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Effets des interactions entre pairs dans l'expression de la théorie de l'esprit chez des enfants de cinq ans

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par Alexandre HIRSCH
IED Paris 8 - Master 1 psychologie du developpement et de l'éducation 2006
  

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2. Le rôle des interactions entre pairs pour les apprentissages

Les apprentissages réalisés par les enfants dépendent du développement de l'organisme en interaction avec de multiples facteurs. En effet, selon l'approche piagétienne, certains apprentissages sont impossibles avant que les structures impliquées ne soient suffisamment développées (Baudier et Celeste, 2002).

Cependant le développement n'est pas exclusivement de nature maturationnelle. Les interactions de tutelles avec les adultes où les interactions entre pairs jouent également un rôle primordial au cours du développement de l'enfant. Ainsi lorsque le développement organique est suffisant la richesse des interactions permet de favoriser les apprentissages.

2 .1 Les interactions de tutelle avec l'adulte

Les nourrissons présentent des compétences précoces, voire innées, mais qui sont nécessairement relayées par des interactions avec leur environnement. Les interactions se mettent en place dès la naissance par les contacts visuels avec la mère et les soins portés au nourrisson. Winnicott (1992) décrit ces premiers contacts mère-enfant par les termes de « holding » et de « handling ». La façon dont la mère porte et soigne son enfant joue un rôle important dans les relations que l'enfant entretiendra avec le monde par la suite.

Dans la continuité, l'intersubjectivité primaire puis secondaire définie par Trevarthen (2003) décrit l'évolution et la complexification des interactions entre l'enfant et la mère. Dans un premier temps, lors de l'intersubjectivité primaire, l'enfant et sa mère établissent une relation principalement visuelle organisée autour des états émotionnels sans laisser de place aux éléments de l'environnement. Par la suite, à partir de huit ou neuf mois, l'attention peut s'appuyer sur la désignation et l'observation d'un objet. L'intersubjectivité secondaire marque donc le passage d'une relation dyadique vers une relation triadique au cours de laquelle le regard du nourrisson peut passer successivement de sa mère à un objet qu'ils observent ensemble. L'attitude d'un bébé vis-à-vis d'un objet présenté par les parents dépend en grande partie de l'expression des parents lors de la présentation de cet objet (Bradmetz, 1999). Ces interactions constituent un outil important pour la délimitation des limites corporelles et la mise en place des relations avec autrui chez le nourrisson. La délimitation des frontières du corps étant indispensable à l'acquisition d'une théorie de l'esprit.

Les travaux de Bruner (1983) soulignent également l'importance des relations entre la mère et l'enfant pour le développement de nombreuses fonctions comme le langage. La mise en place de jeux précoces entre la mère et l'enfant comme le jeu du « coucou » au cours duquel la mère cache et découvre son visage puis celui de l'enfant occupe une place centrale. Ce jeu développe des routines ou des scripts qui préfigurent les tours de parole du langage. Cette activité souligne le rôle de la mère qui dans les premiers temps adapte ses comportements et ses productions verbales aux comportements du bébé afin d'assurer le maintien et la régulation de la relation de communication. Par la suite l'enfant devient progressivement sensible à l'existence de règles du jeu. Il participe plus activement au déroulement des échanges et devient même capable d'exercer un contrôle sur les échanges en modifiant les règles par exemple (Bruner, 1983).

Au-delà de l'apprentissage de règles, l'utilisation de ces routines liées au jeu peut permettre à l'enfant de commencer à situer une limite entre le réel et le faire semblant. De même, l'anticipation des comportements peut aider l'enfant à percevoir les états mentaux de son compagnon de jeu et sa propre activité mentale (Baudier, 2002).

Le rôle de l'adulte est primordial dans l'étayage de l'enfant pour la résolution de problèmes. Bruner emprunte à la linguistique l'expression suivante : « la compréhension de la solution doit précéder sa production ». L'adulte connaissant la réponse va pouvoir expliquer la démarche qui permettra à l'enfant d'arriver à la solution. Il guidera également les tentatives de l'enfant jusqu'à la réussite par la construction de « formats » qui encadrent les actions des enfants (Bruner, 1983). L'adulte va ainsi limiter la distraction de l'enfant en maintenant son attention centrée sur le problème à résoudre. Il assure une convergence constante entre son attention et celle de l'enfant au cours de l'interaction. L'adulte va également fournir des moyens pour résoudre le problème en orientant les activités de l'enfant lorsque le but à atteindre ou les moyens à utiliser ne sont pas bien identifiés. Afin de limiter la difficulté de la tâche, l'adulte propose des problèmes pour lesquels l'enfant possède les outils nécessaires à sa résolution même s'il est incapable de le résoudre seul. L'adulte va par conséquent mettre l'enfant en situation de réussite face à de nouvelles tâches de difficulté croissante.

2.2 Vygotsky et la zone de développement prochain

La théorie historico-culturelle développée par Vygotsky a permis de mieux rendre compte de l'influence des interactions sociales sur le développement de l'individu. Il part d'un constat simple : les propriétés organiques ou biologiques de l'espèce humaine n'ont pas ou peu évolué depuis plusieurs centaines de milliers d'années. L'évolution de l'espèce humaine est donc avant tout liée aux interactions sociales au sein des différentes cultures. En partant de ce postulat, l'acquisition de nombreux concepts au cours de l'ontogenèse ne peut s'expliquer qu'en replaçant le développement de l'enfant dans le cadre du développement des sociétés humaines. Les règles qui régissent l'emploi des outils dans différents domaines d'action sont données à travers un code social qui constitue la pratique d'une culture.

Vygotsky développe plusieurs concepts au sein de sa théorie afin d'expliquer le développement de l'enfant au cours des apprentissages. Il introduit le terme d'outils psychologiques qui permettent à l'enfant d'opérer sur ses propres représentations en les recombinant en fonction des buts qu'il s'assigne. Le développement de l'enfant va donc nécessairement être associé à une modification de ses outils psychologiques. L'acquisition de nouveaux outils psychologiques permet une transformation des conduites et ainsi une meilleure adaptation aux problèmes auxquels l'enfant est confronté.

Les apprentissages ne se font cependant pas sans condition. Toutes les interactions ne sont donc pas à l'origine d'un apprentissage. L'interaction est favorable aux apprentissages lorsque les informations fournies par l'adulte ou par l'enfant en interaction sont intelligibles pour l'enfant de niveau de développement le plus bas. Au cours de ces interactions, les enfants de niveau inférieur sont capables de réussir des problèmes qu'ils ne pourraient résoudre seuls. Vygotsky vient ainsi à définir la zone de développement prochain (ZPD) comme « la distance entre le niveau de développement actuel tel qu'on peut le déterminer à travers la façon dont l'enfant résout des problèmes seuls et le niveau de développement tel qu'on peut le déterminer à travers la façon dont l'enfant résout des problèmes lorsqu'il est assisté par l'adulte ou avec d'autres enfants d'un niveau plus avancé » (Vygotsky, 1978 in Bruner, 1983). Les interactions sont donc à l'origine d'apprentissages lorsqu'elles se déroulent dans la zone de développement prochain.

Cette zone de développement prochain peut expliquer une corrélation connue entre la place de l'enfant dans la fratrie et l'âge moyen d'acquisition de la théorie de l'esprit : Les puînés des fratries accèdent à la théorie de l'esprit plus précocement que les enfants uniques ou les aînés de la fratrie. Les enfants légèrement plus âgés présents dans l'entourage proche influencent donc probablement l'acquisition de la théorie de l'esprit.

Vygotsky considère que « L'apprentissage humain présuppose une nature sociale et un processus par lequel les enfants grandissent dans la vie intellectuelle de ceux qui les entourent » (Vygotsky, 1978 in Bruner, 1983). Le langage et les activités des enfants plus âgés prennent en compte les états mentaux. Ainsi, au cours des interactions avec les aînés de la fratrie, les enfants plus jeunes participent à des jeux qui intègrent les états mentaux. Ce qui peut être à l'origine de la précocité relative de leur acquisition de la théorie de l'esprit.

L'étude du langage et en particulier de la forme de langage adoptée par les adultes qui s'adressent aux nourrissons et aux enfants indique qu'aux cours des interactions de tutelles, les adultes tendent à se placer spontanément dans la zone de développement prochain de l'enfant. Plusieurs modifications peuvent être observées dans les productions langagières adressées aux enfants comme l'accentuation des intonations qui vont faciliter la compréhension de la phrase ou la diminution de la longueur des phrases par exemple. En adoptant ce mode de communication, les adultes tentent de s'adapter au niveau de leur interlocuteur mais en se plaçant légèrement au dessus de ce que l'enfant est capable de produire seul. Malgré cette différence entre le niveau de langage de l'adulte et celui de l'enfant, l'enfant est capable de comprendre ces énoncés légèrement plus complexes que ceux qu'il peut produire seul. Cette capacité est parfaitement illustrée par la différence entre le vocabulaire compris par l'enfant et celui qu'il utilise. Le vocabulaire compris est bien plus riche que celui utilisé.

Le développement cognitif pour Vygotsky suit un cadre théorique précis pour lequel les apprentissages se font en deux temps. Tout d'abord au niveau social par les interactions de tutelles ou avec les pairs puis au niveau individuel.  « Chaque fonction psychologique apparaît deux fois au cours du développement de l'enfant : d'abord comme activité collective, sociale et donc comme fonction interpsychique puis elle intervient une seconde fois comme activité individuelle, comme propriété intérieure de la pensée de l'enfant comme fonction intrapsychique » (Vygotsky, 1933 ou 1934/1985 in Brossard, 2004). Nous intégrons, en les transformant, les conduites sociales mises en place avec autrui au cours des intéractions dans la zone de développement prochain. Ces nouvelles acquisitions permettront le développement de nouveaux concepts à partir des concepts préexistants chez l'enfant. Les apprentissages entraînent donc le développement qui peut être décrit comme une réélaboration des concepts antérieurs.

2.3 La place de l'imitation dans les apprentissages

Selon les dyades, les interactions ne sont pas équivalentes. Elles vont bien évidemment se complexifier et s'enrichir lorsque l'âge des enfants augmente. Mais au sein d'un même groupe d'âge les dynamiques interactives peuvent varier. Plusieurs type d'interactions ont été mises en évidence (Gilly, Fraisse et Roux, 1998 in Soidet, 2006). Les dynamiques les plus efficaces semblent être les confrontations contradictoires des idées au cours desquelles se met en place un conflit socio-cognitif. Les situations de co-construction de la réponse semblent elles aussi efficaces. Par contre les situations basées sur la domination sociale d'un des sujets ont été évaluées comme inefficaces.

Vis-à-vis de ces différentes situations, l'imitation possède un statut particulier. L'imitation rassemble sous un même terme des activités très différentes. L'imitation peut soit correspondre à une reproduction à l'identique de l'action ou de la réponse du tuteur, soir décrire une reprise de l'action du modèle mais en l'adaptant à la situation à laquelle le sujet est confronté. Cette seconde situation est la seule qui puisse être considérée comme l'acquisition d'un nouvel outil cognitif. Bruner compare ce type d'imitation à une paraphrase et préfère l'expression « apprentissage par observation » à celle d' «imitation » (Winnykamen, 1990).

Dans ce cas l'imitation peut être considérée comme une interaction implicite qui peut générer un conflit cognitif chez le tutoré. En observant ou en imitant les choix ou les actions du tuteur, le tutoré va assimiler ces actions et les comparer à celles qu'il a ou qu'il aurait planifié. Cette incohérence possible entre ses actions et celles du tuteur peut l'amener à modifier son mode de raisonnement. Cette modification n'est efficace que si la compréhension de l'origine de la différence permet une réélaboration cognitive. Quelques données expérimentales soutiennent ce rôle positif de l'imitation : Des progrès ont été observés chez des enfants de 5 ans pour des activités d'emboîtement de classe par simple observation d'un expert (Winnykamen, 1990).

L'imitation semble donc intervenir dans les acquisitions de nouveaux concepts conjointement au conflit sociocognitif ou à la coélaboration. Au-delà de ce rôle pour les apprentissages, l'imitation présente également un rôle important au niveau relationnel entre pairs.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld