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De la representation du français et du créole dans le cinéma haïtien: le cas du film "Barikad"

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par Schwarz Coulange Méroné
Université d'Etat D'Haiti - Licence 2008
  

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1.2.2- Evolution et utilisation du créole en Haïti

Il est difficile de préciser à quelle date le créole a entièrement remplacé les langues aborigènes. Peut-être est-ce à la disparition totale de ces derniers. Ce qui est certain c'est que le créole était à la fois sous la forme orale et sous la forme écrite17(*) du temps de la colonisation française.

Pour ce qui est de la forme écrite, Jeannot HILAIRE signale que : « Le premier document créole écrit de l'époque coloniale française en Haïti est un poème en vers, de 1757, Lisette. On le doit à Duvivier de la Mahotière».18(*) Cependant, pour Sauveur Pierre ETIENNE, le premier texte écrit en créole remonte à bien plus longtemps. Selon ETIENNE, le PETIT CATHECHISME du père Raymond BRETON19(*), rédigé en 1664, serait le premier document écrit du créole.

Quoi qu'il en soit, l'histoire écrite du créole a précédé l'indépendance d'Haïti. D'ailleurs, Jeannot HILAIRE fait remarquer qu'il existe d'autres textes écrits en créole durant la période coloniale. De ceux-ci, il souligne, « [...] le poème Evahim ak Aza rapporté par Descoutilz, 1709 [...]»20(*) Celui-ci était en fait un dialogue entre deux esclaves de l'habitation Pèlerin, du coté des Cayes, qui était popularisé en chanson à Saint-Domingue durant la deuxième moitié du XVIIIème siècle. 

Au niveau politique, en dépit du fait que le français était la langue de l'administration à Saint-Domingue, les auteurs retrouvent des textes officiels écrits en créole. Selon Sauveur Pierre ETIENNE21(*), le 5 mai et le 2 juillet 1793, les commissaires français de Saint-Domingue SONTHONAX et POLVEREL ont émis des proclamations en langue créole. Pauris JEAN-BAPTISTE pour sa part, affirme que le 26 mai 1793, SONTHONAX et POLVEREL ont publié dans le Moniteur de la partie française de Saint-Domingue22(*) une proclamation en langue créole23(*). Aussi, la proclamation de la liberté générale des esclaves du 29 août 1793 était, elle aussi, rédigée en créole.24(*) Toujours selon Pauris JEAN-BAPTISTE, en 1802, Napoléon Bonaparte a signé un communiqué écrit en français et en créole qu'il a envoyé au peuple Saint-Dominguois par l'entremise du général LECLERC.

Il ne fait donc aucun doute qu'en 1804 le créole a déjà connu une histoire orale et écrite. Cependant, à l'indépendance, les nouveaux gouvernants l'ont pratiquement écarté de la sphère officielle25(*). Depuis, les élites politiques, économiques et intellectuelles du pays l'ont jeté aux oubliettes. Toutefois, « Le créole était à l'ordre du jour dans les préoccupations, de certains politiciens pragmatiques dans les années qui suivirent la proclamation de l'indépendance », affirme Jeannot HILAIRE26(*). Selon cet auteur, des initiatives de codifications auraient même été prises.

Gérin, dans la République de l'ouest, aurait réalisé une grammaire créole dont on ne trouve aucune trace. Cette idée aurait également fait du chemin dans le Royaume du Nord, mais là encore il ne reste aucun élément de preuve, écrit Jeannot HILAIRE27(*).

Au niveau juridique, jusqu'à une date récente, le créole n'a jamais été pris en considération non plus. En effet, de 1805 à 1957, toutes les constitutions haïtiennes faisaient silence sur le statut du créole. La constitution de 1957 est la première à accorder une place au créole dans l'administration publique. En effet, dans son article 35 elle proclame :

Le français est la langue officielle de la République. Son emploi est obligatoire dans les services publics. Néanmoins, la loi détermine les cas et les conditions dans lesquels l'usage du créole est permis et même recommandé pour la sauvegarde des intérêts matériels et moraux des citoyens qui ne connaissent pas suffisamment la langue française.28(*)

La constitution de 1964 a repris ce même article. C'était une forme de progrès pour le créole car, en vertu de cet article « certains parlementaires ont requis le droit de s'exprimer en langue vernaculaire au sein de la chambre des députés.»29(*)

La constitution du 27 août 1983 a, quant à elle, reconnu le statut de langue nationale au créole. Dans son article 62, elle proclame: «Les langues nationales sont le français et le créole. Le français tient lieu de langue officielle de la République d'Haïti.»30(*) Enfin, la constitution du 29 mars 1987, celle actuellement en vigueur, reconnaît au créole le statut de langue officielle. Son article 5 proclame: « Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune, le créole. Le créole et le français sont les langues officielles de la République.»31(*)

Ce nouveau statut du créole n'est pas sans conséquence dans le paysage linguistique haïtien. Selon André Vilaire CHERY, il se traduit par une nette présence du créole dans les medias, en particulier à la radio et à la télévision ; et aussi par le fait que le créole « occupe une place privilégiée au Parlement et sert d'outil de communication au même titre que le français dans les circonstances les plus protocolaires de la vie politique. »32(*)

Toujours au sujet de l'avancée que connaît le créole dans la société après son officialisation, Collette LESPINASSE explique que fort des événements ayant conduit à la chute des Duvalier du pouvoir, le créole s'est imposé dans les médias, dans milieux officiels et poursuit sa progression « pour briser les derniers carcans qui entravent encore son épanouissement.»33(*) Jean-Pierre ARSAYE est allé encore plus loin en déclarant : « lorsque l'on considère la place occupée par le créole dans ce pays, par rapport au français, on peut affirmer qu'Haïti n'est plus en situation diglossique »34(*)

En effet, aujourd'hui, le créole est bien présent dans les administrations (sous forme orale en tout cas car, à l'écrit presque tout se fait en français), dans les milieux officiels. A titre d'exemple, le discours d'investiture du Président René Préval le 14 mai 2006, a été prononcé totalement en créole. Il reste toutefois au créole du chemin à parcourir car « les codes juridiques, les lois publiées par le Moniteur et les tribunaux continuent à n'utiliser que le français. »35(*)

* 17 La forme écrite était calquée sur la graphie de la langue française.

* 18 Jeannot HILAIRE, L'édifice créole en Haïti, Fribourg (Suisse), Edikreyòl Tome III, 2002, p. 404

* 19 S. P. ETIENNE, op. cit. p. 39

* 20 J. HILAIRE, op. cit. p. 405

* 21 S. P. ETIENNE, op. cit. p. 40

* 22 Le titre du journal officiel de Saint-Domingue

* 23 Pauris JEAN-BAPTISTE, «spécial créole haïtien », dans INSTITUT FRANÇAIS D'HAITI, Conjonction, nos 161 - 162, mars- juin 1984, p. 18

* 24 P. JEAN-BAPTISTE, idem

* 25 Certains auteurs rapportent que le premier janvier 1804 Dessalines a fait une allocution au peuple en créole. Voir S. P. ETIENNE, op. cit. p. 41

Le 20 mai 1805, lors de la proclamation de la Constitution impérial, Dessalines aurait prononcé un discours en créole. Aussi retrouve-t-on le texte d'un discours prononcé en créole par le président Salomon le premier mai 1889. Voir Christophe Philippe CHARLES, Pawòl kreyòl. Literati kreyòl an Ayiti 1750-2000/La littérature haïtienne d'expression créole 1750-2000. Histoire et anthologie, P-au-P, Ed. Choucoune, 2000, p. 281

* 26J. HILAIRE, op. cit. p. 415

* 27J. HILAIRE, idem

* 28P. JEAN-BAPTISTE, op.cit., p. 19

* 29 M. T. ARCHER, op .cit. 1987, p. 80

* 30 P. JEAN-BAPTISTE dans INSTITUT FRANÇAIS D'HAITI, op. cit. p. 21

* 31 CENTRE OECUMENIQUE DES DROITS DE L'HOMME, Constitution de la République d'Haïti 1987/ Konstitisyon Repiblik Ayiti 1987, article 5, P-au-P, Deschamps, 1997, p. 4

* 32 A. V. CHERY, op. cit., Tome I, p. 96

* 33 Collette LESPINASSE, Communication en Haïti en 1994 : Réalités, contraintes et perspectives, UNICEF, 1994, p. 33

* 34 Jean-Pierre ARSAYE, Français-Créole/Créole-Français. De la traduction. Ethique. Problèmes. Enjeux, Paris, Presses universitaires créole (GEREC-F), l'Harmattan, 2004, p. 161

* 35 Jean-Claude BAJEUX, Mosochwazi pawòl ki ekri an kreyòl Ayisyen/Anthologie de la littérature créole haïtienne, P-au-P. Ed, Antilla, 1999, p. xii

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery