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Solidarité et Logiques sociales du non-remboursement des prêts sociaux à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes)

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par Sédji Donald AKRE
Université de Cocody-Abidjan - Maitrise de Sociologie 2007
  

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PREMIERE PARTIE

CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

1- Problématique

L'avènement des coopératives en Afrique en général et en côte d'Ivoire en particulier remonte à l'époque coloniale. Ces champs sociaux seront redynamisés avec les indépendances (1960) pour donner naissance à un type nouveau de coopération.

Ainsi, ces structures ou entités sociales sont-elles des cadres d'expression de la solidarité. Leur caractère associationiste, laisse transparaître aisément des rapports sociaux de dépendance mutuelle, d'entraide, de liens sociaux de fraternité et de sociabilité. Car, en réalité, « coopérer », c'est opérer ensemble, agir conjointement avec quelqu'un d'autre, joindre ses efforts pour un but commun. La coopération se réalise lorsque des communications, des interactions sociales entre personnes ou entre groupes permettent, par association des activités de chacun , de se prêter de l'aide en vue d'un résultat supérieur à ce que pourrait être la somme des réalisations individuelles.

Sous ce rapport, » dans leur fonctionnement, ces structures coopératives paraissent encore largement marquées par la primauté du groupe sur l'individu, observation essentiellement attestée, de nos jours par la survivance et l'importance de la famille élargie dans l'organisation sociale des populations rurales de la majorité des pays africains.

Elles favorisent la conscience de l'intérêt communautaire au détriment de l'égoïsme lié à l'évolution des intérêts individuels et particularistes » (Georges Kenkou, 1994)2(*).

Empiriquement, ces liens sociaux se traduisent au travers des cérémonies de récompense aux membres, des rituels, l'assistance matérielle et financière aux collectifs sociaux...C'est ainsi que « l'expression des groupements ou organisations paysannes révèle l'existence d'une grande diversité des formes de compensations, définies selon les principaux types de contreparties requises pour la participation des populations visées. Les modes de contreparties les plus adoptés sont les suivants : Fêtes et cérémonies de réceptions diverses, emprunts financiers remboursables auprès des institutions mais aussi et surtout des prêts sociaux octroyés aux membres qui demeure en difficultés sociales » (Georges Kenkou, 1994). Car, la solidarité se définissant comme étant l'existence de liens sociaux se manifestant par des comportements de coopération réciproque entre les membres d'un groupe ; elle s'assimile à une relation d'interdépendance entre des personnes ayant la conscience de partager les mêmes intérêts ou d'appartenir à une même communauté (Yao, Gnabeli R, 1998 : 27)3(*) ; enfin elle est appréhendée comme étant l'existence de liens qui unissent les membres dans un groupe donné (Durkheim (E)4(*). Ainsi, les liens sociaux sont des formes qui tiennent les individus à des groupes sociaux et à la société, qui leur permettent de se socialiser, de s'intégrer à la société et d'en tirer les éléments de son identité. En clair, par lien social, il faut entendre la diversité des types de relations qui unissent les membres d'une collectivité. Sous ce rapport, le champ coopératif revêt dans son fonctionnement toutes ces caractéristiques, c'est-à-dire l'esprit d'appartenance à un groupe, l'assistance mutuelle, les aides symboliques, matérielles et idéologiques.

Toutefois, dans le fonctionnement de ces structures, il est donné de constater ces dernières années l'introduction de dysfonctions au niveau de leur pratique de solidarité. Il s'agit en grande partie à faire des demandes de prêts sociaux au sein de ces entreprises et de ne plus s'accorder à les rembourser.

Sous ce rapport, ces pratiques viennent entacher le fonctionnement de cette solidarité, le maintien de la cohésion sociale et l'esprit d'appartenance aux groupes.

Ce constat se traduit également à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), notre champ d'étude créé exactement le 29 juin 2003  au cours d'une assemblée générale tenue par l'ensemble des planteurs ou agriculteurs autochtones Ebriés du village de songon M'Brathé, conformément à la loi n° 97-721 du 23 décembre 1997,portant statut de la coopération, et du décret n° 98-257 du 3 juin 1998, portant application de ladite loi5(*), coopérative dont le ressort territorial couvre l'aire géographique de la région de songon.

Ainsi, dans le souci de manifester sa solidarité et son assistance à ses membres, maintenir l'esprit d'appartenance au groupe et la production d'une cohésion, la coopérative a décidé de commun accord avec ses sociétaires d'instaurer un système de prêts sociaux internes, gérés et octroyés par la coopérative, fonds sociaux nés des prélèvements faits à chaque coopérateur sur la production au kilogramme. Cependant, il est à mentionner que face à cet état de fait, les adhérents de la cophes demandeurs de prêts sociaux développent des pratiques contradictoires aux principes de fonctionnement de cette solidarité : Ces acteurs sociaux sont engagés pour la plupart dans une logique de non-remboursement de ces prêts sociaux. C'est d'ailleurs cette situation de non-remboursement de ces prêts qui a engendré leur suppression .

Au total, notre problématique s'articulera autour de l'interrogation suivante :

Quels sont les déterminants sociaux du non remboursement de ces prêts ?

Afin de saisir les déterminants sociaux d'un tel phénomène, il serait intéressant d'interroger d'abord les logiques institutionnelles d'octroi de ces prêts ; d'où la question de savoir, quelles sont les logiques institutionnelles régulatrices de ces prêts ?

Chercher à appréhender les logiques sociales du non-remboursement des prêts sociaux surtout dans un contexte de solidarité ne saurait exclure les dimensions structurelles, idéologiques et symboliques susceptibles d'orienter la perception des acteurs sociaux à l'égard du phénomène coopératif et des prêts sociaux, d'où la question :

Quelles sont les représentations sociales des coopérateurs associées au phénomène coopératif et au système de prêts sociaux ?

Etant donné que nous sommes dans un groupement associationniste et que la caractéristique des groupements humains ne se lit que sous l'angle des relations sociales, des rapports sociaux entre les collectifs sociaux, étudier le non-remboursement revient à saisir la nature des rapports sociaux que les membres de la cophes entretiennent entre eux ; d'où la question :

Quels sont les rapports sociaux que les membres de la cophes entretiennent-ils entre eux ?

Aussi, s'interroger sur le comportement des acteurs sociaux ne saurait faire l'économie de les replacer dans leur contexte social, leur environnement social ; cela nous conduit à poser la question de savoir, quels sont les rapports sociaux qu'ils entretiennent avec les institutions traditionnelles et modernes ?

Enfin, le comportement d'un acteur social ou des acteurs sociaux au sein d'un champ social révélant un mobile caché derrière l'action, il serait intéressant de nous interroger de savoir ; Quels sont les enjeux du non-remboursement de ces prêts sociaux ?

2- La revue critique de la littérature

Dans la recherche documentaire, il n'y a pas de contact immédiat entre l'observateur et la réalité sociale. C'est une observation médiatisée par les documents. Ce fait constitue une source d'information sur les phénomènes sociaux. Cette étape de la construction théorique de l'étude est une phase très importante dans la mesure où elle nous permettra de faire l'état des connaissances sur le phénomène à étudier afin de voir comment les écrits antérieurs ont abordé cette question, sous quel angle ; c'est donc à cette seule condition que nous pourrons orienter la nôtre autrement.

Ainsi, notre revue de la littérature comportera deux rubriques à savoir les études sur la solidarité et celles sur les coopératives. Néanmoins, dans la rubrique « Etudes sur la solidarité » nous aurons deux volets :

Les études sur la solidarité dans les entreprises et dans les organisations de type communautaires.

En ce qui est de la deuxième rubrique, c'est-à-dire « les études sur les coopératives », elle s'articulera autour de deux axes également.

La solidarité dans les entreprises

Yao Gnabeli R. (1992)6(*), dans son étude sur l'impact de la solidarité et des pratiques funéraires sur les entreprises modernes, a mis en évidence l'influence des pratiques culturelles (solidarité, funérailles) africaines sur un modèle occidental (entreprise) de type capitaliste. En effet, à travers son étude, l'auteur a cherché à comprendre le sens que prend la « transplantation » des pratiques culturelles au sein d'une institution pensée et fabriquée de toutes pièces en dehors du contexte africaniste.

Cette étude nous a permis de voir la cohabitation de deux cultures opposées idéologiquement. (L'africanité et l'occidentalité) qui constituent à première vu un choc culturel. Mais au-delà de ce aspect, il apparaît intéressant de mentionner le mérite qu'a eu l'auteur en focalisant son étude sur cette dimension qui rend compte de la contrainte que présente le culturel sur les institutions de types modernistes. Cependant son étude présente une insuffisance dans la mesure où elle se trouve engagée dans un débat purement culturel et aussi, elle ne nous permet pas de répondre à notre problème de recherche.

Le même auteur, Yao Gnabeli R.(1998)7(*),dans sa thèse, a cette fois-ci abordé le même aspect mais en poussant son analyse pour comprendre le sens caché d'une telle cohabitation des deux entités qui superficiellement présentent des antinomies.

Et l'auteur à la matière s'est bien illustré dans la mesure où il a pu mettre en évidence le fait que l'instauration au sein des entreprises de la solidarité par l'entremise des caisses dites de « solidarité » initiées la plupart du temps par les travailleurs, encouragées et aussi financées en partie par les employeurs ; codirigées par les employeurs et employés ou par les employeurs dans certaines mesures, ne saurait constituer une entrave au fonctionnement de l'entreprise moderne. En effet,la préoccupation de l'auteur,était de comprendre le fait que l'institution capitaliste de type occidental (l'entreprise), c'est-à-dire créée hors du contexte africain et qui est logiquement poussée par la recherche effrénée du profit,puisse accepter d'intégrer la gestion des contraintes d'ordre culturel que représentent la solidarité et les funérailles au sein de leurs organisations quand l'on sait que cela mobilise le capital économique de l'entreprise hormis le salaire que les producteurs directs percevront.

En définitive, à travers l'étude menée par Yao Gnabeli R,il apparaît comme une tentative de conciliation de deux cultures structurellement, symboliquement et idéologiquement opposées. Toutefois,en dépit de son importance,cette étude n'appréhende pas à l'image de la première la question du non remboursement des prêts qui constitue notre problème de recherche.

Gabriel Gagnon (1992)8(*) dans son analyse sur "les nouvelles formes de solidarité dans le monde du travail", met en évidence la naissance et l'évolution d'une forme nouvelle de sociabilité organisée résolument par les travailleurs, les ouvriers,en marge du cadre de travail. C'est en fait un procès que l'auteur fait des sociétés communistes de l'Est et la social-démocratie nordique. Et toute sa pensée est traduite dans l'assertion suivante : « Aucune société moderne, en effet, ne peut se développer sans formes de solidarité pour servir de lien entre l'individu, la famille et l'Etat. Pourtant,alors que les sociétés communistes de l'Est et la social-démocratie nordique prétendaient nous offrir un modèle achevé de solidarité à proposer aux foules de l'Ouest et de masse affamées du Sud, leur évolution récente nous amène à tout remettre en question ».

Gabriel Gagnon, plus loin dans son article, va se faire plus précis quand il cite l'ethno-sociologue Pierre Bouvier, montre bien « comment la génération d'après-guerre, déçue de la croissance, allergique au travail, préférant les pratiques alternatives où les valeurs d'usage et le troc, l'emportent sur les normes du travail salarié, a été remplacée, depuis 1986 environ  par des individus pour qui le travail n'apparaît donc plus,aux jeunes générations des pays industrialisés,comme une réalité hétéronome en régression à laquelle on devrait sacrifier une partie de moins en moins importante de son temps tout en développant, ailleurs et autrement, dans les sphères de la culture et du cadre de vie, des pratiques autonomes et émancipatoires ».Ce résumé assez « long » de l'étude de Gabriel Gagnon, est une étude assez enrichissante et intéressante car,elle a su mettre en évidence le besoin pour l'espèce humaine qu'elle soit salariée ou non, d'extérioriser sa véritable nature d'être sociable qui se sent dans l'obligation d'exprimer sa solidarité en toutes circonstances de lieux comme l'affirmation de cette riche dimension humaine.

Laurent Bazin et Yao Gnabeli R. (1996)9(*) dans leur rapport font l'état des lieux sur les dépenses consenties par les entreprises ou les employeurs au profit de l'entretien social de leurs partenaires sociaux que sont les ouvriers, les travailleurs ou les producteurs directs.

En effet, ces deux acteurs, dans leur étude ont dressé un tableau des dépenses des entreprises pour le bien-être de leurs employés ; et c'est l'ensemble de ces dépenses qu'ils ont qualifiés de « dépenses sociales » En clair, pour eux,ce sont la mise en place de la politique du personnel, la politique d'aide au logement, les prêts solaires,les caisses d'entraide qui constituent cette typologie des dépenses sociales ;car, en réalité,ces dépenses consenties par les entreprises apparaissent de nos jours comme une contrainte pour le patronat.

Pour nous résumer, nous pourrons dire que cette étude comme celle de Gnabeli Yao R. (1998) soulignent d'un trait la même réalité : L'appropriation sinon la récupération des formes de sociabilités et leur intégration dans la gestion de l'entreprise moderne caractérisée par la recherche maximale du profit et de la rentabilité. Toutes ces études nous ont permis de mesurer la contrainte que représentent les pesanteurs socio-culturelles sur l'entreprise moderne, mais elles ne répondent pas à notre problème de recherche bien qu'elles traitent de la solidarité.

Les études sur la solidarité dans les organisations communautaires

Fatou Sarr (1997)10(*), dans sa thèse de doctorat, a montré comment les femmes issues du secteur informel et parties de presque rien, ont réussi, en mobilisant les logiques d'organisations traditionnelles, à développer des activités qui leur ont permis, non seulement de résoudre leurs problèmes socio-économiques, mais aussi de renforcer leur statut et d'accroître leur pouvoir au sein de la famille et de la communauté. Elle a donc montré comment la production de la solidarité a été l'élément décisif de cette réussite. C'est en effet, grâce à la destruction des structures lignagères en milieu urbain et à la production de solidarités nouvelles que les femmes ont obtenu une plus grande autonomie. Exclues dans leur majorité du crédit bancaire, leurs organisations leur ont permis d'obtenir leur indépendance économique. Cela a entraîné des mutations dans les rapports sociaux au sein de la famille, mais aussi des mutations dans les rapports avec le religieux et le politique.

L'apport de cette recherche se situe au niveau de l'innovation de l'objet de recherche qui ouvre des perspectives de décloisonnement du champ de la recherche en travail social ; car en termes d'intervention, elle démontre la pertinence de passer par, l'économique pour assurer une meilleure participation des pauvres, qui s'appuient sur la réciprocité positive.

Cependant, originale et pertinente qu'elle soit, cette, étude présente une insuffisance dans la mesure où elle s'est profondément engagée dans un débat ou une approche du genre, et cela apparaît comme un travail assez révolutionnaire,car présentant une image trop victimisante de la femme africaine.

Georges Kossi Kenkou (1994)11(*) fait une sérieuse analyse sur les organisations rurales de promotion coopératives. Il postule que ces organisations rurales sont antinomiques aux objectifs de leurs structures d'encadrement et leurs promoteurs. Et toute sa pensée se résume en ceci : « une analyse structurelle de l'organisation interne des groupements ruraux installés par les opérateurs de développement met en évidence l'existence des statuts et des règlements intérieurs, soucieux d'une gestion financière efficace, dans des associations à caractère économique, et préoccupés de l'harmonie sociale dans le cas des associations d'intérêt communautaire.

L'analyse fait ressortir l'absence ou l'insuffisance d'un système de compensation adapté aux préoccupations profondes des participants. Elle permet de constater que l'on sous-estime généralement dans ces groupements le fait que toute organisation coopérative tend à poursuivre des objectifs à la fois économiques et sociaux. L'un des objectifs peut être prédominant, sans pour autant faire disparaître completement les autres. Les expériences de promotion des structures coopératives en Afrique révèlent que l'accent est mis davantage sur l'objectif social ou communautaire, au détriment de l'objectif économique, associé à la recherche de privilèges immédiats résultant d'une appartenance effective à une structure associative définie.

Cet exposé si long qu'il paraisse est d'une extrême importance dans la mesure où il a pu permettre de saisir globalement la pensée de l'auteur qui met à nu le caractère trop communautariste lié à la production des solidarités dans ces organisations communautaires de promotion coopérative. Ainsi, pour Georges Kossi Kenkou, c'est la surproduction des pratiques de solidarité dans ces organisations qui explique leur inefficacité et souvent même leur échec.

Cependant, l'auteur semble ignorer le fait que le phénomène qu'il décrit est le propre du continent africain où la production des normes de sociabilité et des formes de compensations sont les valeurs les mieux partagées. Son regard est trop occidentaliste.

Le même auteur, dans son étude, mentionne un fait qui suscite notre curiosité dans la mesure où il représente même l'objet de notre présente étude : c'est le phénomène de l'existence des systèmes de prêts internes à ces organisations en vue de venir en aide à leurs membres en difficultés sociales.

En effet, pour l'auteur, l'existence de ces formes de sociabilité au sein des organisations coopératives s'inscrit dans les stratégies d'entente et de solidarité de type coutumier qui privilégient les relations personnalisées beaucoup plus que les relations interpersonnelles.

En dépit de son intérêt, cette approche présente des insuffisances dans la mesure où George Kossi Kenkou présente un visage assez optimiste et simpliste du phénomène des prêts qui présente en réalité des problèmes comme les détournements de fonds et le non-remboursement de ces fonds prêtés par les coopérateurs en difficulté.

Approche théorique et pratique de la coopération

« L'observation faite actuellement parmi les coopérateurs presque partout c'est une tendance nette à laisser de côté la théorie et les idées pour se consacrer uniquement aux affaires. Or, c'est là une attitude erronée dès lors que chaque organisation ou institution est fondée, avant toute autre chose, sur les idées et convictions qui sont celles de ses membres. Nous devons, ainsi, voir et percevoir dans les coopératives les notions fondamentales sur lesquelles elles reposent car, c'est d'après ces idées qu'elles orientent leur activité.

La coopération en tant que système socio-économique ne repose pas sur une notion ou une théorie sociale spécifique mais sur tout un ensemble d'idées et de notions telles que la mutualité, l'union des faibles mettant en commun leurs modestes moyens pour créer une force solidaire ;le partage équitable des résultats bons ou mauvais, l'effort personnel librement consenti,l'association entre des personnes aux objectifs communs, la suprématie de l'homme sur l'argent et la non exploitation de l'homme par l'homme.

Bien des gens ont exprimé leur idée essentielle sur l'organisation coopérative par des devises comme : " chacun pour tous et Dieu pour un "

"ni charité,ni profit mais service"" l'union fait la force" , "éliminer les intermédiaires" , "services au prix coûtant", et "des entreprises dont des gens aux revenus modestes sont les maîtres". Le grand réformateur japonais Kagawa, cité par A.F. Laidlaw dans son document présenté au congrès de l'A-CI à Moscou en octobre 1980 appelait le mouvement coopératif « l'économie de la fraternité ».Mais, la notion prépondérante toujours présente dans les sociétés coopératives d'après A.F Laidlaw est la suivante :

" Un groupe de personnes, grand ou petit, engagé dans une action commune fondée sur la démocratie et l'effort propre afin de se livrer des activités économiques ou de services utiles et bénéfiques pour tous ceux qui y sont associés ". »12(*)

Notre façon d'aborder et d'interpréter l'idéologie coopérative rapprochée aux réalités du terrain doit être à la fois large et souple si nous voulons qu'elle puisse cadrer avec de très nombreuses situations sur lesquelles fonctionnent et fonctionneront les coopératives de demain. Cela étant, il nous faut une certaine concordance générale sur ses éléments essentiels et immuables. Autrement dit, quelles sont d'abord les caractéristiques sans lesquelles une organisation ne saurait être considérée comme une coopérative ? Nous pourrions par exemple admettre que la propriété et l'autorité démocratique, forment une de ces caractéristiques essentielles, malgré le manque possible de concordance sur la manière d'interpréter et d'appliquer ce principe. De même, une entreprise qui, pour attirer les investissements fait miroiter la perspective d'un enrichissement illimité ou hors de mesure n'a absolument pas droit à être appelée coopérative.

Une raison qui nous pousse à effacer toute équivoque dans notre idéologie est que certaines personnes qui se sentent imbues d'une mission, à l'instar des coopérateurs colons de jadis sont rarement disposées à s'interroger plus profondément au sujet des convictions qu'elles propagent, certaines qu'elles soient de posséder déjà la foi authentique sans besoin de chercher plus loin. Selon certains de ces adversaires, la coopération serait un système fondé sur de « fausses vertus ».

Il arrive parfois que des facteurs secondaires et extrinsèques interviennent dans le débat sur la nature véritable des coopératives. On peut dire par exemple qu'une entreprise commerciale peut très bien être une coopérative authentique mais que, si elle grandit, elle ne peut plus être considérée vraiment comme telle à partir d'une certaine taille.

Nous soulignons ici que la taille d'une entreprise n'est nullement un élément déterminant, bien que la participation active du sociétariat soit plus difficile dans une grande entreprise. Par exemple , une dizaine de pauvres chasseurs armés de manière rudimentaire et vendant leur gibier en commun peuvent très bien, on a pu constater, créer rapidement une coopérative, mais il en est de même pour six cents chasseurs possédant des armes sophistiquées et du matériel perfectionné. Chacun de ces groupes peut parfaitement constituer une coopérative authentique bien que l'une soit plus difficile et compliquée que l'autre à administrer.

Par conséquent, la taille en soi peut ne pas être l'élément décisif comme nous le développons plus loin.

Les dispositions du droit ou la structure de l'entreprise peuvent aussi parfois déformer la vraie nature d'une coopérative, qui dans son essence est beaucoup plus proche d'une association à but désintéressé que d'une entreprise. Autrement dit, bien qu'une coopérative ait un statut juridique de société ou entreprise, elle trouve sa nature véritable lorsqu'elle fait reposer son activité sur la base de la notion associationniste.

Une entreprise de type classique peut très bien exister et fonctionner depuis son siège de décision éloignée du reste, mais une coopérative n'a pas d'existence véritable loin de son sociétariat. Faisons remarquer aussi que la nature même d'une coopérative modifie un grand nombre de notions et méthodes empruntées à d'autres formes d'entreprises. Une action de société de type capitaliste et une part sociale de coopérative sont deux choses différentes. Dans une entreprise de type classique, des réserves importantes sont annonciatrices de plus-value substantielle, ce qui n'est pas le cas dans une coopérative. Il en va de même des excédents de gestion, de la concurrence, de l'intérêt versé au capital, voire de la publicité. La nature et la vocation des coopératives ont pour effet de donner à tous ces éléments un sens différent, et parfois de les éliminer complètement » (Lokombo Nkaka,1997)13(*). Cette théorie et pratique de la coopération nous a été d'un intérêt inestimable dans la mesure où elle déconstruit la coopérative comme étant un champ essentiellement économique, pour la reconstruire sous l'angle de la solidarité ; et cela cadre bien avec le sens que nous donnons au champ coopératif.

Les études sur les coopératives agricoles

Alain Sissoko (1994)14(*), menait une sérieuse étude sur les groupements à vocation coopérative. En effet, à travers cette étude, l'auteur s'est proposé d'effectuer une étude comparée des GVC (groupement à vocation coopérative) uniques et multiples dans les villages de la région d'Ayamé. De cette analyse sociologique, Alain Sissoko a mis en lumière la structure et le fonctionnement des GVC et de leur relation avec l'environnement dans deux contextes villageois différents ; et il ressort de son étude que « le modèle d'existence de plusieurs groupements dans l'espace villageois devrait être encouragé et non interdit dans la conception des décideurs,par rapport au développement du mouvement coopératif ».Sous ce rapport, il est à mentionner que l'étude menée par Alain Sissoko est d'une importance remarquable, car elle a eu le mérite de poser un problème qui est devenu récurrent dans les structures coopératives : la présence de plusieurs entreprises coopératives sur un même espace territorial, surtout dans le contexte villageois et son influence sur l'avenir de ces structures coopératives.

Cette étude de Alain Sissoko, pour son intérêt manifeste pour les programmes de développement du mouvement coopératif, ne répond toutefois en rien à notre problème de recherche à savoir le non- remboursement des prêts au sein des entités coopératives.

Le même auteur Alain Sissoko (1996)15(*) dans une autre étude sociologique portant sur la vie des structures coopératives, est parti du constat qu' « il se pose en général, au sein des organisations ayant deux décennies d'existence, et qui évoluent aujourd'hui dans un environnement difficile, des problèmes relationnels (entre les coopérateurs et leur organisation ou au niveau des responsables des coopératives) et opérationnels identiques tels que :

§ Le mauvais fonctionnement des organes.

§ Le manque de communication, de transparence et de professionnalisation dans la gestion, de confiance, de fidélité des membres "dans la livraison des produits à leur organisation et d'autonomie ;

§ La faible capitalisation et surface financière de ces structures coopératives et leur faible pouvoir de négociation avec leurs partenaires ;

§ La conception instrumentaliste des GVC chez les coopérateurs.

A la lumière de ce qui précède, il est à noter que l'auteur à travers une étude minutieuse a su mettre à nu les problèmes latents qui structurent le fonctionnement des unités coopératives. A cet effet, il a su mettre en évidence ce climat, cet environnement structurant le fonctionnement et l'existence de ces entreprises.

Toutefois, loin d'ébaucher un penchant de notre problème de recherche, l'auteur s'en est grandement éloigné.

Coulibaly N'za (1994)16(*) dans son étude sur la coopérative agricole en Côte d'Ivoire, met l'accent sur le problème organisationnel et de fonctionnement de ces structures. Pour lui, la coopérative en Côte d'Ivoire est pratiquement incapable d'assumer son rôle parce que pauvre. Elle est confrontée à de multiples difficultés en particulier financières et matérielles. Elle souffre à cause de son mauvais fonctionnement ou de son inorganisation.

Nous pouvons retenir de cette étude qu'elle a été d'une grande importance car elle a su mettre en éveil le problème organisationnel des coopératives qui est un élément catalyseur dans leur survie ou leur disparition. En ce sens, cette étude est une boussole pour les décideurs de ce secteur d'activité. Malgré cet intérêt que revêt cette étude, elle ne nous avance en rien sur le non-remboursement de prêts dans les structures coopératives.

Leon Lokombo Nkaka (1997), dans l'étude réalisée pour l'obtention de la maîtrise en Gestion et Développement des coopératives à l'Université de Sherbroke, a dressé un tableau historique de l'implantation de l'idée de coopération dans les mentalités des indigènes (africains), et comment ce modèle a évolué pour donner lieu de nos jours aux coopératives modernes.

La spécificité de cette étude, c'est qu'elle s'interroge sur l'avenir de la formule coopérative dans le contexte zaïrois. L'essai de Léon

Nkaka fut un coup de maître dans la mesure où il a su faire l'historique de l'implantation des entreprises coopératives en Afrique, comment elles ont évolué et ce qui les caractérise toutes dans le contexte africain. C'est donc une étude qui appelle à la reforme du modèle coopératif en Afrique afin de mieux dynamiser ce secteur porteur d'espoir.

En somme, la plus part des études menées sur les coopératives n'ont fait que privilégier la dimension économique ; c'est ce qui nous conduit à l'appréhender autrement c'est-à-dire sous l'angle de la solidarité.

3- Objectif général et objectifs spécifiques

· Objectif Général

Cette étude vise à appréhender les déterminants sociaux du non remboursement des prêts octroyés par la coopérative " COPHES " 

· Objectifs spécifiques

L'étude vise spécifiquement à :

§ Identifier leurs représentations à l'égard du phénomène coopératif

§ Saisir les idéologies associées aux prêts

§ Décrire et analyser les mécanismes sociaux liés aux prêts.

§ Appréhender les rapports sociaux que les membres de la cophes entretiennent entre eux.

§ Appréhender les rapports sociaux qu'ils entretiennent avec les institutions traditionnelles et modernes.

4- Hypothèse de recherche et modèle d'analyse

· Hypothèse de recherche

Le non remboursement des prêts sociaux s'explique par la perméabilité des normes institutionnelles de ladite coopérative.

· Le modèle d'analyse

Cette étude s'appuiera sur l'hypothèse suivante : le non-remboursement des prêts par les membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), est lié à la perméabilité des normes institutionnelles. Le modèle d'analyse quant à lui, consistera à l'opérationnalisation de cette hypothèse. Ainsi, s'articulera-t-il autour de la définition du concept de « perméabilité des normes institutionnelles ».

Bien avant d'opérationnaliser « la perméabilité des normes institutionnelles » il serait intéressant de définir ce que nous entendons ici par « normes institutionnelles »

En effet issue du latin norma « équerre » et, par métaphore, « règle, ligne de conduite », l'on peut appréhender les normes comme étant un précepte d'action régissant la conduite des acteurs sociaux17(*).

Les termes de normes et de normatif, qui entrent dans l'usage au XIXe siècle, ne comportent pas à l'origine de signification univoque. Ainsi, dans son vocabulaire technique et critique de la philosophie (1926), lalande distingue, à l'intérieur du normatif, deux grandes espèces, l'impératif et l'appréciatif : le premier fixe ce qu'il faut faire ou au contraire ne faut pas faire, le second spécifie ce qu'il est bien ou, à l'inverse, mal de penser et de mettre en pratique. Or la sociologie, qui s'est fortement investie dans l'étude des normes, a tendu à envisager essentiellement sous le premier angle, celui de l'impératif ou du prescriptif : la notion de norme désigne classiquement dans cette discipline les règles régissant la conduite des acteurs sociaux. A ce titre, les normes constituent des préceptes d'action pour les membres d'un groupe ou d'une organisation et même, pour les plus générales d'entre elles, d'une société.

Elles ont en ce sens une portée collective : sans acceptation de la part d'une pluralité de personnes et sans application au moins partielle de la règle qu'elle énonce. Les normes correspondent donc en général à des manières d'agir répandues dans une population donnée, mais il faut se garder de les confondre avec de simples régularités statistiques observables dans les comportements, compte tenu de leur caractère prescriptif, auquel est associée l'existence de sanctions positives ou négatives ». (François Chazel)18(*)

Sous ce rapport donc, à travers les « normes institutionnelles » nous nous référons aux règles, aux manières de faire et d'agir sues par les acteurs sociaux issus d'un champ et qui structurent son fonctionnement. Rapportant ce état de fait à notre contexte, c'est-à-dire la coopérative (cophes), ces normes institutionnelles s'appréhendent au travers du statut et règlement de la dite coopérative et l'ensemble des fonctions institutionnelles que remplit la coopérative (esprit d'appartenance au groupe...)

En ce qui concerne la perméabilité des normes institutionnelles elle peut être saisie comme étant le degré de fonctionnement d'une institution conformément aux normes qu'elle s'est prescrites. La passivité dans leur application, rend ces normes perméables.

Ici dans le contexte de la coopérative des planteurs d'hévéas de songon (cophes), la perméabilité des normes institutionnelles s'appréhende à travers l'applicabilité des normes sanctionelles régissant le fonctionnement de l'organisation.

A travers la perméabilité des normes institutionnelles, l'on entend le caractère non rigide que présentent les normes qui régissent cette institution, la souplesse qui caractérise une institution ou une organisation. Ainsi, la perméabilité des normes institutionnelles s'appréhende sous deux dimensions : la dimension structurelle et la dimension institutionnelle.

Au niveau de la dimension structurelle, elle se traduit par la non participation des membres débiteurs aux activités de la coopérative, les livraisons clandestines de leurs productions à d'autres coopératives ; en ce qui concerne la dimension institutionnelle elle se traduit par l'inapplicabilité des sanctions institutionnelles. Ces dimensions sont des indicateurs entre autres de la perméabilité des normes institutionnelles.

5-Cadre paradigmatique

L'habitus est défini par Bourdieu (1980)19(*) lui-même comme « système de dispositions durables et transposables, structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes c'est-à-dire en tant que principes générateurs et organiseurs de pratiques et de représentations ».

L'approche de Bourdieu est de nature déterministe ; c'est-à-dire que les actions des individus sont déterminées par les structures sociales (entendues comme système de relations qui lient abstraitement les individus).

En effet, comme l'a écrit Claude Dubar (2002)20(*), « chaque acteur social a une histoire, un passé qui pèsent sur ses identités d'acteurs. Il ne se définit pas seulement en fonction de ses partenaires actuels, de ses interactions face à face dans un champ déterminé de pratiques, il se définit aussi en fonction de sa trajectoire sociale. Cette expérience, ramenée à notre contexte, revient donc à dire que les membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), sont inscrits dans une logique de réactivation de leur passé ; passé chargé de pratiques sociales, d'habitus acquis au sein des institutions de sociabilité que constitue le cadre familial caractérisé par les rapports avec leurs groupes de pairs et par extension dans la société globale. Or, comme nous savons pertinemment qu'étant membre d'une famille, la société, les individus au cours de leur socialisation, intériorisent des façons de faire, de penser et d'agir.

Sous ce rapport donc, une fois que les individus subissent une mobilité de champ, alors ils intègrent inéluctablement leurs habitus dans leur nouveau champ, comme c'est le cas ici du champ coopératif dont les membres sont des produits et des acteurs sociaux.

Ainsi, la reproduction de l'habitus dans un champ dépend des propriétés structurelles et des différents types de capitaux valorisés dans ce champ.

Car, comme dans les institutions primaires tel que le cadre familial, les liens de sociabilité, de fraternité étaient à un moment de l'évolution sociétale une garantie, une assurance pour tout acteur, à ce titre, les aides de diverses formes (les demandes de prêts, l'assistance spontanée à personne en difficultés sociales...) n'étaient pas soumises à des conditions rigides. Au point où le remboursement ou non des prêts n'obéissait souvent presque pas à des contraintes dans nos sociétés traditionnelles (la solidarité mécanique avec Emile Durkheim).

C'est donc les manières de faire, d'agir et de penser, intériorisées par les acteurs sociaux que sont les coopérateurs de la cophes que ceux-ci tendent à revivifier, à maintenir en survivance dans leurs représentations liées au phénomène coopératif et au système de prêts instauré au sein de la dite association ; ainsi, ces acteurs sociaux en venant en association ; traînent avec eux leur façon de penser d'agir et de faire, épousées au cours de leur socialisation.

Cependant, étant au sein d'une organisation, les membres d'une institution ou d'une entreprise quelconque sont la plupart du temps resocialisés par l'entremise de la culture de cette entité organisationnelle, ce qui au demeurant empêche les individus d'extérioriser leur habitus sociétal et à fonctionner selon les normes régissant leur nouveau champ d'intégration. Toutefois, lorsque les normes viennent à faiblir, alors les acteurs sociaux re-inventent ou réactualisent leur passé chargé idéologiquement, qu'ils transposent au sein de leur nouveau champ d'appartenance (champ coopératif, une association, une organisation).

6- Cadre Méthodologique

1- Délimitation du champ de l'étude

Dans toute recherche caractérisée de scientifique, il est impérieux que le chercheur puisse délimiter le champ de l'étude qu'il mène, et cela est une étape de la norme méthodologique. Sociologiquement, le champ renvoie à un espace social structuré de positionnement des acteurs. Sous ce rapport, nous sommes amenés à délimiter la présente étude à trois champs à savoir :

· Le champ géographique

· Le champ social

· Le champ sociologique

Ø Champ géographique

Le village de M'Brathé est géographiquement situé au sud de la Côte d'Ivoire. Il fait partie des nombreux villages composant la sous-préfecture de songon, qui, elle (sous-préfecture) se trouve rattachée au District d'Abidjan depuis l'année 2001.

En effet, cette sous-préfecture prend sa source après la commune de Niangon pour s'étendre à plusieurs villages dont Songon-Agban ;Songon-Kassemble,Songon-Dagbe ;Adtapodoume ; Adiapoto ;Abadjin Kouté et bien d'autres comme M'Brathé. C'est donc dans cette sous-prefecture que se situe M'Brathé, village d'autochtones Ebriés ou Atchan. C'est un village de mille cinq cents âmes (1500).Les activités économiques sont essentiellement reparties entre l'agriculture et la pêche. En ce qui concerne les femmes, elles se contentent de la production de l'Attieké21(*)

Dès l'hors, le champ géographique prend un sens ici, dans la mesure où il sert de cadre physique abritant la coopérative des planteurs d'hévéa de songon "COPHES" qui est l'objet de notre étude. Néanmoins, hormis le champ géographique, il apparaît tout aussi important de faire le tour d'horizon sur le champ qui apparaît tout aussi nécessaire que le précédent.

Ø Champ social

Le champ social de ce travail prend en compte les coopératives au sein desquelles, ce problème de non-remboursement de prêts sociaux semble structurer le fonctionnement.

Toutefois, pour la réalisabilité de cette étude, nous nous sommes apésantis sur le cas de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) où ce phénomène est devenu une réalité. Ainsi, avons-nous interrogé le président de ladite coopérative et son vice président ainsi que les membres de la cophes. Le choix du président de la structure tient du fait qu'il est le premier responsable de l'organisation et aussi son statut de premier président de cette coopérative depuis sa création ont été déterminants pour nous dans la mesure où il se trouve être la personne ressource pour répondre à nos préoccupations ; le choix des membres de la cophes trouve son explication dans le fait que ce sont eux les acteurs sociaux vivant ce phénomène et le pratiquant. Les interroger, pourrait nous être d'une importance inestimable.

Ø Champ sociologique

La nature du problème que nous voulons traiter dans cette recherche impose que nous définissions clairement le champ de connaissance dans lequel nous comptons l'inscrire.

Ainsi, tenter d'appréhender « le non-remboursement des prêts octroyés par la "cophes" à ses membres, relève de la socio-Anthropologie des organisations.

En effet, nous considérons l'espace coopératif certes comme un espace associatif, mais aussi et surtout comme une organisation dans la mesure où elle obéit à une structuration de type hiérarchique, chaque membre y joue sa partition pour la survie de cette entité. C'est donc un champ dans lequel, l'action individuelle ou collective des membres est déterminante pour son fonctionnement.

Les champs d'étude étant délimités, il serait maintenant loisible de nous focaliser sur les instruments ayant servi à la collecte des données du terrain.

7- Les instruments de collecte des données

Dans sa quête de vérité scientifique, le chercheur est amené à se soumettre à diverses épreuves au nombre desquelles, il serait intéressant de mentionner la consultation documentaire, les entretiens.

1- La recherche documentaire

Les documents sont pour le chercheur en sciences sociales ce qu'est une boussole pour le voyageur ou l'aventurier. En ce sens que comme l'aventurier ou le voyageur, le chercheur en sciences sociales est amené à s'interroger sur ce sur quoi il compte mener sa recherche, comment l'orienter,comment ses contemporains l'ont abordé (car nous sommes nés dans un monde déjà vieux),sous quel angle ?

Ainsi, dans la quête d'informations en rapport avec le thème que nous traitons, sommes nous retrouvés successivement dans le centre documentaire de l'institut de recherche pour le Développement (IRD) ; la bibliothèque de l'institut d'Ethno-sociologie. Pour donc renforcer la documentation des deux centres, nous avons également eu recours à la « documentation numérique ».

Hormis, cette technique de recherche incontournable dans toutes recherches scientifiques, l'apport d'une autre technique beaucoup prisée en sciences sociales nous a été d'une nécessité indéniable ; il s'agit de l'entretien.

2- Les Entretiens

· Entretiens Exploratoires

Dans le processus menant à la recherche scientifique, le chercheur, dans le souci de mesurer la portée de son objet d'étude se trouve dans l'obligation de faire ses premiers pas sur son champ d'étude afin de juger la faisabilité ou non de son étude ; pour ce faire, nous avons eu recours aux entretiens exploratoires comme à la quête de problème de recherche. Ces entretiens exploratoires nous ont été utiles dans la mesure où ils nous ont permis de prendre contact avec le terrain afin de nous frotter à ses réalités et de nous imprégner de la vie en coopérative des membres de la "COPHES".

· Entretiens d'enquête

Ensuite, viennent les entretiens proprement dits. Ainsi, avons-nous fait usage d'un guide d'entretien élaboré en fonction de nos objectifs. Nous avons privilégié exactement l'entretien semi-directif. Celui-ci a pour but de laisser libre cours aux enquêtés de s'exprimer librement, et de relancer les questions pour comprendre en profondeur les motivations des actions, mais tout en ne perdant pas de vue les objectifs de notre recherche. Sous ce rapport donc, l'utilisation de cette technique nous a permis d'appréhender les représentations que les acteurs en question se font du champ social dans lequel ils évoluent (le champ coopératif), ainsi les idéologies associées aux prêts.

En outre, l'usage de cet excellent instrument trouve ainsi sa justification dans le fait que nous voulons donner à notre étude, une orientation essentiellement qualitative.

3- Techniques d'échantillonnage

Pour la constitution de notre échantillon nous avons fait usage de deux techniques conjointes : l'échantillonnage en « boule de neige » appelé aussi échantillonnage par « réseaux » et l'échantillonnage aléatoire. Ainsi le choix de l'échantillonnage en boule de neige ou par réseaux est obtenu sur la base d'un choix raisonné, donc de convenance. Elle consiste à choisir un noyau auquel s'ajoutent tous ceux qui sont en relation (de travail, d'affaire, d'amitié etc.) avec eux et ainsi de suite. On se fonde donc sur les réseaux d'où l'expression « par réseaux ».Ramenant ce fait à notre contexte, c'est-à-dire à la cophes, c'est par l'entremise de certains membres, (selon leur ancienneté dans ladite coopérative) que nous avons pu avoir accès aux autres (les plus anciens également) ; car, cela était d'une importance pour nous dans la mesure où la question du non-remboursement des prêts sociaux à la cophes concerne plus pour ne pas dire essentiellement cette catégorie de personnes.

En ce qui concerne l'échantillonnage aléatoire, il a consisté à considérer l'ensemble des acteurs sociaux de la cophes (c'est-à-dire tous les membres anciens comme nouveaux).Ce choix résulte du fait que nous avons voulu donner la chance à cette population d'être interrogée sans discrimination.

Dans le cadre de notre étude, il nous a été utile dans la mesure où en ce qui concerne les représentations sociales associées au phénomène coopératif et au système de prêts sociaux, mais aussi les prêts actuellement en cours auprès de la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon CMEC) concerne l'ensemble des coopérateurs

4- Techniques de traitements des données

· Le dépouillement

Selon Barthélemy Comoé Krou, le dépouillement consiste à regrouper les réponses identiques à un même caractère ou une même modalité de manifestation, afin de rendre la description, l'analyse et l'exploitation. Notre dépouillement s'est déroulé de façon manuelle. Il a consisté à recueillir les données lors de notre enquête selon leur convergence relativement à notre hypothèse de travail et nos objectifs.

En effet, après avoir rassemblé l'ensemble des entretiens, nous avons procédé à une codification de ceux-ci (par exemple :E-001 ; E-002 ;etc.)

Cette opération avait pour but de faire en sorte d'isoler chacun des entretiens pour nécessité d'analyse. Puis nous avons entamé une lecture minutieuse entretien par entretien afin d'identifier les thèmes récurrents, mettant l'accent dans chaque entretien sur les données particulière du discours de l'enquêté pouvant nous aider à la confrontation à l'hypothèse de recherche et à atteindre les objectifs visés par l'étude. Afin de garder l'anonymat des personnes citées à titre illustratif, nous avons aussi utilisé des lettres alphabétiques (Par exemple M .O.; M.R. ;M.B. ;M.Y. ;M.N. ;etc.)

Le dépouillement manuel n'a été qu'une opération préliminaire du traitement des données puisque après le dépouillement manuel nous avons procédé à une analyse du contenu des discours.

· L'analyse de contenu

L'analyse de contenu apparaît en sciences sociales et humaines comme technique de recherche primordiale et généralement beaucoup utilisé pour sa qualité.

En ce qui concerne notre mémoire, nous l'avons utilisé en ce sens qu'elle est un instrument puissant de recherche du sens latent des discours des acteurs inscrits dans le champ social.

Ainsi, nous permettra-t-elle selon Aktouf Oumar, de « dégager le contenu non directement perceptible, le latent qui se cache derrière le manifeste ou le littéraire ».Cette technique nous a permis de mettre en évidence les représentations que les acteurs, c'est-à-dire les membres de la coopérative

" COPHES " associent au phénomène coopératif ; et dans une large mesure au système de prêts sociaux instauré. Pour ce faire, en vue d'atteindre nos objectifs, nous avons procédé à une lecture sélective et orientée des discours des acteurs, ce faisant c'est l'analyse thématique que nous avons choisie. Ainsi, s'agit-il pour nous d'identifier dans les entretiens, les différents thèmes récurrents et pertinents qui feront objet d'analyse. Ce choix ce justifie par le fait que l'analyse de contenu thématique permet de ressortir les unités de sens autour desquelles se structurent les discours des acteurs sociaux.

8- Les conditions sociales de déroulement de l'enquête

Les relations d'enquête entre l'enquêteur ou le chercheur et son terrain, aux interviewés est une étape charnière dans le processus de la recherche scientifique. Ainsi, dans sa quête d'informations, le chercheur est forcement soumis aux réalités de son terrain qui déterminent le plus souvent la faisabilité ou non de son étude. Mais face à cette situation, il appartient au chercheur de faire preuve de la maîtrise de l'environnement de l'enquête tout en mettant à l'épreuve sa compétence, et c'est tout cela qui donne un sens à la recherche scientifique.

En ce qui concerne notre travail, nous avons été également confrontés à nombre de difficultés .D'abord, nous avons été mis à l'épreuve face à la réticence de certains enquêtés qui ont refusé de se soumettre à notre interrogatoire, malgré le fait que nous nous soyons évertués à leur expliquer le bien fondé de cette recherche.

Ensuite, l'indisponibilité permanente des coopérateurs a constitué en quelque sorte une autre dimension des difficultés de l'enquête. Pour remédier à cette situation, qui tendait à freiner l'évolution de notre enquête, nous avons été amenés à prendre rendez-vous avec eux à l'heure qu'ils trouvaient raisonnable. Et cette situation a fortement eu un impact sur la durée de notre enquête qui s'est effectuée en deux semaines et demi.

Sous ce rapport, nous avons eu à interroger au total une trentaine de membres (30) répartis comme suit :

· 15 membres selon leur ancienneté au sein de la coopérative.

· 15 autres membres en fonction de leur récente adhésion à la coopérative.

Cette classification s'est faite sans toutefois prendre en compte le president de la coopérative et son vice-président que nous avons également interrogés.

* 2 Georges Kossi Kenkou,solidarité sociale traditionnelle et promotion des structures coopératives en milieu rural africains, la cas du Togo et du Burkina Faso,1994.

* 3 Roch Yao Gnabely , les dépenses funéraires dans les entreprises ivoiriennes : logique sociale et enjeux économique,thèse de troisième cycle de doctorat de sociologie, Université d'Abidjan Cocody, 1998.

* 4 Durkheim E, 1893,De la Division du travail social, PUF-Quatriage,Paris,1991

* 5 Extrait du statut et règlement intérieur de la cophes

* 6 L'impact de la solidarité et des funérailles sur l'entreprise moderne : Logique sociale et logique économique, Mémoire de DEA sociologie, Université de Cocody, 1992.

* 7 Gnabeli Roch Yao, les dépenses funéraires dans les entreprises ivoiriennes : Logiques sociales et enjeux économiques, thèse de doctorat troisième cycle, Université de Cocody-Abidjan, 1998

* 8 Gagnon Gabriel, " Nouvelles formes de solidarité" : Le monde du travail, document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay,1992

* 9 Bazin, Laurent ;Gnabeli Yao Roch, Les dépenses sociales et le rapport salarial dans les entreprises ivoiriennes, rapport d'enquête, IRD,1996

* 10 Saar Fatou, Etude des pratiques de solidarité des Entrepreneures issues du secteur informel au Sénégal, thèse de Doctorat présentée à la faculté des études supérieures de l'Université Laval,1997.

* 11 Kossi Kenkou, Georges, Solidarité sociale traditionnelle et promotion des structures coopératives en milieu rural africain, l'exemple du Togo et du Burkina Faso,1994

* 12 A.F.Laidlaw, les coopératives en l'an 2000, ACI,1980,p29

* 13 Lokombo Nkaka Léon, La formule coopérative a-t-elle un avenir au Zaïre ? Essai présenté pour l'obtention de la maîtrise en gestion et developpement des coopératives à l'université de Sherbrooke,1997

* 14 Sissoko Alain, « Modèle d'organisation et de fonctionnement de G.V.C adapté à l'environnement soco-économique dans la zone de forêt en côte -d'ivoire »Travaux et documents, IRD,1996

* 15 Ibidem, sociologie des groupements à vocation coopérative dans la zone d'Ayamé (côte-d'ivoire), documents et travaux,Centre d'Etude d'Afrique Noire,Bordeaux,1994

* 16 Inza, Coulibaly, La coopérative agricole en Côte-d'Ivoire ; problèmes et perspectives ;Etude à partir de deux cas : - La SCAGBO à Agboville, ; - VLASSIE à Bonoua, Mémoire de Maîtrise de sociologie, Université d'Abidjan- Cocody,1993-1994

* 17 Extrait du dictionnaire de sociologie, le robert/ Seuil,Paris,2000

* 18 François Chazel, in dictionnaire de sociologie, le robert/ Seuil,2000,p367

* 19 Bourdieu,Pierre,le sens pratique, édition de Minuit, Paris,1980

* 20 Claude Dubar, la socialisation, Armand Colin, Paris,2000

* 21 Ce terme est utilisé pour qualifier une des nourritures ivoiriennes conçues à base de semoule de manioc

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