq coups), Maverick modèle 88 (cliché Georgin Mbeng Ndemezogo) novembre 2005

L'image ci-dessus nous présente un fusil de chasse, Maverick modèle 88, communément appelé fusil à pompe. La capacité de ce calibre est de cinq (5) coups ou cartouches. L'objectif de cette photo est double. Le premier démontre le progrès des armes de chasse que l'on utilise en ce moment. Cela démontre aussi du progrès des sociétés. Nous laissons les lances, les flèches, les filets au détriment de ces armes modernes. Le second objectif explique le fait migratoire. D'aucuns postulent la disparition des espèces et attribuent celle-ci à la surexploitation de ces espèces. Nous partageons cet avis, car un animal de tuer est un animal de moins et de disparu, c'est-à-dire qu'on ne le reverra plus. L'explication que nous donnons pourrait également signifier qu'il est allé loin du lieu habituel et devient rare. Nous tentons d'expliquer ici le fait migratoire de ces espèces. Le déplacement des animaux est causé par le bruit produit par les coups de fusils répétés des chasseurs. Et s'il se trouve que cette chasse est pratiquée près des chantiers forestiers, la migration sera accentuée. Mais certains animaux seront plus ou moins abattus. En effet, ce n'est pas tous les animaux qui fuiront le bruit produit. Cette situation est valable pour tous les êtres vivants quand leurs biotopes respectifs se trouvent perturbés. Les animaux se déplacent quand ils sentent la menace. Et pour eux le bruit est l'une des menaces qui pourra les amener à migrer vers d'autres horizons.

En outre, l'observation que nous avons fait dans le village de Mbel peut être vérifiée dans plusieurs villages gabonais. En effet, un fusil de chasse peut être utilisé par plusieurs chasseurs du village. Son usage est alternatif, c'est-à-dire est fonction du repos de l'un des chasseurs et ce au repos du chasseur propriétaire de l'arme. Nous avons également constaté lors de nos investigations que plusieurs de ces armes ne sont pas enregistrées. Elles ne sont pas déclarées au service habilité à le faire. De ce fait, elles ne sont pas connues du ministère de tutelle. Il est important de faire l'inventaire des armes à feu qui se retrouvent sur le territoire national afin d'assurer non seulement la sécurité des uns et des autres et contrôler l'information sur les armes qui franchissent le territoire.

Photo 4 et 5 : techniques de pièges (cliché Georgin Mbeng Ndemezogo) novembre 2005

Ces photos présentent deux techniques de pièges. Sur la première (celle de gauche), nous pouvons observer le type piège que le fang appelle « olam ébén ». C'est un type de piège constitué d'un trou, des bâtonnets, d'un câble métallique et d'un piquet. Le trou consiste à maintenir les bâtonnets qui soutiennent le déclencheur et le tout est recouvert de feuilles mortes qui cachent la vigilance des animaux. La photo 9 en annexes nous montre la forme que prend ce piège après le montage. L'autre spécificité se trouve sur le fait que ces pièges sont isolés et éparpillés dans la forêt.

L'autre technique de pièges, appelé « ossap » ou « awoura ding » en fang, a la particularité d'aligner les pièges. Cette particularité fait qu'on les appelle pièges à barrage. Sur la photo de droite, le chasseur obstruit le passage des animaux et va les contraindre à emprunter le passage qu'il va leur créer. Un passage qui les conduit directement au câble métallique. Les éléments constituants le barrage sont de nature diverse mais provenant toujours de l'environnement immédiat de l'homme. Notre chasseur a utilisé les tôles pour son barrage qui sont des matériaux modernes. Sur cette photo, le chasseur remet le piège qui n'a pas pu prendre un animal.

Ce sont là les deux techniques de pièges que nous avons rencontré. Le nombre de ces pièges varie selon les chasseurs. D'aucuns auront moins de cent pièges, et d'autres iront au-delà de ce chiffre, si possible atteindre quatre cents ou cinq cents pièges. Le rapport des chasseurs est le même. En effet, la visite des pièges se fait chaque deux jours. L'écart de trois jours est possible mais pas souvent conseillé car il facilite la dégradation du gibier. Et nous avons constaté que les chasseurs qui ont moins de cent pièges sont physiquement diminués et vis versa. Il faut souligner que la visite des pièges nécessite des efforts physiques considérables et surtout quand elle est faite chaque deux jours. Le gain est ainsi fonction du nombre de pièges. Les chiffres que nous avons donnés plus haut font ressortir l'esprit d'abondance qui habite les chasseurs. Nous sommes frappés par la dictature de la quantité. Et les différentes techniques de chasse développées à cet effet sont donc contextuelles. Pourquoi produire en quantité ? En nous posant cette question, nous soulevons ici le problème de la cherté du coût de la vie. Cette situation, associée à l'effort de chasse, amène peut-être les chasseurs à fixer les prix que nous retrouvons sur le marché. Au regard de tout ceci, nous pouvons donc confirmer l'aspect professionnel de cette activité. Elle regorge même une réglementation que les chasseurs respectent avec rigueur afin que l'activité leur soit profitable. Nous aurons donc une fréquence des visites des pièges estimée entre deux et trois fois par semaine.

2 - 2 - 2 Les bayames

Selon Mba Ndzeng Ludovic28(*), le terme « Bayame » qui est une contraction du pidjin « Bayam Salam », vient de l'anglais « To buy » et « to sell », « acheter » et « vendre ». Dans le contexte qui est le nôtre, le terme Bayame désigne un groupe de femmes spécialisées dans l'achat et la vente du gibier ou de tout autre produit de collecte. Mais nous nous intéresserons à celles qui achètent et vendent surtout du gibier. La femme qui se spécialise dans la vente du gibier au marché ou au restaurant se considère comme une commerçante de gibier. C'est avec elle que le consommateur se procure de la viande de brousse. C'est une activité uniquement féminine. Elle est pratiquée par les Gabonaises, les Camerounaises et les Equato- guinéennes. Les premières citées sont majoritaires.

L'observation générale faite sur ces femmes fait ressortir trois éléments majeurs. Nous pouvons retrouver des femmes qui ont une qualification mais n'ont pas trouvé du travail après les études professionnelles. Nous avons également des femmes qui ont servi dans plusieurs entreprises mais se retrouvent chez elles pour cause de licenciement ou de retraite. La dernière tranche est celles qui n'ont pas de qualification. Nous constatons, à partir de cette catégorisation des femmes, que les raisons socio- économiques qui poussent les populations rurales à pratiquer la chasse à des fins commerciales sont les mêmes qui amènent ces femmes à faire de la vente du gibier chassé une activité lucrative. Dans une certaine mesure, elles sont considérées comme consommateurs parce qu'elles achètent de la viande de brousse auprès des chasseurs (directement ou indirectement).

Dans une autre optique, elles sont productrices car elles transforment le produit qu'elles achètent. Elles utilisent les moyens matériels et techniques que les chasseurs n'utilisent pas. Et elles proposent à la fin quelque chose de différent sur le marché. Ce dernier va donc s'identifier de deux manières : il y a des femmes qui vendent du gibier cru, et d'autres le vendent cuit. Le gibier cru est vendu dans plusieurs marchés de la place. Les plus reconnus sont Oloumi, Mont Bouét et d'autres petits marchés qui naissent ici et là. Le gibier cuit est vendu dans les restaurants. Soulignons tout de même que les bayames des restaurants prennent le plus souvent leur gibier dans les marchés reconnus, auprès de leurs « abonnées ». Soulignons aussi que les restaurants que nous avons visités sont ceux que nous retrouvons dans les quartiers et que nous qualifions de « petits restaurants ».

Les marchés de Mont Bouét et d'Oloumi

Nous titrons cette partie ainsi parce que nous voulons apporter une distinction entre les bayames que l'on retrouve dans les marchés tel que Mont Bouét et les bayames que l'on retrouve dans les restaurants. Cette même distinction va à l'égard du gibier cru fournit par les bayames des marchés et du gibier cuit fournit par les bayames des restaurants.

De prime abord, les femmes que nous retrouvons dans les marchés cités plus haut considèrent la vente du gibier comme une profession. Elles partent de chez elles tôt le matin et sont de retour tard le soir, à la fermeture de ces marchés, et ce pendant les jours ouvrables. Pour l'une d'elles, il n'y a pas de différence entre le bureaucrate et elle. Et le gibier vendu dans ces marchés est de deux sortes : fumé et non fumé. Mais la clientèle penche plus pour le non fumé. Cela n'empêche pas à d'autres personnes de le prendre fumé. Deux types de clients peuvent donc s'identifier à partir de là. Pour aboutir à ces deux variétés de produits, plusieurs techniques sont usitées. La technique du fumage est une technique de conservation qui permet de contenir longuement la viande. C'est le cas de l'éléphant qui est préféré fumer que du contraire. Un gibier, pour éviter qu'il ne se dégrade très rapidement, peut être aussi fumé. La viande de brousse est ainsi fumée par les bayames elles-mêmes.

L'activité exercée par ces femmes fait également appel à la sous-traitance. En effet, la pratique du « brûler », concept usité dans ce contexte, est l'oeuvre d'une catégorie de personnes notamment Nigérians, quelques Gabonais et Gabonaises. Le « brûler » consiste à défaire l'animal de son pelage avec du feu. Et les spécialistes de cette activité sont appelés « brûleurs ». C'est l'étape qui précède le découpage de la viande en morceau et la mise en tas. C'est également l'étape qui précède le fumage. Soulignons aussi que ce ne sont pas tous les gibiers qui sont « brûlés ». C'est le cas des athérures (porcs épics), des renards, des chats huant...Les animaux « brûlés » sont généralement découpés.

L'autre activité sous-traitante est celle de la conservation du gibier dans des congélateurs. Au marché de Mont Bouét nous avons constaté que c'était l'activité d'un Nigérian, jouant à la fois le rôle de conservateur (en tant que propriétaire des congélateurs) et de gardien, et se retrouve parfois avec un montant hebdomadaire de 150 000 F CFA quand le marché ne paye pas. Parler de sous-traitance est aussi une façon pour nous de présenter les charges des bayames. Ajouter à cela les taxes (droit de place pour les femmes de Mont Bouét et le droit de location pour celles d'Oloumi).

Nombreux sont les facteurs qui participent de la fixation du prix de la viande de brousse au marché. Nous avons, en effet, les espèces, la taille de l'animal, la demande, la période du mois, si l'animal est vivant ou mort, le prix du transport, etc. A Libreville, par exemple, la viande de brousse n'a pas de prix fixe et son prix n'est pas déterminé par son poids. Certains petits animaux (rat palmiste, tortue...) sont vendus en entier et les autres (gros ou moyens) sont coupés en morceaux. Les crocodiles, tortues et le pangolin à écailles tricuspides sont souvent exposés vivants.

Illustrer ces propos a été l'une des idées que nous avons eut et jugé nécessaire. Le tableau ci-dessous éclairera notre lanterne sur les prix qui sont fixés dans les marchés. Les données qui s'y trouvent proviennent du marché de Mont Bouét.

Espèces

Tas/F CFA

Gigot/F CFA

Entier/F CFA

Céphalophe à ventre blanc (Antilope)

1000

4000

20000

Céphalophe bleu (Gazelle)

1000

1500

6000

Athérure (Porc épic)

1000

 

9000

Singe

1000

 

10000

Pangolin à longue queue

1000

 

6000

Pangolin géant

1000

15000

60000

Potamochère (Sanglier)

1000

20000

120000

Boa

1000

3000

60000

Crocodile

1000

 

12000

Renard

1000

 

6000

Chat huant

1000

 

6000

Eléphant

1000

 
 

Mandrill

1000

8000

 

Chevrotain aquatique

1000

3500

12000


Tableau 2 : Prix du gibier au marché

Source : Georgin Mbeng Ndemezogo

Le tableau présente les prix des espèces en tas, en gigot et en entier. La fixation du prix est importante car ce prix doit être apprécié par le client. Les clients ont effectivement une préférence pour les tas car ils sont faits à moindre coût. Nous pensons que la fixation des prix d'espèces en tas, en gigot ou en entier est une technique commerciale qui permet aux bayames de cerner toutes les couches et les préférences des clients. Selon le principe du prix du gros (colonne 3), les animaux les plus consommés sont ceux dont les montants sont inférieurs à 10 000F CFA, car ils sont à la portée de la grande majorité. Nous constatons que la disposition du gibier en tas facilite aussi l'écoulement du produit sur le marché. Le produit est ainsi à la portée de presque tous. Le contraire de cette situation amènerait les populations urbaines à ne pas consommer la viande de brousse. Nous pouvons donc considérer cette disposition en tas comme une technique commerciale qui permet aux bayames de bien profiter de leur activité.

Mentionnons aussi que le tas ainsi disposé est fonction de l'entendement de la commerçante. En effet, cette dernière ne fait pas usage d'une balance afin de mesurer le poids du tas qu'elle dispose. Pour les bayames, la balance ne leur avantage pas. Elles sont perdantes en l'utilisant. Même là, en l'utilisant, il est évident que le montant de 1000F CFA sera fixé à la hausse. Elles risqueront d'avoir ce qu'elles appellent l' « embaumé », c'est-à-dire la mévente ou passer des journées sans clients. Il faut faire remarquer que même le montant de 1000F CFA est de fois débattu. Mais ceci quand le client prend par exemple deux tas. Une réduction lui sera fait pour une circonstance quelconque. A défaut de prendre les deux tas à 2000F CFA, le client les prendra à 1500F CFA. Ce cas est possible surtout en périodes difficiles. Et ce cas a fait l'objet d'une expérience que nous avons vécu.

Nous nous sommes aussi interrogés sur le fait que tous les tas étaient à 1000F CFA. Il nous a été dit que c'est le prix le plus abordable et que tous les tas n'étaient pas constitués de la même façon. Les animaux tués non pas la même valeur. Le nombre de morceaux de viande que contient un tas est fonction des périodes. Quand il n'y a pas de clients, le nombre va à la hausse afin d'attirer les clients. Nous tenons également à inscrire que la liste des espèces que nous avons sur ce tableau n'est pas exhaustive. En partant de cette liste, nous constatons que sur 14 espèces recensées, il y a 9 espèces qui sont protégées. Cela est la preuve d'un véritable problème.

Le transport du gibier

Nous pouvons effectivement nous poser la question de savoir comment ces femmes font pour se procurer le gibier qu'elles vendent ? Nous tenons d'abord à rappeler que la chasse est faite par des personnes qui dépendent d'autres ou non. Pour les chasseurs dépendants, il y a forcément une personne qui ravitaille les bayames (toujours le propriétaire du chasseur). Pour les chasseurs indépendants, leur gibier est payé sur place (soit ils reçoivent la visite des bayames ou les femmes du village achètent et viennent revendre en ville). Il peut aussi arriver que le chasseur, travaillant avec la bayame, envoi la marchandise sous forme de colis ou se déplace lui-même. Les bayames se ravitaillent le mercredi et le samedi. Selon les sources recueillies sur le terrain trois voies sont possibles pour assurer le ravitaillement en gibier. Il y a les voies terrestre, maritime et ferrée qui facilitent la pénétration du gibier sur les marchés de Libreville. Elisabeth A. Steel29(*) le démontre dans son ouvrage plus que nous. Prenons par exemple la voie ferrée. En effet, à chaque arrivée du train de la Sétrag à Owendo, les femmes qui y descendent avec du gibier sont en majorité les femmes des cheminots. Ce train transporte une grande quantité de viande de brousse jusqu'à la gare d'Owendo plusieurs fois par semaine. Il est facile d'observer les femmes qui amènent la viande de brousse sur Libreville gagner les quais et les différentes stations du train à l'intérieur du pays.

La prolifération des marchés de viande de brousse

Il nous fallait montrer ce visage du phénomène de la commercialisation du gibier. Il nous faut effectivement démontrer que le phénomène semble échapper à la gestion étatique. Le commerce du gibier prend de l'ampleur dans notre pays et l'Etat éprouve d'énormes difficultés à le résoudre. La récurrence des marchés de viande de brousse nous amène à avancer une telle analyse.

Nous observons la naissance des marchés de viande de brousse dans la capitale gabonaise à plusieurs endroits. Nous ne reviendrons pas sur les causes de ceci. Nous tenons plutôt à inscrire certaines observations sur ces marchés. Le premier marché observé se trouve à la gare de train d'Owendo. Ce marché a la particularité de recevoir du gibier mercredi et samedi. Ces journées coïncident avec les jours de ravitaillement des bayames. A chaque arrivée du train (mercredi et samedi) de la Sétrag à la gare d'Owendo, les femmes qui y descendent avec du gibier sont en majorité les femmes des cheminots. Ces femmes viennent exposer leur produit dans ce marché et ont pour clients les populations d'Owendo. C'est aussi dans ce marché que les bayames des marchés viennent rencontrer leurs abonnées (livreurs).

Le second marché que nous avons observé est celui du carrefour Rio. C'est un marché qui est en service à partir de 16h jusqu'à une heure bien tardive de la nuit. Ce marché a les mêmes horaires que le marché du carrefour Nzeng Ayong. Ce sont en quelque sorte des nouveaux marchés de proximité que nous avons observés jusqu'ici.

Les restaurants

L'activité commerciale du gibier se vit aussi dans plusieurs de nos restaurants. Mais les restaurants dont nous ferrons état ici sont ceux que nous retrouvons dans plusieurs quartiers de Libreville. De par leur capacité, nous les qualifions de mini ou petits restaurants. D'aucuns offrent deux services à savoir la restauration et la boisson. Ce sont donc des bars/restaurants à une seule propriétaire. D'autres offrent également les mêmes services mais ayant des propriétaires différentes.

Ces femmes sont à un niveau considéré comme des consommateurs car elles se ravitaillent dans les marchés publics de la place. Elles sont des clientes des bayames des marchés. Le ravitaillement se fait toujours auprès de l'abonnée du marché. Elles vont à la suite proposer un produit nouvellement transformé, avec des techniques propres au contexte. Les techniques de l'art culinaire seront utilisées afin de proposer un produit qui sera apprécié par la clientèle. La proposition d'un produit cuit, cuisiné sera la particularité de ce type de bayames. Certaines propriétaires de ces restaurants ont à leurs charges plusieurs employés. C'est le cas d'Evourou Didine qui a à sa charge huit (8) employés. « Chacun a une spécialité et le salaire est justement en fonction de la tâche que la personne occupe »30(*). Un travail d'entreprise avec une répartition des tâches évidentes où tout travail est rémunéré. Il nous revient de ce fait d'étudier la rentabilité d'une telle structure.

La fixation des prix varie selon les bayames. Lors de notre entretien, Evourou Didine nous pris un exemple simple. Elle nous déclara que le nombre de clients est fonction du nombre de plats. Si une gazelle produit cinq (5) plats, on a cinq (5) personnes qui sont passées. Il est important de rappeler que cette veuve fait le plat à 4000F CFA. Par contre Maman Marie faits les plats du porc épic et du sanglier à 2000F CFA, ceux de la gazelle, du singe et de l'antilope à 1500F CFA. Plusieurs paramètres rentrent effectivement dans cette différence de prix.

Photo 6 : le gibier du restaurant (cliché Georgin Mbeng Ndemezogo)

Sur cette image, nous avons quatre marmites, mais deux (ouvertes) vont attirer notre attention. Dans ces deux marmites nous avons l'Athérure (porc épic) et le potamochère (sanglier) cuits. Tout en constatant ce que ces marmites contiennent, il n'y a pas moins de trois plats de chaque. Tout ceci appliqué aux prix de Maman Marie, nous avons un chiffre d'affaire conséquent. C'est un bar/restaurant qui a deux propriétaires respectives. Cette femme occupe la terrasse d'un bar. Et c'est là qu'elle assure son service. L'objectif principal de cette femme est de proposer aux clients un gibier cuit ou cuisiné. Placé en plein centre-ville, sa clientèle est constituée des agents des administrations publique et privée. Et il se pourrait que la finalité soit la même dans la pratique de la chasse de subsistance. En effet, à la fin, on veut manger de la viande cuisinée. Nous n'oublions pas de rappeler que cette finalité est beaucoup plus applicable en zone rurale. En zone urbaine, elle est objet d'échange monétaire. Le service prend son effet à ce niveau. Seule la périodicité de la clientèle constitue la principale difficulté de son service ou de son commerce.

2 - 3 Le circuit de consommation

2 - 3  - 1 La notion de consommation

Il existe une certaine ambiguïté dans la notion de consommation ou de demande. En effet, on constate qu'une demande ou une consommation ne traduit parfois que très indirectement l'idée de besoin. La demande ou la consommation d'électricité, par exemple, est souvent considérée comme un besoin en soi, alors qu'elle ne fait que traduire un besoin d'éclairage, de force motrice ou de chaleur. La notion de besoin elle-même est souvent imprécise et l'analyse des besoins est fréquemment éludée par les économistes. Dans l'idée de besoin, il y a quelque chose d'individuel et de subjectif (tous les individus n'ont pas les mêmes besoins), mais il y a aussi quelque chose d'objectif et de social. En effet, les besoins sont en partie façonnés par la société dans laquelle nous vivons. Paul Henry Chombart De Lauwe, cité par Jean Marie Chevalier31(*), induit une distinction importante entre les « besoins obligation » et les « besoins privation ». Cette distinction rejoint en partie celle faite par F. Peroux entre les besoins d'avoir et les besoins d'être.

Les besoins obligation recouvrent les besoins vitaux qu'il est indispensable de satisfaire, pour vivre physiquement, ou tout simplement pour un être admis dans la société. Ces besoins sont relatifs. En effet, ils dépendent des conditions géographiques ou climatiques, du type d'organisation économique et sociale, des individus. Toutefois, il est difficile d'en dresser un inventaire qui nous renseigne sur l'existence d'un seuil de pauvreté. Un individu qui ne parvient pas à satisfaire ces besoins se trouve en état de pauvreté par rapport à la société dans laquelle il se situe. Par contre, les aspirations correspondent à une volonté de mieux être : être mieux nourri, mieux logé, davantage considéré. Ils sont parfois occultés par l'urgence des besoins obligation. En effet, lorsque la pauvreté devient misère, les aspirations ne peuvent plus se manifester. Elles sont comme cachées derrière les préoccupations devenues angoisses. Les besoins aspiration sont pour la plupart façonnés par la société. Ils dépendent en particulier de l'urbanisation, de l'industrialisation, de la tertiarisation... Les mass médias diffusent une culture d'abondance par rapport à laquelle se définissent les besoins aspiration.

Il existe ainsi une dynamique de besoin qui dans nos sociétés contemporaines et gabonaises en particulier, accorde une priorité aux besoins d'avoir par rapport aux besoins d'être. La satisfaction des besoins d'avoir passe en effet beaucoup plus automatiquement par l'intermédiaire du marché, de la demande solvable et de la production marchande. La consommation d'un bien renvoi inéluctablement à un besoin d'avoir ce bien, ce besoin ne peut être rempli que dans un marché. L'expression des besoins, vrais ou faux, les modalités de satisfaction des besoins, occupe donc une place centrale dans la dynamique socioéconomique des sociétés contemporaines. La théorie économique ne rend compte que très imparfaitement et d'une façon un peu frustrante de ces mécanismes complexes. Il nous revenait de comprendre et de situer le concept de consommation dans cadre définitionnel précis. C'est cette étape qui nous permet de distinguer la consommation dans les sociétés traditionnelles et celle-ci dans les sociétés modernes. C'est de là que nous savons que le producteur n'est pas aussi consommateur comme c'était le cas dans les sociétés traditionnelles.

2 - 3 - 2 La chasse d'autoconsommation, une habitude alimentaire

L'objectif de cette partie est de faire ressortir l'aspect culturel ou socioculturel de la chasse ou du phénomène qui fait l'objet de notre étude. La chasse d'autoconsommation ou de subsistance renvoi à la consommation du gibier. Cette chasse constitue pour l'heure la politique défendue par l'Etat gabonais.

Mais avant cela, nous dirons que dans les pays d'Afrique centrale et au Gabon en particulier, en milieu forestier, les villageois se réfèrent à une culture de chasse développée et n'ont pas intégrée de culture d'élevage. Les produit du petit élevage de case ne font pas partie de l'alimentation de tous les jours mais sont réservés pour certaines occasions (cérémonies diverses, visites de parents, etc.). La chasse y est donc une activité traditionnelle très répandue et très ancrée dans les modes de vie. Dès leur plus jeune âge, les enfants chassent autour des cases les petits oiseaux et les petits rongeurs, dans les agro forêts villageoises, à l'aide de lance- pierres, de pièges, d'arbalètes. Il se crée chez eux dès ce moment, un réflexe de chasseur qu'il sera judicieux de ne pas négliger dans l'évaluation des fondements culturels de la chasse et surtout de la consommation du gibier. Car ils chassent pour consommer la viande de brousse. Ce réflexe peut rester tout à fait inconscient mais enracine déjà le jeune enfant dans cette culture de chasse et de consommation du gibier.

De plus, nous savons tous que l'euphorie pétrolière que le Gabon a connu au cours des années 1970-1980, s'est matérialisée par la construction et/ou la reconstruction des principales villes. Nous avons donc eu des villes comme Libreville qui ont été renouvelées, modernisées. Nous avons aussi des villes minières qui ont subi les mêmes transformations, au détriment des villes considérées comme secondaires. Non seulement, il y a eu le mariage de la ville moderne, il y a eu aussi la perspective d'emplois. C'est ainsi que beaucoup de gabonais, vivant dans des régions considérées comme forestières c'est-à-dire incapable de sécréter de l'argent ou de créer des emplois, se sont rués vers les villes minières et vers la capitale politique. Ce fut le moment d'un exode rural massif, exode de populations qui sont arrivées à la recherche du travail ou une perspective d'emplois. Ces populations ont ainsi transporté avec eux leurs habitudes alimentaires. Elles ont gardé le goût de la viande de brousse. Il faut dire que c'est cette consommation qui alimente le commerce du gibier au Gabon. Le problème de la commercialisation du gibier ne se trouve pas dans la chasse abusive, ni dans la vente de la viande de brousse mais dans la consommation de cet aliment naturel et énergétique.

Nous pensons toutefois qu'une gestion rationnelle de la faune sauvage pourrait assurer une bonne partie du ravitaillement en viande des populations gabonaises d'une manière durable. La législation moderne du Gabon autorise généralement, sans formalités et sans frais, la chasse des gibiers non protégés par les méthodes traditionnelles. Mais la chasse dite « traditionnelle » ayant disparu, les armes à feu sont répandues dans les campagnes.

Le Gabon veut faire de tout un chacun, gabonais comme étranger, des potentiels chasseurs d'autoconsommation. Cette politique se heurte à de multiples complications. Les enquêtes que nous avons mené révèlent la difficulté pour les consommateurs de pratiquer eux-mêmes la chasse. Ils ont des occupations qui prennent la majorité voire la totalité de leur temps. Et ceci est valable pour les deux catégories de consommateurs que nous avons rencontré (hommes/femmes). D'aucuns ne savent pas chasser parce que ce sont des femmes, ou n'ont jamais appris à tirer à une arme à feu. Il y a d'autres qui savent tirer à une arme à feu mais n'ont pas suffisamment de temps pour cela. Nous avons même constaté que dans le genre masculin, d'aucuns ont perdu la culture du piège et une fois au village, ils achètent la viande de brousse auprès des chasseurs. Et d'autres qui prennent de leur temps pour pratiquer la chasse, aux chiens, fusil ou pièges.

A la suite de cela, nous pensons faire ressortir le rapport d'espace- temps qui ressort soit en ville ou au village. On ne chasse pas en ville par défaut de temps. Et au village, elle est possible parce qu'on a du temps libre. De ce rapport, il ressort un autre, c'est celui de village- ville. Il faut signaler qu'il s'agit d'une habitude alimentaire qui part du village pour la ville. Le village semble avoir une influence sur la ville car ces populations aiment de temps en temps s'alimenter des produits de terroir. Aussi, la réglementation concernant l'utilisation des armes à feu va renforcer cette complication. Les taxes d'abatage (parfois plus élevées que la valeur marchande de l'animal abattu) et les quotas d'abatage (les chasseurs ayant peur de les atteindre rapidement ne déclarent pas le gibier abattu). Ce genre de chasse d'autoconsommation n'est pas dangereux, dans la mesure où le gibier est uniquement destiné à la consommation du chasseur, de sa famille ou de la communauté.

2 - 3 - 3 le gibier consommé

Les populations gabonaises dépendent de la viande de brousse pour la satisfaction de leurs besoins en protéines et en vitamines, mais aussi comme source non négligeable de revenus. Les études de S. Lahm, cité par Auguste Ndouna Ango et Eléonore Ada Ntoutoume32(*), ont montré que, dans les villages gabonais, seulement un quart des produits de la chasse était réservé à la consommation des familles, le reste étant destiné à être vendu sur les marchés ou à des intermédiaires. L'auteur a aussi étudié les préférences alimentaires de ces mêmes populations pour la viande de brousse. Il semble que les animaux les plus consommés soient l'athérure, le céphalophe bleu et le potamochère qui est recherché pour sa graisse. Cependant, elles consomment d'autres mammifères comme l'éléphant, le singe ou le rat palmiste, des oiseaux, des reptiles comme le varan et le crocodile. Nous avons constaté que ces animaux abondent dans les marchés et les restaurants. Les enquêtes nous révèlent la consommation de ces mêmes animaux. Les préférences sont diverses et les raisons de ces préférences également. Les raisons évoquées sont généralement le goût, l'habitude, la richesse en vitamine, la variété alimentaire, le goût et l'habitude. Et nous constatons que cette consommation n'est pas quotidienne. Elle est périodique, occasionnelle. D'aucuns consomment la viande de brousse une à deux fois par mois ou une fois chaque deux mois. Mais à partir de ce qui arrive chaque mercredi et samedi, il est possible de soutenir que la consommation est quotidienne ou hebdomadaire. C'est possible, mais l'explication tire son essence dans le poids démographique des zones urbaines.

Nous avons ci-dessous la preuve de ce que nous avançons.

Province

Superficie km2

Population urbaine

Population rurale

totale

Densité hab./km2

Estuaire

20 740

42 7950

35 237

46 3187

22,3

Haut- Ogooué

36 547

76 378

27 923

10 4301

2,8

Moyen- Ogooué

34 193

18 726

23 590

42 316

2,3

Gounié

79 010

37 520

40 261

77 781

2,1

Nyanga

37 503

21 815

17 615

39 430

1,9

Ogooué ivindo

36 126

17 775

31 087

48 862

1,1

Ogooué lolo

36 792

19 379

24 536

43 915

1,7

Ogooué maritime

42 332

87 659

10 254

97 913

4,3

Woleu- ntem

78 124

35 054

62 177

97 271

2,5

Totale

448 564

742 296

272 680

1 014 976

3,8

Tableau 3 : Résidents par province et milieu

Source : Bureau Central du Recensement

La population totale du Gabon était au dernier recensement de 1993 de près d'un million quatorze mille neuf cent soixante seize (1 014 976) habitants. Elle présente un taux d'accroissement annuel de l'ordre de 2,5%. Le constat fait à partir du recensement général de 1993 est que les tendances constatées confirment que la population a plus que doublé en 33 ans. Les résultats de ce recensement démontrent également que la stérilité a sensiblement baissé et que l'immigration a joué un rôle important dans cet accroissement de la population.

Les campagnes se sont progressivement vidées au profit des centres urbains qui englobent plus de 70% de la population. Constituant le pilier des deux pôles de croissance économique du pays, Libreville, Port- Gentil et Franceville, à elles seules, abritent plus de la moitié (51,9%) de la population. La population rurale ne représente désormais que 3000 000 habitants environ pour plus de 260 000 km2 (soit 1,1 hab. /km2). La population qui vit dans les centres urbains représentée par un taux de 73,3% vit dans des agglomérations dont la densité frise celle que l'on observe dans les pays les plus peuplés du monde (250 à 300 hab. /km2). Les principales conséquences de ce resserrement spatial des activités économiques et des populations dans quelques pôles urbains sont une concentration des richesses, du pouvoir d'achat et des risques environnementaux et un niveau très élevé de la demande en ressources biologiques sur une fraction de plus en plus étroite du territoire. Au lieu d'être réparties de façon homogène sur le territoire, les menaces sur la faune en particulier sont concentrées et localisées.

L'autre explication, justifiant plus l'aspect occasionnel de la consommation, proviendrait des méthodes de conservation du gibier. En effet, plusieurs personnes doutant de la fraîcheur de la viande de brousse vendue dans les marchés, n'en achètent plus constamment. Dans nos enquêtes, il nous a été fait état de la méthode de conservation par formol et la méthode de conservation par submersion du gibier dans l'eau. Ce sont là des méthodes usitées par les chasseurs professionnels. Nous soulevons là un problème de santé alimentaire et indirectement celui du contrôle vétérinaire ou sanitaire des populations d'une part et des produits carnés d'autre part. Le service vétérinaire du ministère de l'agriculture et de l'élevage n'est pas équipé pour contrôler la qualité de la viande de brousse vendue sur les étalages. Il est plus orienté vers les viandes importées et la volaille. Nous voyons effectivement qu'il y a un problème de santé publique notamment alimentaire.

En somme, comprendre et expliquer la dynamique des peuples revient à étudier leur culture et surtout leur environnement. La forêt constitue le lieu par excellence où les peuples du Gabon tire l'essentiel de leurs ressources. Ces peuples dépendants pour leur survie de la chasse, étaient régis par le respect d'un ensemble de règles cynégétiques prenant la forme de règes coutumière. La chasse en tant qu'activité ancestrale et relevant d'un mode de vie traditionnel n'a jamais été une activité défendue. Elle a, au contraire, toujours permis aux générations de se renouveler. La forêt était celle d'un clan ou d'un lignage, gérée par un ancien avec le concours des ancêtres. On chassait pour la consommation. Aujourd'hui, c'est tout autre chose. Le mode de gestion a changé et le gestionnaire également. C'est tout un ensemble de lois qui définisse les règles à respecter en matière d'exploitation de la ressource faunique. Nous passons d'une société traditionnelle, avec une mode de gestion lignager de la chasse, à une société moderne avec un mode de gestion supra lignager ou étatique. La forêt appartient désormais à l'Etat. Ce dernier mettra en place des instruments pour gérer la faune contenue dans le code forestier. Dans les lignes qui suivront celles-ci nous verrons les limites de ces politiques de gestion.

Chapitre I : La législation et la Direction de la Faune et de la Chasse

1 - 1 La législation

Il semble que le législateur de 1982 n'avait pas prévu l'ampleur que prendrait la chasse à but commercial, destinée à approvisionner en viande de brousse les centres urbains. Nous avons souligné que le fort accroissement des villes et le dépeuplement parallèle des villages datent de cette période. Nous avons donc assisté à une demande entretenue ou accrue de la part des consommateurs urbains, devenus plus nombreux et à une modification des techniques de chasse et d'approvisionnement des marchés urbains. Sur le plan législatif aucune adaptation n'a été préconisée. Aucune disposition particulière de la législation ne régit cette forme de chasse, alors que celle-ci enfreint les dispositions actuelles de la loi d'orientation de plusieurs manières. C'est cette lacune qu'il faut combler afin d'avoir le contrôle de ce commerce et amoindrir son impact en termes de gestion de la faune sauvage.

Les reformes législatives ont été effectuées mais ce vide juridique est toujours constaté dans l'appréhension du phénomène par les législateurs. En effet, la politique en matière de gestion de la biodiversité telle que formalisée par les lois 1/82 et 16/93 n'est pas exempte de critique.

Pour ce qui concerne la loi 1/82, elle recèle une faiblesse originelle qui réside dans son intitulé même. C'est une loi d'orientation en matière d'Eaux et Forêts. Et, un examen approfondi montre qu'il s'agit plus d'une loi sur la forêt que sur l'environnement dans son ensemble. Ceci n'est en soi une tare. Cependant, tout porte à croire que le fil conducteur de la loi est l'exploitation forestière. De même, le lien n'est quasiment jamais fait entre l'exploitation forestière et la conservation de la biodiversité, comme si, par exemple, il n'existait aucune espèce animale ou végétale autres que les arbres (bois) dans les zones concédées aux exploitants forestiers. Par ailleurs, en tant que « code d'exploitation » des ressources naturelles, la loi est révélatrice d'une option presque essentiellement répressive. Elle fait peu de place à une gestion concertée de la diversité biologique et ignore quasiment les modes de gestion populaires et traditionnelles de la biodiversité. Quant à la loi 16/96, si elle a corrigé certains défauts de la loi 1/82, elle reste très générale et n'apporte pas une réponse précise à la question de la gestion de la biodiversité qui est considérée comme un aspect parmi tant d'autres de la protection de l'environnement, sans d'ailleurs que le concept de biodiversité soit nommé en tant que tel.

La dernière reforme date de 2001. Au niveau de cette loi 16/01 la vision rejoint toujours celle de 1982. Elle reste toujours répressive et dissuasive. La loi se doit de s'adapter aux contours socioéconomiques des populations. La loi 16/01 semble toujours ignorer le phénomène de la commercialisation telle qu'elle est vécue en ce moment. Cette ignorance produira de graves conséquences plus tard. La fréquence d'exploitation de la faune va à une vitesse crescendo. Cette situation nous conduira à l'extinction de la faune des zones non protégées et à l'agression des aires protégées. Les chasseurs vont vers la faune, en ce temps là celle qui restera se trouvera dans les parcs nationaux. Nous pensons que les législateurs devraient d'ores et déjà prévoir l'allure que ce phénomène prendra dans les temps à venir. Il est évident que les représentations ne sont pas les mêmes. Nous constatons effectivement que la législation considère plus les parcs nationaux avec la biodiversité qu'ils regorgent. Mais le mieux serait que toutes les représentations soient prises en considération.

Le commerce du gibier est institutionnalisé mais ignorer par l'Etat. La mesure de l'impact de la chasse à des fins commerciales ou du commerce du gibier doit se faire sentir au niveau d'abord de la loi en vigueur. L'ignorance du phénomène constitue son entretien et justifie son existence. Et nous savons que depuis la loi de 1982, la répression et la dissuasion ont prouvé leurs limites. Le vide juridique se trouve donc en partie dans l'ignorance de la représentation collective et culturelle des peuples gabonais de la faune sauvage. La représentation de la faune sauvage de nos jours est plus marchande que substantielle. De ce fait, si la loi ne cadre pas avec cette représentation inévitablement l'inapplication sera évidente.

Nous prendrons quelques constats illustratifs pour appuyer cette inadéquation de la législation à la représentation populaire de la faune sauvage. Il faut effectivement un cadrage au niveau de la loi afin qu'elle soit respectée et appliquée. La loi 16/01, dans son article 215, interdit la chasse de nuit avec ou sans engins éclairants, le non respect des normes de capture et d'abattage d'animaux, la chasse à l'aide des pièges métalliques et de collets en câble d'acier. Cette loi ne semble pas comprendre que la représentation des populations ici est d'ordre économique. Il sera à ce niveau difficile de respecter la loi quand les conditions d'existence prime. La condition sociale des populations amène celles-ci à désapprécier la loi. Elle ne leur laisse pas l'embarras du choix. Prenons un des aspects de cet article qui interdit l'usage des pièges métalliques et de collets en câble d'acier. A ce niveau, nous pensons que l'application première de cet aspect revient à l'entité qui vend ce produit. Si on voulait effectivement appliquer ce point de l'article 215, on interdisait directement sa vente sur le territoire gabonais ou augmenter les frais de douane. Aussi, demander à un chasseur affecté par l'esprit du gain de respecter les normes de capture et d'abattage (3 gibiers d'espèces différentes par jour et 9 gibiers par semaine toutes les espèces confondues) est une chose impossible.


Photos 7 et 8 : les balles à grande puissance d'arrêt (GPA) (cliché Georgin Mbeng Ndemezogo) novembre 20005

Les photos ci-dessus présentent les cartouches spécifiques à la chasse à l'éléphant. Il y a dans ce carton vingt cartouches d'une valeur de 200 000f CFA. Ces cartouches sont la propriété de l'un de nos informateurs qui apprêtait sa prochaine chasse à l'éléphant. Pour la circonstance, il nous a présenté toutes ses armes (4 fusils de chasse et un pistolet). Mais celle qui a attiré notre attention est la carabine 458 (photo 2 en annexes). Il faut souligner que les balles de cette carabine sont blindées. De fabrication française, elles sont interdites à la chasse en Europe. Nous nous sommes posés la question de savoir pourquoi cette interdiction, l'informateur nous dit qu'en Europe, il n'y a pas d'animaux féroces tels que les éléphants, les buffles et bien d'autres qui peuvent prendre les balles de ce type. L'informateur nous dit également que la chasse à l'éléphant, appelée aussi grande chasse, a pour objectif le besoin d'ivoire. Les balles de cette carabine ont une grande puissance d'arrêt (GPA) et voilà pourquoi on les appelle balles GPA. C'est à la suite de tout cela qu'une question nous est venue à l'esprit. En effet, l'éléphant est partiellement protégé sur le territoire gabonais. Il est formellement interdit de le chasser. Mais les balles GPA sont également vendues. Que fait-on de l'interdiction ? Et voilà que se présente le paradoxe que nous qualifions de flagrant. Interdire la chasse de l'éléphant, c'est interdire les cartouches ou les balles qui mettront sa vie en danger.

Chasser l'éléphant, c'est avoir besoin de son ivoire. Cela nous conduit à la consommation des sous- produits ou aux trophées comme disent les spécialistes. Un autre informateur que nous avons rencontré cette fois-ci à Mbel, nous révéla lors de notre excursion en forêt qu'un dignitaire du Haut- Ogooué engagea deux chasseurs qui sont venus chasser les éléphants à Mbel (village situé au PK 85 d'Owendo sur la voie ferrée). La chasse peut être qualifiée de massacre car elle permit l'abattage de 33 éléphants dans la période d'octobre/novembre 2004. Et le besoin d'ivoire était à l'origine de ce massacre. La 458 dont nous parlions plus haut a une capacité de quatre balles. Nous constatons ici que les insuffisances juridiques entretiennent l'impact négatif sur la faune. Les populations profitent de cette situation pour surexploiter la faune sauvage. Une reforme évidente de la loi d'orientation en matière de la protection de la faune est nécessaire. Même les populations des couches moyennes et aisées sont dans ce commerce. La loi se doit donc de mesurer et contrôler tout cela. La loi ne doit pas être passive face à certains comportements. Cette situation entraîne toujours l'injustice au sein de la société. Cet aspect nous a même été évoqué lors de nos enquêtes. D'aucuns pensent que la loi est faite pour certains et s'applique sur et pour d'autres. Cela entraîne les attitudes de mépris et de révolte de la loi par les populations touchées par ce phénomène.

Il est également important d'étudier les formes de procuration de ces cartouches par les chasseurs. Nous avons fait plusieurs observations. Le chasseur propriétaire d'un permis de chasse et de port d'arme aura droit à un bon de cartouches délivré par le ministère de l'intérieur. Mais cette procédure d'acquisition n'est pas partout la même. Il y a des chasseurs qui se procurent des cartouches auprès de leurs propriétaires notamment les chasseurs que nous avons qualifiés de dépendants. Il y a des chasseurs qui achètent des cartouches auprès des personnes qui ont des bons de cartouches. En effet, même les cartouches se vendent au même titre que les piles, les câbles métalliques et autres. Nous voyons effectivement que tous ceux qui se procurent des cartouches par le canal d'une tierce personne n'ont pas de bon de cartouches et ne sont pas propriétaires de l'arme qu'ils utilisent ou bien qu'elle n'est pas enregistrée. Plusieurs éventualités sont possibles, mais nous nous contenterons de ce peu.

Un autre fait observable, c'est celui de la vente des bons de cartouches par certains agents du ministère de l'intérieur à des prix dérisoires. Les bons de cartouches se retrouvent ainsi sur le territoire sans être enregistrés. Il est également important de souligner que ces bons sont produits chaque année et tant qu'il n'est pas utilisé, il reste toujours valable, même s'il date de 1990. Alors qu'il était intéressant d'instituer une date de validité sur ces bons (si possible un an de validité). Et l'entreprise assignée à cette tâche doit être un service non lucratif. Il est à rappeler que tant que le service sera lucratif, les périodes de fermeture et d'ouverture de la chasse ne seront guère respectées. Ce respect doit d'abord provenir de l'arrêt de la vente des cartouches pendant la période de fermeture de la chasse. Il ne faut pas oublier que l'entreprise a pour objectif principal la production des bénéfices. Elle ne tiendra pas compte de la règle qui institue la fermeture de la chasse ou la non vente de certaines cartouches ou balles afin d'appliquer la réglementation qui protègent certaines espèces au Gabon. La loi d'orientation n'intègre pas toutes ces réalités. Ce qui ne ferra que compliquer la résolution du problème de la gestion rationnellement de la faune sauvage, politique prônée par l'Etat. La loi se doit de maîtriser tous les contours de la réalité sociétale.

1 - 2 La Direction de la Faune et de la Chasse

Cette partie a pour vocation de faire ressortir les limites ou les insuffisances des moyens dont dispose l'administration chargée de la faune. La direction de la faune et de la chasse (DFC) comprend un service de l'aménagement de la faune, un service de la chasse et les brigades de faune. Vu la grandeur de l'espace à gérer, nous pensons que cette direction a effectivement du travail. Cet espace ou « biomasse forestière du Gabon est de 22 millions d'ha. Replacée dans son contexte sous-régional, cette biomasse représente 10% de la forêt du Bassin du Congo, pour une superficie de moins de 7%. A l'échelle continentale, le Gabon abrite plus de 9% des forêts africaines sur un territoire de moins de 4% »33(*). Nous pourrions penser que la gestion est à l'image de la biomasse forestière du Gabon ou que la direction de la faune et de la chasse dispose des moyens relatifs à cette biomasse.

C'est lors de notre recherche que nous nous sommes rendus compte que la direction de la faune et de la chasse avait des insuffisances de tous ordres. Les moyens humains ne sont pas relativisés en fonction de l'ampleur du territoire. En effet, sur une superficie de 22 millions d'ha, la direction de la faune et de la chasse ne comprend que 700 agents. Ce chiffre nous a amené à étudier la raison de cette insuffisance du personnel. Nous avons pensé immédiatement à l'Ecole National des Eaux et Forêts (ENEF), pourvoyeuse du personnel que nous retrouvons particulièrement à la DFC.

Le premier constat que nous faisons de cette école est qu'elle se trouve à la périphérie de la ville de Libreville (30 km). Ces structures d'accueil ne répondent plus aux exigences de l'heure. Cette situation conduit à la réduction des effectifs des étudiants. L'école ne peut pas accueillir plus d'étudiant parce que les salles de classes sont exiguës et insuffisantes. La durée de formation est de deux ans (pour le cycle moyen ou premier cycle) et trois ans (pour le cycle supérieur ou le second cycle), sans oublier le DESS (troisième cycle) dont la durée est d'un an. Chaque année, l'ENEF met à la disposition des directions du ministère des Eaux et Forêts des agents dont le nombre n'atteint même pas vingt (tous les niveaux confondus). Et parmi les agents recrutés, il y a plus d'ingénieurs que d'agents d'exécution. Alors qu'actuellement nous avons plus besoin des agents d'exécution pour faire respecter ce qui est pensé dans les bureaux. A ce niveau, même les missions de police prennent un coût, puisqu'il n'y a pas assez d'agents d'exécution. Même s'il y avait des moyens matériels, la couverture en moyens humains n'est pas assurée. Les structures de l'école et les moyens financiers alloués à celle-ci constituent un handicap à la formation des étudiants.

L'autre aspect de l'insuffisance se trouve dans les moyens financiers alloués à la DFC. En 1999, la DFC avait un budget d'investissement de 108 000 000 f CFA et le fonctionnement était de 53 467 000 f CFA34(*). Ce qui est dérisoire quand on veut mettre une politique faunique en évidence. La finance est l'élément moteur d'une politique. Nous avons vu plus haut que si les structures de l'ENEF sont ce qu'elles sont, c'est par défaut de moyens financiers. La même situation se pose avec le recrutement des agents des eaux et forêts, qui ont toujours un problème de poste budgétaire. Cette situation ne pourra pas amener l'agent à travailler comme cela se doit, puisque les termes du contrat ne sont pas respectés. Nous savons que le travail s'accompagne toujours d'un salaire. Dans le cas contraire, le rendement ne sera pas celui dont on s'attend. Les moyens financiers doivent toujours accompagnés une politique. Dans le cas contraire, c'est la situation actuelle qui arrive, où les moyens matériels prennent un coût. Ceci pour dire que le parc automobile de la DFC est vieillissant. Il convient de le renouveler. En 1999, la direction centrale de la DFC avait neuf véhicules (y compris les épaves et les véhicules en panne)35(*). Et en 2005, elle se retrouve avec un mini- bus vieillissant. C'est ce véhicule qui couvre les missions de police des agents. Le rythme de travail n'est même pas à la moyenne. Les agents partagent leurs journées derrière les bureaux entre collègues et amis autour d'une causette. C'est l'appareil administratif qui perdra sa dynamique et sa compétitivité.

Outre l'application de la politique du gouvernement en matière de gestion rationnelle de la faune, l'administration des eaux et forêts assure, selon la loi d'orientation, les missions de police, de contrôle et de répression. A cette fin, les agents des eaux et forêts sont assermentés, dans les conditions définies par un décret d'application de la loi d'orientation du 4 mars 1987. L'image ci-dessous représente l'effectivité de cette loi d'orientation.

Photo 9 : Lutte anti-braconnage dans le département d'Etimboué (cliché Programme de Valorisation des Ecosystèmes Humides en Afrique Centrale (PVEHAC)) Juin 2000.

Suite à la mission de collecte de donnée dans le département d'Etimboué (province de l'ogoué Ivindo) du 21 mai au 9 juin 2000, financée par le programme CARPE du BSP, les membres de l'équipe du Programme de Valorisation des Ecosystèmes Humides en Afrique Centrale (PVEHAC) ont assisté à l'opération de lutte anti-braconnage organisée par la brigade de faune d'Iguéla. L'opération de lutte a duré près de douze heures. Elle a débuté le 8 juin 2000 à 15h pour s'achever le 9 juin 2000 à 3h du matin. Elle a réalisé plusieurs saisies dont nous vous présentons l'image. Les saisies concernent les espèces qui suivent : crocodiles, porcs épics, gazelles, singes, tortues, buffles, cercocèbes à collier blanc, potamochères, antilopes sitatunga, vautours, chevrotains, calaos.

Nous donnons dans le tableau ci-après les résultats des saisies.

Espèces saisies

Prise 1

Prise 2

Prise 3

Total 1+2+3

1 Crocodiles

9

1

5

15

2 Porcs épics

7

7

6

20

3 Gazelles

2

5

11

18

4 Singes

1

5

14

20

5 Tortues

11

0

0

11

6 Buffles

1

0

0

1

7 Cercocèbes à collier blanc

1

0

1

2

8 Potamochères

1

6

10

17

9 Antilopes Sitatunga

1

4

3

8

10 Chevrotains

0

2

1

3

11 Vautours

0

0

5

5

12 Autres

3

3

0

6

TOTAL

37

33

55

125

Tableau 4 : Lutte anti-braconnage dans le département d'Etimboué

Source : PVEHAC

Le tableau met en évidence la forte pression qu'exerce l'homme sur la faune par le biais de la chasse. En effet, si plus de 125 animaux sont prélevés en l'espace d'une demi-journée, ce sont donc plus de 90 000 gibiers (toutes espèces confondues) que l'on prélève chaque année dans les 22800 km2 du département d'Etimboué.

La photo 8 et le tableau 4 mettent en exergue la politique que l'Etat met en place de par les missions de police de la brigade de la faune et de la chasse, d'une part. D'autres part, nous savons de par cette image que les chasseurs et les bayames sont souvent victimes des saisies opérées par les agents des Eaux et Forêts. In fine, nous savons de par le tableau que la faune est menacée, tout en estimant les prélèvements opérés par les chasseurs.

Aussi, parmi les prérogatives qui leur sont assignées, les agents des eaux et forêts font en fonction des moyens disposés ces missions de police. Elles consistent en la saisie des ressources fauniques et forestières. Le tableau ci-dessus illustrant la lutte anti-braconnage dans le département d'Etimboué est un bon exemple.

Notre objectif est d'exprimer la non application de la législation ou les dérapages des agents des eaux et forêts. Notre propos tire son fondement dans la première colonne du tableau (espèces saisies). La mission de police consiste en la saisie de tout le gibier que possèdent les chasseurs et/ou les bayames. La mission d'Etimboué a saisi plus de onze espèces différentes. Dans cette liste, nous retrouvons les catégories d'espèces définies par la loi : les espèces intégralement protégées, les espèces partiellement protégées et les espèces non protégées. Nous allons nous intéresser sur les dernières espèces. C'est à ce niveau que la loi ne s'applique pas. Dans ce type d'espèces, nous avons le vautour, le cercocèbe à collier banc, le singe, le céphalophe bleu (gazelle), l'athérure (porc épic). Nous voyons qu'à ce niveau il y a un véritable problème. La simple saisie constitue déjà pour les victimes une injustice. Car celles-ci ne savent pas la destination véritable et légale de ces saisies. Plus grave, quand ce sont les agents des eaux et forêts qui piétinent la loi. Nous avons là, l'un des éléments qui poussent les chasseurs et les bayames à la révolte.

Chapitre II : Les parcs nationaux, une approche conflictuelle

2 - 1 Un fait de culture

La gestion rationnelle prônée par l'Etat est effective à travers la création des parcs nationaux. Ces derniers occupent en ce moment les esprits des gouvernants protégeant ainsi la représentation occidentale. L'objectif ici est de faire ressortir les limites ou l'approche de l'écotourisme et des parcs nationaux. Le premier aspect de cet objectif est culturel. Nous n'avons pas l'intention de condamner ou de réfuter l'hypothèse de la politique de gestion rationnelle par les parcs nationaux ou l'écotourisme. L'intention est de présenter la représentation nouvelle de la faune sauvage, qui est culturellement extérieure et étrangère aux peuples gabonais. Il faut relever que cette politique est imposée au Gabon par les organisations non gouvernementales, les écologistes en général, qui s'imposent avec leur pouvoir financier.

Pour appuyer cet aspect culturel des parcs nationaux, Bernard Kalaora36(*) va soutenir nos propos. En effet, l'émergence d'une attitude esthétisante et contemplative, le traitement nouveau de la forêt comme paysage, la promenade comme activité culturellement valorisée, sont le produit d'une histoire sociale. Afin de saisir l'influence des modèles culturels, les enquêtes de Kalaora vont porter sur la forêt de Fontainebleau, sur les attitudes et pratiques des citadins qui viennent s'y récréer. De cette étude, trois attitudes types y sont mises en évidence. Il y a celle d'une élite sociale pour laquelle prime l'esthétisme et les activités culturelles et pédagogiques. Il y a celle des couches moyennes qui voient dans la forêt un substitut de l'espace pavillonnaire propice au loisir familial. Il y a enfin celle des couches populaires où la promenade en forêt n'est pas ressentie comme une activité possible ou familière. Pour ce qui est des parcs nationaux du Gabon, il est facile de ressortir deux attitudes types. Nous aurons celle d'une élite sociale pour laquelle prime l'esthétisme, les activités culturelles et pédagogiques et celle des couches populaires où la promenade en forêt n'est pas ressentie comme une activité possible ou familière, la promenade n'est pas dans leurs moeurs. Les aménagements des forêts de Fontainebleau et du Gabon s'inscrivent dans la perspective des modes de consommation élitistes et partagent les pratiques entre ordinaires et distinctives.

Il faut faire observer que l'usage actuel de la forêt est une consommation méconnue des peuples du Gabon. Pour ces derniers, cette nouvelle consommation de la forêt relève de l'anormal, c'est illogique. La logique traditionnelle veut que l'allée en forêt se fasse avec un objectif précis notamment y chercher de la nourriture, pour y chasser, pour y récolter des plantes médicinales, pour y célébrer ou encore pour y exploiter une ressource comme le bois. C'est une représentation différente de celle des Occidentaux. Se promener en forêt, c'est consommer une oeuvre, et, pour être apte à cette consommation cérémonielle, un apprentissage est indispensable. Lieu de détente, et de récréation, la forêt ne répond pas seulement à une exigence hygiénique ou fonctionnelle, elle devient un lieu de consommation et de pratiques culturelles. Et le conflit que nous vivons actuellement est un conflit de représentations. Deux sociétés différentes pour une même forêt. Le paysage n'est plus caractérisé seulement par ses parties, ses éléments, témoin de sa richesse, il devient une catégorie synthétique qui se rapporte à un tout. La forêt gabonaise est dans sa totalité nommée et parlée comme un lieu pittoresque, exotique, sauvage et naturel. Elle est un paysage unique dont la beauté est la principale caractéristique, et elle s'offre à la contemplation esthétisante du public élitiste. Et la loi gabonaise semble plus s'intéressée à ces parcs nationaux qu'à la politique faunique dans son ensemble et sur toute l'étendue du territoire.

2 - 2 Parcs nationaux, nouvelles forêts sacrées

Le second aspect de notre objectif vise à démontrer l'évolution progressive de nos forêts. Il s'agit ici de voir le nouveau mode de gestion des forêts gabonaises à travers les parcs nationaux.

Pour comprendre cette évolution ou le mode de gestion dont nous parlons, nous sommes tenus d'abord de faire un retour sur les sociétés dites traditionnelles. C'est une assimilation que nous ferrons ici. En effet, les parcs nationaux semblent s'assimiler aux forêts sacrées des sociétés dites traditionnelles. La forêt sacrée est un sanctuaire qui appartient à une communauté qu'à un clan. La forêt est fermée au public. Elle est gérée par un chef de clan qui dicte la conduite à tenir. L'exploitation est assurée par les membres du clan qui peuvent prélever un certain nombre de produits entrant dans l'alimentation, la pharmacopée ou la construction. Dans ces forêts aux superficies réduites, existent des zones ouvertes au clan et des zones réservées aux seuls responsables du clan détenteur d'un certain pouvoir. Il est interdit de faire des plantations sur brûlis. L'usage de la biodiversité qui s'y trouve n'est pas désordonné. Il respecte les règles de la régénération. Les pratiques cycliques, de manière générale, relèvent d'une stratégie de la production qui non seulement tient compte du respect des cycles naturels de la reproduction du sol, y compris des règles de restauration biologique de la femme après un accouchement, de restauration sociale et se conforme surtout à une loi générale de la démarche des hommes du Gabon sous forme de mise en jachère pour une exploitation nouvelle. C'est ainsi que la chasse, activité masculine par excellence, se pratique toute l'année. Elle donne lieu à des pratiques diverses. Ces pratiques sont cycliques et chacune d'elles occupent un moment précis de l'année.

Cet aspect de notre objectif nous amène à nous inscrire dans la logique de « campement » de Jean- Emile Mbot37(*). Le plus intéressant est sa décomposition en campement provisoire et le campement permanent, où le provisoire devient permanent. Nous allons lui emprunter les concepts de « provisoire » et de « permanent ». Car les pratiques cycliques énoncées plus haut aboutissent à une mise en jachère provisoire pour une exploitation nouvelle. Mais l'évolution actuelle nous présente des parcs nationaux qui, sur le plan formel, peuvent être assimilés aux forêts sacrées. Dans ces parcs, le seul usage possible est le loisir. Il n'y a donc pas véritablement de prélèvement dans ces espaces. Nous passons donc à une mise en jachère permanente avec des conséquences éventuelles. Nous arrivons au niveau où les espèces fauniques spécifiquement dépasseront la capacité moyenne que ces parcs pourront contenir en espèces. Un déplacement de ces espèces sera fréquent, attirant ainsi l'attention des chasseurs.

Tout chasseur devient un braconnier lorsqu'il enfreint les limites reconnues par la société à travers la législation en vigueur, en deçà de ces limites il reste chasseur, au-delà il devient braconnier. L'usage de ce concept ne nous sera pas fréquent. Nous utiliserons beaucoup plus celui de chasseur. Notre optique ici tend vers l'évaluation ou l'estimation de la pression que ces parcs nationaux vivront. Il faut d'abord rappeler que ces parcs reçoivent de nos jours la visite des chasseurs. En ce moment ce phénomène dénommé braconnage n'a pas une fréquence aussi inquiétante. Voilà pourquoi la politique générale sur la faune tenant compte de la mesure de tous les phénomènes y afférent s'impose, au lieu d'une politique des parcs nationaux, oubliant l'autre grande partie de la forêt. La chasse pratiquée dans cette forêt n'est pas réglementée. Elle est abusive. Et si nous constatons la raréfaction de certaines espèces, l'abus est l'une des causes de cet état de chose. Une raréfaction accentuée amènera les chasseurs à agresser les parcs nationaux. Il faut tout de même reconnaître que les prélèvements actuels sont importants et non négligeables. Ces parcs seront, avec leur mise en jachère permanente, des réservoirs de la diversité biologique. Ils connaîtront à cet effet un déplacement massif des populations animales et une pression forte des chasseurs. A long terme, la gestion rationnelle de la faune évidente à travers les parcs nationaux connaîtra des problèmes si la mesure de tous les phénomènes n'est pas prise en compte. Cela démontre de l'importance de tous les comportements ou des usages afférents à la faune, ne négliger aucun au détriment de l'autre.

Au terme de notre étude sur la question de la commercialisation du gibier au Gabon, nous sommes parvenue à certains résultats, et nous avons souligné que l'interrogation fondamentale ainsi abordée est un réel problème de société.

Du fait de toute sa complexité, nous n'avons pas eu la prétention d'avoir épuisé toute la question. Elle est complexe parce qu'elle fait intervenir plusieurs paramètres notamment écologique, économique, politique et socioculturel. Elle est complexe également parce qu'elle soulève des enjeux socio- politiques.

En matière de biodiversité, la situation la plus préoccupante est celle de la faune mammalienne. Si des extinctions n'ont pas encore été observées, au cours des dix dernières années, la pression sans cesse croissante des activités cynégétiques, entretenues par la demande urbaine de viande de brousse, a provoqué sinon la contraction des aires de répartition, du moins la raréfaction d'un nombre important d'espèces auparavant très communes. Cette évolution représente une menace sérieuse pour la biodiversité.

Toutefois, le secteur viande de brousse, avec « 10 000 actifs, 17 milles tonnes, soit un peu plus de 40% de la consommation gabonaise annuelle de viande, pour un chiffre de 20 milliards de F CFA, ne peut être considéré comme un épiphénomène »38(*). Par son poids économique et social, c'est une activité à part entière. Elle permet de réduire de 40% les importations de viande et de réaliser des économies substantielles de devises, dans un pays dont les perspectives de développement de l'élevage sont plutôt médiocres. Elle occupe un nombre considérable d'actifs désoeuvrés, que les estimations du PNAE (Plan National d'Action pour l'Environnement) situent à environ 10% de la main d'oeuvre salariée du secteur formel.

L'enjeu est donc, à court terme, de desserrer l'étau des activités cynégétiques et d'assurer la durabilité du secteur viande de brousse, et à moyen terme, de promouvoir une mise en valeur durable de la faune sauvage, qui génère des avantages économiques supérieurs aux formes traditionnelles d'exploitation de cette ressource.

Aussi est-il préconisé de passer d'une politique exclusivement répressive, limitée à l'interdiction de la chasse, à la protection réglementaire de quelques espèces charismatiques ou menacée et à la gestion de quelques aires protégées, à une politique globale de gestion durable du patrimoine faunique. L'objectif est de maintenir la productivité des écosystèmes en viande de brousse pour faire face à la demande, d'une part, et, d'autre part, de faciliter le repeuplement des espèces menacées afin de préserver la diversité biologique. L'entretien des deux secteurs (secteur du tourisme et secteur de la viande de brousse) profitera au Gabon. Le phénomène de la commercialisation du gibier pose également la question de la formalisation d'un secteur considéré comme informel comme celui de la viande de brousse. C'est grâce à cette reconnaissance, la gestion durable et efficiente sera possible et garantie. Dans le contexte socio-économique actuel, les populations exerçant cette activité ne sauront pas mesurer les quantités d'espèces qu'il faut pour une gestion durable.

Par ailleurs, il nous sera bon d'envisager la culture de très haut, afin d'embrasser ses manifestations les plus diverses. Il s'agit évidement de cette totalité où entrent plusieurs paramètres notamment les idées et les arts, les croyances et les coutumes... Que l'on envisage une culture complexe très évoluée ou bien au contraire une culture bien simple, nous avons affaire à un vaste appareil, pour une part matériel, pour une part humain, et pour une autre part spirituel, qui permet à l'homme d'affronter les problèmes concrets et précis qui se posent à lui. La commercialisation met effectivement en évidence deux cultures ou deux faits de cultures différentes. C'est un conflit qui oppose, d'une part, la consommation de la viande de brousse comme fait culturel gabonais et, d'autre part, la consommation contemplative ou du moins touristique comme fait culturel occidental. La représentation ou l'appréciation de la faune diffère selon que l'on est dans l'une des cultures. Et cela pose, depuis l'urbanisation des villes gabonaises, un véritable contentieux entre les deux types de population.

* 1Patrick Houben et al, » L'élevage de gibier, une alternative de gestion de la faune et de satisfaction de la consommation traditionnelle de gibier » in Revue gabonaise des sciences de l'Homme : les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes au Gabon, N°5, Libreville, PUG, 2004, p 78.

* 2Bernard VALADE, Introduction aux sciences sociales, Paris, PUF, 1996, p 497

* 3Bernard VALADE op. Cit. p 497

* 4Ludovic Mba Ndzeng -«  Les formes de gestion de l'écosystème du village Mbenga ( Woleu-Ntem) » in Revue gabonaise des sciences de l'homme : les formes traditionnelles des écosystèmes au Gabon, N°5 Libreville, PUG, 2004, p174.

* 5 Patrick Houben et al, op. Cit. p78

* 6 Roland Pourtier - « La chasse » in Le Gabon : espace - histoire - société, Paris, L'Harmattan, tome 1, 1992, p.

* 7 Henri- Paul Bourobou Bourobou, Inventaire de la biodiversité in Atelier National d'Action Forestier Tropical du Gabon : gestion durable des écosystèmes forestiers du Gabon, Libreville, Cellule Nationale de coordination du PAFT- Gabon, 1998, p.36

* 8 Lee White, Exploitation forestière et gestion de la faune au Gabon Canopée, n°11, Libreville, Multipress, 1998, p.13

* 9 Marius Indjieley, La consommation de la viande de brousse par les librevilois : une forme de relation entre les populations rurales et les populations urbaines in Atelier National du Programme d'Action forestier Tropical du Gabon, Libreville, Cellule Nationale de Coordination du PAFT- Gabon, 1998, p.

* 10 Ministère du Tourisme, de l'Environnement et de la Protection de la nature, Plan National d'Action pour l'Environnement, Libreville, Cellule de coordination du PNAE, 1999, p.46

* 11 Cité par le Ministère du Tourisme, de l'Environnement et de la Protection de la nature, Plan National d'Action pour l'Environnement, Libreville, cellule de coordination du PNAE, 1999, p.43.

* 12 Entretien réalisé, le 21/03/2005 à 15h45 avec Ondo Edou Théophile chez lui à Mont Bouet, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 13 Entretien réalisé, le 24/03/2005 à 11h12 avec Ondo Ndong Ferdinand chez lui à Mont Bouet, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 14 Entretien réalisé, le 12/03/2005 à 13h30 avec Mengue Clémentine au marché de Mont Bouet, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 15 Entretien réalisé, le 12/03/05 à 14h30 avec Chantal Bilogho au marché de Mont Bouet, par l'étudiant Georgin Mbeng Ndemezogo.

* 16 Entretien réalisé, le 17/03/2005 à 11h25 avec Evourou Didine chez elle à Likouala, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 17 Entretien réalisé, le 02/11/05 à 11h40 avec Marie Gibier dans son restaurant sise à l'avenue de Cointet, par l'étudiant Georgin Mbeng Ndemezogo

* 18 Entretien réalisé, le 14/03/2005 à 15h25 avec Idiata Jocelyn à Sotéga, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 19 Entretien réalisé, le 14/03/2005 à 18h20 avec Akome Zogho Jean à Mont Bouet, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 20 Entretien réalisé, le23/02/2005 à 9h30 avec BivingouAbdon à son bureau sise à la direction de la Faune et de la Chasse à STFO, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 21 Entretien réalisé, le 25/02/2005 à 9h30 avec Ndong Ondo Saint-Yves à son bureau sise à la direction de la Faune et de la Chasse à STFO, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 22 Wilfried Bongoatsi- Eckata, Ebwemà : «  il est allé tuer ». Le phénomène cynégétique et sa dynamique dans la société hongwe (Gabon), Libreville, uob, 2001, p96

* 23 Joseph Ambouroué Avaro, Un peuple gabonais à l'aube de la colonisation : le bas ogowe au 19 siècle, paris, Karthala- Centre de Recherches africaines, 1981, p182

* 24 Entretien réalisé le 21/03/2005 à 15h45 avec Ondo Edou Théophile chez lui à Mont- Bouet par l'étudiant Georgin Mbeng Ndemezogo

* 25 Vincent Le Beau Nézon Ndong Edzang, La dynamique des techniques de piège chez les Ntumu de Mba'a Essangui, Libreville, FLSH, 2001, p25

* 26 Serge Bahuchet, Dans la forêt d'Afrique centrale : les pygmées Aka et Baka, Paris, Peeters- Selaf, 1992, p168

* 27 J. Vansina, « Esquisse historique de l'agriculture en milieu forestier (Afrique équatoriale) » in Muntu, N°2 Libreville, CICIBA, pp5-34

* 28Ludovic Mba Ndzeng -  Les formes de gestion de l'écosystème du village Mbenga (Woleu-Ntem) ,in Revue gabonaise des sciences de l'homme : les formes traditionnelles des écosystèmes au Gabon, N°5 Libreville, PUG, 2004, p174.

* 29 Elisabeth A. Steel, Etude sur le volume et la valeur du commerce de la viande de brousse au Gabon, Libreville, WWF, 1994, pp 67-68

* 30Entretien réalisé, le 17/03/2005 à 11h25 avec Evourou Didine chez elle à Likouala, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 31 Jean- Marie Chevalier, Introduction à l'analyse économique, Paris, La découverte, p.119

* 32 Auguste Ndouna Ango, Eléonore Ada Ntoutoume, « Utilisation des produits forestiers non- ligneux (PFNL) dans le cadre de la gestion forestière durable » in Le flamboyant, Paris, Réseau International Arbres Tropicaux, n °, 2002, p38.

* 33 Ministère du tourisme, de l'environnement et de la protection de la nature, Plan National d'Action pour l'Environnement : l'état du Gabon au seuil des années 2000, Libreville, Cellule de Coordination du PNAE, 1999, p.34

* 34 Emile Manfoumbi Kombila (1999) - La direction de la faune et de la chasse, Libreville, Ministère des eaux et forêts, de la pêche, du reboisement, p.8

* 35Emile Manfoumbi Kombila, op. cit. p8

* 36 Bernard Kalaora, Au-delà de la nature l'environnement, Paris, L'Harmattan, 1998, p11

* 37 Jean- Emile Mbot, « Le campement comme mode de gestion de l'environnement » in Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme : les formes traditionnelles de gestion de l'écosystème, Libreville, PUG, 2004, p180.

* 38 Ministère du Tourisme, de l'Environnement et de la Protection de la nature, Plan National d'Action pour l'Environnement, Libreville, cellule de coordination du PNAE, 1999, pp184-185






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