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Solidarité et Logiques sociales du non-remboursement des prêts sociaux à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes)

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par Sédji Donald AKRE
Université de Cocody-Abidjan - Maitrise de Sociologie 2007
  

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CHAPITRE I

LES PRETS COMME SOURCE DE MAINTIEN DES ADHERENTS DANS LA COOPERATIVE.

La cophes comme toute organisation soucieuse du bien- être de ses membres, a instauré un système de prêts sociaux aux coopérateurs en difficultés sociales (évènements malheureux, évènements heureux ou autres besoins...) Cet acte s'inscrit dans une sorte de politique sociale de ladite coopérative. Quant aux coopérateurs, les premiers bénéficiaires, le sens qu'ils donnent à cette action est aux antipodes de la visée de la logique coopérative.

Lors de nos enquêtes, quand nous avons cherché à savoir le sens ou la représentation que ces acteurs sociaux donnent à l'instauration des prêts au sein de la structure coopérative, nous leur avons posé la question de savoir : « le fait que la cophes ait instauré un système d'entraide à ses membres en difficultés sociales, qu'est-ce qu'ils en pensent ? ». Nos enquêtés dans leur majorité ont révélé que ce fait est une chose à encourager et à pérenniser.

Cette dimension de leur avis, n'est pas alarmante et ne suscite pas des interrogations dans la mesure où tout acteur social quel qu'il soit, quelque soit son statut social, ses responsabilités sociales, ne peut qu'encourager une action menée en sa faveur. C'est donc de la façon la plus simple qu'ils ont répondu à cette question.

Ainsi, quant à la question de savoir, « Quelle serait leur réaction si les prêts n'avaient pas été instaurés au sein de la coopérative », les membres de la cophes (les personnes interrogées bien entendu), ont marqué leur désapprobation.

Et ils se font plus clairs à travers ces propos « vraiment, si on faisait pas de prêts, ce serait réellement difficile pour nous ! Car, en réalité, les prêts sont quand même importants pour attirer et maintenir les gens dans la coopérative ». A la lumière donc de ces propos qui en eux-mêmes revêtent un intérêt sociologique, la représentation ou le sens que les membres de la cophes donnent à ces actions sociales (prêts), signifie que leur adhésion, leur attachement à leur entreprise ne peut pas être seulement lu sous l'angle de la fidélité aux idéaux du champ coopératif, mais aussi et surtout sous l'angle des individus qui structurent leur rapport à la coopérative en référence à un besoin, une utilité, incarnée par les prêts en cours au sein de leur structure.

Ainsi, vouloir construire leur survie dans la coopérative en rapport à la politique sociale que leur offre la cophes, voudrait-il dire que ces acteurs sociaux (les membres de la cophes), venant dans la coopérative, étaient dans une logique de recomposition du lien social, du manque social en dehors du corps social et symbolisé par la structure familiale.

Sous ce rapport donc, la logique d'adhésion aux coopératives est une logique intéressée où les membres sont engagés dans une lutte symbolique qui leur fournirait l'essentiel de ce qu'ils pourraient avoir de la structure et non dans une lutte pour apporter quelque chose à la coopérative en tant que tel.

Au travers donc du discours de ces entités sociales, l'on perçoit inéluctablement l'intérêt que ces derniers accorderaient à leur structure s'il arrivait que tous ces avantages octroyés par la coopérative à ses adhérents venaient à s'estomper. Il est clair qu'un tel schéma contribuerait à n'en point douter au rétrécissement de l'effectif de la coopérative.

L'intérêt sociologique de ces discours nous permet de lire la représentation que les coopérateurs ont du système de prêt en vigueur dans leur structure sous un autre angle.

C'est que, pour les membres de la cophes, octroyer les fonds aux coopérateurs en difficultés sociales est loin d'être une nécessité mais une obligation. Car, disent-ils plus loin, à notre question de savoir si cela apparaît comme une obligation pour une coopérative que d'octroyer des prêts à ses membres ou si cela relève-t-il de la volonté du libre choix des coopératives, la majorité de nos interlocuteurs nous ont révélé que cela relève plutôt d'une obligation. Et leurs propos sont révélateurs en la matière : «  c'est même un devoir pour une coopérative que de donner des prêts à ses membres ; parce que lorsqu'on est dans une association l'on doit prévoir les cas de difficultés des membres ».

Le fait que les coopérateurs appréhendent les prêts comme un devoir pour la coopérative, revient donc à dire que ces acteurs mettent la solidarité d'ordre structurel (symbolisé par les prêts) dans l'essence même et le fondement d'une coopérative. Or, la pratique de la solidarité ne se lit pas seulement que sous cet aspect ; Car, en réalité parler de solidarité revient à l'appréhender non pas comme quelque chose de perceptible empiriquement seulement, mais aussi et surtout sous l'angle symbolique et idéologique bien évidemment.

CHAPITRE II

LES PRETS COMME SUBSTITUTION A LA SOLIDARITE FAMILIALE

II-1- Comparaison des prêts octroyés au rôle de la structure familiale.

La famille représente un microcosme social où se réalise la socialisation des enfants, travailleurs et citoyens de demain (Dedy Seri F. 1995 :13)24(*). C'est dire que la socialisation en tant que processus social par lequel et grâce auquel les aînés sociaux transmettent symboliquement et idéologiquement des valeurs, des normes, des façons de se conduire en société dans une visée de pérennisation de la société, dans un souci également de reproduction sociale.

Car comme le disait Seydou Badian, « l'enfant naît dans une famille, et c'est dans cette famille qu'il grandit, qu'il apprend à être un être social, sociable et un être utile à la société ». Tous ces exemples pour montrer l'extrême importance de la socialisation dans le processus de formation du citoyen, de l'enfant et voire de l'aîné social. Sous ce rapport donc, l'homme malgré son statut social, ses rôles sociaux, lorsqu'il agit ou lorsqu'il parle, prend appui ou référence dans sa famille comme ce lien fort duquel il ne pourrait se défaire résolument.

Ce constat, rapporté à notre contexte, c'est-à-dire à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) en dit long. Car, la représentation que les agents (c'est-à-dire les coopérateurs) ont des prêts octroyés au sein de leur structure coopérative est d'une clairvoyance sociologique pour ne pas dire un intérêt sociologique. Ainsi, à la question de savoir le sens qu'ils accordent aux prêts instaurés par la coopérative, nos enquêtes révèlent pertinemment que les enquêtés, c'est-à-dire les membres de la cophes parlent de ces prêts en référence à leur structure familiale.

Et c'est à juste titre que les propos suivants sont révélateurs d'une réelle sémantique ; M.B : «  Les prêts qu'on donne au sein de la cophes sont comparables à la solidarité familiale ».Fort de ce constat, il y a lieu de dire qu'en toute circonstance de lieux, l'africain en général et le paysan vivant surtout en milieu rural fait forcement référence à son cercle familial, à ce lien familial, cette solidarité familiale qui a caractérisé le continent africain à l'époque traditionnelle.

A l'analyse donc de ces propos, il ressort que la réalité familiale, ses normes, ses vertus sont solidement intériorisées par ces acteurs sociaux que constituent les coopérateurs de la cophes puisque étant eux-mêmes les produits de cette socialisation, les héritiers de cette socialisation .

C'est pourquoi, chez ces agents sociaux, évoquer la question des prêts, c'est faire directement allusion à l'enveloppe familiale qui n'est ni plus ni moins qu'une manière de revivifier ou de maintenir en survivance ce qui fait la particularité de l'Afrique : la solidarité sous toutes ces formes (structurelles, idéologiques ou symbolique).

Car, en société coutumière, la vie en communauté équivaut à un constant « rendez-vous du donner et du recevoir », plus puissante que toute loi écrite, la solidarité enveloppe d'emblée chaque vie personnelle, donnant à celle-ci un lien où elle s'élabore et se saisit comme immédiate coexistence avec autrui dans une même communauté .Une telle solidarité demeure le bien le plus précieux tant que la dépendance mutuelle des personnes ne se résout pas en contraintes plus ou moins ressenties (Pairault ;1973 :152)25(*).

1- Vers la mise à « nue » de l'effritement du lien familial

La solidarité traditionnelle se présentait comme une discipline en dehors de laquelle la vie n'a plus de sens (n'ayant plus de corps).Si d'aventure, un contingent d'individus est amené à connaître d'autres disciplines, à pressentir que celles-ci mettent en cause un mode de vie établi, à compter plus ou moins magiquement sur elles pour d'heureuses métamorphoses, l'équilibre jusque-là maintenu risque de se révéler fragile. Fort en climat d'autosubsistance (au sens le plus général du terme), l'esprit communautaire d'autrefois enveloppait efficacement l'autonomie individuelle ; là où cette autonomie, devenant critique, tend à rompre l'enveloppe, l'autorité du vieux système social commence à être compromise. (Pairault, 1973 :153).

Cet état des lieux relaté de façon sommaire, achève de nous convaincre de la solidarité que constitue le lien de solidarité familiale en milieu traditionnel africain.

Contrairement à cette vision de la solidarité optimiste, sécurisant l'individu ou le collectif social, s'oppose un nouvel ordre social qui est aux antipodes de la première catégorie. Car, en réalité, la solidarité sociale ou familiale dont étaient dotées les sociétés traditionnelles, s'est au fil des années estompée voire sur la voie de l'effritement. Et, c'est même ce que traduisent ici les propos des membres de la cophes : «  les prêts que la coopérative nous donne, c'est une très bonne chose. Tu sais, de nos jours, qui est prêt à aider ? Même la famille n'aide plus comme avant »A la lecture de ces assertions véhiculées par les coopérateurs de la cophes, l'on peut retenir en substance et sociologiquement que ces acteurs sociaux, ayant conscience de la faiblesse du lien social dans nos sociétés modernes, et de nos sociétés rurales non urbanisées, sont en fait en quête des espaces qui tendraient à reproduire cet habitus qu'ils ont maintenant intériorisé au cours de leur socialisation. En clair, les membres de la cophes, en trouvant un intérêt grandissant aux prêts octroyés par la coopérative, perçoivent celle-ci comme étant le cadre par excellence de recomposition de ces liens ; c'est donc leur volonté de reconstruire cette réalité dans ce champ coopératif. Ainsi, à travers les prêts en cours au sein de l'entreprise, ces acteurs sociaux sont en quelque sorte dans une logique de reconstruction de ce passé qui caractérisait les sociétés traditionnelles (la solidarité, l'efficacité symbolique, idéologique et structurelle du lien social). A ce titre, ce n'est donc pas de façon péremptoire ou innocente qu'ils ne voient plus en la structure familiale, le cadre, l'espace indiqué pour maintenir en survivance ces actes de sociabilité. Cela traduit le fait que les membres de la cophes en tant qu'acteurs sociaux sont inscrits dans une logique de dépossession au système familial de cette fonction qu'il remplissait autrefois, pour l'attribuer à l'espace coopératif. En effet, le dépérissement des liens de sociabilité familiale peut s'expliquer aussi par la nucléarisation de cette entité sociale. S'imposant comme « la mère de la société » ; puisque la société en est sa fille. Aussi, en se fondant sur des études désormais classiques en anthropologie politique, économique et sociale (Bouthillier, M. Augé, C. Meillassoux, H. Mémel FÖTË) et en tenant compte des conclusions d'autres recherches plus récentes portant sur les dynamiques familiales en Côte d'Ivoire, on peut affirmer que l'économie de marché est l'une des principales causes de perturbation familiale. Il faut rappeler ici, qu'autrefois, le lignage, unité de production, était en même temps une entité de consommation, cette caractéristique en grandissait la cohésion et la solidarité ; or l'économie de marché a introduit une nouvelle conception de la propriété ; autrefois, bien collectif et inaliénable parce que sacré, la terre se transforme aujourd'hui en un bien individuel et acquiert un statut de marchandise ; ce faisant, elle devient une pomme de discorde tant entre les membres d'un lignage qu'entre des communautés villageoises toutes entières. (Dedy, Seri, Tapé Goze, 1995 :62).

* 24 DEDY Seri,Tapé Gozé, Famille et éducation en Côte d'Ivoire,EDUCI,1995

* 25 Pairault, « Les changements d'aujourd'hui au sud du Sahara » in Annales de l'Université de cocody,Ethno-sociologie, tome 5,1973

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille